La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | LUXEMBOURG | N°49728C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 avril 2024, 49728C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49728C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49728 Inscrit le 20 novembre 2023 Audience publique du 4 avril 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 octobre 2023 (n° 46301 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions reçues par voie hiérarchique et deux décisions du ministre de la Défense en matière de poste à responsabilité particulière Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49728C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023 par Maîtr

e Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49728C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49728 Inscrit le 20 novembre 2023 Audience publique du 4 avril 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 octobre 2023 (n° 46301 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions reçues par voie hiérarchique et deux décisions du ministre de la Défense en matière de poste à responsabilité particulière Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49728C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), adjudant-major de la musique militaire grand-ducale en retraite, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 6 octobre 2023 (n° 46301 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non justifié son recours tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus du ministre de la Défense, deux « décisions de refus reçus par voie hiérarchique » en dates des 11 février et 18 mars 2021 et une décision explicite du ministre de la Défense du 28 avril 2021, portant toutes refus de sa candidature pour le poste à responsabilité particulière de sous-

officier musicien-secrétaire ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2023 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par Maître Pol URBANY au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 février 2024 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guillaume VAYSSE, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PRERDERIY en leurs plaidoiries à l’audience publique du 5 mars 2024.

1En date du 13 novembre 2020, Monsieur (A), adjudant-major de la musique militaire grand-ducale, posa sa candidature spontanée pour un poste à responsabilité particulière de sous-officier musicien-secrétaire, devenu vacant en date du 22 décembre 2020 à la suite du départ en retraite à partir du 22 décembre 2020 du titulaire précédent, Monsieur (B), postulation qui resta sans réponse.

Suite à un appel à candidature pour le poste à responsabilité particulière de sous-officier musicien-

secrétaire diffusé en date du 13 janvier 2021, Monsieur (A) posa une nouvelle fois sa candidature pour ledit poste, laquelle fut avisée favorablement par le chef de la musique militaire, le lieutenant-

colonel ….

Par courrier du 11 février 2021, Monsieur (A) fut informé que sa candidature n'avait pas été retenue au motif qu’il « [av]ait introduit une demande de mise à la retraite avec effet au 01 juin 2021 et que le poste de « Sous-Officier Musicien — Secrétaire » requiert une affectation plus longue à ce poste ».

Suite à un nouvel appel à candidature pour ledit poste publié le 24 février 2021, la candidature renouvelée le 8 mars 2021 par Monsieur (A) fut à nouveau rejetée, par courrier du 18 mars 2021, aux mêmes motifs que précédemment.

Par courrier de son mandataire du 23 mars 2021, Monsieur (A) demanda au ministre de la Défense, ci-après « le ministre », de se voir attribuer le poste à responsabilité particulière de sous-officier musicien-secrétaire, principalement avec effet au 23 décembre 2020, sinon subsidiairement du 1er mai au 1er juin 2021.

En date du 28 avril 2021, le ministre prit la décision suivante :

« (…) Je suis néanmoins au regret de devoir vous informer que je ne saurais faire droit à la demande de votre mandant.

Je tiens à souligner qu'il m'oblige toujours de faire prévaloir les intérêts du service en ce qui concerne l'occupation d'un poste au sein de l'Armée.

Il est un fait que votre mandant a introduit sa demande de mise à la retraite en date du 26 novembre 2020 et avec effet au 1er juin 2021. Cette demande lui a été accordée par arrêté ministériel du 10 décembre 2020. Dans ce contexte, Monsieur (A) se trouve en congé légal depuis le 29 mars 2021 jusqu'à sa retraite officielle, alors qu'il dispose d'heures supplémentaires sur son compte épargne-temps qu'il doit récupérer avant son départ.

Étant à la recherche d'un sous-officier pour occuper le poste vacant au sein de la musique militaire, il va de soi que l'Armée souhaite occuper ce poste avec un sous-officier disponible et ce, à longue durée pour assurer une certaine continuité dans le service.

L'éligibilité de votre mandant n'a aucunement été remise en question par l'Armée, cette dernière n'étant toutefois pas obligée, de par la loi et plus particulièrement par l'article 16 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités 2d'avancement des fonctionnaires de l'État, de choisir un des candidats qui se sont proposés, si les profils ne conviennent pas aux attentes du service. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2021, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation des décisions implicite sinon explicites des 11 février 2021, 18 mars 2021 et 28 avril 2021, précités, portant rejet de sa candidature pour le poste à responsabilité particulière de « sous-officier musicien-secrétaire ».

Par jugement du 6 octobre 2023, le tribunal déclara le recours en annulation recevable en la forme, au fond, le dit non justifié, partant en débouta Monsieur (A), rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur et le condamna aux frais et dépens de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal releva que l’ensemble des décisions déférées concernaient le refus de nommer le demandeur au poste à responsabilité particulière litigieux, même si les décisions expresses concernaient trois actes de candidatures distincts se succédant dans le temps, et que l’analyse du tribunal était à faire de manière globale, les moyens de Monsieur (A) visant d’ailleurs l’ensemble des actes déférés.

Concernant le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 16 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, ci-après « la loi du 25 mars 2015 », le tribunal nota d’abord qu’il appartenait au ministre du ressort non seulement d’entériner les postes à responsabilités particulières au sein de ses administrations, mais de désigner également les fonctionnaires occupant lesdits postes, prioritairement parmi les fonctionnaires évoluant au niveau supérieur, en les départageant par une appréciation des compétences professionnelles et personnelles.

En se référant à l’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la loi du 25 mars 2015 et en constatant que le demandeur se trouvait dans le niveau supérieur de son groupe de traitement, de sorte à être, a priori, prioritairement éligible à une nomination à un poste à responsabilités particulières, et partant à une éventuelle majoration d’échelon qui pourrait s’ensuivre, le tribunal releva cependant que ce n’était plus l’ancienneté qui constituait le critère d’attribution d’un tel poste, mais que l’appréciation personnelle de Monsieur (A) devait également être conjuguée avec l’intérêt du service.

Au regard de ces considérations et des circonstances spécifiques de l’affaire, le tribunal en déduisit qu’il ne pouvait ni être soutenu qu’en refusant le poste litigieux au demandeur, le ministre avait violé le texte et l’esprit de l’article 16 de loi du 25 mars 2015, ni être conclu à un excès de pouvoir ou à une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de ce dernier, en ce qu’il avait privilégié de ne pas attribuer le poste convoité à un fonctionnaire qui, en raison de son départ en retraite imminent et de ses congés de récréation et de récupération prévus, allait tout au plus exercer ses fonctions pendant quelques semaines, de même qu’il ne pouvait être reproché au ministre d’avoir également pris en compte, dans ce contexte, le fait que le demandeur avait dans le temps, demandé d’être démis de son dernier poste à responsabilité particulière en raison d’un surmenage, considérations mettant en cause l’intérêt du service en cas de nomination de Monsieur (A), même 3si le poste de « sous-officier musicien-secrétaire » était resté inoccupé pendant un certain temps en raison du refus initial de la candidature du demandeur.

Quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, le tribunal releva que ce moyen était à rejeter pour manquer en fait, le demandeur n’ayant pas établi qu’il avait été traité différemment qu’une autre personne se trouvant dans une situation similaire à la sienne et que des allégations vagues relatives à des pratiques de l’administration ne suffisaient pas à cet égard, ce d’autant plus qu’il se dégageait tout au plus du dossier administratif qu’il avait été traité de la même façon qu’un autre candidat ayant postulé en même temps pour le poste visé, lors du premier appel à candidature, candidat se trouvant également à quelques semaines de sa retraite et dont la candidature n’avait pas non plus été retenue.

Le tribunal rejeta encore le moyen basé sur un excès de pouvoir pour violation des principes de légitime confiance et de cohérence au motif que Monsieur (A) ne pouvait se prévaloir d’un droit acquis, sinon d’une attente légitime à l’attribution du poste litigieux. Pour autant qu’il y aurait eu une pratique différente dans le passé, le tribunal nota qu’il ressortait des éléments de motivation fournis par les décisions litigieuses, ensemble les précisions apportées en cours d’instance par le délégué du gouvernement, que les raisons du refus de la candidature posée par le demandeur était amplement justifiées non seulement par les dispositions légales applicables, mais également par les circonstances spécifiques de l’espèce faisant que l’intérêt pécuniaire du demandeur devait s’effacer par rapport à l’intérêt du service qu’il convenait justement de privilégier dans le cadre de l’application de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015.

Le tribunal rejeta finalement le dernier moyen de Monsieur (A) tenant à une éventuelle violation de l’article 31 de la Constitution, tel qu’applicable à l’époque de la prise des décisions déférées, au motif qu’au-delà du fait que la nomination à un poste à responsabilité particulière n’avait pas pour conséquence légale l’attribution automatique d’une majoration d’échelon pensionnable, mais rendait seulement éligible à un supplément de traitement, relevant que ledit article 31 ne concernait que les droits acquis des fonctionnaires publics en relation notamment avec leur pension, droit que Monsieur (A) en raison des décisions de refus déférées n’aurait jamais pu acquérir.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel du jugement du 6 octobre 2023.

Après avoir passé en revue les faits et rétroactes de l’affaire, l’appelant critique en premier lieu les premiers juges de ne pas avoir pris en compte les dates respectives auxquelles il aurait affiché son intérêt pour le poste à responsabilité particulière brigué, son premier courriel datant du 16 septembre 2020 et sa candidature officielle remontant au 13 novembre 2020, soit avant la fin de l’affectation au poste litigieux de son prédécesseur, M. (B), et avant la date de sa propre demande de mise à la retraite. L’analyse du tribunal n’aurait dès lors pas pu se faire « de manière générale » mais par rapport à toutes les demandes de candidature introduites par lui, et plus particulièrement par rapport à sa candidature introduite le 13 novembre 2020, et les premiers juges auraient à tort avalisé le ministre pour ne pas avoir voulu attribuer le poste convoité à un fonctionnaire qui, en raison de son départ imminent à la retraite et de ses congés de récréation et de récupération prévus, allait tout au plus exercer ses fonctions pendant quelques semaines. Il relève encore que si sa candidature spontanée avait été prise en compte, le poste litigieux aurait pu être attribué sans délai 4d’attente après le départ à la retraite de Monsieur (B) et n’aurait pas été vacant pendant un délai de six mois avant que Madame … ne soit affectée audit poste.

Après avoir cité l’article 16 de la loi du 25 mars 2015, l’appelant relève que le ministre aurait reconnu qu’il remplissait toutes les conditions pour se voir attribuer le poste à responsabilité particulière de sous-officier musicien-secrétaire et qu’il aurait été de la volonté expresse du législateur de n’attribuer des postes à responsabilités particulières qu’à titre exceptionnel à des fonctionnaires qui n’évoluent pas encore au niveau supérieur de leur groupe de traitement et pour l’hypothèse où aucun autre fonctionnaire du niveau supérieur n’aurait posé sa candidature, de sorte qu’une priorité devrait être accordée aux fonctionnaires pouvant faire valoir une certaine ancienneté. Partant, les décisions ministérielles critiquées devraient encourir l’annulation pour violation de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015.

Monsieur (A) estime ensuite, contrairement aux premiers juges, que l’intérêt du service, dans le contexte de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015, ne constituerait pas un critère légal déterminant pour l’attribution d’un poste à responsabilité particulière. Ainsi, si le critère d’ancienneté n’impliquait plus que le fonctionnaire le plus ancien en rang se voit attribuer d’office le poste convoité, le poste à responsabilité particulière pourrait être départagé entre plusieurs candidats évoluant au niveau supérieur d’un groupe de traitement par la possibilité de les départager en tenant compte de l’appréciation des compétences professionnelles et personnelles de ces candidats.

Pour l’hypothèse où l’intérêt du service puisse être considéré dans le cadre de l’affectation d’un poste à responsabilité particulière, ledit intérêt n’aurait pas pu conduire au refus d’attribution du poste en question dans son chef, étant donné qu’il aurait été dans l’intérêt évident et manifeste de la musique militaire que le poste lui soit attribué, le ministre ayant dû savoir depuis longtemps que Monsieur (B) allait prendre sa retraite au 22 décembre 2020, ce d’autant plus, au vu de la description du poste de « sous-officier musicien-secrétaire », il n’y aurait pas de candidat mieux placé et pouvant assurer au mieux l’intérêt de la musique militaire qu’un musicien expérimenté avec une ancienneté comme la sienne. S’y ajouterait l’avis favorable du chef de la musique militaire, le lieutenant-colonel …, certifiant qu’il serait « un sous-officier méritant, qui a fait un service exemplaire tout au long de sa carrière au sein de l’Armée et de la Musique Militaire ».

En relation avec la période d’attribution du poste litigieux, l’appelant souligne qu’il n’y aurait jamais eu dans le passé une affectation pour une durée précise d’un musicien à un poste à responsabilité particulière et chaque musicien occupant pareil poste aurait, à tout moment, la possibilité de se retirer de pareil poste. Dans la mesure où ces postes à responsabilités particulières auraient pendant longtemps uniquement été occupés par les plus anciens parmi les fonctionnaires d’une administration, il aurait été normal que ces postes n’auraient pas été occupés pendant des périodes prolongées. Il souligne encore que l’article 16 de la loi du 25 mars 2015 prévoirait uniquement que les candidats aux postes à responsabilités devraient encore être au service de leur administration et que ladite loi n’exclurait pas les candidats ayant déjà introduit une demande de mise à la retraite. Plus précisément, il aurait pu occuper le poste brigué pendant une période de six mois avant de prendre sa retraite, période pendant lequel le poste aurait été en fin de compte vacant.

Tout en concédant qu’il a dû démissionner d’un poste à responsabilité particulière au début de l’année 2018 en raison d’un surmenage, il donne à considérer que cette démission ne pourrait avoir une incidence sur le présent dossier visant un autre poste à attribuer fin 2020.

5 Quant à la violation alléguée du principe d’égalité devant la loi, l’appelant réitère son argumentation selon laquelle la durée d’occupation des postes à responsabilités particulières n'aurait jamais joué un rôle dans l'attribution de ces postes et lui-même n’aurait occupé dans le passé le poste à responsabilité particulière de « sous-officier musicien-conservateur médiathèque » que pendant cinq mois, de sorte qu’en attribuant des postes à responsabilités particulières à d'autres fonctionnaires d’Etat pour seulement quelques mois et en le lui refusant, le ministre aurait méconnu l'article 10bis de la Constitution, ancienne version.

L’appelant réitère encore son moyen de première instance tenant à une violation des principes généraux de légitime confiance et de cohérence. En effet, le ministre aurait créé des situations contraires à ces principes, octroyant un poste à responsabilité particulière à un certain nombre de fonctionnaires de la musique militaire en fin de carrière tout en lui refusant un tel poste sous le prétexte de sa prochaine mise à la retraite, de sorte que ses attentes auraient été trompées, d'autant plus qu’il aurait déjà affiché son intérêt pour le poste de sous-officier musicien-secrétaire en septembre 2020 et que sa première candidature aurait été introduite le 13 novembre 2020, soit avant sa demande de mise à la retraite, ainsi qu’à un moment où le ministre aurait déjà su que le poste en question allait devenir vacant le 22 décembre 2020. En outre, il y aurait violation du principe de cohérence, étant donné que depuis des années les postes à responsabilités particulières de la musique militaire auraient été attribués à des fonctionnaires pouvant se prévaloir d'une longue expérience au sein de la musique militaire et donc essentiellement à des fonctionnaires se trouvant en fin de carrière. Ainsi, le ministre n'aurait pas respecté la ligne de conduite qu'il se serait lui-

même donnée, certes de manière informelle, mais certaine.

Finalement, Monsieur (A) réitère son moyen tenant à une violation de l'article 31 de la Constitution, selon lequel les fonctionnaires publics ne pourraient être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi. Or, la motivation tirée d’une prétendue nécessité d'une « affectation plus longue » d’un candidat pour le poste litigieux cacherait la véritable intention de l'administration pour lui refuser le poste litigieux, à savoir celle de ne pas le faire bénéficier d'une bonification d'échelon avant son départ en retraite, ce qui serait pourtant son droit le plus strict s'il avait été nommé à ce poste, l’appelant relevant que le droit à la pension ne recouvrirait pas seulement le droit pour le fonctionnaire de toucher une pension, mais également le droit de toucher l'intégralité de cette pension en rapport avec les fonctions qu'il a occupées ou aurait dû occuper si la loi avait été correctement appliquée.

C’est tout d’abord à bon escient que la partie étatique rétorque que toutes les décisions attaquées ont le même objet, à savoir la postulation par Monsieur (A) au poste à responsabilité particulière de « sous-officier musicien-secrétaire » et que toutes ces décisions reposent sur le même motif de refus, à savoir que le poste requérait une affectation plus longue que celle possible dans le chef de l’appelant qui avait sollicité et obtenu sa mise à la retraite pour le 1er juin 2021.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal est arrivé à la conclusion, même si les différentes décisions visaient des actes de candidature distincts se succédant dans le temps, que l’analyse du bien-fondé desdites décisions est à effectuer de manière globale par rapport à la motivation de refus avancée tout en prenant en considération le « facteur temps », c’est-à-dire le temps écoulé 6entre la date de la première demande de Monsieur (A) et la décision finale de refus du 28 avril 2021.

Aux termes de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015, tel qu’en vigueur au jour des décisions litigieuses :

« (1) Les fonctionnaires relevant d'un sous-groupe de traitement autre que celui à attributions particulières des rubriques « Administration générale »,« Armée, Police et Inspection générale de la Police » et « Douanes » classés à l'un des grades faisant partie du niveau supérieur de leur sous-groupe de traitement et titulaires d'un poste à responsabilités particulières défini dans l'organigramme de l'administration et approuvé comme tel par le ministre du ressort, peuvent bénéficier d'une majoration d'échelon pour postes à responsabilités particulières. Le ministre du ressort désigne les fonctionnaires occupant ce poste à responsabilité particulière en tenant compte, s'il y a lieu, des résultats de l'appréciation des compétences professionnelles et personnelles. (…) Le ministre du ressort procède sous forme d'arrêté à la désignation des fonctionnaires pouvant bénéficier des majorations d'échelon pour postes à responsabilités particulières.

Toutefois, à défaut d'un candidat remplissant la condition d'être classé à l'un des grades faisant partie du niveau supérieur de son sous-groupe de traitement, le ministre du ressort sur avis du ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions peut désigner un fonctionnaire classé à l'un des grades du niveau général pour occuper le poste à responsabilité particulière vacant.

(…) (3) Les fonctionnaires des rubriques « Administration générale » , « Enseignement » et « Armée Police et Inspection générale de la Police » classés à un sous-groupe à attributions particulières peuvent bénéficier d'une majoration d'échelon pour postes à responsabilités particulières d'après les modalités définies ci-dessous. Le ministre du ressort désigne les fonctionnaires occupant un poste à responsabilité particulière défini dans l'organigramme de l'administration en tenant compte, s'il y a lieu, des résultats de l'appréciation des compétences professionnelles et personnelles. (…) ».

C’est tout d’abord à bon droit que la partie étatique relève en instance d’appel que les membres de la musique militaire sont classés à un sous-groupe à attributions particulières de la rubrique « Armée, Police et inspection générale de la Police », tel que cela se dégage de l’annexe « III » à ladite loi, et dont les modalités d’attribution de postes sont partant précisées au paragraphe (3) de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015, et non d’après le paragraphe (1) dudit article 16 s’appliquant aux autres fonctionnaires relevant d’un sous-groupe de traitement en général. Or, l’article 16, paragraphe (3), de la loi du 25 mars 2015 ne prévoit précisément pas d’accès prioritaire pour les fonctionnaires se trouvant classés à l’un des grades faisant partie du niveau supérieur de leur sous-

groupe de traitement, en l’occurrence pour la musique militaire ceux classés aux grades F5 à F10, mais vise tous les fonctionnaires classés à un sous-groupe à attributions particulières, donc également ceux classés au grade F2 (« sergent de la musique militaire »), F3 (« premier sergent de la musique militaire ») et F4 (« sergent-chef de la musique militaire »).

7Il convient de rappeler ensuite que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité (cf. Cour adm. 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et autres références y citées).

Il s’ensuit que le ministre, dans le cas d’espèce, était en droit de se baser sur le critère général de l’intérêt du service, tout en prenant en considération l’appréciation des compétences professionnelles et personnelles des candidats ayant postulé pour le poste en question, sans pour autant devoir nécessairement donner une priorité aux fonctionnaires pouvant faire valoir une certaine ancienneté de service, même si pareille ancienneté est un élément à prendre en considération dans le cadre de l'appréciation des compétences professionnelles et personnelles.

Or, en l’espèce, force est constater que Monsieur (A), à l’époque où le poste de son prédécesseur devenait vacant, soit au 22 décembre 2020, avait déjà fait valoir en date du 26 novembre 2020 sa mise à la retraite à partir du 1er juin 2021, demande à laquelle le ministre a fait droit par arrêté du 10 décembre 2020, lui accordant « démission honorable de ses fonctions » et prononçant sa mise à la retraite à partir de ladite date du 1er juin 2021, étant relevé encore que l’appelant avait posé ses congés à partir du 29 mats 2021 jusqu’à son départ à la retraite.

S’il est certes exact que par la suite, les congés de Monsieur (A) ont été partiellement annulés en raison d’un besoin impérieux de personnel pour assurer le service dans le cadre des centres de vaccination, il est cependant constant en cause que la nomination de celui-ci au poste à attribution particulière brigué, même si cette nomination était intervenue immédiatement après le départ à la retraite de son prédécesseur, n’aurait été effective, au maximum, que pendant à peu près cinq mois -les jours de congés finalement pris non comptabilisés-, nécessitant par la suite un nouvel appel à candidature pour désigner le successeur de Monsieur (A).

Au vu de ce qui précède, la Cour arrive à la conclusion qu’il ne saurait être reproché au ministre, malgré le constat que le supérieur hiérarchique de l’appelant lui a certifié remplir toutes les conditions pour l’obtention du poste litigieux et que l’appelant bénéficie d’une ancienneté de service certaine, d’avoir fait prévaloir l’intérêt du service en relevant que le poste de « sous-officier musicien-secrétaire » requiert une affectation plus longue et ceci afin d’assurer la continuité du service après la nouvelle nomination, étant encore relevé dans ce contexte que l’intéressé avait été nommé, suivant arrêté du ministre du 29 avril 2016, au poste à responsabilité particulière de « sous-officier musicien logistique », duquel il fut désaffecté sur sa demande avec effet au 1er mars 2018 au motif mis en avant qu’il n’arrivait plus à gérer « en plus de mon travail au pupitre de 8corniste, le travail administratif et informatique qui m’est demandé pour ce poste à responsabilités particulières ».

C’est dès lors à tort que la partie appelante reproche au ministre une erreur d’appréciation en ce que le poste à responsabilité particulière ne pourrait normalement être départagé qu’entre plusieurs candidats évoluant au niveau supérieur d’un groupe de traitement à départager en tenant compte de l’appréciation des compétences professionnelles et personnelles de ces candidats et d’avoir de la sorte violé l’article 16 de la loi du 25 mars 2015, le ministre ayant fait prévaloir, aux moments respectifs de la prise des décisions litigieuses, l’intérêt du service guidé par la continuité d’occupation du poste de « sous-officier musicien-secrétaire », même s’il s’est avéré par la suite que le candidat finalement nommé, Mad. SCH., n’a occupé ledit poste que jusqu’au 10 mai 2022, soit après 10 mois d’affectation.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015 est partant à abjuger.

Quant à la violation alléguée du principe d’égalité devant la loi, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que ledit moyen est à rejeter pour manquer en fait, l’appelant ne démontrant pas de manière concrète qu’il aurait été traité différemment qu’une autre personne se trouvant dans une situation similaire à la sienne. Ainsi, l’appelant ne contredit pas utilement l’argumentation de la partie étatique, d’une part, que les postes à responsabilités particulières sont normalement attribués pour de longues périodes en vue d’assurer le bon fonctionnement du service et, d’autre part, que l’Armée ne peut avoir d’influence sur le fait que des personnes s’étant vues attribuer un poste à responsabilité particulière démissionnent prématurément de leur propre initiative du poste auquel elles ont été affectées. Pour le surplus, il se dégage encore du dossier qu’un autre candidat faisant partie de la carrière supérieure ayant brigué en même temps pour le même poste de « sous-

officier musicien-secrétaire », à savoir l’adjudant-major de la musique militaire grand-ducale E.

D., n’a pas non plus été retenu sur base de la même considération.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une prétendue violation du principe d’égalité devant la loi est à rejeter.

La même solution doit encore être retenue par rapport à la violation alléguée des principes de légitime confiance et de cohérence, l’appelant restant concrètement en défaut d’étayer son argumentaire que depuis des années les postes à responsabilités particulières de la musique militaire dans le contexte de l’article 16 de la loi du 25 mars 2015 auraient été attribués à des fonctionnaires pouvant se prévaloir d'une longue expérience au sein de la musique militaire et partant essentiellement à des fonctionnaires se trouvant en fin de carrière, de sorte qu’il aurait pu se prévaloir d’une attente légitime à l’attribution du poste brigué en raison de ces prétendues nominations passées.

Concernant finalement la violation alléguée de l’ancien article 31 de la Constitution, disposant que « les fonctionnaires publics, à quelque ordre qu’ils appartiennent, les membres du Gouvernement exceptés, ne peuvent être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi », c’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que ledit article ne vise que des droits acquis et non pas des droits éventuels jamais obtenus et que l’article 16 de la loi du 25 mars 2015 ne prévoit nulle part un droit pour un fonctionnaire d’être nommé à un poste 9à responsabilité particulière, ledit article prévoyant uniquement la possibilité pour un fonctionnaire d’être nommé à pareil poste, de sorte que l’appelant n’a pas pu être privé par les décisions ministérielles litigieuses de ses fonctions, ni de ses honneurs et pensions, en violation de l’article 31 de la Constitution.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Monsieur (A) sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000.- €.

Eu égard à l’issue du litige, ladite demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel du 20 novembre 2023 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement du 6 octobre 2023 ;

déboute Monsieur (A) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’appelant aux dépens de l'instance d'appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller SCHROEDER en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2024 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49728C
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-04-04;49728c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award