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12/12/2023 | LUXEMBOURG | N°48782C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 décembre 2023, 48782C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 48782C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48782 Inscrit le 6 avril 2023 Audience publique du 12 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 février 2023 (n° 44963 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre des décisions du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et du Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’accès aux documents Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 48782C du rôle, déposée au greffe de la Cour a

dministrative le 6 avril 2023 par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cou...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 48782C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48782 Inscrit le 6 avril 2023 Audience publique du 12 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 février 2023 (n° 44963 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre des décisions du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et du Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’accès aux documents Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 48782C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 6 avril 2023 par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-2010 Luxembourg, 13, rue Large, dirigée contre le jugement rendu le 27 février 2023 (n° 44963 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a reçu en la forme et déclaré partiellement fondé son recours en réformation dirigé contre des décisions du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et, dans le cadre de la réformation, annulé les décision de refus du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et du ministre de l’Education supérieure et de la Recherche de communiquer à Monsieur (A) les documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateurs, publics ou privés, et renvoyé le dossier en prosécution de cause au Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH ainsi qu’audit ministre « afin de procéder à la communication des documents sollicités sous réserve (i) de l’analyse du caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles leur communiqués ainsi que (ii) de la vérification de la présence d’informations dont la publication ou la communication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciable aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Martine LISE, les deux demeurant à Luxembourg, du 12 avril 2023, portant signification de cette requête d’appel au Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH, établissement public, établi et ayant son siège social à L-1445 Strassen, 1A rue Thomas Edison, inscrit au R.C.S de Luxembourg sous le numéro J34 ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mai 2023 par ELVINGER HOSS PRÜSSEN, société anonyme, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH, préqualifié ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 8 mai 2023 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juin 2023 par Maître Pierre REUTER au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 juillet 2023 par Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ pour compte du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2023 par le délégué du gouvernement ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hicham RASSAFI, en remplacement de Maître Pierre REUTER, et Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 3 octobre 2023 ;

Vu le courrier de Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ du 6 octobre 2023 faisant part que le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH accepte le principe d’une communication à la seule Cour administrative des documents relatifs au marché public conclu dans le cadre du « large scale testing 1 » ;

Vu l’avis de rupture du délibéré de la Cour du 19 octobre 2023 portant refixation de l’affaire à l’audience publique du 26 octobre 2023 ;

Vu la demande de report de l’affaire de Maître Hicham RASSAFI du 24 octobre 2023 ;

Vu l’avis de la Cour du 27 octobre 2023 portant refixation de l’affaire à l’audience publique du 16 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Hicham RASSAFI, en remplacement de Maître Pierre REUTER, Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ et Madame le délégué du gouvernement Hélène MASSARD en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 16 novembre 2023.

2 Par courrier du 4 mai 2020, Monsieur (A) sollicita sur le fondement de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte, ci-après « la loi du 14 septembre 2018 », auprès de l’établissement public Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH, ci-après « le LIH », ainsi que du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après « le ministre », communication de l’ensemble des documents relatifs à la campagne de tests mise en œuvre par l’Etat dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19 et notamment des documents suivants :

« - le(s) document(s) relatif(s) à l’acquisition des réactifs nécessaires à la réalisation des tests, − le(s) document(s) relatif(s) à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateur(s) public(s) ou privé(s), − le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests, − et de façon plus générale, tout autre document relatif aux relations entre l’Etat ou le LIH d’un côté et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d’un autre côté, qu’il s’agisse d’actes de dévolution d’une mission particulière d’un contrat, quelle que soit sa qualification juridique ou de tout autre acte, en ce compris et non limitativement : protocole d’accord, Memorandum of Understanding, acte administratif unilatéral, élément d’accord non autrement formalisé qu’un échange de correspondance, etc. ».

Par courrier du 2 juin 2020, le LIH répondit comme suit :

« (…) Vous trouverez ci-joint une copie des documents communicables suivants que nous avons identifiés sur base des branches suivantes de votre demande :

− « le(s) document(s) relatif(s) à l'acquisition des réactifs nécessaires à la réalisation des tests » :

o Acte de transfert de propriété de tests PCR acquis dans le cadre de la crise du COVID-19 signé entre le Haut-Commissariat à la Protection Nationale et notre Institut le 27 avril 2020 ; et o Avenant Acte de transfert de propriété de tests PCR acquis dans le cadre de la crise du COVID-19 signé par le LIH et selon nos informations en cours de signature auprès du Haut-Commissariat à la Protection Nationale, − « le(s) document(s) relatif(s) à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateur(s), public(s) ou privé(s) » o Convention LIH/CP5-2020 entre le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et le Ministère de la Santé d'une part et notre Institut d'autre part, ayant pris effet le 27 avril ; et o Avenant Convention LIH/CP5-2020 du 25 mai 2020.

3 S'agissant des autres branches de votre demande, à savoir :

− « le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests » − « et, de façon plus générale, tout autre document relatif aux relations entre l'Etat ou le Luxembourg Institute of Health, d'un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d'un autre côté, qu'il s'agisse d'actes de dévolution d'une mission particulière, d'un contrat, quelle que soit sa qualification juridique ou de tout autre acte, en ce compris et non limitativement: protocole d'accord, Memorandum of Understanding, acte administratif unilatéral, élément d'accord non autrement formalisé qu'un échange de correspondance, etc. » nous sommes au regret de ne pas pouvoir y réserver une suite favorable, étant donné que les documents que nous avons identifiés pour y répondre ne sont pas accessibles aux motifs qu'ils :

− ne sont pas relatifs à l'exercice d'une activité administrative ; et/ou − sont exclus du droit d'accès en vertu de l'article 1(2) alinéas 8 et/ou 9 de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte en ce qu'ils sont relatifs, respectivement, (i) au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles qui nous ont été communiquées et/ou (ii) en raison d'un marché public à intervenir, à notre capacité de mener notre politique économique, financière, fiscale et commerciale alors que la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs.

Pour toute question, merci de vous adresser à notre agent chargé de la communication des documents, Mme …, General Counsel. (…) ».

Par courrier du 4 juin 2020, le ministre, de son côté, répondit comme suit :

« Concernant votre demande, je voudrais informer que je me rallie au courrier du Luxembourg Institute of Health du 2 juin 2020 qui fait partie de la présente décision et qui se trouve joint en annexe. (…) ».

Par courrier du 15 juin 2020, Monsieur (A) saisit la Commission d’accès aux documents, ci-après « la CAD », d'une demande d'avis.

La CAD rendit en date du 6 juillet 2020 son avis numéro R-7/2020 libellé comme suit :

« (…) Par courrier reçu le 16 juin 2020, Maître (A) a, en application de l'article 10 de la loi modifiée du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte (la « Loi »), saisi la CAD pour avis. Cette saisine fait suite à ses demandes de communication datées 4du 4 mai 2020 au Luxembourg Institute of Health (le «LIH ») et au Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (le « MESR ») portant sur :

a) le(s) document(s) relatif(s) à l'acquisition des réactifs nécessaires à la réalisation des tests de dépistage du Covid-19 ;

b) le(s) document(s) relatif(s) à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateur(s), public(s) ou privé(s) ;

c) le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests ;

d) et, de façon plus générale, tout autre document relatif aux relations entre l'État ou le Luxembourg Institute of Health, d'un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d'un autre côté, qu'il s'agisse d'actes de dévolution d'une mission particulière, d'un contrat, quelle que soit sa qualification juridique ou de tout autre acte, en ce compris et non limitativement:

protocole d'accord, Memorandum of Understanding, acte administratif unilatéral, élément d'accord non autrement formalisé qu'un échange de correspondance, etc.

La demande de communication au LIH a fait l'objet d'une décision de refus partiel en date du 2 juin 2020 en ce que le LIH a communiqué les documents visés aux paragraphes a) et b) ci-dessus, mais a refusé la communication des documents visés aux paragraphes c) et d).

Par lettre du 4 juin 2020, le MESR s'est rallié au courrier du LIH du 2 juin 2020. La CAD a examiné le dossier lors de sa réunion du 25 juin 2020.

En ce qui concerne la demande de communication portant sur les documents visés au paragraphe c) ci-dessus, la CAD a analysé les arguments soulevés par le LIH et arrive aux conclusions suivantes :

1. Quant à l'exercice d'une activité administrative (article 1er, paragraphe 1er) :

Le LIH a été chargé par le MESR et le Ministère de la Santé de la réalisation de la campagne massive de dépistage du Covid-19. Cette campagne s'inscrit dans une mission de service public et se rattache aux compétences du LIH et de l'Etat. Le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation des tests de dépistage ont été établis dans le cadre de cette mission de service public. Dès lors, la CAD est d'avis que les documents en question s'insèrent dans l'exercice d'une activité administrative du LIH et que la demande de communication se situe dans le champ d'application de la Loi tel qu'établi par l'article 1er, paragraphe 1er de la Loi.

2. Quant au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes (article 1er, paragraphe 2, point 8) :

L'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi exclut du droit d'accès les documents relatifs « au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er». Le commentaire des articles précise à ce sujet que « Sont visés, par exemple, le secret des procédés portant sur les informations qui permettent de connaître 5les techniques de fabrication ou le secret des stratégies commerciales qui concerne des informations sur les prix et pratiques commerciales d'une entreprise ».

La CAD est d'avis que cette exception ne s'applique pas aux documents qui déterminent la façon dont les tests de dépistage du Covid-19 doivent être réalisés et qui font partie intégrante des marchés conclus par le LIH avec ses sous-traitants.

3. Quant à la question de la capacité des organismes de mener leur politique économique, financière, fiscale et commerciale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs (article 1er, paragraphe 2, point 9) :

Le LIH soutient que la publication des documents sollicités serait de nature à entraver les processus de décision relatifs à sa politique économique, financière, fiscale et commerciale en raison d'un marché public à intervenir.

Or, les missions du LIH, telles qu'elles sont fixées par la loi du 3 décembre 2014 ayant pour objet l'organisation des centres de recherche publics, n'incluent pas la conduite d'une politique économique, financière, fiscale ou commerciale. Par ailleurs, les documents visés au paragraphe c) documentent des décisions déjà adoptées et leur publication n'est donc pas susceptible d'entraver les processus de décisions relatifs à la campagne massive de dépistage du Covid-19 qui est déjà en cours. Par conséquent, la CAD est d'avis que l'exclusion prévue à l'article 1er, paragraphe 2, point 9 ne s'applique pas.

Partant, la CAD estime que les documents visés au paragraphe c) sont communicables au demandeur.

En ce qui concerne la demande de communication portant sur les documents visés au paragraphe d) ci-dessus, la CAD note que l'article 4, paragraphe 1er de la Loi énonce qu'une demande de communication doit être formulée de façon suffisamment précise et contenir les éléments permettant d'identifier un document. Or, en l'espèce, la demande de communication est formulée de façon générale sans faire référence à un ou plusieurs documents précis. Dès lors, la condition de forme prévue à l'article 4, paragraphe 1er de la Loi n'est pas remplie. La demande de communication portant sur les documents visés au paragraphe d) est partant à déclarer irrecevable. (…) ».

Par courrier du 14 juillet 2020, Monsieur (A) intervint auprès de la CAD en contestant que le LIH lui aurait communiqué l’intégralité des documents relatifs à l’acquisition des réactifs nécessaires à la réalisation des tests de dépistage du Covid-19 ainsi que les documents relatifs à la dévolution de la mission de réalisation des tests aux opérateurs publics ou privés. Il précisa que seuls les contrats conclus entre le LIH, respectivement le ministère de l’Education supérieure et de la Recherche, ci-après « le MESR », et le ministère de la Santé lui auraient été transmis, sans que les contrats en relation avec les marchés publics conclus par le LIH avec les opérateurs privés chargés de la mission de réalisation des tests eurent donné lieu à communication.

Par courrier du 22 juillet 2020, le président de la CAD répondit ce qui suit :

6 « (…) J’accuse bonne réception de votre courrier du 14 juillet 2020 dans lequel vous soutenez que l’avis n° R-7/2020 de la CAD ne répond que partiellement à votre lettre de saisine du 15 juin 2020.

Or, la CAD est d’avis qu’il n’y a pas eu d’erreur matérielle et qu’elle a pris position par rapport à tous les points dont elle a été saisie. ».

Le même jour, le LIH adressa à Monsieur (A) le formulaire de demande de validation introduit le 21 mai 2020 par le laboratoire d’analyses médicales « (DE) », ci-après « (DE) », pour l'utilisation de la méthode d'analyse « RNA extraction of pooled samples for COVID PCR using MagMAX Viral/Pathogen Nucleic Acid Isolation Kit », ayant comme objet d'autoriser ce laboratoire à procéder à l'extraction RNA sur des pools de quatre échantillons pour COVID PCR en utilisant le produit Thermo Fisher MagMAX Viral/Pathogen Nucleic Acid Isolation Kit du fabricant … et le produit FTD-SARS-CoV2 Assay (PCR) du fabricant … à des fins autres que celles prévues par le mode d'emploi.

Le LIH joignit à ces documents l'arrêté du ministre de la Santé du 22 mai 2020 par lequel ce dernier autorisait (DE) à recourir à la mise en œuvre de ces dispositifs médicaux en raison de « la plus haute priorité qui devait être accordée à la santé et à la sécurité des citoyens de l'Union ».

Aucune décision explicite de confirmation de rejet de la demande après intervention de l'avis de la CAD ne fut adoptée, ni par le LIH, ni par le ministre.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 septembre 2020, Monsieur (A) introduisit un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à la réformation, sinon à l’annulation de :

« (1) la décision implicite de rejet née du silence gardé par le LIH pendant plus d'un mois suite à l'avis R-7/2020 du 6 juillet 2020 rendu par la Commission d'accès aux documents, concernant une demande de communication de documents relatifs à la campagne de dépistage à large échelle de la présence du virus Covid-19 au sein de la population, et en particulier des documents suivants:

− le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests;

− et, de façon plus générale, tout autre document relatif aux relations entre l'État ou le Luxembourg Institute of Health (…), d'un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d'un autre côté, qu'il s'agisse d'actes de dévolution d'une mission particulière, d'un contrat, quelle que soit sa qualification juridique ou de tout autre acte, en ce compris et non limitativement:

protocole d'accord, Memorandum of Understanding, acte administratif unilatéral, élément d'accord non autrement formalisé qu'un échange de correspondance, etc.

− une partie de(s) document(s) relatif(s) à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateur(s), public(s) ou privé(s);

7(2) la décision implicite de rejet née du silence gardé par le MESR pendant plus d'un mois suite à l'avis R-7/2020 du 6 juillet 2020 rendu par la Commission d'accès aux documents, concernant une demande de communication de documents relatifs à la campagne de dépistage à large échelle de la présence du virus Covid-19 au sein de la population, et en particulier des documents repris sous le (1) ci-dessus;

(3) ensemble les décisions explicites de refus de communication :

− du LIH du 2 juin 2020 (…) et;

− du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (…) du 4 juin 2020 (…). ».

Par jugement du 27 février 2023, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond le dit partiellement justifié, partant, dans le cadre de la réformation, annula les refus respectifs du LIH et du MESR de communiquer à Monsieur (A) les documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateurs, publics ou privés, renvoya le dossier en prosécution de cause au LIH ainsi qu’au MESR « afin de procéder à la communication des documents sollicités sous réserve (i) de l’analyse du caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles leur communiqués ainsi que (ii) de la vérification de la présence d’informations dont la publication ou la communication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciable aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques », pour le surplus, déclara non fondé le recours en réformation, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur (A), rejeta la demande de celui-ci en distraction des frais au profit de son mandataire et imposa les frais et dépens de l’instance pour moitié au demandeur et pour moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et au LIH.

Après avoir écarté le moyen d’irrecevabilité tenant au défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur (A), le tribunal constata en premier lieu que la demande de communication en cause visait quatre séries de documents, à savoir :

a) le(s) document(s) relatif(s) à l’acquisition des réactifs nécessaires à la réalisation des tests de dépistage du Covid-19, b) le(s) document(s) relatif(s) à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation de ces tests à ou aux opérateur(s) public(s) ou privé(s), c) le(s) document(s) relatif(s) au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests, d) et de façon plus générale, tout autre document relatif aux relations entre l’Etat ou le LIH, d’un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d’un autre côté, qu’il s’agisse d’actes de dévolution d’une mission particulière d’un contrat, quelle que soit sa qualification juridique ou de tout autre acte, en ce compris et non limitativement : protocole d’accord, Memorandum of Understanding, acte administratif unilatéral, élément d’accord non autrement formalisé qu’un échange de correspondance, etc.

8Il releva en deuxième lieu que selon le dernier état des conclusions des parties à l’instance, les seules catégories de documents restant litigieux étaient (i) les documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests de dépistage du Covid-19 à large échelle à ou aux opérateur(s) public(s) ou privé(s), en ce que le LIH, respectivement le MESR n’auraient pas communiqué les documents à leur disposition relatives au marché public conclu avec (DE), (ii) les documents relatifs au protocole médical et biologique suivi pour la réalisation de ces tests, Monsieur (A) contestant avoir reçu les documents relatifs au protocole médical et (iii) tout autre document relatif aux relations entre l’Etat ou le LIH, d’un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage, d’un autre côté, les parties défenderesses concluant à l’irrecevabilité de ce volet de la demande de communication en raison de son imprécision.

Le tribunal rappela ensuite que sous l’égide de la loi du 14 septembre 2018, le principe était que tous les documents détenus par une administration ou un service de l’Etat, une commune, un établissement public et une personne morale fournissant un service public étaient accessibles et qu’il suffisait que les documents sollicités revêtaient un caractère administratif et qu’ils se rapportent à la gestion d’une activité administrative et que dorénavant l’accès aux documents constituait la règle générale, la loi prévoyant toutefois des exceptions à ce principe, les parties à l’instance étant notamment en litige sur la portée des exceptions invoquées par le LIH et l’Etat.

Concernant plus particulièrement les documents relatifs au protocole médical et biologique, le tribunal nota que les prétentions de Monsieur (A) par rapport à la communication des documents relatifs au protocole médical – les documents relatifs au protocole biologique n’étant plus litigieux - tournaient exclusivement autour de la question de savoir si l’intégralité des documents concernés avaient été communiqués.

Sur ce, il retint qu’il ne lui appartenait pas de déterminer lui-même l’étendue des documents administratifs à communiquer, ni d’apprécier si tous les documents demandés avaient été communiqués, mais qu’il était seulement compétent pour vérifier si les parties défenderesses s’étaient basées sur des données factuelles exactes, si celles-ci avaient été correctement appréciées et si, sur cette base, elles avaient exercé leur pouvoir de décision dans les limites du raisonnable et que dans la mesure où, d’une part, la communicabilité des documents relatifs au protocole médical et biologique avait été retenue par la CAD dans son avis du 6 juillet 2020 et que, d’autre part, les parties défenderesses n’avaient pas contesté de manière circonstanciée la conclusion de la CAD à cet égard, la demande de Monsieur (A) tendant, en substance, à ordonner aux parties défenderesses de communiquer les autres documents relatifs au protocole médical n’ayant pas encore fait l’objet d’une communication, pour autant qu’ils existent, était à rejeter.

Concernant ensuite les documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests à ou aux opérateur(s) public(s) ou privé(s), le tribunal nota d’abord que les parties étaient en désaccord sur la qualification de document administratif au sens de la loi du 14 septembre 2018. Après avoir relevé que ladite loi de 2018 ne donnait pas de définition de la notion de document relatif à l’exercice d’une activité administrative, le tribunal, par référence à la circulaire du Premier ministre du 26 octobre 2018 concernant la mise en application pratique de la loi du 14 septembre 2018, ci-après « la circulaire », releva « qu’un document n’est administratif que s’il a un lien suffisamment direct avec la mission de service 9public de l’organisme qui l’a produit ou reçu, c’est-à-dire sont seuls considérés comme des documents administratifs, les documents produits ou reçus dans le cadre d’une mission de service public, ce qui nécessite qu’il se rattache à une compétence de celui-ci », que suivant cette même circulaire ne constituaient pas des documents administratifs ceux relatifs aux relations contractuelles qu’une personne morale entretient avec ses clients, les documents relatifs à la gestion des actifs immobiliers, comme les dossiers de logement des locataires des immeubles appartenant au Fonds du Logement, les documents relatifs à un marché public - à condition qu’ils n’aient pas de lien avec la mission de service public des organismes visés - ou encore les documents relatifs aux acquisitions mobilières et immobilières si elles n’ont aucun lien avec la mission de service public des organismes visés et que c’était donc le rattachement à une mission de service public relevant de la compétence de l’entité visée qui est déterminant pour la qualification de document relatif à une activité administrative, ce lien devant être suffisamment direct.

D’après le tribunal, la notion de « documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative » pouvait dès lors être circonscrite par l’ensemble des documents pour lesquels il existe un lien suffisant avec la mission de service public de l’entité visée par la loi du 14 septembre 2018 qui les produit ou les reçoit.

Le tribunal nota ensuite que l’Etat, en l’occurrence le MESR, était incontestablement une autorité administrative rendant un service public.

Au vu des missions générales et spécifiques du LIH se dégageant des articles 4 et 32 de la loi du 3 décembre 2014 ayant pour objet l'organisation des centres de recherche publics, ci-après « la loi du 3 décembre 2014 », ainsi que du fait que plusieurs de ses caractéristiques permettaient de l’identifier comme étant en lien avec le secteur public, à savoir qu’il s’agit d’un établissement public doté de la personnalité juridique, qu’il a été créé par le pouvoir public en vertu d’une disposition législative, qu’il n’y a pas de rattachement au pouvoir judiciaire ou législatif, qu’il n’exerce pas dans un but de lucre, qu’il est placé sous la tutelle du ministre et du ministre de la Santé, qu’il est financé notamment par l’Etat, que ses comptes doivent être approuvés par le Gouvernement en conseil et que le Gouvernement en conseil nomme un membre du conseil d’administration, le tribunal nota que le LIH était également a priori à considérer comme une autorité administrative, tout en retenant que les documents dont la communication était sollicitée doivent avoir un lien suffisamment direct avec une mission de service public de l’organisme qui l’a produit ou reçu et se rattacher à une compétence de celui-ci et qu’une activité constituait un service public quand elle est assurée ou assumée par une personne publique en vue de satisfaire un besoin d’intérêt public.

Sur ce, les premiers juges relevèrent que les documents litigieux étaient en lien avec les modalités de la campagne de tests mise en œuvre par l’Etat dans le cadre de la lutte contre la pandémie due au Covid-19, qu’il ressortait plus particulièrement de la convention LIH/CP5-2020 conclue en date du 4 mai 2020 que le LIH avait été chargé par l’Etat d’implémenter une stratégie d’atténuation proactive pour le déconfinement et le monitoring de la pandémie due au Covid-19 basée sur un dépistage PCR à large échelle, que le LIH s’était engagé à mettre en place et à exploiter un dispositif de dépistage PCR à large échelle capable d’identifier les infections avec le virus SARS-CoV-2 et garantissant une capacité de 20.000 personnes testées par jour et que dans le cadre 10de l’exercice de cette mission le LIH avait par ailleurs eu la possibilité de déléguer par voie contractuelle à un ou plusieurs sous-traitants des activités lui déléguées dans le respect des dispositions légales sur les marchés publics, tout en étant obligé de rendre compte des activités et de la progression dans l’atteinte des objectifs prévus par ladite convention.

Au vu de ces éléments, le tribunal arriva à la conclusion que la mission dévolue au LIH par l’Etat était de nature à assurer un service d’intérêt public dans le cadre de la protection de la santé publique dans le contexte de la lutte contre la pandémie due au Covid-19 et plus particulièrement en vue d’éviter un nouveau confinement, respectivement de permettre la relance des activités économiques, qu’en organisant les modalités et la mise en place d’une procédure et d’une organisation médicale et logistique permettant de faire bénéficier les résidents et les frontaliers des tests à large échelle, le LIH avait rendu un service public et que partant les documents sollicités étaient des documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative au sens de la loi du 14 septembre 2018, constat non énervé par les développements du LIH qu’il exercerait une activité autre qu’administrative sans pour autant pouvoir être classée parmi les activités industrielles et commerciales.

Quant aux différents cas d’exclusion invoqués par les parties défenderesses pour s’opposer à la demande de communication de Monsieur (A), le tribunal nota qu’en vertu des points 5, 6, 8 et 9 du paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, le droit d’accès était plus particulièrement exclu si le document est relatif à des droits de propriété intellectuelle ou à un secret ou une confidentialité, s’il contient des informations commerciales et industrielles confidentielles ou si la publication du document sollicité est de nature à entraver les processus de décision relatifs à la capacité de l’organisme de mener sa politique économique, financière, fiscale et commerciale, relevant dans ce contexte que les auteurs du projet de loi avaient souligné que les exclusions prévues par la loi « sont nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux », l’autorité publique sollicitée devant « mettre en balance l’intérêt de la communication d’un document et l’intérêt protégé par un motif d’exception ».

Il releva ensuite que pour l’hypothèse où l’administration s’oppose à la communication des documents sollicités en avançant l’une des clauses d’exclusion prévues par la loi du 14 septembre 2018, la charge de la preuve lui incombait et que la solution inverse, telle qu’avancée par le LIH, n’était pas compatible avec la « politique d’ouverture aux citoyens » imposée par ladite loi et plus particulièrement avec l’hypothèse, telle que celle en l’espèce, dans laquelle le demandeur affirme ne pas savoir concrètement quels documents figurent entre les mains de l’administration, celle-ci étant la seule à pouvoir déterminer et a fortiori prouver quels documents sont susceptibles de tomber dans le champ d’application d’une exclusion de communication.

Quant à la clause d’exclusion invoquée par les parties défenderesses visée plus particulièrement par l’article 1er, paragraphe 2, point 9, de la loi du 14 septembre 2018, à savoir que la publication de la documentation sollicitée aurait trait à la politique économique, financière, fiscale et commerciale du LIH et des processus de décision y relatifs, le tribunal retint qu’à travers sa mission d’organisation des tests à large échelle, ledit organisme ne menait pas une politique économique, financière, fiscale ou commerciale, tâches ne figurant, par ailleurs pas parmi ses missions énumérées dans la loi du 3 décembre 2014, et que partant la communication des documents 11litigieux n’entravait pas les processus de décision susceptibles d’avoir lieu dans ce contexte, tout en rappelant que la mission du « large scale testing » avait été effectuée sous la tutelle de l’Etat assumant lui-même a priori la politique économique, financière, fiscale ou commerciale y relative.

S’agissant ensuite de l’exclusion visée par l’article 1er, paragraphe 2, point 5, de la loi du 14 septembre 2018, à savoir que la publication de la documentation sollicitée viserait des droits de propriété intellectuelle du LIH et des opérateurs soumissionnaires dans le cadre des marchés publics dans lesquels le LIH remplit la fonction de pouvoir adjudicateur, le tribunal constata que le LIH se référait exclusivement à l’article 18 de la loi du 3 décembre 2014, intitulé « propriété intellectuelle », article prévoyant la protection des droits de propriété intellectuelle uniquement dans le cadre de projets de recherche, de développement et d’innovation ou bien de coopérations scientifiques. Il constata ensuite que les documents litigieux n’entraient dans aucune de ces catégories, étant donné que le LIH avait, par l’organisation des tests à large échelle, rendu un service public et que le LIH, respectivement le MESR, étaient restés en défaut de fournir une quelconque explication en quoi les documents litigieux seraient protégés par un droit de propriété intellectuelle, respectivement en quoi ils seraient de nature à révéler des éléments liés à un savoir-

faire propre.

Concernant la cause d’exclusion visée par l’article 1er, paragraphe 2, point 6, de la loi du 14 septembre 2018, à savoir que la documentation sollicitée viserait un secret ou une confidentialité protégés par la loi, le tribunal constata de nouveau que les parties défenderesses restaient en défaut de préciser quel serait concrètement le secret, respectivement, en ce qui concerne le LIH, quelles seraient les informations confidentielles prévus par sa loi organique qui s’opposeraient à la communication des documents.

S’agissant finalement de l’exclusion visée par l’article 1er, paragraphe 2, point 8, de la loi du 14 septembre 2018, à savoir que la publication de la documentation sollicitée viserait des informations commerciales et industrielles confidentielles, le tribunal nota en premier lieu que la circulaire prévoyait que les documents relatifs à des marchés publics ne sont en principe pas communicables, sauf s’ils sont en lien avec l’exercice d’un service public.

Il nota ensuite que la loi modifiée du 8 avril 2018 sur les marchés publics, ci-après « la loi du 8 avril 2018 », prévoyait en son article 12 un régime particulier d’accès aux documents pour certaines informations et une restriction d’accès temporaire aux documents internes de l’autorité adjudicatrice, article transposant entre autres en droit national l’article 21 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, ci-après désignée par « la directive 2014/24 ».

Dans ce contexte, le tribunal releva que la campagne de tests à large échelle litigeuse était actuellement terminée et avait été exécutée par (DE) et qu’il était, aux termes de l’article 12, paragraphe (3), point b), de la loi du 8 avril 2018, actuellement interdit au LIH de communiquer des renseignements confidentiels lui communiqués par les soumissionnaires et que ledit organisme pouvait, par ailleurs, refuser de communiquer ou publier des informations dont la publication ou la communication serait respectivement contraire à l’intérêt public ou préjudiciable aux intérêts commerciaux d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques.

12 Les premiers juges en conclurent que c’était à tort que les parties défenderesses refusaient de façon générale et par principe la communication de toutes les informations en lien avec le marché public, mais qu’il leur aurait au contraire appartenu de faire le tri entre les documents contenant des aspects confidentiels communiqués par les soumissionnaires, respectivement les informations dont la publication ou la communication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciable aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, qui ne sont pas communicables et, au contraire, les documents communicables ne comportant pas de tels éléments et qu’il leur aurait partant appartenu de procéder à une mise en balance entre l’intérêt protégé par l’exception et l’intérêt de la publicité, l’intérêt de la publicité devant être compris comme relevant de l’intérêt général, et ne se confondant pas avec l’intérêt du demandeur du document. Ainsi, aux yeux du tribunal, le droit d’accès devait être plus facilement accordé s’il sert un intérêt général et non uniquement la satisfaction de la curiosité de l’individu.

Sur ce point, le tribunal réfuta encore l’allégation de Monsieur (A), s’agissant des documents contenant des éléments confidentiels communiqués par les soumissionnaires, qu’il ne suffisait pas d’occulter les passages concernés pour les rendre communicables, étant donné que le procédé de l’occultation n’est prévu que pour des données à caractère personnel au niveau de l’article 6 de la loi du 14 septembre 2018 et non pas concernant les exclusions prévues à l’article 1er, paragraphe (2), de ladite loi, estimant que soit un document contenait des éléments confidentiels communiqués par les soumissionnaires, de sorte à devenir non communicable, soit un document ne contenait pas de tels éléments et devenait en conséquent communicable.

Le tribunal arriva partant à la conclusion que, dans le cadre du recours en réformation, il y avait lieu d’annuler les décisions déférées afin de permettre aux parties défenderesses de vérifier quels documents étaient susceptibles de pouvoir être communiqués, tout en rappelant qu’il ne lui appartenait pas de déterminer lui-même l’étendue des documents administratifs à communiquer, ni d’apprécier si tous les documents demandés avaient d’ores et déjà été communiqués.

Concernant finalement la demande de communication de Monsieur (A) visant « tout autre document relatif aux relations entre l’Etat ou le LIH, d’un côté, et le ou les opérateurs publics ou privés chargés de réaliser la campagne massive de dépistage précitée, d’un autre côté », le tribunal, par référence à l’article 4 de la loi du 14 septembre 2018, retint en premier lieu que pareille demande devait permettre d’identifier le document dont la communication est sollicitée. Il nota ensuite qu’il se dégageait de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 qu’une demande de communication ne pouvait que porter, d’une part, sur des documents, et non pas seulement sur des informations, et que, d’autre part, ces documents devaient être détenus par l’administration, de sorte que la demande ne pouvait que porter sur un document qui existe et qui est détenu par l’administration, tout en relevant que l’administration n’était tenue, en règle générale, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la communication d’un document qui n’existe pas en tant que tel, ni de faire des recherches en vue de collecter l’ensemble des documents éventuellement détenus, ni d’établir un document en vue de procurer les renseignements ou l’information souhaités. Or, à défaut de précisions suffisantes fournies par le demandeur permettant d’identifier le/les documents visés dont il entend obtenir la communication, le tribunal confirma le refus du 13LIH, respectivement du MESR, confirmé par la CAD, et rejeta ce volet de la demande en application de l’article 4, paragraphe 1er, de la loi du 14 septembre 2018.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 6 avril 2023, Monsieur (A) a fait entreprendre le jugement du 27 février 2023, sollicitant « avant dire droit » à voir ordonner aux parties intimées de « déposer l’intégralité du dossier administratif, en ce compris, l’intégralité des documents dont la communication est sollicitée et qui font l’objet des décisions contestées », incluant notamment l’intégralité des protocoles médicaux et biologiques relatifs à la réalisation des tests de dépistage à la Covid-19 et l’intégralité des documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests aux opérateurs, publics ou privés, sinon, par réformation du jugement entrepris, de juger communicables le protocole médical relatif au dépistage à grande échelle de la population à la Covid-19, le ou les marchés publics conclus entre le LIH et/ou le MESR, d’un côté, et (DE), d’un autre côté, ainsi que tous les autres documents relatifs aux liens juridiques entre le LIH et/ou le MESR, d’un côté, et (DE), d’un autre côté, ayant pour objet le dépistage à grande échelle de la population à la Covid-19.

Dans son mémoire en réponse déposé le 5 mai 2023, le LIH déclare interjeter appel incident à l’encontre dudit jugement en ce que le tribunal, en premier lieu, n’a pas retenu l’irrecevabilité du recours initial pour autant que dirigé contre la décision de refus de communiquer le protocole médical et biologique, en deuxième lieu, a renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le LIH et le ministre, et, en dernier lieu, a écarté son argumentation consistant à soutenir que les documents sollicités ne se rattachent pas à une activité administrative au sens de l’article 1er, paragraphe (1), de la loi du 14 septembre 2018.

Les deux appels, principal et incident, ayant été formés d’après les délais et formes prévus par la loi, ils sont recevables.

La juridiction saisie n'étant pas tenue de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt de l'administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent, il convient en premier lieu d’examiner le moyen du LIH relatif à un défaut de rattachement des documents sollicités à une activité administrative. En effet, un accueil favorable dudit moyen conduirait au rejet dans sa globalité de la demande de communication des divers documents sollicités par Monsieur (A) en raison de l’inapplicabilité de la loi du 14 septembre 2018.

Dans ce contexte, le LIH, tout en relevant qu’il agirait en dehors de tout but de lucre, renvoie aux articles 4 et 32 de la loi du 3 décembre 2014, articles énumérant les missions générales et spécifiques lui confiées.

Par référence à un avis de la CAD du 8 avril 2020 (n° R-2/2020), il argumente que les organismes visés par la loi du 14 septembre 2018 peuvent exercer des activités de nature autre qu’administrative, telles les activités industrielles et commerciales. Cependant les activités de nature autre qu’administrative ne se réduiraient pas aux seules activités industrielles et commerciales et pourraient englober d’autres activités, tel que cela se dégagerait des différentes missions confiées au LIH d’après la loi du 3 décembre 2014. Plus précisément, les documents 14échangés et les contrats conclus entre le LIH et (DE), portant sur la campagne de tests mise en œuvre par l’Etat dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, seraient relatifs à l’exercice par le LIH d’une activité d’une nature autre qu’administrative, sans pour autant qu’elle soit industrielle et commerciale, de sorte que cette documentation n’entrerait pas dans le champ d’application de l’article 1er, paragraphe (1), de la loi du 14 septembre 2018 ne concernant que les documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative.

Monsieur (A), de son côté, expose que la seule question serait de savoir si les documents sollicités se rattachent à l’exercice d’une activité administrative ou non. Ainsi, le LIH aurait été chargé, par convention avec le ministère de la Santé et le MESR, de mettre en œuvre un programme de dépistage à large échelle du Covid-19 au sein de la population luxembourgeoise et le LIH aurait agi par délégation des autorités ministérielles et il serait tenu de satisfaire aux exigences imposées par ces autorités de tutelle. D’après l’appelant, la notion de « documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative » pourrait être circonscrite par l’ensemble des documents pour lesquels il existe un lien suffisant avec la mission de service public de l’entité visée par la loi du 14 septembre 2018 qui les produit ou les reçoit. Tout en se référant à la circulaire du Premier ministre, il rappelle que les documents sollicités auraient été élaborés dans le contexte de la lutte contre la pandémie mondiale du Covid-19 et poseraient le cadre juridique de la mise en œuvre concrète des mesures de protection sanitaire de la population. Or, la protection de la santé publique constituerait une mission de service public, c’est-à-dire une activité d’intérêt général assumée normalement par les entités publiques. Partant, les documents sollicités seraient à rattacher à une activité administrative au sens de la loi du 14 septembre 2018 et serait partant communicables.

La loi du 14 septembre 2018 ne fournit pas de définition de « l’exercice d’une activité administrative ». A défaut de définition dans la loi, il y a lieu de recourir au sens commun des termes employés. L’activité administrative ne revêt pas une fin en soi mais est appelée à servir l’intérêt général bien compris, c’est-à-dire celui de l’ensemble des administrés, partant du public.

En cela, il s’agit d’un service public assuré, non pas, en principe, par des acteurs privés, mais par des entités publiques. De là, se dégage la notion de service public, qui sous-tend l’activité administrative, laquelle peut dès lors être valablement définie par les termes de mission de service public. Il en découle que la notion de « documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative » peut être circonscrite par l’ensemble des documents pour lesquels il existe un lien suffisant avec la mission de service public de l’entité visée par la loi du 14 septembre 2018 qui les produit ou les reçoit (cf. Cour adm. 6 avril 2021, n° 45383C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Accès aux documents, n°9).

La Cour rejoint en premier lieu les premiers juges en leur conclusion que le LIH est a priori à considérer comme une autorité administrative en ce que plusieurs de ses caractéristiques, en tant que centre de recherche public, permettent de l’identifier comme étant doté d’une mission de service public. Ainsi, le LIH est un établissement public doté de la personnalité juridique et créé par le pouvoir public en vertu d’une disposition législative, il n’exerce pas dans un esprit de lucre et est placé sous la tutelle du ministère de la Santé et se trouve financé notamment par l’Etat, de même que ses comptes sont approuvés par le Gouvernement en conseil.

Il convient de constater ensuite que la demande de communication de Monsieur (A) vise les documents relatifs à la campagne de tests mise en œuvre par l’Etat dans le cadre de la réalisation 15de la campagne massive de dépistage du Covid-19. A l’instar de la position de la CAD dans son avis du 6 juillet 2020, la Cour retient que cette campagne se rattache aux compétences du LIH et de l'Etat et s'inscrit dans une mission de service public appelée à servir l’intérêt général de l’ensemble des administrés, partant du public.

S’il est certes exact que dans le cadre de cette mission précise, le LIH n’exerçait pas une activité industrielle et commerciale, ladite mission consistait cependant à assurer un service d’intérêt public dans le cadre de la protection de la santé publique dans le contexte de la pandémie du Covid-19, c’est-à-dire une activité d’intérêt général assumée normalement par les entités publiques, le LIH n’ayant par ailleurs jamais nié avoir effectué une mission de service public dans l’intérêt de la protection de la santé publique.

Au vu de ce qui précède, la demande de documentation de Monsieur (A) vise à l’évidence l’exercice d’une activité administrative au sens de la loi du 14 septembre 2018 et les documents sollicités sont dès lors par principe communicables, sauf à tomber sous les clauses d’exclusion prévues au paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, respectivement dans le champ d’application de l’article 12, paragraphe (3), de la loi du 8 avril 2018.

Concernant ensuite la demande « avant dire droit » de Monsieur (A) à voir ordonner aux parties intimées de « déposer l’intégralité du dossier administratif, en ce compris, l’intégralité des documents dont la communication est sollicitée et qui font l’objet des décisions contestées », en conformité avec les articles 8, paragraphe (5), et 14-1, paragraphe (10), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », il convient de relever en premier lieu que l’article 14-1 de la loi du 21 juin 1999 ne trouve pas application au cas d’espèce pour viser les règles procédurales spécifiques applicables au recours dirigés contre les décisions de sanctions administratives communales visées à l’article 9-1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Aux termes de l’article 8, paragraphe (5), de la loi du 10 juin 1999 :

« L’autorité qui a posé l’acte visé par le recours dépose le dossier au greffe sans autre demande, dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours. (…) ».

La Cour tient à rappeler en premier lieu que la notion de dossier administratif est à comprendre comme l’ensemble de toutes les pièces relatives à l’acte attaqué, même celles qui ne le fondent pas directement, étant précisé qu’il appartient à l’administration d’établir pourquoi une pièce réclamée par l’administré n’est pas pertinente (cf. Cour adm. 23 décembre 2021, n°45696C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 813).

Cependant, dans le cas d’espèce, l’objet du litige ne vise pas la réformation ou l’annulation d’une décision administrative déterminée, mais consiste plus précisément à vérifier le bien-fondé d’une demande de communication d’un ensemble de documents qualifiés de confidentiels par le LIH et la partie étatique, à savoir notamment l’intégralité des protocoles médicaux et biologiques relatifs à la réalisation des tests de dépistage à la Covid-19 et l’intégralité des documents relatifs à la dévolution, par voie unilatérale ou contractuelle, de la mission de réalisation des tests aux 16opérateurs, publics ou privés, sinon, le protocole médical relatif au dépistage à grande échelle de la population à la Covid-19, le ou les marchés publics conclus entre le LIH et/ou le MESR, d’un côté, et (DE), d’un autre côté, ainsi que tous les autres documents relatifs aux liens juridiques entre le LIH et/ou le MESR, d’un côté, et (DE), d’un autre côté, ayant pour objet le dépistage à grande échelle de la population à la Covid-19.

Autrement dit, l’objet du litige ne vise pas un acte administratif précis, le cas échéant, à sanctionner, mais concerne exclusivement le droit d’accès et la communication éventuelle de documents sur base de la loi du 14 septembre 2018, loi spéciale qui contient un certain nombre de clauses d’exclusion invoquées par les parties intimées et sur lesquelles la juridiction saisie est précisément appelée à se prononcer.

Or, dans le cadre de l’exercice de cette mission consistant à se prononcer sur une éventuelle communication de pièces déposées sous le sceau de la confidentialité, tel en l’espèce, à la suite du dépôt des pièces en annexe au courrier du mandataire du LIH du 25 octobre 2023, si la Cour est appelée à apprécier, en considération de l’argumentation des parties au litige, si les documents déposés au greffe tombent sous une des clauses d’exclusion invoquées pour justifier leur confidentialité et partant leur non-communication au demandeur initial, la Cour ne saurait cependant ab initio ordonner la communication des documents déposés à Monsieur (A), étant donné que, vu sous cet angle, la demande avant dire droit de Monsieur (A) se confond avec l’objet même du litige en ce que le caractère de confidentialité initialement attribué à la documentation sollicitée doit rester efficient jusqu’à ce que la Cour ait statué sur les clauses d’exclusion au droit d’accès mises en avant et telles qu’énumérées au paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018.

Pour autant que la demande avant dire droit de l’appelant tend à garantir que l’intégralité du dossier administratif a été déposée au greffe de la Cour, il convient de relever que suite aux plaidoiries à l’audience publique du 3 octobre 2023, le litismandataire du LIH, sur demande de la Cour, s’est déclaré d’accord à verser sous le sceau de la confidentialité les documents en possession du LIH et du MESR relatifs au marché public conclu dans le cadre du « LST1 », communication uniquement destinée à la Cour et qui a été effectuée en annexe à un courrier du 25 octobre 2023.

La Cour part du principe que, ce faisant, les parties intimées ont procédé au dépôt de l’intégralité des documents faisant l’objet des décisions contestées et elle ne saurait a priori admettre que d’autres documents existants et visés par la demande ne lui auraient pas été fournis. A défaut d’indications plus précises sur l’existence d’autres pièces concernées, la Cour retient partant que l’intégralité des documents concernés lui a été remise et la demande avant dire droit de Monsieur (A) est à rejeter.

Aux termes de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 :

« (1) Les personnes physiques et les personnes morales ont un droit d’accès aux documents détenus par les administrations et services de l’Etat, les communes, les syndicats de communes, les établissements publics placés sous la tutelle de l’Etat ou sous la surveillance des communes ainsi que les personnes morales fournissant des services publics, dans la mesure où les documents sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative. Elles ont également accès aux documents 17détenus par la Chambre des Députés, le Conseil d’Etat, le Médiateur, la Cour des comptes et les Chambres professionnelles, qui sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative.

(2) Sont toutefois exclus du droit d’accès, les documents relatifs :

(…) 5. à des droits de propriété intellectuelle ;

6. à un secret ou une confidentialité protégés par la loi ;

(…) 8. au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er ;

9. à la capacité des organismes visés au paragraphe 1er de mener leur politique économique, financière, fiscale et commerciale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs ;

10. à la confidentialité des délibérations du Gouvernement ».

A l’instar des premiers juges, la Cour constate que d’après l’article 1er, paragraphe (2), points 5, 6, 8 et 9 de la loi du 14 septembre 2018, le droit d’accès est plus particulièrement exclu si le document est relatif à des droits de propriété intellectuelle ou à un secret ou une confidentialité, s’il contient des informations commerciales et industrielles confidentielles ou si la publication du document sollicité est de nature à entraver les processus de décision relatifs à la capacité de l’organisme de mener sa politique économique, financière, fiscale et commerciale, les auteurs du projet de loi ayant souligné que les exclusions prévues par la loi « sont nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux », l’autorité publique sollicitée devant « mettre en balance l’intérêt de la communication d’un document et l’intérêt protégé par un motif d’exception ».

C’est encore à bon droit que les premiers juges ont relevé que dans le cadre de cette démarche l’administration est tenue de vérifier in concreto si la divulgation du document constitue un risque suffisamment caractérisé d’atteinte à l’un des intérêts protégés par l’exception et que si au niveau de l’administration de la preuve les règles de preuve en matière administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve sur le demandeur, en l’occurrence Monsieur (A), lequel doit en principe effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, il n’en reste pas moins qu’au cas où, en la présente matière, l’administration s’oppose à la communication des documents sollicités en avançant l’une des exclusions prévues par la loi du 14 septembre 2018, la charge de la preuve lui incombe.

Afin de donner à sa démarche un effet utile, il convient de retenir qu’il appartient à la juridiction, saisie en vue de contrôler la régularité et le bien-fondé d'une décision de refus de communication de documents administratifs sur le fondement des clauses d’exclusion figurant au paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l'écoulement du temps et l'évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle elle statue, étant rappelé qu’aux termes de l’article 12, paragraphe (3), de la loi du 14 septembre 2018 un refus de communication des documents sollicités est susceptible d’un recours en réformation.

18En la présente matière, il incombe au juge du fond d'examiner si les éléments contenus dans les documents dont il est demandé communication peuvent notamment porter atteinte aux intérêts ou aux secrets protégés par la loi et faire ainsi obstacle à cette communication. Ainsi, le juge administratif a la faculté, par une appréciation souveraine, d'ordonner avant-dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, et le juge ne saurait, au seul motif que le document litigieux est susceptible de comporter des éléments couverts par un secret que la loi protège, décider qu'il n'est pas communicable, sans avoir au préalable ordonné sa production, hors contradictoire, afin d'apprécier l'ampleur des éléments protégés et la possibilité de communiquer le document.

La Cour note en premier lieu que suite à l’audience des plaidoiries du 3 octobre 2023, le litismandataire du LIH, dans un courrier du 6 octobre 2023, a fait part à la Cour que tant le LIH que le MESR ont accepté de communiquer à la Cour et à elle seule, pour lui permettre d’exercer sa mission de contrôle, les documents relatifs au marché public conclu dans le cadre du « large scale testing », communication qui a été effectuée par courrier du 25 octobre 2023 de Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ comprenant 12 documents.

La Cour constate ensuite que parmi les 12 documents communiqués à la Cour en annexe audit courrier du 25 octobre 2023 figure la convention du 4 mai 2020 LIH/CPS-2020 conclue entre l’Etat et le LIH (pièce 3) et l’avenant du 25 mai 2020 à la convention du 4 mai 2020 LIH/CPS-2020 (pièce 6), documents qui auparavant ont déjà été jugés « communicables » par le LIH et qui ont été communiqués à Monsieur (A) en date du 2 juin 2020, de sorte qu’il n’y a plus lieu de se prononcer sur le droit d’accès à ces deux documents.

Concernant ensuite les différentes clauses d’exclusion du droit d’accès invoquées par le LIH en relation avec les 10 autres documents communiqués à titre confidentiel à la Cour, il convient de retenir en premier lieu que la partie désireuse d’invoquer un secret doit le faire en se référant à des éléments précis du document litigieux permettant ainsi de donner de la substance à ce secret et l’invocation abstraite d’un secret ne suffit pas. Au niveau de la motivation d’un refus de communication à l’initiative de l’administration, il ne suffit pas de citer une des exceptions applicables pour pouvoir valablement refuser l’accès à un document administratif, mais il faut que cette motivation soit circonstanciée, concrète et pertinente. La motivation invoquée par l’administration est encore à apprécier d’un point de vue temporel et il convient d’évaluer si le secret invoqué conserve encore sa pertinence du fait de l’écoulement du temps.

En substance, le LIH, rejoint en cela par la partie étatique, argumente en instance d’appel qu’il ne devrait pas faire droit à la demande de communication de Monsieur (A) au motif que les documents sollicités soit n’existeraient pas, soit auraient été « inachevés » au jour de le demande initiale du 4 mai 2020, soit constitueraient des documents concernant des communications internes confidentielles ou contiendraient des informations dont la publication ou la communication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciables aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à la concurrence loyale entre les opérateurs économiques.

En outre, les documents relatifs au marché public – en l’occurrence un marché négocié -, attribué par le LIH aux (DE), n’auraient pas été communiqués pour comporter des informations relatives 19aux moyens techniques et humains, au chiffre d’affaires et aux détails techniques et financiers des offres du soumissionnaire, documents et contrats qui seraient couverts par le caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées au LIH, au sens de l’article 1er, (2), point 8, de la loi du 14 septembre 2018, respectivement l’article 12, paragraphe (3), de la loi du 8 avril 2018 et l’article 21 de la directive 2014/24.

Finalement, les parties intimées soutiennent encore qu’il n’existerait pas de protocole médical au sens où l’entend l’appelant, de sorte que le recours initial aurait dû être déclaré irrecevable sous cet aspect pour avoir été dirigé contre une pièce inexistante.

Tel que relevé ci-avant, la Cour ne saurait se prononcer sur la question de savoir si l’intégralité des documents existants en relation avec la problématique soulevée ont été déposés au greffe, à défaut de plus d’indications fournies à cet égard permettant encore d’identifier d’autres documents existants. Dès lors, l’argumentation de l’appelant consistant à soutenir que toute mise en œuvre d’un prélèvement quelconque et d’une analyse doit nécessairement suivre un protocole médical, « faute pour le prélèvement et l’analyse d’être conduites dans les règles de l’art », si elle paraît logique, ne permet cependant pas à la Cour d’apprécier si pareil protocole médical existe effectivement et est partant identifiable, de sorte que, par application de l’article 4, paragraphe (1), de la loi du 14 septembre 2018, le volet de la demande visant la communication d’un protocole médical est à rejeter pour être non fondé.

En relation avec les différentes clauses d’exclusion invoquées par le LIH - en première instance et réitérées en instance d’appel -, la Cour se rallie à l’analyse exhaustive et pertinente des premiers juges que les différentes clauses d’exclusion invoquées et énumérées aux points 5, 6, 8 et 9 du paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2008 ne sont pas opposables à Monsieur (A).

En effet, de manière générale, la motivation avancée par le LIH pour justifier ces différentes clauses d’exclusion pêche par un manque évident de précision, étant rappelé qu’il ne suffit pas de citer de façon abstraite une des exceptions applicables pour pouvoir valablement refuser l’accès à un document administratif. Ainsi, il faut que la motivation fournie soit circonstanciée, concrète et pertinente et il n’appartient pas à la juridiction saisie de produire des motifs éventuels susceptibles de justifier une clause d’exclusion en l’absence d’une motivation in concreto, autrement que par des formules de style reproduisant les termes des clauses d’exclusion telles que figurant à la loi, et n'expliquant pas en quoi les différentes informations et chiffres contenus dans les documents litigieux mettraient en péril l’un des cas d’exclusion visés aux point 1 à 10 de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi du 14 septembre 2018.

Plus précisément, en relation avec la clause d’exclusion fondée sur le point 5 de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi du 14 septembre 2018, c’est à juste titre que le tribunal est arrivé à la conclusion que les actuels intimés, mis à part le fait de se référer de manière abstraite à l’article 18 de la loi du 3 décembre 2014, sont restés en défaut de fournir une quelconque explication en quoi la documentation litigieuse serait protégée par des droits de propriété intellectuelle, respectivement en quoi ils seraient de nature à révéler des éléments liés à un savoir-faire propre.

20De même, le LIH, auquel s’est ralliée la partie étatique, reste toujours en défaut de préciser en quoi les documents litigieux actuellement produits en cause contiendraient un secret ou une confidentialité protégés par la loi, clause d’exclusion basée sur le point 6 de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi du 14 septembre 2018.

Quant à la clause d’exclusion inscrite au point 8 de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi du 14 septembre 2018 ayant trait au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles dans le contexte du marché public attribué par le LIH aux (DE), la Cour rejoint et fait sienne l’analyse détaillée et pertinente des premiers juges les ayant amenés à la conclusion que c’est à tort que les actuels intimés refusent de façon générale et par principe l’accès à toutes les informations en lien avec ce marché public, sans tenter de faire le tri entre les documents contenant des aspects confidentiels communiqués par les soumissionnaires, respectivement les informations dont la publication ou la communication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciable aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, qui ne sont pas communicables et, au contraire, les documents communicables ne comportant pas de tels éléments. En effet, tel que retenu par les premiers juges, il aurait appartenu aux parties intimées de procéder à une mise en balance entre l’intérêt protégé par l’exception et l’intérêt de la publicité, ce d’autant plus qu’à l’heure actuelle l’attribution du marché litigieux remonte déjà à plus de trois ans.

S’agissant ensuite de la clause d’exclusion prévue par l’article 1er, paragraphe (2), point 9, de la loi du 14 septembre 2018, à savoir « la capacité des organismes visés au paragraphe 1er de mener leur politique économique, financière, fiscale et commerciale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs », la Cour se doit de constater que le LIH reste de nouveau en défaut de fournir une quelconque explication en quoi les documents litigieux visant sa mission d’organisation du « large scale testing » auraient trait à sa politique économique, financière, fiscale et commerciale, ce d’autant plus, tel que relevé à bon escient par les premiers juges, que la mission du « large scale testing » a été effectuée sous la tutelle de l’Etat assumant lui-même a priori la politique économique, financière, fiscale ou commerciale y relative.

Finalement, la Cour relève encore que l’article 1er, paragraphe (2), point 10, de la loi du 14 septembre 2018 exclut du droit d’accès les documents relatifs à la confidentialité des délibérations du Gouvernement, cause d’exclusion non invoquée par les parties intimées, de sorte que la note du 23 avril 2020 à l’attention du Conseil de gouvernement émanant du ministère de la Santé et du MESR, ensemble ses annexes, est également communicable, étant donné qu’il revient à l’autorité administrative de motiver la non-divulgation d’un document de manière concrète et pertinente. En effet, si le but poursuivi par cette exception consiste à éviter que la discussion politique au sein d’un gouvernement ne soit impactée par la crainte de divulgation de discussions confidentielles, respectivement des opinions et prises de positions personnelles des parties impliquées dans le processus de décision, aucune exception n’allant dans ce sens n’a été invoquée, ni par le LIH, ni par le représentant étatique à l’appui de leur argumentation.

Dès lors, il y a lieu, par réformation du jugement entrepris d’ordonner aux parties intimées à communiquer à Monsieur (A) en leur intégralité les documents communiqués à titre confidentiel à la Cour en date du 25 octobre 2023, à l’exception de ceux déjà communiqués antérieurement, et repris au dispositif du présent arrêt, sans qu’il ne soit nécessaire de se prononcer sur la possibilité 21d’occultation ou de disjonction des données personnelles telle que prévue à l’article 6, point 1, de la loi du 14 septembre 2018.

La demande de Monsieur (A) tendant à voir dire et juger communicables « tous les autres documents relatifs aux liens juridiques entre le LIH et/ou le MESR d’un côté, et la société (DE) SA d’un autre côté, ayant pour objet le dépistage à grande échelle de la population à la COVID-19 », telle que figurant au dispositif de sa requête d’appel est à abjuger, étant donné, d’une part, tel que relevé ci-avant, que la Cour ne saurait se prononcer sur la question de savoir si l’intégralité des documents existants en relation avec la problématique soulevée ont été communiquées, et, d’autre part, que l’appelant n’a pas fourni des indications concrètes permettant d’identifier d’autres documents que ceux visés par le dispositif du présent arrêt.

Au vu de ce qui précède, le renvoi du dossier en prosécution de cause au LIH et au MESR - en vue de procéder à la communication des documents sollicités après avoir analysé le caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées respectivement vérifié la présence d’informations dont la publication serait contraire à l’intérêt public, préjudiciable aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou nuirait à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques –, tel que retenu par les premiers juges, devient surabondant.

Monsieur (A) sollicite encore la condamnation des parties intimées au paiement d’une indemnité de procédure de 1.000.- €.

Ladite demande est cependant à rejeter, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en l’espèce.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison d’un tiers à chacune des parties au litige.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel principal de Monsieur (A) du 6 avril 2023 et l’appel incident du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH du 5 mai 2023 en la forme ;

déclare l’appel principal partiellement fondé ;

partant, par réformation du jugement entrepris du 27 février 2023, ordonne aux parties intimées de procéder à la communication à Monsieur (A) des documents déposés au greffe de la Cour administrative en date du 25 octobre 2023 et non encore communiqués, à savoir :

− la note à l’attention du Conseil de Gouvernement du 23 avril 2020 avec comme annexes un document « RESEARCH Luxembourg Covid-19 Task Force » (non daté), un document intitulé « Covid 19 pre-analytic concept » établi par les Hôpitaux Robert Schuman (non 22daté), une demande d’avis du Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH à adresser à la Commission des soumissions en vue de recourir à un marché négocié (non datée), l’avis de la Commission des soumissions du 23 avril 2020 et un devis des (DE) (non daté) ;

− la lettre d’intention du 24 avril 2020 du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à l’adresse des (DE) confirmant l’intention du Gouvernement de donner mission au Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH en vue de poursuivre sur une base exclusive la mise en œuvre du projet avec (DE) et la société (BC) en qualité de sous-traitant ;

− le protocole d’accord du 8 mai 2020 entre le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et (DE) ;

− le contrat du 22 mai 2020 pour la mise en place et l’exploitation d’un dispositif de test PCR à large échelle entre le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et (DE) ;

− la lettre recommandée du 23 juillet 2020 du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du Ministère de la Santé à l’adresse du LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH ;

− la lettre recommandée du 28 août 2020 du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du Ministère de la Santé à l’adresse du LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH ;

− le deuxième avenant daté au 3 août 2020 à la Convention LIH/CP5-2020 du 4 mai 2020 entre le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et au premier avenant du 25 mai 2020 ;

− l’avenant 01 du 31 août 2020 au contrat du 22 mai 2020 pour la mise en place et l’exploitation d’un dispositif de test PCR à large échelle entre le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH (DE) ;

− l’avenant 02 du 5 septembre 2020 au contrat du 22 mai 2020 et à l’avenant 01 du 31 août 2020 pour la mise en place et l’exploitation d’un dispositif de test PCR à large échelle entre le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH (DE) et − le troisième avenant daté au 7 septembre 2020 à la Convention LIH/CP5-2020 entre le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et au premier avenant du 25 mai 2020 et au deuxième avenant du 3 août 2020 ;

dit que c’est à tort que le tribunal à ordonné le renvoi du dossier en prosécution de cause au Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH et au ministère de l’Education supérieure et de la Recherche en vue de procéder à la communication des documents sollicités par Monsieur (A) ;

dit l’appel incident non justifié, partant le rejette ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

déboute Monsieur (A) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

23fait masse des frais des deux instances et les impose pour un tiers respectivement à Monsieur (A), à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et au Centre de recherche public LUXEMBOURG INSTITUTE OF HEALTH.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 décembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48782C
Date de la décision : 12/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-12;48782c ?

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