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02/02/2024 | LUXEMBOURG | N°21/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 février 2024, 21/24


N° 21 / 2024 du 01.02.2024 Numéro CAS-2023-00095 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son

siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, insc...

N° 21 / 2024 du 01.02.2024 Numéro CAS-2023-00095 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), 2. la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), demanderesses en cassation, comparant par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE KAERJENG, représentée par le collège des bourgmestre et échevins, ayant ses bureaux à L-4920 Bascharage, 24, rue de l’Eau, défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & associés, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, en présence de 1. la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), 2. la société à responsabilité limitée SOCIETE4.), établie et ayant son siège social à F-ADRESSE3.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Metz sous le numéroNUMERO4.).

___________________________________________________________________

Vu les arrêts attaqués, numéros 165/21-VII-CIV et 50/23-VII-CIV, rendus les 24 novembre 2021 et 29 mars 2023 sous le numéro CAL-2021-00137 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 12 mai 2023 par la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) ») à l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE KAERJENG, à la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) (ci-après « la société SOCIETE3.) ») et à la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) (ci-après « la société SOCIETE4.) »), déposé le 31 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 31 mai 2023 par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE KAERJENG à la société SOCIETE1.), à la société SOCIETE2.), à la société SOCIETE3.) et à la société SOCIETE4.), déposé le 9 juin 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS.

Sur les faits Selon les arrêts attaqués, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile et statuant en continuation d’un jugement avant-dire-droit ayant ordonné une mesure d’expertise, avait fixé la valeur de la propriété de la société 2SOCIETE1.) située sur le territoire de la commune de Bascharage à un certain montant, avait dit que l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE KAERJENG en deviendrait propriétaire contre paiement de ce montant et avait déclaré le jugement commun aux sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.). La Cour d’appel avait, par un premier arrêt, renvoyé le dossier devant les experts désignés par les juges de première instance aux fins d’évaluation de la propriété immobilière litigieuse et a, par un second arrêt, fixé la valeur de cette propriété à un montant supérieur et dit que l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE KAERJENG en deviendrait propriétaire contre paiement de ce montant.

Sur le moyen unique de cassation Enoncé du moyen « Tiré d’une part de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, combiné à l’article 587 du même code, et d’autre part de la violation de l’article 1134 du Code civil par dénaturation du contrat.

En sa première branche, de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, combiné à l’article 587 du même code, en ce que les juges d’appel ont renvoyé l’affaire devant les experts afin de leur permettre de prendre connaissance du procès-verbal de l’huissier de justice Véronique REYTER du 9 avril 2021 et de l’avis de l’architecte Jacques CLAUDE du 7 avril 2021 et de reconsidérer la hauteur de l’immeuble ainsi, le cas échéant, que les calculs faits sur base des volumes bâtis, après avoir rappelé la mission d’expertise telle qu’ordonnée par jugement du 11 mai 2016, à savoir: , au motif que les parties n’ont à aucun stade de la procédure discuté sur la définition de la notion de « valeur de la propriété » et à défaut de précision de concept et en l’absence de toute discussion à ce sujet, il convient de reconsidérer la valeur intrinsèque de la propriété, c’est-à-dire la valeur propre que le bien a par lui-

même, cette valeur ne tenant pas compte du caractère de convenance, de la règle de l’offre et de la demande, ni de la situation géographique de l’immeuble et que c’est dans ce sens que les experts judiciaires ont compris la mission et qu’ils ont effectué le travail, pour ensuite renvoyer le dossier devant les experts judiciaires afin qu’ils revoient la question de la hauteur de l’immeuble sur base des pièces qui ont seulement été produites en instance d’appel, alors que, loin de ne pas avoir discuté sur la définition de la notion de , les parties appelantes n’ont eu de cesse de mettre l’accent sur cette question à la fois en première instance, dans leurs conclusions du 24 juin 2020, où, en page 2, elles faisaient valoir que :

3 l’expert KINTZELE, n’est pas uniquement critiquable face à l’expertise ZECHES, qui évalue la valeur actuelle des objets au double de Monsieur WIES, mais également face à d’autres calculs faits par l’expert WIES dans d’autres dossiers identiques sinon similaires à celui-ci où les chiffres diffèrent totalement de ceux qui ont été adoptés dans la présente espèce. » et dans l’acte d’appel où, en page 3, point 2, elles faisaient valoir que :

l’expert KINTZELE, n’est pas uniquement critiquable face à l’expertise ZECHES, qui évalue la valeur actuelle des objets au double de Monsieur WIES, mais également face à d’autres calculs faits par l’expert WIES dans d’autres dossiers identiques sinon similaires à celui-ci où les chiffres diffèrent totalement de ceux qui ont été adoptés dans la présente espèce.

Ces expertises sont versées dans une 5ème farde de pièces et établissent que l’expert WIES s’est contredit. » et ce aussi par courriel du 14 octobre 2019 à l’attention des experts où il est entre autre fait état du prix de l’immobilier qui a pris au moins 50 % depuis 2008 et en rappelant dans l’acte d’appel à la page 3 précité, que cette hausse de prix doit également être prise en considération dans l’évaluation de la valeur actuelle du hall en renvoyant à l’article 8 de la Convention de concession du droit de superficie du 16 juin 2006 liant les parties et qui parle expressément de la valeur actuelle, de sorte qu’en statuant ainsi, la Cour a, par défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs, fait fi des discussions qui justement ont bien eu lieu sur la définition de la notion de valeur de la propriété en considérant - à tort - que les parties n’auraient à aucun stade de la procédure discuté sur celle-ci, et violé l’article 89 de la Constitution et l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile combiné à l’article 687 du même Code.

En sa deuxième branche de la violation de l’article 1134 du Code civil par dénaturation du contrat en ce que les juges d’appel ont renvoyé l’affaire devant les experts afin de leur permettre de prendre connaissance du procès-verbal de l’huissier de justice Véronique REYTER du 9 avril 2021 et de l’avis de l’architecte Jacques CLAUDE du 7 avril 2021 et de reconsidérer la hauteur de l’immeuble ainsi, le cas échéant, que les calculs faits sur base des volumes bâtis après avoir rappelé la mission d’expertise telle qu’ordonnée par jugement du 11 mai 2016, à savoir: , au motif que les parties n’ont à aucun stade de la procédure discuté sur la définition de la notion de et à défaut de précision de concept et en l’absence de toute discussion à ce sujet, il convient de reconsidérer la valeur intrinsèque de la propriété, c’est-à-dire la valeur propre que le bien a par lui-

4même, cette valeur ne tenant pas compte du caractère de convenance, de la règle de l’offre et de la demande, ni de la situation géographique de l’immeuble et que c’est dans ce sens que les experts judiciaires ont compris la mission et qu’ils ont effectué le travail, pour ensuite renvoyer le dossier devant les experts judiciaires afin qu’ils revoient la question de la hauteur de l’immeuble sur base des pièces qui ont seulement été produites en instance d’appel, alors que les parties ont, dans leur contrat intitulé de superficie » daté du 16 juin 2006, prévu à l’article 8 ce qui suit :

tierce voulant acquérir le droit de superficie du terrain en question peut prendre la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations construits ou faits par la Société.

La valeur actuelle de ces objets sera déterminée par un collège de deux experts.

Chaque partie désignera son expert et en fera connaître le nom à l’autre partie. », qu’il était donc de convention expresse et non équivoque entre parties qu’il fallait considérer la valeur actuelle de la propriété et non point - tel que retenu par les juges d’appel - la valeur intrinsèque de celle-ci, de sorte qu’en renvoyant à la notion de valeur intrinsèque du bâtiment, les juges ont méconnu les stipulations contractuelles non équivoques liant les parties selon lesquelles la valeur de la propriété à prendre en considération était la valeur actuelle de celle-ci et non sa valeur intrinsèque et ont ainsi violé l’article 1134 du Code civil qui dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Il ne résulte pas des éléments de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que les demanderesses en cassation aient présenté en instance d’appel un argument tenant à la définition de la notion de « valeur de la propriété » sur lequel les juges d’appel auraient dû prendre position par une décision motivée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen En retenant « Force est de constater que les parties n’ont à aucun stade de la procédure discuté sur la définition de la notion de . A défaut de précision du concept et en l’absence de toute discussion à ce sujet, il convient de considérer la valeur intrinsèque de la propriété, c’est-à-dire la valeur propre que le bien a par lui-même. Cette valeur ne tient pas compte du caractère de convenance, de la règle de l’offre et de la demande, ni de la situation géographique de l’immeuble. », 5 les juges d’appel ont procédé à une interprétation souveraine, hors toute dénaturation, des termes de la convention de concession du 16 juin 2006 que leur ambiguïté rendait nécessaire.

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 3.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne les demanderesses en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 3.500 euros ;

les condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & associés, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

6Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation 1. la société anonyme SOCIETE1.) 2. la société anonyme SOCIETE2.) contre 1. l’Administration communale de Kaerjeng 2. la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) 3. la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) n° CAS-2023-0095 du registre Le pourvoi en cassation, introduit par la société anonyme SOCIETE1.) et la société anonyme SOCIETE2.) par un mémoire en cassation signifié le 12 mai 2023 aux défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 31 mai 2023, est dirigé contre un arrêt n° 165/21-VII-CIV rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile en instance d’appel, statuant contradictoirement, en date du 24 novembre 2021 et contre un arrêt n° 50/23-VII-CIV rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 29 mars 2023, dans la cause inscrite sous le n° CAL-2021-000137 du rôle.

Sous le paragraphe « III. recevabilité du présent recours en cassation » de leur mémoire en cassation, les demanderesses en cassation précisent que le pourvoi est formé contre l’arrêt du 24 novembre 2021.

Selon les éléments du dossier, l’arrêt du 29 mars 2023 n’a pas été signifié, de sorte que les délais prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation n’a pas commencé à courir.

La partie défenderesse en cassation l’Administration communale de Kaerjeng a signifié un mémoire en réponse le 31 mai 2023 aux parties demanderesses sub) 1 et sub 2) et aux parties défenderesses sub 2) et sub 3) et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 9 juin 2023.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Quant aux faits et rétroactes :

Le 17 décembre 2009, l’Administration communale de Bascharage, actuellement l’Administration communale de Kaerjeng a fait donner assignation à la société anonyme 7SOCIETE1.), à la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) et à la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) pour voir prononcer la résiliation de la convention de concession d’un droit de superficie conclue en date du 16 juin 2006 entre la Commune de Kaerjeng et la société anonyme SOCIETE1.) et les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) s’entendre déclarer résilié leur contrat de sous-location. Le 15 juillet 2010, l’Administration communale de Kaerjeng a assigné en intervention la société anonyme SOCIETE2.) pour s’entendre déclarer commun le jugement à intervenir.

Par un premier jugement du 29 avril 2015, le tribunal s’est notamment déclaré compétent rationae materiae pour connaître de la demande en résiliation du prédit contrat de concession entre l’Administration communale de Kaerjeng et la société SOCIETE1.).

Par un second jugement du 11 mai 2016, le tribunal a notamment déclaré résiliée la convention de concession d’un droit de superficie entre la société SOCIETE1.) et l’Administration communale de Kaerjeng et a commis, conformément à l’article 8 de la prédite convention, un collège de deux experts afin qu’ils se prononcent dans un seul rapport sur la valeur de la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, construits ou faits par la société SOCIETE1.) et a désigné à cette deux experts (Georges WIES et Patrick CHARPENTIER).

Par exploit d’huissier du 29 juin 2016, les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont régulièrement relevé appel du jugement du 11 mai 2016, non signifié, et elles ont notamment demandé, par réformation de la décision entreprise, à voir « rejeter l’intégralité des demandes de la Commune, dire que la convention de concession d’un droit de superficie du 16 juin 2006 n’est pas résiliée, ordonner tous devoirs de droit en la matière et à voir déclarer opposable et commun l’arrêt à intervenir aux intimés les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) ».

Par un arrêt du 31 mai 2018, la Cour a reçu l’appel, l’a dit non fondé et confirmé le jugement dans la mesure où il était entrepris et renvoyé l’affaire en prosécution de cause devant la première chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ; déclaré l’arrêt commun aux sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.). Suite au décès de l’expert Patrick CHARPENTIER, l’expert Gilles KINTZELE a été commis par ordonnance du 24 avril 2019. Les experts Georges WIES et Gilles KINTZELE ont établi leur rapport commun en date du 18 novembre 2019 et ils ont chiffré la valeur de l’immeuble au montant de 1.044.000,- euros.

Par un troisième jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a rejeté la demande des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) en institution d’une expertise complémentaire et fixé la valeur de la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, construits ou faits par la société SOCIETE1.) au montant de 1.044.000.- euros, et déclaré le jugement commun aux sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.).

Pour fixer la valeur de la propriété, le tribunal a constaté qu’après une description détaillée de l’immeuble à évaluer, les experts ont retenu un volume bâti de 1.390 mètres cubes pour la partie avant (bureaux et logement) et de 2.919 mètres cubes pour la partie arrière (hall industriel) du bâtiment ; qu’ils ont évalué la valeur à neuf d’après le tableau « Gebäudeschätzung » de MM.

PERSONNE1.), PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.) et estimé le facteur de vétusté à appliquer pour le calcul de la valeur réelle à 15% ; qu’ils ont appliqué un facteur de vétusté de 25% pour les aménagements intérieurs et extérieurs. Après évaluation selon la méthode pré-décrite, les experts judiciaires sont arrivés en définitive à une valeur globale de l’immeuble de 1.044.000,-euros. Sous le point 3) du jugement (appréciation du tribunal), le tribunal a comparé le rapport d’expertise judiciaire à celui de l’expert Patrick ZECHES, a mis 8en exergue les points communs (méthode d’évaluation selon des paramètres identiques) et les points divergents (indices de prix de la construction d’avril 2019 et octobre 2019, prise en compte d’une plus-value pour la partie logement et pour des frais divers par l’expert ZECHES et non par les experts judiciaires). Les juges ont relevé « qu’aucun élément du dossier ne permet de dire que les experts judiciaires se sont trompés et que les valeurs avancées par eux ne sont pas justes. Les taux de vétustés appliqué par les experts judiciaires de 20% ne diverge pas fondamentalement du taux de 17,87% appliqué par l’expert ZECHES. Quant à l’évaluation de la valeur à neuf du volume bâti, aucun élément du dossier ne permet de retenir que c’est à tort que les experts judiciaires se sont référés au tableau « Gebäudeschätzung » de MM.

PERSONNE1.), PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.). Les éléments soumis au tribunal ne lui ont pas permis de retenir que la référence de l’expert ZECHES au manuel de MM. PERSONNE5.) et PERSONNE6.) correspondait à une évaluation plus réelle que celles des experts judiciaires ». Le tribunal a estimé que « bien que la valeur des terrains au Luxembourg augmentait de manière constante, les immeubles bâtis subissent à partir de la date de leur construction une moins-value en raison de leur âge et de leur état d’entretien, raison pour laquelle un taux de vétusté est un principe appliqué dans l’évaluation des immeubles. Il paraît dès lors logique que la valeur de l’immeuble, qui doit être appréciée sans égard à la valeur du terrain, se situe aujourd’hui en-dessous de son prix de revient en 2008. De même, est encore sans incidence l’article de presse versé par les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) dès lors qu’en l’espèce, il ne s’agit pas d’évaluer la valeur locative d’un espace de bureaux, mais la valeur vénale d’un immeuble industriel, sans le terrain. La « lettre d’intention d’achat » du 5 novembre 2019 invoquée par les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) n’emporte pas non plus la conviction du tribunal sur le fait que les experts auraient sous-évalué l’immeuble dont il s’agit. Ce courrier a été émis par la société anonyme SOCIETE5.) S.A. suite à l’assignation introductive de la présente instance et donc en pleine procédure d’évaluation de l’immeuble.

Elle ne possède donc pas de force probante suffisamment objective, contrairement aux conclusions circonstanciées communes des deux experts. Etant donné que les conclusions des experts judiciaires sont claires et ne sont mises en doute par aucun élément du dossier, la demande en institution d’une expertise complémentaire présentée par les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) est à rejeter. Aux termes de l’article 8 de la convention de concession : « A l’expiration du droit de superficie, la Commune ou toute autre entreprise tierce voulant acquérir le droit de superficie du terrain en question peut prendre la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations construits ou faits par la Société. » Il se dégage des développements qui précèdent qu’il y a lieu de fixer la valeur des bâtiments, ouvrages ou plantations construits ou faits par la société SOCIETE1.) au montant de 1.044.000.- euros et qu’il y a lieu de dire que la COMMUNE de KAERJENG en prendra la propriété par paiement dudit montant à la société SOCIETE1.). ».

Par exploit d’huissier du 23 décembre 2020, les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont relevé appel contre le jugement du 4 novembre 2020, signifié en date du 17 novembre 2020 et par réformation du jugement entrepris, elles ont sollicité principalement, la fixation de la valeur de la propriété au montant de 2.191.509,29 euros. En ordre subsidiaire, elles ont demandé, sur base de l’article 8 de la convention de cession la nomination d’un collège de deux experts afin de se prononcer dans un seul rapport sur la valeur de la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, construits ou faits par la société SOCIETE1.), sur le terrain situé à ADRESSE4.), d’une contenance de 23 ares et 94 centiares. En ordre plus subsidiaire, elles ont sollicité une contre-expertise pour évaluer la valeur de la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, construits ou faits par la société SOCIETE1.) sur le prédit terrain.

9Par arrêt rendu le 24 novembre 2021, la Cour a rappelé la mission des experts judiciaires soit « de se prononcer dans un seul rapport sur la valeur de la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, construits ou faits par la société SOCIETE1.) S.A. sur le terrain situé à ADRESSE4.)’ d’une contenance de 23 ares, 94 centiares » avant de continuer « Force est de constater que les parties n’ont à aucun stade de la procédure discuté sur la définition de la notion de « valeur de la propriété ». A défaut de précision du concept et en l’absence de toute discussion à ce sujet, il convient de considérer la valeur intrinsèque de la propriété, c’est-à-

dire la valeur propre que le bien a par lui-même. Cette valeur ne tient pas compte du caractère de convenance, de la règle de l’offre et de la demande, ni de la situation géographique de l’immeuble. Il convient de relever d’emblée que c’est dans ce sens que les experts judiciaires ont compris la mission et qu’ils ont effectué leur travail » et de continuer qu’« en instance d’appel, les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) critiquent les mesures faites par les experts judicaires pour ce qui est de la hauteur de l’immeuble. … » Par arrêt du 1er décembre 2022, la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi en cassation dirigé par les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) contre l’arrêt du 24 novembre 2021 par application de l’article 3, alinéas 2 et 3, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Par arrêt du 29 mars 2023, la Cour a entériné les conclusions corrigées des experts judiciaires et a chiffré la valeur de l’immeuble au montant de 1.159.000,- euros.

Quant à l’unique moyen de cassation :

Il est tiré d’une part de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, combiné à l’article 587 du même code, et d’autre part de la violation de l’article 1134 du code civil par dénaturation du contrat.

Dans le cadre de l’unique moyen, divisé en deux branches, les demanderesses en cassation font état d’un vice de forme et d’un vice de fond, et reprochent aux juges de fond simultanément un défaut de réponse à conclusions et la dénaturation du contrat.

En sa première branche, les demanderesses en cassation visent le défaut de motifs et le défaut de réponse à conclusions. Ainsi, la Cour aurait omis de répondre à leurs arguments et moyens tiré de l’article 8 du contrat intitulé concession d’un droit de superficie du 16 juin 2006. La Cour se serait basée sur la valeur intrinsèque de la propriété et non sur la valeur actuelle de celle-ci, préconisée par les demanderesses en cassation à différents stades de la procédure.

Il est constant que le cas d’ouverture du défaut de motifs constitue un vice de forme : un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré. Le défaut de motifs suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré1.

En l’espèce, il appert de l’acte d’appel des demanderesses en cassation contre le jugement rendu le 4 novembre 2020, qu’elles ont utilisé les termes « valeur actuelle » en référence au rapport de l’expert ZECHES « qui évalue la valeur actuelle des objets au double de Monsieur WIES, … », sans se référer aux termes de la convention de concession d’un droit de superficie, conclue 1 Jacques et Louis BORE, La cassation en matière civile, édition 2023/2024, n° 77.41.

10le 16 juin 2006 par-devant notaire (page 3 de l’acte d’appel, pièce 4 déposée le 31 mai 2023) et qu’elles se sont bornées à demander une contre-expertise après que le Tribunal avait retenu dans le jugement du 4 novembre 2020 que « les immeubles bâtis subissent à partir de la date de leur construction une moins-value en raison de leur âge et de leur état d’entretien, raison pour laquelle un taux de vétusté est un principe appliqué dans l’évaluation des immeubles. Il paraît dès lors logique que la valeur de l’immeuble, qui doit être appréciée sans égard à la valeur du terrain, se situe aujourd’hui en-dessous de son prix de revient en 2008. ».

La Cour d’appel a dès lors pu interpréter la notion de « valeur de la propriété » qui n’avait pas été autrement discutée devant elle et inférer qu’il convenait de retenir la « valeur intrinsèque de la propriété c’est-à-dire la valeur propre que le bien a par lui-même et de constater que cette valeur ne tient pas compte du caractère de convenance, de la règle de l’offre et de la demande, ni de la situation géographique de l’immeuble ».

Le juge du fond n’est pas tenu de s’expliquer sur des pièces qui n’emportent pas sa conviction, mais doit préciser celles qui l’ont convaincu2.

Dans son arrêt du 24 novembre 2021, la Cour d’appel a dès lors à bon droit tranché la question relative à la notion de « valeur de la propriété », concept par ailleurs déjà retenu par le Tribunal dans le jugement rendu le 4 novembre 2020, et non attaqué per se par les appelantes, actuelles demanderesses en cassation dans leur acte d’appel. Elle a dès lors motivé sa décision et le reproche tenant au vice de forme allégué est à rejeter.

En sa deuxième branche, les demanderesses en cassation visent la violation de l’article 1134 du Code civil en ce que l’arrêt entrepris aurait dénaturé les termes « pourtant clairs et non équivoques » de l’article 8 de la convention de concession d’un droit de superficie », conclue le 16 juin 2006, qui se réfère à la détermination par des experts de « la valeur actuelle de ces objets. ».

Il est rappelé qu’à la différence de la Cour de cassation française qui décide que chaque fois que l’acte est clair et précis, le juge du fond ne peut, sous peine d’encourir le reproche de la dénaturation, en modifier le sens ou la portée, Votre Cour refuse de façon constante de connaître du grief de la dénaturation des écrits, qu’il s’agisse de la dénaturation de conventions ou d’écrits autres que des conventions, en considérant que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour interpréter les clauses d’une convention ainsi que l’intention des parties contractantes et que leur décision à ce sujet échappe à Votre contrôle.

Sous le couvert du grief d’une violation de l’article 1134 du Code civil par la dénaturation de la convention « concession d’un droit de superficie » datée au 16 juin 2006, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation des termes de cet écrit qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

2 Idem. n° 77.84.

11Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Pour le procureur général d’Etat, le procureur général d’Etat adjoint Christiane Bisenius 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21/24
Date de la décision : 02/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-02-02;21.24 ?

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