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08/02/2024 | LUXEMBOURG | N°26/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 février 2024, 26/24


N° 26 / 2024 du 08.02.2024 Numéro CAS-2023-00041 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), 2) PERSONNE2.), demeurant à F-ADRESSE

2.), demandeurs en cassation, comparant par la société anonyme LUTHER, inscri...

N° 26 / 2024 du 08.02.2024 Numéro CAS-2023-00041 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), 2) PERSONNE2.), demeurant à F-ADRESSE2.), demandeurs en cassation, comparant par la société anonyme LUTHER, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Mathieu LAURENT, avocat à la Cour, et 1) la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V., établie et ayant son siège social à NL-ADRESSE3.), représentée par l’organe statutaire, inscrite auprès de la chambre de commerce néerlandaise sous le numéroNUMERO1.),2) la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE4.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesses en cassation, comparant par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

_____________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 162/22 - IX - COM, rendu le 22 décembre 2022 sous les numéros CAL-2020-00550 et CAL-2020-00635 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 13 mars 2023 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à la société de droit néerlandais SOCIETE1.) BV (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et à la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), (ci-après « la société SOCIETE2.) », selon la terminologie utilisée dans l’arrêt attaqué), déposé le 27 mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 mai 2023 par la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE2.) à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.), déposé le 10 mai 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait, entre autres, dit nuls, pour absence d’objet, les contrats d’option de vente portant sur les parts sociales de la société SOCIETE2.), conclus entre PERSONNE2.) et PERSONNE1.), d’une part, et la société SOCIETE1.), d’autre part, et avait dit non fondée la demande en indemnisation dirigée par les demandeurs en cassation contre celle-ci. La Cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel principal interjeté par PERSONNE2.) et PERSONNE1.), limité à ces deux points litigieux, au motif qu’ils avaient acquiescé au jugement de première instance.

2Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que l’appel interjeté par MM.

PERSONNE1.) et PERSONNE2.) était irrecevable.

Pour ce faire la Cour a retenu, en se basant sur la jurisprudence et la doctrine françaises antérieures à la réforme de 1942 que la signification sans réserve du jugement valait acquiescement et qu’au jour de la signification litigieuse l’intention de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) n’était pas empreinte d’équivoque », parce que l’exploit d’huissier ne mentionnait pas la réserve d’appel et MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont envoyé des courriers au sujet du paiement de la provision de l’expert judiciaire entre le courrier annonçant leur intention de faire appel et la signification de l’appel.

Alors que L’article 571 du Nouveau Code de Procédure civile (ci-après le ) dispose ce qui suit :

jugements contradictoires, du jour de la signification à personne ou domicile.

Pour les jugements par défaut, du jour où l’opposition de ne sera plus recevable.

L’intimé pourra néanmoins interjeter incidemment appel en tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation. » Première branche L’article 571 du NCPC concerne essentiellement les délais d’appel des jugements de première instance, en indiquant :

- à l’alinéa 1er que ces délais courent à partir de la signification à personne ou à domicile des jugements contradictoires ;

- à l’alinéa 2, que ces délais courent à partir de l’expiration du délai d’opposition contre les jugements par défaut ;

- à l’alinéa 3, que l’appel incident peut être formulé sans délai même dans l’hypothèse où l’intimé aurait signifié le jugement sans protestation.

La seule hypothèse où l’article 571 du NCPC combine la question du délai d’appel avec celle de la portée d’une signification intervenue antérieurement, avec ou sans réserve, est celle d’un appel incident.

Cette hypothèse d’un appel incident n’est pas celle dont était saisie la Cour d’appel qui a rendu l’arrêt entrepris.

3 En l’espèce, la Cour d’appel était saisie d’un appel signifié à la requête de MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) contre un jugement rendu contradictoirement par le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. En tout état de cause, la Cour d’appel n’était saisie d’un appel incident sur l’appel interjeté par MM.

PERSONNE1.) et PERSONNE2.), qui aurait pu l’amener à examiner les incidences éventuelles de l’article 571, alinéa 3, du NPC.

En d’autres termes, l’appel soumis à la Cour d’appel était exclusivement régi par les dispositions de l’article 571, alinéa 1er, du NCPC.

Or, cet alinéa 1er ne concerne que la question du délai d’appel dont dispose l’appelant à compter de la signification du jugement contradictoire, sans aucune référence aux réserves ou protestations qu’auraient pu formuler l’appelant lors de la signification du jugement de première instance.

Il en résulte qu’en ajoutant la condition relative à l’absence de réserve ou de protestation dans l’acte de signification du jugement, en l’occurrence la signification du 19 mai 2022 à la requête de MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.), la Cour d’appel a violé la loi, en l’espèce l’article 571, alinéa 1er, en y ajoutant une condition qui n’y figure pas, à savoir celle tirée de l’absence de protestations et qui n’est applicable qu’aux appels incidents.

Deuxième branche A supposer que la condition tirée de l’existence ou de l’absence de protestation lors de la signification d’un jugement de première instance ait vocation à s’appliquer à un appel principal d’un jugement contradictoire, elle ne poserait, dans le meilleur des cas, que par rapport à la question des délais d’appel dont dispose l’intimé pour formuler ses prétentions sur cet appel principal.

S’inscrivant en tête de toute une série de dispositions communes relatives aux délais dans le cadre de l’instruction de l’appel, l’article 571 du NCPC ne régit que la problématique des délais d’appel dont dispose l’intimé pour interjeter appel. Lui seul est concerné par cette disposition, sans qu’aucune règle ni mention obligatoire, le cas échéant sur d’éventuelles réserves, ne soit imposée, à l’article 571 du NCPC, à la partie à la requête de laquelle l’exploit de signification du jugement de première instance est signifié.

Il résulte de ce qui précède qu’en mêlant dans son raisonnement des questions relatives aux appels incidents ou à l’impossibilité de se forclore soi-même, questions totalement étrangères aux points de droit dont elle était saisie, la Cour d’appel a fait une fausse application de l’article 571, alinéa 1er, du NCPC.

Troisième branche A supposer que l’article 571, alinéa 1er, du NCPC qui régit exclusivement les délais dont dispose l’intimé pour interjeter appel, puisse implicitement contenir l’obligation pour l’autre partie, à savoir celle à la requête de laquelle le jugement de première instance est signifié, d’y formuler simultanément ses réserves et 4protestations, il ne résulte d’aucune disposition légale qu’une signification sans réserve ni protestation vaudrait acquiescement au jugement signifié.

Tout d’abord, l’article 571, alinéa 3, du NCPC dit d’ailleurs exactement le contraire à propos des appels incidents en permettant à l’intimé de formuler, sans limitation de délai, ses prétentions contre l’appel principal dirigé contre lui.

Autrement dit, même si une partie n’a pas formulé de réserve ni de protestation lors de la signification du jugement de première instance, elle est toujours recevable à interjeter appel incident du jugement lui signifié. Par la force des choses, elle n’y a pas acquiescé.

Ensuite, la loi ne définit pas l’acquiescement à une décision de justice. Dans le silence de la loi, la jurisprudence a comblé cette éventuelle carence. C’est ainsi que la Cour de cassation a défini l’acquiescement de la manière suivante dans son arrêt du 9 juillet 1998 : l’acquiescement, qui ne se présume pas, doit résulter de faits ne laissant aucun doute sur l’intention de la partie d’accepter la décision attaquée ».

Dans un arrêt du 29 juin 2020, la Cour de cassation a encore précisé que l’acquiescement tacite à une décision de justice ne peut être déduit que d’actes ou de faits précis et concordants qui révèlent l’intention certaine de la partie de donner son adhésion à celle-ci. » Il résulte de la combinaison de ces deux décisions que l’acquiescement ne se présume pas, qu’il faut une combinaison de plusieurs faits ou actes concordants, qui ne laissent aucun doute sur l’intention de la partie concernée au sujet de l’acceptation d’une décision.

De son côté, et toujours dans le silence de la loi, la doctrine enseigne encore que l’acquiescement peut être explicite ou implicite, judiciaire ou extrajudiciaire, total ou partiel ». Elle retient également qu’en dehors de l’acquiescement formel, il est de principe qu’il ne peut pas être présumé, mais qu’il doit résulter d’actes ou de faits ne laissant aucun doute sur l’intention de celui auquel l’acquiescement est opposé. (…) En cas de doute, les faits doivent être interprétés en faveur de celui à qui l’acquiescement est opposé. » En l’espèce, la signification d’une décision de justice sans réserve d’appel dans l’exploit de signification ne vaut pas acquiescement.

La Cour d’appel de Luxembourg a retenu en effet qu’en vertu du principe "Nul ne se forclos soi-même", la signification d’un jugement sans réserve, faite à la diligence de l’appelant même, n’entraîne pas acquiescement et ne le rend pas forclos à interjeter appel. Si la signification fait courir le délai d’appel, c’est seulement contre celui qui l’a reçue et non contre celui qui l’a faite. » L’article 571 du NCPC évoque seulement la signification de la décision de première instance uniquement pour faire courir le délai d’appel, à l’exclusion de toute référence à un acquiescement de la prédite décision.

5En retenant qu’une signification sans réserve valait acquiescement, la Cour d’appel a violé l’article 571 du NCPC.

Quatrième branche A supposer qu’une signification sans réserve dans l’acte de signification puisse constituer un acquiescement, encore faut-il qu’il n’y ait pas eu de protestations ou des réserves entourant cette signification.

Dans son arrêt du 19 décembre 2021, la Cour d’appel a retenu que s’il est exact que la signification d’un jugement ne peut pas faire courir le délai d’appel contre celui de qui elle émane - en application de l’adage "nul ne se forclos soi-

même", écarté en droit français, mais qui est toujours applicable en droit luxembourgeois - cette signification peut constituer, contre lui, une fin de non-

recevoir contre toute tentative d’appel de sa part, lorsque la signification est faite purement et simplement, sans protestations ni réserves. Dans ce cas, elle peut avoir toute la force d’un acquiescement ».

A contrario, s’il y a eu des protestations ou des réserves, quand bien même l’acte ne mentionne pas la réserve d’appel, alors la signification sans réserve dans l’exploit d’huissier ne peut constituer un acquiescement.

Cette jurisprudence n’est pas isolée alors que la Cour d’appel a retenu dans un arrêt du 3 avril 2003 que s’il est vrai qu’en principe la signification sans réserves d’un jugement vaut acquiescement à ce jugement, toujours est-il qu’en présence des circonstances de l’espèce, telles qu’exposées par les appelants, la Cour ne peut voir dans le fait que l’acte de signification (…) ne contient pas la réserve contenue dans les autres actes, une volonté d’accepter le jugement ».

Elle a encore retenu que si la signification a été faite certes sans protestations, ni réserves, mais a été entourée d’actes laissant paraître l’intention de ne pas acquiescer au jugement, elle ne saurait être interprétée comme une manifestation de l’intention d’acquiescer au jugement signifié. Si la signification d’un jugement faite sans réserve et à partie vaut en principe acquiescement tacite, encore faut-il qu’elle dénonce de manière non équivoque l’intention dans le chef du signifiant d’accepter le jugement. » En l’espèce, les échanges de correspondance officielle des parties au litige du 17 au 30 avril 2020 constituaient une réserve sinon une protestation du jugement entrepris, inconciliable avec un acquiescement au jugement rendu.

En outre, le jugement a été signifié 22 mai 2020 après que les parties s’étaient mutuellement informées de leur intention d'interjeter appel du jugement et qu’elles s’étaient mutuellement accordées par des emails officiels sur l’élection de domicile pour la signification des actes d’appel. Bien que la signification du jugement ait été faite sans protestations ou réserves écrites dans l’exploit de signification, elle est entourée d’un accord entre parties formalisant leur accord pour accepter la signification de leurs actes d’appel respectifs aux domiciles qu’elles avaient élus : il n’y aurait pas eu d’accord sur la signification à domicile élu sous condition de réciprocité s’il n’y avait pas eu intention d’interjeter appel.

6 En tout état de cause, la Cour d’appel ne pouvait pas considérer que la signification sans réserve du jugement à domicile élu valait acquiescement, sans prendre en considération le fait que la validité même d’une telle signification à domicile élu ne pouvait s’inscrire que dans le contexte de l’accord mutuel et réciproque des parties d’élire domicile chez leurs mandataires respectifs pour interjeter appel du jugement. À défaut de prendre en compte cet accord des parties pour recevoir à domicile élu les significations à intervenir, la signification à domicile élu du jugement n’a aucune portée et ne peut valoir acquiescement.

Autrement dit, si la Cour d’appel entendait donner une portée juridique à la signification du jugement à domicile élu, elle ne pouvait pas occulter que cette signification est intervenue conformément à l’accord des parties pour accepter, sous réserve de réciprocité, une signification à domicile élu. Il n’était pas possible de dissocier la signification à domicile élu de la volonté réciproque d’interjeter appel.

De deux choses l’une : soit l’accord préalable des parties de signifier à domicile élu est pris en compte pour la signification du jugement et alors cette signification de ce jugement est régulière ; soit l’accord préalable des parties de signifier à domicile élu n’est pas pris en compte et alors la signification du jugement est irrégulière et de nul effet, et ne saurait valoir acquiescement.

A supposer, dans cette deuxième hypothèse, que l’accord préalable des parties de signifier à domicile élu ne soit pas pris en compte pour la signification du jugement, alors il ne saurait l’être pour aucun des deux actes d’appel. Les deux actes d’appel devraient alors être considérés comme irrecevables, pour avoir été signifiés à domicile élu.

Par conséquent, l’échange de correspondance au sujet de la signification respective des actes d’appel était une réserve sinon un fait inconciliable avec l’acquiescement.

Du fait que ces échanges produisent nécessairement leurs effets que lors de la signification des actes d’appel, il n’était pas nécessaire de le renouveler lors de chaque acte ou fait.

Il résulte de ce qui précède qu’en ne retenant pas que ou en ne vérifiant pas si les échanges de correspondance entre parties d’avril 2020 annonçant, de part et d’autre, qu’elles allaient interjeter appel, constituaient une protestation sinon une réserve du jugement, la cour d’appel a violé l’article 571 du NCPC.

Cinquième branche Une demande de renseignement au sujet du paiement de la provision judiciaire ne constitue pas un acte ou un fait révélant l’intention d’une des parties à acquiescer à la décision rendue car une telle demande de renseignement n’est pas un acte d’exécution de la mesure d’instruction judiciaire.

En outre, la demande de renseignement au sujet du paiement de la provision judiciaire a été formulée en date des 12 mai 2020, 29 mai et 26 juin 2020 (), soit 7après que les parties respectives s’étaient accordées, entre les 17 et 30 avril 2020, pour signifier leurs actes d’appel au domicile qu’elles avaient élu.

Par conséquent, en retenant qu’une demande de renseignement sur le paiement d’une provision est un acte ou un fait révélant l’intention des parties demanderesses en cassation d’acquiescer au jugement de première instance, sans analyser si cette demande de renseignement était antérieure ou postérieure à l’accord des parties, sous réserve de réciprocité, de signifier leurs actes d’appel à domicile élu, la Cour d’appel a porté atteinte, sinon à mal interprété et, en tout état de cause, violé, l’article 571 du NCPC.

Sixième branche À supposer même qu’une demande d’information constitue un acte d’exécution actif de la mesure d’instruction, les parties demanderesses en cassation font valoir que le jugement du 3 avril 2020 était divisible, car traitait de différentes demandes parfaitement indépendantes l’une de l’autre. La doctrine précitée insiste sur le fait que l’acquiescement à un jugement peut être partiel, et donc limité à certains points précis du jugement.

Dans un arrêt séculaire, la Cour d’appel retenait que lorsqu’un jugement statue sur plusieurs chefs distincts, l’exécution donnée à l’un d’eux n’emporte pas nécessairement l’intention de renoncer à attaquer les autres chefs, à moins qu’il n’existe entre eux des liens de connexité ou d’indivisibilité tels que l’exécution de l’un emporte nécessairement l’exécution de l’autre. » Le jugement entrepris contenait deux demandes parfaitement distinctes à savoir, d’une part, une demande portant sur le volet exécution de promesse d’achat de titres de la société SOCIETE2.) (volet sur lequel les parties demanderesses en cassation ont été entièrement déboutées) et, d’autre part, une demande portant sur le volet distribution de dividendes du 3 août 2018 (volet sur lequel les parties demanderesses ont eu gain de cause sur le principe, une mesure d’expertise avait été ordonnée pour en déterminer le préjudice).

Ainsi, acquiescer à la partie du jugement qui a donné gain de cause sur le principe aux parties demanderesses en cassation, ne signifie pas que ces dernières ont également acquiescé à toutes les dispositions du jugement entrepris.

En retenant que la demande de renseignement sur le paiement de la provision constituait un acquiescement au jugement sans rechercher si cette demande de renseignement portait sur un chef de jugement distinct de celui entrepris à hauteur d’appel, par les actuelles parties demanderesses en cassation, la Cour d’appel a violé l’article 571 du NCPC. ».

Réponse de la Cour Sur les six branches du moyen réunies L’unique moyen, subdivisé en six branches, est tiré de la violation de l’article 571 du Nouveau Code de procédure civile.

8 Les règles régissant la procédure civile ne consacrent pas de disposition spécifique à l’acquiescement.

L’acquiescement constitue un mécanisme juridique issu des principes généraux des obligations, auquel l’article 571 du Nouveau Code de procédure civile est étranger.

La disposition invoquée est, partant, étrangère au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne les demandeurs en cassation à payer aux défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

condamne les demandeurs en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Lydie LORANG, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

9Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) et PERSONNE2.) contre la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) Le pourvoi en cassation, introduit par la PERSONNE1.) et PERSONNE2.) par un mémoire en cassation signifié le 13 mars 2023 aux défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 27 mars 2023, est dirigé contre un arrêt rendu par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, en date du 22 décembre 2022 (arrêt n°162/22) dans une affaire portant le numéro du rôle CAL-

2023-00041. Cet arrêt a été signifié aux demandeurs en cassation à leur domicile en France en date du 31 janvier 2023, respectivement du 8 février 2023.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Les défenderesses en cassation ont signifié un mémoire en réponse le 8 mai 2023 et elles l’ont déposé au greffe de la Cour le 10 mai 2023.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Sur les faits et antécédents :

La société SOCIETE3.) LLC, société américaine de capital-investissement spécialisée dans les rachats et restructurations dans le domaine de l’automobile (ci-après « SOCIETE3.) ») détient la société portefeuille de droit néerlandais SOCIETE4.) U.A. (ci-dessous « SOCIETE4.) ») qui est l’associé unique de la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V.

(ci-après « SOCIETE1.) ») laquelle détenait intégralement la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) SARL (ci-après « SOCIETE2.) »), de même que la société SOCIETE5.) B.V.

(ci-après « SOCIETE5.) »).

SOCIETE1.) a été constituée dans l’optique de faire l’acquisition de l’activité pare-soleils et pavillons pour automobile du groupe SOCIETE6.).

SOCIETE2.) a été constituée pour faire l’acquisition de l’une des treize entités du groupe SOCIETE6.), la société de droit français SOCIETE6.) SAS, spécialisée dans la fabrication de pare-soleils pour voitures, dénommée SOCIETE7.) SAS après l’acquisition (ci-après « SOCIETE7.) »).

10Afin de redynamiser SOCIETE7.), SOCIETE3.) s’est adjoint les services de PERSONNE2.), directeur de l’usine SOCIETE7.), et de PERSONNE1.), Directeur Développement Global des pare-soleils du groupe SOCIETE6.), en leur proposant d’investir dans SOCIETE2.).

Le 4 juin 2014, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) sont devenus actionnaires minoritaires de SOCIETE2.) en souscrivant chacun à 1.500 parts sociales des 10.001 parts ordinaires composant son capital, les 7.001 parts restantes étant détenues par SOCIETE1.) BV. A la même occasion, SOCIETE1.) a souscrit à 361.931 parts préférentielles. Le même jour encore, PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont conclu chacun avec SOCIETE1.) un contrat d’option de vente (« Put Option Agreement » ou « PUT ») et un contrat d’option d’achat (« Call Option Agreement » ou « CALL ») leur permettant de céder leur participation minoritaire à SOCIETE1.), à la survenance d’un événement intitulé « Termination of Duties ».

Le 20 novembre 2014, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été nommés gérants de SOCIETE2.).

En janvier 2018, SOCIETE3.) a conclu un contrat de cession avec la société de droit chinois SOCIETE8.) CO. LTD (ci-après « SOCIETE8.) ») relatif à SOCIETE7.) et SOCIETE5.) Le 9 juillet 2018, SOCIETE8.) a acquis SOCIETE7.) et SOCIETE5.) pour un prix de vente total de 163.000.000.- USD réparti à raison de 53.114.466.- USD pour les actions de SOCIETE7.) et de 90.885.534.- USD pour les actions de SOCIETE5.).

Le prix de cette cession fut distribué sur la base d’une décision d’SOCIETE3.) à concurrence de 36 % à SOCIETE2.) pour les actions de SOCIETE7.) et à concurrence de 64 % à SOCIETE1.) B.V. pour les parts sociales de SOCIETE5.).

La société SOCIETE3.) LLC, société américaine de capital-investissement spécialisée dans les rachats et restructurations dans le domaine de l’automobile (ci-après « SOCIETE3.) ») détient la société portefeuille de droit néerlandais SOCIETE4.) U.A. (ci-dessous « SOCIETE4.) ») qui est l’associé unique de la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V.

(ci-après « SOCIETE1.) ») laquelle détenait intégralement la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) SARL (ci-après « SOCIETE2.) »), de même que la société SOCIETE5.) B.V. (ci-après « SOCIETE5.) »).

SOCIETE1.) a été constituée dans l’optique de faire l’acquisition de l’activité pare-soleils et pavillons pour automobile du groupe SOCIETE6.).

SOCIETE2.) a été constituée pour faire l’acquisition de l’une des treize entités du groupe SOCIETE6.), la société de droit français SOCIETE6.) SAS, spécialisée dans la fabrication de pare-soleils pour voitures, dénommée SOCIETE7.) SAS après l’acquisition (ci-après « SOCIETE7.) »).

Afin de redynamiser SOCIETE7.), SOCIETE3.) s’est adjoint les services de PERSONNE2.), directeur de l’usine SOCIETE7.), et de PERSONNE1.), Directeur Développement Global des pare-soleils du groupe SOCIETE6.), en leur proposant d’investir dans SOCIETE2.).

11Le 4 juin 2014, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) sont devenus actionnaires minoritaires de SOCIETE2.) en souscrivant chacun à 1.500 parts sociales des 10.001 parts ordinaires composant son capital, les 7.001 parts restantes étant détenues par SOCIETE1.) BV. A la même occasion, SOCIETE1.) a souscrit à 361.931 parts préférentielles. Le même jour encore, PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont conclu chacun avec SOCIETE1.) un contrat d’option de vente (« Put Option Agreement » ou « Put ») et un contrat d’option d’achat (« Call Option Agreement » ou « Call ») leur permettant de céder leur participation minoritaire à SOCIETE1.), à la survenance d’un événement intitulé « Termination of Duties ».

Le 20 novembre 2014, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été nommés gérants de SOCIETE2.).

Au courant du mois de janvier 2018, SOCIETE3.) a conclu un contrat de cession avec la société de droit chinois SOCIETE8.) CO. LTD (ci-après « SOCIETE8.) ») relatif à SOCIETE7.) et SOCIETE5.) Le 9 juillet 2018, SOCIETE8.) a acquis SOCIETE7.) et SOCIETE5.) pour un prix de vente total de 163.000.000.- USD réparti à raison de 53.114.466.- USD pour les actions de SOCIETE7.) et de 90.885.534.- USD pour les actions de SOCIETE5.).

Le prix de cette cession fut distribué sur la base d’une décision de SOCIETE3.) à concurrence de 36 % à SOCIETE2.) pour les actions de SOCIETE7.) et à concurrence de 64 % à SOCIETE1.) B.V. pour les parts sociales de SOCIETE5.).

Par courrier du 25 juillet 2018, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont contesté cette répartition estimant que sur la base des performances financières respectives de SOCIETE7.) et SOCIETE5.), au moins 59 % du prix de vente aurait dû être alloué à SOCIETE2.) pour les actions de SOCIETE7.) et qu’en minimisant ainsi la valeur de SOCIETE7.) et en maximisant celle de SOCIETE5.), SOCIETE1.) et SOCIETE2.) les auraient privé d’une partie de la plus-value qui devait leur revenir conformément aux accords contractuels.

Par courrier du 2 août 2018, SOCIETE2.) a adressé à ses associés une résolution circulaire visant à révoquer PERSONNE2.) et PERSONNE1.) de leur mandat de gérant de SOCIETE2.) avec effet au 31 juillet 2018. La révocation a été déposée au RCSL le 8 août 2018.

Le 3 août 2018, SOCIETE2.) a unilatéralement décidé de procéder au rachat des parts préférentielles sans convoquer PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à l’assemblée générale autorisant le rachat.

Par courrier du 6 août 2018, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont exercé leur option de vente évalué, par leurs soins, à quelque 38,5 millions de USD que chacun d’eux devait percevoir et en même temps ils ont mis SOCIETE1.) et SOCIETE2.) en demeure de ne pas procéder à la distribution des montants reçus par SOCIETE8.).

Par courrier daté du 3 août, mais réceptionné le 7 août 2018, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été informés par SOCIETE2.) que conformément à une décision de 12distribution prise par le conseil de gérance le 3 août 2018, ils se verraient allouer un dividende à hauteur de 322.924,87.- euros pour chacun et, par ce même courrier, ils ont été invités à signer le projet de résolutions écrites émanant des associés de SOCIETE2.) et autorisant cette dernière à racheter 167.301 parts préférentielles détenues par SOCIETE1.) BV. La décision relative au rachat des parts préférentielles a été déposée au RCSL le 9 août 2018 et le montant de 56.105.825,80 USD a été transféré à SOCIETE1.).

SOCIETE2.) et SOCIETE1.) n’ont pas donné suite à la levée de l’offre de vente du 6 août 2018.

Le litige porte essentiellement sur le désaccord des parties sur les montants auxquels PERSONNE1.) et PERSONNE2.) peuvent prétendre suite à la vente de SOCIETE7.) à SOCIETE8.).

Le litige comporte deux volets distincts :

1) il a trait à la validité des contrats d’option de vente (Put Option Agreement ou PUT) portant sur des parts sociales de SOCIETE2.) conclus le 4 juin 2014 dans le cadre de l’opération d’acquisition de SOCIETE7.), entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.), d’un côté, et PERSONNE3.), de l’autre côté; (volet I) 2) il porte sur la régularité de la distribution de dividendes résultant de la cession de SOCIETE7.) à SOCIETE8.) opérée le 3 août 2018 par SOCIETE2.) suite au rachat de parts préférentielles de SOCIETE1.) BV par SOCIETE2.). (volet II) Reprochant à SOCIETE2.) d’avoir commis une violation statutaire dans le cadre des prédites opérations et d’agir de connivence avec SOCIETE1.), PERSONNE1.) et PERSONNE2.) assignèrent ces dernières en justice. Plusieurs procédures en référé ont précédé les assignations au fond qui sont au nombre de trois :

1. Par exploit d’huissier de justice du 28 août 2018, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) firent donner assignation à SOCIETE1.) à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, pour obtenir l’exécution forcée des contrats « PUT » conclus le 4 juin 2014 entre PERSONNE2.) et PERSONNE1.) et SOCIETE1.), sinon à l’allocation de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle de ces contrats. Cette affaire a été inscrite au rôle sous le n° TAL-2018-06157.

2. Par exploit d’huissier de justice du 14 février 2019, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) firent donner assignation à SOCIETE1.), à SOCIETE2.) et à Maître Stéphane EBEL, en sa qualité de séquestre judiciaire, à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, pour faire prononcer l’illégalité des opérations de rachat des parts préférentielles de SOCIETE1.) et de la distribution des dividendes afférente réalisée le 3 août 2018 prétendument en violation des statuts de SOCIETE2.) et pour obtenir une indemnisation du préjudice causé, sinon, à voir annuler les résolutions de l’assemblée générale des associés de SOCIETE2.) tenue entre le 31 juillet 13et le 3 août 2018 ayant décidé de la distribution et du rachat des parts préférentielles en question. Cette affaire a été inscrite au rôle sous le n° TAL-2019-02595.

3. Par exploit d’huissier de justice du 17 mai 2019, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) firent donner assignation à SOCIETE2.) à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale pour voir dire que les contrats « PUT » sont valables, qu’ils ont valablement exercé leur option de vente le 6 août 2018 et pour faire nommer un expert judiciaire avec la mission d’évaluer, conformément aux PUT, la valeur en euros des 1.500 parts sociales de SOCIETE2.) cédées par chacun d’eux à SOCIETE1.) le 6 août 2018. Cette affaire a été inscrite au rôle sous le n° TAL-2019-04073.

Par acte de désistement d’instance du 2 octobre 2019, PERSONNE2.) et PERSONNE1.) se désistèrent de l’instance introduite contre Maître Stéphane EBEL par exploit d’huissier de justice du 14 février 2019 et enrôlée sous le n° TAL-2019-02595. Cet incident de procédure donna lieu à un jugement 2020TALCH02/00529 du 3 avril 2020.

Par jugement n° 2020TALCH02/00531 du 3 avril 2020, le tribunal, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, a joint les rôles inscrits sous les numéros TAL-

2018-06157, TAL-2019-02595 et TAL-2019-04073, a dit non fondé le moyen de nullité basé sur le libellé obscur des assignations, a reçu les demandes principales et reconventionnelles en la forme, a dit que les « PUT » conclus entre PERSONNE2.) et PERSONNE1.) d’une part et SOCIETE1.) d’autre part sont nuls pour absence d’objet, a dit la demande en condamnation en relation avec les « PUT » non fondée et en a débouté, a dit que la distribution intervenue à la suite de la décision du conseil de gérance de SOCIETE2.) a été prise en violation de l’article 22.7 des statuts de la société, a dit la demande en allocation de dommages et intérêts sur base de la violation de l’article 22.7 fondée en principe à l’égard de SOCIETE1.), a, avant tout autre progrès en cause, nommé un expert avec la mission de concilier les parties si faire se peut, sinon dans un rapport écrit, détaillé et motivé, de déterminer le montant disponible pour distribution dans SOCIETE2.) le 3 août 2018; déterminer le montant revenant à SOCIETE1.), PERSONNE2.) et PERSONNE1.) en application de l’article 22.7 (i) à (v) des statuts de SOCIETE2.) avec la précision que le rachat des parts préférentielles en application du point (iii) se fait à la valeur nominale augmentée de la prime d’émission, et a réservé le surplus.

Par exploit du 2 juillet 2020, PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont relevé appel du jugement précité. Cet appel a été inscrit au rôle sous le n° CAL-2020-00550.

Par exploit du 31 juillet 2020, SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont relevé appel du jugement précité. Cet appel a été inscrit au rôle sous le n° CAL-2020-00635.

Les rôles n° CAL-2020-00550 et n° CAL-2020-00635 ont fait l’objet d’une jonction suivant ordonnance du 2 octobre 2020.

14Par arrêt n°162/22 rendu en date du 22 décembre 2022, la Cour d’appel, « déboutant de toutes autres conclusions comme mal fondées ;

déclare l’appel principal limité de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) irrecevable ;

déclare l’appel principal limité de la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) recevable en la forme ;

le dit non fondé ;

déclare l’appel incident de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) recevable en ce qui concerne le volet II relatif à la demande de distribution des dividendes effectuée le 3 août 2018 ;

le dit non fondé ;

confirme le jugement entrepris ;

renvoie les parties en prosécution de cause devant le tribunal d’arrondissement ;

déboute les parties de leurs demandes basées sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile présentée en instance d’appel ;

fait masse des frais dépens de l’instance d’appel et les impose pour moitié à PERSONNE2.) et à PERSONNE1.) et pour moitié à la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et à la société à responsabilité limitée SOCIETE2.),… » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur l’unique moyen de cassation:

L’unique moyen de cassation fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir retenu que l’appel interjeté par les demandeurs en cassation était irrecevable au motif que la signification sans réserve du jugement de première instance valait acquiescement et qu’« au jour de signification litigieuse l’intention de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) n’était pas empreinte d’équivoque », parce que l’exploit d’huissier ne mentionnait pas la réserve d’appel et MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont envoyé des courriers au sujet du paiement de la provision de l’expert judiciaire entre le courrier annonçant leur intention de faire appel et la signification de l’appel.

L’unique moyen est subdivisé en six branches qui sont toutes tirées d’une violation de l’article 571 du Nouveau code de procédure civile qui dispose :

« Le délai pour interjeter appel sera quarante jours: il courra, pour les jugements contradictoires, du jour de la signification à personne ou domicile.

Pour les jugements par défaut, du jour où l'opposition ne sera plus recevable.

15L'intimé pourra néanmoins interjeter incidemment appel en tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation. » Dans un arrêt n° 83/2023 rendu en date du 29 juin 20231, votre Cour a répondu à un moyen tiré de la violation de l’article 471 du Nouveau code de procédure civile :

« La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir, en écartant le moyen tiré de l’acquiescement, violé l’article 571 du Nouveau Code de procédure civile.

L’article 571 du Nouveau Code de procédure civile vise le délai d’appel.

Le reproche fait aux juges d’appel de ne pas avoir constaté que le défendeur en cassation avait acquiescé au jugement est étranger à la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable. » Si votre Cour devait suivre cette jurisprudence, l’unique moyen devrait être déclaré irrecevable en ses six branches au motif que le grief invoqué est étranger à la disposition visée au moyen.

La soussignée ne saurait toutefois souscrire entièrement à cette approche.

En matière de procédure civile, l’acquiescement se définit comme suit :

« L'acquiescement est un acte unilatéral traduisant une volonté non équivoque de renonciation de la part d'un plaideur. Son objet est double :

-le plaideur peut acquiescer à la demande, ce qui emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action ;

-il peut acquiescer au jugement, ce qui entraîne soumission aux chefs de la décision et renonciation aux voies de recours. »2 Si le texte de l’article 571 du Nouveau code de procédure civile n’évoque l’absence de protestation qu’en relation avec la possibilité pour l’intimé d’interjeter un appel incident, une jurisprudence constante considère néanmoins que toute partie à une décision de justice peut, en acquiescant à cette décision, renoncer aux voies de recours qui sont à sa disposition, sauf 1 Cass. 83/2023 du 29 juin 2023, n° CAS-2022- 00115 du registre, second moyen 2 Jurisclasseur Encyclopédie des Huissiers de Justice, verbo Acquiescement, Fas. unique :

Acquiescement, §1 Notion 16dans les matières où la loi en dispose autrement3. L’acquiescement à une demande suppose qu’il ne porte que sur des droits dont les parties ont la libre disposition.4 Un tel acquiescement ne se présume pas, il doit résulter de faits ne laissant aucun doute sur l’intention de la partie d’accepter la décision attaquée5. Un acquiescement tacite à une décision de justice ne peut être déduit que d’actes ou de faits précis et concordants qui révèlent l’intention certaine de la partie de donner son adhésion à celle-ci6.

Au cas où un acquiescement est constaté, l’appel principal de la partie concernée devient irrecevable. Toutefois cet acquiescement est conditionnel en ce qu’il est subordonné à l’absence d’exercice d’une voie de recours par la partie adverse :

« L’acquiescement donné à un jugement par l’une des parties en cause, antérieurement à l’appel principal, n’est que conditionnel et la partie qui a acquiescé peut donc, si un appel principal est formé, interjeter appel incident. 7» Ce caractère conditionnel de l’acquiescement se trouve exprimé dans l’alinéa 3 de l’article 471 du Nouveau code de procédure civile, qui dispose que « l'intimé pourra néanmoins interjeter incidemment appel en tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation».

Il découle de cette disposition qu’une partie peut acquiescer à un jugement en le faisant signifier sans protestation et que cet acquiescement est conditionnel.

La possibilité d’acquiescer à un jugement est donc bel et bien contenue dans l’article 471 du Nouveau code de procédure civile, de sorte que c’est à juste titre que l’unique moyen est tiré de la violation de cette disposition légale. L’unique moyen est recevable sous cet aspect.

Sur les première, deuxième et troisième branches réunies:

3 Cass. 55/2023 du 25 mai 2023, n° CAS-2023-00006 du registre (concernant l’article 342-4 du Code civil relatif aux actions relatives à la filiation) 4 Jurisclasseur Procédures Formulaire, verbo Acquiescement, Fasc. 10 : Acquiescement, §17 et 25 5 Cass. 9 juillet 1998, Pas.31, p.4 ; Cass. n° 36/2018 du 3 mai 2018, n° 3958 du registre ;

Cass. n° 96/2021 du 10 juin 2021, n° CAS-2020-00109 du registre ; Cass. n° 113/2021 du 8 juillet 2021, n° CAS-2020-00119 du regsitre ; Cass. n° 158/2021 du 16 décembre 2021, n° CAS-2020-00151 du registre ; Cass. n° 130/2022 du 10 novembre 2022, n° CAS-2021-00139 du registre ; Cass. n° 161/2022 du 22 décembre 2022, n° CAS-2021-00114 du registre ; Cass.

81/2023 du 22 juin 2023, n° CAS-2022-00120 du registre 6 Cass. 29 juin 2000, Pas.31, p.440 ; Cass. n° 33/02 du 6 juin 2002, n° 1852 du registre ;

Cass. n° 33/03 du 22 mai 2003, n° 1983 du registre 7Cour d’appel 27 janvier 1911, Pas. 8, p. 450 ; Cour d’appel 7 juin 1978, Pas. 24, p. 162 17 La première branche reproche à l’arrêt entrepris qu’en ajoutant la condition relative à l’absence de réserve ou de protestation dans l’acte de signification du jugement, il aurait violé l’article 571, alinéa 1er, du Nouveau code de procédure civile en y ajoutant une condition qui n’y figure pas.

La deuxième branche fait valoir qu’à supposer que la condition relative à l’absence de réserve ou de protestation dans l’acte de signification du jugement ait vocation à s’appliquer à un appel principal d’un jugement contradictoire, seul l’intimé serait concerné, et non pas la partie qui interjette l’appel principal.

La troisième branche invoque qu’il ne résulterait d’aucune disposition légale qu’une signification sans réserve ni protestation vaudrait acquiescement au jugement signifié.

Etant donné qu’il découle de l’article 471, alinéa 3, du Nouveau code de procédure civile qu’une partie peut acquiescer à un jugement en le faisant signifier sans protestation et que cette partie peut alors interjeter un appel incident en cas d’appel principal interjeté par la partie adverse, il s’ensuit qu’a contrario l’appel principal de cette partie se heurte à une fin de non-

recevoir.

En constatant que les demandeurs en cassation ont fait signifier le jugement déféré sans réserves par exploit du 19 mai 2020 avant d’en relever appel principal sur le volet I uniquement par exploit du 2 juillet 2020, tandis que les parties adverses ne l’ont pas entrepris sur ce volet et ont limité leur propre appel du 31 juillet 2020 au volet II, pour déclarer ensuite irrecevable l’appel introduit par les demandeurs en cassation suivant exploit du 2 juillet 2020, la Cour d’appel a correctement appliqué l’article 571 du Nouveau code de procédure civile tel qu’interprété par la jurisprudence.

Les première, deuxième et troisième branches du moyen ne sont pas fondées.

Sur les quatrième et cinquième branches réunies :

La quatrième branche fait valoir qu’à supposer qu’une signification sans réserve dans l’acte de signification puisse constituer un acquiescement, ce serait à tort que l’arrêt dont pourvoi aurait retenu qu’il n’y avait pas eu de protestations ou des réserves entourant cette signification. Les échanges de correspondance officielle des parties au litige du 17 au 30 avril 2020 auraient constitué une réserve sinon une protestation inconciliable avec un acquiescement au jugement rendu. En outre, le jugement aurait été signifié le 22 mai 2020 après que les parties s’étaient mutuellement informées de leur intention d’interjeter appel du jugement et qu’elles s’étaient mutuellement accordées par des emails officiels su l’élection de domicile pour la signification des actes d’appel.

La cinquième branche conteste qu’une intention d’acquiescer au jugement puisse être déduite d’une demande de renseignement au sujet du paiement de la provision judiciaire, étant donné qu’il ne s’agirait pas d’un acte d’exécution de la mesure d’instruction judiciaire.

18L’arrêt attaqué a analysé les différents éléments invoqués par les demandeurs en cassation comme étant inconciliables avec l’intention d’acquiescer au jugement signifié pour arriver à la conclusion que la signification du jugement de première instance traduisait sans équivoque leur intention d’acquiescer au jugement signifié:

« La Cour note que l’échange d’emails entre parties sur l’élection de domicile en l’étude des conseils respectifs dont se prévalent PERSONNE2.) et PERSONNE1.) s’est fait entre le 17 avril 2020 et le 30 avril 2020.

PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont ensuite en date du 12 mai 2020, soit plusieurs semaines après leur courrier du 17 avril 2020 annonçant l’éminence d’un appel de leur part, écrit au conseil de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) avec copie au tribunal pour s’enquérir si ces dernières avaient procédé au règlement de la provision à l’expert.

Ils ont encore suite à ce courrier et contre toute attente fait signifier le jugement entrepris à SOCIETE1.) et SOCIETE2.) en date du 19 mai 2020, cette signification « se faisant pour leur information, direction et à telles fins que de droit » et faisant courir le délai d’appel contre ces dernières.

C’est à raison que SOCIETE1.) et SOCIETE2.) font plaider que la notification d’un appel ne requiert en aucune façon la signification préalable du jugement à entreprendre.

Le 29 mai 2020, PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont adressé au conseil de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) avec copie au tribunal un rappel concernant le règlement de la provision à l’expert.

Ce n’est que le 2 juillet 2020, soit près de trois mois après le jugement rendu par le tribunal et plus de six semaines après la signification dudit jugement, que PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont interjeté appel.

Quant à l’arrêt de la Cour d'appel du 10 juillet 2019, 7ème chambre, inscrit sous le numéro CAL-2018-01002 du rôle, c’est encore à bon droit que SOCIETE1.) et SOCIETE2.) font plaider que les faits à la base de ce litige sont différents de ceux occupant la présente instance.

En effet, dans l’espèce citée, l’appelante, après avoir procédé à une signification sans réserves du jugement déféré, a ensuite procédé à une nouvelle signification de la grosse du jugement à l’intimée précisant que cette signification annulait et remplaçait la première signification et contenant la mention expresse de l’absence d’acquiescement.

La Cour en déduit qu’au jour de la signification litigieuse l’intention de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) n’était pas empreinte de l’équivoque actuellement par eux invoquée.8 » 8 Arrêt n°162/22 du 22 décembre 2022, page 22 19Sous le couvert de la disposition visée au moyen, les deux branches tendent à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère équivoque de l’intention des demandeurs en cassation d’acquiescer au jugement signifié.

Les quatrième et cinquième branches ne sauraient être accueillies.

Sur la sixième branche :

La sixième branche du moyen fait valoir que, même à supposer qu’une demande d’information concernant le règlement de la provision de l’expert puisse être considérée acte d’exécution actif de ladite mesure d’instruction, le jugement de première instance rendu en date du 3 avril 2020 serait divisible, car il aurait traité de différentes demandes indépendantes l’une de l’autre.

L’acquiescement à un jugement peut être partiel et se limiter à certains points. Il est précisément reproché à l’arrêt entrepris de ne pas avoir recherché si ladite demande de renseignement constituait un acquiescement limité à un volet du jugement distinct de celui qui était entrepris par l’appel principal.

Principalement :

Cette branche procède d’une lecture incomplète de l’arrêt dont pourvoi. Cet arrêt ne s’est en effet pas exclusivement basé sur la demande d’information concernant le règlement de la provision de l’expert pour conclure qu’au jour de la signification litigieuse l’intention des demandeurs en cassation n’était pas empreinte d’équivoque, mais il s’est également référé aux échanges d’emails sur l’élection de domicile qui ont eu lieu entre le 17 avril 2020 et le 30 avril 2020 et aux délais qui se sont écoulés entre le prononcé du jugement de première instance et la signification de l’acte d’appel, respectivement entre la signification dudit jugement et la signification de l’acte d’appel. Or, ces autres éléments pris en considération par la Cour d’appel pour apprécier l’intention des demandeurs en cassation ne concernaient pas exclusivement un volet déterminé du litige.

La sixième branche manque en fait.

Subsidiairement :

Ce moyen n’avait pas été invoqué en instance d’appel, bien que les demandeurs en cassation aient pris position par rapport à la recevabilité de leur appel du 2 juillet 20209. Il ne saurait dès lors être reproché aux juges d’appel de ne pas avoir examiné d’office si l’acquiescement était éventuellement limité à une partie du jugement. Une telle recherche s’imposait d’autant moins que la Cour d’appel a tenu compte d’éléments factuels ayant trait au jugement de première instance et ne concernant pas un volet spécifique du litige, tels que les échanges d’emails sur l’élection de domicile qui ont eu lieu entre le 17 avril 2020 et le 30 avril 2020 et les délais qui se sont écoulés entre le prononcé du jugement de première instance et la signification de l’acte d’appel, respectivement entre la signification dudit jugement et la signification de l’acte d’appel.

La sixième branche n’est pas fondée.

9 ibidem, page 20, dernier paragraphe 20 Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 21


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26/24
Date de la décision : 08/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-02-08;26.24 ?

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