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08/02/2024 | LUXEMBOURG | N°49650C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 février 2024, 49650C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49650C ECLI:LU:CADM:2024:49650 Inscrit le 3 novembre 2023 Audience publique du 8 février 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 octobre 2023 (n° 46923 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49650C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant ê

tre né le … à … (Tadjikistan) et être de nationalité tadjike, demeurant...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49650C ECLI:LU:CADM:2024:49650 Inscrit le 3 novembre 2023 Audience publique du 8 février 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 octobre 2023 (n° 46923 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49650C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Tadjikistan) et être de nationalité tadjike, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 10 octobre 2023 (n° 46923 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé le recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 décembre 2021 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Yasmine GUEBASI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 janvier 2024.

Le 16 janvier 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 12 février, 24 septembre et 13 octobre 2020, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 23 décembre 2021, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 27 décembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée en retenant un défaut de crédibilité de ses déclarations.

Ladite décision est rédigée comme suit : « (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 16 janvier 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 16 janvier 2020, ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 12 février, 24 septembre et 13 octobre 2020, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Vous signalez être de nationalité tadjike, de l’ethnie des « (ZZ) », de confession musulmane, célibataire et originaire de (a), capitale de la province autonome du Haut-

Badakhchan (GBAO), où vous auriez vécu avec votre mère et votre soeur et travaillé en tant qu’avocat. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d’être recherché ou condamné par les autorités tadjikes pour avoir offert votre assistance légale à des personnes en conflit avec l’Etat.

Premièrement, vous expliquez faire partie de l’ethnie des (ZZ) qui serait installée dans l’oblast autonome du Haut-Badakchan. Pendant les années 1990, les (ZZ) auraient participé à la guerre civile au Tadjikistan en rejoignant un des côtés belligérants, mais ils auraient connu la défaite. Ainsi, depuis votre jeunesse, vous auriez vécu dans la peur, étant donné qu’on vous aurait toujours dit que le régime pourrait de nouveau envoyer des troupes sur votre territoire.

En 2008, des troupes militaires seraient effectivement revenues à (a), mais après une manifestation populaire, la plupart de ces troupes aurait de nouveau quitté la ville. Le 24 juillet 2012, le régime aurait lancé une campagne militaire d’envergure en faisant de nouveau entrer des troupes à (a). Cette offensive aurait duré une douzaine d’heures et 21 civils seraient morts.

Par la suite, des militaires se seraient encore rendus coupables de plusieurs attaques « terroristes » et deux jeunes hommes auraient été tués en tentant de quitter la ville en voiture.

En août 2012, votre voisin, (C-C), un homme important et estimé de (a) aurait été tué dans une explosion dans sa maison. Suite à ces incidents, le régime aurait décidé de transférer des fonctionnaires et des policiers vers (a). En 2014, des employés du Ministère de l’Intérieur 2auraient tué un citoyen sur ordre d’un général qui serait actuellement chef de police. Des « tensions » se seraient alors créées dans la ville qui auraient duré un mois durant lequel cinq autres personnes auraient trouvé la mort et plusieurs auraient été blessées. En réaction, des jeunes se seraient rassemblés dans les rues et auraient brûlé l’immeuble du Ministère de l’Intérieur, celui du parquet et le Tribunal. Vous précisez qu’une commission, composée de civils et de policiers, aurait été créée dans le but d’enquêter sur la mort des jeunes dans leur voiture.

Après que les coupables auraient été identifiés, deux autres jeunes auraient été retrouvés morts dans leur voiture à la frontière avec l’Afghanistan; les autorités auraient conclu à un meurtre suivi d’un suicide, mais lors du lavage des corps, il aurait été découvert que les deux personnes auraient été rouées de coups.

Deuxièmement, vous vous trouveriez dans le collimateur des autorités tadjikes à cause de votre travail d’avocat que vous auriez exercé entre 2017 et 2019. Vous auriez fait des études en « Jurageschichte » à l’université de (a) et auriez ensuite travaillé comme juriste dans l’association des juristes de Pamir, puis, de 2016 à 2017, comme assistant juridique et à partir de 2017, comme avocat, en précisant avoir accepté des affaires que d’autres avocats auraient refusé de plaider. Vous précisez d’abord qu’en tant qu’étudiant en droit, vous auriez déjà à l’époque été « impliqué » dans toutes les mesures et événements en lien avec l’affaire des deux jeunes hommes morts à la frontière afghane. Il en aurait été de même de votre professeur (B), à l’époque le dirigeant du parti socio-démocrate du GBAO, qui bénéficierait aujourd’hui d’une protection internationale en Europe. A cause de ces événements, vous vous seriez déjà à l’époque trouvé dans le collimateur des autorités.

En 2017, le premier dossier qu’on vous aurait confié en tant qu’avocat aurait été celui de (D-C), le fils de votre voisin mort dans une explosion. Il se serait agi d’un ami et vous auriez voulu l’aider dans l’affaire du meurtre de son père qui n’aurait toujours pas été élucidé. Selon vous, il se serait agi d’un meurtre prémédité alors que les autorités tadjikes auraient été au courant de l’importance de cet homme et de son savoir. Convié à donner de précisions quant à cet important savoir, vous répondez que « Zu dem Zeitpunkt war ich noch sehr klein. Alles war er wusste nahm er mit ins Grab » (p. 8 du rapport d’entretien). Votre but aurait été de démasquer les meurtriers de cet homme et d’obtenir justice. Vous auriez en outre voulu démontrer comment le peuple de Pamir souffrirait et à quel point il serait injustement traité. Vous auriez d’abord tenté de retrouver les hommes qui se seraient trouvés dans la voiture ayant déposé la grenade chez votre voisin, respectivement, identifier la voiture utilisée ce jour-là. Vous auriez par ailleurs tenté de comprendre qui aurait pu être au courant de la localisation exacte de cet homme à l’intérieur de sa maison. Lorsque vous auriez posé des questions de ce genre au Ministre de l’Intérieur, on aurait brusquement rejeté vos demandes et fait comprendre que vous devriez ne pas remuer le passé. Fin 2017 ou début 2018, les agents du Ministère vous auraient en outre menacé d’avoir des « sérieux problèmes » si jamais vous ne laissiez pas tomber cette affaire.

Dans ce contexte, vous précisez que vous auriez connu des collègues de travail qui se seraient fait emprisonner et que vous auriez par conséquent estimé que vous risqueriez pareil sort. De façon générale, de septembre 2018, jusqu’à votre départ, vous auriez discuté une fois par mois avec des agents du Ministre de l’Intérieur concernant vos dossiers; des fois, vous vous seriez déplacé de votre gré chez eux et de fois on vous aurait convoqué.

En septembre 2018, le Président du Tadjikistan se serait déplacé à (a), aurait manifesté sa colère quant aux troubles dans cette région et aurait nommé un nouveau chef de police pour (a), qui serait réputé pour sa brutalité et son non-respect de la loi ; il s’agirait de la même personne qui aurait ordonné l’assassinat de civils en 2014. Le Président aurait encore signalé accorder un délai d’un mois, jusqu’au 16 octobre 2018, pour que le calme revienne dans la ville, 3avant d’avoir recours à l’armée. Les autorités auraient en outre estimé que ce délai d’un mois serait suffisant pour arriver à arrêter toutes les personnes qui seraient recherchées par mandat.

Vous précisez qu’à cause de ces événements, beaucoup d’habitants de votre région auraient alors quitté le Tadjikistan et se seraient installés en Russie dans l’espoir d’y trouver du travail.

Or, beaucoup auraient été forcés de retourner au Tadjikistan où ils auraient alors été arrêtés, accusés de délits commis lors des événements de 2012 ou de 2014, torturés et forcés à travailler comme informateur pour les autorités. Ces dernières auraient besoin de leur collaboration pour être au courant de ce qui se passerait réellement à (b), alors qu’elles seraient persuadées qu’il y existerait des groupements terroristes qui voudraient déstabiliser la région. Beaucoup de vos amis auraient d’ailleurs été arrêtés sur base de fausses accusations, dont le neveu de votre voisin, le dénommé (E-C), arrêté le 6 octobre 2018 et accusé de résistance au pouvoir et d’avoir eu sur lui deux couteaux et une grenade. Vous auriez accepté de défendre cet homme en justice en ayant voulant [sic] prouver qu’il se serait agi de deux couteaux de cuisine et de souvenirs banaux, qu’il n’aurait jamais possédé de grenade et que la police aurait toujours recours aux mêmes témoins pour appuyer sa version des faits. Votre mandant aurait été reconnu coupable et vous auriez subi une grande pression de la part des organes législatifs pour avoir accepté de le défendre. Néanmoins, l’élément le plus important vous ayant finalement fait prendre la décision de quitter le Tadjikistan aurait été le fait que vous auriez représenté légalement (D-C), dans l’affaire de son père assassiné par les « forces juridiques » (p. 6 du rapport d’entretien).

Vous auriez subi beaucoup de pressions de la part des autorités et subi plusieurs interrogatoires au cours desquels on vous aurait reproché de soutenir des groupes terroristes alors que les personnes arrêtées entre 2012 et 2014 auraient été perçues comme des éléments terroristes par l’Etat et que vous risqueriez pareil sort. De plus, on vous aurait menacé d’incarcération ou d’agressions physiques si vous continuiez à défendre lesdites personnes. En vous promenant dans la rue, vous auriez en outre déjà été intimidé par des gens que vous supposez être des policiers.

Le 17 juillet 2019, un ami proche, dont vous auriez toutefois oublié le nom, travaillant pour le service de sécurité de l’Etat, vous aurait prévenu qu’il aurait entendu qu’une procédure pénale serait ouverte contre vous, accusation que vous supposez être motivée par votre défense de personnes perçues comme des criminels par le régime. Vous seriez alors encore resté deux ou trois jours à (a) avant de vendre votre voiture et de rejoindre des connaissances en route pour la Russie. Vous n’auriez pas voulu rester en Russie parce que la sécurité des citoyens tadjiks n’y serait pas garantie et en plus, pour ce qui est du respect des Droits de l’Homme, la situation n’y serait pas vraiment meilleure qu’au Tadjikistan. Ainsi, bien qu’il y aurait eu un moratoire sur la peine de mort en 2002, les autorités tadjikes continueraient à avoir recours à des exécutions extrajudiciaires et les droits fondamentaux seraient bafoués au Tadjikistan lors de chaque arrestation. Le 29 septembre 2019, vous avez quitté la Russie à bord d’un avion. Il s’avère que suite à votre demande du 26 août 2019, vous avez bénéficié d’un visa de court séjour émis par l’ambassade luxembourgeoise à Moscou le 29 août 2019, valable du 29 septembre 2019 au 19 octobre 2019. Ce visa vous a été octroyé en tant que membre de l’équipe nationale de judo du Tadjikistan, invité par la Fédération Luxembourgeoise des Arts Martiaux à participer au « EJU Training camp - Luxembourg » du 30 septembre 2019 au 2 octobre 2019. Je note encore que vous-même en date du 5 octobre 2019, ainsi que quatre de vos co-équipiers, les dénommés (F), (G), (H) et (I), qui se sont également vus octroyer un visa dans ce même contexte, ont introduit des demandes de protection internationale en Allemagne, pays où vous étiez supposés faire escale, avant et après votre participation au camp d’entraînement au Luxembourg. Le 25 octobre 2019, les autorités allemandes ont envoyé une demande de prise en charge sur base du règlement Dublin III aux autorités luxembourgeoises. Le 15 janvier 2020, vous avez été transféré au Luxembourg.

4 Concernant la délivrance de votre visa, vous prétendez que votre intention aurait dès le départ été d’introduire une demande de protection internationale en Allemagne et que vous n’auriez pas été au courant que vous vous seriez adressé à des autorités luxembourgeoises à Moscou. Vous auriez eu recours à des passeurs rencontrés en Russie qui vous auraient organisé ce visa. Vous prétendez n’avoir aucun lien avec la fédération tadjike de judo.

A l’appui de votre demande, vous versez un passeport tadjik établi le 1er août 2016 et une carte d’identité tadjike établie le 8 mai 2019 à (a).

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Monsieur, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est formellement rejetée sur base de vos déclarations non plausibles et incohérentes, d’informations en mes mains concernant votre pays d’origine, d’informations ressortant de votre dosser administratif, ainsi que du fait que vous n’êtes pas en mesure de corroborer la moindre partie de votre récit avec des preuves quelconques.

Avant tout autre développement, je constate que votre arrivée même sur le sol européen met déjà en doute votre crédibilité, alors que vous avez donc profité d’un visa de l’ambassade luxembourgeoise à Moscou suite à une invitation en tant que membre de l’équipe nationale de judo tadjike pour venir dans l’Union européenne, mais que vous prétendez ensuite auprès des autorités luxembourgeoises n’avoir aucun lien avec ce sport. De plus, je soulève dans ce contexte qu’une personne du nom de (D-C), que vous qualifiez d’ami proche et voisin, est justement originaire du (c) et est connu au Tadjikistan comme judoka.

Quoi qu’il en soit, le constat que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises doit en premier lieu être dressé alors que vous restez donc en total défaut de verser des preuves quelconques à l’appui de vos dires. En effet, bien que vous auriez vécu pendant toute votre vie à (a), que vous y auriez fait des études universitaires, travaillé comme juriste, assistant juridique et comme avocat ou que vous auriez été en contact régulier avec les tribunaux et le Ministère de l’Intérieur, je constate que vous restez en défaut de fournir des preuves quelconques susceptibles de corroborer ne serait-ce qu’une infime partie de votre récit, en commençant par votre lieu de résidence ou votre seul prétendu travail d’avocat. Vous n’êtes d’ailleurs même pas en mesure de prouver votre seule présence sur le sol tadjike au cours de ces dernières années.

Vous confirmez d’ailleurs vous-même qu’au cours de ces dernières années beaucoup de personnes de votre région seraient partis vivre en Russie dans l’espoir d’y trouver du travail et que vous avez justement résidé en Russie avant de vous voir octroyer un visa par les autorités luxembourgeoises. Il n’est dès lors nullement établi que vous ayez effectivement vécu au Tadjikistan jusqu’en été 2019 et manifestement pas non plus que vous y ayez exercé le travail d’avocat. Je soulève dans ce contexte que les informations en mes mains confirment vos explications en rapport avec une émigration sur base économique de Tadjikes principalement vers la Russie et ce depuis des décennies. Votre supposée région d’origine constitue d’ailleurs la région la plus pauvre, économiquement parlant, du Tadjikistan et beaucoup de ses habitants, surtout jeunes et masculins, habitent et travaillent depuis des années, voire des décennies en 5Russie pour soutenir leurs familles à domicile. J’ajoute à toutes fins utiles que beaucoup de ces Tadjiks de la région du Haut-Badakhchan habitant et travaillant en Russie, possèdent également la citoyenneté russe.

Vu ce manque total preuves, je soutiens en tout cas qu’une personne qui, comme vous, aurait vécu pendant toute sa vie, respectivement pendant vingt-cinq ans à (a), y aurait passé ses études et travaillé comme juriste, assistant juridique et avocat, est normalement en mesure de présenter des documents ou ne serait-ce que des photos ou des copies concernant son adresse, sa vie familiale, ses amis et connaissances, ses études passées et diplômes obtenus, des badges ou cartes de travail, des relevés de salaire ou de comptes bancaires, des copies des dossiers que vous auriez plaidés en tant qu’avocat, des preuves quant à vos liens privilégiés avec des membres de la famille (C-D-E), respectivement, le fait qu’(C-C), ce supposé homme important et respecté de (a), aurait été votre voisin direct, des quelconques démarches que vous auriez entreprises pour enquêter sur sa mort, des démarches que vous auriez entreprises au nom de son fils ou pour son fils qui serait votre ami proche, des démarches que vous auriez entreprises pour faire innocenter son neveu ou concernant vos prétendus contacts réguliers avec le Ministère de l’Intérieur et vos prétendues convocations que vous auriez reçues dans ce cadre.

Ce constat vaut d’autant plus que vous auriez été un avocat réputé pour défendre des personnes qui seraient perçues comme terroristes par le régime et pour accepter les dossiers considérés comme trop sensibles et refusés par d’autres avocats.

Or, Monsieur, dans la mesure où votre mère et votre sœur vivraient toujours à (a), tout comme vos amis, vos voisins, vos connaissances professionnelles ou des collègues de travail, ainsi que cet ami travaillant pour le service de sécurité de l’Etat, il ne devrait manifestement pas constituer dans votre chef une impossibilité insurmontable de soumettre aux autorités des pièces probantes sur votre vie privée et professionnelle, voire simplement votre vie au quotidien dans votre pays d’origine. Je conclus en tout cas que depuis votre arrivée en Europe, respectivement au Luxembourg, en septembre 2019, vous êtes resté totalement inactif dans ce contexte, en ne jugeant à aucun moment opportun d’entreprendre des quelconques démarches qui vous permettraient de corroborer la moindre partie de vos dires.

Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à votre demande de protection internationale et ne fait que confirmer les doutes retenus concernant votre crédibilité, alors qu’on doit pouvoir attendre d’une [personne] à la recherche d’une protection internationale qu’elle entreprenne au moins tout ce qui est dans son pouvoir pour se procurer des preuves à ses dires et mette à disposition des autorités desquelles elle demande cette protection des pièces susceptibles de corroborer ses allégations.

Je soulève dans ce contexte que les recherches ministérielles n’ont pas non plus permis de trouver trace de vous, de votre passé ou de votre prétendu engagement au côté d’accusés qui seraient perçus comme terroristes, criminels ou ennemis de l’Etat. Ce dernier constat vaut d’autant plus que les événements importants qui ont eu lieu à (a) au cours de ces dernières années et décennies sont bien documentés, tout comme le sont les conflits opposant le régime à des personnes de (a), perçues comme des criminels et trafiquants de drogues en lien avec l’Afghanistan, respectivement, les affaires juridiques ayant impliqué des résidents de votre province perçus comme terroristes ou soutenant des mouvements islamistes interdits. En effet, les affaires pénales de personnes arrêtées en 2012, dans le cadre des affrontements à (a) contre les forces de l’ordre ont été bien relayées par les médias, tout comme celles d’autres citoyens de votre région, inculpés par les autorités pour leur prétendu soutien à des mouvements terroristes, islamistes, criminels ou de l’opposition politique. Force est de constater que votre 6nom n’apparaît nulle part, alors que des avocats des inculpés sont bien cités. Je rappelle dans ce contexte que vous vous brusquez avec le fait que vous auriez accepté de défendre des dossiers sensibles en lien avec des résidents de (a) que d’autres avocats auraient justement refusé de défendre au vu de leur peur de représailles par le régime. Or, les recherches ministérielles ne permettent nullement de retenir ces propos comme avérés alors que des avocats de (a), respectivement, représentant des personnes accusées de (a), n’auraient justement pas refusé des dossiers sensibles.

A cela s’ajoute que les recherches ministérielles n’ont pas non plus permis de trouver trace d’un quelconque cas que vous auriez plaidé, ni d’une quelconque enquête qui aurait été lancée au Tadjikistan par un avocat ou ledit fils de la victime, sur les circonstances de la mort du dénommé (C-C), un commandant de guerre pendant la guerre civile des années 1990 dont le meurtre a été largement documenté par les médias. Quant au citoyen (E-C) de (a), je constate que ce citoyen existe bien et a été arrêté à (a) en 2018. Je soulève qu’il n’est pas, comme vous le dites, accusé de violences contre des agents de police, mais qu’on lui a reproché de ne pas avoir suivi les ordres des policiers, d’avoir manipulé les vitres de sa voiture et de posséder plusieurs armes. Au vu des armes retrouvées en sa possession, il ne saurait en tout cas pas être retenu, comme vous le prétendez, que (E-C) aurait été arrêté sur base de fausses accusations, respectivement qu’il se serait uniquement agi d’un couteau de cuisine.

J’en déduis que vous auriez surtout superficiellement entendu parler de cet incident, tout comme pour le meurtre du dénommé (C-C), des affrontements de 2012 et des incidents de 2018 ou des problèmes d’un dénommé (B) à travers les médias, et que vous avez décidé de vous en servir pour intégrer des éléments authentiques dans votre récit dans le but de le rendre plus crédible, tout en inventant de toute pièces votre implication personnelle dans ces faits.

Monsieur, le fait que vous n’avez nullement vécu la vie et les problèmes mentionnés au Tadjikistan, respectivement que vous n’avez nullement travaillé comme avocat et traité les affaires mentionnées, est encore confirmé par d’autres incohérences ressortant de votre récit.

Ainsi, il échet de relever que selon mes informations, le régime tadjike dispose d’un contrôle aigu quant à l’accès des candidats à l’exercice du métier d’avocat: « Before 2015 there was a dual system to qualification, either through the Ministry of Justice (MOJ) or by self-

governing Collegia. Since November 2015 there has been a unified Bar Association controlled by the MOJ through the Qualification Commission. All lawyers are now required to renew their licenses with this Commission, and to retake the bar examination every five years. There are many grounds on which a candidate can now be barred from qualifying as a lawyer and the bar exam itself now includes questions on many non-legal subjects, including history and politics.

Rules for lawyers: Under the 2015 Law "on Advocacy" the Qualifying Commission, which administers professional exams and awards licenses, is directly controlled by the Ministry of Justice. There are restrictions on who can now practice as a lawyer and those who can must reapply for admission to the bar and complete a five-yearly "attestation". Many rules that should have been implemented to ensure lawyers’ independence from state control have still not been developed ».

Vous prétendez avoir commencé à travailler comme avocat en 2017, c’est-à-dire, après l’adoption de la loi susmentionnée donnant le contrôle absolu au régime pour ce qui est de la nomination des avocats. Il n’est dans ce contexte manifestement pas crédible que vous ayez dès lors été accepté par le régime en place à exercer le travail d’avocat tout en vous trouvant prétendument dans le collimateur de ces mêmes autorités depuis vos prétendues études 7universitaires pour avoir prétendument été « impliqué » dans toutes les mesures et événements en lien avec l’affaire des deux jeunes hommes morts à la frontière afghane et dont les autorités auraient voulu cacher les véritables causes de leur décès et pour avoir prétendument été en lien avec votre prétendu professeur, le susmentionné Alim SHERZAMONOV. Je note d’ailleurs à ce sujet que « Lawyers told Human Rights Watch and the Norwegian Helsinki Committee that the exam included questions on a broad range of subjects unrelated to law (…). They said they have concerns that the test, administered by the government, is being used to exclude those who take on politically sensitive cases ».

En plus, je constate que vous prétendez tout au long de votre entretien avoir été très proche avec votre voisin et ami, (D-C), fils d’(C-C), lequel vous connaîtriez depuis votre enfance. Vous expliquez par ailleurs que vous auriez accepté à plaider la cause de votre ami dans le cadre de l’assassinat de son père, qui aurait été un homme d’un « savoir important ».

Convié à donner plus d’informations quant à ce savoir important, vous répondez toutefois que vous n’auriez « aucune idée », alors que « Zu dem Zeitpunkt war ich noch sehr klein » (p. 8 du rapport d’entretien). A part le fait que vous auriez été âgé de … ans au moment de sa mort en 2012 et donc manifestement pas « sehr klein », je soulève aussi votre savoir inexistant quant à la personne sur laquelle vous auriez personnellement enquêté, possédé un « dossier » et même interrogé des agents du Ministère de l’Intérieur.

Le constat que vous n’avez nullement grandi porte à porte avec (C-C), ni enquêté sur sa mort ou eu accès à son dossier est encore confirmé par le fait que vous n’êtes pas non plus en mesure de correctement rappeler les incidents qui se sont produits la nuit de son assassinat. En effet, tout au long de votre entretien, vous faites uniquement état d’une grenade qui aurait été lancée dans la maison de la victime et qui aurait occasionné des « Kratzer » chez les autres habitants de sa maison. Or, si plusieurs grenades - et non pas une seule - ont bien été utilisées lors de cette attaque, force est de constater que des inconnus ont ce soir-là aussi tiré sur les habitants à l’intérieur de la maison, dont le frère d’(C-C), avec des fusils d’assaut, occasionnant par-là aussi des « Kratzer » chez les autres habitants. Il est évident que vous auriez été au courant de cette véritable version des faits retenant l’usage de plusieurs grenades et de fusils d’assaut, si vous aviez vraiment été le voisin d’(C-C), l’ami de son fils et surtout un avocat qui aurait enquêté sur cette mort et aidé ledit fils à rendre justice à son père.

J’ajoute à toutes fins utiles que (D-C), votre prétendu ami et voisin que vous auriez aidé à rendre justice à son père, est connu à (a) pour son implication dans des agressions envers d’autres citoyens, avec son « groupe informel » de souteneurs de son père. En septembre 2021, il a d’ailleurs dû être hospitalisé après avoir été blessé dans le cadre d’une fusillade opposant son « groupe informel » de (a) à un autre.

Vous restez par ailleurs en total défaut de préciser comment vous auriez enquêté et qu’est-ce que vous auriez entrepris de concret pour dévoiler les assassins d’(C-C), tout comme vous restez dans le même cadre en défaut de préciser ce que vous auriez entrepris pour démontrer que le peuple de Pamir souffrirait et à quel point il serait injustement traité.

Pareillement, je constate que vous auriez dès le départ de votre engagement au côté de ces dossiers sensibles été menacé par les autorités tadjikes que vous auriez des « sérieux problèmes » si jamais vous ne laissiez pas tomber l’affaire du meurtre d’(C-C). Pourtant, vous auriez pendant les années de votre prétendu exercice de travail d’avocat jamais arrêté de vous occuper de ces dossiers sensibles, de sorte que je me demande ce que les autorités tadjikes 8auraient attendu pour enfin s’en prendre à vous, une personne qui aurait été dans leur collimateur depuis ses études universitaires.

Ce constat vaut d’autant plus au vu des constats qui précèdent, concernant le sort réservé à des véritables avocats activistes qui ont par le passé été prêts à défendre des personnes issues de l’opposition, le fait que vous auriez même discuté une fois par mois avec des agents du Ministère de l’Intérieur, que vous y auriez été régulièrement convoqué tout en continuant à embêter les autorités avec vos questions sur la mort d’(C-C) et qu’il ressort des informations que les autorités tadjikes ont recours à des arrestations arbitraires.

Vous n’auriez donc manifestement pas pris au sérieux vous-même les prétendues menaces qui auraient été proférées par des agents du Ministère de l’Intérieur tout en vous servant de ces menaces pour fonder une demande en obtention d’une protection internationale au Luxembourg. Je rappelle que vous expliquez dans ce même contexte que beaucoup de vos amis auraient justement été arrêtés sur base de fausses accusations par les autorités tadjikes, de sorte que je me demande évidemment pourquoi elles vous auraient laissé faire.

De toute façon, je soulève que vos allégations en rapport avec une prétendue affaire pénale qui serait ouverte contre vous doivent également être réfutées. En effet, il n’est tout simplement pas crédible qu’un ami proche qui travaillerait pour le service de sécurité de l’Etat, vous ait mis au courant de cette nouvelle, mais que vous n’êtes pas en mesure de citer son nom en prétendant l’avoir oublié. A part le fait que, comme susmentionné, vous ne versez de toute façon pas non plus une quelconque preuve pour ces allégations non convaincantes, j’ajoute encore que vous n’êtes pas non plus officiellement recherché par les autorités tadjikes.

Je note ensuite que vos explications en rapport avec les événements qui auraient eu lieu en 2012 ne sauraient pas non plus être retenues comme étant une description authentique. Selon vous, en juillet 2012, le régime aurait décidé de lancer une campagne militaire d’envergure contre (a), une offensive qui aurait duré une douzaine d’heures et au cours de laquelle 21 civils seraient morts. Ensuite, des militaires se seraient encore rendus coupables de plusieurs attaques « terroristes » et auraient tué deux jeunes hommes dans leur voiture. Selon votre version des faits, les autorités tadjikes auraient donc décidé d’attaquer la ville de (a) et de tuer des civils.

Je constate toutefois que les violences de 2012 ont commencé avec l’assassinat d’un agent haut gradé de la sécurité intérieure dans la région de (a) par des inconnus suspectés d’être liés au trafic illégal entre l’Afghanistan et le Tadjikistan. Par la suite, les autorités tadjikes ont émis quatre mandats d’arrêt contre des anciens commandants de guerre de la guerre civile et prétendus trafiquants de drogue. En tentant de mettre la main sur ces quatre personnes, les supporters de ces derniers ont alors pris les armes et déclenché les violences dans la ville: « On July 21, 2012, General Abdullo Nazarov was killed in the city of Khorog, in the Gorno-

Badakhshan autonomous district located in eastern Tajikistan. Nazarov was the Rahmon government’s National Security Committee commander in Gorno-Badakhsan. Nazarov’s alleged killer is Tolib Ayombekov, a Badakshan militant who fought with the United Tajik Opposition during the civil war. Curiously, Ayombekov was also General Nazarov’s second in command, one of several government positions Ayombekov had held as part of the opposition-

government power sharing arrangement stipulated by the 1997 peace accords. In an effort to capture Ayombekov and his alleged co-conspirators, the central government dispersed three thousand troops to Khorog. As was the case in the Rasht volley conflict, so too here local militants engaged the Tajik government troops. Seventeen government soldiers and thirty militants died in the fighting. Ayombekov negotiated a truce with the central government in 9August and was placed under house arrest. Two months later Ayombekov was travelling Khorog freely in his white Mercedes sedan, accompanied by a dozen bodyguards. The Tajik National Security Committee was quick to suggest a link between the Khorog violence and international Islamist militants, noting that it was investigating the Khorog militants’ connections with the Taliban and the IMU. During a September visit to the city, President Rahmon reemphasized this link to foreign militants, pledging the Tajik government "will wage unrelenting war on terror, extremism, and the illegal turnover of drugs and arms." Khorog’s militants, Rahmon explained, "were pursuing far-reaching goals they were offered tens of millions of dollars from abroad." In contrast to the terror and extremism fines the Tajik government has offered, others have suggested that Khorog, like Rasht, was a local warlord’s response to the Rahmon government’s attempt to extend centralized authority into regions where such authority has flot existed. Radio Free Europe/Radio Liberty journalist Farhod Milod has written that Ayombekov controlled a lucrative gemstone, narcotics and tobacco trade. Khorog, fewer than two miles from the Afghan border, served as a port of entry for goods travelling north and west to Dushanbe and, from there, ultimately to Russia and Europe. Ayombekov appears to have shared the wealth from this lucrative business. Khorog is remarkable for its proliferation of "four-wheel drives and McMansions." ».

A toutes fins utiles, il convient encore de signaler que les activités criminelles, voire, terroristes, sur lesquelles se fondent les autorités tadjikes pour entreprendre des incursions militaires au … ne sont pas des mythes créés par le régime, mais constituent une réalité sur place. Il est dans ce contexte évidemment logique et compréhensible que les autorités tadjikes entreprennent des actions dans le but de combattre ces phénomènes.

Monsieur, au vu de tout ce qui précède, la crédibilité de votre récit est formellement rejetée et il est conclu que vous faites état d’un récit inventé de toutes pièces dans lequel vous jouez le rôle d’avocat qui se trouverait dans le collimateur des autorités et dans lequel vous intégrez des événements et des incidents concrets qui ont réellement existé et dont vous avez entendu parler comme la majorité des Tadjikes, dans le but évident de rendre vos dires plus crédibles et ainsi augmenter les probabilités de vous voir octroyer une protection internationale.

Au vu de tout ce qui précède et du manque de crédibilité retenu, aucune protection internationale ne vous est accordée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 23 décembre 2021 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 10 octobre 2023, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation, en rejoignant en substance la conclusion du ministre ayant remis en question la crédibilité du récit de Monsieur (A), le débouta de son recours dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et le condamna aux frais et dépens de l’instance, tout en rejetant les demandes de voir entendre un témoin et de voir communiquer le dossier administratif.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 10 octobre 2023.

10Arguments des parties A l’appui de sa requête d’appel et quant aux faits, l’appelant expose être de nationalité tadjike, de confession religieuse musulmane et être originaire du massif montagneux du Pamir, situé dans la province autonome du (c) au Tadjikistan. Il affirme (i) être un activiste politique qui lutterait contre les violations des droits humains, (ii) avoir été l’ami d'enfance d’un dénommé (D-C), dont le père aurait été assassiné, assassinat qu’il aurait tenté d’élucider en tant qu’avocat, (iii) avoir exercé la profession d'avocat et avoir fait l'objet d'interrogatoires auprès du ministère de l'Intérieur tadjike du 15 septembre 2018 jusqu'à son départ de son pays d’origine sur les dossiers traités par lui, respectivement d’avoir été menacé, (iv) s’être chargé de la défense du neveu de (C-C), un dénommé (E-C), qui aurait été arrêté sous de faux prétextes et (v) faire l’objet de poursuites pénales dans son pays d’origine.

En droit, il estime en substance, au regard du vécu exposé par lui, remplir les conditions d’octroi d’une protection internationale, au motif qu’il craindrait d'être persécuté en raison de ses opinions politiques, respectivement en raison de son appartenance à un groupe social.

Son engagement politique serait confirmé par son ami et ancien professeur, Monsieur (B), tandis que sa formation de juriste serait confirmée par le diplôme produit parmi les pièces.

Il ajoute qu’il aurait aussi participé à plusieurs manifestations en Allemagne, dont l'une serait corroborée par une photographie, ce qui démontrerait son engagement politique dans le but d’obtenir la paix dans sa province en luttant contre le régime en place.

Il critique ensuite les premiers juges pour avoir confirmé le constat du ministre que son récit manquait de crédibilité.

Il explique son impossibilité de se faire transmettre un quelconque document au sujet de son activité professionnelle par le contrôle qui serait exercé par l’Etat tadjike sur le réseau internet, respectivement par l’impossibilité pour sa mère et sa sœur de lui transmettre des documents par voie postale, faute d'en disposer.

Par ailleurs, le peu d'amis l’ayant entouré ne se risqueraient pas à rechercher et à lui transmettre des documents en raison des représailles qu'ils risqueraient d'encourir.

Il explique son impossibilité de prouver son inscription au barreau par les règles régissant la profession d'avocat qu’il qualifie d’aléatoires, en soulignant que les avocats seraient privés d'indépendance et seraient contrôlés par l’Etat, par référence à un article intitulé « Layers For Lawyers ».

L’appelant critique encore les premiers juges pour avoir relevé que ses activités politiques, à savoir le fait d’avoir participé à des manifestations et d’avoir été assesseur dans un bureau de vote, ne seraient pas les raisons pour lesquelles il avait quitté son pays d'origine. A cet égard, il fait valoir que depuis sa naissance et jusqu'à son départ du Tadjikistan, il aurait été confronté à des violations régulières des droits humains, qui seraient particulièrement nombreuses dans sa région d'origine.

Il aurait durant toute sa jeune vie été confronté à ces injustices venant directement du gouvernement, de sorte que ses convictions politiques se seraient forgées et seraient à l'origine directe de sa formation universitaire, respectivement de sa profession d'avocat et de son 11opposition au gouvernement, qui serait gangréné par la corruption et dénué de toute forme de démocratie.

Bien qu’il n’ait pas disposé d’informations précises pouvant nuire au gouvernement, le ministère de l'Intérieur l'aurait néanmoins eu sous sa surveillance. Il aurait d’ailleurs aussi été menacé par des policiers en civil.

Lors d'un interrogatoire en 2019, il aurait même été menacé d'être poursuivi pour être membre d'un groupe terroriste.

Dans ce contexte et face aux renseignements fournis par son ami travaillant pour les services de sécurité de l'Etat, selon lesquels il risquerait d'être poursuivi pénalement sous de fausses accusations, il aurait préféré s'enfuir quelques jours plus tard.

Il maintient que l'exercice de la profession d'avocat serait très risqué au Tadjikistan, où les droits humains ne seraient pas respectés, tout en se référant à un article intitulé « Tadjikistan : L'avocat défenseur des droits de l’homme BUZURGMEHR YOROV EMPRISONNÉ ».

L'appelant invoque également de multiples violations des droits de l'Homme dans la région du Pamir, en se référant à un article d'Amnesty International sur le Tadjikistan de 2022, dont il cite des extraits. Ce rapport résumerait les conditions dans lesquelles vivraient les ressortissants tadjiks, respectivement les habitants de la région de Pamir, qui seraient privés du droit à la vie et du droit à la sécurité, des droits économiques, sociaux et culturels, de la liberté d'expression et seraient victimes de tortures et de mauvais traitements.

L’attitude violente et répressive du gouvernement contre les opposants se serait encore lourdement aggravée depuis le mois de juillet 2022.

L’appelant cite dans ce contexte des extraits d’un rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et conclut que l’ensemble des publications citées par lui démontreraient que les personnes issues de la région de Pamir seraient discriminées, la situation des droits de l'Homme s'étant détériorée et les opposants étant victimes de violences et d'arrestations arbitraires par le gouvernement en place.

Pour le surplus, l’appelant prend position quant aux conditions d’octroi d’une protection internationale.

Le délégué du gouvernement sollicite la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal.

Analyse de la Cour La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

12 Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

13 Les premiers juges ont souligné à juste titre que dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais qu’elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit de ce dernier constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

En l’espèce, l’appelant fait état d’une crainte de subir des persécutions, respectivement d’un risque de subir des atteintes graves en raison de ses activités en tant qu’avocat, au motif qu’il aurait été amené à s’occuper de dossiers sensibles, en se référant à un mandat qu’il aurait accepté pour élucider les circonstances du décès du dénommé (C-C), qui aurait été son voisin et dont le fils aurait été un ami, et au cas du neveu de son voisin, le dénommé (E-C), qui serait aussi un ami, tout en expliquant son engagement par des événements ayant eu lieu en 2012 et 2014. En raison de ces dossiers, il se serait trouvé dans le collimateur des autorités de son pays d’origine et aurait ainsi fait l’objet d’interrogatoires réguliers et de menaces. De manière générale, il se qualifie d’activiste politique et déclare craindre de ce fait des représailles en cas de retour dans son pays d’origine.

L’examen des déclarations faites par l’appelant au cours de ses entretiens, ensemble les explications fournies par lui à l’instance, placées devant le contexte des informations générales disponibles sur son pays d’origine, amènent la Cour à la conclusion que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont remis en question la crédibilité du récit de l’appelant, à l’instar du ministre.

Force est de constater que le ministre a mis en doute la crédibilité du récit de l’appelant en remettant en question qu’il aurait vécu au Tadjikistan jusqu’en été 2019 et qu’il y aurait exercé la profession d’avocat et ce à défaut par l’appelant d’avoir fourni une quelconque pièce justificative à cet égard que ce soit au sujet de sa vie courante dans ce pays, de son inscription en tant qu’avocat ou encore au sujet des dossiers conduits par lui, et à défaut par les services du ministre d’avoir trouvé trace d’un cas qu’il aurait défendu, ce d’autant plus que l’appelant déclare avoir traité des cas sensibles et a priori médiatisés. Le ministre en a déduit que l’appelant aurait superficiellement entendu parler de certains incidents médiatisés, en l’occurrence du meurtre du dénommé (C-C), des affrontements de 2012 et des incidents de 2018 ou encore des problèmes d’un dénommé (B), et qu’il s’en serait servi pour intégrer des éléments authentiques dans son récit pour le rendre plus crédible, tout en inventant son implication personnelle dans ces faits.

A cet égard, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse des premiers juges quant à un défaut de preuve au sujet de l’exercice de la profession d’avocat, tout en constatant que ces conclusions ne sont pas ébranlées par les explications et pièces fournies par l’appelant à l’appui de son appel.

Il convient d’ajouter qu’il est certes vrai qu’en l’absence d’éléments de preuve tangibles, le demandeur de protection internationale doit, dans ses déclarations, bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015. Le bénéfice du doute ne saurait toutefois jouer que si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec 14l’information générale et spécifique disponible. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où les explications fournies par l’appelant ne sont justement pas cohérentes et ne concordent pas avec l’information générale disponible.

Il est, en effet, peu cohérent et peu plausible qu’un avocat qui déclare avoir été impliqué dans des dossiers politiquement sensibles à tel point que d’autres confrères n’auraient pas voulu les défendre et qui aurait fait preuve d’un engagement politique tel qu’il aurait fait l’objet d’interrogatoires réguliers et de menaces par le ministre de l’Intérieur et qui aurait défendu des causes en relation avec des cas médiatisés, se trouve dans l’impossibilité absolue de fournir une quelconque pièce ou une quelconque publication établissant son vécu, que ce soit de sa vie de tous les jours, que ce soit en relation avec les liens privilégiés qu’il aurait eus avec son voisin, homme connu, que ce soit au sujet de ses activités en tant qu’avocat, voire l’inscription en tant qu’avocat dans son pays d’origine et ce d’autant plus que sa famille vit toujours dans son pays d’origine. Ce défaut de preuves est d’autant plus surprenant que le ministre a pu trouver des informations à travers les sources d’informations disponibles au sujet de la mort du dénommé (C-C) et du cas du dénommé (B), sans trouver une quelconque trace de l’appelant que ce soit en tant qu’avocat actif pour la défense des droits de l’homme, de défenseur dans le cadre de dossiers politiquement sensibles, ou en relation avec un procès qu’il aurait défendu, alors que pourtant les recherches du ministre ont permis de découvrir des références à d’autres avocats critiques au régime.

Tel que cela a été relevé à juste titre par le ministre, il devrait être possible pour l’appelant de présenter des documents concernant son adresse, sa vie familiale, ses amis et connaissances, ses études passées et diplômes obtenus, des badges ou cartes de travail, des relevés de salaire ou de comptes bancaires, des copies des dossiers traités par lui en tant qu’avocat ou encore des preuves quant à ses liens privilégiés avec des membres de la famille (C-D-E), ce d’autant plus qu’il se décrit comme un avocat réputé pour avoir défendu des personnes perçues comme terroristes par le régime et pour avoir accepté les dossiers considérés comme trop sensibles et refusés par d’autres avocats.

Dans ce contexte, la Cour relève que le diplôme produit par l’appelant et attestant qu’il avait obtenu le « baccalauréat en tant que Professeur d’histoire et de droit dans la spécialité histoire et droit », n’est pas de nature à ébranler les doutes du ministre, confirmés par les premiers juges, quant à la réalité de l’exercice de la profession d’avocat. Au-delà du fait qu’il n’est pas clair si la formation en histoire du droit est une formation universitaire pertinente dans son pays d’origine pour accéder à l’exercice de la profession d’avocat, ce diplôme à lui seul n’établit pas que l’appelant a effectivement eu accès à la profession d’avocat et l’a exercée durant plusieurs années dans les conditions et avec l’engagement qu’il prétend.

Les affirmations de l’appelant que sa mère et sœur ne disposeraient pas de pièces et qu’il ne pourrait, par ailleurs, pas trouver trace de documents justifiant de l’exercice de la profession d’avocat au motif que le réseau internet serait contrôlé par l’Etat sont peu convaincantes à ce sujet. S’il fait état de manière générale de conditions difficiles de l’exercice de la profession d’avocat dans son pays d’origine, en s’appuyant sur des publications à cet égard, la Cour relève que ces considérations ne permettent toutefois pas d’expliquer son défaut total d’établir que lui-même, qui déclare avoir eu accès à la profession d’avocat, l’ait exercée dans le contexte décrit par lui.

La Cour rejoint encore les interrogations du ministre quant au manque de connaissances par l’appelant au sujet du dénommé (C-C), qui aurait été son voisin et un homme important et 15estimé de (a), et quant aux circonstances de la mort de celui-ci en 2012, ce qui est peu cohérent au regard du fait que l’appelant déclare, d’une part, avoir enquêté durant des années pour élucider les circonstances douteuses de ce décès et, d’autre part, avoir vécu porte à porte avec lui.

Quant aux pièces fournies en première instance et sur lesquelles l’appelant continue à s’appuyer en instance d’appel pour étayer la crédibilité de son récit, à savoir une attestation du dénommé (B) et une photo qui le montrerait lors d’une manifestation en Allemagne, les premiers juges ont à juste titre retenu que ceux-ci ne sont pas de nature à ébranler les doutes du ministre quant à la crédibilité de son récit.

En effet, l’attestation testimoniale ne fait que confirmer la participation de l’appelant à une manifestation en 2014 et son appui à la candidature d’(B), notamment en ayant eu la fonction d’assesseur dans un bureau de vote durant les élections parlementaires en 2015. Si le témoin déclare de façon vague que suite à cet appui en 2015 l’appelant aurait subi des « pressions », il ne donne non seulement pas des informations plus concrètes à ce sujet, mais surtout ne mentionne pas l’activité d’avocat de l’appelant, qui pourtant se trouverait selon les propres déclarations de l’appelant à l’origine de ses craintes.

Si le dénommé (B) conclut dans son attestation que l’appelant serait « menacé, et risque d’être arrêté, torturé, ainsi que de subir un traitement inhumain », la Cour se doit de constater, à l’instar des premiers juges, que ce prétendu risque et la référence faite à une aide lors d’élections en 2015 se trouve en contradiction avec l’origine des craintes de l’appelant telles qu’elles ressortent de ses propres déclarations, qui lie en substance ses craintes à ses activités d’avocat, et de même qu’elle se trouve en contradiction avec les explications de l’appelant lors de ses auditions qui a affirmé ne pas avoir eu les mêmes problèmes que son enseignant, le dénommé (B), alors que pourtant celui-ci semble lier sa conclusion au support de l’appelant lors de sa propre campagne électorale.

Quant à la participation éventuelle de l’appelant à une manifestation en Allemagne, celle-ci n’établit pas la réalité du récit mise en doute par le ministre, qui repose sur la prémisse que l’appelant se serait trouvé dans le collimateur des autorités en raison d’activités d’avocat qu’il aurait exercées dans son pays d’origine.

A l’instar du délégué du gouvernement, la Cour relève ensuite que le mandataire de l'appelant fait état de développements généraux sur l'exercice de la profession d'avocat au Tadjikistan, de la violation des droits de l'Homme dans la région du (b) et de discriminations de personnes issues de cette région. Or, l’ensemble de ces considérations ne permettent toutefois pas de rendre crédible le récit de l'appelant et de combler le défaut par lui d’avoir présenté un récit cohérent et plausible, voire le défaut d’avoir ébranlé par des pièces justificatives les incohérences relevées par le ministre. Au contraire, l’appelant reste, de même qu’en première instance, en défaut d'apporter des éléments concrets par rapport à sa situation personnelle susceptibles de rendre crédible le vécu tel qu’il l’a présenté, à savoir le fait d’avoir été dans le collimateur des autorités en raison de l’exercice de la profession d’avocat en tant que défenseur des droits de l’homme et ayant défendu des dossiers sensibles. En tout cas, le sort réservé à certains avocats critiques au régime en place ne permet pas d’extrapoler et de rendre crédible le récit de l’appelant.

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont déclaré le récit de l’appelant comme étant non crédible, par confirmation de la décision ministérielle de refus.

16Le récit de l’appelant étant jugé comme non crédible, il devient surabondant d’examiner ses contestions quant aux conditions d’octroi d’une protection internationale, le constat d’un manque de crédibilité étant à lui seul suffisant pour confirmer le refus d’octroi d’une protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’appelant, de sorte que l’appel encourt le rejet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, l’ordre de quitter le territoire n’est pas critiquable et le jugement est encore à confirmer sur ce point, l’appelant n’ayant d’ailleurs invoqué aucun moyen à cet égard.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 10 octobre 2023 est à confirmer et que l'appelant est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 3 novembre 2023 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 10 octobre 2023, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER 17 Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 février 2024 Le greffier de la Cour administrative 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49650C
Date de la décision : 08/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-02-08;49650c ?

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