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19/12/2023 | LUXEMBOURG | N°49173C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 décembre 2023, 49173C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49173C ECLI:LU:CADM:2023:49173 Inscrit le 14 juillet 2023 Audience publique du 19 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consort, (aa) (France), contre un jugement du tribunal administratif du 5 juin 2023 (n° 46399 du rôle) en matière d’impôts Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49173C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 14 juillet 2023 par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT S.à r.l., avocat à la Cour, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, ayant son siège social à L-1511 Luxembourg, 148, a...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49173C ECLI:LU:CADM:2023:49173 Inscrit le 14 juillet 2023 Audience publique du 19 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consort, (aa) (France), contre un jugement du tribunal administratif du 5 juin 2023 (n° 46399 du rôle) en matière d’impôts Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49173C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 14 juillet 2023 par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT S.à r.l., avocat à la Cour, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ayant son siège social à L-1511 Luxembourg, 148, avenue de la Faïencerie, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 246634, représentée par Maître Stephane EBEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A) et de son épouse, Madame (B), demeurant ensemble à F-… (France), …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 5 juin 2023 (n° 46399 du rôle), par lequel ils ont été déboutés de leur recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 mai 2021 ayant déclaré irrecevable leur réclamation introduite le 29 mars 2021 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 octobre 2023 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 30 novembre 2023.

1 En date du 20 septembre 2017, le bureau d’imposition Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur (A) et de Madame (B), ci-après désignés par « les époux (A-B) », le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014.

Par courrier de leur mandataire du 29 mars 2021, les époux (A-B) introduisirent une réclamation contre ledit bulletin d’imposition.

Par décision du 28 mai 2021, référencée sous le numéro C …, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », déclara la réclamation irrecevable pour être tardive, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 29 mars 2021 par Me Stéphane Ebel, de l’étude d’avocats Duvieusart Ebel, au nom des époux, le sieur (A) et la dame (B), demeurant à F-(aa), pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les réclamants reprochent au bureau d’imposition d’avoir établi par voie d’une taxation le revenu imposable de l’année 2014 ;

Considérant que les réclamants n’ayant réservé aucune suite aux divers rappels les invitant au dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014, notamment à la sommation d’astreinte et à la décision liquidant l’astreinte en question, le bureau d’imposition était fondé à procéder par voie de taxation conformément au § 217 AO ;

Considérant que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 a été émis le 20 septembre 2017 et notifié sous simple pli fermé, à l’adresse au …, à F-(aa) ; qu’aux termes du § 228 AO « Les décisions visées aux §§ …, 211, 212, 212a alinéa 1er, 214, 215, 215a et 235 peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué.[…] », et qu’aux termes du paragraphe 245 AO, « (1) Le délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§ 228 AO) et de trois mois au contentieux des actes détachables (§ 237 AO). » Considérant que les réclamants allèguent que le réclamant « ne s’est jamais fait notifier le bulletin d’imposition de l’exercice 2014 », emportant la conséquence, d’après eux, que le délai de recours n’aurait pas commencé à courir ; qu’ils estiment que la présente réclamation, introduite environ trois années et demie depuis l’émission du bulletin litigieux, serait à considérer comme recevable ;

Considérant que la question pertinente en l’espèce est celle de savoir si le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 a été correctement notifié aux requérants et, à cet effet, à partir de quelle date les réclamants ont quitté le Grand-Duché de Luxembourg afin d’établir leur résidence en France ;

2Considérant, en ce qui concerne le réclamant, que le registre national des personnes physiques indique « pays imprécis » pour la période du 14 janvier 2016 au 14 mai 2020, le service de la population de la … ayant radié d’office l’adresse du requérant le 14 janvier 2016 ; qu’à partir du 14 mai 2020, le réclamant est déclaré au …, à F-(bb), adresse enregistrée par le Centre commun de la sécurité sociale ; que force est de constater que la date d’émission du bulletin litigieux tombe dans la période pour laquelle ledit registre ne disposait pas d’adresse valable du réclamant, faute par celui-ci d’avoir déclaré son départ aux autorités compétentes ;

Considérant, en ce qui concerne la réclamante, que le registre renseigne qu’elle habiterait au …, à L-(cc) depuis le 19 août 2014 ; qu’il se dégage cependant d’un procès-verbal de constat de recherche établi le 4 mars 2019 par un agent du bureau de recette de l’administration des contributions directes, que la réclamante ne résidait plus à cette adresse (« je n’ai plus trouvé trace d’une présence de la dame (B) » et « les personnes interrogées sur place n’ont pas connaissance d’une présence de la dame (B) à cette adresse ») ;

Considérant qu’en date du 5 octobre 2017, par le biais de leur fiduciaire de l’époque, les réclamants ont envoyé par courrier électronique une déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ; qu’il se dégage de ce courrier que « Les déclarations fiscales 2014 établies en date du 19.11.2015 semblaient avoir été transmises en leur temps » ; qu’or, ces « déclarations » n’avaient justement pas été transmises, étant donné qu’il ressort de la présente requête que « les revenus ayant été taxés d’office faute de dépôt de déclaration de l’exercice 2014 (bien qu’instruction claire avait été donnée au comptable pour ce faire) » ; que la requête introduite le 5 octobre 2017 ne porte cependant pas de signature ;

Considérant qu’au cours de l’année litigieuse le réclamant a exercé la profession de dentiste au Grand-Duché de Luxembourg ; qu’il a logé son cabinet médical dans un immeuble sis au …, à L-(cc) ; que dans son placet, il invoque avoir « cessé son activité dentaire à (cc) en 2015 pour aller s’établir dans l’ouest de la France ((aa)) » ;

Considérant que dans la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015, signée le 19 décembre 2016 et remise le 2 janvier 2017, les réclamants ont indiqué que leur domicile actuel se situerait au …, à F-(aa) ; que cette adresse correspond à celle du cabinet dentaire du réclamant ;

Considérant qu’au vu de ce qui précède, il est manifeste que les résidents demeurent au …, à F-(aa) depuis l’année 2015 mais au moins depuis la fin de l’année 2016 et la date de dépôt de leur déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015 ; que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017, a été notifié à l’adresse aux (aa), telle qu’indiquée par les requérants ;

Considérant que les réclamants estiment que les prescriptions des §§ 88 et 89 AO n’auraient pas été respectées étant donné que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ne leur a pas été notifié par voie recommandée ; qu’il s’ensuivrait, toujours d’après eux, que le délai de recours de trois mois à compter de la notification du bulletin litigieux n’aurait pas commencé à courir et que le présent recours serait recevable tel que cela a été retenu supra ;

Considérant que, si faute de notification ou autrement, un bulletin n’est pas exécutoire (§ 91 AO), la réclamation est sans objet ; qu’il est pour le moins étonnant que les réclamants, 3dans une première étape, affirment ne pas avoir réceptionné le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, et puis, insistent sur le fait que ce dernier aurait impérativement dû leur être notifié par voie recommandée ;

Considérant que la notion de notification (« Zustellung ») se trouve explicitée par le § 88 AO disposant ce qui suit :

« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist.

(4) Als Zustellung an eine Behörde genügt die Vorlegung der Unterschrift.

(5) Les documents peuvent être notifiés, par envoi recommandé ou par voie électronique, directement à une personne établie sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne. » ;

Considérant qu’en ce qui concerne les mécanismes de l’envoi et de la notification des bulletins d’impôt en général, il y a lieu de se référer au § 211 AO ainsi qu’au règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 en portant exécution ; que l’alinéa 3 du § 211 AO retient que « Die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen. Der Großherzog kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen » et le règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 en portant exécution dispose que :

- article 2 : La notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise de l’envoi à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu.

- article 3 : La présomption de l’article 2 n’est pas renversée par le fait que le destinataire refuse sans motif légitime d’accepter l’envoi ou néglige de le réclamer en temps utile ;

Considérant que d’après l’article 2 du règlement grand-ducal précité concernant la notification des bulletins en matière d’impôts directs, la notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu ; que suivant l’article 1er de ce règlement, peuvent être notifiés aux destinataires par simple pli fermé à la poste, les bulletins qui fixent une cote d’impôt, ceux qui établissent séparément une valeur unitaire ou des revenus d’une certaine catégorie, ceux qui fixent la base d’assiette d’un impôt réel et ceux qui appellent en garantie un tiers responsable du paiement de l’impôt ; qu’en vertu de ces dispositions, le bulletin litigieux, émis le 20 septembre 2017, a été notifié aux réclamants le 25 septembre 2017 ;

4Considérant que suivant le § 89 AO, les contribuables qui ont leur résidence ou leur siège à l’étranger, doivent désigner, sur demande du bureau d’imposition, un mandataire établi sur le territoire national, habilité à réceptionner en leur nom les écrits qui leur sont destinés ; qu’à défaut, les dispositions du § 88 AO sont applicables ; que les réclamants entendent se baser sur ces dispositions, ainsi que sur une jurisprudence afin de démontrer que le délai de réclamation n’a pas commencé à courir le 25 septembre 2017, l’administration des contributions directes ne sachant prouver qu’il y avait eu notification - ni à quelle date - du bulletin attaqué ; qu’ « au cas où un contribuable réside à l’étranger, les dispositions des paragraphes 88 et 89 AO sont l’une et l’autre applicables. Le principe se dégage du paragraphe 89 qui oblige le contribuable non résident, au cas où l’administration fiscale l’y invite, à désigner un mandataire fiscal qui est habilité à réceptionner en son nom les écrits qui lui sont destinés. Dans ce cas, les significations au mandataire fiscal sont opérées selon les règles énoncées au paragraphe 88, englobant la dispense de recourir à la lettre recommandée au cas où l’administration choisit la voie postale telle qu’elle ressort du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 (…). Au cas où l’administration n’invite pas le contribuable résidant à l’étranger à désigner un mandataire fiscal, le paragraphe 89 AO n’est pas applicable, mais le § 88 AO, qui constitue le droit commun en matière de signification des bulletins d’impôt. Cette disposition prévoit, dans son alinéa 3, pour les envois par voie postale, le recours à la lettre recommandée. » ;

Considérant toutefois que l’article 1er du règlement grand-ducal du 27 février 2015 a introduit une application uniforme du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 à l’égard des contribuables résidant au Grand-Duché de Luxembourg et des contribuables résidant à l’étranger ; que dorénavant aucune distinction n’est faite entre les contribuables demeurant au Grand-Duché de Luxembourg et ceux qui n’y demeurent pas s’agissant de la forme de la notification des bulletins ;

Considérant d’ailleurs que le contribuable est invité, à travers la déclaration pour l’impôt sur le revenu, à désigner un mandataire fiscal au Luxembourg et, s’il n’y donne aucune suite en omettant de compléter ou de remettre une déclaration d’impôt au bureau d’imposition, ce dernier peut légitimement envoyer les bulletins d’impôt à l’adresse indiquée à l’étranger par lettre simple sans devoir recourir à l’envoi par lettre recommandée ; qu’en l’espèce, les réclamants ont effectivement été invités le 2 février 2015 à remettre jusqu’au 31 mars 2015 la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ;

Considérant que force est de constater que le règlement grand-ducal du 27 février 2015 a été publié au Mémorial A n° 36 du 5 mars 2015, de sorte qu’il s’applique à la notification du bulletin litigieux intervenue ; qu’il résulte de l’application des dispositions de ce règlement que la notification du bulletin en cause a eu lieu à la date du 25 septembre 2017 ;

Considérant que les réclamants affirment ne pas avoir reçu le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ;

Considérant que suivant l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la présomption de notification est valable, à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu ; qu’il incombe donc aux réclamants de démontrer de façon circonstanciée que le bulletin ne leur est pas parvenu ;

Considérant qu’un bulletin d’imposition est remis à la poste à la date de son émission, figurant à son en-tête ; qu’il est imprimé et expédié, de manière centralisée, par le Centre des 5technologies de l’information de l’Etat (CTIE) sur base d’un procédé automatisé ; que la date de la remise à la poste correspond donc à la date d’émission des bulletins litigieux ; qu’ « il est vrai qu’un bulletin notifié au contribuable porte une seule date se présentant a priori comme sa date d’émission et qu’aucune mention sur le bulletin ou dans l’instruction sur les voies de recours n’indique formellement la date de remise à la poste du courrier ou la correspondance de la date du bulletin avec celle de sa remise à la poste. En outre, l’organisation de l’impression et de l’expédition des bulletins par le biais du CTIE (…) a certes été établie afin d’assurer que la date d’impression des bulletins corresponde à celle de la remise à la poste des envois les contenant, mais cette organisation ne permet à l’Etat ni de produire la preuve documentaire de son respect sans faille, ni de se ménager une preuve de la remise à la poste pour chaque envoi individuel d’un bulletin.

Cependant, il n’en reste pas moins qu’une preuve de la date de la remise à la poste existe en ce que la mention afférente se trouve apposée sur l’enveloppe d’envoi du bulletin qui comporte toujours la date du traitement du courrier par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, cette dernière date documentant que le courrier a été remis à la poste au plus tard le jour indiqué.

Or, c’est le destinataire qui détient cette seule preuve de la date de la remise à la poste suite à la notification du bulletin.

Dès lors, au vu de la finalité du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 d’admettre la notification de bulletins avec la dispense du récépissé de dépôt requis en cas de notification par courrier recommandé sur base du § 88 (3) AO, il y a lieu d’appliquer la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 en ce sens qu’elle impose au destinataire l’obligation de faire état de circonstances qui rendent plausible le défaut de la notification dans le délai présumé, partant en produisant le bulletin lui notifié et l’enveloppe d’envoi y relative afin de permettre la vérification de la date effective de la remise à la poste. Dans l’hypothèse où le contribuable affirme la réception du bulletin à une date postérieure à celle résultant de l’application de la présomption de notification sans pour autant soumettre en cause ces pièces, il n’a pas utilement renversé cette présomption par l’établissement d’indices suffisants en sens contraire » ;

Considérant qu’en principe, dans l’hypothèse où un destinataire d’un courrier ne se trouve pas à l’adresse telle qu’indiquée sur la lettre, cette dernière est retournée à l’expéditeur avec la mention « Pas de boîte à ce nom » ; qu’il ne ressort pas du dossier fiscal que l’enveloppe contenant le bulletin litigieux ait été retournée à l’administration des contributions directes ; que dès lors, il doit être admis que le bulletin litigieux est parvenu au …, à F-(aa), les requérants n’ayant produit aucune pièce ni fourni aucune explication circonstanciée permettant de renverser la présomption de notification instituée par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 ;

Considérant que, par des sommations du 30 novembre 2015, le bureau d’imposition, autorisé par le § 202 AO à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s’acquitter de leurs obligations, a averti les réclamants qu’à défaut de déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 jusqu’au 31 décembre 2015 au plus tard, des astreintes de 400 euros seraient fixées à leur égard ; que la déclaration en cause n’ayant pas été remise dans le délai imparti ni de prorogation demandée, le bureau d’imposition a liquidé les astreintes en date du 25 mars 2016 ;

6 Considérant que dans une seconde étape le bureau d’imposition a encore une fois envoyé des sommations-astreintes aux réclamants afin que ces derniers déposent la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ; que les sommations-astreintes ont été émises en date du 3 août 2017 ; qu’à défaut de remise de ladite déclaration d’impôt, les décisions portant fixation des astreintes ont été émises le 12 septembre 2017 et envoyés au …, à F-(aa) ;

Considérant que dans le courrier électronique du 5 octobre 2017, le comptable des réclamants a demandé « de bien vouloir accorder une remise gracieuse de l’amende infligée compte tenu de ce contexte exceptionnel » ; qu’il en découle que les réclamants ont bien réceptionné les sommations et fixations des astreintes en question au …, à F-(aa) ;

Considérant que, au moyen du même courrier électronique, les requérants ont fait parvenir au bureau d’imposition un état de leurs revenus de l’année 2014, couché sur le formulaire de la déclaration pour l’impôt sur le revenu ; qu’indépendamment de la question de savoir quelles ont été les intentions du représentant des réclamants qui, suivant les propos de ce courrier, semble avoir voulu déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014, l’introduction d’une réclamation ou de toute requête susceptible d’être considérée comme telle, par courrier électronique, pose problème par elle-même ;

Considérant qu’aux termes du § 249, alinéa 1er AO, les recours (devant le directeur des contributions) sont à introduire par écrit ou encore par voie orale pour autant qu’il en est dressé procès-verbal ; que l’écrit doit désigner la personne du réclamant ; qu’une réclamation est valablement introduite par écrit lorsque le contenu de la requête résulte d’un écrit dont le réclamant ou son mandataire exprès et spécial sont les auteurs ; que cette exigence n’est remplie que si le document est remis au directeur directement ou par l’intermédiaire du bureau d’imposition, qu’il résulte immédiatement du contenu de ce document que son objet est une réclamation au sens du § 228 AO et que la personne du réclamant est identifiée sans aucune équivoque possible (voir en ce sens Hübschmann, Hepp, Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, sub § 238 Rn 3, Verlag Dr. Otto Schmidt KG, Köln) ;

Considérant que ces exigences sont d’autant plus importantes devant le risque du réclamant de se voir imposer in pejus, le réexamen intégral par le directeur, dans le cadre d’une réclamation, ne se limitant pas aux moyens invoqués par le réclamant, mais s’étendant au réexamen de toute l’imposition, tant en faveur qu’en défaveur du réclamant ;

Considérant que la condition de l’identification certaine de la personne ayant introduit la requête n’est pas remplie en cas de courrier électronique simple, le choix de la désignation de l’adresse électronique, à sa création, n’étant pas régi par des règles légales mais étant l’expression de la volonté de son créateur et les apparences, origines et desseins des courriels risquent d’être trompeurs (« phishing ») ; que, d’ailleurs, déjà la simple remise par voie électronique d’une déclaration d’impôt et de ses annexes est sujette à de très sévères règles de sécurisation, seule une identification authentifiée au moyen d’une certification étant autorisée légalement en la matière ;

Considérant qu’afin d’éliminer tout doute sur l’identité du réclamant, il est obligatoire d’introduire une réclamation par un courrier postal, par dépôt en personne de l’écrit ou par courrier électronique répondant aux exigences d’authenticité et de certification permettant une identification certaine de l’auteur dans le délai de trois mois tel que prévu par le 7paragraphe 245 AO ; qu’il n’est pas possible de reconnaître le courrier électronique adressé au bureau d’imposition en date du 5 octobre 2017, à défaut de signature électronique certifiée authentique, comme réclamation régulièrement introduite ; que seule la réclamation du 29 mars 2021, adressée au directeur de l’administration des contributions directes par la voie d’un courrier postal manuscrit, identifiable en tant que telle, est à reconnaître comme représentant une réclamation au sens du § 228 AO ;

Considérant qu’il suit de tout ce qui précède que l’affirmation suivant laquelle les réclamants n’auraient pas réceptionné le bulletin de l’impôt de l’année 2014 reste à l’état de pure allégation et ne saurait invalider le principe de la présomption d’une notification ;

Considérant encore qu’aux termes du § 91, alinéa 1er AO « En cas d’imposition collective des époux et de partenaires, la notification commune, à l’adresse des destinataires, d’une décision au sens de la première phrase, vaut notification à l’égard des deux époux ou partenaires concernés » ; qu’ « Une notification individuelle de la décision commune peut toutefois intervenir sur demande expresse de l’un des deux époux ou partenaires imposés collectivement » quod non en l’espèce ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que la décision litigieuse a été émise en date du 20 septembre 2017 et a été notifiée le 25 septembre 2017, de sorte que le délai a expiré le 27 décembre 2017 ; que la réclamation introduite en date du 29 mars 2021 est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO, le délai de réclamation est un délai de forclusion ; Considérant qu’aux termes du § 252 AO, les réclamations tardives sont irrecevables ;

PAR CES MOTIFS dit la réclamation irrecevable. (…) ».

Par requête déposée le 27 août 2021 au greffe du tribunal administratif, les époux (A-B) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 28 mai 2021.

Dans son jugement du 5 juin 2023, le tribunal administratif, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, reçut le recours en réformation en la forme, au fond le déclara non justifié et en débouta les époux (A-B), tout en les condamnant aux frais de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal constata que les consorts (A-B) ne contestaient pas l’adresse à laquelle l’Etat déclare avoir notifié le bulletin litigieux, mais qu’ils contestaient uniquement les modalités d’envoi et de réception du bulletin. Il retint qu’en application de l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 concernant la notification des bulletins en matière d’impôt, ci-après « le règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 », ledit bulletin était présumé notifié le troisième jour suivant la date figurant sur ledit bulletin, en l’occurrence celle du 20 septembre 2017. Il releva encore qu’à défaut de contester l’adresse à laquelle la 8notification a été faite et à défaut de faire état d’un faisceau d’indices permettant de conclure à une absence de notification, les consorts (A-B), contestant la réception du bulletin, n’avaient pas renversé la présomption de notification se dégageant de l’article 2 précité. Il conclut que le délai de réclamation de trois mois avait commencé à courir le 25 septembre 2017, de sorte que la réclamation introduite le 29 mars 2021 était irrecevable ratione temporis, tout en écartant le moyen des consorts (A-B) fondé sur une violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ».

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 14 juillet 2023, les consorts (A-B) ont régulièrement relevé appel de ce jugement du 5 juin 2023.

Arguments des parties A l’appui de leur appel et quant aux faits, les appelants exposent que Monsieur (A) aurait cessé son activité de médecin dentiste à … en 2015 pour aller s'établir en France, en l’occurrence à (aa).

Ils auraient fait l'objet de mesures d'exécution en France, les services de l'administration des Contributions directes ayant sollicité l'assistance des autorités françaises en application des dispositions de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, ci-après désignée par « la directive 2010/24 ».

Ils soulignent que si selon le libellé du bulletin litigieux, il était adressé aux deux époux en France, Monsieur (A) n’aurait jamais reçu ce bulletin d'imposition. Ils relèvent encore que bien que Madame (B) n’ait pas à cette date modifié son adresse auprès du bureau de la population de la …, à savoir celle du …, L-(cc), le bulletin leur aurait été adressée à l’adresse en France.

En droit, ils se prévalent du paragraphe 89 AO, visant la désignation d’un mandataire fiscal au Luxembourg qui est habilité à réceptionner au nom du contribuable, qui n’est pas résident luxembourgeois, les écrits qui lui sont destinés. Ils estiment qu’au cas où l'administration n'invite pas le contribuable non résident à désigner un mandataire fiscal, le paragraphe 89 AO ne serait pas applicable et il conviendrait de se référer au paragraphe 88 AO, qui constituerait le droit commun en matière de notification des bulletins d'impôt, cette disposition prévoyant, pour les envois par voie postale, le recours à la lettre recommandée.

En renvoyant au procès-verbal de constat de recherche pour la remise d'une contrainte du 4 mars 2019 et aux contraintes des 27 février 2019 et 29 juin 2020 leur adressées, les appelants font état d’un certain « flou autour de l'adresse que l'administration des contributions directes considère comme étant effectivement celle de M. (A) et de Mme (B) ».

Les appelants sont d’avis qu’à défaut de preuve que l’administration les ait invités à désigner un mandataire fiscal résident afin de recevoir le bulletin litigieux, la notification n’aurait pas pu se faire par lettre simple, mais aurait dû être faite par lettre recommandée, les appelants affirmant que rien n'indiquerait que le bulletin leur ait effectivement été notifié.

Le bulletin d'imposition de l'année 2014 n’aurait ainsi fait l'objet d'aucune « communication » effective, ce qui les mettrait dans l'impossibilité de recourir utilement 9contre l'imposition se trouvant à la base des contraintes, qui seraient les seules pièces reçues par eux.

Les appelants font encore valoir que les « modalités de notification et l'articulation des paragraphes 89 et 88 AO » feraient obstacle aux droits élémentaires du contribuable de se défendre devant un tribunal conformément à l’article 47 de la Charte.

En l'espèce, ils auraient reçu le 27 février 2019 une contrainte n° 1000640 et l’administration des Contributions directes aurait adressé à Mme (B) une autre contrainte à son adresse française le 29 juin 2020 par lettre recommandée.

Or, les courriers adressés par les autorités fiscales françaises notifiant les contraintes ne pourraient purger la carence de notification par l'administration des Contributions directes du bulletin d'imposition par voie recommandée. A cet égard, ils renvoient à une jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, ci-après désignée par « la CJUE », dans un arrêt du 26 avril 2018, numéro C-34/17, dont ils citent un extrait et dont ils déduisent que la notification par les autorités fiscales françaises des contraintes ne vaudrait pas notification en bonne et due forme du bulletin d'imposition lui-même.

Les appelants font encore valoir qu’ils se seraient retrouvées dans l'impossibilité de contester la dette fiscale réclamée au titre de l'imposition sur le revenu de l'année 2014.

Sous cet aspect, ils renvoient encore au même arrêt de la CJUE, ayant dit pour droit que « L'article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, lu à la lumière de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité d'un Etat membre refuse l'exécution d'une demande de recouvrement portant sur une créance afférente à une sanction pécuniaire infligée dans un autre Etat membre, telle que celle en cause au principal, au motif que la décision infligeant cette sanction n'a pas été dûment notifiée à l'intéressé avant que la demande de recouvrement ne soit présentée à ladite autorité en application de cette directive », et citent encore divers autres extraits de cet arrêt.

Les appelants reprochent aux premiers juges d’avoir rejeté purement et simplement la référence à l'article 47 de la Charte et à la jurisprudence de la CJUE au motif que la situation d'espèce ne serait pas comparable avec la situation de l'arrêt ci-dessus visé dans la mesure où dans cette affaire, aucune notification n'avait été entreprise.

La réalité serait toutefois autre. Il conviendrait d'analyser cet arrêt à la lumière de l'effectivité de l'information portée à la connaissance du contribuable. L'analyse selon laquelle la preuve de la non-réception d'un bulletin d'imposition incombe au contribuable se heurterait au principe d'égalité des armes. Les appelants préconisent ainsi une interprétation téléologique, en ce que la mesure doit poursuivre un but réel d'information du contribuable. Or, l'interprétation faite par les premiers juges des dispositions du paragraphe 88 AO et de l'article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 conduirait à mettre le contribuable dans une situation de fragilité et d'incertitude absolue quant à la réception d'un bulletin d'imposition.

En ce sens, si l'objectif d'une mesure était de permettre à son destinataire d'exercer son droit à voir sa cause entendue, leur situation ne leur aurait pas permis d'exercer effectivement leurs droits dans la mesure où le tribunal aurait considéré qu'il leur appartiendrait de prouver les 10éléments permettant de laisser penser que le bulletin ne leur était pas parvenu, ce qui reviendrait à imposer une preuve négative.

Ils concluent que les modalités de notification du bulletin de taxation d'office de l'exercice 2014 n’auraient pas respecté les prescriptions des paragraphes 88 et 89 AO, à défaut d’avoir été notifié par courrier recommandé.

En effet, la modification du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 par le règlement du 27 février 2015, tendant à homogénéiser le traitement des résidents et des non-résidents en matière de notification des bulletins d'imposition, serait attentatoire aux droits élémentaires du contribuable en ce sens que l'absence d'envoi par voie recommandée à des contribuables non-résidents serait contraire à l'article 47 de la Charte.

Enfin, les appelants reprochent à la partie étatique d’avoir invoqué une jurisprudence sans la citer, au titre de laquelle un contribuable invoquant la non-réception d’un bulletin ne saurait se voir imposer la production de l'original du courrier et de l'enveloppe le contenant mais que la simple négation de la réception ne serait pas suffisante et devrait être accompagnée d'un faisceau convergent de circonstances permettant de douter de ce que le courrier a effectivement été délivré.

Dès lors, le délai de réclamation n’aurait pas pu commencer à courir en l'absence de notification en bonne et due forme du bulletin d'imposition litigieux.

En guise de conclusion, les appelants demandent à la Cour de dire, par réformation du jugement du 5 juin 2023 et par réformation de la décision du directeur, (i) que le délai de recours précontentieux de 3 mois à compter de la notification du bulletin d'imposition n'avait pas commencé à courir, (ii) que ce serait à tort que le tribunal a confirmé l'irrecevabilité de la réclamation précontentieuse du 29 mars 2021 au motif de la forclusion du délai de recours précontentieux et (iii) de renvoyer le dossier devant l'administration des Contributions directes en prosécution de cause et pour imposition.

Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris.

Analyse de la Cour Aux termes du paragraphe 245 AO, « [l] e délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§ 228 AO) (…) », ce délai de réclamation étant, conformément aux termes du paragraphe 83 AO et ainsi que cela a été relevé à bon escient par les premiers juges, un délai de forclusion. Aux termes du paragraphe 246 AO, le délai de recours court à partir de la notification du bulletin ou, à défaut de notification, à partir du jour où le contribuable en a pris connaissance ou est censé en avoir pris connaissance.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate que si les appelants critiquent un certain « flou » au niveau des adresses auxquelles l’Etat a notifié les différentes contraintes et semblent vouloir insinuer que des notifications auraient pu être faites à l’adresse luxembourgeoise à laquelle Madame (B) avait été inscrite - encore qu’elle n’a pas pu y être trouvée le 4 mars 2019 -, ils ne remettent pas en question que l’adresse en France à laquelle l’Etat déclare avoir notifié le bulletin litigieux correspond bien à leur adresse, étant relevé qu’ils ont indiqué dans leur réplique déposée en première instance ne pas contester la validité de l’adresse en France et 11qu’il s’agit aussi de cette adresse qu’ils ont indiquée comme étant leur domicile à l’appui de leur recours.

En revanche, les appelants remettent en question la validité de la notification du bulletin, en ce que, d’une part, ils affirment que par principe, comme ils étaient contribuables non-résidents et à défaut de demande de l’Etat de désigner un mandataire fiscal conformément au paragraphe 89 AO, la notification du bulletin aurait dû être faite par lettre recommandée et non pas par simple courrier, et, d’autre part, ils contestent la réception de la notification par courrier simple.

En ce qui concerne les modalités de notification d’un bulletin, les premiers juges se sont référés à juste titre au paragraphe 211, (3), AO, qui dispose que « die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen. Der Großherzog kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».

Ils se sont encore à bon escient appuyés sur le règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 pris notamment sur base du paragraphe 211, alinéa (3), AO, précité, qui, en sa version applicable au moment de l’émission du bulletin litigieux, issue d’une modification apportée par règlement grand-ducal du 27 février 2015, dispose en son article 1er que : « Les bulletins qui fixent une cote d’impôt, ceux qui établissent séparément une valeur unitaire ou des revenus d’une certaine catégorie, ceux qui fixent la base d’assiette d’un impôt réel et ceux qui appellent en garantie un tiers responsable du paiement de l’impôt peuvent être notifiés aux destinataires par simple pli fermé à la poste. Il en est de même des bulletins qui ventilent une cote d’impôt ou une base d’assiette entre plusieurs communes » et qui permet ainsi à l’administration des Contributions directes de notifier les catégories de bulletins y visées par simple pli fermé à la poste.

Il convient de noter que depuis que le règlement grand-ducal du 27 février 2015, publié au Mémorial A du 5 mars 2015, est venu supprimer le renvoi aux contribuables « qui demeurent au Grand-Duché » ayant figuré dans ledit article 1er et a ainsi aboli la distinction entre les formes d’envoi de bulletins selon que le contribuable est résident ou non-résident, l’article 1er s’applique de manière indistincte aux contribuables résidents et non-résidents, de sorte que la notification des bulletins y visés peut être faite par courrier simple indépendamment du lieu de résidence du contribuable. La Cour relève encore que cette modification du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 a été opérée afin de mettre sur un pied d’égalité les contribuables résidents et non-résidents au niveau des modalités de notifications des bulletins, et afin de tenir compte de critiques de la Commission européenne et pour se conformer à la jurisprudence de la CJUE1, la Commission européenne ayant en effet critiqué le fait que la représentation fiscale telle que prévue pour les contribuables non-résidents au paragraphe 89 AO n’entraînait pas les mêmes droits procéduraux pour les contribuables non-résidents, qui lorsqu’ils ne désignaient pas de représentant fiscal se voyaient opposer non pas la présomption de notification du bulletin telle que prévue par le règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, mais une présomption de notification à partir du jour de la remise à la poste et étaient ainsi tenus de désigner un représentant fiscal pour bénéficier des mêmes droits procéduraux que les résidents2.

1 exposé des motifs du projet de règlement n° 50.966 et avis du Conseil d’Etat du 6 février 2015.

2 Exposé des motifs du projet de règlement n° 50.966.

12 Les premiers juges se sont encore à bon escient référés à l’article 2 du règlement grand-

ducal du 24 octobre 1978, qui établit une présomption de notification dans les termes suivants :

« La notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise de l´envoi à la poste à moins qu´il ne résulte des circonstances de l´espèce que l´envoi n´a pas atteint le destinataire dans le délai prévu. ».

Ils ont encore à juste titre rappelé les principes retenus par la Cour dans un arrêt du 14 janvier 2016, n° 36400 du rôle3, réitérés par la suite de façon constante par la jurisprudence administrative.

En effet, l’article 2, précité, doit être interprété à la lumière des dispositions légales dans le cadre desquelles il s’insère. Ainsi, le paragraphe 211 AO, en disposant dans sa première phrase que « die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen », vise la « Zustellung » ou notification formelle comme mode à travers lequel les bulletins d’impôt sont à porter à la connaissance de leurs destinataires. Les différentes formes de notification formelle telles que définies au paragraphe 88 AO s’analysent en une « remise entourée d’un certain formalisme » (Fabienne ROSEN : La notification des bulletins d’impôt et des autres décisions de la procédure d’imposition en matière de contributions directes, Bulletin du Cercle François Laurent 2001, II, p. 59), lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire. La forme la plus simple de la notification formelle est celle de l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », prévue par le paragraphe 88, alinéa (3) AO. L’originalité de l’alinéa (3) du paragraphe 88 par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité compétente est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste et qu’elle est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire, cette preuve étant remplacée par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste. Il en découle que le paragraphe 88, alinéa (3) AO autorise les autorités y visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, et que la seule preuve à charge de l’autorité est celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée.

Par voie de conséquence, si la deuxième phrase du paragraphe 211 AO autorise le pouvoir réglementaire à prévoir une forme simplifiée de notification par rapport à la forme la plus allégée de la « Zustellung », cette disposition doit être comprise en ce sens qu’elle permet de réduire le formalisme par rapport à la seule preuve que l’administration doit se ménager au vœu du paragraphe 88, alinéa (3) AO, à savoir celle relative à la remise individuelle de l’envoi fermé contenant le bulletin à la poste.

Sur base de cette prémisse, l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, en ce qu’il se fonde sur la deuxième phrase du paragraphe 211 AO, doit nécessairement être interprété en ce sens qu’il a pour finalité de dispenser l’administration de la charge de conserver une preuve individuelle de la remise à la poste de tout envoi contenant un bulletin alors même que c’est la date de la remise de l’envoi à la poste qui constitue le point de départ de la présomption de l’accomplissement de la notification. Dans ces conditions, ledit article doit être lu en ce sens qu’il valide l’organisation de l’impression et de l’expédition des bulletins par le biais du Centre des Technologies de l’Information de l’Etat, telle que pratiquée d’après les 3 Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1060.

13explications du directeur, qui a été établie afin d’assurer que la date d’impression des bulletins corresponde à celle de la remise à la poste des envois les contenant, alors même que cette organisation ne permet à l’Etat ni de produire la preuve documentaire du respect sans faille de ladite organisation, ni de se ménager une preuve de la remise à la poste pour chaque envoi individuel d’un bulletin. L’article 2 du règlement grand-ducal 24 octobre 1978 doit ainsi être compris en ce sens qu’il permet de présumer que la date d’impression d’un bulletin correspond à celle de la remise à la poste de son courrier d’envoi4.

Il est partant conforme à ce système qu’un bulletin notifié au contribuable porte une seule date se présentant a priori comme sa date d’émission et qu’aucune mention sur le bulletin ou dans l’instruction sur les voies de recours n’indique formellement la date de remise à la poste du courrier ou la correspondance de la date du bulletin avec celle de sa remise à la poste.

Cependant, la dispense en faveur de l’administration de la conservation d’une preuve formelle de la remise à la poste du courrier d’envoi d’un bulletin n’entraîne pas l’inexistence de toute preuve relative à la date d’envoi d’un tel courrier. En effet, une preuve de la date de la remise à la poste existe en ce que la mention afférente se trouve apposée sur l’enveloppe d’envoi du bulletin qui comporte toujours la date du traitement du courrier par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, cette dernière date documentant que le courrier a été remis à la poste au plus tard le jour y indiqué5.

Or, c’est le destinataire du bulletin qui détient cette seule preuve de la date de la remise à la poste suite à la notification du bulletin.

Dès lors, au vu de la finalité du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 d’admettre la notification de bulletins avec la dispense du récépissé de dépôt requis en cas de notification par courrier recommandé sur base du paragraphe 88, alinéa (3) AO, il y a lieu d’appliquer la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 en ce sens qu’elle impose au destinataire l’obligation de faire état de circonstances qui rendent plausible le défaut de la notification dans le délai présumé, partant en produisant le bulletin lui notifié et l’enveloppe d’envoi y relative afin de permettre la vérification de la date effective de remise à la poste. Dans l’hypothèse où le contribuable affirme la réception du bulletin à une date postérieure à celle résultant de l’application de la présomption de notification sans pour autant soumettre en cause ces pièces, il n’a pas utilement renversé cette présomption par l’établissement d’indices suffisants en sens contraire.

Par contre, dans l’hypothèse où le contribuable nie totalement la réception de l’envoi contenant le bulletin, il ne saurait se voir imposer la production du bulletin original et de son enveloppe d’envoi en vue d’être admis à contester la notification valable du bulletin. Une telle preuve est impossible à fournir dans la mesure où le contribuable argue précisément qu’il n’a jamais reçu ces documents. Par contre, conformément à l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la simple négation ne suffit pas et le contribuable doit faire état d’un faisceau convergent de circonstances qui permettent de conclure que l’envoi n’a effectivement pas du tout atteint son destinataire6.

En l’espèce, en ce qui concerne de prime abord la forme de la notification, étant donné qu’il est constant en cause que le bulletin litigieux a fixé à l’égard des appelants une cote de 4 Cour adm. 14 janvier 2016, n° 36400 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1060 et les autres références y citées.

5 idem 6 idem 14l’impôt sur le revenu, la notification de ce bulletin rentre dans le champ d’application de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 et a partant pu être effectuée par la voie d’un courrier simple fermé à la poste.

C’est à tort que les appelants affirment que, par application du paragraphe 89 AO, à défaut de demande de désignation d’un mandataire fiscal, le bulletin leur aurait dû être notifié par lettre recommandée sur le fondement du paragraphe 88 AO.

Il est vrai qu’en vertu du paragraphe 89 AO, le contribuable non-résident est obligé, au cas où l’administration fiscale l’y invite, à désigner un mandataire fiscal qui est habilité à réceptionner en son nom les écrits qui lui sont destinés et, à défaut, la décision ayant fait l’objet de la notification est censée être notifiée avec la remise à la poste, même dans l’hypothèse où l’envoi est restitué à l’expéditeur, ladite disposition constituant ainsi une mesure de simplification au profit de l’administration.

Il est certes encore vrai qu’avant la modification pré-mentionnée de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, ayant dans la version antérieure mentionné uniquement les contribuables résidents luxembourgeois, la désignation d’un mandataire fiscal pouvait avoir des incidences quant aux modalités de notification du bulletin à respecter. En revanche, depuis que l’article 1er précité se réfère indistinctement au contribuable, de sorte à viser tant les contribuables résidents que les contribuables non-résidents, étant rappelé tel que cela a été relevé ci-avant, la modification opérée en 2015 avait justement pour objet de mettre les contribuables résidents et non-résidents sur un pied d’égalité quant aux modalités de notification des bulletins, la forme simplifiée de notification des bulletins par courrier simple prévue à l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 s’applique aussi aux contribuables non-résidents.

Il s’ensuit qu’indépendamment de la question de savoir si l’administration des Contributions directes a invité les appelants à désigner un représentant fiscal, en tout état de cause l’argumentation des appelants fondée sur une application combinée des paragraphes 88 et 89 AO, selon laquelle par principe un contribuable non résident n’ayant pas été invité à désigner un représentant fiscal au Luxembourg devrait se voir notifier le bulletin d’impôt par lettre recommandée, est non fondée et partant à rejeter, les dispositions de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 s’appliquant aux contribuables non-résidents, par le truchement du paragraphe 211, alinéa (3) AO qui permet au Grand-Duc de prévoir des formes simplifiées de notification, et qui prévoit justement la notification par courrier simple.

Il s’ensuit que l’administration des Contributions directes a valablement pu notifier le bulletin litigieux par courrier simple.

En ce qui concerne la date à prendre en compte comme date de notification, la Cour retient qu’à partir des principes rappelés ci-avant, les premiers juges ont à bon escient relevé qu’en l’espèce, la date figurant sur le bulletin de l’impôt sur le revenu litigieux au titre de l’année 2014 est le mercredi 20 septembre 2017, de sorte qu’au regard de l’interprétation à faire de l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 telle que retenue ci-avant, la notification dudit bulletin est présumée être intervenue le troisième jour ouvrable suivant cette date, à savoir le lundi 25 septembre 2017, ce même en l’absence de preuve documentaire de la remise à la poste du courrier d’envoi du bulletin en question, preuve dont la partie étatique est dispensée, tel que précisé ci-avant.

15Les premiers juges ont encore à juste titre rejeté les contestations des appelants quant à la réception de l’envoi contenant la notification du bulletin litigieux à la date du 25 septembre 2017.

En effet, la Cour ne peut que partager le constat des premiers juges que les appelants n’ont pas invoqué en première instance, pas plus qu’en appel, que l’adresse à laquelle le bulletin litigieux avait été envoyé était erronée, étant rappelé que dans leur mémoire en réplique déposé en première instance, les appelants ont déclaré ne pas contester la validité de l’adresse en question, que c’est cette adresse à laquelle ils se sont vu notifier notamment la contrainte du 18 février 2019, et qu’ils ont par ailleurs indiqué cette adresse comme correspondant à leur domicile à l’appui de la présente procédure.

La Cour constate encore, à l’instar des premiers juges, que les appelants ne font pas état d’un faisceau d’indices permettant de rendre probable que l’envoi du bulletin n’est pas arrivé à destination de cette adresse, mais qu’ils limitent leur argumentation, d’une part, à un débat de principe et purement théorique d’une prétendue obligation pour l’administration de notifier le bulletin par lettre recommandée, et, d’autre part, à une contestation pure et simple de la réception du bulletin, sans prendre d’une quelconque manière position sur les circonstances qui pourraient expliquer le défaut de réception du bulletin allégué, alors que pourtant un certain nombre d’autres courriers ont, tel que cela se dégage des explications non contestées du délégué du gouvernement dans sa réponse ainsi que du dossier administratif, été envoyés à l’adresse en France, ont atteint leur destination et n’ont pas été renvoyés par les services postaux. A cet égard, la Cour constate encore qu’un courriel du 5 octobre 2017 du comptable des appelants, figurant au dossier administratif, se réfère expressément à la réception d’un courrier de l’administration qui a amené les appelants à faire déposer le formulaire de déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2014, ayant jusqu’alors fait défaut ce qui a donné lieu à la taxation d’office selon le bulletin du 20 septembre 2017. Comme le courriel se réfère à une amende, il vise a priori la décision portant fixation d’une astreinte du 12 septembre 2017, qui a bien été adressée à l’adresse en France des appelants et qui est donc arrivé à la bonne destination.

Or, tel que cela a été retenu ci-avant, en présence de la présomption de notification se dégageant du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, le contribuable ne saurait se contenter de nier purement et simplement la réception du bulletin, ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, l’exactitude de l’adresse à laquelle le bulletin a été envoyé n’est pas contestée, mais il lui appartient de faire état d’un faisceau convergent de circonstances permettant de conclure qu’il n’a pas pu recevoir la notification, ce que les appelants sont toutefois restés en défaut de faire.

Les premiers juges ont partant à bon escient retenu que le délai de réclamation de trois mois, tel que prévu au paragraphe 228 AO, a commencé à courir en date du 25 septembre 2017 et a expiré au vœu de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, le mercredi 27 décembre 2017 à minuit, les 25 et 26 décembre 2017 ayant été des jours fériés.

Dans la mesure où la réclamation n’a été introduite que le 29 mars 2021, partant en dehors du délai de réclamation, lequel constitue un délai de forclusion, en vertu du paragraphe 83, alinéa (2) AO, c’est à juste titre que les premiers juges ont confirmé le directeur pour avoir déclaré ladite réclamation irrecevable ratione temporis.

16Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation du droit à un recours effectif par les appelants. A cet égard, la Cour retient qu’indépendamment de la question de l’applicabilité de l’article 47 de la Charte7 et en l’occurrence de la question de savoir si, à travers les modalités de notification des bulletins de l’impôt en application des paragraphes 88, 89 et 211 AO et du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, l’Etat luxembourgeois met en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte, en tout état de cause, la présomption de notification prévue à l’article 2 dudit règlement grand-ducal n’enlève pas au contribuable - qu’il soit résident ou non-résident, les deux étant mis sur un pied d’égalité en ce qui concerne les formalités de notification tel que cela a été retenu ci-avant - son droit à un recours effectif dans la mesure où il peut en tout état de cause renverser la présomption de notification en faisant état d’un faisceau de circonstances qui rendent probable la non-réception du bulletin, ce qui ne revient pas, contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, à exiger une preuve négative, impossible à fournir, dans la mesure où il appartient au contribuable d’expliquer positivement que dans les circonstances particulières de son cas, il n’a pas pu réceptionner le bulletin.

En tout état de cause, tel que les premiers juges l’ont retenu, les appelants restent en défaut d’étayer pour quelles raisons leur droit à un recours effectif devant un tribunal prévu par l’article 47 de la Charte serait enfreint par une notification du bulletin d’imposition litigieux par voie d’un simple pli fermé à la poste, respectivement par les modalités de notification prévues aux paragraphes 88 et 89 AO, étant relevé qu’ils n’ont pas été privés de leur droit d’attaquer en justice la décision directoriale ayant déclaré leur réclamation irrecevable pour avoir été tardive, celle-ci ayant contenu au verso une instruction sur les voies et délai de recours.

En ce qui concerne la jurisprudence de la CJUE invoquée par les appelants, celle-ci n’est pas pertinente, tel que cela a été retenu à juste titre par les premiers juges.

S’agissant de prime abord de l’affirmation des appelants, basée sur l’arrêt précité de la CJUE du 26 avril 2018, selon laquelle l’instrument uniformisé visé à l’article 12 de la directive 2010/24 ne pourrait valoir notification du bulletin, celle-ci est non pertinente dans la mesure où l’Etat n’entend pas invoquer cet instrument comme mode de notification.

Pour le surplus, la Cour relève que la jurisprudence de la CJUE invoquée par les appelants s’inscrit dans le contexte particulier de l’interprétation de la directive 2010/24 ayant pour objet, selon son article 1er, d’« établi[r] les règles que les Etats membres doivent respecter en ce qui concerne la fourniture, dans un Etat membre, d’une assistance au recouvrement pour toute créance visée à l’article 2 née dans un autre Etat membre », en l’occurrence les créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. Dans cette affaire, la CJUE avait à trancher la question de savoir dans quelle mesure un Etat requis d’une demande d’assistance au recouvrement d’une telle créance pouvait refuser son assistance et ainsi déroger au principe de confiance mutuelle entre les Etats membres, imposant, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun des Etats de considérer, sauf circonstances exceptionnelles, que tous les Etats membres respectent le droit de l’Union et plus particulièrement les droits fondamentaux reconnus par ce droit8. Dans cette affaire, par rapport 7 « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. », 8 Considérant n° 40 de l’arrêt de la CJUE du 26 avril 2018, C-34/17 17à une situation où l’autorité requérante a sollicité le recouvrement d’une créance fondée sur une décision qui n’a pas du tout été notifiée à l’intéressé mais qui a uniquement fait l’objet d’une publication dans le journal officiel de l’Etat requérant, la CJUE a considéré la demande d’assistance comme non conforme à la condition posée à l’article 11, paragraphe (1), de la directive 2010/24, qui prévoit qu’une demande d’assistance ne peut être présentée aussi longtemps que la créance en amont fait encore l’objet d’une contestation dans l’Etat membre requérant. La CJUE a conclu qu’« une situation exceptionnelle telle que celle en cause au principal, dans laquelle une autorité d’un État membre demande à une autorité d’un autre État membre de recouvrer une créance afférente à une sanction pécuniaire dont l’intéressé n’a pas eu connaissance, peut légitimement conduire à un refus d’assistance au recouvrement de la part de cette dernière autorité. (…)»9. Comme le cas d’espèce vise un bulletin qui a bien été notifié, alors que dans l’affaire dont a eu à connaître la CJUE la décision dans l’Etat requis n’avait pas du tout été notifiée, la jurisprudence n’est pas pertinente pour mettre à néant l’interprétation à donner aux dispositions précitées du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

En ce qui concerne la demande en distraction des frais au profit du litismandataire des appelants, réitérée en appel selon le dispositif de la requête d’appel, celle-ci est à rejeter alors que pareille façon de procéder n’est pas prévue en matière de procédure contentieuse administrative, tel que cela a été retenu à juste titre par les premiers juges.

Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 5 juin 2023 ;

rejette la demande en distraction des frais ;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 9 Considérant n° 61.

18et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé ….

S. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 décembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49173C
Date de la décision : 19/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-19;49173c ?

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