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16/05/2024 | LUXEMBOURG | N°81/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 mai 2024, 81/24


N° 81 / 2024 du 16.05.2024 Numéro CAS-2023-00124 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie

et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au ...

N° 81 / 2024 du 16.05.2024 Numéro CAS-2023-00124 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée E2M, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Max MAILLIET, avocat à la Cour, e t PERSONNE1.), demeurant à E-ADRESSE2.), défendeur en cassation.

Vu les arrêts attaqués numéro 83/23 IV - COM, rendu le 25 avril 2023, et numéro 128/23 IV - COM, rendu le 20 juin 2023, sous le numéro CAL-2022-00360 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 juillet 2023 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.), déposé le 13 juillet 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon les arrêts attaqués, les parties avaient conclu un contrat de services à prester par le défendeur en cassation contre paiement, par la demanderesse en cassation, d’honoraires et de frais exposés (ci-après « le contrat »).

Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, après avoir constaté que la résiliation anticipative du contrat par la demanderesse en cassation était fautive, en l’absence d’une mise en demeure, avait dit que le préjudice subi à ce titre par le défendeur en cassation se limitait à la période s’étendant du jour de la résiliation fautive du contrat à la fin du mois de novembre 2015 et avait constaté qu’il n’avait pas subi de préjudice pour la période postérieure.

Le Tribunal avait condamné la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation des dommages et intérêts, ainsi que les honoraires facturés avant la résiliation du contrat. Il avait dit non fondée la demande reconventionnelle en indemnisation formulée par la demanderesse en cassation contre le défendeur en cassation sur base d’une clause de non-concurrence stipulée dans un accord d’investissement conclu entre celui-ci et des sociétés tierces, au motif que la demanderesse en cassation n’avait pas été partie à cet accord.

La Cour d’appel, par réformation, a dit non fondée la demande en paiement des honoraires du défendeur en cassation et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de Procédure civile ;

en ce que l’arrêt attaqué a débouté la demanderesse en cassation de sa demande reconventionnelle, respectivement a jugé qu’il n’y avait pas lieu à annulation du jugement de première instance ; alors qu’il n’est aucunement contesté par la Cour d’appel, que le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg n’a pas invité les parties à présenter leurs observations dans le cadre de la demande reconventionnelle et a retenu que SOCIETE1.) n’était pas partie au contrat invoqué 2 pour fonder sa demande reconventionnelle, ce alors même que cet argument n’a pas été soulevé par la défenderesse en cassation respectivement demanderesse en première instance, ce en violation de l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel, respectivement le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg a violé l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de Procédure Civile. ».

Réponse de la Cour Il ressort de l’arrêt attaqué que la demanderesse en cassation avait basé sa demande en obtention de dommages et intérêts sur la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 de l’accord d’investissement.

Les juges d’appel, après avoir constaté « Les juges de première instance ont cité l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties (…) une pénalité (…). Ils ont constaté que SOCIETE1.), qui n’était pas partie à l’Accord d’Investissement, n’était pas bénéficiaire de ladite clause », ont pu, sans violer la disposition visée au moyen, retenir « Pour constater que la clause ne pouvait pas être invoquée par SOCIETE1.) étant donné qu’elle n’était pas partie à l’Accord d’investissement, le tribunal n’avait pas à inviter les parties à conclure spécialement, étant donné qu’il ne faisait que contrôler les conditions d’application de la clause. Il n’y a dès lors pas lieu à annulation du jugement sur ce point. ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l'article 249 lus en combinaison avec l'article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que la violation de l'article 6 § l de la Convention européenne des Droits de l'homme, du défaut de réponse à conclusion constituant également un défaut de motivation.

en ce que l’arrêt attaqué a débouté la demanderesse en cassation de sa demande reconventionnelle, respectivement a jugé qu’il n’y avait pas lieu à annulation du jugement de première instance ;

alors qu’il n’est pas contesté par la Cour d’appel que les juges de première instance ont cité l’article 11.2 de l’Accord d’investissement sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations , respectivement n’ont pas respecté le principe du contradictoire ;

3 que pour autant, la Cour d’appel y est passée outre et a malgré cela retenu que SOCIETE1.) n’était pas partie au contrat invoqué pour fonder sa demande reconventionnelle, ce alors même que cet argument n’a pas été soulevé par la demanderesse de première instance, ce en violation de l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que, plus encore, tout en admettant que le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg n’a pas invité les parties à présenter leurs observations dans le cadre de la demande reconventionnelle, la Cour d’appel justifie nénamoins cette violation manifeste de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile des juges de premières instances par l’exécution de leur obligation de contrôle des conditions d’application des règles invoquées, quod non ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel de Luxembourg s’est manifestement contredite dans la motivation, ce qui constitue, suivant une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, un défaut de motivation, des motivations contraires s’annulant sinon subsidiairement une insuffisance de motivation. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de s’être contredits dans leur motivation.

Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

En retenant, d’une part, « Les juges de première instance ont cité l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties, proportionnellement à leur participation au capital de la Société, une pénalité de 500.000 euros.

Ils ont constaté que SOCIETE1.), qui n’était pas partie à l’Accord d’Investissement, n’était pas bénéficiaire de ladite clause. », et, d’autre part, « L’article 65 alinéa 3 oblige les juges de contrôler les conditions d’application des règles invoquées, même en l’absence de critiques spécifiques et sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard (cf. Cass. 6 novembre 2014, Pas,37, p.136).

Pour constater que la clause ne pouvait pas être invoquée par SOCIETE1.) étant donné qu’elle n’était pas partie à l’Accord d’investissement, le tribunal n’avait 4 pas à inviter les parties à conclure spécialement, étant donné qu’il ne faisait que contrôler les conditions d’application de la clause.

Il n’y a dès lors pas lieu à annulation du jugement sur ce point. », les juges d’appel ne se sont pas prononcés dans les termes énoncés au moyen et ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 61 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

en ce que l’arrêt attaqué a condamné la demanderesse en cassation à payer la somme de 60.000,- EUR à titre de prétendus dommages et intérêts du fait d’une prétendue résiliation fautive du contrat avec les intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et jusqu’à solde ;

alors que, la Cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision et n’a pas tiré les conséquences légales ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a statué par défaut de base légale. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation invoque le défaut de base légale.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

La disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution ;

en ce que l’arrêt attaqué a condamné la demanderesse en cassation à payer la somme de 60.000,- EUR à titre de prétendus dommages et intérêts du fait d’une 5 prétendue résiliation fautive du contrat avec les intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et jusqu’à solde ;

alors que la Cour d’appel tout en condamnant la demanderesse en cassation à indemniser la défenderesse en cassation au titre de prétendus dommages et intérêts résultant d’une prétendue résiliation fautive sans motiver tant la réalité du dommage de la partie demanderesse en cassation que son quantum ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 89 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de s’être contredits.

En retenant que le défendeur en cassation avait subi un préjudice résultant de la perte de revenus pour la période de mai à novembre 2015 et que la preuve d’un préjudice pour la période postérieure n’était pas établie, les juges d’appel ne se sont pas contredits, les deux préjudices étant indépendants l’un de l’autre.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution ;

en ce que l’arrêt attaqué a nié toute indemnisation dans le chef de la demanderesse en cassation du chef de la violation de la clause de non concurrence prévue à l’article 11 de l’accord d’investissement ;

alors que la Cour d’appel, en rejetant toute indemnisation, s’est contredite dans sa motivation en retenant que la demanderesse était susceptible de subir un préjudice du fait de la violation de la clause de non concurrence tout en retenant qu’elle ne figurait pas parmi les bénéficiaires de ladite clause ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 89 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour Les juges d’appel, après avoir reproduit les dispositions des articles 11.1 et 11.2 de l’accord d’investissement régissant la clause de non concurrence, en ont déduit que la pénalité stipulée à l’article 11.2 était prévue au bénéfice des seules parties à cet accord, à l’exclusion de la demanderesse en cassation.

C’est par une motivation exempte de contradiction qu’ils ont retenu que « même si l’article 11.1. indique qu’une méconnaissance des obligations de non-

6 concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société, celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2. ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil ;

en ce que l’arrêt attaqué a nié toute indemnisation dans le chef de la demanderesse en cassation du chef de la violation de la clause de non concurrence prévue à l’article 11 de l’accord d’investissement ;

alors que la Cour d’appel a violé la clause de non concurrence en retenant que la demanderesse en cassation n’était pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2 ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’accord d’investissement respectivement la clause de non concurrence prévue à l’article 11 de l’accord d’investissement, qui fait loi entre parties et, partant, elle a violé l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. ».

Réponse de la Cour En retenant « la pénalité de l’article 11.2. est prévue au bénéfice des seules parties à l’Accord d’investissement et non de la Société elle-même.(…) Ainsi, même si l’article 11.1. indique qu’une méconnaissance des obligations de non-concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société, celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2. », les juges d’appel n’ont fait qu’appliquer, hors toute dénaturation, les termes clairs de l’accord d’investissement qui ne nécessitaient aucune interprétation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

7 en ce que l’arrêt attaqué a nié toute indemnisation dans le chef de la demanderesse en cassation du chef de la violation de la clause de non concurrence ;

alors que la Cour d’appel a a méconnu les termes clairs et précis de la clause de non concurrence en retenant que la demanderesse en cassation n’était pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2 ;

qu’en statuant de la sorte, le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg a violé l’article 65 du Nouveau Code de Procédure Civile. ».

Réponse de la Cour Le grief tiré de la dénaturation des termes de l’accord d’investissement est étranger au cas d’ouverture de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile qui a trait au principe de la contradiction s’imposant au juge.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 61 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

en ce que l’arrêt attaqué a déclaré non fondée la demande reconventionnelle de la demanderesse en cassation et l’a condamnée à payer la somme de 60.000,-

EUR à titre de prétendus dommages et intérêts du fait d’une prétendue résiliation fautive du contrat avec les intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et jusqu’à solde ;

alors que, la Cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision en fait en effectuant une interprétation erronée de la décision n°109-U04/22 rendue le 2 novembre 2022 par le Tribunal des marques de l’Union européenne ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a statué par défaut de base légale. », Réponse de la Cour La demanderesse en cassation invoque le défaut de base légale.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

La disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

en ce que l’arrêt attaqué a dit qu’il n’y a pas lieu à annulation du jugement de première instance, a dit l’appel principal partiellement fondé, a partiellement fait droit à la demande principale de M. PERSONNE1.) et, partant, a condamné la partie demanderesse en cassation à payer la somme de 60.000,- EUR à titre de prétendus dommages et intérêts du fait d’une prétendue résiliation fautive du contrat avec les intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et jusqu’à solde, , a débouté la partie demanderesse en cassation de sa demande reconventionnelle, n’a pas fait droit à sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 10.000, - € sur base de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure Civile, n’a pas fait droit à sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité pour procédure abusive et vexatoire de 15.000, -

€ sur base de l’article 6-1 du Code civil et l’a condamnée aux frais et dépens de l’instance ;

alors que, la Cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision en fait en ne recherchant pas (i) si PERSONNE1.) avait prouvé la réalité des prestations à la base de sa demande en paiement et ce notamment au vu des contestations de SOCIETE1.) S.à r.l. dès réception desdites factures et réitérées à maintes reprises par la suite, étant encore précisé que la principale contestation était justement l’absence de toute prestation, (ii) si les motifs gisant à la base de la résiliation du 28 mai 2015 étaient justifiés et (iii) le préjudice effectif prétendument subi par Monsieur PERSONNE1.) alors qu’il est lui-même en défaut, même à l'heure actuelle, de préciser et de justifier la réalité de son préjudice supplémentaire au titre de la prétendue perte de revenu entre la fin du Contrat, le 28 mai 2015 et le mois de novembre 2015, l’arrêt attaqué a statué par défaut de base légale ;

qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a statué par défaut de base légale. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation invoque le défaut de base légale.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

La disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil ;

en ce que l’arrêt attaqué a condamné la demanderesse en cassation à payer la somme de 60.000,- EUR à titre de prétendus dommages et intérêts du fait d’une prétendue résiliation fautive du contrat avec les intérêts légaux à compter du 14 avril 2020 et jusqu’à solde et n’a pas donné droit à sa demande reconventionnelle ;

alors que la Cour d’appel respectivement le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg a violé le contrat de prestation de services conclu entre la demanderesse en cassation et PERSONNE1.) en ne tenant pas compte de l’article 4.2 du Contrat de prestations de services daté du 10 avril 2014 lequel prévoit :

Chacune des Parties peut mettre fin à ce Contrat dans le cas où une partie ne remplit pas ses obligations en vertu du présent Contrat, si ce défaut n'a pas été redressé par la partie défaillante dans les trente (30) jours calendrier de la date sur laquelle la Partie non défaillante avait la preuve d'un tel manquement et a notifié par écrit à la Partie défaillante, sans priver la Partie non défaillante de réclamer les dommages éventuels qu'une telle défaillance non réparée pourrait causer et sans droit à indemnisation pour la Partie défaillante à la suite de la résolution. » ;

qu’en estimant Cette résiliation intervenue en dehors des conditions de l'article 4.2 du Contrat est partant abusive et permet à PERSONNE1.) d'obtenir réparation de son dommage » (page 12 de l’arrêt entrepris) la Cour d’appel a violé le contrat de prestations de services conclu le 10 avril 2014 entre la demanderesse en cassation et PERSONNE1.), qui fait loi entre parties et, partant, il a violé l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. ».

Réponse de la Cour En retenant « L’article 4.2 (i) du Contrat stipule que « either Party may terminate this Services Agreement in the event that a Party fails to fulfill its obligations under this Services Agreement, if such default has not been remedied by the defaulting Party within thirty (30) calendar days from the date on which the non-defaulting Party had evidence of such failure and has notified in writing to the defaulting Party, without depriving the non-defaulting Party to claim the possible damages that such failure not repaired could cause and without right to indemnity to the defaulting Party as a result of the termination ».

Il découle de cette clause qu’une partie peut mettre fin au Contrat, en cas de violation par l’autre partie de ses obligations contractuelles, si celle-ci ne respecte pas ses obligations dans les trente jours calendrier à partir de la date à laquelle la partie non-défaillante a la preuve du non-respect et l’a notifié par écrit à la partie défaillante.

10 C’est à bon droit que le tribunal a déduit de cette formulation que la résiliation ne pouvait intervenir que trente jours après une notification par écrit de la défaillance à la partie adverse.

En effet, cette notification par écrit est nécessaire pour indiquer clairement ce qui est considéré comme une défaillance et pour donner une chance à la partie fautive d’y remédier. (…) », pour en déduire « Il s’ensuit que la résiliation n’est pas justifiée sur base de l’article 4.1 (i) du Contrat », les juges d’appel n’ont fait qu’appliquer, hors toute dénaturation, les termes clairs de l’accord d’investissement qui ne nécessitaient aucune interprétation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Société à responsabilité limitée SOCIETE1.) c/ PERSONNE1.) (affaire n° CAS 2023-00124 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 13 juillet 2023, d’un mémoire en cassation, signifié le 7 juillet 2023 à la défenderesse en cassation, est dirigé contre les arrêts n° 83/23-IV-COM, contradictoirement rendu en date du 25 avril 2023, et n° 128/23, contradictoirement rendu en date du 20 juin 2023, par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et respecte les conditions de forme prévues par la loi2.

Il est dirigé contre une décision contradictoire rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, ainsi que contre une décision ayant rectifié une erreur matérielle dans le dispositif de cette décision, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, ayant été saisi par PERSONNE1.) d’une demande de paiement, dirigée contre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), de différents montants au titre de factures impayées en exécution d’un contrat de prestation de services et par la défenderesse d’une demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité à laquelle elle aurait droit du fait de la violation alléguée d’une clause de non-concurrence contenue dans un second contrat conclu entre le demandeur et plusieurs personnes morales différentes de la défenderesse, le tribunal 1 Il ne résulte d’aucune pièce à laquelle vous pouvez avoir égard que les deux arrêts attaqués aient été signifiés par le défendeur en cassation à la demanderesse en cassation. En l’état de ces informations il y a lieu de conclure que le délai de cassation n’a pas commencé à courir, partant, n’a pas pu être méconnu.

2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que les formalités de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation loi de 1885 ont été respectées.d’arrondissement de Luxembourg faisait partiellement droit à la demande principale, tout en rejetant la demande reconventionnelle. Sur appel de la défenderesse et appel incident du demandeur, la Cour d’appel dit, par réformation, dans une mesure plus importante que le jugement entrepris, partiellement non fondée la demande principale tout en confirmant le rejet de la demande reconventionnelle.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 65, alinéa 3, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel rejeta la demande d’annulation par la demanderesse en cassation du jugement de première instance pour non-respect du principe du contradictoire aux motifs que « Concernant la clause de non-concurrence et la demande en annulation du jugement, l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de procédure civile dispose que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. La Cour constate que SOCIETE1.) a basé sa demande sur la clause de non-concurrence figurant à l’article 11 de l’Accord d’investissement.

Les juges de première instance ont cité l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties, proportionnellement à leur participation au capital de la Société, une pénalité de 500.000 euros. Ils ont constaté que SOCIETE1.), qui n’était pas partie à l’Accord d’Investissement, n’était pas bénéficiaire de ladite clause. L’article 65 alinéa 3 oblige les juges de contrôler les conditions d’application des règles invoquées, même en l’absence de critiques spécifiques et sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard (cf.Cass. 6 novembre 2014, Pas,37, p.136). Pour constater que la clause ne pouvait pas être invoquée par SOCIETE1.) étant donné qu’elle n’était pas partie à l’Accord d’investissement, le tribunal n’avait pas à inviter les parties à conclure spécialement, étant donné qu’il ne faisait que contrôler les conditions d’application de la clause. Il n’y a dès lors pas lieu à annulation du jugement sur ce point. »3, alors que, comme la Cour d’appel le constate elle-même dans les motifs cités, les juges de première instance n’avaient pas invité les parties à présenter leurs observations sur l’argument soulevé d’office par eux que la société SOCIETE1.), dans les droits de laquelle la demanderesse en cassation prétend être substituée, n’est pas partie à l’Accord d’investissement dans lequel est stipulé une obligation de non-concurrence à charge du défendeur en cassation et l’obligation de ce dernier au paiement d’une indemnité en cas de non-respect de cette obligation, de sorte que le principe du contradictoire a été méconnu par les juges de première instance et que la Cour d’appel a violé la disposition visée en refusant d’annuler le jugement pour méconnaissance de ce principe.

Dans son premier moyen la demanderesse en cassation critique une violation de l’article 65, alinéa 3, du Nouveau Code de procédure civile, qui dispose que le juge « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

Cette disposition a été invoquée par elle devant la Cour d’appel au soutien d’une demande d’annulation du jugement de première instance qui a été rejetée par la Cour d’appel, ce refus faisant l’objet du moyen.

Cette violation aurait, selon elle, été commise dans les circonstances suivantes :

3 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 13, premier au septième alinéa.

- elle avait demandé en première instance la condamnation du défendeur en cassation au paiement d’une indemnité forfaitaire stipulée dans un Accord d’investissement4, - les juges de première instance avaient rejeté cette demande au motif que la clause invoquée imposait le paiement de l’indemnité « aux autres parties »5 de l’Accord d’investissement, que la société dans les droits de laquelle la demanderesse en cassation soutient être substituée et que celle-ci présentait comme bénéficiaire de la clause « ne faisait pas partie »6 de cet Accord, conclu entre les anciens actionnaires, auxquels le défendeur en cassation était assimilé, et les nouveaux actionnaires de cette société, ce dont les premiers juges, pour rejeter la demande, déduisaient que, « l’éventuel bénéficiaire de cette clause est l’investisseur et actionnaire de [la société], et non [la société] elle-même »7 et - la demanderesse en cassation critiquait les premiers juges d’avoir rejeté sa demande « en retenant d’office que lui-même n’était pas partie audit accord, et ce sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, en violation de l’article 65 alinéa 3 du Nouveau Code de procédure civile »8.

La Cour d’appel rejeta cette demande d’annulation aux motifs que :

« La Cour constate que SOCIETE1.) a basé sa demande sur la clause de non-

concurrence figurant à l’article 11 de l’Accord d’investissement.

Les juges de première instance ont cité l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties, proportionnellement à leur participation au capital de la Société, une pénalité de 500.000 euros.

Ils ont constaté que SOCIETE1.), qui n’était pas partie à l’Accord d’Investissement, n’était pas bénéficiaire de ladite clause.

L’article 65 alinéa 3 oblige les juges de contrôler les conditions d’application des règles invoquées, même en l’absence de critiques spécifiques et sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard (cf.Cass. 6 novembre 2014, Pas,37, p.136).

Pour constater que la clause ne pouvait pas être invoquée par SOCIETE1.) étant donné qu’elle n’était pas partie à l’Accord d’investissement, le tribunal n’avait pas à inviter les parties à conclure spécialement, étant donné qu’il ne faisait que contrôler les conditions d’application de la clause.

4 Cet Accord d’investissement est reproduit dans la pièce n° 4.11 des pièces annexées au mémoire en cassation. L’indemnité est prévue par l’article 11.2, dernier alinéa, de cet Accord (voir page 35, dernier alinéa, de la pièce n° 4.11).

5 Jugement de première instance, pièce n° 1 annexée au mémoire en cassation, page 13, avant-dernier alinéa.

6 Idem, même page, dernier alinéa.

7 Idem et loc.cit.

8 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 5, cinquième alinéa.Il n’y a dès lors pas lieu à annulation du jugement sur ce point. »9.

Cette solution est conforme à votre jurisprudence, citée par la Cour d’appel. Vous avez, en effet, décidé que si une « disposition [tel que, en l’espèce, l’article 11.2 de l’Accord d’investissement] se trouvait dans le débat devant les juges du fond [condition respectée en l’espèce, la demande ayant été fondée, suivant les constatations de la Cour d’appel reproduites ci-avant, sur l’article 11.2 de l’Accord d’investissement], les juges « avaient l’obligation de contrôler les conditions d’application [de cette disposition], même en l’absence de critiques spécifiques de l’appelant, sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard »10.

Cette solution reprend celle, constante, de la Cour de cassation française, qui considère, sur base des textes similaires du Code de procédure civile français, que le juge n’est pas tenu d’inviter préalablement les parties à présenter leurs observations dès lors qu’il se borne à vérifier, sans introduire de nouveaux éléments de fait dans le débat, si les conditions d’application d’une disposition invoquée sont réunies11.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation, pour défaut de motivation par contradiction de motifs, des articles 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a, d’une part, constaté que « Les juges de première instance ont cité [d’office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations] l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties, proportionnellement à leur participation au capital de la Société, une pénalité de 500.000 euros »12, admettant ainsi une violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, tout en refusant, d’autre part, d’annuler le jugement pour violation de cet article aux motifs que « L’article 65 alinéa 3 oblige les juges de contrôler les conditions d’application des règles invoquées, même en l’absence de critiques spécifiques et sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard (cf.Cass. 6 novembre 2014, Pas,37, p.136) »13, alors que, ainsi qu’il résulte de la discussion du moyen, ces motifs sont contradictoires et que le refus de sanction de la violation constatée de l’article précité n’est pas motivé.

9 Idem, page 13, deuxième au septième alinéa.

10 Cour de cassation, 6 novembre 2014, m° 69/14, numéro 3386 du registre (réponse aux premier et deuxième moyens réunis), Pasicrisie, tome 37, page 136.

11 Cour de cassation française, première chambre civile, 25 novembre 2009, Bull, civ. 1, n° 237 ; dans le même sens, à titre d’illustration : idem, deuxième chambre civile, 18 février 2016, 14-29.460 ; idem, chambre commerciale, 24 juin 2020, 19-11.357 ; idem, chambre commerciale, 4 janvier 2023, 20-21.117 et 20-21.118 ; idem, chambre commerciale, 8 février 2023, 21-

19.068. Voir, sur cette jurisprudence : Jurisclasseur Procédure civile, Fasc.

500-35 : Principes directeurs du procès – Office du juge – Fondement des prétentions litigieuses, par Corinne BLÉRY et Noëmie REICHLING, janvier 2020, n° 76.

12 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 13, troisième alinéa.

13 Idem, même page, cinquième alinéa.

Le moyen est tiré d’une contradiction de motifs.

A bien comprendre, la demanderesse en cassation voit cette contradiction, affectant la décision de la Cour d’appel de refuser d’annuler le jugement de première instance pour violation du principe du contradictoire, dans le fait que les juges d’appel constatent :

- d’une part, que « Les juges de première instance ont cité [d’office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations] l’article 11.2, d’après lequel la partie ayant violé l’obligation de non-concurrence, devra payer aux autres parties, proportionnellement à leur participation au capital de la Société, une pénalité de 500.000 euros »14 et - d’autre part, que « L’article 65 alinéa 3 oblige les juges de contrôler les conditions d’application des règles invoquées, même en l’absence de critiques spécifiques et sans avoir à inviter les parties à conclure à cet égard (cf.Cass. 6 novembre 2014, Pas,37, p.136) »15.

Il n’existe, en réalité, aucune contradiction entre ces motifs, la Cour d’appel précisant dans le premier que les premiers juges ont appliqué l’article 11.2 de l’Accord d’investissement, sur lequel, ainsi qu’elle le constate, la demanderesse en cassation « a basé sa demande »16 et justifiant, dans le second, pourquoi ils ont été en droit de rejeter la demande sur base de cet article sans être tenus d’inviter les parties à conclure. Les motifs critiqués sont donc reliés par un lien logique parfaitement intelligible, de sorte qu’ils ne réunissent manifestement pas les critères de motifs contradictoires, qui supposent que des motifs « sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision »17.

Il s’ensuit que, les motifs n’étant même pas d’apparence contradictoires, le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation, par défaut de base légale, de l’article 61 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a confirmé les juges de première instance en constatant que le défendeur en cassation avait subi un préjudice de 60.000.- euros, à indemniser par la demanderesse en cassation, aux motifs que : « Les magistrats de première instance ont constaté que PERSONNE1.) était, depuis le 6 décembre 2015 au moins, fondateur et Président-auteur du média MEDIA1.), et que ses nouvelles fonctions, non compatibles avec sa fonction exercée au sein de SOCIETE1.), lui procuraient une rémunération que, à défaut d’indications, il y avait lieu de considérer comme un revenu de substitution de celui qu’il aurait perçu en vertu du Contrat. Ils en ont déduit que PERSONNE1.) n’avait pas subi de préjudice à partir du 6 décembre 2015. Ces développements ne sont pas mis en cause par les parties, 14 Idem, même page, troisième alinéa.

15 Idem, même page, cinquième alinéa.

16 Idem, même page, deuxième alinéa.

17 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 1er février 2024, n° 16/2024, numéro CAS-2023-00070 du registre (réponse au troisième moyen).PERSONNE1.) se limitant à affirmer la réalité de son préjudice et à insister sur le risque financier entourant le développement du nouveau média. Il reste cependant en défaut, même à l’heure actuelle, de préciser et de justifier la réalité de ce préjudice supplémentaire. C’est dès lors à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte, qu’au vu des éléments du dossier, le tribunal a chiffré le préjudice subi à la perte de revenus entre la fin du Contrat, le 28 mai 2015 et le mois de novembre 2015, soit 6 x 10.000 = 60.000 euros. »18, alors que, ayant constaté que le défendeur en cassation « reste […] en défaut, même à l’heure actuelle, de préciser et de justifier la réalité de ce préjudice supplémentaire »19, tout en confirmant que le défendeur en cassation avait subi un préjudice chiffré par les juges de première instance à 60.000.- euros, elle n’a pas donné de base légale à sa décision.

Dans son troisième moyen la demanderesse en cassation critique un défaut de base légale en soutenant que la Cour d’appel aurait :

- d’une part, constaté que le défendeur en cassation « reste […] en défaut […] de préciser et justifier la réalité de [son] préjudice »20, - tout en confirmant, d’autre part, les premiers juges dans leur décision de « chiffre[r] le préjudice subi [à] 60.000 euros »21.

En réalité, la Cour d’appel a constaté :

- d’une part, que le défendeur en cassation ne subissait plus de préjudice à partir du 6 décembre 2015 parce qu’il « était, depuis [cette date] au moins, fondateur et Président-

auteur du média MEDIA1.), et que ses nouvelles fonctions, non compatibles avec sa fonction exercée au sein de SOCIETE1.) lui procuraient une rémunération que, à défaut d’indications, il y avait lieu de considérer comme un revenu de substitution de celui qu’il aurait perçu en vertu du Contrat »22 et - d’autre part, que le défendeur en cassation, « rest[ant] […] en défaut, même à l’heure actuelle, d[‘en] préciser et d[‘en] justifier la réalité »23, n’a pas subi de « préjudice supplémentaire »24 à celui correspondant « à la perte de revenus entre la fin du Contrat, le 28 mai 2015 et le mois de novembre 2015, soit 6 x 10.000 = 60.000 euros »25.

Le préjudice dont le défendeur en cassation a omis « de préciser et de justifier la réalité »26 est donc le seul « préjudice supplémentaire »27 qui s’ajoute « à la perte de revenus »28 résultant de l’inexécution du contrat.

18 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 12, dixième à dernier alinéa.

19 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

20 Idem et loc.cit.

21 Idem, même page, dernier alinéa.

22 Idem, même page, dixième alinéa.

23 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

24 Idem et loc.cit.

25 Idem, même page, dernier alinéa.

26 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

27 Idem et loc.cit.

28 Idem, même page, dernier alinéa.Il n’existe dès lors aucune contradiction entre les deux motifs mis en opposition, de sorte que le moyen manque en fait.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation, par contradiction de motifs, de l’article 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), en ce que la Cour d’appel a confirmé les juges de première instance en constatant que le défendeur en cassation avait subi un préjudice de 60.000.- euros, à indemniser par la demanderesse en cassation, aux motifs que : « Les magistrats de première instance ont constaté que PERSONNE1.) était, depuis le 6 décembre 2015 au moins, fondateur et Président-auteur du média MEDIA1.), et que ses nouvelles fonctions, non compatibles avec sa fonction exercée au sein de SOCIETE1.), lui procuraient une rémunération que, à défaut d’indications, il y avait lieu de considérer comme un revenu de substitution de celui qu’il aurait perçu en vertu du Contrat. Ils en ont déduit que PERSONNE1.) n’avait pas subi de préjudice à partir du 6 décembre 2015. Ces développements ne sont pas mis en cause par les parties, PERSONNE1.) se limitant à affirmer la réalité de son préjudice et à insister sur le risque financier entourant le développement du nouveau média. Il reste cependant en défaut, même à l’heure actuelle, de préciser et de justifier la réalité de ce préjudice supplémentaire. C’est dès lors à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte, qu’au vu des éléments du dossier, le tribunal a chiffré le préjudice subi à la perte de revenus entre la fin du Contrat, le 28 mai 2015 et le mois de novembre 2015, soit 6 x 10.000 = 60.000 euros. »29, alors que, ayant constaté que le défendeur en cassation « reste […] en défaut, même à l’heure actuelle, de préciser et de justifier la réalité de ce préjudice supplémentaire »30, tout en confirmant le préjudice chiffré par les juges de première instance à 60.000.- euros, elle s’est contredite.

Dans son quatrième moyen, la demanderesse en cassation réitère sa critique, exposée dans son troisième moyen, relative à une prétendue contradiction entre le constat d’une absence de preuve d’un préjudice par le défendeur en cassation et le constat par la Cour d’appel de l’existence d’un préjudice subi par ce dernier à titre de perte des revenus dus en exécution du contrat de services conclu entre parties, subie entre le 28 mai et le mois de novembre 2015. En réalité, comme il a été précisé ci-avant dans le cadre de la discussion du troisième moyen, il n’existe aucune contradiction, le constat de défaut de preuve se rapportant au « préjudice supplémentaire »31, qui s’ajoute à la « perte de revenus »32 constatée par ailleurs et se différenciant de ce « préjudice supplémentaire ».

Les motifs n’étant, même d’apparence, pas contradictoires, le moyen manque en fait.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation, par contradiction de motifs, de l’article 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), en ce que la Cour d’appel a rejeté la demande d’indemnisation de la demanderesse en cassation du fait de la 29 Idem, même page, dixième à dernier alinéa.

30 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

31 Idem et loc.cit.

32 Idem, même page, dernier alinéa.violation alléguée, par le défendeur en cassation, de l’article 11 de l’Accord d’investissement aux motifs que : « La clause de non-concurrence est de la teneur suivante : « 11.1. Les Actionnaires Actuels reconnaissent que leurs obligations de non-concurrence (contractuelles ou post-contractuelles) sont nécessaires pour assurer la continuité de l’activité de la Société et qu’un préjudice irréparable sera causé au Nouvel Investisseur et/ou à la Société en cas de concurrence entre les Parties dans le domaine d’activité de la société. 11.2. En cas de violation de cette obligation de non-concurrence, la Partie défaillante devra payer aux autres Parties, proportionnellement à leur participation au capital social de la SOCIETE1.) S.L.) une pénalité de 500.000 euros (…) ». Ainsi que l’ont relevé à bon droit les juges de première instance, la pénalité de l’article 11.2. est prévue au bénéfice des seules parties à l’Accord d’investissement et non de la Société elle-même. Il est par ailleurs prévu expressément que la pénalité de 500.000 euros se répartit entre les parties, proportionnellement à leur participation au capital social de SOCIETE1.) S.L, corroborant encore le fait que SOCIETE1.) S.L. n’a pas, elle-même, droit à la pénalité contractuelle. Ainsi, même si l’article 11.1. indique qu’une méconnaissance des obligations de non-concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société, celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2. Les développements y relatifs de SOCIETE1.) sont partant sans pertinence.

De même, dans la mesure où SOCIETE1.) S.L. n’est pas bénéficiaire de la clause, toute l’argumentation de SOCIETE1.) quant à sa substitution dans les droits de SOCIETE1.) S.L. est à rejeter pour défaut de pertinence. Afin d’être complet, la Cour relève que l’article 11 de l’Accord d’investissement ne contient pas non plus de stipulation pour autrui au profit de SOCIETE1.). »33, alors que, constatant ainsi « qu’une méconnaissance des obligations de non-

concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société [donc à la demanderesse en cassation, substituée selon celle-ci aux droits de la Société SOCIETE1.) S.L.] »34, tout en rejetant néanmoins toute possibilité d’indemnisation, motif tiré que « [la Société SOCIETE1.) S.L.] n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2 »35, la Cour d’appel s’est contredite.

La Cour d’appel constata que « [l]e 8 août 2013 a été conclu un accord d’investissement et pacte d’actionnaires (ci-après l’Accord d’investissement) entre d’un côté PERSONNE1.), désigné comme Personne-clé, la société de droit dominicain SOCIETE2.) et la société de droit espagnol SOCIETE3.) et, d’un autre côté, la société de droit hongkongais SOCIETE4.) Limited »36.

Elle précisa que «[l]a clause de non-concurrence est de la teneur suivante :

« 11.1. Les Actionnaires Actuels reconnaissent que leurs obligations de non-

concurrence (contractuelles ou post-contractuelles) sont nécessaires pour assurer la continuité de l’activité de la Société et qu’un préjudice irréparable sera causé au Nouvel Investisseur et/ou à la Société en cas de concurrence entre les Parties dans le domaine d’activité de la société.

11.2. En cas de violation de cette obligation de non-concurrence, la Partie défaillante devra payer aux autres Parties, proportionnellement à leur participation au capital social de la SOCIETE1.) S.L.) une pénalité de 500.000 euros (…) » »37.

33 Idem, page 13, huitième alinéa, à page 14, quatrième alinéa.

34 Idem, page 14, premier alinéa.

35 Idem et loc.cit.

36 Idem, page 2, troisième alinéa.

37 Idem, page 13, huitième alinéa.

Elle déduisit de ces deux constatations que :

« Ainsi que l’ont relevé à bon droit les juges de première instance, la pénalité de l’article 11.2. est prévue au bénéfice des seules parties à l’Accord d’investissement et non de la Société elle-même. Il est par ailleurs prévu expressément que la pénalité de 500.000 euros se répartit entre les parties, proportionnellement à leur participation au capital social de SOCIETE1.) S.L, corroborant encore le fait que SOCIETE1.) S.L. n’a pas, elle-même, droit à la pénalité contractuelle.

Ainsi, même si l’article 11.1. indique qu’une méconnaissance des obligations de non-

concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société, celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2.

Les développements y relatifs de SOCIETE1.) sont partant sans pertinence.

De même, dans la mesure où SOCIETE1.) S.L. n’est pas bénéficiaire de la clause, toute l’argumentation de SOCIETE1.) quant à sa substitution dans les droits de SOCIETE1.) S.L. est à rejeter pour défaut de pertinence.

Afin d’être complet, la Cour relève que l’article 11 de l’Accord d’investissement ne contient pas non plus de stipulation pour autrui au profit de SOCIETE1.). »38.

Dans son cinquième moyen, la demanderesse en cassation entend déduire l’existence d’une contradiction de motifs de ce que la Cour d’appel constate :

- d’une part, que « […] l’article 11.1 indique qu’une méconnaissance des obligations de non-concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société SOCIETE1.) [donc à la demanderesse en cassation substituée, selon celle-ci, aux droits de la Société] »39 et - d’autre part, rejette l’application de la clause à la Société, motif tiré que « celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2 »40.

En réalité, la Cour d’appel se limite à constater que la demanderesse en cassation « a basé sa demande sur la clause de non-concurrence figurant à l’article 11 de l’Accord d’investissement »41, que celle-ci oblige la partie défaillante à payer une indemnité « aux autres Parties »42 à l’Accord d’investissement, parmi lesquelles ne figure pas la société SOCIETE1.) S.L. (aux droits desquels la demanderesse en cassation affirme être substituée), qui « n’est [donc] pas bénéficiaire de la clause »43, même si, comme l’indique l’article 11.1 de l’Accord d’investissement, « une méconnaissance des obligations de non-concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de [lui] causer un préjudice »44. Elle constate donc elle-même 38 Idem, page 13, huitième alinéa, à page 14, quatrième alinéa.

39 Idem, page 14, premier alinéa.

40 Idem et loc.cit.

41 Idem, page 13, deuxième alinéa.

42 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

43 Idem, page 14, troisième alinéa.

44 Idem, même page, premier alinéa.que la circonstance que la société SOCIETE1.) S.L. est susceptible de subir un préjudice du fait de la méconnaissance de la clause de non-concurrence n’empêche pas que celle-ci n’est, en raison du libellé de la clause, pas en mesure d’en bénéficier. Il n’existe dès lors aucune contradiction entre les motifs en question.

Les motifs n’étant, même d’apparence, pas contradictoires, le moyen manque en fait.

Sur les sixième et septième moyens de cassation réunis Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 1134, alinéa 1, du Code civil et le septième moyen est tiré de celle de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a rejeté la demande d’indemnisation de la demanderesse en cassation du fait de la violation alléguée, par le défendeur en cassation, de l’article 11 de l’Accord d’investissement aux motifs que : « La clause de non-concurrence est de la teneur suivante : « 11.1. Les Actionnaires Actuels reconnaissent que leurs obligations de non-concurrence (contractuelles ou post-contractuelles) sont nécessaires pour assurer la continuité de l’activité de la Société et qu’un préjudice irréparable sera causé au Nouvel Investisseur et/ou à la Société en cas de concurrence entre les Parties dans le domaine d’activité de la société. 11.2. En cas de violation de cette obligation de non-concurrence, la Partie défaillante devra payer aux autres Parties, proportionnellement à leur participation au capital social de la SOCIETE1.) S.L.) une pénalité de 500.000 euros (…) » Ainsi que l’ont relevé à bon droit les juges de première instance, la pénalité de l’article 11.2. est prévue au bénéfice des seules parties à l’Accord d’investissement et non de la Société elle-même. Il est par ailleurs prévu expressément que la pénalité de 500.000 euros se répartit entre les parties, proportionnellement à leur participation au capital social de SOCIETE1.) S.L, corroborant encore le fait que SOCIETE1.) S.L. n’a pas, elle-même, droit à la pénalité contractuelle. Ainsi, même si l’article 11.1. indique qu’une méconnaissance des obligations de non-concurrence par les Parties au contrat est également susceptible de causer un préjudice à la Société, celle-ci n’est pas prévue parmi les bénéficiaires de la clause en vertu de l’article 11.2. Les développements y relatifs de SOCIETE1.) sont partant sans pertinence.

De même, dans la mesure où SOCIETE1.) S.L. n’est pas bénéficiaire de la clause, toute l’argumentation de SOCIETE1.) quant à sa substitution dans les droits de SOCIETE1.) S.L. est à rejeter pour défaut de pertinence. Afin d’être complet, la Cour relève que l’article 11 de l’Accord d’investissement ne contient pas non plus de stipulation pour autrui au profit de SOCIETE1.). »45, alors que, ainsi qu’il est exposé dans le développement du moyen, la société SOCIETE1.) S.L. (aux droits desquels la demanderesse en cassation affirme être substituée) est prévue parmi les bénéficiaires de la clause de non-concurrence, l’article 11.1 de l’Accord d’investissement stipulant que les « Actionnaires actuels », terme qui englobe le défendeur en cassation46, « reconnaissent […] qu’un préjudice irréparable sera causé au Nouvel Investisseur et/ou à la Société en cas de concurrence entre les Parties dans le domaine d’activité de la Société », la « Société » étant la société de droit espagnol SOCIETE1.) S.L.47, aux droits 45 Idem, page 13, dernier alinéa, à page 14, quatrième alinéa.

46 Voir les pages 6 et 7 de l’Accord d’investissement (Pièce n° 4.11 des pièces versées par la demanderesse en cassation), le défendeur en cassation étant désigné (à la page 6, premier alinéa) comme « Personne clé » et le terme « Actionnaires actuels » englobant (voir page 7, deuxième alinéa) la « Personne clé », donc le défendeur en cassation.

47 Voir la page 7, avant-dernier alinéa de l’Accord d’investissement.desquels la demanderesse en cassation affirme être substituée48, et l’Accord ayant eu comme finalité de protéger la société SOCIETE1.) S.L. et ses nouveaux actionnaires contre les anciens actionnaires et le défendeur en cassation (désignés au contrat comme « Actionnaires actuels »), partant, ne saurait profiter à ces derniers, même s’ils sont partis à l’Accord d’investissement, de sorte que, sixième moyen, la Cour d’appel a, en méconnaissant le contrat, violé l’article 1134, alinéa 1, du Code civil et que, septième moyen, elle a, par dénaturation des termes clairs et précis du contrat, violé l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du cinquième moyen, que la Cour d’appel, constata que la clause de non-concurrence sur laquelle la demanderesse en cassation avait fondé sa demande, « est prévue au bénéfice des seules parties à l’Accord d’investissement et non de la [demanderesse en cassation] elle-même »49, de sorte que celle-ci « n’est pas bénéficiaire de la clause »50.

La demanderesse en cassation critique le bien-fondé de cette interprétation de l’Accord d’investissement dans le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil. Ce moyen ne tend ainsi, sous le couvert de la violation de la disposition invoquée, qu’à remettre en discussion l’interprétation par les juges du fond de l’article 11 de l’Accord d’investissement, qui relève de leur pouvoir souverain d’appréciation51.

Il s’ensuit que le sixième moyen ne saurait être accueilli.

Ce grief est réitéré dans le septième moyen, sauf à être tiré d’une dénaturation au titre de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile.

Le cas d’ouverture de la dénaturation, que vous refusez, en principe, d’accueillir52, implique, en présence de conventions, une violation de l’article 1134 du Code civil53 ou éventuellement de l’article 1341 du Code civil54. En revanche, l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, qui impose au juge le respect du principe du contradictoire, est étranger à ce grief.

Il s’ensuit que le septième moyen est irrecevable.

48 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 5, antépénultième alinéa.

49 Idem, page 13, dernier alinéa.

50 Idem, page 14, troisième alinéa.

51 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 12 octobre 2023, n° 100/2023, numéro CAS-2022-00127 du registre (réponse au premier moyen) ;

idem, 1er février 2024, n° 21/2024, numéro CAS-2023-00095 du registre (réponse à la seconde branche du moyen unique).

52 L’exception à ce principe, du moins sous forme de dénaturation par commission, est votre arrêt n° 138/2019, numéro CAS-2018-00097 du registre du 31 octobre 2019 (réponse au premier moyen). Le principe est illustré, à titre d’exemple, par : Cour de cassation, 30 novembre 2023, n° 130/2023, numéro CAS-2023-00004 du registre (réponse au troisième moyen) ; idem, 1er février 2024, n° 21/2024, numéro CAS-2023-00095 du registre (réponse à la seconde branche du moyen unique), précité.

53 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023, n° 79.74, page 459. Voir également votre arrêt précité n° 138/2019, numéro CAS-2018-00097 du registre du 31 octobre 2019, qui prononça la cassation pour violation de cette disposition.

54 BORÉ, op.cit. et loc.cit.Dans un ordre subsidiaire il est observé que le grief de la dénaturation suppose la méconnaissance du sens d’un écrit clair et précis55. En l’espèce, l’article 11.2 de l’Accord d’investissement définit comme créanciers de la pénalité contractuelle due par « la Partie défaillante »56 en cas de la violation de l’obligation de non-concurrence y stipulée, les « autres Parties »57, parmi lesquelles ne figure pas la demanderesse en cassation qui, au regard des constatations de la Cour d’appel, est objet mais non sujet de l’Accord58. La Cour d’appel a donc respecté le sens clair et précis de l’écrit en concluant que la demanderesse en cassation n’est pas créancière de la pénalité contractuelle due en cas de violation de la clause de non-

concurrence. Inversement, la thèse de la demanderesse en cassation suivant laquelle cette dernière est, nonobstant le sens clair et précis de l’écrit, bénéficiaire de la clause ne résulte pas avec clarté et certitude de l’Accord, de sorte que sa méconnaissance ne saurait donner ouverture au grief de la dénaturation.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le septième moyen n’est pas fondé.

Sur les huitième et neuvième moyens de cassation réunis Le huitième moyen est tiré de la violation, par défaut de base légale, de l’article 61 du Nouveau Code de procédure civile et le neuvième moyen est tiré de la violation, par défaut de base légale, de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a déclaré non fondée la demande reconventionnelle de la demanderesse en cassation et condamné celle-ci au paiement d’une somme de 60.000.-

euros à titre de dommages et intérêts du fait de la résiliation abusive du contrat de prestation de services conclu entre parties en omettant, dans l’appréciation de ces demandes, de tenir compte de ce qu’il résulte de la décision du Tribunal des marques de l’Union européenne n° 1.332/22, n° 109-U04/22 du rôle du 2 novembre 2022 que le défendeur en cassation a enregistré le 5 août 2013 la marque MEDIA1.), annulée par cette décision59, alors que, ainsi qu’il résulte de la discussion des deux moyens, cette décision établit que le défendeur en cassation s’est, depuis 2013, exclusivement consacré à la marque MEDIA1.) et a perçu des revenus de ce travail, de sorte que la Cour d’appel aurait dû tenir compte de ce fait dans sa décision relative à la constatation du caractère abusif de la résiliation du contrat par la demanderesse en cassation, dans la détermination du préjudice subi par le défendeur en cassation du fait de cette résiliation et dans l’appréciation du bien-fondé de la demande reconventionnelle de la demanderesse en 55 BORÉ, précité, n° 79.11, page 454.

56 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 13, avant-dernier alinéa.

57 Idem et loc.cit.

58 Idem, page 2, troisième alinéa. Les parties à l’Accord d’investissement étant le défendeur en cassation, une société de droit dominicain SOCIETE2.), une société de droit espagnol SOCIETE3.) et une société de droit du Hongkong SOCIETE4.) LIMITED, les deux premières sociétés étant les anciens actionnaires de la société espagnole SOCIETE1.) S.L. aux droits desquels la demanderesse en cassation affirme être substituée, tandis que la société SOCIETE4.) LIMITED est le nouvel actionnaire et potentiel créancier de la clause de non-concurrence. Ce sont exclusivement le défendeur en cassation, SOCIETE2.), SOCIETE3.) et SOCIETE4.) LIMITED, à l’exclusion de la société espagnole SOCIETE1.) S.L., qui sont désignées dans l’Accord comme « Partie » (voir l’Accord d’investissement, pièce n° 4.11 annexée au mémoire en cassation, page 7, quatrième alinéa.

59 Pages 9 et 13 de cette décision (Pièce n° 4.23 des pièces annexées au mémoire en cassation).cassation, partant, a omis de donner à sa décision une base légale suffisante, partant a violé, huitième moyen, l’article 61 du Nouveau Code de procédure civile et, neuvième moyen, l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans ses huitième et neuvième moyens, la demanderesse en cassation critique la Cour d’appel d’avoir déclaré abusive la résiliation par elle du contrat de prestation de services conclu entre parties60, d’avoir confirmé sa condamnation au paiement en faveur du défendeur en cassation d’une indemnité, à titre de perte de revenus, d’un montant de 60.000.- euros, représentant les revenus dus à ce dernier sur base du contrat de prestation de services61 et d’avoir rejeté sa demande reconventionnelle en paiement d’une pénalité de 500.000.- euros au titre de la violation d’une clause de non-concurrence stipulée dans l’Accord d’investissement62.

A l’appui de ces griefs elle invoque une décision du Tribunal des marques de l’Union européenne n° 109-U04/22 du 22 novembre 2022 ayant, suivant les constatations de la Cour d’appel, « déclaré de nullité absolue notamment la marque communautaire MEDIA1.), ayant ordonné la cessation de l’utilisation des signes contrefaits et l’annulation des noms de dmaine MEDIA1.) et MEDIA2.) et porté des condamnations au profit de SOCIETE1.) S.L. »63. Elle reproche à ce titre à la Cour d’appel d’avoir, dans l’appréciation du préjudice du défendeur en cassation, omis de tenir compte de ce qu’il résulte du jugement en question que le défendeur en cassation a enregistré la marque MEDIA1.) le 5 août 201364, ce dont elle déduit « que depuis 2013, sans préjudice quant à la date exacte et jusqu’à ce jour, [le défendeur en cassation] s’est exclusivement consacré au MEDIA1.) et a donc toujours perçu des revenus de ce travail puisqu’il en est le propriétaire, l’éditeur, l’auteur et le bénéficiaire effectif »65.

Elle avait soutenu dans ses conclusions récapitulatives devant la Cour d’appel que le Tribunal des marques de l’Union européenne avait constaté que la marque MEDIA1.) avait été déposée trois jours avant l’Accord d’investissement66, ce dont elle déduisait que « loin d’être abusive, la résiliation [par elle en date du 28 mai 2015 du contrat de prestation de services conclu avec le défendeur en cassation] était parfaitement justifiée »67. Elle y avait encore exposé que « [le défendeur en cassation] ayant travaillé sur le lancement de son propre média concurrent, ce depuis au moins le 5 août 2013, date d’enregistrement de la marque MEDIA1.), il n’a donc subi aucun préjudice »68. Elle avait enfin fait valoir cette décision à l’appui de sa demande reconventionnelle69. Elle avait donc invoqué en instance d’appel les griefs au sujet desquels elle reproche à ce stade à la Cour d’appel d’avoir répondu par des motifs insuffisants.

60 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 12, deuxième alinéa.

61 Idem, dixième au dernier alinéa.

62 Idem, page 14, sixième alinéa.

63 Idem, même page, cinquième alinéa.

64 Voir la discussion du huitième moyen (mémoire en cassation, page 23, dernier alinéa) et discussion du neuvième moyen (mémoire en cassation, page 26, quatrième alinéa).

65 Voir la discussion du huitième moyen (mémoire en cassation, page 24, deuxième alinéa) et discussion du neuvième moyen (mémoire en cassation, page 26, sixième alinéa).

66 Conclusions récapitulatives d’appel de la demanderesse en cassation, page 21, troisième alinéa, citant la décision du Tribunal des marques de l’Union européenne (pièce n° 3b annexée au mémoire en cassation).

67 Idem, page 24, avant-dernier alinéa.

68 Idem, page 26, antépénultième alinéa.

69 Idem, page 32, deuxième alinéa. Les moyens ne sont donc pas nouveaux.

Ils sont tirés d’un défaut de base légale. Ce cas d’ouverture est susceptible d’être invoqué même au regard de qualifications non contrôlées70, telle que, comme en partie en l’espèce, l’appréciation de l’existence d’un préjudice en matière de responsabilité contractuelle, qui, suivant votre jurisprudence, relève du pouvoir souverain des juges du fond71. Il a pour objet de contrôler que les juges du fond ont procédé à une exposition complète du fait, donc ont exercé leur pouvoir souverain d’appréciation72.

Il est donc reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir tenu compte, dans l’appréciation de la régularité de la résiliation du contrat de prestation de services du 10 avril 201473, dans celle de l’existence d’un préjudice subi par le défendeur en cassation par suite de cette résiliation et dans celle du bien-fondé de la demande reconventionnelle, de la circonstance que le défendeur en cassation a enregistré sa marque concurrente en août 2013, ce qui constitue pour la demanderesse en cassation un indice que l’activité concurrente a procuré au défendeur en cassation des revenus dès cette date.

Sur l’appréciation de la régularité de la résiliation du contrat de prestation de services La Cour d’appel constata en l’espèce l’irrégularité de la résiliation, par la demanderesse en cassation, du contrat de prestation de services conclu avec le défendeur en cassation74.

Les deux moyens lui reprochent d’avoir insuffisamment motivé cette décision au regard de l’allégation de la demanderesse en cassation tirée de ce que le défendeur en cassation avait déposé une marque concurrente dès le mois d’août 2013.

La constatation du caractère abusif de la résiliation du contrat repose sur un motif d’ordre formel, relatif aux formalités à respecter pour résilier le contrat :

« L’article 4.2 (i) du Contrat stipule que « either Party may terminate this Services Agreement in the event that a Party fails to fulfill its obligations under this Services Agreement, if such default has not been remedied by the defaulting Party within thirty (30) calendar days from the date on which the non-defaulting Party had evidence of such failure and has notified in writing to the defaulting Party, without depriving the non-defaulting Party to claim the possible damages that such failure not repaired could cause and without right to indemnity to the defaulting Party as a result of the termination».

Il découle de cette clause qu’une partie peut mettre fin au Contrat, en cas de violation par l’autre partie de ses obligations contractuelles, si celle-ci ne respecte pas ses obligations dans les trente jours calendrier à partir de la date à laquelle la partie non-

défaillante a la preuve du non-respect et l’a notifié par écrit à la partie défaillante.

70 BORÉ, précité, n° 78.111, page 447.

71 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 8 mai 2014, n° 50/14, numéro 3339 du registre (réponse au premier moyen) ; idem, 9 juillet 2015, n° 69/15, numéro 3515 du registre (réponse au second moyen).

72 BORÉ, précité, n° 78.05, pages 438 et 439.

73 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 2, neuvième alinéa.

74 Idem, page 10, deuxième alinéa, à page 12, deuxième alinéa.

C’est à bon droit que le tribunal a déduit de cette formulation que la résiliation ne pouvait intervenir que trente jours après une notification par écrit de la défaillance à la partie adverse.

En effet, cette notification par écrit est nécessaire pour indiquer clairement ce qui est considéré comme une défaillance et pour donner une chance à la partie fautive d’y remédier.

Il ne suffit dès lors pas, comme le soutient SOCIETE1.), que trente jours se soient écoulés depuis que la partie non-défaillante a la preuve du manquement, mais il faut nécessairement une notification écrite à la partie cocontractante, peu importe que cette notification contient mise en demeure formelle de redresser les manquements. »75.

La Cour d’appel ajoute que :

« Contrairement à l’argumentation de SOCIETE1.), les manquements indiqués ne sont pas de ceux auxquels aucune remédiation n’aurait plus été possible. Au contraire, une reprise en mains de ses fonctions de Président du comité de rédaction et une mise au point concernant les règles déontologiques suite à une notification des violations considérées, était parfaitement envisageable. »76.

Elle précise, au sujet du dépôt d’une marque concurrente, donc par rapport à la circonstance invoquée à l’appui des deux moyens, que :

« De même, les développements de SOCIETE1.) relatifs à la violation de la clause de non-concurrence et à l’enregistrement, par PERSONNE1.), via l’une de ses sociétés, du nom du média concurrent MEDIA1.), sont dépourvus de pertinence, étant donné qu’ils n’ont pas trait aux motifs invoqués dans la lettre de résiliation. »77.

Elle a donc exprimé une appréciation explicite au sujet de la circonstance invoquée par la demanderesse en cassation. Elle juge que celle-ci est dépourvue de pertinence au triple motif :

- que les conditions formelles de résiliation stipulées par le contrat, impliquant une mise en demeure préalable, n’ont pas été respectées par la demanderesse en cassation, de sorte que la résiliation est irrégulière quel que soit le bien-fondé des motifs sur lesquels elle repose, - que les motifs de résiliation invoqués n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier de dispenser d’une mise en demeure et - que le fait allégué du dépôt, par le défendeur en cassation, d’une marque concurrente est dépourvu de pertinence pour apprécier la régularité de la résiliation parce que ce fait n’a pas été invoqué à l’appui de la résiliation.

Il s’ensuit que la Cour d’appel a, au regard de ce fait, suffisamment motivé sa décision de déclarer abusive la résiliation du contrat de prestation de services.

75 Idem, page 10, sixième au dernier alinéa.

76 Idem, page 11, deuxième alinéa.

77 Idem, page 11, huitième alinéa.

Sur l’appréciation de l’existence d’un préjudice du défendeur en cassation La demanderesse en cassation critique la Cour d’appel de ne pas avoir tenu compte dans son appréciation de l’existence d’un préjudice du défendeur en cassation du fait que ce dernier a déposé en août 2013 une marque concurrente, ce dont elle déduit qu’il a, depuis cette date, touché des revenus de l’activité concurrente effectuée à l’aide de cette marque.

La Cour d’appel constata en l’espèce que le défendeur en cassation avait touché du fait de son activité concurrente une rémunération à partir de décembre 2015 :

« Les magistrats de première instance ont constaté que PERSONNE1.) était, depuis le 6 décembre 2015 au moins, fondateur et Président-auteur du média MEDIA1.), et que ses nouvelles fonctions, non compatibles avec sa fonction exercée au sein de SOCIETE1.), lui procuraient une rémunération que, à défaut d’indications, il y avait lieu de considérer comme un revenu de substitution de celui qu’il aurait perçu en vertu du Contrat. Ils en ont déduit que PERSONNE1.) n’avait pas subi de préjudice à partir du 6 décembre 2015.

Ces développements ne sont pas mis en cause par les parties, PERSONNE1.) se limitant à affirmer la réalité de son préjudice et à insister sur le risque financier entourant le développement du nouveau média. »78.

Cette constatation implique, implicitement mais nécessairement, qu’elle considéra que la preuve de revenus générés du fait d’activités concurrentes à celles résultant de l’Accord d’investissement n’était pas établie à suffisance de droit pour la période antérieure à décembre 2015.

Elle conclut, partant, que :

« C’est dès lors à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte, qu’au vu des éléments du dossier, le tribunal a chiffré le préjudice subi à la perte de revenus entre la fin du Contrat, le 28 mai 2015 et le mois de novembre 2015, soit 6 x 10.000 = 60.000 euros. »79.

N’ayant pas été tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation80, elle a ainsi, par une motivation implicite, mais nécessaire, suffisamment motivé sa décision sur le point considéré.

78 Idem, page 12, dixième et onzième alinéa.

79 Idem, même page, dernier alinéa.

80 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 11 janvier 2024, n° 08/2024, CAS-2023-00032 du registre (réponse au deuxième moyen).

Sur l’appréciation du bien-fondé de la demande reconventionnelle La Cour d’appel rejeta la demande reconventionnelle de la demanderesse en cassation au motif que celle-ci n’était pas bénéficiaire de la clause de non-concurrence sur base de laquelle elle voulut voir condamner le défendeur en cassation81.

Elle en déduisit que :

« La demande en paiement étant basée sur [l’article 11.2 de l’Accord d’investissement], non applicable en l’espèce, la décision du Tribunal des marques de l’Union Européenne, n°109-U04/22 du 2 novembre 2022 ayant déclaré de nullité absolue notamment la marque communautaire MEDIA1.), ayant ordonné la cessation de l’utilisation des signes contrefaits et l’annulation des noms de domaine MEDIA1.) et MEDIA2.) et porté des condamnations au profit de SOCIETE1.) S.L. est sans pertinence dans la présente affaire. »82.

Elle a donc bien pris position par rapport au fait invoqué et, ayant conclu que ce dernier était dépourvu de pertinence en raison de l’inapplicabilité de la clause de non-concurrence, sa motivation n’est entachée d’aucun défaut de base légale.

Il s’ensuit que les deux moyens ne sont pas fondés.

Sur le dixième moyen de cassation Le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 1134, alinéa 1, du Code civil, en ce que la Cour d’appel a condamné la défenderesse en cassation au paiement d’une somme de 60.000.-

euros à titre de dommages et intérêts du fait de résiliation abusive du contrat et a déclaré non fondée la demande reconventionnelle de la demanderesse en cassation aux motifs que :

« L’article 4.2 (i) du Contrat stipule que « either Party may terminate this Services Agreement in the event that a Party fails to fulfill its obligations under this Services Agreement, if such default has not been remedied by the defaulting Party within thirty (30) calendar days from the date on which the non-defaulting Party had evidence of such failure and has notified in writing to the defaulting Party, without depriving the non-defaulting Party to claim the possible damages that such failure not repaired could cause and without right to indemnity to the defaulting Party as a result of the termination ». Il découle de cette clause qu’une partie peut mettre fin au Contrat, en cas de violation par l’autre partie de ses obligations contractuelles, si celle-ci ne respecte pas ses obligations dans les trente jours calendrier à partir de la date à laquelle la partie non-défaillante a la preuve du non-respect et l’a notifié par écrit à la partie défaillante. C’est à bon droit que le tribunal a déduit de cette formulation que la résiliation ne pouvait intervenir que trente jours après une notification par écrit de la défaillance à la partie adverse. En effet, cette notification par écrit est nécessaire pour indiquer clairement ce qui est considéré comme une défaillance et pour donner une chance à la partie fautive d’y remédier.

Il ne suffit dès lors pas, comme le soutient SOCIETE1.), que trente jours se soient écoulés depuis que la partie non-défaillante a la preuve du manquement, mais il faut nécessairement une notification écrite à la partie cocontractante, peu importe que cette notification contient 81 Arrêt attaqué n° 83/23 IV-COM du 25 avril 2023, page 13, dernier alinéa, et page 14, premier alinéa.

82 Idem, page 14, cinquième alinéa.mise en demeure formelle de redresser les manquements. Contrairement à l’argumentation de SOCIETE1.), les manquements indiqués ne sont pas de ceux auxquels aucune remédiation n’aurait plus été possible. Au contraire, une reprise en mains de ses fonctions de Président du comité de rédaction et une mise au point concernant les règles déontologiques suite à une notification des violations considérées, était parfaitement envisageable. La Cour précise qu’indépendamment de la question de sa régularité, la résiliation du Contrat par SOCIETE1.) a pris effet le 28 mai 2015. Le fait que PERSONNE1.) a de son côté procédé le 25 septembre 2015, soit quelques mois plus tard, à la résiliation du Contrat, ne saurait être invoqué par SOCIETE1.), pour faire revivre artificiellement le Contrat, puis pour reprocher à PERSONNE1.) de ne pas avoir entretemps respecté ses obligations contractuelles. Si la lettre de résiliation fait état de « multiples appels (par écrit et verbalement) par les membres du Conseil d’administration de la Société et vos collègues de travail, au moyen de communications et écrites et verbales … » aucune notification concrète par écrit, émanant de SOCIETE1.), n’est invoquée ni établie. SOCIETE1.) soutient encore que PERSONNE1.) a lui-même, dans un courriel du 23 février 2015, reconnu ne pas avoir respecté ses obligations en matière de publicité. Or étant donné que la lettre du 28 mai 2015 ne contient aucun reproche relatif au non-respect d’obligations relatives à la publicité, ledit courriel, dans lequel PERSONNE1.) conteste avoir assumé des obligations en matière de publicité, est sans pertinence dans le contexte de la régularité de la résiliation. De même, les développements de SOCIETE1.) relatifs à la violation de la clause de non-concurrence et à l’enregistrement, par PERSONNE1.), via l’une de ses sociétés, du nom du média concurrent MEDIA1.), sont dépourvus de pertinence, étant donné qu’ils n’ont pas trait aux motifs invoqués dans la lettre de résiliation. Il s’ensuit que la résiliation n’est pas justifiée sur base de l’article 4.1 (i) du Contrat. 12 SOCIETE1.) fait encore valoir qu’une résiliation d’un commun accord serait intervenue, conformément à l’article 4.1(iii) du Contrat. Il ne donne cependant aucune précision quant aux circonstances de cette résiliation d’un commun accord et n’en rapporte pas la preuve. La Cour retient dès lors que le Contrat a été résilié unilatéralement le 28 mai 2015, avec effet immédiat par SOCIETE1.). Cette résiliation intervenue en dehors des conditions de l’article 4.2 du Contrat est partant abusive et permet à PERSONNE1.) d’obtenir réparation de son dommage. »83, alors que, en constatant que « Cette résiliation intervenue en dehors des conditions de l’article 4.2 du Contrat est partant abusive et permet à PERSONNE1.) d’obtenir réparation de son dommage. », elle a violé la disposition visée.

Dans son dixième moyen, la demanderesse en cassation critique le bien-fondé du raisonnement par lequel la Cour d’appel a constaté le caractère abusif de la résiliation du contrat de prestation de services conclu avec le défendeur en cassation. Ce raisonnement consista à interpréter et à appliquer au cas d’espèce l’article 4.2 du contrat.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, ce dernier ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation d’une convention et son application aux faits de l’espèce, appréciation qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe à votre contrôle84.

Il s’ensuit que le moyen ne peut être accueilli.

83 Idem, page 10, antépénultième alinéa, à page 12, deuxième alinéa.

84 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 7 juillet 2022, n° 107/2022, numéro CAS-2021-00118 du registre (réponse au premier moyen) ;

idem, 12 octobre 2023, n° 100/2023, numéro CAS-2022-00127 du registre (réponse au premier moyen).Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 30


Synthèse
Numéro d'arrêt : 81/24
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-05-16;81.24 ?

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