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02/05/2024 | LUXEMBOURG | N°49818C-49845C-49876C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 mai 2024, 49818C-49845C-49876C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéros 49818C, 49845C et 49876C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49818.49845.

49876 Inscrits les 19, 22 et 28 décembre 2023

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Audience publique du 2 mai 2024 Appels formés par la société anonyme (AB) et la société à responsabilité limitée (CD), …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2023 (n° 46716 du rôle) ayant statué sur le recours dirigé par la société à responsabilité limité

e (EF), …, contre une délibération du conseil communal de Reckange-sur-Mess et contre u...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéros 49818C, 49845C et 49876C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49818.49845.

49876 Inscrits les 19, 22 et 28 décembre 2023

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Audience publique du 2 mai 2024 Appels formés par la société anonyme (AB) et la société à responsabilité limitée (CD), …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2023 (n° 46716 du rôle) ayant statué sur le recours dirigé par la société à responsabilité limitée (EF), …, contre une délibération du conseil communal de Reckange-sur-Mess et contre une « décision » du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier

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I) Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 49818C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de l’administration communale de Reckange-sur-Mess, ayant sa maison communale à L-4980 Reckange-sur-Mess, 83, rue Jean-Pierre HILGER, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 20 novembre 2023 (numéro 46716 du rôle) à travers lequel ledit tribunal a déclaré irrecevable le recours en annulation dirigé par la société à responsabilité limitée (EF), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant en fonctions, contre un courrier du ministre de l’Intérieur du 31 mai 2021 et ayant déclaré recevable et fondé le recours en annulation dirigé contre la décision du conseil communal de Reckange-sur-Mess du 7 octobre 2021 portant adoption du projet de modification ponctuelle du PAP « … » et ayant partant annulé ladite décision du 7 octobre 2021 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 2 janvier 2024, portant signification de cette requête d’appel à 1) la société anonyme (AB), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, 2) la société à responsabilité limitée (CD), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée parson gérant en fonctions, et 3) la société à responsabilité limitée (EF), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (EF), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme (AB) et de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiées ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 février 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Reckange-sur-

Mess, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., au nom de la société anonyme (AB) et de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiées ;

II) Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 49845C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023 par Monsieur le délégué du gouvernement Paul SCHINTGEN, en vertu d’un mandat délivré le 4 décembre 2023 par le ministre des Affaires intérieures, au nom de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg, dirigée contre le jugement précité du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 20 novembre 2023 (numéro 46716 du rôle) ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., préqualifiée, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, préqualifié, au nom de la société à responsabilité limitée (EF), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par Maître Steve HELMINGER, préqualifié, au nom de l’administration communale de Reckange-sur-Mess, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., préqualifiée, au nom de la société anonyme (AB), préqualifiée, et de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 février 2024 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 février 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Reckange-

sur-Mess, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mars 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., au nom de la société anonyme (AB) et de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiées ;

III) Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 49876C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 décembre 2023 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., préqualifiée, au nom 1) de la société anonyme (AB), préqualifiée, et 2) de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiée, dirigée contre le jugement précité du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 20 novembre 2023 (numéro 46716 du rôle) ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, du 2 janvier 2024, portant signification de cette requête d’appel à 1) la société à responsabilité limitée (EF), préqualifiée, et 2) à l’administration communale de Reckange-sur-Mess, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., préqualifiée, au nom de la société à responsabilité limitée (EF), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Reckange-sur-

Mess, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 février 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., au nom de la société anonyme (AB) et de la société à responsabilité limitée (CD), préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 février 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Reckange-

sur-Mess, préqualifiée ;

I)+II)+III) Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER, Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Monsieur le délégué dugouvernement Paul SCHINTGEN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2024.

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En date du 25 juillet 2019, le ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », approuva un plan d’aménagement particulier (PAP) « … » à Wickrange, référencé sous le numéro …, ci-

après « le PAP », élaboré à l’initiative de la société anonyme (AB), ci-après « la société (AB) ».

En avril 2021, la société (AB) soumit au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Reckange-sur-Mess, ci-après « le collège échevinal », une proposition de modification ponctuelle du PAP.

Lors de sa séance du 28 avril 2021, le collège échevinal décida d’entamer la procédure d’adoption de la modification ponctuelle du PAP en application de l’article 30bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 ».

Par courrier du 31 mai 2021, le ministre informa le collège échevinal de la conformité du projet de modification ponctuelle du PAP aux dispositions de l’article 30bis de la loi du 19 juillet 2004. Ce courrier est libellé comme suit :

« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que le projet de modification ponctuelle du plan d'aménagement particulier, concernant des fonds sis à Wickrange, commune de Reckange-sur-Mess, au lieu-dit « … », présenté par le collège des bourgmestre et échevins pour le compte de la société (AB) S.A, est conforme aux dispositions de l'article 30bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

La procédure d'adoption peut partant être poursuivie suivant les termes des alinéas 7 et suivants de l'article 30bis précité.

Je me permets de vous rappeler que le plan d'aménagement particulier modifié est à notifier au ministre de l'intérieur dans un délai de quinze jours qui suit le vote du conseil communal avant d'exécuter les dispositions de l'article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 afin de mener à bon terme la présente procédure. (…) ».

Par courrier de son mandataire du 7 juin 2021, la société à responsabilité limitée (EF), ci-après « la société (EF) », en sa qualité de propriétaire de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Reckange-sur-Mess, section F de Wickrange, sous le numéro (P1), soumit au collège échevinal ses objections à l’encontre du projet de modification ponctuelle du PAP.

Lors de sa séance du 7 octobre 2021, le conseil communal de la commune de Reckange-

sur-Mess, ci-après « le conseil communal », rejeta comme non fondée la réclamation prévisée et adopta à l’unanimité le projet de modification ponctuelle du PAP.

Par courrier daté au 15 octobre 2021, le service technique de l’administration communale de Reckange-sur-Mess transmit au mandataire de la société (EF) la délibération du conseil communal du 7 octobre 2021.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2021, la société (EF) fit introduire un recours tendant à l’annulation 1) de « la décision de la ministre de l’Intérieur, explicite ou implicite, prise à une date inconnue, en vertu de l’article 30bis, alinéa 6, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain suivant lequel « le ministre constate et informe le collège des bourgmestre et échevins par lettre recommandée que la proposition de modification est conforme aux dispositions de la présente loi, et notamment aux objectifs énoncés à l’article 2 et aux règlements d’exécution » », et 2) de « la décision du conseil communal de Reckange/Messs du 7 octobre 2021 portant approbation de la prétendue « modification ponctuelle » du PAP approuvé le 25 juillet 2019, sous le n° de référence …, par le ministre ayant l’Intérieur dans ses attributions ».

Par un jugement du 20 novembre 2023, le tribunal se déclara compétent pour connaître du recours en annulation, dit ledit recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre du 31 mai 2021, reçut le recours en annulation pour le surplus en ce qu’il est dirigé contre la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, annula ladite décision et renvoya le dossier en prosécution de cause devant l’autorité compétente, tout en rejetant les demandes tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure formulées par la société demanderesse et les parties tierces intéressées et en condamnant l’administration communale de Reckange-sur-

Mess, ci-après « la commune », aux frais et dépens de l’instance.

Pour arriver à cette conclusion, le tribunal rejeta les moyens d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir né, actuel, direct et légitime, tels qu’invoqués par la commune et par les parties tierces intéressées, actuelles appelantes. Il s’appuya sur la jurisprudence des juridictions administratives en matière de recevabilité d’un recours dirigé contre un projet d’aménagement général voire contre un projet d’aménagement particulier, selon laquelle le fait d’avoir introduit une réclamation ou une objection ayant été rejetée est suffisant pour justifier l’intérêt à agir, pour conclure en l’espèce que dans la mesure où la demanderesse avait adressé ses objections contre la proposition de modification ponctuelle du PAP au collège échevinal et que le 7 octobre 2021, le conseil communal a adopté le projet de modification ponctuelle tout en déclarant recevables mais non fondées ces objections, la demanderesse avait justifié à suffisance son intérêt à agir par le seul fait que ses objections ainsi introduites ont été rejetées.

Quant au fond, le tribunal retint qu’il y avait lieu de lire l’article 26, paragraphe (2), de la loi du 19 juillet 2004 en ce sens que le recours à la procédure allégée prévue à l’article 30bis de la loi du 19 juillet 2004, auquel l’article 26, paragraphe (2), renvoie, n’est possible que dans deux cas de figure, à savoir (i) lorsqu’il s’agit de rectifier de légères erreurs matérielles dans le PAP approuvé ou (ii) lorsque le PAP existant nécessite des modifications sur un ou plusieurs points précis pour sa mise en œuvre, respectivement pour faciliter sa réalisation, le tout, sans mettre en cause la structure générale ou les orientations du PAP initial, le tribunal ayant assis cette lecture des dispositions précitées sur les travaux parlementaires et plus particulièrement sur le commentaire des articles du projet de la loi dite Omnibus et de l’avis complémentaire du 17 juillet 2015 du Conseil d’Etat, renvoyant aux travaux parlementaires relatifs à l’article 15, paragraphe (3), de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, entre-temps abrogée. Sur base de cette interprétation, le tribunal qualifia les modifications opérées en l’espèce comme étant en dehors du champ d’application d’une modification ponctuelle au sens de l’article 26, paragraphe (2), de la loi du 19 juillet 2004 et annula en conséquence la décision du conseil communal du 7 octobre 2021.

Par requête d’appel inscrite sous le numéro 49818C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2023, la commune a interjeté appel contre ce jugement.

Par requête d'appel inscrite sous le numéro 49845C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023, l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg a pareillement interjeté appel contre le même jugement du 20 novembre 2023.

Par requête d'appel inscrite sous le numéro 49876C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 décembre 2023, la société (AB) et la société à responsabilité limitée (CD), ci-après « la société (CD) », ont interjeté à leur tour appel contre ce même jugement.

Quant à la jonction des trois rôles Les sociétés (AB) et (CD), de même que la société (EF) demandent expressément la jonction des appels inscrits sous les numéros du rôle 49818C, 49845C et 49876C, tandis que l’Etat déclare dans ses mémoires en réponse respectifs dans les affaires 49818C et 49876C du rôle se rallier aux développements des sociétés (AB) et (CD), de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’il ne s’oppose pas à une jonction. La commune n’a pas expressément pris position sur la question d’une jonction éventuelle, sans toutefois contester les demandes de jonction respectives formulées par les autres parties à l’instance.

La Cour est amenée à retenir que dans la mesure où les trois requêtes d’appel sont dirigées contre le même jugement, à savoir celui du 20 novembre 2023, inscrit sous le numéro 46716 du rôle, elles présentent un degré de connexité suffisant justifiant leur jonction, de sorte que la Cour statuera, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sur les trois requêtes d’appel à travers un seul et même arrêt.

Portée des actes d’appel Force est de constater que les sociétés (AB) et (CD) limitent expressément leur appel au seul dispositif du jugement ayant annulé la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, tout en réitérant leur moyen d’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut, respectivement pour illégitimité de l’intérêt à agir, qui aurait à tort été écarté par les premiers juges.

Si la commune n’a pas explicitement déclaré limiter son appel, la Cour constate néanmoins que les moyens développés à l’appui de sa requête d’appel concernent uniquement la question de l’intérêt de la société (EF) à agir contre la décision d’approbation de la modification ponctuelle du PAP, ainsi que l’annulation de cette décision par le tribunal.

L’Etat, pour sa part, n’a pas non plus déclaré limiter son appel, mais critique le jugement litigieux uniquement par rapport à l’annulation de la décision du conseil communal du 7 octobre 2021.

Compte tenu de la limitation expresse de leur appel par les sociétés (AB) et (CD) et à défaut de moyen présenté par la commune respectivement par l’Etat contre le volet du jugement du 20 novembre 2023 ayant déclaré le recours en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre plus particulièrement le courrier du ministre du 31 mai 2021, la Cour n’a plus à statuer sur ce volet du jugement attaqué.

La Cour constate ensuite que les points litigieux en l’espèce sont de deux ordres :

En premier lieu, la commune et les sociétés (AB) et (CD) font valoir que les premiers juges auraient à tort déclaré recevable le recours en annulation introduit par la société (EF) contre la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, en faisant valoir que cette société n’aurait aucun intérêt à agir, voire que son intérêt ne serait pas légitime. Elles sont en substance rejointes sur ce point par l’Etat, qui, s’il n’a pas contesté l’intérêt à agir à l’appui de sa requête d’appel, a néanmoins déclaré dans sa réplique, de même que dans ses réponses respectives dans les rôles 49876C et 49818C, se rallier aux contestations quant à l’intérêt à agir de la société (EF).

En second lieu, les différentes parties appelantes sont d’avis que les premiers juges auraient à tort annulé la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, en leur reprochant, d’une part, une interprétation erronée de la notion de modification ponctuelle d’un PAP et en les critiquant en l’occurrence d’avoir limité cette notion, par une lecture qui irait au-delà des termes de la loi, à deux cas de figure, à savoir (i) lorsqu’il s’agit de rectifier de légères erreurs matérielles dans le PAP approuvé ou (ii) lorsque le PAP existant nécessite des modifications sur un ou plusieurs points précis pour sa mise en œuvre, respectivement pour faciliter sa réalisation, le tout, sans mettre en cause la structure générale ou les orientations du PAP initial.

D’autre part, ils reprochent aux premiers juges d’avoir retenu que les modifications opérées en l’espèce ne rentrent pas dans le cadre de l’article 26, paragraphe (2), de la loi du 19 juillet 2004.

Il convient de prime abord d’examiner le moyen d’irrecevabilité du recours initial fondé sur un défaut d’intérêt à agir, étant relevé que cette question, qui relève de la recevabilité de la requête introductive d’instance, devient une question de fond de l’appel.

Quant à l’intérêt à agir Arguments des parties à l’instance A l’appui de leur requête d’appel et après avoir retracé les faits et rétroactes tels que repris ci-dessus, les sociétés (AB) et (CD) décrivent le contexte dans lequel le litige actuel se situerait d’après elles, à savoir en substance un litige entre deux groupes d’entreprises à propos d’un projet de promotion immobilière, affirmant en substance que le recours en annulation initié par la société (EF) ne viserait qu’à perturber leur propre projet immobilier et trouverait son origine uniquement dans la circonstance que la société (AB) aurait refusé de payer une « commission » réclamée par une société à responsabilité limitée (GH), dont le bénéficiaire effectif serait le même que le bénéficiaire effectif de la société (EF). Les appelantes décrivent ensuite les modifications apportées concrètement au PAP.

En droit, les sociétés (AB) et (CD) reprochent aux premiers juges d’avoir reconnu un intérêt à agir à la société (EF), de sorte à avoir déclaré le recours en annulation recevable.

Tout en admettant ne pas ignorer la jurisprudence des juridictions administratives en la présente matière, consistant en substance à retenir qu’un administré dispose d’un intérêt à agir au niveau contentieux contre un plan d’aménagement général ou particulier à partir du moment où il ressort des éléments du dossier qu’il a effectivement introduit au cours de la phase précontentieuse une réclamation ou des objections écrites contre le projet de plan et que ces objections n’ont totalement ou même partiellement pas été accueillies favorablement au niveau précontentieux par les autorités communales et ministérielles appelées successivement àstatuer, les sociétés (AB) et (CD) font valoir qu’en raison de la particularité des faits à la base de la présente affaire, la Cour devrait se départir de cette jurisprudence ou pour le moins l’appliquer de manière plus nuancée sans se limiter au seul constat que la société (EF) avait introduit des objections écrites au cours de la procédure d’adoption de la modification ponctuelle litigieuse.

Elles font valoir qu’à défaut de réclamation écrite au cours de la procédure précontentieuse ayant mené à l’adoption et à l’approbation du PAP initial et à défaut de recours contentieux contre ce PAP, devenu entre-temps définitif, l’intimée aurait implicitement mais nécessairement considéré que le PAP en sa version initiale ne lui causait aucun grief. L’intimée resterait en défaut d’indiquer en quoi la modification ponctuelle serait de nature à lui causer un grief, la modification s’étant, d’après les sociétés (AB) et (CD), limitée à des modifications purement mineures et ponctuelles sans que les affectations, les gabarits, les implantations et la constructibilité admissibles ou encore les choix urbanistiques initiaux ne soient modifiés. Le seul fait d’avoir introduit des objections précontentieuses contre le projet de modification ponctuelle serait en l’espèce ainsi insuffisant. Il conviendrait dès lors, au-delà du seul constat de l’existence d’objections précontentieuses, de vérifier sur base des éléments du dossier si une modification apportée en l’espèce au PAP initial est de nature à impacter négativement la situation personnelle ou patrimoniale de l’intimée, ce qui ne serait ni expliqué ni établi en l’espèce. S’y ajouterait que l’intérêt invoqué en l’espèce par l’intimée actuelle ne serait pas légitime, dans la mesure où le recours en annulation introduit par elle n’aurait pour objet que de perturber leur projet immobilier, de sorte que les appelantes assimilent le recours introduit par la société (EF) à un abus du droit d’ester en justice.

La commune, tant dans sa requête d’appel inscrite sous le numéro 49818C du rôle, que dans ses mémoires en réponse dans les rôles numéros 49876C et 49845C, rejoint en substance les critiques des sociétés (AB) et (CD) par rapport à la reconnaissance par les premiers juges d’un intérêt à agir suffisant dans le chef de la société (EF) du seul fait d’avoir formulé des objections contre le projet de modification ponctuelle du PAP initial. Elle critique la jurisprudence sur laquelle les premiers juges se sont fondés, en faisant valoir que celle-ci irait à l’encontre du principe de l’effet utile des actions en justice, tout en faisant valoir qu’en matière de PAG, de même qu’en matière de modification ponctuelle d’un PAP, ni le collège des bourgmestre et échevins, ni le ministre ne seraient compétents pour toiser l’intérêt à agir de la personne ayant formulé une réclamation ou une objection, puisque dans les deux procédures, l’administration serait appelée à traiter toutes les réclamations lui adressées endéans les délais légaux et ce sans distinguer au niveau de leur auteur en ce qui concerne l’existence d’un intérêt à agir. S’agissant des modifications ponctuelles d’un PAP, l’alinéa 8 de l’article 30bis de la loi du 19 juillet 2004 limiterait en l’occurrence la compétence du conseil communal à vérifier la recevabilité en la forme de l’objection, sans lui permettre de vérifier sa recevabilité quant au fond, partant de vérifier l’existence d’un intérêt à agir, qui serait dès lors examiné pour la première fois en phase contentieuse. La commune épingle ainsi une lacune dans la loi puisque celle-ci ne permettrait pas aux autorités saisies d’une réclamation ou d’une objection de procéder au contrôle de l’intérêt du concerné. La jurisprudence telle qu’appliquée par les premiers juges empêcherait les juridictions administratives de se prononcer sur l’intérêt à agir d’un requérant puisque le juge administratif devrait lui reconnaître un tel intérêt du simple fait d’avoir introduit une réclamation ou une objection, ce qui serait contraire à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 ».

La commune donne encore à considérer que l’annulation de la modification ponctuelle en l’espèce ne créerait aucun avantage dans le chef de la société (EF) puisque le projet global verrait dans tous les cas le jour après avoir été définitivement autorisé.

Par ailleurs, elle fait valoir que même à admettre que l’Etat et/ou une commune ne serait plus admis à contester un intérêt agir du fait de ne pas l’avoir contesté dans le cadre de l’enquête publique, cette faculté devrait tout de même rester ouverte pour une partie au procès n’ayant pas été habilitée à faire ce contrôle de l’intérêt à agir, respectivement à celle qui n’y est pas intervenue, tel le tiers intéressé, qui devrait pouvoir exercer le droit légitime de faire contrôler l’intérêt à agir par le juge administratif seul compétent pour ce faire.

En tout état de cause, les intérêts invoqués en première instance par l’intimée actuelle seraient contestés.

L’Etat, quant à lui, se limite dans sa requête d’appel, inscrite sous le numéro 49845C du rôle, à critiquer les premiers juges pour avoir annulé la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, sans remettre en question leur analyse par rapport à l’intérêt à agir de la société (EF). En revanche, dans son mémoire en réplique déposé dans ce même rôle, la partie étatique déclare partager les contestations exprimées par les autres parties appelantes concernant la question de l’existence d’un intérêt à agir juridictionnel automatique, par le simple fait pour un requérant d’avoir introduit une réclamation auprès du ministre au niveau précontentieux. A cet égard, l’Etat fait valoir que le parcours du mécanisme précontentieux d’objection et de réclamation conçu par la loi du 19 juillet 2004 constituerait une condition de recevabilité indépendante et complémentaire par rapport à l’intérêt à agir exigé au titre de l’article 7, paragraphe (2), de la loi du 7 novembre 1996, de sorte que le contrôle de recevabilité par le juge administratif devrait s’étendre sur deux degrés dissociés, à savoir l’intérêt à agir, d’une part, et l’accomplissement des formalités précontentieuses, de l’autre. L’Etat en déduit que si le fait de remplir les conditions de la loi du 19 juillet 2004 impliquait automatiquement que les conditions de celle du 7 novembre 1996 seraient remplies, cette dernière loi serait vidée de sa substance.

Dans ses mémoires en réponse déposés dans les affaires inscrites sous les numéros 49818C et 49876C du rôle, l’Etat se rallie aux conclusions de la commune et des sociétés (AB) et (CD) dans leurs requêtes d’appel respectives, tandis que dans leurs mémoires en réponse déposés dans les rôles numéros 49818C et 49845C, les sociétés (AB) et (CD) renvoient à leur argumentaire exposé à l’appui de leur propre appel, inscrit sous le numéro 49876C du rôle.

Dans ses réponses déposées dans les rôles numéros 49876 et 49845, la commune reprend à son tour en substance ses explications développées à l’appui de sa requête d’appel inscrite sous le rôle numéro 49818C.

Dans ses mémoires en réponse déposés dans les trois rôles, la société (EF) critique les reproches des sociétés (AB) et (CD) mettant en relation son recours en annulation avec un litige de nature civile.

Par rapport à la question de son intérêt agir, l’intimée fait valoir que la jurisprudence des juridictions administratives concernant l’intérêt à agir en la présente matière serait le corollaire de celle concernant l’irrecevabilité omisso medio. Le caractère strict de cette jurisprudence serait encore renforcé par les conditions particulièrement strictes de la participation du public en matière de planification urbanistique communale, les délais de réclamation étant restreints et les modalités de publication « modestes et discrètes ». Il seraitdès lors normal qu’un réclamant ayant parcouru les étapes d’aplanissement des différends et ayant manifesté par ce biais son intérêt à agir, puisse faire valoir ses droits devant les juridictions administratives, l’intimée renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 10 juillet 2008 (erronément indiqué comme datant de 2018), numéros 24150C, 24170C et 24184 du rôle. Les premiers juges auraient dès lors à juste titre fait application de la jurisprudence constante en cette matière. L’intimée fait encore valoir que, contrairement à l’avis de la commune, rien n’empêcherait le conseil communal respectivement le ministre de tutelle de déclarer des réclamations comme étant irrecevables soit pour être tardives soit pour émaner d’un réclamant n’ayant aucun intérêt à formuler une réclamation. Le ministre de tutelle pourrait, en outre, déclarer irrecevable une réclamation pour cause d’omisso medio en application de l’article 16, alinéa (2), de la loi du 19 juillet 2004.

De telles décisions devraient pouvoir être contrôlées par le juge administratif, ce qui justifierait l’intérêt à agir des réclamants déboutés. Leur intérêt à agir résiderait précisément dans la volonté de voir contrôler la légalité des décisions du conseil communal, respectivement du ministre de tutelle ayant refusé de faire droit à leurs réclamations.

En l’espèce, elle aurait soulevé une série d’arguments contre le projet litigieux, parmi lesquels figurerait le fait que la procédure suivie aurait dû être menée via une procédure de modification du PAP en vertu de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, cette réclamation n’ayant pas été accueillie favorablement par la commune. Elle aurait, en outre, invoqué que le projet ne respecterait pas les coefficients de densité maximum prévue au PAG. Par ailleurs, l’intimée souligne qu’elle aurait introduit ses réclamations et son recours en annulation en sa qualité de propriétaire de la parcelle voisine « du projet de construction litigieux » qui serait d’une ampleur incontestable.

Dans sa réplique déposée dans le rôle numéro 49818C, la commune donne à considérer que selon la jurisprudence des juridictions administratives en matière d’urbanisme, la qualité de propriétaire d’un terrain voisin ne constituerait pas un élément de nature à justifier à lui seul l’existence d’un intérêt à agir. Dans ces conditions, à défaut par l’intimée actuelle de prouver l’existence d’une aggravation de sa situation du fait du projet litigieux, elle n’aurait pas justifié son intérêt à agir.

La commune poursuit que le défaut d’intérêt à agir serait encore confirmé par la circonstance que la parcelle (P1), ayant appartenu à l’intimée, se trouverait entretemps entre ses propres mains par voie d’échange de terrains, ayant été approuvé le 8 février 2024. Dans ces conditions, la situation de la partie intimée ne serait plus du tout impactée par le PAP litigieux. Tout en admettant que les juridictions devraient s’assurer qu’un réclamant débouté puisse poursuivre la procédure au niveau contentieux, ces mêmes considérations ne devraient pas permettre à une entité d’entreprendre sans intérêt apparent un recours ne lui créant aucun avantage direct corrélatif. Pour le surplus, la commune réitère que sauf pour les situations de forclusion, elle ne disposerait d’aucune base légale lui permettant de déclarer irrecevable une réclamation du fait d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef de son auteur, de sorte que sauf appréciation jurisprudentielle contraire, une réclamation serait recevable du seul fait du dépôt dans le délai prévu par la loi.

Dans leur réplique déposée dans le rôle numéro 49876C, les sociétés (AB) et (CD) réitèrent qu’en raison des circonstances factuelles entourant le présent litige, le fait que l’intimée avait introduit des objections précontentieuses contre le projet de modification ponctuelle serait insuffisant à lui seul pour lui conférer un intérêt à agir devant les juridictionsadministratives, de sorte qu’une analyse plus approfondie devrait être effectuée afin de vérifier concrètement si la modification ponctuelle litigieuse en l’espèce cause réellement et effectivement grief à l’intimée, ce qui serait ni allégué ni établi.

Elles déclarent partager la position de la commune selon laquelle l’annulation confirmée de la modification ponctuelle serait dépourvue d’effet utile pour l’intimée et ne lui apporterait en pratique aucune satisfaction puisqu’une telle annulation n’aurait aucune incidence sur le PAP initial devenu définitif et elles réitèrent en substance leur argumentation antérieure.

Elles font état, à l’instar de la commune, de l’acte notarié d’échange du 26 janvier 2024 à travers lequel la commune est devenue propriétaire de la parcelle numéro (P1). Comme l’intérêt à l’annulation d’un acte administratif devrait non seulement exister au jour de l’introduction du recours contentieux, mais devrait encore persister jusqu’au prononcé du jugement, voire de l’arrêt, et comme l’intimée ne serait plus propriétaire de la parcelle numéro (P1) dont elle avait invoqué la propriété pour justifier son intérêt à agir, elle serait désormais dépourvue d’intérêt à agir sinon de qualité à agir. Pour le surplus, les appelantes maintiennent leurs contestations quant à la légitimité de l’intérêt à agir de l’intimée. En tout état de cause, le simple fait d’avoir formulé des objections précontentieuses rejetées ne conférerait en aucun cas à l’intimée un intérêt à agir à l’encontre de la modification ponctuelle d’un PAP.

Dans leurs dupliques respectives, la commune et les sociétés (AB) et (CD) reprennent en substance leurs développements antérieurs.

Appréciation de la Cour Tel que cela a été relevé ci-avant, les premiers juges ont reconnu l’intérêt à agir à l’intimée au motif qu’elle avait introduit une objection contre la proposition de modification ponctuelle du PAP auprès du collège échevinal et que le conseil communal a le 7 octobre 2021 statué sur cette objection en la rejetant et en adoptant le projet de modification ponctuelle et ont partant rejeté le moyen consistant à dénier à la société (EF) l’existence d’un intérêt né et actuel à agir, de même que l’existence d’un intérêt légitime à agir.

Selon la jurisprudence constante en la matière1, sur laquelle les premiers juges se sont appuyés, le fait d’avoir introduit une objection dans le cadre de la procédure d’adoption d’un projet d’aménagement particulier - à l’instar de la procédure d’adoption et d’approbation d’un PAG -, ayant été rejetée constitue a priori une condition suffisante pour justifier un intérêt à agir et la Cour n’entend pas se départir de sa jurisprudence.

Par adoption des motifs des premiers juges, la Cour confirme dès lors le rejet par ceux-

ci du moyen d’irrecevabilité afférent tel que soulevé en première instance et réitéré par les parties appelantes en instance d’appel.

Si la commune donne à considérer que la question de l’intérêt à introduire une objection ou une réclamation ne serait contrôlée à aucun stade de la procédure, la Cour relève que les considérations avancées par les parties appelantes, si elles ne constituent pas des obstacles à la recevabilité du recours dirigé contre le refus de prendre en compte une objection ou une 1 Rappelée par la Cour dans un arrêt du 20 juin 2019, n° 42280C du rôle.réclamation en termes d’intérêt à agir, elles sont néanmoins susceptibles d’entrer en ligne de compte dans le cadre du contrôlé au niveau de l’examen du fond du dossier.

A cet égard, la Cour constate les circonstances particulières de l’espèce, qui sont de plusieurs ordres.

En effet, il convient de prime abord de relever que le PAP initial n’a pas fait l’objet d’une quelconque objection de la part de la société (EF), ce qui conduit au constat nécessaire que celle-ci a estimé que ce PAP, devenu définitif, ne lui faisait aucun grief.

Il convient ensuite de prendre en compte la procédure dans le cadre de laquelle la décision attaquée s’inscrit, à savoir une modification du PAP ayant été entamée par le collège échevinal suivant la procédure d’une modification ponctuelle en application des articles 26, paragraphe (2), alinéa 2, et 30bis de la loi du 19 juillet 2004, prévoyant une procédure allégée pour les cas de figure visés par l’alinéa 2 de l’article 26, paragraphe (2), aux termes duquel « (2) Tout plan d’aménagement particulier peut être modifié. La procédure à appliquer est celle prévue à l’article 30.

Toutefois, à la demande de l’initiateur d’une proposition de modification ponctuelle d’un plan d’aménagement particulier, le collège des bourgmestre et échevins peut décider d’entamer la procédure de modification ponctuelle prévue à l’article 30bis. Sont considérées comme ponctuelles, les modifications qui ont pour objet l’adaptation d’un plan d’aménagement particulier sur un ou plusieurs points précis sans mettre en cause la structure générale ou les orientations du plan d’aménagement particulier initial. ».

Dans ce contexte, la Cour relève que certes, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, une modification ponctuelle ne se limite pas nécessairement aux deux cas de figure énoncés par le tribunal, à savoir (i) la rectification d’une légère erreur matérielle et (ii) lorsque le PAP existant nécessite des modifications sur un ou plusieurs points précis pour sa mise en œuvre respectivement pour faciliter sa réalisation. Elle est, en effet, cadrée par les termes de l’article 26, paragraphe (2), de la loi du 19 juillet 2004, qui définit les modifications ponctuelles comme étant celles qui « ont pour objet l’adaptation d’un plan d’aménagement particulier sur un ou plusieurs points précis sans mettre en cause la structure générale ou les orientations du plan d’aménagement particulier initial », de sorte que les critères de distinction à prendre en compte sont (i) l’adaptation d’un plan d’aménagement particulier sur un ou plusieurs points précis et (ii) l’absence de mise en cause de la structure générale ou des orientations du plan d’aménagement particulier initial, cette définition englobant certes les deux cas de figure envisagés par le tribunal, mais aussi d’autres cas de figure d’adaptation d’un plan d’aménagement particulier sur un ou plusieurs points précis.

Cela étant dit, il n’en reste toutefois pas moins qu’en toute hypothèse, l’impact des modifications sous cette procédure est nécessairement plus réduit puisqu’il ne s’agit que d’adaptations ponctuelles.

Dès lors, en l’espèce, compte tenu de la procédure de modification dans laquelle la décision litigieuse s’inscrit, nécessairement les points sur lesquels le projet est susceptible d’affecter les intérêts de celui ayant introduit une objection sont plus réduits et les objections susceptibles d’être soulevées dans ce contexte sont limitées par la portée de la modification envisagée, tel que les appelants le font valoir à juste titre.

A cet égard, la Cour constate que selon les explications fournies par la commune et par les sociétés (AB) et (CD), confirmées par le rapport justificatif, les modifications portent en substance sur trois éléments, à savoir (i) s’agissant du lot 1, l’ajout d’un niveau sur une partie de la construction sans toutefois impliquer une modification de la hauteur maximum d’acrotère ou des surfaces constructibles admissibles en application du degré d’utilisation du sol, et le recul de l’ordre d’environ 1 mètre de la surface constructible pour constructions destinées au séjour prolongé et suppression d'une servitude de passage, (ii) s’agissant du lot 3, la subdivision de celui-ci en plusieurs nouveaux lots (4 lots de taille modérée pour l’aménagement de maisons unifamiliales et 2 lots de taille plus conséquente pour l’aménagement d’une ou de plusieurs résidences) dans le but de développer des copropriétés plus petites au lieu de prévoir une seule copropriété incluant quatre maisons unifamiliales et plusieurs résidences, cette modification ayant, selon les explications des sociétés (AB) et (CD), été opérée pour éviter aux propriétaires des futures maisons unifamiliales à ériger sur les nouveaux lots 4 à 7, de devoir intégrer les copropriétés portant sur les lots 3 et 8, et une servitude dite « servitude d'accessibilité pour lots 4, 5, 6 et 7» et (iii) le réaménagement de la voirie publique pour garantir le passage de véhicules à fort encombrement sur une emprise d'une largeur de 10 mètres.

La Cour constate ensuite que la société (EF) a justifié son objection par le fait qu’elle était le propriétaire de la parcelle voisine.

Or, force est de constater que selon les déclarations concordantes des parties appelantes, non contestées par la société (EF), celle-ci n’est actuellement plus propriétaire de la parcelle (P1), dont elle s’est justement et essentiellement prévalue pour justifier son objection et d’ailleurs par suite son intérêt à agir au niveau contentieux, et que cette parcelle se trouve, à la suite d’une opération d’échange du 26 janvier 2024, approuvée le 8 février 2024 par le conseil communal, à l’heure actuelle entre les mains de la commune, qui est partie à la présente instance et qui a approuvé la modification litigieuse et n’a dès lors nécessairement aucune objection à formuler.

La Cour constate encore que face à l’ensemble de ces éléments, qui suscitent de sérieuses interrogations sur l’intérêt de la société (EF) non seulement d’introduire une objection, mais surtout de poursuivre la demande d’annulation de la décision du conseil communal du 7 octobre 2021 - puisque malgré le changement de propriété, elle demande la confirmation du jugement a quo ayant annulé la décision du conseil communal de Reckange-

sur-Mess du 7 octobre 2021 -, et en l’occurrence à la suite des contestations de la commune et des sociétés (AB) et (CD) fondées sur l’échange de terrains, la société (EF) n’a pas déposé de mémoire en duplique pour prendre position sur ces contestations, ni n’a-t-elle fourni des explications à cet égard à l’audience des plaidoiries à laquelle son litismandataire ne s’est pas présenté.

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la Cour est amenée à conclure que la société (EF) n’a pas justifié à suffisance en quoi l’annulation de la décision du conseil communal du 7 octobre 2021, qui certes n’a pas pris en compte ses objections formulées par rapport à la proposition de modification du PAP, puisse dans une situation où seuls les éléments limités de la modification du PAP pourraient lui faire grief et où, surtout, elle n’est plus propriétaire de la parcelle voisine, puisse à l’heure actuelle lui procurer la satisfaction d’un quelconque intérêt et de la sorte n’a pas justifié son intérêt à la poursuite d’un recours qui tend à l’annulation de cette décision.

La Cour est dès lors amenée à retenir que le recours en annulation dirigé contre la décision du conseil communal du 7 octobre 2021 est devenu sans objet et est partant, par réformation du jugement du 20 novembre 2023, à rejeter.

L’indemnité de procédure de l’ordre de 10.000 € pour chaque instance réclamée par les sociétés (AB) et (CD) est à rejeter en ce qu’il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais non compris dans les dépens.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre de 3.000 € réclamée par la société (EF) est à rejeter.

Eu égard à l’issue du litige, la Cour condamne la société (EF) au paiement des frais des deux instances.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

prononce la jonction des affaires inscrites sous les numéros 49818C, 49845C et 49876C du rôle ;

reçoit les appels en la forme;

au fond, les déclare justifiés ;

partant, par réformation du jugement du 20 novembre 2023, rejette le recours tendant à l’annulation de la décision du conseil communal du 7 octobre 2021 pour avoir perdu son objet ;

rejette les demandes en paiement d’indemnités de procédure réclamées par les sociétés (AB), (CD) et (EF) ;

condamne la société (EF) aux frais et dépens des deux instances ;

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier ….

s. … s. SPIELMANN 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49818C-49845C-49876C
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-05-02;49818c.49845c.49876c ?

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