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22/02/2024 | LUXEMBOURG | N°49738C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 22 février 2024, 49738C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49738C ECLI:LU:CADM:2024:49738 Inscrit le 22 novembre 2023 Audience publique du 22 février 2024 Appel formé par Monsieur (A), …., contre un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2023 (n° 47323 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49738C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2023 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à ……

(Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-… …., …, …, dirigé co...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49738C ECLI:LU:CADM:2024:49738 Inscrit le 22 novembre 2023 Audience publique du 22 février 2024 Appel formé par Monsieur (A), …., contre un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2023 (n° 47323 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49738C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2023 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à …… (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-… …., …, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 23 octobre 2023 (n° 47323 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé le recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 mars 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte et ayant déclaré irrecevable la demande tendant à voir « lever l’interdiction de territoire »;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER déposé au greffe de la Cour administrative le 13 décembre 2023 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 30 janvier 2024.

Le 14 avril 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative 1à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du Service de Police Judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Les 22 novembre 2021 et 13 janvier 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 24 mars 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 14 avril 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, votre fiche des motifs rédigée le 14 avril 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 22 novembre 2021 et 13 janvier 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous déclarez être de nationalité camerounaise, d'ethnie « Nkwen », de confession protestante et avoir vécu à …… dès votre naissance jusqu'au mois de mars 2005 et de la fin de l'été 2014 à juin 2020. Vous seriez le père de (B), née le …. à …… et vous précisez que vous auriez couché une seule fois avec sa mère (C) pour satisfaire le souhait de votre mère qui aurait voulu que vous changiez de sexualité à tout prix.

En mars 2005, vous auriez émigré illégalement vers la France où vous auriez introduit la même année une demande de protection internationale qui aurait été refusée comme étant non fondée. Vous précisez que vous auriez introduit votre demande de protection internationale en France au motif que préalablement à votre départ du Cameroun, vous auriez été emprisonné six mois sous prétexte que le gardien du magasin dans lequel vous auriez été …… vous aurait accusé d'avoir volé des marchandises. Nonobstant la décision de refus de protection internationale que vous auriez reçue en 2008-2009 de la part des autorités françaises, vous seriez resté en situation irrégulière sur le territoire français jusqu'à la fin de l'été 2014 en vivant de petits boulots et dans l'espoir d'y « être régularisé avec un contrat de travail » (page 8 de 2votre rapport d'entretien). Fin de l'été 2014, vous seriez « volontairement » (page 8 de votre rapport d'entretien) retourné à …… au Cameroun.

Quant aux événements qui se seraient déroulés dans votre pays d'origine entre la fin de l'été 2014 et juin 2020, date à laquelle vous auriez quitté le Cameroun pour la deuxième fois, vous expliquez qu'en août 2018, votre mère vous aurait « forcée [sic] à me marier » (page 2 de votre rapport d'entretien). Deux mois après votre mariage traditionnel avec Madame (D), elle se serait aperçue que vous seriez « gay » (page 2 de votre rapport d'entretien) en vous voyant avec « des magazines gay » (page 2 de votre rapport d'entretien) et serait partie. Il s'agirait de la dernière fois que vous l'auriez vue. Vous ajoutez à son sujet que le « 14.04.2021 » (page 2 de votre rapport d'entretien), lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, « l'officier de police a constaté qu'elle vivait à ….. Il a vu ca [sic] sur Facebook.

Je ne sais pas ce qu'elle fait à …. » (page 2 de votre rapport d’entretien).

En novembre 2019, le propriétaire de votre appartement serait rentré chez vous alors que vous n'auriez pas fermé la porte et il vous aurait surpris nu au lit avec un autre homme.

Après avoir « crié dans tous [sic] le bâtiment » (page 11 de votre rapport d'entretien), il aurait appelé la police.

Vous auriez ensuite été emmené au commissariat de …… …… et après trois jours de garde à vue, vous auriez été emprisonné dans la prison centrale de …….

Vous seriez resté en prison de novembre 2019 à juin 2020, et vous ajoutez que vous auriez « négocié » (page 12 de votre rapport d'entretien) votre sortie avec un garde de la prison.

Un ami qui serait venu vous rendre visite aurait apporté « …. CFA » (page 12 de votre rapport d'entretien) et aurait payé le gardien qui durant la nuit vous aurait fait sortir de la prison par la porte.

Dès votre sortie de prison, vous auriez fui le Cameroun en vous rendant au Nigéria.

Vous précisez que vous n'auriez pas « pu quitter …… pour aller à …. » (page 14 de votre rapport d'entretien) car vous auriez été recherché. Vous seriez resté au Nigéria jusqu'au 22 mars 2021 d'où vous auriez pris un avion pour la Turquie, muni d'un faux passeport nigérian. De la Turquie, vous auriez continué votre route en bus et à bord d'un camion pour rejoindre le Luxembourg.

Outre ces accusations concernant votre homosexualité, vous ajoutez que « l'Etat me qualifie de terroriste » au motif que vous financeriez « les groupes terroristes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien). Vous expliquez à ce sujet que vous seriez membre de l'organisation « SCNC » (Southern Cameroons National Council) depuis 1990 et qu'il s'agirait « d'une organisation qui lutte pour la cause anglophone au Cameroun » (page 14 de votre rapport d'entretien).

Vous présentez les documents suivant à l'appui de votre demande de protection internationale : (…) 32. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout autre développement, rappelons que d'après les principes directeurs sur la protection internationale de l'UNHCR, « la détermination de la situation de LGBTI d'un demandeur est essentiellement une question de crédibilité ». Or, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit pour les raisons suivantes :

Monsieur, vous déclarez que vous seriez homosexuel et que vous auriez quitté le Cameroun après que vous vous seriez échappé de prison où vous auriez été détenu de …… 2019 à ….. 2020 pour avoir été dénoncé à la police par le propriétaire de votre appartement qui serait rentré chez vous alors que vous auriez oublié de fermer la porte et vous aurait surpris nu au lit avec un homme. Vous prétendez également être dans le collimateur des autorités camerounaises au motif que vous seriez membre de l'organisation Southern Cameroons National Council et vous appuyez vos dires en versant diverses photos vous représentant dans un rassemblement de quelques personnes et où on peut apercevoir le drapeau de l'Ambazonie ainsi que des slogans tels que « Southern Cameroon Ambasonia demands total freedom » [sic].

Or, Monsieur tel que développé ci-après, force est de constater qu'il s'agit là de motifs farfelus que vous avez vraisemblablement inventés de toute pièce pour régulariser votre situation administrative en tentant de vous faire octroyer une protection internationale et que tout porte à croire que vous ne seriez pas retourné au Cameroun tel que vous le prétendez, que vous ne seriez pas homosexuel et que vous vous seriez marié à Madame (D) en France et non pas lors d'un mariage forcé organisé par votre mère à ……, au Cameroun en ……. 2018.

En effet, tel qu'il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, il convient de constater que le commissaire de la police judiciaire en charge de votre dossier a trouvé un profil facebook au nom de « (F) » (page 2 de votre rapport de police) parmi les « amis » du profil facebook de votre soeur Madame (G) et de ceux du profil facebook de votre beau-frère Monsieur (H), tous deux résidant légalement au Luxembourg. Des captures d'écran annexées au rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, montrent que ce profil facebook affichant des photos de vous, indique que son propriétaire résiderait à ….. en France, qu'il aurait visité le Luxembourg le 19 février 2019, qu'il y aurait travaillé et qu'il se serait marié le …….. 2020.

Confronté à cette découverte, vous avez confirmé que les photos présentes sur le profil facebook « (F) » correspondraient bien à vos photos, par contre vous avez nié qu'il se serait agi de votre propre compte facebook en déclarant que « quelqu'un a dû faire un faux compte » (page 2 du rapport de police judiciaire). Or, Monsieur cette déclaration est manifestement mensongère alors qu'il est impensable qu'autant de photos de vous aient été rassemblées au sein d'un faux profil et que comme l'a soulevé le commissaire en charge de votre dossier, le compte facebook « (F) », dont vous niez qu'il vous appartiendrait « est tenu régulièrement à jour » (page 3 du rapport de police judiciaire). De plus, force est de constater que depuis la découverte de ce compte facebook, il a, comme par hasard, été supprimé.

Malgré votre tentative de cacher la vérité, il ressort des captures d'écran du profil facebook « (F) » annexées au rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, qu'une 4photo mise en ligne le 6 janvier 2019, au sujet de laquelle vous affirmez que « […] j'ai bien l'impression que c'est moi sur la photo » (page 2 du rapport de police judiciaire) et « [j]e vous confirme que l'arrière-plan ne ressemble pas au Cameroun » (page 2 du rapport de police judiciaire), vous met en scène sur un parking en présence simultanée de certains éléments visibles comme des sacs poubelles bleus, une boite aux lettres jaune ainsi qu'un panneau signalétique d'arrêt de bus, qui permettent de raisonnablement affirmer que cette photo a été prise au Luxembourg. Votre explication selon laquelle « [à] mon avis, quelqu'un à fait un Photoshop avec mon visage » [sic] (page 2 du rapport de police judiciaire) n'est nullement convaincante alors qu'il n'existe aucune raison de penser que quelqu'un se serait simplement amusé à vous mettre en scène au Luxembourg en février 2019 alors que vous prétendez que durant cette période vous vous seriez trouvé au Cameroun.

Soulevons ensuite qu'il ressort encore des captures d'écran de ce profil facebook que vous vous seriez marié le …….. 2020. Le jour même, la photo de couverture de ce compte facebook a été mise à jour, sur laquelle vous êtes identifiable et accompagné comme vous le confirmez de Madame (D), « la femme avec laquelle je suis marié […] » et dont vous prétendez que le mariage aurait été célébré « [….] au Cameroun » (page 12 de votre rapport d'entretien), ainsi que de sa fille « (J) » (page 13 de votre rapport d'entretien) au sujet de laquelle vous précisez qu'elle ne serait pas votre fille biologique.

Soulevons également que cette même photo de couple correspondait tel qu'il ressort des captures d'écran faites en date du 14 avril 2021 et annexées au rapport de police, à la photo de profil du compte facebook de Madame (D). Partant, vos déclarations selon lesquelles Madame (D), avec qui votre mère vous aurait « forcée [sic] » (page 2 de votre rapport d'entretien) à vous marier en août 2018 à ……, qui se serait « barrée » (page 2 de votre rapport d'entretien) deux mois après votre mariage au motif qu'elle aurait découvert votre homosexualité et que « ça ne lui a pas plu » (page 2 de votre rapport d'entretien) sont elles aussi manifestement fausses. En effet, malgré vos efforts pour effacer les traces de votre couple sur les réseaux sociaux et même si Madame (D) a aujourd'hui effacé les photos où vous apparaissiez ensemble, il convient de soulever qu'il est impensable que Madame (D) ait encore affiché comme photo de profil votre photo de couple en avril 2021, soit plus de deux ans après votre soi-disant séparation. Soulevons également qu'il ressort clairement des photos publiées sur le profil facebook de Madame (D), qu'elle serait en France au moins depuis mars 2018, ce qui prouve que vous ne l'avez pas épousé au Cameroun en août 2018. Enfin, soulevons encore à ce sujet que des recherches ont permis de trouver le compte facebook de votre soeur, Madame « (K) » (page 4 de votre rapport d'entretien) qui résiderait aux « Etats-Unis » (page 4 de votre rapport d'entretien) et qu'à l'instar du compte facebook « (F) » et de celui de Madame (D), affiche toujours une photo de votre couple publiée en décembre 2020, sur laquelle vous et Madame (D) portez exactement les mêmes vêtements que sur la photo de couple susmentionnée, de sorte qu'il est permis de penser qu'elles auraient toutes été prises en même temps lors de votre mariage en 2020.

Monsieur, le constat suivant lequel votre récit n'est manifestement pas crédible est renforcé par le fait que le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale au Luxembourg, le 14 avril 2021, un morceau de papier, sur lequel un numéro de téléphone luxembourgeois ainsi qu'une adresse luxembourgeoise étaient écrits, a été retrouvé dans vos affaires. Le commissaire en charge de votre dossier a appelé ledit numéro de téléphone.

Monsieur (H), votre beau-frère, ayant décroché l'appel a confirmé que vous, Monsieur (A), auriez bien résidé à ….. en France et a précisé à votre sujet « qu'il était en Europe depuis plusieurs années » (page 3 du rapport de police judiciaire). Votre beau-frère a également 5ajouté qu'il était « présent à [votre] mariage en … ou …. 2020 à la mairie [de] ….. » (page 3 du rapport de police judiciaire). Force est de constater que cette déclaration ne laisse plus aucun doute quant à votre mariage en 2020 en France.

Partant, il est évident que vous mentez au sujet de la date, du lieu et des raisons de votre mariage avec Madame (D) et par extension au sujet de votre orientation sexuelle. Or, il s'agit d'un élément central de votre demande de protection internationale et il convient de constater que vos mensonges à ce sujet, tels que développés ci-dessus, sont de nature à remettre formellement l'entièreté de votre récit en cause. Les documents que vous avez versés à l'appui de votre demande de protection internationale ne font que renforcer ce constat.

En effet, Monsieur, vous avez versé deux mandats d'amener et sept avis de recherche à votre encontre. Or, Monsieur, force est de constater que telles qu'énumérées ci-après, le nombre incalculable d'irrégularités qui ont été constatées sur les copies des documents que vous avez versées, ne laissent planer aucun doute sur le fait qu'il s'agit de documents de complaisance, forgés de tout pièce pour étayer vos mensonges, auxquels aucune valeur probante ne peut être accordée.

Quant à la copie du « MANDAT D'AMENER » No : 694033, pour des faits de « HOMOSEXUALITY & ESCAPE FROM CUSTODY » émis par le « PARQUET DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE …… » à …… le …. 2020, il convient de relever les irrégularités suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON » ;

- entête en français: Absence de la traduction de « HIGH COURT OF MEZAM DIVISION AND COURT OF FIRST INSTANCE …… » ;

- tampon du magistrat indiquant « MAGISTRAR » ;

- bien que la lettre « é » est utilisée dans certains mots comme « République », elle est absente d’autres mots tels que « ne(e), domicilie(e), le/la(s) nomme(e)(s) « ;

- « police officers and agents » a été traduit par « officier au agent » ;

- le tampon, même si difficilement lisible, dit « NOTH WEST REGION » ;

Quant à la copie d'un « AVIS de RECHEARCH » REF.N°……. pour « homosexualité », émis par le « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-…… » à …… le 15 septembre 2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français : « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL DE LA SURTE NATIONAL DU NORD-OUEST » et COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-

…… » ;

- titre en anglais : « WANTEDWANTED !! WANTED !!! » - titre en français : « AVIS DE RECHEARCH » ;

- « The accused is a subject of an ongoing proceeding […] » ;

- « Il y a lieu de recherché activement sur toute l'étendue du territoire, national, le nomme : » et « L'intéresse fait l'objet d'une procédure en cours pour homosexualité dans le territoire camerounaise » 6- La police d'écriture « …… the / Fait à …… le » en bas de page diffère de celle du reste du document.

Quant à la copie d'un « AVIS DE RECHERCHES » REF. N°…….. pour « acte d'homosexualité » émis par le « COMMISSARIATJUDICIAL DE MEZAM-…… » à …… le …….

2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français : « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL_ DE LA SURTE NATIONAL DU NORD-OUEST » et COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-

…… » ;

- titre en français : «AVIS DE RECHERCHES » ;

- « Il y a lieu de recherché activement sur tout_ l'étendue du territoire national, le nomme. » et « L'intéresse fait l'objet d'une […] » et « En cas de découvert_, […] ou il sera garde a vue, […] » ;

- The accused is a subject of an ongoing proceeding […] » et « […] the nearest police or gendarmerie station. Where he will be taken into […] » - tampon « Commisair_de Police Principal ».

Quant à la copie d'un avis de recherche intitulé « WANTED ! WANTED !! WANTED !!! » REF.N°…….. émis par le « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM _…… » à …… le …… 2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL_ DE LA SURTE NATIONAL_ DU NORD-OUEST » et « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-…… » ;

- tampon « Commisair de Police Principal ».

Quant à la copie d'un « MANDAT D'AMENER » No : ……, pour des faits de « SECCESSION, INCITING REBELLION » émis par le « PARQUET DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE …… » à …… le ….. 2021 ;

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON » ;

- entête en français : Absence de la traduction de « HIGH COURT OF MEZAM DIVISION AND COURT OF FIRST INSTANCE …… » ;

- bien que la lettre « é » est utilisée dans certains mots comme « République », elle est absente d'autres mots tels que « ne(e),domicilie(e), le/la(s) nomme(e)(s) » ;

- « Prévenu de « SECCESSION […] » ;

- Tel qu’il ressort du Code Pénal camerounais, l’article 193 n’a rien à voir avec les charges mentionnées de « SECCESION, INCITING REBELLION » ;

- « police officers and agents » a été traduit par « officier au agent » ;

7Monsieur, au-delà de ces irrégularités qui se répètent dans les autres documents que vous avez versés, il convient de constater que les trois avis de recherche datés du …….. 2020, malgré leur contenu différent, portent le même numéro de référence « ……. ». Il en va de même pour les quatre avis de recherche datés du ….. 2021, portant tous le même numéro de référence.

Or, alors qu'il s'agit de documents différents, on devrait pouvoir s'attendre à ce qu'ils portent des numéros différents. Soulevons ensuite qu'il est curieux que vous fassiez l'objet de sept avis de recherches différents et enfin, soulevons que la photo jointe à votre dossier et qui a été utilisée pour vous identifier sur les avis de recherche datés du ….. 2021, n'a clairement pas été prise au Cameroun de sorte qu'il est légitime de se demander comment la police camerounaise se la serait procurée. En effet, il convient de constater qu'il est évident que cette photo a été prise en même temps que celle que vous avez versé durant votre entretien auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes et au sujet de laquelle vous avez déclaré qu'elle a été prise « [à] ….., en 2013 » (page 14 de votre rapport d'entretien). Or, Monsieur, il est incompréhensible que d'un côté les autorités camerounaises seraient en possession d'une photo faite en France en 2013, vous montrant dans un rassemblement pro-ambazonien, seule action concrète de votre part à mettre en relation avec votre prétendu soutien pour l'Ambazonie, et d'un autre côté elles vous auraient délivré un passeport à l'ambassade du Cameroun à ….. en 2014 et une carte d'identité dans un bureau de police au Cameroun en 2016-2017, sans que vous ne rencontriez aucun problème, avant de finalement émettre sept avis de recherche entre autre pour des faits de sécessionnisme, et de terrorisme en 2020 et 2021.

A tout cela s'ajoute que les motifs que vous présentez à la base de votre demande de protection internationale ne sont pas non plus crédibles.

En effet, Monsieur, premièrement, il convient de souligner qu'il est improbable que vous auriez omis de mentionner votre homosexualité et que vous auriez préféré relater des motifs relatifs à un vol de marchandises lors de votre première demande de protection internationale en France en 2005, alors que comme vous tentez de le faire croire, vous auriez pris connaissance de votre homosexualité « [e]ntre 1995 et 2000 » (page 10 de votre rapport d'entretien) et vous auriez déjà rencontré « des problèmes » (page 10 de votre rapport d'entretien) y relatifs avant votre premier départ pour l'Europe.

Deuxièmement, il est également très surprenant que vous auriez décidé de retourner « volontairement » (page 8 de votre rapport d'entretien) au Cameroun, un pays qui pénalise l'homosexualité, alors que vous vous seriez trouvé en Europe depuis 2005 et que vous auriez été conscient de votre orientation sexuelle depuis votre adolescence et des prétendus risques que vous auriez encouru au Cameroun à cet égard.

Troisièmement, il est improbable que vous auriez été forcé par votre mère de vous marier en 2018, soit à l'âge de ….. ans, « pour apaiser les problèmes que j'ai avec mon père à cause de ma sexualité » (page 2 de votre rapport d'entretien). En effet, Monsieur, personne ne vous a obligé de retourner vivre auprès de vos parents. Vous auriez très bien pu vous réinstaller dans une autre ville du Cameroun, loin des problèmes familiaux que vous y auriez rencontrés avant votre premier départ.

Quatrièmement, Monsieur, il est étonnant que vous auriez été surpris au lit avec un homme par votre propriétaire qui serait simplement rentré chez vous alors que vous n'auriez pas fermé votre porte. En effet, Monsieur, alors que vous déclarez vous-même qu'au Cameroun « tout le monde déteste l'homosexualité » (page 10 de votre rapport d'entretien), il est légitime 8de s'attendre d'un homme adulte qui serait réellement homosexuel, qu'il prenne un minimum de précautions pour ne pas se faire surprendre, dans un pays homophobe, nu en compagnie d'un autre homme.

Cinquièmement, il convient de constater qu'il n'est pas crédible qu'il suffirait de payer ….. francs CFA à un gardien pour s'évader de la prison centrale de …….

En effet, Monsieur, alors que l'organisation Human Rights Watch souligne une « recrudescence de mesures policières à l'encontre des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT) au Cameroun, où les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont criminalisées et passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison » et ajoute que « La loi qui criminalise les comportements homosexuels fait courir aux personnes LGBT un risque accru d'être maltraitées, torturées et agressées sans aucune conséquence pour les auteurs de ces actes », si comme vous le prétendez, d'une part vous auriez été emprisonné pour avoir été surpris durant une relation homosexuelle et d'autre part vous auriez été dans le collimateur des autorités camerounaises au motif que vous seriez un « terroriste à cause des problèmes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien), il est improbable qu'un gardien laisse simplement sortir un prisonnier de cette importance.

Notons à ce sujet que lors de votre entretien, vous avez été invité à faire un croquis de la prison centrale de ……. Or, force est de constater que si votre croquis montre bien la forme carrée de l'enceinte de la prison, l'agencement des bâtiments à l'intérieur de la prison ne correspond en rien à la réalité telle qu'observable sur Google Earth. Partant, votre présence en prison est formellement à remettre en doute.

Sixièmement, vous prétendez être également dans le collimateur des autorités camerounaises qui vous reprocheraient de « financer les groupes terroristes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien). Vous versez à l'appui de ces dires une copie d'une « FINANCIAL CONTRIBUTION CARD » qui vous aurait été délivrée pour l'année 2017/2018 après une contribution de ….. francs CFA auprès du Southern Cameroons National Council.

Vous ajoutez que vous seriez membre de l'organisation SCNC depuis sa fondation en 1990 par « (L) » (page 15 de votre rapport d'entretien).

Or, Monsieur, soulevons qu'il impossible que vous auriez été membre de l'organisation politique du Southern Cameroons National Council, SCNC, depuis sa création en 1990. En effet, force est de constater que « [t]he SCNC website indicates that it is a movement founded in Buea in 1993, which is "fighting for freedom, justice and [the] right to self determination"», de sorte qu'en 1990, l'organisation n'existait pas encore. De plus d'après Piet Konings & Francis B. Nyamnjoh, « [s]ince the resignation of the founding fathers (Sam Ekontang Elad, Simon Munzu and Carlson Anyangwe) from its leadership, the SCNC has been plagued by growing factionalisation. At times, the leaders appear to be more concerned with contesting each other's position of power than promoting the Anglophone cause. Currently, there are at least four factions in the SCNC, with each one claiming to be authentic (Owono 2010). The main faction is chaired by Chief Ayamba Ette Otun from the Manyu Division in South West Province, but because of his advancing age and relatively low level of education, the real holder of power in this faction is its North Western vice-president, (L) ». Votre affirmation selon laquelle « (L) » (page 15 de votre rapport d'entretien) serait le fondateur du SCNC est donc manifestement erronée. Au vu de votre manque évident de connaissances au sujet du SCNC, votre appartenance à cette organisation est formellement à remettre en cause.

9Au vu de tout ce qui précède, votre récit n'est manifestement pas crédible, de sorte qu'aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 24 mars 2022 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, et enfin à voir « lever l’interdiction de territoire ».

Par un jugement du 23 octobre 2023, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation, en rejoignant en substance la conclusion du ministre ayant remis en question la crédibilité du récit de Monsieur (A), le débouta de son recours dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et le condamna aux frais et dépens de l’instance, tout en déclarant irrecevable sa demande tendant à lever une interdiction du territoire qui serait contenue dans l’écrit du 24 mars 2022.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 23 octobre 2023.

Arguments des parties A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant critique les premiers juges pour avoir retenu que son récit est non crédible et pour ne pas avoir pris en compte les attestations testimoniales produites par lui. Celle de Monsieur (H) confirmerait, d’après l’appelant, (i) que celui-ci aurait mal compris les questions lui posées par téléphone à son sujet, (ii) qu’il n’aurait pas été à un mariage de l’appelant à ….. en France et (iii) qu’il ne pourrait pas confirmer que Monsieur (A) aurait résidé en Europe depuis plusieurs années. Celle de Madame (D) confirmerait qu’il se serait marié au Cameroun et qu’elle l’aurait quitté après avoir découvert son orientation sexuelle.

Pour le surplus, il insiste sur la véracité de son récit en réitérant ses déclarations faites lors de ses entretiens, tout en contestant qu’il se serait marié en France et que le compte Facebook découvert par le ministre serait le sien, et en affirmant que la photo publiée en 2019 aurait pu avoir été prise à une autre époque. Il précise encore qu’il serait rentré chez ses parents puisqu’il aurait été dans une situation précaire. Il insiste, en outre, avoir été membre du Southern Cameroons National Council (SCNC), qui serait qualifié dans son pays d’origine comme organisation terroriste, tout en soulignant que le fait de s’être trompé sur la qualité de fondateur ou de leader du dénommé (L) serait insuffisant pour remettre en question sa crédibilité.

Le délégué du gouvernement sollicite la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal.

10 Analyse de la Cour La Cour relève à titre liminaire que l’appelant n’a présenté aucun moyen par rapport au volet du jugement a quo ayant déclaré irrecevable sa demande de lever une interdiction du territoire, de sorte que la Cour n’a pas à revenir y relativement.

En ce qui concerne ensuite le bien-fondé du refus d’octroi d’une protection internationale, la Cour relève que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

11Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Les premiers juges ont souligné à juste titre que dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit de ce dernier constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

En l’espèce, l’appelant fait état d’une crainte de subir des persécutions, respectivement d’un risque de subir des atteintes graves pour deux motifs, à savoir (i) en raison de son orientation sexuelle, l’appelant affirmant avoir été marié de force au Cameroun, son épouse l’ayant quitté peu de temps après le mariage lorsqu’elle aurait découvert son orientation sexuelle, et avoir été emprisonné en raison de son homosexualité après avoir été surpris au lit avec un homme et (ii) en raison du fait qu’il se serait trouvé dans le collimateur des autorités camerounaises qui le qualifieraient de terroriste en raison de contributions financières qu’il aurait envoyées au SCNC.

L’examen des déclarations faites par l’appelant au cours de ses entretiens, ensemble les explications fournies par lui à l’instance, confrontées aux différents éléments relevés par le ministre pour conclure à un défaut de crédibilité de son récit, amènent la Cour à la conclusion que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont remis en question la crédibilité du récit de l’appelant, à l’instar du ministre.

Les premiers juges ont relevé à bon escient qu’il est certes vrai qu’en l’absence d’éléments de preuve tangibles, le demandeur de protection internationale doit, dans ses déclarations, bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, mais que le bénéfice du doute ne saurait toutefois jouer que si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

12Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où les explications fournies par l’appelant ne sont justement pas cohérentes et ne concordent plus particulièrement pas avec les informations spécifiques découvertes par le ministre à son sujet, voire sont appuyées par des pièces qui à leur tour ne sont pas cohérentes, voire ne sont pas de nature à emporter la conviction de la Cour.

Globalement, la Cour se rallie à et fait sienne l’analyse détaillée et pertinente des premiers juges par rapport aux différents éléments mis en avant par la partie étatique pour conclure à un défaut de crédibilité du récit de l’appelant face à une multitude d’incohérences, d’invraisemblances et de contradictions.

A cet égard, la Cour partage plus particulièrement les conclusions tirées par le ministre, confirmées par les premiers juges, des photos et publications figurant sur le profil Facebook au nom de « (F) », découvert par la police judiciaire en avril 2021 parmi la rubrique des amis de la sœur et du beau-frère de l’appelant, en l’occurrence (i) des photos de couple représentant ce dernier et Madame (D) qui, selon ses déclarations, serait la femme à laquelle il aurait été mariée de force au Cameroun, dont une photo publiée le …….. 2020, date correspondant à celle du mariage renseigné sur le profil Facebook, étant relevé que l’appelant ne conteste pas que ces photos le représentent, (ii) l’information qu’il réside à ….. en France, a visité le Luxembourg le 19 février 2019 et a été marié le …….. 2020. Le profil montre encore une photo de l’appelant devant un décor ne pouvant pas être au Cameroun, publiée le 6 janvier 2019.

La Cour relève encore que le contenu de ce profil Facebook est concordant avec celui de sa sœur vivant au Luxembourg, avec celui de sa sœur vivant aux Etats-Unis, avec les informations fournies par Monsieur (H), le beau-frère de l’appelant, à la Police Judiciaire tel que cela se dégage du rapport afférent du 14 avril 2021 et avec les photos publiées sur le profil Facebook de Madame (D).

Ces publications sont manifestement en contradiction avec le récit de l’appelant, qui déclare avoir été au Cameroun de 2014 à juin 2020, y avoir été marié de force en août 2018 et y avoir été en prison de novembre 2019 à juin 2020 en raison son homosexualité.

La Cour partage ainsi les conclusions des premiers juges tirées d’une analyse de ces publications sur Facebook, ensemble les déclarations de Monsieur (H) telles qu’elles résultent du rapport de police judiciaire précité du 14 avril 2021, à savoir que l’appelant ne s’est pas trouvé au Cameroun à l’époque durant laquelle il affirme avoir subi un mariage forcé et avoir été emprisonné en raison de son homosexualité.

A l’instar des premiers juges, la Cour est amenée à retenir que c’est en vain que l’appelant tente de rétablir sa crédibilité en contestant qu’il s’agit de son propre profil Facebook en faisant état d’une usurpation de nom et en produisant des attestations testimoniales de son épouse (D) et de son beau-frère Monsieur (H).

La Cour retient, en effet, que face aux cohérences entre les publications sur le profil Facebook faites par l’épouse de l’appelant, son beau-frère et ses sœurs, d’une part, et celles figurant sur le profil Facebook « (F) », d’autre part, l’appelant ne contestant d’ailleurs pas que les photos y retrouvées le représentent, et face au fait que ce profil a été tenu à jour régulièrement et que par exemple la photo de mariage de décembre 2020 a reçu de multiples commentaires, tel que cela se dégage du rapport de la police judiciaire du 14 avril 2021, la thèse d’un faux profil confectionné par un inconnu n’emporte guère la conviction de la Cour. A cet 13égard, la Cour relève encore le constat du commissaire ayant rédigé le rapport du 14 avril 2021 selon lequel « A noter que ce dernier déclare qu’il s’agirait apparemment d’un faux compte alors que celui-ci est tenu régulièrement à jour et que le profil a pu être retrouvé dans la liste d’amis de la sœur du demandeur et de l’époux de celle-ci ». La thèse de l’appelant d’une usurpation de son nom est par ailleurs peu convaincante dans la mesure où il est pour le moins perturbant que ce profil, sur lequel l’appelant déclare n’avoir aucune mainmise, a été supprimé depuis l’entretien documenté dans le rapport de service de police judiciaire du 14 avril 2021.

De même, si son beau-frère affirme avoir, lors de l’entretien téléphonique avec un agent de la police judiciaire, confondu l’appelant – (A) - avec un ami s’appelant (M), cette explication n’est guère convaincante au regard du contenu du rapport de la police judiciaire du 14 avril 2021, selon lequel Monsieur (H) « a confirmé au soussigné que (A) résidait bien à ….. et qu’il était en Europe depuis plusieurs années. Il a même expliqué avoir été présent à son mariage en novembre ou décembre 2020 à la mairie ….. », les déclarations faites par Monsieur (H) à la police judiciaire étant, par ailleurs, concordantes avec les publications précitées sur les profils respectifs de la famille, faisant état d’un mariage de l’appelant ayant eu lieu à ….. en ….. 2020.

Quant à l’attestation de l’épouse de l’appelant, elle se trouve, tout comme les déclarations de son beau-frère, en contradiction avec les photos publiées par les personnes précitées sur leurs profils Facebook respectifs. En tout état de cause, les déclarations de Madame (D) dans son attestation sont en contradiction flagrante avec les publications sur son propre compte Facebook, puisqu’au moment de la consultation de celui-ci par la police judiciaire le 14 avril 2021, sa photo de profil était une photo de couple avec l’appelant, correspondant à celle publiée à la date du mariage sur le compte de l’appelant, ce qui n’est guère concordant avec la thèse selon laquelle elle l’aurait abandonné deux mois après leur mariage au Cameroun en 2018.

C’est dès lors pour de justes motifs que le tribunal n’a pas porté crédit aux attestations testimoniales produites en cause.

En tout état de cause, le fait que l’appelant n’a à aucun moment mentionné son homosexualité ou des risques qu’il courrait de manière générale de ce fait lors de sa première demande de protection internationale déposée en France est de nature à susciter des questions quant à la sincérité de son récit actuellement présenté.

Il suit de l’ensemble de considérations qui précèdent que c’est à juste titre que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir conclu à un défaut de crédibilité du récit de l’appelant relatif au risque qu’il court en raison de son homosexualité dans la mesure où ce récit repose sur un prétendu mariage forcé au Cameroun en 2018 suivi d’un séjour en prison après la découverte de son homosexualité, alors que l’ensemble des éléments découverts par le ministre dans le cadre de l’instruction de son dossier se trouve en contradiction flagrante avec cette thèse, ces éléments plaidant en faveur d’un mariage ayant eu lieu en France et menant au constat que l’appelant ne se trouvait même pas au Cameroun au moment de son prétendu mariage forcé et de son prétendu emprisonnement.

En ce qui concerne le second motif de persécution, la Cour rejoint les doutes émis par le ministre, confirmés par les premiers juges, au sujet des pièces produites par l’appelant qui documenteraient la réalité et le sérieux de ses craintes à l’égard des autorités camerounaises, qui le considéreraient comme un terroriste puisqu’il aurait soutenu financièrement le SCNC, à savoir deux mandats d’amener et sept avis de recherche.

14 La Cour partage entièrement et fait sienne l’analyse minutieuse faite par les premiers juges de ces différents documents quant au crédit à accorder à ces pièces.

La Cour rejoint encore le constat des premiers juges que l’appelant est resté particulièrement vague dans ses explications concernant ses prétendues activités politiques ou de support du SCNC. Ce constat combiné au manque flagrant de connaissances au sujet de cette organisation à laquelle il prétend avoir appartenu, mène à la conclusion que c’est à juste titre que le ministre a également remis en question, et que les premiers juges l’ont confirmé, les craintes émises par l’appelant au sujet d’un prétendu activisme politique.

Les premiers juges ont encore à bon escient retenu que les photos versées en cause par l’appelant afin d’étayer le second motif à la base de sa demande de protection internationale, le représentant lors de manifestations qui ont manifestement été prises en Europe, sont insuffisantes pour prouver son appartenance au SCNC et son affirmation qu’il serait de ce fait rentré dans le collimateur des autorités camerounaises qui le qualifieraient de terroriste.

Enfin, les premiers juges ont à juste titre retenu qu’aucun crédit n’est à accorder à la copie du « Financial Contribution Card » produite par l’appelant et elle se rallie entièrement à l’analyse afférente des premiers juges.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est également pour de justes motifs que les premiers juges ont confirmé le constat du ministre d’un défaut de crédibilité du récit de l’appelant en ce qu’il repose sur l’affirmation qui se trouverait dans le collimateur des autorités camerounaises en raison d’un activisme politique en relation avec le SCNC.

Le récit de l’appelant étant jugé comme non crédible, il devient surabondant d’examiner ses contestions quant aux conditions d’octroi d’une protection internationale, le constat d’un manque de crédibilité étant à lui seul suffisant pour confirmer le refus d’octroi d’une protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’appelant, de sorte que l’appel encourt le rejet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, l’ordre de quitter le territoire n’est pas critiquable et le jugement est encore à confirmer sur ce point.

En ce qui concerne le moyen fondé sur une violation des articles 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes de l’appelant en cas de retour au Cameroun, son récit étant non crédible et partant ses craintes n’étant pas vérifiées, et à défaut d’autres éléments, la Cour n’entrevoit pas de risque pour l’appelant de subir, en cas de retour au Cameroun, des actes contraires à ces dispositions.

15Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 23 octobre 2023 est à confirmer et que l'appelant est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 22 novembre 2023 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 23 octobre 2023, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ……..

s. …….

s. SPIELMANN 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49738C
Date de la décision : 22/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-02-22;49738c ?

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