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21/03/2024 | LUXEMBOURG | N°43/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 mars 2024, 43/24


N° 43 / 2024 du 21.03.2024 Numéro CAS-2023-00099 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par la soc

iété à responsabilité limitée BONN & SCHMITT, inscrite à la liste V du table...

N° 43 / 2024 du 21.03.2024 Numéro CAS-2023-00099 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Cédric BELLWALD, avocat à la Cour, et la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour.

_____________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 35/23 - II - CIV, rendu le 15 mars 2023 sous le numéro CAL-2022-00075 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 mai 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le 2 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 10 juillet 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 17 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait débouté le demandeur en cassation de sa demande en indemnisation dirigée contre la défenderesse en cassation basée sur un contrat de gestion des avoirs inscrits sur son compte bancaire. La demande tendait à l’indemnisation du préjudice subi notamment au titre de la perte de valeur des obligations inscrites dans un portefeuille initialement détenu par la société SOCIETE2.), puis par la société SOCIETE3.), qui avait, par la suite, été transféré sur le compte du demandeur en cassation. La Cour d’appel, sur base d’autres motifs, a confirmé le jugement entrepris sous ce rapport.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 1147 du Code civil, En ce que la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. PERSONNE1.) de contre la Banque au motif qu’elle serait ;

Aux motifs que l’action en responsabilité contre le banquier a un caractère personnel ; qu’ainsi le cessionnaire d’un portefeuille de valeurs mobilières d’une 2valeur et d’une composition déterminées ne recueille pas avec ce portefeuille, même considéré comme une universalité, une action en responsabilité civile basée sur le fait que ces valeurs et composition sont le résultat de fautes commises par la banque à l’égard du cédant avant la cession ; que l’action est une action exclusivement attachée à la personne ; qu’une telle action n’est pas inhérente au portefeuille transmis et ne peut être considérée comme trouvant sa cause dans l’existence même de ce portefeuille (cf. Georges RAVARANI : La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e édition n° 553) ;

Alors que, d’une part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en invoquant d’office, pour motiver son arrêt querellé, un passage d’un ouvrage jamais invoqué par les parties, sans avoir au préalable invité celles-ci à présenter leurs observations, privant ainsi M. PERSONNE1.) de la possibilité d’y répondre et d’en faire la critique, la cour d’appel a violé l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, en particulier en son alinéa 3 ;

Alors que, d’autre part, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu’en refusant à M. PERSONNE1.) le bénéfice de dommages-intérêts visant à l’indemniser du préjudice que la Banque lui a causé par suite de la mauvaise exécution du Contrat de Gestion, au motif que l’action contre le banquier est personnelle et insusceptible d’être transmise au cessionnaire d’un portefeuille de titres financiers avec la propriété de celui-ci, alors qu’il est constant que le droit d’action en responsabilité civile contractuelle est l’accessoire de la chose que le cessionnaire recueille avec le transfert de propriété de celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir motivé le rejet de sa demande en se basant d’office sur les principes énoncés dans un ouvrage de la doctrine, sans avoir invité les parties à en débattre contradictoirement, et d’en avoir fait l’unique base de la motivation sous-jacente au rejet de sa demande.

Les juges d’appel, après avoir rappelé les principes régissant la charge de la preuve en matière de responsabilité contractuelle, ont retenu que le préjudice allégué n’était pas en relation causale avec la faute contractuelle alléguée.

Ce motif justifiant à lui seul le rejet de la demande, ce n’est qu’à titre surabondant qu’ils ont ajouté, en citant le passage de l’ouvrage reproduit au moyen, 3que la preuve de l’existence d’un préjudice personnel dans le chef du demandeur en cassation n’était pas rapportée.

Il s’ensuit que la première branche du moyen est inopérante.

Sur la seconde branche du moyen Il résulte de la réponse donnée à la première branche du moyen que le passage de l’ouvrage reproduit au moyen se rapporte à la motivation des juges d’appel relative à l’existence d’un préjudice personnel dans le chef du demandeur en cassation. Ce motif étant surabondant, il n’est pas indispensable au soutien de leur décision.

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen est inopérante.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux frais et dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

4Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ la société anonyme SOCIETE1.) S.A.

(affaire n° CAS-2023-00099 du registre) Le pourvoi en cassation, introduit par Maître Cédric BELLWALD, avocat à la Cour, et signé pour le compte de ce dernier par Maître Jean-Baptiste MEYRIER, avocat à la Cour, au nom et pour compte de PERSONNE1.), par un mémoire en cassation signifié le 26 mai 2023 à la défenderesse en cassation, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 2 juin 2023, est dirigé contre un arrêt n° 35/23 – II - CIV rendu par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière de droit civil, statuant contradictoirement, en date du 15 mars 2023 (n° CAL – 2022 -00075 du rôle).

L'arrêt entrepris a été signifié le 6 avril 2023.

Le pourvoi est recevable pour être conforme aux dispositions de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, telle que modifiée.

Le mémoire en réponse, signifié le 10 juillet 2023 à PERSONNE1.) en son domicile élu et déposé au greffe de la Cour le 17 juillet 2023, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes Suivant jugement n°2021TALCH08/00143 du 27 octobre 2021, numéro du rôle TAL-

2019-04698, le tribunal a déclaré recevable mais non fondé la demande en dommages-

intérêts formée par PERSONNE1.) contre la société anonyme SOCIETE1.) S.A. du chef de manquements et fautes commis dans le cadre d’un contrat de gestion de portefeuille. Ce même jugement a rejeté la demande reconventionnelle de PERSONNE1.) en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et a débouté PERSONNE1.) de sa demande en paiement des frais et honoraires d’avocat, ainsi que de sa demande basée sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile. PERSONNE1.) a finalement été condamné au paiement d’une 5indemnité de procédure de 2.500,- EUR sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens de l’instance.

Devant les premiers juges, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. a soulevé deux moyens d’irrecevabilité, à savoir, la forclusion résultant d’une clause du contrat de gestion et le défaut de qualité à agir de PERSONNE1.).

Les juges de première instance, pour rejeter comme non fondée la demande de PERSONNE1.), ont retenu le moyen tiré de la forclusion de l’action formulée par la société anonyme SOCIETE1.) S.A. comme moyen d’irrecevabilité.

Dans le cadre de l’instance d’appel, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. a interjeté appel incident concernant la recevabilité de la demande, motifs pris de ce qu’il y aurait défaut de qualité à agir dans le chef de PERSONNE1.), en ce que ce dernier réclamerait réparation d’un préjudice prétendument encouru par la société SOCIETE3.), dont lui-

même était le bénéficiaire économique à l’époque. La société anonyme SOCIETE1.) S.A. a par ailleurs également invoqué, à l’instar de ses développements exposés en première instance, le moyen tiré de la forclusion à agir au regard des conditions générales ainsi que du contrat de gestion conclu entre les parties, comme moyen d’irrecevabilité.

A titre subsidiaire la société anonyme SOCIETE1.) S.A. a conclu à la confirmation du jugement entrepris ayant déclaré l’action de PERSONNE1.) comme étant non fondée.

Suivant arrêt n° 35/23-II-CIV du 15 mars 2023, n° CAL-2022-00075 du rôle, la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, a confirmé le jugement de première instance, bien que pour d’autres motifs. La Cour d’appel n’a ainsi réformé les premiers juges que sur le point de l’indemnité de procédure, en déchargeant PERSONNE1.) de la condamnation au paiement du montant de 2.500,- EUR au titre de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.

Dans le cadre de sa motivation, l’arrêt dont pourvoi a retenu que le moyen tiré de la forclusion à agir n’est pas d’application et que celui tiré du défaut de qualité à agir dans le chef de PERSONNE1.) touche au fond de la demande et ne s’analyse pas au stade de la recevabilité.

Au fond l’arrêt entrepris a débouté PERSONNE1.) de sa demande en indemnisation des sommes prétendument perdues, pour absence de lien causal entre le préjudice réclamé et la faute reprochée. A cette motivation la Cour d’appel a ajouté que l’actuel demandeur en cassation resterait, en outre, en défaut d’établir le caractère personnel du préjudice invoqué.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

6Sur le moyen unique de cassation « tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 1147 du Code civil, EN CE QUE la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. PERSONNE1.) de « sa demande » contre la Banque au motif qu’elle serait « non fondée » ;

AUX MOTIFS QUE l’action en responsabilité contre le banquier a un caractère personnel ; qu’ainsi le cessionnaire d’un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur et d’une composition déterminées ne recueille pas avec ce portefeuille, même considéré comme un universalité, une action en responsabilité civile basée sur le fait que ces valeurs et composition sont le résultat de fautes commises par la banque à l’égard du cédant avant la cession ; que l’action est une action exclusivement attachée à la personne ; qu’une telle action n’est pas inhérente au portefeuille transmis et ne peut être considérée comme trouvant sa cause dans l’existence même de ce portefeuille (cf. Georges RAVARANI :La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e édition n° 553) ;

ALORS QUE, d’une part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en invoquant d’office, pour motiver son arrêt querellé, un passage d’un ouvrage jamais invoqué par les parties, sans avoir au préalable invité celles-ci à présenter leurs observations, privant ainsi M. PERSONNE1.) de la possibilité d’y répondre et d’en faire la critique, la Cour d’appel a violé l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, en particulier en son alinéa 3 ;

ALORS QUE, d’autre part, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu’en refusant à M. PERSONNE1.) le bénéfice de dommages-intérêts visant à l’indemniser du préjudice que la Banque lui a causé par suite de la mauvaise exécution du Contrat de Gestion, au motif que l’action contre le banquier est personnelle et insusceptible d’être transmise au cessionnaire d’un portefeuille de titres financiers avec la propriété de celui-ci, alors qu’il est constant que le droit d’action en responsabilité civile contractuelle est l’accessoire de la chose que le cessionnaire recueille avec le transfert de propriété de celle-ci, la Cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil. ».

7La lecture du moyen unique de cassation permet de constater qu’il critique, sous différents aspects, le passage de la décision entreprise par lequel la Cour d’appel cite un extrait de l’ouvrage de doctrine intitulé « La responsabilité civile des personnes privées et publiques », de Georges RAVARANI, 3e édition, n° 553.

Dans le cadre de la discussion du moyen, le demandeur en cassation précise qu’il entend le scinder en deux branches et présente ses développements dans cette logique.

Sur la première branche du moyen :

La première branche du moyen fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir violé le principe du contradictoire garanti par l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, qui dispose que, « Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. ».

Plus précisément le demandeur en cassation soutient-il, dans le cadre de la discussion de la première branche du moyen, que les magistrats d’appel auraient, en violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, débouté PERSONNE1.) de sa demande en dommages-intérêts basée sur la responsabilité contractuelle, en appuyant leur motivation sur un extrait d’un ouvrage de doctrine qu’ils auraient invoqué d’office et par rapport auquel les parties n’auraient pas été préalablement appelées à se positionner.

En suivant le raisonnement tiré de l’extrait reproduit de l’ouvrage de doctrine, les magistrats d’appel auraient alors erronément retenu que l’action en responsabilité contre le banquier, pour des fautes commises par ce dernier à l’égard du cédant dans le cadre de la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières, est personnelle et ne se transmet pas au cessionnaire. Ce faisant ils auraient fallacieusement dénié toute qualité à agir à PERSONNE1.).

Le demandeur en cassation souligne finalement encore que le raisonnement exposé dans l’ouvrage doctrinal en question aurait, à lui seul, déterminé la motivation des juges ayant conduit au débouté de PERSONNE1.).1 1 Les développements du demandeur en cassation dans le passage réservé à la discussion de la première branche du moyen sur ce point se lisent comme suit, « […] La cour d’appel a commis 8 A titre liminaire la soussignée entend préciser que, contrairement à ce que semble soutenir le demandeur en cassation, les magistrats d’appel n’ont pas débouté PERSONNE1.) de sa demande pour défaut de qualité à agir mais ils ont, au contraire, reconnu qualité à agir à PERSONNE1.) et par conséquent déclaré recevable sa demande.

Ce n’est que dans une deuxième étape, au stade de l’analyse de la demande au fond, donc du bien-fondé de l’action ou de l’existence réelle du droit ou du préjudice invoqué, que les magistrats d’appel ont débouté l’actuel demandeur en cassation de sa demande.

Ensuite échet-il de rappeler que le reproche formulé touche exclusivement à la partie de l’arrêt visée au moyen, à savoir le passage qui reproduit l’extrait de l’ouvrage doctrinal sur la responsabilité des personnes privées et publiques de Georges RAVARANI, choisi par les magistrats d’appel pour corroborer le motif retenu selon lequel PERSONNE1.) ne prouverait pas avoir personnellement subi le préjudice allégué, alors même que seul un préjudice personnel est indemnisable.

Le grief tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, qui consacre le principe du contradictoire, est donc limité à la citation ci-après reproduite, « l’action en responsabilité contre le banquier a un caractère personnel. Ainsi le cessionnaire d’un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur et d’une composition déterminées ne recueille pas avec ce portefeuille, même considéré comme une universalité, une action en responsabilité civile basée sur le fait que ces valeurs et composition sont le résultat de fautes commises par la banque à l’égard du cédant avant la cession. L’action est une action exclusivement attachée à la personne. Une telle action n’est pas inhérente au portefeuille transmis et ne peut être considérée comme trouvant sa cause dans l’existence même de ce portefeuille (cf. Georges RAVARANI :

La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e édition n° 553) ».

En l’occurrence néanmoins, et afin de comprendre le raisonnement des juges les ayant amenés au débouté de la demande leur soumise, il y a lieu de se détacher du seul extrait la même erreur en concluant au mal fondé des demandes de M. PERSONNE1.) au motif que l’action contre le banquier est personnelle et ne se transmet pas au cessionnaire, c’est-à-dire pour défaut de qualité à agir, lequel est un moyen d’irrecevabilité et non de bien ou mal-fondé de l’action.

Quoi qu’il en soit, et de façon encore plus surprenante, la cour d’appel est donc elle aussi tombée dans le dangereux travers du relevé d’office en violation du contradictoire et en particulier de la disposition précitée, sur un point de surcroît absolument fondamental de sa motivation puisque c’est là le seul motif pour lequel elle a entendu confirmer le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté l’exposant de toutes ses demandes envers la Banque », voir paragraphes 6 et 7 à la page 6 du mémoire en cassation.

9de l’ouvrage critiqué, et de reproduire intégralement la motivation des magistrats d’appel touchant au fond de la demande.

Le passage relevant de l’arrêt entrepris se lit comme suit :

« Pour pouvoir prospérer dans une demande en responsabilité contractuelle, le demandeur doit rapporter la preuve d’une inexécution contractuelle lui ayant causé le préjudice réclamé.

L’appelant demande le montant de 250.679 euros au titre de sommes perdues.

PERSONNE1.) dit se baser sur des inexécutions contractuelles du contrat de gestion du 27 octobre 2015 pour réclamer cette indemnisation.

Les prétendues fautes de la Banque consistant dans l’acquisition des obligations litigieuses n’ont cependant pas eu lieu pendant le contrat de gestion discrétionnaire signé entre parties en date du 27 octobre 2015, mais avant la signature dudit contrat.

En effet, il ressort des bordereaux d’acquisition des titres que les obligations litigieuses SOCIETE4.), SOCIETE5.) et SOCIETE6.) ont été acquises pour les portefeuilles des sociétés SOCIETE2.) et SOCIETE3.), dont PERSONNE1.) était le bénéficiaire économique, et ont été transférées sur son compte ouvert auprès de la Banque en date du 2 décembre 2015.

Suite aux contestations de la Banque quant à sa qualité à agir, l’appelant fait valoir que son préjudice est né du fait que la Banque n’a pas immédiatement liquidé les obligations litigieuses dès le transfert du portefeuille.

Or, tel que précisé ci-avant, PERSONNE1.) ne demande pas en tant que préjudice la différence de valeur des obligations litigieuses entre le moment du transfert du portefeuille en date du 2 décembre 2015 et le 30 juin 2016. Il demande la différence entre la valeur d’acquisition des obligations litigieuses au moment de leur acquisition et leur valeur en date du 30 juin 2016. Il ne requiert dès lors pas un préjudice subi suite à la dépréciation des obligations litigieuses après le transfert du portefeuille et pendant la durée du contrat de gestion du 27 octobre 2015.

Le préjudice réclamé n’est dès lors pas en relation causale avec le défaut de liquidation des obligations litigieuses après le transfert du portefeuille.

A cela s’ajoute, qu’ayant une personnalité juridique différente de celle des sociétés SOCIETE2.) et SOCIETE3.) et n’ayant pas acquis personnellement les obligations litigieuses, PERSONNE1.), bien que bénéficiaire économique desdites sociétés, ne prouve pas avoir subi personnellement le préjudice du montant de 250.670 euros qu’il réclame.2 2 Mises en exergue par la soussignée.

10 L’action en responsabilité contre le banquier a un caractère personnel. Ainsi le cessionnaire d’un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur et d’une composition déterminées ne recueille pas avec ce portefeuille, même considéré comme une universalité, une action en responsabilité civile basée sur le fait que ces valeurs et composition sont le résultat de fautes commises par la banque à l’égard du cédant avant la cession. L’action est une action exclusivement attachée à la personne. Une telle action n’est pas inhérente au portefeuille transmis et ne peut être considérée comme trouvant sa cause dans l’existence même de ce portefeuille (cf Georges RAVARANI :

La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e édition no 553).

Il suit de ce qui précède que la demande de PERSONNE1.) en obtention du montant de 250.670 euros au titre de sommes perdues n’est pas fondée.3 ».

Tout d’abord, de l’avis de la soussignée, résulte-t-il de la motivation des juges du fond ayant conduit au débouté de l’actuel demandeur en cassation, que le grief formulé à la première branche du moyen, s’attaque à un motif surabondant, et qu’il est dès lors inopérant.

En effet, après avoir fait état de son premier motif consistant à retenir l’absence de lien causal entre le préjudice allégué et la faute invoquée, la Cour d’appel a-t-elle encore pris soin de souligner l’absence de preuve d'un préjudice personnel subi dans le chef de l’actuel demandeur en cassation. Les magistrats d’appel ont ainsi, par rapport à ce deuxième motif, retenu, « A cela s’ajoute, qu’ayant une personnalité juridique différente de celle des sociétés Newbury et SOCIETE3.) et n’ayant pas acquis personnellement les obligations litigieuses, PERSONNE1.), bien que bénéficiaire économique desdites sociétés, ne prouve pas avoir subi personnellement le préjudice du montant de 250.670 euros qu’il réclame »4.

A côté du constat qu’en matière de responsabilité contractuelle, l’absence de lien causal entre le fait générateur de l’action en responsabilité -faute ou négligence-, et le dommage, suffit pour débouter toute prétendue victime de sa demande en indemnisation, et, qu’en outre, l’absence de lien causal retenue par l’arrêt attaqué n’est pas contestée dans le cadre du pourvoi, il y a lieu de relever que termes et la formulation employés pour introduire le paragraphe cité ci-avant, « A cela s’ajoute […] », indiquent clairement que les motifs tirés du défaut de preuve d’un préjudice subi personnellement par l’actuel demandeur en cassation sont superfétatoires et n’ont, par conséquent, aucune influence sur le dispositif de l’arrêt attaqué.

3 Voir les pages 8 et 9 de l’arrêt dont pourvoi.

4 Voir la page 9 de l’arrêt dont pourvoi, passage précité et déjà mis en exergue par la soussignée.

11Autrement exprimé, la Cour d’appel, après avoir exposé que la faute invoquée réside dans le défaut de liquidation des obligations litigieuses après le transfert du portefeuille à l’actuel demandeur en cassation, et que le préjudice réclamé consiste en la dépréciation des valeurs mobilières survenue avant le transfert dudit portefeuille à l’actuel demandeur en cassation et avant la conclusion du contrat de gestion dont l’inexécution est alléguée, a jugé que le troisième terme de l’équation en matière de responsabilité contractuelle, à savoir l’existence d’une relation de cause à effet, fait défaut.

De l’avis de la soussignée, ce moyen, d’ailleurs non critiqué par le pourvoi, aurait été suffisant pour justifier la décision entreprise et ainsi débouter le demandeur en cassation de sa demande en indemnisation. Les magistrats d’appel, en choisissant d’analyser en outre si le préjudice invoqué présente les caractères d’un préjudice réparable, ont étayé leur motivation par l’ajout d’un motif supplémentaire, tiré de l’absence de preuve que le préjudice a été personnellement subi par celui qui l’invoque. Ce dernier motif n’était cependant pas indispensable au soutien du dispositif de l’arrêt attaqué.

Il en suit que, les magistrats d’appel ayant motivé le rejet de leur demande, outre le motif critiqué dans la première branche du moyen, par un autre motif déterminant qui constitue le soutien nécessaire à leur décision, le motif critiqué est surabondant.

Le moyen est dès lors inopérant.5 A titre subsidiaire, et pour autant que Votre Cour considère que le motif tiré du défaut de lien causal retenu par la Cour d’appel ne puisse, à lui seul, suffire à justifier l’arrêt entrepris, en sorte que le motif critiqué par l’actuel demandeur en cassation serait dès lors relevant pour la solution du litige, alors il y a lieu de conclure que le grief tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile n’est pas fondé.

En effet, tel qu’il résulte des pièces et éléments de preuve auxquels Votre Cour peut avoir égard, le motif de l’absence de préjudice personnel dans le chef de l’actuel demandeur en cassation avait-il déjà été invoqué par l’actuelle défenderesse en cassation comme moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir, tant en première instance qu’en instance d’appel. Plus précisément, l’actuelle défenderesse en cassation avait-elle fait valoir que seules les sociétés SOCIETE3.) et, le cas échéant, SOCIETE2.), pourraient se prévaloir d’un préjudice personnel, au motif qu’au moment de la dépréciation des valeurs mobilières elles en étaient les seules propriétaires.

En reprochant à l’arrêt entrepris d’avoir invoqué d’office le principe selon lequel l’action en responsabilité contre le banquier a un caractère personnel et n’est dès lors pas inhérente au portefeuille de valeurs mobilières géré par ce dernier, la critique du demandeur en cassation consiste implicitement, mais nécessairement, à soutenir que la 5J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 6e édition, n° 83.62.

12question du titulaire légitime du droit d’agir en responsabilité contractuelle contre un gestionnaire de portefeuille, -dans l’hypothèse du transfert de ce portefeuille d’un propriétaire à un autre-, a été soulevée d’office par la Cour d’appel, sans avoir été préalablement soumise au débat contradictoire.

Or, tel que relevé plus haut, tant l’arrêt entrepris que des conclusions récapitulatives prises de part et d’autre, permettent de constater que ce reproche n’est pas fondé.

En effet, dans le cadre du passage de la motivation de l’arrêt entrepris cité plus haut, la Cour d’appel, en exposant le raisonnement de PERSONNE1.) consistant en substance à soutenir que le préjudice invoqué est un préjudice qu’il a personnellement subi, a déjà brièvement fait référence aux contestations de la défenderesse en cassation quant à la qualité à agir de l’actuel demandeur en cassation, en retenant, « Suite aux contestations de la banque quant à sa qualité à agir, l’appelant fait valoir que son préjudice est né du fait que la Banque n’a pas immédiatement liquidé les obligations litigieuses dès le transfert du portefeuille ».6 Il échet dès lors de citer le passage de l’arrêt reproduisant les développements des parties sur la question de la qualité à agir de PERSONNE1.) et la motivation des juges du fond à cet égard, étant donné que c’est précisément à cet endroit que l’actuel demandeur en cassation expose son raisonnement l’amenant à prétendre à un préjudice personnel.

Le passage pertinent de l’arrêt entrepris se lit comme suit :

« La Banque a interjeté appel incident en ce qui concerne la recevabilité de la demande.

Elle estime qu’il y a défaut de qualité à agir dans le chef de PERSONNE1.). A l’appui de ce moyen, elle relève que ce n’est pas l’appelant qui a acquis les obligations litigieuses, mais pour partie déjà la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.), dont il était le bénéficiaire économique et que la société SOCIETE3.), qui avait acquis ces titres, a été liquidée par la suite. Elle indique que l’appelant a reçu les titres litigieux qui avaient déjà perdu leur valeur à l’époque du transfert au moment du transfert du portefeuille. Elle estime que celui qui aurait pu réclamer contre l’acquisition était la société SOCIETE3.), qui ne l’a pas fait. En conséquence, la demande contre la Banque pour avoir acquis des titres contrairement au profil risque de SOCIETE3.) et conformément aux discussions qui avaient eu lieu avec le bénéficiaire économique à l’époque serait irrecevable. Seule la société SOCIETE3.) aurait pu agir en ce sens.

Selon les conditions générales signées par la société SOCIETE3.), les délais de réclamation auraient expiré depuis longtemps et il en serait de même pour le contrat de gestion. Elle conclut que la demande de l’appelant, qui réclame la réparation d’un préjudice prétendument encouru par la société SOCIETE3.), dont il avait été le bénéficiaire économique, est irrecevable.

6 Voir le 3ème paragraphe de la page 9 de l’arrêt dont pourvoi.

13Quant à la qualité à agir, l’appelant fait valoir que la Banque soutient, sans grande conviction que seule la société SOCIETE3.) pourrait se prévaloir d’un préjudice, au motif que les obligations litigieuses ont été acquises à l’époque pour le compte de la société. Or, il reprocherait à la Banque d’avoir reversé les obligations litigieuses dans son portefeuille personnel, à la dissolution de la société SOCIETE3.), alors qu’elle aurait dû les liquider sur-le-champ, manquant par là à ses obligations contractuelles envers lui-même, au titre du contrat de gestion du 27 octobre 2015. Le fait que la Banque ait en plus et surabondamment violé à une époque antérieure ses obligations envers la société SOCIETE3.) au titre des engagements qu’elle avait pris séparément envers elle en 2014 serait superfétatoire et sans emport au cas d’espèce. Il se prévaudrait d’un préjudice personnel, actuel, direct et certain.

A qualité pour agir celui qui a un intérêt personnel au succès ou au rejet d'une prétention. Toute personne qui prétend qu'une atteinte a été portée à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame a un intérêt personnel à agir en justice et donc qualité pour le faire.

La qualité pour agir constitue ainsi pour le sujet de droit l'aptitude à saisir la justice dans une situation concrète et elle doit aussi être appréciée chez le défendeur (Enc.

Dalloz, Procédure civile et commerciale vo action n° 61).

La qualité n'est donc pas une condition particulière de recevabilité lorsque l'action est exercée par celui-là même qui se prétend titulaire du droit, l'existence effective du droit invoqué par le demandeur à l'encontre du défendeur n'étant pas une condition de recevabilité de la demande, mais uniquement la condition de son succès au fond, ou, en d'autres termes, de son bien-fondé (Solus et Perrot, Droit Judiciaire Privé, T. 1, n° 221).

En l’occurrence, PERSONNE1.) est cocontractant de la Banque et dit avoir subi un préjudice, la réalité de ses prétentions n’est pas une condition de recevabilité de l’action de l’appelant, mais une exigence du bien-fondé de sa demande. PERSONNE1.) a donc qualité à agir.

L’appel incident de la Banque est à déclarer non fondé.7 ».

Par conséquent, au vu des développements extensifs de l’arrêt entrepris, il y a lieu de constater que loin d’avoir soulevé d’office le moyen du défaut du droit d’agir, les magistrats d’appel n’ont fait que répondre, dans le cadre de leurs développements ayant trait au fond de l’affaire, à un moyen soulevé par l’actuel défenderesse en cassation comme moyen d’irrecevabilité, tant dans le cadre de l’instance d’appel qu’en première instance.

Par ailleurs, tel qu’il ressort encore de la motivation reproduite plus haut, l’actuel demandeur en cassation a extensivement répondu à ce moyen, qui était donc parfaitement dans les débats devant les juges du fond.

77 Voir les pages 6 et 7 de l’arrêt dont pourvoi ; mises en exergue ajoutées par la soussignée.

14 Il en suit que les magistrats d’appel n’ont dès lors pas violé l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile.

La première branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la seconde branche du moyen :

La seconde branche du moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 1147 du Code civil qui détermine les conditions dans lesquelles l’inexécution d’une obligation contractuelle donne lieu à indemnisation et qui dispose que, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Il résulte de la seconde branche du moyen ainsi que de la discussion subséquente, que le demandeur en cassation reproche en substance aux juges du fond de ne pas avoir retenu que le transfert de propriété d’un portefeuille de valeurs mobilières entraîne ipso facto le transfert au cessionnaire, des droits accessoires à ce portefeuille, dont feraient partie le droit de l’action en responsabilité contractuelle aux fins d’obtenir réparation d’un préjudice subi suite à des fautes ou négligences commises dans le cadre de la gestion de ce portefeuille.

A l’appui de son argumentation l’actuel défendeur en cassation fait valoir que le principe selon lequel la transmission d’une chose entraîne celle de ses accessoires, applicable notamment en matière de vente immobilière, serait nécessairement à transposer au cas d’espèce.

Tout d’abord faut-il constater qu’il ne ressort pas des pièces et des actes de procédure auxquels Votre Cour peut avoir égard, que le demandeur en cassation ait invoqué devant les juges du fond, la « théorie de l’accessoire » qu’il développe dans le cadre de la deuxième branche de son moyen.

Ce moyen est partant nouveau. Il est mélangé de fait et de droit, de sorte qu’il est irrecevable.

A cet égard la soussignée entend encore préciser que le demandeur en cassation soutient lui-même, dans la partie de son mémoire réservé à la discussion du moyen qu’il, « n’a pas pu répondre en raison de la méconnaissance par la Cour d’appel du principe de la contradiction développée à la première branche »8, au motif retenu par les magistrats 8 Voir le 2ème paragraphe de la page 8 du mémoire en cassation.

15d’appel selon lequel l’action en responsabilité contractuelle contre le banquier aurait un caractère personnel et ne serait dès lors pas inhérente au portefeuille de valeurs mobilières et, par conséquent, pas automatiquement transmise au cessionnaire du portefeuille lors d’un transfert de propriété.

En d’autres termes, le demandeur en cassation admet-il donc lui-même avoir développé le présent moyen pour la première fois en instance de cassation.

Il est encore à relever qu’on pourrait même considérer que le moyen, pris en sa seconde branche, est, d’une certaine manière, contraire aux conclusions d’appel, et à ce titre, également irrecevable.

En effet, tant l’acte d’appel que les conclusions récapitulatives de l’actuel demandeur en cassation dont les développements ont, en partie, été reproduits dans le cadre de l’arrêt entrepris, retiennent explicitement qu’à titre de défense au moyen tiré du défaut de qualité à agir formulé par l’actuelle défenderesse en cassation, l’actuel demandeur en cassation a répliqué qu’il entendait se prévaloir d’un préjudice personnel trouvant sa source dans le contrat de gestion conclu entre lui-même et l’actuelle défenderesse en cassation. A contrario, n’a-t-il pas entendu formuler à cet endroit, une quelconque revendication quant à une éventuelle succession aux droits de la société SOCIETE3.) lors de la transmission à son profit du portefeuille ayant précédemment appartenu à cette dernière.

L’actuel demandeur en cassation retient ainsi, tant dans le cadre de son acte d’appel que de ses conclusions récapitulatives, que, « La Banque soutient, sans grande conviction, que seule SOCIETE3.) pourrait se prévaloir d’un préjudice, au motif que les Obligations Litigieuses ont été acquises à l’époque pour son compte, et dès lors que Monsieur PERSONNE1.) n’aurait pas qualité pour agir contre elle dans la présente action.

Or, Monsieur PERSONNE1.) reproche à la Banque d’avoir reversé les Obligations Litigieuses dans son portefeuille personnel, à la dissolution de SOCIETE3.), alors qu’elle aurait dû les liquider sur le champ, manquant par là à ses obligations contractuelles envers lui-même, au titre du Contrat de Gestion du 27 octobre 2015 […].

Le fait que la Banque ait en plus et surabondamment violé à une époque antérieure ses obligations envers SOCIETE3.) au titre des engagements qu’elle avait pris séparément envers elle en 2014, est superfétatoire et sans emport au cas d’espèce, mais permettra à la Cour de juger avec quel sérieux, quelle diligence et quel respect de la loi et des contrats qu’elle conclut la Banque gère habituellement les fonds de sa clientèle, quelle qu’elle soit […].

16Monsieur PERSONNE1.) se prévaut en tout cas d’un préjudice personnel, actuel, direct et certain. »9.

Le demandeur en cassation a dès lors lui-même explicitement précisé qu’une éventuelle violation par la défenderesse en cassation de ses obligations envers la société SOCIETE3.), en sa qualité de cédante du portefeuille de valeurs mobilières, « est superfétatoire et sans emport au cas d’espèce ».

Il en suit que le fait d’invoquer à présent que c’est à tort que l’arrêt entrepris n’aurait pas retenu que l’action en responsabilité appartenant au cédant d’un portefeuille de valeurs mobilières est automatiquement transmise au cessionnaire comme accessoire et inhérente au portefeuille en lui-même, est donc contraire à la logique de son raisonnement développé devant les juges du fond.

La seconde branche du moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, peut-on retenir que l’indemnisation recherchée sous le couvert du grief tiré de l’article 1147 du Code civil, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappe dès lors au contrôle de Votre Cour, en sorte que le moyen ne saurait être accueilli.

A titre encore plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé, alors qu’il n’existe, à la connaissance de la soussignée, ni fondement doctrinal ni fondement jurisprudentiel permettant d’appuyer la thèse selon laquelle le cessionnaire d’un portefeuille de valeurs mobilières devrait se voir automatiquement transmettre, lors de la transmission de ce portefeuille, l’action en dommages-intérêts née dans le chef du cédant suite à des fautes ou négligences commises de la part du gestionnaire avant la transmission.

L’argumentation développée à cet égard par le demandeur en cassation dans le cadre de la discussion de la seconde branche de son moyen n’est d’aucune pertinence, dans la mesure où les jurisprudences y citées, notamment en matière de vente immobilière, ne sont aucunement comparables au cas d’espèce.

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

9 Voir la page 9 de l’acte d’appel et la page 12 des conclusions récapitulatives du demandeur en cassation.

17 Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Anita Lecuit 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 43/24
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-03-21;43.24 ?

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