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04/01/2024 | LUXEMBOURG | N°03/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 janvier 2024, 03/24


N° 03 / 2024 du 04.01.2024 Numéro CAS-2023-00029 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre janvier deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maîtr

e Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et...

N° 03 / 2024 du 04.01.2024 Numéro CAS-2023-00029 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre janvier deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et la société à responsabilité limitée - société d’impact sociétal SOCIETE1.), anciennement SOCIETE1.) a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 147/22 - III - TRAV, rendu le 22 décembre 2022 sous le numéro CAL-2022-00426 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 24 février 2023 par PERSONNE1.) à la société à responsabilité limitée - société d’impact sociétal SOCIETE1.), (ci-après « la société SOCIETE1.) ») déposé le 13 mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 20 avril 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 24 avril 2023 au greffe de la Cour ;

Ecartant le nouveau mémoire intitulé « Mémoire en réponse en cassation », signifié le 15 mai 2023 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 25 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, pour ne pas répondre, quant à son objet, aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;

Ecartant la pièce déposée par Maître Nicky STOFFEL en date du 19 avril 2023 au greffe de la Cour, en ce qu’elle est postérieure à l’arrêt attaqué et n’a pu être produite devant les juges d’appel, conformément aux prescriptions de l’article 25 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail de Luxembourg avait déclaré régulier et justifié le licenciement avec effet immédiat du demandeur en cassation et l’avait débouté de ses demandes en indemnisation. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 225 du Nouveau code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par le demandeur en cassation, a rejeté le rapport d’expertise HIRSCH du 28 octobre 2022, faute de pertinence et a retenu que le demandeur en cassation n’aurait pas justifié de l’existence d’une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, alors que selon l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée pour cause grave, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal. ».

Réponse de la Cour L’article 225 du Nouveau Code de procédure civile prévoit une simple faculté, dont l’exercice relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 222-2 paragraphe 6 du Nouveau code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par le demandeur en cassation, alors que selon l’article 222-2 (6) le juge de la mise en état peut, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire ou sur demande motivée d’une partie, ordonner d’office la production de conclusions supplémentaires. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 4 du Code civil, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt entrepris du 22 décembre 2022 a décidé que faute de pièces versées dans le dossier établissant le contraire, la Cour ne peut que retenir qu’aucun recours contre la décision de la CNS du 4 décembre 2019 n’a été introduit en l’espèce, sans poser la question concrètement aux parties, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, Alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. ».

Réponse de la Cour Le grief adressé aux juges d’appel, qui n’avaient pas à suppléer la carence du demandeur en cassation dans son obligation d’établir le bien-fondé de sa demande, est étranger à la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 22 décembre 2022 a décidé que les éléments de preuve du demandeur en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une comparution personnelle des parties, et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, Alors que selon les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile le magistrat de la mise en état joue un rôle actif et peut entendre les avocats et leur faire toutes communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Il peut encore inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige.

Il peut encore, même d’office, entendre les parties.

Finalement, il exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. ».

Réponse de la Cour Il résulte des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la mise en état simplifiée était applicable devant la Cour d’appel.

Les dispositions visées au moyen, toutes relatives à la procédure ordinaire devant le magistrat de la mise en état, sont étrangères à l’arrêt attaqué.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité sollicitée de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Pierre REUTER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier en chef Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ la société à responsabilité limitée -société d’impact sociétal– SOCIETE1.), anciennement SOCIETE1.) asbl (affaire n° CAS-2023-00029 du registre) Le pourvoi en cassation, introduit par PERSONNE1.) par un mémoire en cassation signifié le 24 février 2023 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 13 mars 2023, est dirigé contre un arrêt n° 147/22 – III – TRAV, n° CAL – 2022 -00426 du rôle, rendu le 22 décembre 2022 par la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, statuant contradictoirement.

Suivant les renseignements fournis, cet arrêt n’a pas été signifié à la partie demanderesse en cassation.

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est dès lors recevable.

Le mémoire en réponse de la société à responsabilité limitée –société d’impact sociétal-

SOCIETE1.), anciennement SOCIETE1.) asbl, signifié le 20 avril 2023 et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 24 avril 2023, soit endéans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi modifiée du 18 février 1885 précitée, est à considérer comme recevable.

PERSONNE1.) a encore, le 15 mai 2023, signifié au défendeur en cassation un mémoire en réplique, qui a été déposé à la Cour Supérieure de Justice en date du 25 mai 2023.

Ce mémoire est à écarter des débats comme sortant du cadre tracé par l’article 17 de la loi modifiée du 18 février 1885 précitée, en ce qu’il ne fait que réitérer et renforcer les critiques déjà exposées dans le mémoire en cassation.

Par courrier daté au 18 avril 2023 et déposé à la Cour Supérieure de Justice le 19 avril 2023, le défendeur en cassation demande à voir écarter des débats la pièce supplémentaire lui transmise par le demandeur en cassation par télécopie en date du 18 avril 2023 et déposée au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 19 avril 2023. Il fait à cet égard valoir que cette pièce n’a pas été indiquée dans le mémoire en cassation et qu’elle a été produite après le délai légal.

En l’occurrence il y a lieu de relever que la pièce litigieuse consiste en une décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 24 mars 2023 dans une affaire opposant le demandeur en cassation à la Caisse Nationale de Santé.

Aux termes de l’article 25 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, « Les faits allégués dans les mémoires signifiés avant l’arrêt qui statue sur le pourvoi, et non établis par le jugement ou l’arrêt attaqué, ne peuvent être prouvés que par des pièces écrites et produites devant le juge qui a rendu la décision attaquée. ».

Dans la mesure où la pièce litigieuse, qui est postérieure à l’arrêt dont pourvoi, n’a pas pu être produite devant les juges d’appel ayant prononcé l’arrêt attaqué et que, de surcroît, elle a été transmise à la partie adverse par simple télécopie, cette pièce est, conformément à la demande du défendeur en cassation, à écarter des débats.

Faits et rétroactes Le demandeur en cassation a été licencié avec effet immédiat en date du 20 février 2020 par son ancien employeur, l’actuel défendeur en cassation, au motif que le fait de ne pas avoir repris son travail à partir du 4 décembre 2019, alors même que la Caisse Nationale de Santé l’avait reconnu apte à travailler à partir de cette date, serait constitutif d’une faute grave dans son chef.

Suivant jugement du 24 février 2022, rép fisc. n°682/2022, le tribunal du travail a déclaré le licenciement justifié et a dit les demandes en obtention de dommages-intérêts du demandeur en cassation non fondées.

Le demandeur en cassation a relevé appel de ce jugement en faisant, entre autres, valoir que malgré le courrier de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019, il aurait bénéficié de la protection contre le licenciement en raison des certificats médicaux remis à son ancien employeur après le 4 décembre 2019.

L’instruction a été clôturée le 27 septembre 2022.

Par téléfax du 11 novembre 2022, le demandeur en cassation a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction, au motif qu’il souhaiterait encore verser une nouvelle pièce, à savoir le rapport neuropsychiatrique de l’expert Dr Roland HIRSCH du 28 octobre 2022, qui établirait que le demandeur en cassation aurait été dans l’incapacité de reprendre son activité professionnelle du « 4 décembre 2019 au 6 janvier 2020, du 21 janvier 2020 au 17 février 2020, du 18 février 2020 au 16 mars 2020 et du 17 mars 2020 au 31 mars 2020 ».

Suivant arrêt n° 147/22 – III TRAV, n° CAL-2022-00426 du rôle, rendu le 22 décembre 2022, la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande en révocation de l’ordonnance de clôture, au motif que l’existence d’une cause grave requise aux termes de l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, ne serait pas établie.

La Cour a par ailleurs déclaré l’appel non fondé et a confirmé le jugement entrepris.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par le demandeur en cassation, a rejeté le rapport d’expertise HIRSCH du 28 octobre 2022, faute de pertinence et a retenu que le demandeur en cassation n’aurait pas justifié de l’existence d’une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, alors que selon l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée pour cause grave, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal ».

Il appert de la discussion du moyen que le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué de ne pas avoir fait droit à sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture, au motif qu’aucune pièce ne serait versée au dossier permettant de conclure qu’un recours avait été introduit contre la décision de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019 l’informant qu’il avait été reconnu apte à reprendre son travail et que son indemnité pécuniaire de maladie était partant supprimée à partir de cette date.

Pour établir que ce postulat est erroné et qu’il résulterait en vérité des pièces versées au dossier d’appel qu’un recours avait bien été introduit contre la décision du 4 décembre 2019, le demandeur en cassation souligne qu’il ressortirait du jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 1er juillet 2022 qui était joint à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, qu’il avait attaqué les décisions du Conseil d’administration de la Caisse Nationale de Santé des 19 juin et 27 juillet 2020 refusant la prise en charge des indemnités pécuniaires de maladie, au titre de ses interruptions de travail postérieurement au 4 décembre 2019.

Il termine son raisonnement en retenant, « Or, la décision de refus de prise en charge de la Caisse Nationale de Santé du 19 juin 2020 indique notamment qu’un recours avait bel et bien été formé contre la décision du 4 décembre 2019 ».1 Tout d’abord il y a lieu de relever qu’en l’occurrence la Cour d’appel, pour écarter la « cause grave » pouvant justifier la révocation de l’ordonnance de clôture conformément à l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, a motivé sa décision en les termes suivants, « Faute de pièces versées dans le dossier établissant le contraire, la Cour ne peut que retenir qu’aucun recours contre la décision de la CNS du 4 décembre 2019 n’a été introduit en l’espèce.

Dans ce contexte, le rapport d’expertise du Dr. Roland HIRSCH, daté du 28 octobre 2022, et transmis par l’appelant en date du 11 novembre 2022, est à rejeter, faute de pertinence.

1 Voir, mémoire en cassation, page 5, paragraphe 2 in fine.

L’appelant n’ayant pas justifié de l’existence d’une cause grave requise par l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile, sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction du 27 septembre 2022, n’est pas fondée. ».

La Cour d’appel, pour refuser d’accueillir la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, s’est donc expliquée sur la cause grave invoquée à l’appui de la demande en révocation, de sorte à donner une base légale à sa décision.

Sous le couvert d’une violation de la disposition visée, le moyen ne tend dès lors qu’à remettre en cause et rediscuter l’appréciation souveraine, par les juges du fond, de la « cause grave » prévue à l’article 225 du Nouveau Code de procédure civile et de la pertinence des éléments de fait et de preuve leur soumis, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Le moyen ne saurait partant être accueilli.

Cette réponse est d’ailleurs conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation française qui abandonne au pouvoir souverain des juges du fond l’appréciation de la cause grave justifiant la révocation d’une ordonnance de clôture.2 A titre subsidiaire, pour autant que Votre Cour entende apprécier la cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, la soussignée relève qu’il ne résulte d’aucune pièce à laquelle Votre Cour peut avoir égard, qu’un recours a effectivement été introduit contre la décision de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019. En effet, ni un quelconque recours, ni même la décision du 19 juin 2020 indiquant prétendument qu’un recours aurait été formé contre la décision du 4 décembre 2019 ne sont versés en cause.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 222-2 paragraphe 6 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par le demandeur en cassation, alors que selon l’article 222-2 (6) le juge de la mise en état peut, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire ou sur demande motivée d’une partie, ordonner d’office la production de conclusions supplémentaires.

A la lecture des développements il semble que le deuxième moyen de cassation consiste à reprocher aux juges du fond de ne pas avoir fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en dépit du dépôt du rapport d’expertise du Dr. Roland HIRSCH établi en date du 28 octobre 2022 dans le cadre d’une procédure pendante devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale, et de ne pas avoir ordonné d’office aux parties de produire des conclusions supplémentaires suite au dépôt de ce rapport d’expertise après la clôture de l’instruction.

2 BORÉ, La cassation en matière civile, 6e édition, n° 67.148, notamment Civ. 1re, 6 juillet 1976, n°75-13.535.

Afin de rendre le moyen tant soi peu intelligible, une interprétation possible, bien que très large, serait d’admettre que le demandeur en cassation ait voulu soutenir qu’au regard de l’article 222-

2 (6) du Nouveau Code de procédure civile, afin de pouvoir solliciter la production de conclusions supplémentaires suite au dépôt de la nouvelle pièce versée après la clôture de l’instruction, il aurait nécessairement incombé à la Cour d’appel de révoquer l’ordonnance de clôture.

Autrement formulé, la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction aurait-elle, dans cette optique, été un préalable nécessaire et indispensable à l’application de l’article 222-2 (6) du Nouveau Code de procédure civile.

En premier lieu il échet de constater qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-

ci encourt le reproche allégué.

Or, le moyen tel qu’il est formulé, omet de préciser en quoi la disposition légale visée aurait été violée, c’est-à-dire pour quelle raison la Cour d’appel aurait méconnu l’article 222-2 (6) du Nouveau Code de procédure civile en rejetant la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par le demandeur en cassation.

Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 de la loi précitée, peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent cependant suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Dans la mesure où, en l’espèce, la discussion du moyen n’est guère plus explicite et, en tout état de cause, pas non plus de nature à remédier aux vices affectant son articulation, le moyen est à déclarer irrecevable pour manque de précision.

A titre subsidiaire, il y a lieu de relever que l’article 222-2 (6) du Nouveau Code de procédure civile est inséré au Titre IX du Nouveau Code de procédure civile, à la section 3-1 ayant trait à la « mise en état simplifiée », et accorde au juge de la mise en état la faculté d’ordonner la production de conclusions supplémentaires avant la clôture de l’instruction.

Le texte de loi visé au moyen est dès lors manifestement étranger au grief formulé et le moyen est partant encore irrecevable de ce chef.

Plus subsidiairement, sous le couvert d’une violation de l’article 222-2 (6) du Nouveau Code de procédure civile, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par les juges du fond, de la « cause grave » justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 4 du Code civil, en ce que la Cour d’appel dans son arrêt entrepris du 22 décembre 2022 a décidé que faute de pièces versées dans le dossier établissant le contraire, la Cour ne peut que retenir qu’aucun recours contre la décision de la CNS du 4 décembre 2019 n’a été introduit en l’espèce, sans poser la question concrètement aux parties, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Dans le cadre de son troisième moyen, le demandeur en cassation critique les juges du fond de l’avoir débouté de sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture, en se limitant à constater l’absence de pièces versées au dossier de nature à établir l’introduction d’un recours contre la décision de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019, au lieu d’avoir pris l’initiative d’ordonner une comparution personnelle de parties et d’avoir averti le demandeur en cassation que pour prospérer dans sa demande, il lui faudrait produire des éléments de preuve supplémentaires.

Autrement formulé, le constat que les pièces versées à l’appui de la demande en révocation de l’ordonnance de clôture étaient insuffisants, aurait nécessairement dû conduire les magistrats du fond à ordonner d’office des mesures d’instruction additionnelles et à mettre en garde le demandeur en cassation qu’il lui faudrait instruire d’avantage sa demande.

En adoptant cette attitude passive, la Cour d’appel aurait commis un déni de justice au sens de l’article 4 du Code civil.

Tout d’abord il y a lieu de rappeler les termes de l’article 4 du Code civil qui sanctionne le refus du juge de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi.

Or, en l’occurrence, la lecture du seul moyen ne laisse aucune place au doute ou à l’interprétation, en ce qu’en réalité le demandeur en cassation ne reproche pas aux juges du fond d’avoir refusé de juger, mais il leur reproche d’avoir rejeté sa demande sur base des éléments de preuve lui soumis, sans ordonner d’office des mesures d’instruction supplémentaires et sans encourager les parties à rassembler et à verser des preuves additionnelles.

Il en suit que la disposition visée au moyen est étrangère au grief formulé.

Le moyen est partant irrecevable.

A titre subsidiaire, il y a lieu de rappeler que la Cour d’appel a débouté le demandeur en cassation de ses prétentions, au motif qu’il n’aurait pas prouvé le bien-fondé de sa demande.

Or, la motivation de la Cour d’appel qui, après avoir constaté que la preuve de l’introduction d’un recours contre la décision de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019 n’avait pas été produite, a rejeté, pour défaut de pertinence, le rapport d’expertise du Dr. Roland HIRSCH et a, par voie de conséquence, débouté le demandeur en cassation de sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction, faute d’avoir établi l’existence d’une « cause grave », ne peut être critiquée au titre d’un moyen tiré de la violation de l’article 4 du Code civil.

La soussignée entend rappeler à cet endroit qu’en application de l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu’en vertu de l’article 351 alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer à la carence des parties dans l’administration de la preuve.3 Par ailleurs, aux termes de l’article 1315 alinéa 1er du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

En l’occurrence, au vu des dispositions législatives citées ci-dessus, les magistrats du fond ont donc parfaitement agi dans le cadre de leur champ de compétences en analysant le bien-fondé de la demande sur base des pièces versées en cause.

Il en suit que, sous le grief non fondé de la violation de l’article 4 du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui, n’ayant pas à suppléer la carence du demandeur en cassation dans l’administration de la preuve, alors qu’il appartient aux parties de justifier leurs prétentions par tout moyen de preuve légalement admissible, ont estimé que la preuve de l’introduction d’un recours contre la décision de la Caisse Nationale de Santé du 4 décembre 2019 n’avait pas été rapportée et que, partant, l’existence d’une « cause grave » justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction, n’était pas non plus établie.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 22 décembre 2022 a décidé que les éléments de preuve du demandeur en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une comparution 3 Par carence, le législateur entend l’abstention d’une partie d’apporter à l’administration de la preuve d’un fait qu’elle allègue, le concours qu’elle a la possibilité de fournir. La mesure d’instruction a un caractère subsidiaire et est destinée à compléter les éléments de preuve fournis au juge. Il appartient en effet tout d’abord à une partie d’agir et de se procurer les preuves nécessaires à la déduction en justice de son droit. (voir, Jurisclasseur Procédure Civile, art. 146, no 23 et suivants).

personnelle des parties, et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, alors que selon les articles 203, 205, 207 et 2011 du Nouveau Code de procédure civile le magistrat de la mise en état joue un rôle actif et peut entendre les avocats et leur faire toutes communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Il peut encore inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige.

Il peut encore, même d’office, entendre les parties.

Finalement, il exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Le quatrième moyen de cassation rejoint le troisième moyen, en ce qu’il critique les juges du fond d’avoir débouté le demandeur en cassation de ses prétentions sur base des éléments de fait et de preuve leur soumis de manière spontanée, sans avoir ordonné, même d’office, des mesures d’instruction supplémentaires et informé le demandeur en cassation que les pièces versées à l’appui de sa demande n’étaient pas suffisants.

Le demandeur en cassation reproche donc à la Cour d’appel de ne pas avoir accueilli sa demande, au motif que les éléments de preuve fournis auraient été incomplets, alors même qu’aux termes des dispositions légales visées au moyen, le magistrat de la mise en état aurait été chargé de diriger l’instruction, en sorte qu’il lui aurait incombé d’inviter les parties à produire les éléments de preuve supplémentaires et de conclure sur la question du recours contre la décision de la Caisse Nationale de Santé.

En premier lieu il échet de constater que les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, qui sont applicables à la procédure de mise en état et insérés au Titre IX du Nouveau Code de procédure civile à la section 3, portant sur la « mise en état ordinaire », fixent l’étendue des pouvoirs du juge ou du conseiller sous le contrôle duquel une affaire est instruite durant la phase de la mise en état. L’ouverture des débats devant le tribunal ou la Cour d’appel signe le dessaisissement du juge ou conseiller de la mise en état.

Or, la lecture tant du moyen en lui-même que des développements, fait apparaître que le demandeur en cassation semble faire l’amalgame entre la phase de la mise en état sous le contrôle du conseiller chargé de diriger l’instruction du dossier et la phase de jugement, par définition postérieure à l’instruction.

De surcroît ressort-il des pièces versées au dossier que la mise en état simplifiée était applicable à la présente affaire.

A l’évidence les dispositions visées au moyen ne sont donc pas d’application dans la présente espèce.

En effet faut-il, à l’instar des deuxièmes et troisièmes moyens constater, qu’ici encore, les dispositions visées au moyen sont étrangères au grief formulé.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

En deuxième lieu, le quatrième moyen est encore irrecevable en ce qu’il met en œuvre quatre cas d’ouverture différents sans qu’il ne soit subdivisé en branches :

- premièrement, la violation de l’article 203 du Nouveau Code de procédure civile qui porte sur la désignation et la mission générale du juge ou conseiller de la mise en état ;

- deuxièmement, la violation de l’article 205 du Nouveau Code de procédure civile qui donne compétence au juge ou conseiller désigné d’inviter les parties à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu et à fournir des explications en fait et en droit nécessaires à la solution du litige ;

- troisièmement, l’article 205 du Nouveau Code de procédure civile qui a trait à l’audition des parties et - quatrièmement, l’article 2011 du Nouveau Code de procédure civile, qui attribue au juge ou conseiller de la mise en état tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Dès lors, dans la mesure où aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture, le quatrième moyen, en ce qu’il met en œuvre quatre cas d’ouverture distincts, est à déclarer irrecevable.

Plus subsidiairement, la soussignée renvoie à ses développements sous le troisième moyen de cassation, dans le cadre duquel il a été exposé que la liberté des magistrats du fond pour ordonner d’office des mesures d’instruction se heurte à différentes dispositions légales, dont notamment les articles 58 et 351 du Nouveau Code de procédure civile et l’article 1315 du Code civil.

Par conséquent, le quatrième moyen ne saurait, en tout état de cause, être accueilli, alors que la Cour d’appel a jugé endéans les limites lui imposées par la loi.

Il faut en conclure, qu’en fin de compte, le quatrième moyen de cassation ne tend dès lors, sous le couvert du reproche tiré de la violation de la disposition visée au moyen, qu’à remettre en discussion l’appréciation par la Cour d’appel des éléments de fait et de preuve lui soumis, appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général Anita LECUIT 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 03/24
Date de la décision : 04/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-01-04;03.24 ?

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