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16/01/2024 | LUXEMBOURG | N°49358C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 janvier 2024, 49358C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49358C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49358 Inscrit le 25 août 2023

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Audience publique du 16 janvier 2024 Appel formé par Madame (A), ….., contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2023 (n° 45480 du rôle) en matière de stage

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49358C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 25

août 2023 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49358C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49358 Inscrit le 25 août 2023

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Audience publique du 16 janvier 2024 Appel formé par Madame (A), ….., contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2023 (n° 45480 du rôle) en matière de stage

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49358C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 25 août 2023 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-.. …, …, rue …..

, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 14 juillet 2023 (n° 45480 du rôle) s’étant déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation et ayant déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation dirigé contre un arrêté du 30 novembre 2020 rendu par le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural décidant de résilier le stage de Madame (A) au sein de l’Administration des (B) à partir du 1er décembre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Marc LEMAL déposé au greffe de la Cour administrative en date du 10 octobre 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 novembre 2023 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 décembre 2023 par Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 19 décembre 2023.

1Le 1er mars 2013, Madame (A) fut admise au stage d’expéditionnaire et affectée à ce titre au ministère des Affaires étrangères auprès de la (C). Elle obtint sa nomination définitive le 1er mars 2015.

Par courrier du 15 octobre 2019, le ministre de la Fonction publique informa Madame (A) de sa réussite à l’examen-concours dans le groupe de traitement B1.

Par courrier du 23 décembre 2019, Madame (A) fit parvenir au ministère des Affaires étrangères et européennes sa démission volontaire en vue d’un changement de carrière dans le groupe de traitement B1 avec effet au 1er février 2020, laquelle démission fut acceptée par son ministère d’affectation en date du 31 décembre 2019, sous réserve expresse de la poursuite de l’instruction disciplinaire engagée à son encontre.

Par courrier du 3 janvier 2020, le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », informa Madame (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, cette dernière ayant été entendue dans ce cadre le 9 janvier 2020. Le commissaire du gouvernement clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction le 9 janvier 2020 et le dossier disciplinaire fut transmis au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé « le Conseil de discipline », par courrier du 14 janvier 2020.

Par arrêté du 17 janvier 2020, le ministre de la Fonction publique accorda à Madame (A) la démission de ses fonctions avec effet à partir du 1er février 2020, sous réserve expresse de la non-renonciation à l’action disciplinaire engagée à son encontre.

Par arrêté du 28 janvier 2020, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, désigné ci-après par « le ministre », admit Madame (A) au stage dans le groupe de traitement B1 à l’Administration des (B) à partir du 1er février 2020.

En date du 17 mars 2020, le Conseil de discipline prononça à l’égard de Madame (A) la sanction disciplinaire de la révocation pour avoir procédé à une manipulation illicite du système d’horaire mobile de la (C) depuis janvier 2017 jusqu’à fin novembre 2019. Ladite décision est devenue définitive à la suite d’un arrêt du 24 octobre 2023, inscrit sous le numéro 48869C du rôle, par lequel la Cour administrative débouta Madame (A) du recours en réformation introduit contre la décision précitée du Conseil de discipline du 17 mars 2020.

Par courrier du 6 avril 2020, Madame (A) fut dispensée de service par le directeur de l’Administration des (B) jusqu’à nouvel ordre, le courrier étant libellé dans les termes suivants :

« (…) Par arrêté ministériel du 28 janvier 2020, vous avez été admise au stage à l’Administration des (B) à partir du 1er février 2020.

Suite à votre admission au stage, il s’est avéré que vous n’aviez pas informé les responsables de l’Administration des (B) du fait qu’une affaire disciplinaire était en cours auprès de votre ancien employeur, à savoir la (C).

En effet, nous avons connaissance aujourd’hui du fait que dans le cadre de vos fonctions auprès de la (C), vous avez procédé de manière systématique à des manipulations illicite du système d’horaire mobile.

2Ces faits compromettent votre moralité et par là votre aptitude à l’emploi, et engendrent bien entendu une perte de confiance de mes services en votre personne.

C’est pour cette raison que j’ai décidé de vous dispenser de votre service. Cette dispense, nécessaire vu la situation actuelle, vous est accordée pour un temps limité à partir de la réception de la présente, et ceci jusqu’à nouvel ordre (…).

Le ministre, après avoir été informé par le Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat que pendant sa dispense de service Madame (A) avait travaillé auprès d’un employeur privé du 15 juin au 15 septembre 2020, sans en informer ses supérieurs, et surtout, sans en avoir demandé l’autorisation préalable, informa l’intéressée par courrier recommandé du 18 novembre 2020, conformément aux dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », de son intention de résilier son stage pour faute grave, aux motifs suivants :

« (…) Je viens de recevoir communication du Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat que pendant la phase de votre dispense de service, vous avez commencé à travailler auprès de l’Agence immobilière (D), à savoir du 15 juin au 15 septembre 2020, et ce sans en informer vos supérieurs, et surtout, sans en avoir demandé l’autorisation préalable tel que cela aurait été requis conformément à l’article 14 du statut général des fonctionnaires de l’Etat. De tels agissements risquent de constituer une faute grave au sens de l’article 2, paragraphe 3 du statut général des fonctionnaires de l’Etat.

Par voie de conséquence, je tiens à vous informer que j’envisage de résilier votre stage pour faute grave.

Conformément aux dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, vous avez le droit de présenter vos observations ou de demander à être entendue en personne endéans un délai de huit jours à compter de la réception de la présente (…) ».

Par courrier du 24 novembre 2020, le mandataire de Madame (A) sollicita une entrevue afin de présenter ses observations conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tout en prenant d’ores et déjà position quant aux reproches formulés par le ministre dans sa lettre d’intention précitée du 18 novembre 2020.

Madame (A) fut personnellement entendue en ses observations en date du 27 novembre 2020.

Par décision du 30 novembre 2020, le ministre informa Madame (A) de sa décision de résilier son stage en application de l’article 2, paragraphe (3), de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par « le statut général », ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Suite à la lettre d’intention vous adressée en date du 18 novembre 2020, vous avez sollicité le droit à être entendue en personne conformément à l'article 9, alinéa 3 de la PANC.

3Assistée par votre avocat, vous avez donc exposé votre point de vue face aux éléments que nous avions développé dans la lettre d’intention sus-énoncée, à savoir le fait que vous avez travaillé comme secrétaire auprès de l’Agence immobilière (D), et ce sans en informer vos supérieurs, et surtout, sans en avoir demandé l’autorisation préalable tel que cela aurait été requis conformément à l’article 14 du statut général des fonctionnaires de l’Etat.

Nous avons pris connaissance en date de ce jour de l’ensemble de vos explications.

Il n’en reste pas moins que de tels agissements compromettent votre moralité et constituent une faute grave au sens de l'article 2, paragraphe 3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, qui prévoit que le stage est résiliable notamment pour motifs graves.

Par ailleurs, vos agissements constituent une perte de confiance de mes services en votre personne.

Par voie de conséquence, je suis au regret de résilier votre stage sur base de l'article précité. (…) ».

Le même jour, le ministre prit l’arrêté suivant :

« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu la loi du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu la loi du 14 juillet 2015 portant organisation des (B) de l'agriculture ;

Vu que Madame (A) avait été admise au stage par arrêté du 28 janvier 2020 ;

Vu la décision du ministre de l'Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en date du 30 novembre 2020, communiquée par lettre recommandée à Madame (A) ;

Arrête :

Art. 1er. Le stage de Madame Alex (A) (matricule : …..), stagiaire dans le groupe de traitement B1 à l’Administration des (B), est résilié à partir du 1er décembre 2020. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2021, inscrite sous le numéro 45480 du rôle, Madame (A) fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre « l’arrêté du 30 novembre 2020 du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural qui a résilié avec effet au 1er décembre 2020 [son] stage ».

Par jugement du 14 juillet 2023, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation et déclara irrecevable le recours subsidiaire en annulation, tout en rejetant la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par Madame (A) et en condamnant cette dernière aux frais et dépens de l’instance.

4Pour arriver à cette conclusion, le tribunal retint qu’aucune disposition légale ne prévoyait un recours en réformation contre une décision de résiliation du stage, de sorte qu’il était incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le tribunal constata ensuite que l’arrêté ministériel du 30 novembre 2020, qui seul ferait objet du recours, avait son existence propre par rapport à la décision du même jour du même ministre de résilier le stage, dont l’arrêté constituait l’exécution, et constitue un acte attaquable per se. Dans la mesure où Madame (A) avait toutefois développé exclusivement des moyens visant la décision du ministre du 30 novembre 2020 portant résiliation du stage sans fournir des explications quant au grief lui porté par le seul arrêté ministériel - qualifié erronément d’« arrêté grand-ducal » par les premiers juges -, et sans soulever des moyens dirigés contre cet acte, le tribunal arriva à la conclusion que le recours était irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 25 août 2023, Madame (A) a régulièrement relevé appel du jugement du 14 juillet 2023 dont elle sollicite la réformation, sinon l’annulation, en demandant à la Cour de déclarer recevable son recours dirigé contre l’arrêté du 30 novembre 2020 et, en cas d’évocation, de réformer, sinon d’annuler ledit arrêté et demande encore « à la partie défenderesse » de communiquer le dossier administratif.

Arguments des parties A l’appui de son appel et quant à la question de la recevabilité du recours en annulation, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir déclaré irrecevable son recours, en faisant valoir qu’elle aurait toujours considéré la décision ministérielle du 30 novembre 2020 et l’arrêté ministériel du même jour comme des actes indissociables, voire comme deux éléments d'un même acte administratif, dans la mesure où les deux actes, pris le même jour, émaneraient du même auteur, auraient les mêmes motifs et auraient le « même dispositif, à savoir la résiliation du stage ».

Ce serait dans cette optique, qu’elle aurait indiqué dans sa requête introductive d’instance qu’elle « introduit formellement un recours principalement en réformation sinon subsidiairement en annulation contre l'arrêté du 30 novembre 2020 du Ministre de l'Agriculture de la Viticulture et du Développement rural (ci-après « MAVDR ») qui a résilié avec effet au 1er décembre 2020 le stage de la requérante au sein de l'Administration des (B) (…) », et aurait renvoyé à une pièce n° 1 qui serait constituée des deux actes, à savoir la décision du 30 novembre 2020 et l’arrêté ministériel du même jour.

Elle rappelle encore que la doctrine et la jurisprudence reconnaîtraient la possibilité d'un recours unique contre plusieurs décisions distinctes.

L’appelante fait valoir que comme la motivation, en droit et en fait, des deux actes serait similaire, il faudrait admettre qu’en soulevant des moyens contre les motifs contenus dans la décision du 30 novembre 2020, elle aurait nécessairement soulevé les mêmes moyens à l'égard de l’arrêté ministériel du même jour.

Par rapport au constat du tribunal qu’elle n’aurait pas introduit de recours contre la décision du ministre du 30 novembre 2020 portant résiliation du stage, l’appelante reproche aux premiers juges de se contredire en faisant valoir que si elle avait entrepris la seule décision du 30 novembre 2020, ce serait l’arrêté ministériel du même jour qui aurait dû être considéré comme acquis autorité de la chose décidée et son stage aurait tout de même été résilié.

5 Elle aurait en réalité considéré l’arrêté ministériel et la décision du ministre comme formant un tout, comme il serait impossible de ne déférer qu'un seul de ces deux actes, les deux actes ayant une existence propre, étant tous les deux de nature à faire grief, produisant tous les deux des effets juridiques qui seraient similaires, les deux étant susceptibles d'acquérir autorité de la chose décidée, reposant sur les mêmes motifs et ayant le même dispositif.

L’appelante poursuit que bien que les deux actes aient une existence propre, ils seraient interdépendants, dans la mesure où la décision du 30 novembre 2020 comporterait la motivation détaillée de l’arrêté ministériel du même jour, qui y renverrait dans son visa, de sorte que l’arrêté constituerait l'acte final du processus décisionnel.

En citant une jurisprudence du tribunal administratif du 28 novembre 2018 (n° 40113 du rôle), à propos d’une décision prise par le Conseil de discipline et de l’application qui en est faite par l’autorité de nomination, l’appelante fait valoir que, contrairement au cas où il existe une décision du Conseil de discipline à exécuter par l'autorité de nomination, en l’espèce, les deux autorités de décision et d'exécution ne seraient pas distinctes.

Dès lors, dans le cas spécifique de l’espèce, qui relèverait également de la matière disciplinaire, le rôle de l'autorité de nomination ne se réduirait pas à la mise en œuvre pure et simple d'une décision prononcée par une autre autorité.

Dans cette optique, l'arrêté ministériel ne s'analyserait pas en une simple décision d'application de la sanction disciplinaire prise conformément à la décision d'une autre autorité décisionnelle intervenant préalablement, mais en une véritable décision autonome, faisant grief, prise par l'autorité décisionnelle, dont la motivation en fait et en droit serait formellement contenue, par renvoi du visa, dans la décision du 30 novembre 2020.

En guise de conclusion, l’appelante estime que son recours contre l'arrêté du 30 novembre 2020, qui aurait résilié avec effet au 1er décembre 2020 son stage au sein de l'administration des (B), serait à déclarer recevable.

Par ailleurs, elle prend position par rapport au fond du litige.

Dans sa réponse, l’Etat conclut à la confirmation du jugement.

Le délégué du gouvernement souligne que Madame (A) aurait précisé dans sa requête introductive d’instance de façon claire et précise l'acte contre lequel est introduit son recours, à savoir l'arrêté du 30 novembre 2020, sa volonté de diriger son recours contre le seul arrêté ministériel étant encore confirmée dans le dispositif de son recours dans lequel elle viserait uniquement ledit arrêté, sans faire référence à la décision ministérielle portant résiliation du stage.

Au regard de la jurisprudence en la matière, l’appelante ne serait pas admise à étendre son recours.

La partie étatique insiste ensuite sur le caractère distinct des deux actes, tant matériellement, la décision ministérielle et l'arrêté ministériel étant deux actes distincts, envoyés par des courriers recommandés distincts, que juridiquement, la décision ministérielle étant l'aboutissement de la procédure administrative non contentieuse, décidant de la résiliation 6du stage, l'arrêté ministériel étant l'acte qui permettrait d'exécuter cette décision de résiliation du stage et servant de titre à Madame (A).

Il serait habituel qu'en matière de personnel, les décisions sont exécutées par voie d'arrêté ministériel ou grand-ducal, le délégué du gouvernement soulignant que les entités qui sont appelées à exécuter la décision prise n’auraient pas besoin et, selon les cas, ne devraient même pas connaître les motifs de la décision prise.

La décision ministérielle serait ainsi celle fixant la situation de l'agent et qui lui fait grief car elle affecterait sa situation administrative, tandis que l’arrêté ministériel interviendrait uniquement afin de permettre l'exécution de la décision prise.

Dans sa réplique, l’appelante fait valoir que la jurisprudence citée par l’Etat à propos de la question de l’extension de l’objet d’un recours ne serait pas transposable en l'espèce.

Elle insiste sur la considération que même si son recours avait été dirigé contre le seul arrêté ministériel du 30 novembre 2020, ledit arrêté et la décision de résiliation du stage du même jour constitueraient des actes indissociables et représenteraient deux éléments d'un même acte administratif.

Elle souligne qu’il serait impossible de ne déférer qu'un seul de ces deux actes, dans la mesure où les deux actes auraient une existence propre, seraient tous les deux de nature à faire grief, produiraient tous les deux des effets juridiques similaires et seraient susceptibles d'acquérir l'autorité de la chose décidée, alors que les deux actes reposent sur les mêmes motifs et ont le même dispositif.

Pour le surplus, elle reprend en substance les considérations avancées à l’appui de son acte d’appel.

Dans sa duplique, l’Etat fait état de l’arrêt de la Cour administrative du 24 octobre 2023, inscrit sous le numéro 48869C du rôle, ayant confirmé la sanction de la mise à la retraite d'office retenue par les juges de première instance à l’encontre de Madame (A).

Il se prévaut de l’article 2, paragraphe (1), du statut général et conclut qu’au vu de cet arrêt, Madame (A) ne pourrait plus travailler auprès de l'Etat, de sorte que le présent litige n’aurait plus d'objet.

Analyse de la Cour Force est de constater que dans sa duplique, l’Etat soulève la question de l’objet du recours de Madame (A), qui tend à la réformation, sinon à l’annulation de « l’arrêté du 30 novembre 2020 du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural qui a résilié avec effet au 1er décembre 2020 [son] stage » au sein de l’Administration des (B).

Cette demande de Madame (A) suppose, pour avoir un quelconque effet utile, que l’appelante puisse poursuivre son stage lorsqu’il est fait droit à sa demande.

Force est toutefois de constater que l’article 2, paragraphe (1), du statut général invoqué par le délégué du gouvernement, dispose ce qui suit :

7« (…) L'admission au service de l'Etat est refusée aux candidats qui étaient au service de l'Etat et qui ont été licenciés, révoqués ou démis d'office. Elle est également refusée aux candidats dont le contrat a été résilié sur base de l'article 5 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État, dont le stage a été résilié pour motifs graves ou qui ont obtenu pour la seconde fois un niveau de performance 1 (…) ».

En application de cette disposition et dans la mesure où la sanction de la mise à la retraite d’office, telle que prononcée par le tribunal à travers son jugement du 14 mars 2023, inscrit sous le n° 44420 du rôle, est depuis l’arrêt de la Cour administrative du 24 octobre 2023 devenue définitive, Madame (A) ne pourra plus être admise au service de l’Etat.

La conséquence en est que la réformation ou l’annulation de la résiliation de son stage, telle que sollicitée, ne pourra en tout état de cause pas avoir pour effet sa réintégration au service de l’Etat.

Force est encore de constater que le litismandataire de Madame (A), face aux conclusions de l’Etat à travers sa duplique, n’a ni sollicité l’autorisation de déposer un mémoire additionnel, ni ne s’est-il présenté à l’audience des plaidoiries pour présenter des observations orales par rapport au moyen étatique selon lequel son recours aurait perdu son objet, mais s’est déclaré d’accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans autres formalités.

Au regard des dispositions de l’article 2, paragraphe (1), du statut général et des conclusions en tirées par la Cour par rapport à la demande de Madame (A) et à défaut d’autres explications fournies par celle-ci contredisant les conclusions de l’Etat, la Cour est amenée à retenir que le recours de Madame (A) n’a plus d’objet.

Cette conclusion s’impose indépendamment de la question de savoir si son recours vise uniquement l’arrêté du ministre du 30 novembre 2020 ou aussi la décision ministérielle du même jour portant résiliation du stage et indépendamment du débat mené par l’appelante au sujet du bien-fondé de la conclusion des premiers juges lui ayant dénié un intérêt à agir à défaut d’avoir expliqué en quoi le seul arrêté ministériel lui ferait grief et à défaut d’avoir invoqué de moyen contre ledit acte, dans la mesure où, en tout état de cause, une réformation ou une annulation éventuelle, que ce soit de l’arrêté seul ou en combinaison avec la décision de résiliation, ne peut donner à l’appelante une quelconque satisfaction dans le sens d’un maintien au service de l’Etat.

Au regard du constat que le recours a perdu son objet, il n’y a pas non plus lieu de statuer sur la demande en communication du dossier administratif complet, l’analyse de cette demande étant surabondante.

L’appelante sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de …… euros en première instance et de ….. euros pour l’instance d’appel.

Eu égard à l’issue du litige, il n’apparaît pas comme étant inéquitable de laisser à charge de l’appelante les frais irrépétibles en application des dispositions combinées des articles 33 et 54 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Il convient dès lors de la débouter de ses demandes afférentes.

8 Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

constate que le recours a perdu son objet, partant le rejette ;

déboute l’appelante de ses demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. …… s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 janvier 2024 Le greffier de la Cour administrative 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49358C
Date de la décision : 16/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-01-16;49358c ?

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