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13/02/2024 | LUXEMBOURG | N°49865C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 février 2024, 49865C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49865C ECLI:LU:CADM:2024:49865 Inscrit le 27 décembre 2023

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Audience publique du 13 février 2024 Appel formé par la société anonyme … S.A., en liquidation volontaire, …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 décembre 2023 (n° 49542 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseign

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49865C ECLI:LU:CADM:2024:49865 Inscrit le 27 décembre 2023

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Audience publique du 13 février 2024 Appel formé par la société anonyme … S.A., en liquidation volontaire, …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 décembre 2023 (n° 49542 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49865C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d'Eau, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B 211.933, représentée aux fins des présentes par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., en liquidation volontaire, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son liquidateur en fonctions, à savoir la société à responsabilité limitée KPMG TAX AND ADVISORY, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 39, avenue John F. Kennedy, dont le représentant permanent pour les besoins de la liquidation est Monsieur Ziauddin Ahmad HOSSEN, demeurant professionnellement à L-1855 Luxembourg, 39, avenue John F. Kennedy, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 8 décembre 2023 (n° 49542 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant à l'annulation de la décision d'injonction du directeur de l'administration des Contributions directes du 11 septembre 2023, portant la référence …, lui enjoignant de fournir des renseignements dans le cadre d'une demande d'échange de renseignements en matière fiscale suivant l'article 3, paragraphe (3), de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l'échange de renseignements sur demande en matière fiscale ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 janvier 2024 par Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER pour compte de l’Etat ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 8 février 2024.

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Par décision du 11 septembre 2023, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur », enjoignit à la société anonyme … S.A., ci-après la « société … », de lui fournir, pour le 16 octobre 2023 au plus tard, certains renseignements concernant Monsieur …, ladite injonction étant libellée comme suit :

« (…) En date du 1er septembre 2023, l'autorité compétente de l'administration fiscale suédoise nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013.

L'autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et a exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable.

La finalité fiscale de la demande est une vérification de la situation fiscale de Monsieur …, né le … en Suède et ayant une adresse à …, Suède.

Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2022, les renseignements et documents suivants pour le 16 octobre 2023 au plus tard.

Pour des raisons de meilleure lisibilité, nous avons repris le questionnaire anglais de la demande d'information des autorités suédoises pour les points suivants :

- Please provide the bank statements of the account/portfolio number … during the requested period.

o Potential other return on the assets (e.g. interest or dividend).

- Please provide copies of all relevant documents mentioned above.

Je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l'article 2 (2) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.

Je vous prie de bien vouloir nous envoyer les renseignements et documents par le biais du système d'envoi de fichiers par OTX (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2023, la société … fit introduire un recours tendant à l’annulation de ladite décision du 11 septembre 2023 prise par le directeur.

Dans son jugement du 8 décembre 2023, le tribunal administratif reçut le recours en annulation en la forme, au fond, le déclara le recours non justifié et en débouta la société …, rejeta sa demande en paiement d’une indemnité de procédure et la condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2023, la société … a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 8 décembre 2023.

Moyens des parties A l’appui de son appel, l’appelante conteste le constat du tribunal suivant lequel la décision litigieuse fournirait non pas les coordonnées du compte bancaire de la société d’assurance auprès d’elle, en l’occurrence le n° …, mais les références du dossier de l’assurance-vie du contribuable visé auprès d’elle. En renvoyant à l’extrait de la demande d’échange suédoise tel que figurant dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement en première instance, l’appelante souligne que le compte client n° … correspondrait à celui que la personne visée détiendrait auprès d’elle et que les autorités suédoises connaîtraient d’ores et déjà les informations relatives aux transactions et aux soldes de ce compte du contribuable visé, de sorte que ce ne serait pas ce compte qui ferait l’objet de la décision d’injonction attaquée.

En ce qui concerne le compte client n° …, l’appelante se prévaut encore des extraits de la demande suédoise cités par le délégué du gouvernement pour relever l’affirmation des autorités suédoises suivant laquelle ce compte serait « connected » à la société …, anciennement dénommée …, ci-après la « société … ». Elle ajoute que les autorités suédoises préciseraient encore dans leur demande qu’elles auraient des informations selon lesquelles le contribuable visé aurait souscrit à un contrat d’assurance-vie auprès de la société ….

L’appelante réitère dès lors son moyen déjà invoqué en première instance suivant lequel ce lien tout au plus indirect entre le contribuable concerné et le compte client visé par les autorités suédoises ne suffirait pas pour justifier que les informations sur ce compte puissent être considérées comme vraisemblablement pertinentes pour le contrôle de la personne visée en Suède. Cette absence de pertinence vraisemblable se déduirait notamment du fait qu’aucun élément en cause ne rendrait possible que le contribuable visé ait un droit direct sur les revenus tirés des actifs détenus à travers le compte client visé, le seul élément mis en avant étant en effet que le contribuable visé serait apparemment un client du détenteur dudit compte.

L’appelante ajoute que d’après les informations à sa disposition, le détenteur juridique et économique du compte client visé serait la société …, établie sur l’Île de Man, et que ce compte aurait été ouvert initialement auprès de la succursale zurichoise de l’appelante sous le n° … en décembre 2016 et transféré, dans le cadre de la fermeture de cette succursale, à l’appelante au Luxembourg le 20 juin 2017 pour prendre le n° …. Elle précise encore que selon ses informations, le détenteur et le bénéficiaire effectif dudit compte client serait la société … et le compte contiendrait des actifs qui serviraient de réserves dans le cadre des activités d’assurances par la société …. L’appelante indique qu’à son égard, la société … serait la seule personne qui pourrait faire valoir des droits et obligations en relation avec le compte client en cause qui, par ailleurs, aurait été fermé en novembre 2018.

Sur base de ces éléments, l’appelante conclut qu’aucun élément en cause ne justifierait un quelconque lien entre le contribuable visé et le compte client visé, de sorte que les autorités suédoises tenteraient une pêche aux renseignements qui ne saurait valablement fonder la décision d’injonction attaquée, laquelle devrait en conséquence encourir l’annulation.

Le délégué du gouvernement conclut par contre en substance à la confirmation du jugement entrepris et soutient que le tribunal aurait constaté la pertinence vraisemblable des renseignements demandés.

Analyse de la Cour La Cour rejoint le constat du tribunal que la demande d’échange de renseignements des autorités suédoises ayant donné lieu à la décision d’injonction litigieuse est appuyée sur la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/99/CEE, ci-après la « directive 2011/16 », transposée en droit interne par la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après la « loi du 29 mars 2013 », tandis que la décision d’injonction du 25 juin 2021, quant à elle, est fondée sur la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, ci-après la « loi du 25 novembre 2014 ».

Dans la mesure où la convention préventive des doubles impositions conclue entre la Suède et le Luxembourg n’a pas été invoquée comme base légale et où dans les relations entre Etats membres de l’Union européenne, la directive 2011/16 prime les conventions préventives des doubles impositions conclues par deux d’entre eux, c’est sous l’empire de la directive précitée que l’appel sous examen doit être analysé.

Quant à la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités, il échet de relever que l’article 6 de la loi du 29 mars 2013 dispose comme suit : « [à] la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise luxembourgeoise lui communique les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne de l’Etat membre requérant relative aux taxes et impôts visés à l’article 1er, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives ».

La loi du 16 mai 2023 relative à l’échange automatique et obligatoire des informations déclarées par les Opérateurs de Plateforme, ci-après la « loi du 16 mai 2023 », a cependant ajouté à la loi 29 mars 2013 un article 6bis libellé comme suit dans ses paragraphes (1) et (2) :

« (1) Aux fins d’une demande visée aux articles 5 et 6, les informations demandées sont vraisemblablement pertinentes lorsque, au moment où la demande est formulée, l’autorité requérante estime que, conformément à son droit national, il existe une possibilité raisonnable que les informations demandées soient pertinentes pour les affaires fiscales d’un ou plusieurs contribuables, identifiés par leur nom ou autrement, et justifiées aux fins de l’enquête.

(2) Dans le but de démontrer la pertinence vraisemblable des informations demandées, l’autorité requérante fournit au moins les informations suivantes à l’autorité requise :

a) la finalité fiscale des informations demandées ; et b) la spécification des informations nécessaires à l’administration ou à l’application de son droit national ».

Cette disposition, introduite par ladite loi du 16 mai 2023 et entrée en vigueur le 1er juin 2023, constitue la transposition de l’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après la « directive 2021/514 », ayant notamment introduit l’échange automatique et obligatoire des informations détenues et déclarées par les Opérateurs de Plateforme, désignée communément comme la « directive DAC7 », ledit article 1er, point 2) ayant inséré dans la directive 2011/16 un article 5bis présentant exactement le même libellé dans ses paragraphes 1. et 2. que celui de l’article 6bis, paragraphes (1) et (2), de la loi du 29 mars 2013.

Au vœu du considérant n° (3) de la directive 2021/514, cette disposition a été introduite dans la finalité suivante : « Afin d’assurer l’efficacité des échanges d’informations et de prévenir les refus injustifiés de demandes, tout en garantissant la sécurité juridique à la fois pour les administrations fiscales et les contribuables, il y a lieu de définir précisément et de codifier la norme de pertinence vraisemblable convenue au niveau international ».

Dans la mesure où la légalité de la décision d’injonction déférée doit être examinée, conformément aux développements ci-avant, sous l’empire de la directive 2011/16 et où ladite décision a été prise par le directeur le 11 septembre 2023, soit après l’entrée en vigueur de l’article 6bis de la loi du 29 mars 2013, la question du respect de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements requis dans la décision d’injonction attaquée doit être examinée par rapport à cette nouvelle définition de ladite condition.

Le libellé de l’article 6bis, paragraphe (1), de la loi du 29 mars 2013 pourrait a priori être lu en ce sens que la pertinence vraisemblable de renseignements dépendrait de la seule appréciation de l’autorité requérante et de sa seule affirmation de l’existence d’une possibilité raisonnable de l’existence de la pertinence de ces renseignements.

La Cour tient cependant à rappeler que conformément aux enseignements de la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », découlant de ses arrêts du 16 mai 2017 (CJUE (grande chambre), 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15) et du 6 octobre 2020 (CJUE (grande chambre), 6 octobre 2020, État luxembourgeois c/ B (C-245/19), et État luxembourgeois c/ B, C, D, F. C. en présence de A (C-246/19)), ce critère de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités doit être qualifié de condition de validité d’une demande d’échange de renseignements et de la décision d’injonction émise à sa suite. La CJUE a en effet également jugé que le détenteur de renseignements destinataire d’une décision d’injonction doit, dans l’exercice utile de son droit découlant de la protection contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans sa sphère privée, se voir reconnaître, conformément à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit d’invoquer devant un juge l’absence de conformité d’une demande d’informations à l’article 5 de la directive 2011/16 et l’illégalité de la décision d’injonction qui en résulte. En outre, tout en reconnaissant que l’autorité requérante détient une marge d’appréciation pour évaluer la pertinence vraisemblable des informations demandées à l’autorité requise, si bien que l’étendue du contrôle de cette dernière en serait d’autant limitée, la CJUE a néanmoins exigé que l’autorité compétente de l’Etat requis et, à sa suite, le juge saisi d’un recours dans l’Etat requis devraient vérifier que la décision d’injonction se fonde sur une demande suffisamment motivée de l’autorité requérante portant sur des informations qui n’apparaîtraient pas, de manière manifeste, être dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, au contribuable concerné ainsi qu’au tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie.

La Cour déduit de cette nouvelle définition du critère de la pertinence vraisemblable et des exigences découlant du respect des droits fondamentaux qu’elle doit vérifier si le descriptif de la finalité fiscale poursuivie, tel que fourni par l’autorité requérante d’un autre Etat membre, est suffisant pour justifier que son appréciation quant à l’existence d’une possibilité raisonnable de pertinence des renseignements sollicités et spécifiés dans la demande par rapport à l’objet fiscal de l’enquête en cours à l’égard d’un ou de plusieurs contribuables identifiés ne soit pas manifestement infondée. Une décision d’injonction est dès lors à qualifier de « pêche aux renseignements » si elle est fondée sur une demande d’échange de renseignements dont le descriptif de la finalité fiscale poursuivie ne permet manifestement pas de justifier l’appréciation de l’autorité requérante quant à l’existence d’une possibilité raisonnable de pertinence des renseignements concrètement sollicités par rapport à l’objet de l’enquête et à l’identité du ou des contribuables visés.

En l’espèce, les premiers juges ont judicieusement constaté que la décision d’injonction du 11 septembre 2023 comporte les informations concernant l’identité du contribuable visé, à savoir un résident suédois nommément désigné, et la finalité fiscale des renseignements demandés, à savoir la vérification de la situation fiscale de ce dernier, le délégué du gouvernement ayant encore précisé dans le mémoire en réponse en première instance que l’objectif de la demande d’échange de renseignements litigieuse était de déterminer les revenus perçus par ledit contribuable en relation avec un contrat d’assurance-

vie conclu avec une société d’assurances ayant un compte auprès de l’appelante. A cet égard, la décision d’injonction répond partant aux exigences légales.

Les premiers juges ont encore considéré à juste titre que les contestations de l’actuelle appelante portent plus particulièrement sur le lien des renseignements demandés, en l’occurrence des extraits bancaires d’un compte bancaire détenu par la société d’assurance, avec le contribuable visé. Ils ont cependant confondu, de manière retraçable, les numéros de comptes ou de police d’assurance en cause et ainsi retenu par erreur que la décision litigieuse fournit non pas les coordonnées du compte bancaire de la société d’assurances auprès de l’appelante, en l’occurrence le numéro …, mais bien les références du dossier de l’assurance-vie du contribuable visé auprès de l’appelante, soit le numéro ….

En effet, sur base encore des éléments de précision complémentaires des autorités suédoises sollicités par le directeur suite à l’introduction de l’appel sous examen et versés en cause par le délégué du gouvernement avec son mémoire en réponse en appel, les comptes et portefeuilles pertinents en l’espèce sont les suivants :

- Le compte numéro … correspond à un compte bancaire ouvert au nom du contribuable visé auprès de la société …, lequel ne fait cependant l’objet de la demande d’échange du 1er septembre 2023 dans la mesure où les autorités suédoises exposent dans leur demande que tout en étant probablement lié à la souscription du produit d’assurance-vie en cause, ce compte aurait un caractère transitoire et ne permettrait pas de retracer les revenus du produit d’assurance-vie ;

- Le numéro … correspond à l’identification de la police d’assurance-vie « … » souscrite par le contribuable visé auprès de la société … et du portefeuille d’investissements correspondant à cette police ;

- Le compte numéro … correspond au compte bancaire ouvert auprès de la société … au nom de la société … et qui fait l’objet de la demande d’échange suédoise en ce que l’appelante se voit enjointe de « provide the bank statements of the account/portfolio number … during the requested period ». Il est certes vrai que dans la demande d’échange du 1er septembre 2023, les autorités suédoises renseignaient le contribuable visé comme titulaire de ce compte, mais elles ont ajouté, sur demande de l’autorité luxembourgeoise, le 7 septembre 2023 que ce compte est celui du portefeuille lié à la police d’assurance numéro ….

C’est partant de manière valable que l’appelante se prévaut du fait que le compte numéro … n’a pas comme titulaire le contribuable visé par la demande d’échange, mais la société d’assurances … qui a figuré comme titulaire et bénéficiaire de ce compte dès son ouverture auprès de la succursale suisse de la société … en décembre 2016, telles que ces déclarations se dégagent du document d’ouverture de compte soumis en cause. A première vue, la question pourrait ainsi être soulevée dans quelle mesure des renseignements concernant un compte ouvert au nom d’une société d’assurances pourraient être vraisemblablement pertinents pour l’imposition personnelle d’un de ses clients.

En revanche, le délégué du gouvernement argue à juste titre que ce compte numéro … constitue en réalité un compte principal (« master account ») au nom de la société … qui est lié spécifiquement au portefeuille géré par la partie appelante en relation avec le contrat d'assurance-vie numéro … de la société … auquel le contribuable concerné a souscrit.

Cette conclusion s’impose en effet à partir de la demande d’ouverture de compte soumise par l’appelante qui renseignait déjà comme titulaire du compte « … » et des documents complémentairement fournis par les autorités suédoises dans le cadre de leur prise de position complémentaire du 12 janvier 2024.

Il s’ajoute que les autorités suédoises ont précisé dans leur demande d’échange que le contribuable visé serait imposable en Suède, pour y être un résident, sur ses revenus mondiaux, tels que notamment des gains en capitaux, dividendes ou intérêts qu’ils serait considéré comme ayant réalisés dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie. Il n’aurait cependant fourni qu’une partie des documents sollicités auprès de lui et affirmé qu’il ne pourrait pas soumettre d’autres informations. Les autorités fiscales suédoises se prévalent ainsi légitimement de ce qu’elles auraient épuisé toutes les sources habituelles de renseignements pouvant être utilisées dans les circonstances pour obtenir les renseignements requis.

Il faut en déduire que les documents bancaires du compte numéro … sont de nature à permettre la détermination des gains en capital, dividendes et intérêts réalisés par le contribuable concerné dans le cadre du contrat d'assurance-vie numéro … et susceptibles d’être imposables en Suède. Le fait que la société … et non pas le contribuable visé est le titulaire de ce compte n’affecte pas cette conclusion dans la mesure où les opérations sur ce compte ne concernent pas la gestion propre de la société … et ses relations avec d’autres clients, mais sont limitées aux opérations liées à la gestion du portefeuille d’investissements du contrat d'assurance-vie numéro ….

Il existe ainsi une possibilité raisonnable que les renseignements recherchés se révèleront pertinents pour la vérification fiscale menée par les autorités fiscales suédoises, de sorte que la demande d’échange suédoise répond à l’exigence du caractère vraisemblablement des renseignements demandés par rapport à l’identité du contribuable visé et l’objet de l’enquête en cours en Suède. La décision d'injonction litigieuse se fonde partant sur une demande suffisamment motivée de l'autorité compétente suédoise.

C'est partant à juste titre que les premiers juges ont constaté la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités et rejeté le moyen afférent de l’appelante.

Il y a partant lieu de confirmer le jugement entrepris, quoique pour des motifs partiellement différents, et de rejeter l’appel sous examen comme n’étant pas fondé.

L’appelante sollicite la condamnation de l'Etat, par réformation du jugement entrepris, au paiement d'une indemnité de procédure à hauteur de 2.000 euros pour la première instance et l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros pour l’instance d’appel.

Le délégué du gouvernement conteste cette demande tant en son principe qu’en son quantum en soutenant que les conditions pour l’octroi d’une telle indemnité ne seraient pas remplies.

Cette double demande est effectivement à rejeter, étant donné qu’au vu de l’issue du litige, il n’appert pas des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de l’appelante les frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 27 décembre 2023 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute la société anonyme … S.A., partant, confirme le jugement entrepris du 8 décembre 2023, rejette la double demande de la société anonyme … S.A. en allocation d'une indemnité de procédure de 2.000 euros pour la première instance d’une indemnité de procédure de 1.000 euros pour l’instance d’appel, condamne la société anonyme … S.A. aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 13 février 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier de la Cour Patrick WIES.

s. WIES s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 février 2024 Le greffier de la Cour administrative 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49865C
Date de la décision : 13/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-02-13;49865c ?

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