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14/05/2024 | LUXEMBOURG | N°49726C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 mai 2024, 49726C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49726C ECLI:LU:CADM:2024:49726 Inscrit le 20 novembre 2023 Audience publique du 14 mai 2024 Appel formé par l’Etat contre un jugement du tribunal administratif du 17 octobre 2023 (nos 48469 et 48577 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, deux arrêtés du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse et un arrêté grand-ducal en matière de discipline Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49

726C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 20 novemb...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49726C ECLI:LU:CADM:2024:49726 Inscrit le 20 novembre 2023 Audience publique du 14 mai 2024 Appel formé par l’Etat contre un jugement du tribunal administratif du 17 octobre 2023 (nos 48469 et 48577 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, deux arrêtés du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse et un arrêté grand-ducal en matière de discipline Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49726C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023 par Monsieur le délégué du gouvernement Marc LEMAL, en vertu d’un mandat délivré le 6 novembre 2023 par le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 octobre 2023 (nos 48469 et 48577 du rôle) ayant déclaré justifié les recours dirigés par Monsieur (A), instituteur à l’enseignement fondamental, demeurant à L-… …, …, rue ….., contre 1) une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 21 décembre 2022 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, 2) un arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ayant entériné ladite décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et faisant application de la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, 3) un arrêté du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 13 janvier 2023 l’ayant suspendu de plein droit de l’exercice de ses fonctions, ainsi que 4) un arrêté dudit ministre du 14 février 2023 l’ayant suspendu une deuxième fois de l’exercice de ses fonctions suite à une ordonnance du président du tribunal administratif du 8 février 2023 ayant ordonné le sursis à exécution de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 21 décembre 2022 et de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, de manière à avoir, par réformation de la décision déférée du 21 décembre 2020, prononcé à l’égard de Monsieur (A) la sanction disciplinaire de la rétrogradation, annulé l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, tout en déclarant irrecevable le recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023 pour défaut d’intérêt à agir et annulant l’arrêté ministériel du 14 février 2023 ;

1Vu le mémoire en réponse de Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2023 au nom de Monsieur (A), préqualifié ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 janvier 2024 par Monsieur le délégué du gouvernement Marc LEMAL ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Marc THEISEN déposé au greffe de la Cour administrative le 14 février 2024 au nom de Monsieur (A), préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc LEMAL et Maîtres Marc THEISEN et Pierre EBERHARD en leurs plaidoiries à l’audience publique du 19 mars 2024.

Par arrêté grand-ducal du 8 juillet 2009, Monsieur (A) fut nommé instituteur de l’enseignement fondamental avec effet au 15 septembre 2009 et par arrêté du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 15 juillet 2009, il fut affecté dans les classes du cycle …….. de l’enseignement fondamental de la commune de ……… Par courrier du 5 juillet 2022, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après « le commissaire du gouvernement », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A), entretemps affecté à l’école « (B) » à …….., conformément à l’article 56, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général ».

Par un courrier adressé au ministre en date du 12 juillet 2022, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 5 juillet 2022.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, lui transmit les pièces de son dossier disciplinaire, l’informa de son intention de le suspendre pendant tout le cours de la procédure disciplinaire, ainsi que de son droit de demander à être entendu en personne ou à présenter ses observations dans un délai de huit jours, et en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 21 juillet 2022 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.

Par courrier de son mandataire du 19 juillet 2022, l’intéressé sollicita la refixation de son audition et transmit, à la même occasion, plusieurs attestations testimoniales de ses collègues de travail.

Le 6 septembre 2022, Monsieur (A), assisté par son mandataire, fut entendu par le commissaire du gouvernement adjoint, tel que cela ressort d’un procès-verbal dressé le même jour.

2En date du 13 septembre 2022, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction et, par un courrier du même jour, informa Monsieur (A) qu’il envisageait de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-

après « le Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5, du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Par courrier du 30 septembre 2022, le dossier disciplinaire fut transmis au Conseil de discipline pour attribution.

Le 21 décembre 2022, le Conseil de discipline rendit sa décision de la teneur suivante :

« Vu l’instruction disciplinaire dirigée à l’encontre d’(A) par le commissaire du Gouvernement adjoint, ci-après le commissaire, régulièrement saisi en application de l’article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après le statut général, par courrier du Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 5 juillet 2022 et transmise pour attribution au Conseil de discipline par courrier du 30 septembre 2022.

Vu le rapport d’instruction du 13 septembre 2022.

La lettre de saisine du 5 juillet 2022 repose sur des faits commis par (A) entre le 5 juin 2020 et le 17 octobre 2020, constitutifs d’ infractions aux articles 409 alinéas 1 et 3, 434, 438 et 528 du code pénal et ayant fait l’objet d’une condamnation d’(A) par un jugement du 3 février 2022 du tribunal correctionnel de et à Luxembourg, 18ième chambre, à une peine d’emprisonnement de vingt mois assortie du sursis probatoire, ainsi qu’à une amende correctionnelle de trois mille euros pour ce qui est du volet pénal, et, pour le volet civil, à un montant de cinq mille euros à payer à la victime pour tous dommages confondus. Cette décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée, le fonctionnaire concerné est présumé avoir, du fait des délits dont il a été convaincu, manqué à ses devoirs de fonctionnaire de l’État.

Dans la prédite lettre de saisine, le résumé des faits a été présenté comme suit :

- « avoir volontairement fait des blessures et porté des coups à sa copine de l’époque (D), personne avec laquelle il a vécu habituellement, notamment en la poussant à plusieurs reprises violemment en arrière de sorte à la faire tomber par terre, ainsi qu’en la poussant dans les escaliers de la porte d’entrée ;

- sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi permet ou ordonne l’arrestation ou la détention des particuliers, avoir détenu sa copine de l’époque (D), personne avec laquelle il vivait habituellement, chez lui à la maison en fermant la porte au moment où elle s’apprêtait à partir et en refusant de la laisser sortir, obligeant (D) à appeler une copine à l’aide ;

- avoir volontairement fait des blessures et porté des coups à sa copine de l’époque (D), personne avec laquelle il a vécu habituellement, notamment en lui donnant de multiples coups de 3poing au niveau de son visage et de tout son corps, avec la circonstance que ces coups et ces blessures ont entraîné une incapacité de travail personnel ;

- avoir volontairement détruit les barres de la tête du lit appartenant à sa copine de l’époque (D).

(…) ».

Dans la lettre de saisine, le Ministre a encore donné à considérer que l’ouverture d’une instruction disciplinaire est d’autant plus justifiée par le fait que, de par sa profession d’instituteur de l’enseignement fondamental affecté à l’école (B) à …….., (A) est en contact permanent avec des enfants, et qu’il convient de mesurer, au vu de son agressivité établie, le risque en résultant. Le Ministre poursuit qu’(A) est affecté au sein de la même école que (D), reconnue victime et acquittée des infractions non établies à sa charge, et qu’il a été imposé à (A) de se soumettre à un traitement psychologique ou psychiatrique en vue de traiter son agressivité.

À l’audience du Conseil de discipline du 7 décembre 2022, (A), assisté de son avocat, a déclaré reconnaître les faits à la base de sa condamnation au pénal, raison pour laquelle il n’aurait pas interjeté appel contre le jugement intervenu. Il dit être conscient que son agissement ne saurait être excusé, mais il faudrait néanmoins tenir compte des circonstances de l’espèce. La relation entre (D) et lui aurait été toxique dès le début, néanmoins (D) aurait été comme une drogue pour lui à laquelle il n’aurait pas pu résister malgré toute cette escalade de violence. Avant cette relation il n’aurait jamais levé la main contre une femme, mais, par son comportement envers lui, (D) l’aurait poussé dans ses derniers retranchements. Il se serait toujours efforcé de ne pas ramener ses problèmes personnels à l’école où son engagement en tant qu’instituteur serait toujours sans faille. S’il serait exact qu’il avait été abordé au sujet des infractions commises par des membres du personnel enseignant et que les faits se seraient également ébruités en dehors de la communauté scolaire, cependant à sa connaissance seule une lettre a été rédigée par un parent désireux de ne pas voir son enfant fréquenter sa classe à la rentrée scolaire. Il bénéficierait toujours du soutien de l’écrasante majorité de ses collègues de travail et il renvoie à cet égard aux multiples attestations testimoniales versées au dossier. Malgré le fait que (D) est institutrice dans la même école fondamentale que lui, il n’a pas entendu changer d’établissement scolaire alors qu’il serait particulièrement attaché à cette école à …….. où il travaillerait depuis plus de 10 ans.

Il participerait activement à élaborer avec d’autres intervenants un nouveau concept pour l’école « (B) » et il ne se lasserait pas à œuvrer dans l’intérêt de cette école, sans aussi oublier sa disponibilité notamment pour épauler la présidente d’école. Personnellement, il ne verrait donc pas d’objection à travailler au sein de la même école que sa victime alors que, à part un incident où ils auraient eu une prise de bec au sujet des inscriptions que (D) avait fait sur une liste en violation des consignes usuelles et où il voulait en avoir des explications, ils arriveraient à gérer le quotidien professionnel. Il donne encore à considérer qu’il respecte les obligations à la base de sa probation, dont l’indemnisation de la victime et le suivi thérapeutique.

Maître Marc THEISEN a plus amplement illustré que ce dossier disciplinaire présenterait un caractère très délicat et sensible dans la mesure où, d’un côté, il met en évidence un instituteur en fonction depuis plus de 10 ans dont l’engagement, la motivation, les compétences, les qualités et le sérieux professionnel seraient incontestés et, d’un autre côté, un homme ayant, une fois dans sa 4vie, commis une faute extraprofessionnelle très grave alors qu’il n’arrivait pas à se défaire d’une relation sentimentale qu’il savait toxique pour lui. (A) aurait prouvé, en continuant à travailler au sein de la même école que (D), qu’il dispose de la doigtée et de l’intelligence nécessaires pour maîtriser la situation et pour honorer la confiance que le commissaire du Gouvernement a placé en lui en faisant abstraction d’une mesure de suspension. Ainsi il serait formellement contesté que cette affaire aurait donné lieu à scandale, au contraire, la situation se serait désormais apaisée, voire même normalisée entre les deux personnes. (A) continuerait avec son suivi psychologique et aurait intégralement indemnisé sa victime. Le Conseil de discipline devrait maintenant trouver une sanction reflétant un juste équilibre entre les deux aspects mis en exergue que l’avocat considère être soit l’avertissement, soit la réprimande. Le déplacement étant considéré par l’avocat comme inapproprié vu le rattachement d’(A) à cette école et l’absence de la moindre critique ayant trait à l’exercice de sa profession d’instituteur.

La déléguée du gouvernement rappelle que la condamnation au pénal implique qu’(A) ne peut plus revenir sur les faits à la base de la condamnation intervenue dont la matérialité est acquise. Ces faits auraient bien été ébruités tant dans la localité de …….., que parmi la communauté scolaire et ils feraient encore l’objet de discussions à l’heure actuelle. Tant (A) lui-

même à l’audience, que le témoin (H) lors de son audition devant le commissaire, ont relaté que des parents font la remarque « savoir beaucoup de choses sur (A) ». Même si ses compétences professionnelles en tant que telles ne seraient pas en cause, (A) serait tenu, de par le statut général, à faire preuve d’un comportement et d’une moralité irréprochables également en dehors de l’enceinte scolaire afin de satisfaire aux devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose. Il devrait servir d’exemple aux élèves, être crédible tant vis-à-vis des élèves que des parents et transmettre des valeurs universelles reconnues. Or, de par sa condamnation au pénal notamment pour violences domestiques, il aurait gravement porté atteinte à la dignité de ses fonctions, à la capacité de les exercer, donné lieu à scandale et compromis les intérêts du service public, partant une violation de l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er, du statut général serait à retenir. Il serait inconcevable qu’(A) puisse continuer à exercer ses fonctions au sein de cette école fondamentale, de surcroît aux côtés de sa victime, de sorte qu’elle sollicite le déplacement d’(A), de même que le prononcé d’une amende à son encontre.

Il y a lieu de rappeler l’autonomie du droit disciplinaire par rapport au droit pénal de sorte que le même fait, pouvant s’analyser à la fois en une faute pénale et en une faute disciplinaire, peut entraîner les deux formes de poursuite sans que la règle « non bis in idem » ne s’applique dans les rapports du droit pénal et du droit disciplinaire alors que le but de ces deux procédures est bien évidemment distinct. D’une part, dans la répression pénale, l’intérêt de la société est en jeu, alors que, d’autre part, dans la répression disciplinaire, seul l’intérêt de la fonction publique est à considérer.

Nonobstant cette autonomie du droit disciplinaire, un jugement pénal a cependant une incidence sur la procédure disciplinaire en ce sens que, tel que rappelé à juste titre par la déléguée du Gouvernement, le Conseil de discipline ne peut pas remettre en cause la matérialité des faits établis par une décision judiciaire ayant autorité de chose jugée, alors que le Conseil de discipline reste évidemment libre de décider si ceux-ci appellent une sanction et, dans l’affirmative, d’en apprécier la gravité par rapport aux manquements au statut général, en l’espèce à l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er, du statut général, selon lequel le fonctionnaire est notamment tenu 5d’éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de sa fonction, ou à sa capacité de les exercer ou donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public, ceci aussi bien dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions.

Aux termes de l’article 53 du statut général, l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

Afin de satisfaire à cette mission, le Conseil de discipline se doit de reprendre certains faits significatifs à la base de la condamnation pénale intervenue et révélateurs du comportement d’(A) afin de les apprécier par rapport aux devoirs ancrés dans le statut général. Loin d’être confronté en l’espèce à un instituteur ayant été condamné pour un fait isolé où, plongé dans une situation exceptionnelle, il aurait, à une reprise, levé la main contre sa compagne, (A) a été condamné pour de multiples infractions au code pénal. Entre le 5 juin 2020 et le 16 octobre 2021, il a, à trois reprises, porté des coups et fait des blessures volontaires à sa compagne (une scène dans un parc d’attraction en Allemagne, une scène devant l’école fondamentale de …….. et une scène dans les escaliers au domicile) et, la nuit du 16 au 17 octobre 2021, au domicile de sa compagne, il a porté des coups et fait des blessures à cette dernière ayant, cette fois-ci, entraîné une incapacité de travail de cinq jours. Ce quatrième fait, s’il se distingue des autres par l’acharnement et la violence inouïe des coups assénés à la victime, dont plusieurs coups de poing en plein visage, tous dénotent dans le chef de leur auteur une propension inquiétante de recourir facilement à l’usage de violences en cas de frustrations personnelles et une impossibilité, voire une immaturité, à gérer des situations conflictuelles différemment que par le recours à la violence, sans parler de la détention illégale d’une personne, ainsi que de la destruction de biens mobiliers d’autrui, infractions également retenues par la 18ième chambre correctionnelle. Face à ces incidents avérés, la déclaration de l’ex-

épouse d’(A) comme quoi elle n’aurait jamais été victime de violences de la part du père de ses enfants n’est pas pertinente, il en est de même de celles effectuées par des collègues de travail quant au comportement irréprochable affiché par (A) à leur égard.

Lors de la dernière scène de violences la nuit du 16 au 17 octobre 2021, deux passants, alertés par des bruits insolites, sont accourus pour venir en aide à la victime et pour tenter de raisonner (A). Il est révélateur de noter que le témoin oculaire (L), entendu sous la foi du serment, a relaté que même sa présence n’a pas freiné (A) dans son élan de se défouler à coups de poing sur une victime déjà inconsciente. Son témoignage a été repris comme suit dans le jugement :

« Le témoin a relaté avoir entendu le 17 octobre 2021 des bruits s’apparentant à plusieurs coups violents lorsqu’il se trouvait à une distance d’environ 30 mètres du garage du domicile de (D). Il se serait approché du garage, qui était entrouvert, pour voir ce qui était en train de se passer.

A ce moment, il aurait aperçu (A) donner des coups de poings très violents (« wirklech mat voller Wucht ») au visage de (D). À ce moment, les deux se seraient trouvés face-à-face en position agenouillée. Il aurait pu voir que (D) avait perdu conscience (« et war K.O. ») et que sa tête était penchée en arrière (« Sie haat den Kapp nohannen an hien huet net opgehaalen ze schloen »). (L) a expliqué qu’il serait entré dans le garage et qu’à ce moment, (A), qui s’était entretemps levé, se serait penché sur (D) pour lui asséner encore deux coups de poing violents. (A) se serait alors exclamé « elo sin ech fäerdeg », avant de prendre son sac et de quitter les lieux. (L) a précisé que tout au long de l’incident, (D) n’aurait prononcé le moindre mot. Le témoin a encore déclaré n’avoir 6constaté la moindre blessure sur la personne d’(A) qui se serait pourtant trouvé directement en face de lui à un moment donné ».

Il faut relever le sang-froid, la détermination et l’indifférence d’(A), lequel, après avoir exclamé les mots en direction du témoin « elo sin ech fäerdeg », prend son sac à dos et, sans autrement se soucier de l’état de sa victime gisant au sol, quitte tranquillement les lieux comme si de rien n’était.

Le récit des deux témoins oculaires (L) et (M) est sans équivoque quant au rôle purement passif de la victime et quant à l’absence de blessures décelables sur (A). Pourtant, au lieu d’assumer la responsabilité dans la tournure des événements, (A) s’est érigé en victime et a porté à son tour plainte contre (D) du chef de coups et blessures appuyée par la production de photos et de certificats médicaux « ee wuert géint dat aanert ». Auditionné par les policiers, (A) a contesté les actes de violence, affirmant que (D) se serait elle-même infligée les blessures documentées dans ses essais de le frapper, voire qu’elle serait tombée à plusieurs reprises, chutes lui ayant occasionné des blessures. Ce n’est donc que la circonstance que, par pur hasard, des passants aient jugé nécessaire d’aller vérifier l’origine des bruits insolites, qu’(A) a pu être démasqué suite au récit précis de leurs observations. Inutile de spéculer quant à l’issue de l’affaire en présence des contestations formelles d’une personne présumée innocente et l’absence de témoin oculaire.

Même avec le recul, à l’audience du tribunal correctionnel du 18 janvier 2022, (A) a persisté à déblatérer contre (D) et, en dépit des témoignages, à raconter des balivernes, ayant adopté, une fois de plus, une attitude particulièrement indigne de quelqu’un supposé de par sa profession à servir d’exemple aux élèves et à leur enseigner des valeurs humaines fondamentales constituées d’une série de normes qui devraient réglementer la conduite de tout un chacun en général et d’un instituteur en particulier, dont notamment le respect, la tolérance, l’empathie, la solidarité, le sens des responsabilités et l’honnêteté.

Ce n’est que devant le Conseil de discipline, une fois sa condamnation au pénal intervenue en dépit de ses contestations et (D) acquittée, qu’(A) change de fusil d’épaule. Actuellement, et en opposition flagrante avec son attitude à l’audience correctionnelle il y a environ 10 mois, il fait profil bas, mais le Conseil de discipline, suite à ses diverses prises de position à l’audience, ne peut se défaire de l’impression que son repentir manque cruellement de sincérité et ne poursuit que la finalité de se présenter sous son meilleur jour afin de solliciter la clémence face à une condamnation pénale pour des délits d’une gravité indubitable.

À l’instar du constat opéré par la 18ième chambre siégeant en matière correctionnelle « que le prévenu n’a à aucun moment fait état d’une véritable prise de conscience de la gravité de ses actes. Au contraire, il n’a eu de cesse d’essayer de minimiser les faits qui lui sont reprochés et a tenté d’inverser les rôles pour s’ériger en victime », ses explications sont peu convaincantes, alors qu’elles ne renferment aucune sérieuse introspection, aucune auto-critique digne de ce nom et aucune réelle prise de conscience de la gravité des faits. Toutes les démarches effectuées par (A), dont notamment le suivi au centre (G), s’inscrivent dans le cadre légal obligatoire de sa probation afin de ne pas devoir purger la peine privative de liberté au centre pénitentiaire et aucun indice n’est décelable que la motivation puisse aussi avoir une autre cause.

7En effet, à lire la déclaration de (D) devant le commissaire du Gouvernement, elle cherche au quotidien à éviter, dans la mesure du possible, (A), ce qui bien évidemment s’avère être impossible. Si ce dernier avait éprouvé un minimum d’égard pour sa victime et avait affiché un repentir sincère, il aurait de son propre gré changé d’école pour la rentrée de septembre 2022.

Une telle décision aurait non seulement eu le mérite de ne pas s’exposer lui-même au moindre risque pouvant compromettre le sursis probatoire, mais surtout de ne pas se retrouver à l’origine de conflits généralement quelconques et d’éviter un climat de travail tendu afin de permettre ainsi à sa victime de tourner la page dans la mesure du possible et de pouvoir travailler dans un environnement professionnel rassurant. L’Etat a aussi un rôle à assumer vis-à-vis de sa salariée, institutrice de fonction et victime de violences domestiques, où il faut garantir qu’elle puisse travailler en toute sérénité sans risquer d’être quotidiennement confrontée dans l’exercice et à l’occasion de l’exercice de sa profession, à l’auteur des infractions commises sur sa personne. Ce constat vaut également pour l’ensemble de la communauté scolaire.

Pareille remarque s’impose d’autant plus alors qu’il résulte du dossier disciplinaire que des incidents sur le lieu de travail sont intervenus fin mai sinon début juin 2022 où il y a eu une altercation verbale entre (D) et (A) dans le hall d’entrée de l’école, en présence des 2 enfants de (D), décrite par la Présidente d’école (H) comme suit : « Monsieur (A) avait donc abordé Madame (D) pour savoir pourquoi elle avait inscrit ces remarques sur la liste. Madame (D) a répondu ne pas vouloir en discuter avec Monsieur (A). Comme Monsieur (A) a insisté à connaître les raisons, le ton est monté à un moment donné entre les deux protagonistes et c’est à ce moment-là que je suis intervenue. J’ai précisé que le type de remarques faites par Madame (D) ne devaient pas être inscrites sur la liste et qu’elles n’y avaient pas leur place vu l’absence d’un lien avec notre travail d’instituteur.

Le ton est monté davantage, moi-même j’étais en colère parce que je considère que les affaires personnelles n’ont pas à être discutées sur le lieu de travail. C’est ainsi que j’ai dit à Monsieur (A) et à Madame (D) de rentrer tous les deux à la maison et que moi-même je suis partie.

Tel que précisé plus haut, toute la discussion a duré 3 à 4 minutes et je suis partie alors que les deux se trouvaient encore dans le hall d’entrée.

J’étais en colère parce que l’affaire personnelle entre Monsieur (A) et Madame (D) crée une atmosphère bizarre et inconfortable. J’essaie de rester neutre, car je suis d’avis que cette affaire personnelle doit rester en dehors de l’école ».

(F) a également confirmé cette altercation verbale suite à l’initiative prise par (A) de demander des explications à (D) au sujet des inscriptions figurant sur une liste d’élèves : « Le ton entre (A) et (D) est progressivement monté au fil des débats, car (A) s’obstinait à demander une réponse et (D) de son côté bloquait toute réponse ».

Le comportement décrit par ces témoins est une illustration que malgré la prise en charge thérapeutique d’(A) lequel avait déclaré devant le commissaire « déjà avant les évènements incriminés du mois d’octobre 2021, je me trouvais de ma propre initiative en traitement thérapeutique », le suivi par le SCAS depuis le 5 mai 2022 et sa séance auprès du service (G) du 12.05.2022, celui-ci, non seulement n’évite pas une confrontation directe avec sa victime, mais encore s’obstine-t-il dans une attitude dévoilant un potentiel d’agressivité latent.

8 (D), entendue en qualité de témoin par le commissaire, a encore fait état de deux autres incidents intervenus au sein de l’école avant cet événement. Elle s’est exprimée à ce sujet comme suit : « Ainsi, à une date que je ne saurais vous préciser mais qui se situe avant le choix des classes, Monsieur (A) et moi-même avons eu une discussion dans la salle de conférence des instituteurs. Il me reprochait d’avoir fait des remarques sur une collègue de notre école ce qu’il aurait appris lors d’une réunion à l’école ……., en ce sens que j’aurai raconté que lui-même et cette collègue auraient couché ensemble. Cependant je n’ai pas dit ceci. Il m’a alors demandé ce que j’attendais de lui et je lui ai répondu que je voulais qu’il parte de l’école, par respect pour ma personne.

L’autre incident dont je me souviens, et qui se situe également avant la scène du 31 mai 2022, sans préjudice quant à la date exacte, est qu’il m’a retenu du bras alors que je voulais partir pour ne pas devoir lui parler. La situation était à nouveau celle où il me prêtait des propos que je n’ai pourtant pas tenus et que je lui demandais de me laisser tranquille ».

Même si le témoin (J) fait état d’une évolution positive de l’état émotionnel d’(A) depuis octobre 2021, toujours est-il que les faits commis par (A), sa condamnation à une peine d’emprisonnement de 20 mois pour laquelle un sursis simple n’a pas été accordé, mais uniquement un sursis probatoire, de même que l’attitude adoptée par lui, sont inconciliables avec les qualités que l’Etat est en droit d’attendre d’un instituteur professionnel de la pédagogie en contact journalier avec des élèves, des parents d’élèves et des collègues. Un instituteur a une responsabilité éducative et est, surtout pour des enfants en bas âge, une personne de référence, une personne de confiance et il doit leur donner l’exemple. Cette exemplarité personnelle est une norme comportementale alignée sur une exigence morale et éthique, soit sur des qualités vertueuses, que l’instituteur doit incarner et lesquelles font désormais défaut dans le chef d’(A).

Non seulement la réputation, le respect et l’autorité attachés à la fonction d’enseignant ont été affectés par le comportement adopté en privé par lui, mais encore ce comportement ébranle la relation de confiance que l’Etat doit pouvoir avoir dans son personnel enseignant.

S’y ajoute que la nature des faits a déjà donné lieu à scandale, fait qui a d’ailleurs été admis par le concerné lui-même à l’audience, et compromet les intérêts de l’établissement scolaire dans lequel il exerce ses fonctions, voire ceux de l’enseignement scolaire dans son ensemble, même s’il est vrai que pour l’instant, les faits n’ont été ébruités qu’entre un nombre restreint de personnes.

L’ensemble de ces considérations rend la sanction du déplacement, telle que sollicitée par la déléguée du Gouvernement, non seulement inappropriée eu égard à la spécificité des faits à la base de la condamnation et ayant une répercussion inévitable sur la vie professionnelle d’(A) tel que mis en exergue ci-avant, mais surtout eu égard à leur gravité indubitable. La rectitude du comportement d’un instituteur, son intégrité et le respect des valeurs fondamentales sont conçus comme des conditions sine qua non de son autorité, partant de sa respectabilité et de sa légitimité.

Même si (A) tient sa nomination définitive avec effet au 1er octobre 2009 sans qu’il y a eu un antécédent disciplinaire à sa charge, élément, s’il n’est pas de nature à amoindrir la gravité des faits, est néanmoins pris en compte dans l’appréciation de la proportionnalité de la sanction de 9sorte qu’il n’y a pas lieu de recourir à la sanction de la révocation correspondant à la sanction la plus sévère dans l’échelle des sanctions disciplinaires prévues à l’article 47 du statut général, mais d’ordonner, conformément à l’article 47, point 9, du statut général, la mise à la retraite d’office d’(A) pour non-respect de la dignité des fonctions telle que définie à l’article 10 du statut général. (…) ».

Par arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office fut entérinée.

Par arrêté du ministre du 13 janvier 2023, Monsieur (A) fut encore suspendu de plein droit de l’exercice de ses fonctions, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« (…) Vu l’instruction disciplinaire ouverte à l’encontre de Monsieur (A) (matr. 19………….) ;

Vu les faits reprochés à (A) (matr. 19………) au titre de ces poursuites ;

Vu le dossier relatif à l’instruction disciplinaire établi en date du 13 septembre 2022 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire ;

Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’État du 21 décembre 2022 ;

Vu l’article 48, paragraphe 2, d), de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État ;

Arrête :

Art. 1er.- Monsieur (A) (matr. 19……….), instituteur, fonctionnaire de l’État, affecté à l’école (B), est suspendu de plein droit de l’exercice de ses fonctions, depuis le 21 décembre 2022, date de la décision du Conseil de discipline, et jusqu’à l’exécution de cette dernière par l’autorité de nomination. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 janvier 2023 (n° 48469 du rôle), Monsieur (A) introduisit un recours tendant, d’après son dispositif, à la réformation sinon à l’annulation de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 et à l’annulation de « l’arrêté ministériel du » et, aux termes du corps de la requête, d’une part, à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, de l’arrêté du ministre du 13 janvier 2023 l’ayant suspendu de plein droit de l’exercice de ses fonctions, ainsi que de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ayant entériné la prédite décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022.

Par requête séparée déposée le même jour (n° 48470 du rôle), il sollicita encore le sursis à exécution par rapport à la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, ainsi que par rapport à l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 et à l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023 l’ayant suspendu de plein droit de ses fonctions.

10Par ordonnance du 8 février 2023, le président du tribunal administratif fit partiellement droit à cette requête en ordonnant le sursis à exécution de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, ainsi que corrélativement de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 portant exécution de ladite décision du Conseil de discipline, jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond, tout en rejetant la demande de suspension dirigée contre l’arrêté du ministre du 13 janvier 2023 ayant suspendu Monsieur (A) de plein droit de ses fonctions jusqu’à l’exécution de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 par l’autorité de nomination.

En date du 14 février 2023, le ministre prit un nouvel arrêté suspendant Monsieur (A) de l’exercice de ses fonctions jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le recours inscrit sous le numéro 48469 du rôle, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« (…) Vu l’instruction disciplinaire ouverte à l’encontre de Monsieur (A) (matr. 19……..) ;

Vu la décision de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47, point 9 du statut général prononcée par le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’État du 21 décembre 2022 ;

Vu l’article 48, paragraphe 2, d), de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État ;

Vu l’ordonnance du Tribunal administratif, numéro 48470 du rôle, ECLI:LU:TADM:2023:48470, ordonnant le sursis à exécution de la décision du conseil de discipline des fonctionnaires de l’État du 21 décembre 2022, ainsi que, corrélativement de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 portant exécution de la prédite décision du conseil de discipline des fonctionnaires de l’État, jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond introduit sous le numéro 48469 du rôle ;

Arrête :

Art. 1er. - Monsieur (A) (matr. 19……….), instituteur, fonctionnaire de l’État, affecté à la commune de …….., est suspendu de l’exercice de ses fonctions jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond introduit sous le numéro 48469 du rôle. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2023 (n° 48577 du rôle), Monsieur (A) introduisit un recours en annulation contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023 l’ayant suspendu de ses fonctions, et par requête séparée déposée le même jour (n° 48578 du rôle), il sollicita encore le sursis à exécution par rapport à cette décision, demande dont il fut débouté par ordonnance du président du tribunal administratif du 7 mars 2023.

Par jugement du 17 octobre 2023, le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, au fond, le déclara justifié et par réformation de ladite décision, prononça à l’égard de Monsieur (A) la sanction disciplinaire de la rétrogradation, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, se déclara incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé 11contre l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, reçut en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, au fond, le déclara justifié et annula ledit arrêté, déclara irrecevable le recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023, reçut en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023, au fond, le déclara justifié, partant annula ledit arrêté du 14 février 2023, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure du demandeur et condamna l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal, en relation avec la matérialité des faits reprochés à Monsieur (A), constata que ceux-ci résultaient à suffisance de droit du jugement du 3 février 2022 rendu par le tribunal correctionnel de Luxembourg, suivant lequel le demandeur avait été condamné à une peine d’emprisonnement de vingt mois assortie du sursis probatoire et à une amende de 3.000.- €, ainsi qu’au montant de 5.000.- € à payer à la victime pour tous dommages confondus, cette décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée.

Il retint ensuite que la simple circonstance que les faits commis par celui-ci, pour lesquels il avait été condamné pénalement, d’une violence significative et indéniable, était, de toute évidence, suffisante pour être susceptible de donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts de l’école et de porter atteinte à la dignité de ses fonctions d’instituteur, de sorte que les faits reprochés au demandeur constituaient une faute sanctionnable disciplinairement au sens de l’article 10, paragraphe 1, alinéa 1er, du statut général disposant que « le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public ».

Les premiers juges estimèrent encore que le fait pour un enseignant d’avoir volontairement porté des coups et infligé des blessures à une autre personne avec une violence inouïe et avec un sang-froid certain, était à lui seul de nature à justifier une sanction disciplinaire conséquente, ce compte tenu du fait que pareille attitude était à elle seule incompatible avec les exigences renforcées à l’égard d’un enseignant ayant en charge la gestion d’enfants et supposé de par sa profession à servir d’exemple aux élèves et à leur enseigner les valeurs humaines fondamentales.

Concernant finalement la gravité du comportement du concerné et la sanction adéquate à prononcer à son encontre, le tribunal, après avoir cité les articles 53 et 54, paragraphe (3), du statut général et noté que la sanction de la mise à la retraite d’office était la pénultième sanction disciplinaire du catalogue figurant à l’article 47 du statut général, releva, contrairement aux affirmations de la partie étatique, qu’il ne ressortait d’aucun élément du dossier que les faits reprochés avaient causé un scandale à …….. ou soulevé la réprobation ou l’indignation parmi le corps enseignant, les élèves ou les parents d’élèves. Il constata en outre qu’au niveau professionnel, aucun reproche n’était opposé à Monsieur (A), apprécié en tant qu’enseignant, par ses collègues de travail, son supérieur hiérarchique et même par les parents d’élèves, et il releva, dans ce contexte, que ni le commissaire du gouvernement adjoint, ni son employeur n’avaient trouvé nécessaire de le suspendre de l’exercice de ses fonctions pendant la procédure disciplinaire, cette suspension n’étant intervenue que postérieurement à la décision du Conseil de discipline, de plein droit du fait de la loi, de sorte qu’il ne ressortirait d’aucun élément du dossier que le demandeur avait définitivement ébranlé la confiance de son employeur.

12 Eu égard à ces considérations et au vu de son casier disciplinaire vierge, ainsi que de son ancienneté de service, le tribunal arriva à la conclusion que la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office retenue par le Conseil de discipline était excessive et qu’il y avait lieu de retenir, en vertu de l’article 47, point 7, du statut général, la sanction disciplinaire de la rétrogradation à l’égard de Monsieur (A).

Concernant l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, le tribunal annula ledit arrêté pris en exécution de la décision du Conseil de discipline et déclara encore irrecevable le recours pour autant qu’il était dirigé contre l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023 pour défaut d’intérêt à agir.

Concernant ensuite le recours pour autant qu’il était dirigé contre l’arrêté du ministre du 14 février 2023, ayant suspendu une nouvelle fois Monsieur (A) de l’exercice de ses fonctions, le tribunal nota que l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général prévoyait la suspension de l’exercice des fonctions, de plein droit, du fonctionnaire à partir de sa condamnation disciplinaire à la révocation ou à la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité des fonctions, telle que définie à l’article 10 du statut général, et s’appliquait dès lors limitativement pour la période se situant entre la décision du Conseil de discipline et la décision portant exécution de cette décision, de sorte que la suspension de l’exercice des fonctions, de plein droit, dans le chef de Monsieur (A) avait pris effet le 21 décembre 2022, date de la décision du Conseil de discipline ayant prononcé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office à son égard, et avait cessé ses effets le 18 janvier 2023, jour de la prise d’effet de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ayant exécuté la décision précitée du Conseil de discipline.

Il estima ensuite que l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général ne pouvait plus être ressuscité et invoqué une seconde fois postérieurement à la décision d’exécution de l’autorité de nomination et notamment postérieurement à l’ordonnance de référé du 8 février 2023 ayant suspendu tant la décision du Conseil de discipline que la décision d’exécution de l’autorité de nomination. D’après le tribunal, tant la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 que l’arrêté grand-ducal d’exécution du 11 janvier 2023 continuaient dès lors à subsister dans l’ordre juridique avec comme conséquence d’écarter la possibilité de faire une nouvelle fois application de la suspension prévue à l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général, les conditions légales n’étant plus remplies, étant donné que la décision du Conseil de discipline avait d’ores et déjà été exécutée. Il ajouta encore que le régime actuel de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général prévoyait que le droit commun s’applique à la suite de la décision d’exécuter la décision du Conseil de discipline et que le fonctionnaire est immédiatement écarté de la fonction publique, de sorte que l’obtention d’un sursis à exécution obtenu par le juge des référés avait très précisément pour effet de bloquer provisoirement l’exécution de la décision contestée et qu’un fonctionnaire écarté de la fonction publique voyait sa relation de travail maintenue le temps de la suspension de la décision l’écartant de ses fonctions, ce dernier pouvant dès lors être réintégré dans son service pendant cette période.

Par voie de conséquence, le tribunal annula l’arrêté ministériel du 14 février 2023 pour violation de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général.

13Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023, l’Etat a relevé appel du jugement du 17 octobre 2023 pour le voir réformer dans le sens de confirmer la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 ayant prononcé la sanction de la mise à la retraite d’office sinon de « décider (…) une sanction appropriée » et de voir déclarer irrecevable le recours pour autant qu’il était dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023.

Dans sa réponse déposée au greffe de la Cour le 19 décembre 2023, l’intimé, de son côté, relève appel incident contre le jugement du 17 octobre 2023 dans le sens de voir appliquer la sanction disciplinaire du déplacement à son encontre, telle que sollicitée par le délégué du gouvernement dans le cadre de la procédure disciplinaire devant le Conseil de discipline.

Les deux appels ayant été relevés suivant les formes et délais prévus par la loi, ils sont recevables.

A l’appui de son appel, la partie étatique estime que Monsieur (A), de par son comportement, aurait failli à l’ensemble des éléments énumérés à l’article 10 du statut général et que l’affaire sous rubrique aurait bien donné lieu à scandale. Ainsi, les violences domestiques commises par le concerné présenteraient le caractère d’un fait scandaleux, celui-ci ayant commis des actes indignes de ses fonctions d’enseignant, et les faits commis seraient incompatibles avec les exigences et la dignité attachées à la fonction d’enseignant. En outre, il ressortirait du dossier disciplinaire et des pièces versées en cause que les faits reprochés à l’intimé seraient connus dans le milieu scolaire et partant dans le public, ce qui aurait déclenché une réaction du public, le scandale étant immédiatement créateur de malaise. En tout état de cause, les faits commis par l’intimé, d’une violence significative et indéniable, seraient, de toute évidence, suffisants pour être susceptibles de donner lieu à un scandale ou compromettre les intérêts de l’école et de porter atteinte à la dignité de ses fonctions d’instituteur et constitueraient partant une faute sanctionnable d’un point de vue disciplinaire au sens de l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général, ce d’autant plus que ladite disposition légale prévoirait des conditions alternatives, de sorte que l’atteinte à la dignité des fonctions et à la capacité de les exercer, ainsi que le fait que les intérêts du service public auraient été compromis, seraient suffisants pour justifier une sanction disciplinaire.

Finalement, à supposer que les faits n’aient pas connu de publicité, leur gravité les rendrait de toute façon incompatibles avec les fonctions exercées par Monsieur (A).

Concernant ensuite la gravité des faits commis et la proportionnalité de la sanction disciplinaire à prononcer, le représentant étatique insiste sur la considération que les faits commis par l’intéressé seraient très graves et partant incompatibles avec le métier d’enseignant. Sur ce, il estime que ce serait à tort que les premiers juges sont arrivés à la conclusion que la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office était trop sévère et que la rétrogradation était une sanction disciplinaire adéquate.

Tout en constatant les qualités humaines et professionnelles dont attesteraient les collègues de travail de l’intimé, le délégué du gouvernement soutient que ces éléments ne seraient pas pertinents pour l’issue du litige au motif que des témoignages de moralité n’auraient pas de lien avec les faits en tant que tels. En effet, la seule personne habilitée à apprécier si Monsieur (A) ne représente aucun risque vis-à-vis de ses élèves et de ses collègues de travail serait un professionnel dans ce domaine et non pas des collèges de travail.

14La partie étatique soutient encore que l’« attestation testimoniale » de l’« intégralité » du corps enseignant de l’école, datée au 22 décembre 2022, attestant du caractère et des qualités humaines de Monsieur (A), serait à rejeter pour ne pas respecter les garanties requises par l’article 402 du Nouveau code de procédure civile. Pour le surplus, le contenu de ladite attestation ne serait pas véridique, étant donné qu’il y aurait encore eu une altercation verbale entre Madame (D) et Monsieur (A) fin mai, début juin 2022, ainsi qu’une discussion entre les deux dans la salle de conférence des instituteurs. En tout état de cause, il n’appartiendrait pas aux collègues de travail d’apprécier les conséquences des agissements commis par Monsieur (A), étant donné qu’ils ne connaîtraient pas tous les faits et éléments du dossier et ce serait à juste titre que le Conseil de discipline aurait souligné que « le comportement décrit par ces témoins est une illustration que malgré la prise en charge thérapeutique d’(A) (…), celui-ci, non seulement n’évite pas une confrontation directe avec sa victime, mais encore s’obstine-t-il dans une attitude dévoilant un potentiel d’agressivité latent ».

Quant à la prise de position des représentants des parents, datée également au 22 décembre 2022, le délégué du gouvernement s’étonne que les représentants des parents de l’école avaient pu s’immiscer dans la présente affaire et rédiger un courrier dans la mesure où leur opinion ne serait certainement pas celle de tous les parents, le dossier disciplinaire faisant état que l’intéressé aurait été contacté par des parents à propos de l’affaire et qu’un parent aurait écrit une lettre au directeur d’école afin que son enfant ne soit pas placé dans la classe de l’intimé. De nouveau, cette prise de position ne contiendrait que des témoignages de moralité, sans valeur juridique et sans le moindre lien avec les faits en tant que tels.

La partie étatique relève ensuite que le fait que Monsieur (A) n’ait pas été suspendu de l’exercice de ses fonctions pendant la procédure disciplinaire ne constituerait pas un élément jouant en sa faveur, la seule décision entreprise étant celle du Conseil de discipline qui n’avait pas la possibilité de le suspendre. Pour le surplus, le délégué du gouvernement ne partage pas l’opinion des premiers juges ayant retenu qu’il ne ressortirait d’aucun élément du dossier que l’intimé aurait définitivement ébranlé la confiance de son employeur, le tribunal ayant lui-même relevé qu’un instituteur doit servir d’exemple aux élèves et constitue une personne de référence sinon de confiance, de même que les premiers juges ont souligné que la réputation et l’autorité attachées à la fonction d’enseignant ont été affectées, de sorte que ces éléments permettraient de conclure que l’intéressé a définitivement ébranlé la confiance de son employeur.

Concernant ensuite le casier disciplinaire vierge de Monsieur (A) et son ancienneté de service remontant à l’année 2009, le délégué du gouvernement relève que ces éléments ont bien été pris en compte par le Conseil de discipline, ce dernier n’ayant pas prononcé la sanction de la révocation correspondant à la sanction la plus sévère dans l’échelle des sanctions disciplinaires et que partant ces circonstances atténuantes ne seraient pas à prendre en considération une deuxième fois.

En résumé, le délégué du gouvernement soutient que l’incompatibilité des fautes graves commises par l’intimé avec la qualité d’instituteur, telle que constatée par le tribunal, suffirait, à elle seule, pour prononcer la mise à la retraite d’office et il serait incompréhensible que les premiers juges avaient prononcé une sanction permettant à l’intéressé de continuer à exercer sa fonction d’instituteur. Ainsi, il serait inconcevable que Monsieur (A) puisse s’immiscer dans une situation 15de conflit entre élèves, peu importe ses compétences professionnelles mises en avant par ses collègues de travail.

Le représentant étatique met encore en exergue un communiqué de presse, publié dans le cadre de la déclaration du gouvernement faite le 25 novembre 2022 à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et qui démontrerait que la répression des violences domestiques constitue une priorité absolue pour le gouvernement. Partant, dans l’affaire sous rubrique seules les sanctions de la mise à la retraite d’office ou de la révocation seraient envisageables car sinon la « zéro tolérance » serait vidée de sens.

Finalement, le délégué du gouvernement insiste encore sur la considération que Monsieur (A) aurait tout juste échappé à une peine d’emprisonnement sans sursis par laquelle celui-ci, aux termes de l’article 49, alinéa 1er, du statut général, aurait perdu de plein droit son emploi, son titre et son droit à la pension, de sorte que la sanction de la mise à la retraite d’office serait justifiée et proportionnée.

Il pointe encore le fait que la sanction disciplinaire de la rétrogradation prononcée par le tribunal ne serait pas susceptible d’être exécutée en pratique, l’intéressé se trouvant dans le régime transitoire et classé au grade « E5 », c’est-à-dire dans une carrière plane qui ne s’étendrait que sur un grade, ce d’autant plus que les premiers juges n’auraient même pas précisé à quel grade et à quel échelon l’intéressé devrait être rétrogradé.

Quant au recours de Monsieur (A) pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, le délégué du gouvernement critique les premiers juges en ce qu’ils auraient omis d’indiquer les causes propres à l’arrêté qui justifieraient son annulation. Il estime, d’un côté, qu’au vu du jugement entrepris réformant la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, celle-ci aurait continué à exister jusqu’au 17 octobre 2023 et, d’un autre côté, que par la décision d’annulation de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, ce dernier aurait été rétroactivement annihilé, alors même qu’il n’y aurait eu aucune raison légale de procéder à pareille annulation.

D’après le représentant étatique, la décision de l’autorité de nomination du 11 janvier 2023 serait, nonobstant sa dénomination, dépourvue de tout caractère décisoire, celle-ci étant légalement tenue d’appliquer la décision du conseil de discipline et ne constituerait qu’un acte d’exécution non susceptible de recours, de sorte que le recours contre ledit arrêté grand-ducal serait à déclarer irrecevable.

Quant au recours de Monsieur (A) pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023, le délégué du gouvernement estime que le tribunal a conclu à tort que ledit arrêté, par lequel l’intimé a de nouveau été suspendu de l’exercice de ses fonctions, serait à annuler pour violation de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général et que les premiers juges auraient à tort retenu que l’intéressé aurait provisoirement dû être réintégré dans sa fonction d’instituteur jusqu’au prononcé du jugement concernant son recours au fond.

Ainsi, l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général prévoirait expressément, à l’égard d’un agent condamné disciplinairement à la mise à la retraite ou à la révocation, une suspension de plein droit aussi longtemps que la décision du Conseil de discipline n’est pas encore exécutée, suspension qui ne relève pas du pouvoir d’appréciation et de décision de l’autorité appelée à 16prendre la décision de suspension. Il expose encore qu’avant la modification législative intervenue par la loi du 30 mai 2008, la disposition en cause prévoyait la suspension de plein droit de l’agent par une décision non encore passée en force de chose jugée jusqu’à la décision définitive, texte qui permettait à l’agent ainsi sanctionné de percevoir encore la moitié de son traitement pour l’hypothèse où il intentait un recours devant les juridictions administratives et aussi longtemps que celui-ci n’avait pas encore été vidé. Partant, l’intention du législateur en 2008 aurait été de prévoir que la suspension de plein droit ne joue que pendant la période séparant la prise de décision par le Conseil de discipline de l’exécution de celle-ci par l’autorité de nomination et qu’elle ne s’étende pas sur la durée d’un éventuel recours contentieux de l’agent, tout en relevant que l’agent révoqué ou mis à la retraite pouvait reprendre son travail pour le cas où il obtiendrait par ordonnance présidentielle l’effet suspensif de la décision exécutant la sanction prononcée.

D’après le délégué du gouvernement, la suspension de l’exercice des fonctions de plein droit produirait ses effets depuis le jour de la décision du Conseil de discipline, en l’occurrence le 21 décembre 2022, jusqu’au jour où la sanction disciplinaire est exécutée, à savoir jusqu’au jour où la relation de travail est terminée, relation de travail qui ne serait pas encore terminée au vu de l’ordonnance présidentielle du 8 février 2023 ayant uniquement ordonné l’effet suspensif de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 et de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 et non pas de l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023. Partant, ce serait à tort que les premiers juges ont retenu qu’il faudrait interpréter les travaux parlementaires de manière à ce que l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général aurait cessé de produire ses effets le 18 janvier 2023, jour de la prise d’effet de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ayant exécuté la décision du Conseil de discipline. Selon la partie étatique, la mesure de suspension découlant de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général ne serait pas de nature à se heurter au sursis à exécution décidé par rapport à la sanction disciplinaire et ne serait partant pas de nature à contrevenir à l’autorité de chose jugée au provisoire en vertu de l’ordonnance présidentielle du 8 février 2023. A supposer que la Cour décide que Monsieur (A) ne faisait plus l’objet d’une suspension de plein droit, le ministère serait contraint de le réintégrer dans sa fonction initiale, voire s’il était tenu compte de sa demande de déplacement, dans une autre fonction/administration.

Monsieur (A), de son côté, relève en premier lieu que les faits à la base de la décision du tribunal correctionnel de Luxembourg du 3 février 2022 ne se seraient pas déroulés dans un contexte professionnel et que tant avant qu’après les évènements, il aurait effectué un travail irréprochable, tel que cela se dégagerait d’une attestation testimoniale du 7 septembre 2022 de la part de l’intégralité du corps enseignant de l’école « (B) » à …….., d’une prise de position des représentants des parents d’élèves du 22 décembre 2022, ainsi que du rapport d’instruction disciplinaire du 13 septembre 2022 dressé par le commissaire du gouvernement adjoint.

Il estime ensuite que la faute disciplinaire commise n’aurait pas donné lieu à un « scandale », étant donné que les faits pour lesquels il a été condamné n’auraient pas fait l’objet d’un débat sur le « forum public ». Tout en concédant que par son agissement, il a porté atteinte à la dignité de ses fonctions, il donne à considérer que la faute disciplinaire ne serait pas à qualifier de scandaleuse justifiant la deuxième sanction la plus lourde prévue à l’article 47 du statut général. Le Conseil de discipline aurait lui-même constaté, dans sa décision du 21 décembre 2022, que « les faits n’ont été ébruités qu’entre un nombre restreint de personnes ». L’intimé insiste encore sur la considération que le commissaire du gouvernement adjoint avait renoncé à le suspendre de ses fonctions pendant le cours de l’instruction disciplinaire et que si actuellement l’affaire touchait le 17public et son entourage, ceci serait le produit de la sanction disciplinaire disproportionnée prononcée à son encontre. En outre, il expose qu’un fait, pour être scandaleux, devrait déclencher une réaction véhémente du public, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Il ressortirait encore de l’intégralité du dossier que la dignité des fonctions n’aurait pas été atteinte, ce qui serait démontré par le fait que la partie étatique, devant le Conseil de discipline, avait uniquement sollicité à titre de sanction son déplacement. Pour le surplus, il serait choquant que « la seule possibilité de donner lieu à scandale » suffise, aux yeux de la partie étatique, pour constituer une violation de l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général et conduire à la mise à la retraite d’office d’un fonctionnaire sans le moindre antécédent disciplinaire et qui disposerait du soutien de ses collaborateurs, de ses supérieurs hiérarchiques et même des parents d’élèves.

Monsieur (A) s’étonne ensuite du fait que le délégué du gouvernement demande explicitement de faire abstraction des résultats de l’instruction disciplinaire et de tous les éléments plaidant en sa faveur en vue d’apprécier la proportionnalité de la peine disciplinaire à prononcer. Il énumère dans ce contexte ses compétences professionnelles, le fait de ne pas avoir été suspendu pendant la phase d’instruction disciplinaire, la confiance lui témoignée par son employeur, son casier disciplinaire vierge, son ancienneté de service de plus de 14 ans, son engagement professionnel et le constat que tant le commissaire de gouvernement adjoint que le délégué du gouvernement devant le Conseil de discipline n’ont sollicité que la peine disciplinaire du déplacement. Partant, il serait incompréhensible comment le Conseil de discipline, en parfaite contradiction avec le contenu du rapport d’instruction, ait pu estimer que la réputation ou le respect de la fonction d’enseignant auraient été affectés.

Concernant les attestations de témoignage produites en cause, l’intimé estime que le délégué du gouvernement tenterait de dénaturer les déclarations précises et concordantes qui mettraient en évidence ses qualités professionnelles et qui confirmeraient que les faits pour lesquels il fut condamné n’auraient ni affecté ni ébranlé ses prestations professionnelles et n’auraient pas terni la réputation de l’école, respectivement la fonction d’enseignant. Il relève plus particulièrement que deux enseignantes, amies personnelles de Madame (D), auraient également signé la deuxième attestation du corps enseignant de l’école « (B) » du 22 décembre 2022 à la suite de la décision du Conseil de discipline. Partant, il n’y aurait aucune raison de croire que la relation de confiance entre l’Etat employeur et le personnel enseignant aurait été ébranlée dans le cas d’espèce, ce qui serait encore démontré par le constat que les parents d’élèves exigeraient clairement son maintien dans ses fonctions.

Quant au caractère proportionnel de la sanction prononcée par le Conseil de discipline, Monsieur (A) relève que la partie étatique s’attarderait « en long et en large » sur les violences domestiques commises mais ferait abstraction de tout élément militant en sa faveur. Comme les faits reprochés se seraient strictement limités à sa vie privée et qu’il ne serait pas établi qu’il a directement terni l’image de sa fonction, au vu de la circonstance non contestée qu’il continuerait toujours son suivi psychologique et en considération du fait qu’il ressortirait de l’intégralité du dossier qu’il aurait continué à exercer ses fonctions de manière exemplaire, l’intimé estime qu’il mériterait une ultime chance de prouver qu’il a pu tirer les enseignements nécessaires de ces évènements et qu’il pourrait être maintenu dans ses fonctions. Partant, la sanction de la mise à la retraite d’office ne constituerait pas une sanction proportionnée par rapport aux circonstances de l’espèce et il conviendrait de 18prononcer une sanction appropriée aux faits, à sa personnalité et à son âge lui donnant la possibilité d’apprendre de ses erreurs et de s’améliorer dans ses relations personnelles et professionnelles.

Quant à la pertinence du principe de proportionnalité, dont le délégué du gouvernement entendrait faire abstraction, l’intimé passe en revue diverses jurisprudences rendues par les juridictions administratives pour en déduire que la Cour aurait toujours fait une juste appréciation de la gravité des faits et de ses effets en retenant tous les éléments de la cause et surtout les circonstances « favorables » au profit du fonctionnaire afin d’arriver à une « peine juste ». Il conviendrait partant de constater que tout au long de sa carrière, il aurait été un enseignant modèle, engagé à tous les niveaux et ayant donné plus que satisfaction tant à ses supérieurs hiérarchiques, qu’à ses collègues ainsi qu’aux élèves et parents d’élèves. Ainsi, face au reproche résultant d’un évènement isolé, dont la gravité ne serait pas à nier, il n’aurait jamais déçu la confiance de l’Etat employeur, mais aurait participé à maintenir une excellente image de l’instituteur. Par conséquent, la sanction du déplacement, initialement sollicitée par le délégué du gouvernement lors de l’audience du Conseil de discipline, serait à considérer comme une sanction appropriée et proportionnelle, le cas échéant, vers une autre école de la même direction, ce qui lui permettrait encore d’assumer diverses charges supplémentaires comme la fonction de coordinateur de cycle et son engagement actif dans le projet « (B) » à ……… Quant au recours pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023 l’ayant suspendu une deuxième fois de l’exercice de ses fonctions, l’intimé soutient tout d’abord que la période visée par l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général se serait étendue du 21 décembre 2022 au 18 janvier 2023, c’est-à-dire à partir du moment du prononcé de la sanction disciplinaire par le Conseil de discipline jusqu’au moment de l’exécution de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 entérinant ladite sanction disciplinaire, les travaux parlementaires de la loi du 30 mai 2008 faisant référence à « un laps de temps qui devrait être assez court en général » et précisant que « le droit commun devenant applicable par la suite ». Partant, l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général, s’appliquant « de plein droit », ne trouverait application que pendant ce court laps de temps et le droit commun trouverait application par la suite.

Il précise ensuite qu’avant la modification du statut général par la loi du 30 mai 2008, tout recours au fond introduit par le fonctionnaire, de plein droit suspendu de l’exercice de ses fonctions, aurait permis à celui-ci de continuer à percevoir la moitié de son traitement dans l’attente que toutes les voies de recours soient vidées, période pouvant s’étendre sur des années. Or, à l’heure actuelle, suite à l’exécution de la décision du Conseil de discipline, le fonctionnaire serait de facto révoqué respectivement mis en retraite et ne recevrait plus aucun traitement, tout comme il ne serait plus suspendu, mais écarté de la Fonction publique.

L’intimé précise encore que le moment de la fin de la période d’application de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général se situerait clairement au moment de la décision d’exécuter et non pas au moment de l’exécution effective, la décision d’exécuter étant forcément datée et portant une date précise. Partant, un éventuel sursis à exécution accordé au fonctionnaire ne changerait rien à la période d’application de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général, le moment de la « décision d’exécuter » restant toujours inchangé et la formulation choisie permettrait de fixer avec précision une date de début et une date de fin de la période d’application, et ceci indépendamment d’un éventuel recours en référé. En outre, la suspension et la réduction du 19traitement prévues par l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général s’appliqueraient de plein droit à partir de la décision du Conseil de discipline sans aucune nécessité de prise d’un arrêté ministériel, tel celui du 13 janvier 2023 dans son cas, et l’application dudit article prendrait fin au moment d’exécuter la sanction prononcée par le Conseil de discipline prise par le ministre, en l’occurrence le 18 janvier 2023. A partir de cette date, le fonctionnaire n’aurait en aucun cas droit à la protection lui accordée par l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général et le droit commun trouverait de nouveau application, le fonctionnaire ne percevant plus de traitement et ne faisant plus partie de la fonction publique, et le texte en question ne pourrait non plus être « ressuscité ». Partant, un éventuel recours au fond n’aurait aucun effet sur la situation du fonctionnaire qui resterait révoqué respectivement mis en retraite, les décisions administratives étant exécutoires immédiatement et un recours au fond n’étant pas suspensif.

Quant à la possibilité pour le fonctionnaire d’introduire un recours en référé contre la décision du Conseil de discipline et des conséquences y attachées, l’intimé donne à considérer que si celui-ci prospérait dans sa demande de sursis à exécution, le sursis à exécution de la décision du Conseil de discipline serait prononcé et cette dernière ne pourrait plus produire ses effets, de sorte que le fonctionnaire devrait être réintégré dans ses fonctions sans perte de traitement, conséquences qui auraient été clairement soulignées dans l’ordonnance présidentielle du 8 février 2023. Partant, l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général ne pourrait pas non plus être ressuscité et invoqué une deuxième fois postérieurement à la décision d’exécution et a fortiori postérieurement à pareille ordonnance de référé. L’intimé argumente dès lors, comme la décision du Conseil de discipline aurait bien été exécutée par la décision d’exécution le 18 janvier 2023 et suite à l’ordonnance de référé du 8 février 2023, que l’exécution de la décision du Conseil de discipline aurait été suspendue pour l’avenir et ne pourrait plus produire ses effets, de sorte que l’exécution effective de ladite décision se serait uniquement étendue du 18 janvier au 8 février 2023. Ainsi, le législateur, en reformulant l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général par la loi du 30 mai 2008, aurait rendu au juge des référés administratifs l’intégralité de son pouvoir en la matière, celui-ci pouvant éviter que dans l’attente de la décision au fond, un fonctionnaire injustement pénalisé ne se voit confronté à une situation préjudiciable et finalement irrémédiable.

Concernant plus particulièrement l’ordonnance de référé du 7 mars 2023 ayant rejeté sa demande en obtention d’un sursis à exécution par rapport à l’arrêté ministériel du 14 février 2023, Monsieur (A) argumente que le président du tribunal administratif, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2013 (n° 32061 du rôle), aurait versé dans l’erreur en indiquant que l’article 20, paragraphe (2), point d), de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique correspond « à l’identique à l’actuel article 48, paragraphe 2 d) du statut général », ledit article correspondant à l’ancienne formulation de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général. Sur base de cette erreur, le président aurait fait une mauvaise interprétation dudit article et de sa durée d’application de plein droit, erreur qui aurait été reprise par la partie étatique dans sa requête d’appel. Partant, l’exécution de la décision du Conseil de discipline aurait été suspendue en vertu de l’ordonnance du 8 février 2023 et continuerait à subsister dans l’ordre juridique et il en serait de même pour la décision d’exécution prenant effet au 18 janvier 2023, l’exécution de la sanction disciplinaire n’ayant partant eu lieu qu’entre le 18 janvier et le 8 février 2023.

20Quant à l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023, dont l’utilité et la nécessité seraient douteuses au vu de l’application de plein droit de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général, ce serait à bon droit que le juge des référés, dans son ordonnance du 8 février 2023, de même que les premiers juges, dans leur jugement du 17 octobre 2023, avaient retenu que ledit arrêté serait dépourvu de tout effet depuis le 18 janvier 2023 pour être venu à échéance à cette date.

De même, l’arrêté ministériel du 14 février 2023, pris moins d’une semaine après l’ordonnance présidentielle du 8 février 2023, serait manifestement superflu et contraire à l’application du droit commun et semblerait s’analyser en une démonstration de force de la part du ministre au vu de l’ordonnance de référé du 8 février 2023 qui lui aurait été favorable.

Monsieur (A) demande encore la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, celui-ci devant suivre le même sort que la décision du conseil de discipline dont il n’est que l’exécution.

Finalement, l’intimé sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 52.000.- €, estimant qu’il serait inéquitable de le laisser supporter tous les frais irrépétibles, surtout eu égard à la complexité du dossier et à la considération que la partie étatique se limiterait à contester le raisonnement des premiers juges sans apporter d’éléments nouveaux.

Par rapport aux développements de l’intimé, la partie étatique rétorque en premier lieu que le délégué devant les juridictions administratives serait en droit d’avoir un autre point de vue que le délégué devant le Conseil de discipline.

Par rapport à la notion de « scandale », le délégué du gouvernement donne à considérer que tant le commissaire du gouvernement adjoint, dans son rapport d’instruction, que le délégué du gouvernement devant le Conseil de discipline avaient conclu à une violation de l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général. Il estime que l’affaire aurait bien donné lieu à scandale même si les faits n’ont été ébruités qu’entre un nombre restreint de personnes et qu’il n’existerait pas de nombre minimum de personnes devant être regroupées pour que l’on soit en présence d’un scandale. Ainsi, d’une part, il ne serait pas requis que l’indignation soit massive et, d’autre part, la loi n’exigerait pas que les faits commis aient effectivement donné lieu à scandale, la seule possibilité de donner lieu à scandale était suffisante pour constituer une violation de l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général. En outre, le représentant étatique insiste sur la considération que ledit article du statut général prévoirait des conditions alternatives, le scandale n’étant pas le seul élément d’application y énuméré, l’atteinte à la dignité des fonctions et à la capacité de les exercer et le fait que les intérêts du service public ont été compromis, étant suffisants afin de justifier une sanction disciplinaire, ce d’autant plus que Monsieur (A), dans son mémoire en réponse, aurait formellement reconnu avoir gravement porté atteinte à la dignité de ses fonctions. En tout état de cause, le cas d’espèce constituerait un exemple parfait d’une situation où les faits commis par un agent dans sa vie privée sont tellement graves que la gravité les rend incompatibles avec les fonctions exercées par l’agent en question, les violences domestiques commises par l’intimé étant incompatibles avec les exigences et la dignité attachées à la fonction d’enseignant.

21Le délégué du gouvernement rappelle ensuite que les premiers juges auraient partagé le point de vue de l’Etat selon lequel les faits commis par Monsieur (A) seraient très graves et incompatibles avec le métier d’enseignant. Concernant la proportionnalité de la sanction disciplinaire, il ajoute que dans le cadre de l’application de la sanction, les premiers juges n’auraient pas correctement appliqué l’article 53 du statut général. Ainsi, ceux-ci, en confirmant que les faits commis seraient très graves et incompatibles avec le métier d’instituteur, ce qui permettrait a priori de conclure à la sanction de la révocation, n’auraient pas pris en considération que, au moment de la rédaction de l’article 53 du statut général, la volonté du législateur n’aurait nullement été qu’il soit procédé à un calcul mathématique dans le sens à passer en revue chaque élément parlant en faveur de l’agent concerné pour arriver à « un numéro de sanction inférieur du catalogue » des sanctions prévues à l’article 47 du statut général. D’après le représentant étatique, les faits commis par l’intimé auraient atteint un seuil de gravité ne permettant pas de prononcer une sanction disciplinaire moindre que sa mise à la retraite d’office, peu importe le nombre d’éléments parlant en sa faveur.

La partie étatique insiste encore sur la considération que la répression des violences domestiques constituerait une priorité absolue pour le gouvernement luxembourgeois et que pareilles violences ne seraient pas des affaires privées. Elle donne encore à considérer qu’après la condamnation de l’intimé au pénal, il y aurait encore eu plusieurs incidents entre les deux protagonistes qui ne pourraient être qualifiés de discussions professionnelles pouvant a priori avoir lieu entre collègues de travail, tel que retenu par les premiers juges, mais de confrontations recherchées par Monsieur (A). En outre, il se dégagerait de la décision du Conseil de discipline que ce dernier aurait eu des doutes quant à un changement d’attitude dans le chef de l’intimé en relevant que « [le Conseil de discipline] ne peut se défaire de l’impression que son repentir manque cruellement de sincérité et ne poursuit que la finalité de se présenter sous son meilleur jour afin de solliciter le clémence face à une condamnation pénale pour des délits d’une gravité indubitable », de même que le Conseil de discipline aurait souligné que l’intéressé n’aurait pas seulement été condamné pour un fait isolé mais pour avoir en outre, entre le 5 juin 2020 et le 16 octobre 2021, porté des coups et fait des blessures volontaires à sa campagne, à savoir une scène dans un parc d’attraction en Allemagne, une scène devant l’école fondamentale de …….. et une scène dans les escaliers à son domicile.

Concernant l’appel incident relevé par Monsieur (A), la partie étatique estime que la sanction du déplacement ne serait pas appropriée au vu de la gravité des faits reprochés.

Quant au recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023 ayant suspendu l’intimé une deuxième fois de l’exercice de ses fonctions, la partie étatique répète qu’entre le 21 décembre 2022 et le 18 janvier 2023, Monsieur (A) était suspendu de plein droit en vertu de l’article 48, paragraphe (2), point d) du statut général, ce après la prise de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, pris en application de la décision du Conseil de discipline, mis à exécution le 18 janvier 2023.

L’ordonnance présidentielle du 8 février 2023 aurait provisoirement suspendu la décision de la mise à la retraite d’office prononcée par le Conseil de discipline, ainsi que l’arrêté grand-ducal d’exécution. D’après la partie étatique, les décisions suspendues subsisteraient dans l’ordre juridique, mais elles ne pourraient plus être exécutées. Or, comme l’Etat aurait été confronté à une décision disciplinaire de mise à la retraite d’office ayant la nature d’une décision finale mais ne pouvant être exécutée à cause de l’ordonnance présidentielle, le ministre aurait été obligé de prononcer à nouveau une suspension de plein droit à l’égard du concerné sur le fondement de 22l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général au vu de l’existence de la décision du Conseil de discipline « non encore exécutée par l’autorité de nomination ».

Le raisonnement des premiers juges serait erroné en ce sens que ceux-ci se baseraient sur la prémisse que la décision du Conseil de discipline aurait été exécutée « car aussi bien la décision du conseil de discipline que son arrêté subsistent dans l’ordre juridique ». Or, ce raisonnement ne serait pas correct au motif que l’exécution de la décision du Conseil de discipline via l’arrêté grand-ducal d’exécution du 11 janvier 2023 serait suspendue dans ses effets et le président du tribunal administratif aurait validé au provisoire la thèse étatique par son ordonnance du 7 mars 2023. Partant, ce serait à tort que le tribunal est arrivé à la conclusion que l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général ne pourrait plus être ressuscité et invoqué une seconde fois.

D’après la partie étatique, ce serait également à tort que les premiers juges ont retenu qu’au lieu de la suspension de plein droit à laquelle il fut procédé, Monsieur (A) aurait dû provisoirement être réintégré dans sa fonction d’instituteur jusqu’au prononcé du jugement du tribunal administratif sur son recours au fond. Ainsi, l’ordonnance présidentielle du 8 février 2023 ayant suspendu les effets de la sanction disciplinaire retirerait à celle-ci uniquement son caractère exécutoire mais la décision de la mise à la retraite d’office subsisterait toujours. Partant, il aurait été correct que la partie étatique suspende une deuxième fois le concerné et ne l’aurait pas réintégré dans ses fonctions, étant donné que pareille réintégration reviendrait à préjuger sur le fond et Monsieur (A) n’aurait pas manqué de souligner le fait qu’il aurait pu continuer à travailler normalement pour argumenter que la sanction retenue aurait été disproportionnée et que le Conseil de discipline aurait commis une erreur d’appréciation. Pareille réintégration aboutirait par ailleurs à des situations aberrantes, signifiant qu’un enseignant pédophile puisse revenir travailler auprès des enfants en attendant une décision au fond. La partie étatique conclut sur ce point en demandant à la Cour de procéder à une interprétation systémique de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général étant donné que l’intention du législateur n’aurait jamais été de créer un vide juridique et de permettre, dans des situations où le Conseil de discipline a voulu que des agents ne soient plus au service de l’Etat, que ceux-ci reprennent leurs fonctions jusqu’à ce que les juridictions se soient prononcées sur le fond de la sanction disciplinaire.

Partant, ce serait à tort que le tribunal est arrivé à la conclusion que l’article 48, paragraphe 2, point d), du statut général a été violé.

Finalement, le délégué du gouvernement demande encore le rejet de la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par l’intimé en relevant notamment que si ce dernier a dû recourir à un avocat et débourser des montants considérables, ce seraient ses propres agissements qui se trouveraient à l’origine des différentes instances judiciaires et qu’au vu de la complexité du dossier, rien ne justifierait l’octroi d’une indemnité de procédure sur base de l’équité.

Concernant en premier lieu l’annulation de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, telle que prononcée par le tribunal, il convient de rappeler que ledit arrêté grand-ducal s’analyse en une décision d’application de la sanction disciplinaire du 21 décembre 2022 prise par le Conseil de discipline que le ministre est tenue de prendre conformément aux termes de l’article 52 du statut général qui dispose que « l’autorité de nomination est tenue d’appliquer la sanction disciplinaire 23conformément à la décision du conseil de discipline visé à l’article 70 ». L’autorité de nomination a partant une compétence liée en la matière en ce sens qu’elle ne dispose d’aucune marge d’appréciation par rapport à la sanction disciplinaire qui sera appliquée.

L’article 54 du statut général, en disposant sous son paragraphe (2), qu’« en dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline (…), peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond », limite la portée du recours en réformation prévu en la matière à la seule décision du Conseil de discipline infligeant une sanction disciplinaire au fonctionnaire, en l’occurrence la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022 frappant Monsieur (A) de la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office.

Il s’ensuit que l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, pris sur le fondement de l’article 52 du statut général ne saurait faire l’objet d’un recours au fond, mais uniquement d’un recours en annulation qui est le recours de droit commun en matière administrative.

S’il est certes exact que l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ne fait qu’exécuter la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, tel que relevé par les parties respectives, le recours introductif de Monsieur (A) contre ledit arrêté est néanmoins recevable en tant que recours en annulation pour d’éventuels vices qui lui sont propres et afin de vérifier sa conformité à la décision du Conseil de discipline voire sa conformité à la loi.

L’argumentation étatique tendant à voir déclarer irrecevable le recours introductif dans cette mesure est partant à rejeter.

C’est ensuite à bon droit que le tribunal a déclaré irrecevable le recours introductif pour autant que dirigé contre l’arrêté ministériel du 13 janvier 2023, ayant suspendu Monsieur (A) de plein droit de l’exercice de ses fonctions, pour défaut d’objet.

Aux termes de l’article 48, paragraphe (2), point d), du statut général :

« La suspension de l’exercice de ses fonctions a lieu de plein droit à l’égard du fonctionnaire : (…) d) condamné disciplinairement à la révocation ou à la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité des fonctions telle que définie à l’article 10 par une décision du Conseil de discipline non encore exécutée par l’autorité de nomination conformément à l’article 52. ».

Indépendamment de la question de la nécessité de la prise de pareil arrêté ministériel, la suspension de l’exercice des fonctions s’opérant de plein droit par une décision du Conseil de discipline non encore exécutée jusqu’à la prise de la décision d’exécuter cette sanction, en l’occurrence la période se situant entre le 21 décembre 2022 et le 18 janvier 2023, date de la mise à exécution de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, il convient de constater que Monsieur (A) ne faisait dès lors plus l’objet de la mesure de suspension de plein droit depuis le 18 janvier 2023. Partant, au moment de l’introduction du recours introductif de première instance le 26 janvier 2023, l’arrêté ministériel 24du 13 janvier 2023 avait cessé de produire ses effets et n’avait dès lors plus d’objet, de sorte que Monsieur (A) n’avait plus d’intérêt à agir pour en solliciter l’annulation.

Concernant ensuite la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, il convient de relever que ledit conseil a prononcé à l’encontre de l’intimé la sanction disciplinaire prévue à l’article 47, point 9, du statut général de la mise à la retraite d’office pour non-respect de l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er, du statut général aux termes duquel :

« Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public ».

Il convient d’abord de noter que la sanction disciplinaire infligée par le Conseil de discipline à Monsieur (A) l’a été sur la base de griefs établis par le jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 3 février 2022, actuellement coulé en force de chose jugée, suivant lequel il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 20 mois assortie du sursis probatoire, ainsi qu’à une amende correctionnelle de 3.000.- € pour ce qui est du volet pénal, et, pour le volet civil, à un montant de 5.000.- € à payer à la victime pour tous dommages confondus, l’intéressé ne contestant plus autrement à l’heure actuelle la matérialité des faits lui reprochés.

Dans ce contexte, la Cour se doit de relever, à l’instar du Conseil de discipline, la gravité objective des faits avérés, l’intimé ayant volontairement porté des coups et fait des blessures à sa compagne de l’époque avec laquelle il vivait habituellement, notamment en lui donnant de multiples coups de poing au visage avec sang-froid et avec une grande violence, avec la circonstance que ces coups ont entraîné une incapacité de travail personnel, étant rappelé que, même si les faits se sont produits dans un contexte purement privé, la première obligation d’un fonctionnaire consiste à avoir un comportement digne en toutes circonstances, dans l’exercice comme en dehors du service, et à s’assurer que la réputation de l’administration soit préservée.

Si le caractère public des faits reprochés à un fonctionnaire, notamment des faits de la vie privée, peut avoir un impact sur les conséquences en termes d’image pour le service public en cause, en l’occurrence la fonction d’enseignant, il convient de rappeler que des agissements commis en dehors du service et qui n’ont pas été rendus publics peuvent néanmoins justifier une sanction disciplinaire si leur gravité les rend incompatibles avec les fonctions exercées par le fonctionnaire fautif.1 Partant, indépendamment de la question de savoir si les faits commis par Monsieur (A) ont effectivement donné lieu à un scandale à une certaine période dans la localité de …….. ou au-delà – la notion de scandale étant une notion essentiellement subjective et difficile à cerner - le simple constat des faits commis par le concerné, pour lesquels il a été condamné pénalement, est, de toute manière, suffisant pour donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public de l’enseignement et porter atteinte à la dignité des fonctions d’instituteur, de sorte que les faits reprochés à l’intimé constituent une faute sanctionnable disciplinairement au sens de l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général, étant rappelé, tel que relevé à bon escient par le délégué du gouvernement, que ladite disposition légale prévoit des conditions alternatives.

1 Cour adm., 4 juillet 2017, n° 39250C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 360 25La Cour retient dès lors que le fait pour un enseignant d’avoir volontairement porté des coups et infligé des blessures à une autre personne, attitude qui est hautement contraire aux valeurs humaines supposées être enseignées par un enseignant dans le cadre de l’enseignement fondamental et qui est supposé de par sa profession servir d’exemple à ses élèves, est à lui seul de nature à justifier une sanction disciplinaire conséquente. Elle arrive dès lors à la conclusion que Monsieur (A) a méconnu ses obligations statutaires telles que découlant du statut général, dont notamment l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er, du statut général qui impose au fonctionnaire d’éviter tout comportement qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Concernant la gravité de la sanction disciplinaire à retenir à l’encontre de Monsieur (A), l’article 53 du statut général prévoit que :

« L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé.

Elles peuvent être, le cas échéant, appliquées cumulativement (…) ».

L’article 54, paragraphe 3, du statut général, énonce ce qui suit :

« L’autorité saisie du recours peut, soit confirmer la décision attaquée, soit prononcer une sanction moins sévère ou plus sévère, soit acquitter le fonctionnaire. ».

Les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction, prévus légalement, sont énoncés de manière non limitative, de sorte que la juridiction saisie est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.2 Dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.3 Si l'absence d'antécédent disciplinaire et de reproches professionnels antérieurs n'est pas de nature à amoindrir la gravité des faits à la base d'une action disciplinaire, elle constitue néanmoins un des éléments déterminants à prendre en considération pour apprécier le comportement global du fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l'échelle afférente prévue par la loi à travers les dispositions de l'article 47 du statut général et allant du simple avertissement à la révocation.4 2 Cour adm. 10 novembre 2022, n° 47475C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 348 et autres références y citées 3 Cour adm. 8 décembre 2011, n° 28819C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 387 et autres références y citées 4 Cour adm. 12 janvier 2012, n° 28825C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 390 et autres références y citées 26La Cour constate que Monsieur (A) est actuellement âgé de 38 ans, qu’il peut faire valoir une ancienneté de service remontant au 1er octobre 2009 et qu’il n’a pas d’antécédents disciplinaires.

La Cour insiste encore sur la gravité certaine des faits à la base de la présente affaire disciplinaire et l’attitude affichée par l’intimé qui a tenté initialement de minimiser la gravité des faits, attitude dont il ne s’est départi qu’à partir de l’introduction de son recours contentieux devant les juridictions administratives.

S’il est exact que les faits graves retenus à l’encontre de l’intimé se sont déroulés exclusivement dans le cadre de sa vie privée, il appartient néanmoins à la Cour d’apprécier l’incidence de ces agissements fautifs, commis en dehors du service, sur la fonction d’enseignant exercée par Monsieur (A).

Contrairement à l’appréciation des premiers juges, les manquements disciplinaires reprochés à Monsieur (A) sont d’une telle gravité justifiant une sanction disciplinaire plus conséquente que la rétrogradation, telle que retenue par les premiers juges, mais ne sont cependant pas de nature à ébranler la confiance de sa hiérarchie d’une manière telle que le maintien de la relation de travail deviendrait de ce fait irrémédiablement impossible.

En effet, la Cour tient à renvoyer en premier lieu à la déclaration testimoniale du 7 septembre 2022 de Monsieur (J), directeur de la Direction de l’enseignement fondamental ….. - Région ……et supérieur hiérarchique direct du concerné, devant le commissaire de gouvernement adjoint, déclarant qu’il « ne dispose du moindre indice permettant de penser que Monsieur (A) pourrait se livrer à des agressions physiques à l’égard d’élèves. Je voudrais encore rajouter que depuis la survenance des faits du mois d’octobre 2021, j’ai pu constater une évolution positive de l’état émotionnel de Monsieur (A). S’il était encore clairement sous l’effet des évènements lorsque je l’ai convoqué pour une entrevue peu de temps après, il affiche à l’heure actuelle un comportement très posé et accomplit son travail de manière très professionnelle ».

Les qualités professionnelles positives de Monsieur (A) ont encore été mises en évidence par 21 attestations testimoniales rédigées vers la mi-juillet 2022 par la quasi-totalité du corps enseignant de la localité de …….., certifiant également que le concerné ne représente aucun risque vis-à-vis des élèves et de ses collègues de travail.

Il se dégage de même de l’« attestation testimoniale » signée par 25 collègues de travail, ainsi que de la prise de position des représentants des parents d’élèves de l’école « (B) » à …….., datées au 22 décembre 2022, que ceux-ci s’accordent, au vu des qualités professionnelles de Monsieur (A), pour solliciter son maintien comme enseignant au sein de l’école concernée.

Même si ces deux derniers écrits ne respectent pas les formalités requises par l’article 402 du Nouveau code de procédure civile, le caractère univoque de leur contenu, confirmant les qualités professionnelles du concerné se dégageant des autres pièces du dossier, permet néanmoins de décrire le comportement du concerné à son lieu de travail comme ne prêtant pas à critique.

Partant, la Cour ne saurait entrevoir au vu des éléments de fait soumis en cause et au niveau du comportement global de Monsieur (A) une incapacité à gérer des situations conflictuelles 27autrement que par le recours à la violence, attitude qui serait incompatible avec l’exercice du métier d’enseignant, tel que retenu par le Conseil de discipline.

La Cour ne saurait non plus partager l’objection du délégué du gouvernement que l’intégralité de ces attestations et prises de position ne seraient pas pertinentes au motif qu’elles ne constitueraient que des « témoignages de moralité » sans relation avec les faits commis, étant donné, d’une part, que les faits reprochés à l’intimé sont clairement établis par le jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 3 février 2022 et ne sont plus sujets à discussion et, d’autre part, que ces écrits sont destinés à illustrer le comportement professionnel du concerné sur son lieu de travail et non pas à relativiser le comportement pénal de celui-ci pour lequel il a été condamné à une peine d’emprisonnement assortie du sursis probatoire et à une amende.

Il se dégage en outre d’un compte-rendu d’évaluation psychologique de la psychologue clinicienne (K) du 28 avril 2023, réalisé sur demande de Monsieur (A), que celle-ci est arrivée aux conclusions suivantes :

« Nous pouvons conclure que Monsieur (A) est un homme à personnalité calme, sociable et logique. Il a un regard très mature porté sur son environnement physique et relationnel, sur son monde intérieur, sur la vie et sur les autres.

La gestion des émotions dans le cadre de la relation clinique ne pose pas de problème, et le comportement adaptatif dans son ensemble apparaît tout à fait conforme et bien orienté.

Monsieur (A) semble avoir des symptômes dépressifs et anxieux, certainement dus à sa situation de vie personnelle et professionnelle actuelle. Des ruminations sont présentes par souci de prouver sa nature contraire aux faits lui étant reprochés.

Selon mes observations cliniques, les tests et les questionnaires standardisés, nous pouvons conclure que Monsieur (A) ne représente pas un danger pour son entourage ».

Finalement, l’argumentaire du délégué du gouvernement estimant que les faits commis par l’intimé auraient atteint un seuil de gravité tel ne permettant pas de prononcer une sanction disciplinaire moindre que sa mise à la retraite d’office, peu importe le nombre d’éléments parlant en sa faveur, et que l’intéressé aurait définitivement ébranlé la confiance de son employeur, est à écarter, étant donné qu’il appartient à la juridiction saisie, tel que relevé ci-avant, de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir outre la gravité des faits commis, la situation personnelle et les antécédents éventuels, ainsi que le comportement général du fonctionnaire concerné. En outre, il convient de noter sur ce point que la déléguée du gouvernement ayant représenté la partie étatique à l’audience du Conseil de discipline n’avait sollicité à l’encontre de Monsieur (A) que la sanction du déplacement, accompagnée d’une amende.

Partant, en prenant en considération tous ces éléments, la Cour ne saurait partager ni l’approche du Conseil de discipline ayant prononcé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, ni celle des premiers juges ayant retenu la sanction disciplinaire de la rétrogradation, de sorte qu’il convient de retenir une peine disciplinaire plus appropriée aux circonstances de la cause, à savoir celle de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation de la moitié de la rémunération pendant une période de six mois, telle que prévue à l’article 47, point 8, du statut général, à partir du jour du prononcé du présent arrêt.

28 Il convient en outre de prononcer la sanction disciplinaire du déplacement par changement d’affectation par souci d’éviter tout contact à l’avenir entre l’intimé et son ex-compagne susceptible d’avoir une influence sur le climat de travail au niveau de l’école primaire « (B) » à …….., déplacement que Monsieur (A) avait d’ailleurs lui-même sollicité suivant courrier du 22 décembre 2022.

Quant au volet de l’appel dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023, c’est à bon droit que les premiers juges, par référence à l’article 52 du statut général, sont arrivés à la conclusion que ledit arrêté, pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2022, doit suivre le même sort que celle-ci en tant que décision d’application de la sanction disciplinaire finalement retenue. Dans la mesure où la Cour vient de retenir que la décision du Conseil de discipline est à réformer dans le sens de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation de la moitié de la rémunération pendant une période de six mois à partir du jour du prononcé du présent arrêt, suivi d’un déplacement par changement d’affectation après la période d’exclusion temporaire, il y a lieu de confirmer les premiers juges en ce qu’ils ont prononcé l’annulation de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 et renvoyer le dossier devant le ministre compétent pour exécution afin d’appliquer la sanction disciplinaire retenue à travers le présent arrêt.

Concernant finalement le recours pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel du 14 février 2023 ayant suspendu Monsieur (A) une deuxième fois de l’exercice de ses fonctions, c’est à bon droit que le tribunal a retenu que la suspension de l’exercice des fonctions, de plein droit, à l’égard d’un fonctionnaire condamné disciplinairement à la révocation ou à la mise à la retraite d’office, en vertu de l’article 48, paragraphe (2), point d) du statut général, s’applique limitativement à partir de la date de la décision du Conseil de discipline jusqu’à la décision portant exécution de cette décision et que ladite suspension a dès lors pris effet le 21 décembre 2022 et a cessé ses effets le 18 janvier 2023, jour de la prise d’effet de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 ayant exécuté la décision du Conseil de discipline.

Or, comme la Cour vient de retenir comme peine disciplinaire appropriée aux circonstances de la cause l’exclusion temporaire des fonctions avec privation de la moitié de la rémunération pendant une période de six mois, telle que prévue à l’article 47, point 8, du statut général, suivie d’un déplacement par changement d’affectation, l’arrêté ministériel du 14 février 2023 a, de toute façon, perdu sa raison d’être et doit également encourir l’annulation, le fonctionnaire concerné n’ayant in fine pas été condamné à l’une des deux peines disciplinaires les plus sévères justifiant son application.

Finalement, au vu de la conclusion retenue ci-avant que l’arrêté ministériel du 14 février 2023 a perdu sa raison d’être, la Cour tient à relever que Monsieur (A) n’aurait normalement pas dû être suspendu de ses fonctions, notamment au vu de l’ordonnance de référé présidentielle du 8 février 2023 ayant ordonné le sursis à exécution à l’encontre de la décision du Conseil de discipline du 21 décembre 2021 et de l’arrêté grand-ducal du 11 janvier 2023 portant exécution de ladite décision par l’autorité de nomination, et ceci en attendant la solution au fond du litige.

La demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 52.000.- €, telle que formulée par l’intimé, est à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

29 Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens des deux instances et de les imposer pour moitié à Monsieur (A) et pour l’autre moitié à l’Etat.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit en la forme l’appel principal du 20 novembre 2023 et l’appel incident ;

au fond, dit l’appel principal partiellement fondé ;

partant, par réformation du jugement entrepris du 17 octobre 2023 et de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 21 décembre 2022, prononce à l’égard de Monsieur (A) la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation de la moitié de la rémunération pendant une période de six mois, suivi d’un déplacement par changement d’affectation, avec effet au jour du prononcé du présent arrêt et renvoie le dossier pour exécution devant le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ;

rejette comme non justifié l’appel incident de Monsieur (A) ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur (A) ;

fait masse des frais et dépens des deux instances et les impose pour moitié à Monsieur (A) et pour moitié à l’Etat.

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …..

s. … s. SPIELMANN 30


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49726C
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-05-14;49726c ?

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