La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2023 | LUXEMBOURG | N°48881C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 novembre 2023, 48881C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48881C ECLI:LU:CADM:2023:48881 Inscrit le 28 avril 2023 Audience publique du 28 novembre 2023 Appel formé par l’administration communale de Sandweiler, contre un jugement du tribunal administratif du 20 mars 2023 (nos 45831, 45832 et 46330 du rôle) ayant statué sur un recours de Monsieur (A), Singapour, dirigé contre des actes du bourgmestre et du collège échevinal de la commune de Sandweiler en matière d’urbanisme Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48881C du rôle et déposée au greffe de la Cour admin

istrative le 28 avril 2023 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Co...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48881C ECLI:LU:CADM:2023:48881 Inscrit le 28 avril 2023 Audience publique du 28 novembre 2023 Appel formé par l’administration communale de Sandweiler, contre un jugement du tribunal administratif du 20 mars 2023 (nos 45831, 45832 et 46330 du rôle) ayant statué sur un recours de Monsieur (A), Singapour, dirigé contre des actes du bourgmestre et du collège échevinal de la commune de Sandweiler en matière d’urbanisme Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48881C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2023 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sandweiler, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-5240 Sandweiler, 18, rue Principale, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 20 mars 2023 (nos 45831, 45832 et 46330 du rôle) ayant joint les affaires inscrites sous les numéros 45831, 45832 et 46330 du rôle introduites par Monsieur (A), demeurant à …. Singapour, …., …., pour se déclarer incompétent pour connaître des trois recours en réformation introduits à titre principal et déclarer irrecevable le recours en annulation introduit sous le numéro 45831 du rôle tout en déclarant recevables et fondés les recours subsidiaires en annulation introduits sous les numéros 45832 et 46330 du rôle, de manière à annuler une décision implicite de refus du bourgmestre voire du collège échevinal de la commune de Sandweiler découlant du silence gardé par eux face à sa demande en autorisation d’une nouvelle affectation d’un immeuble sis à L-5222 Sandweiler, ….., Am Steffesgaart, formulé respectivement les 30 octobre 2020 et 12 mars 2021 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luana COGONI, en remplacement de l’huissier de justice Véronique REYTER, les deux demeurant à Esch-sur-Alzette, immatriculées auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 8 mai 2023 portant signification de cette requête d’appel à Monsieur (A), préqualifié, en son domicile élu en l’étude de Maître Réguia AMIALI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant professionnellement à L-4050 Esch-sur-Alzette, 48-52, rue du Canal ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 25 mai 2023 par Maître Réguia AMIALI au nom de Monsieur (A) ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juin 2023 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de Sandweiler ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 2023 par Maître Réguia AMIALI au nom de Monsieur (A) ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maîtres Jean KAUFFMAN et Réguia AMIALI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 octobre 2023.

Par acte notarié du 9 juin 2009 passé pardevant Maître Francis KESSELER, à l’époque notaire de résidence à Esch-sur-Alzette, Monsieur (A) acquit un « grenier » dans un immeuble en copropriété sis à Sandweiler, …., am Steffesgaart, inscrit au cadastre de la commune de Sandweiler, section A de Sandweiler sous le numéro …..

Par courrier du 19 octobre 2015, le mandataire de l’administration communale de Sandweiler, ci-après « la commune », s’adressa à Monsieur (A) dans les termes suivants :

« (…) Je fais suite aux différents échanges de correspondances, voire de mails ayant trait au dossier sous rubrique et plus particulièrement aux problèmes affectant le bien immobilier qui est votre propriété qui se trouve situé à L-….

Suites aux instructions reçues par le collège de bourgmestre et échevins, je vous avais signalé par courrier du 4 mai 2015 que le bien immobilier en question ne saurait être utilisé comme habitation de personnes, alors que l’autorisation de bâtir a uniquement été accordée pour deux unités d’habitation, l’une au premier étage et l’autre au 2e étage.

Le 3e niveau, qui est partiellement votre propriété, a été divisé en 2 unités d’habitation et vous avez été induit en erreur par votre vendeur.

Comme dans ce dossier il y a eu des faits qui sont indépendants de votre volonté et par ailleurs votre inscription sur la liste des habitants a été autorisée jusqu’au 15 janvier 2015, qu’on vous a demandé de régler une taxe ordre, un impôt foncier, etc., le collège échevinal me charge de vous informer qu’il tolère de façon tout à fait exceptionnelle l’utilisation de votre unité à titre d’habitation.

Cette tolérance, toutefois, n’est pas à considérer comme une autorisation. Cela signifie que votre unité d’habitation peut être occupée à des fins d’habitation soit par vous-même soit par une personne à laquelle le bien serait donné en location par vos soins. (…) ».

2Par courrier du 31 juillet 2020, le collège échevinal de la commune de Sandweiler, ci-après « le collège échevinal », informa Monsieur (A) de ce qui suit :

« (…) Nous ne saurions accepter éternellement la situation de fait qui nous a été imposée, c.à.d. l’usage du grenier que vous avez acheté à titre permanent d’habitation au … , am Steffesgaart à Sandweiler.

Par la présente, nous vous informons que Mme (D) est la toute dernière locataire qui pourra habiter et être déclarée à cette adresse dans la mesure où la situation de ce grenier ne lui est pas imputable.

Le fait qu’une poubelle en son nom sera mise à sa disposition ne constitue aucun droit acquis pour vous qu’une personne puisse encore être déclarée comme habitant de ce grenier.

Mme (D) bénéficiera de cette poubelle pour des raisons d’hygiène et de salubrité exclusivement.

Il nous revient également que l’acte notarié définit comme grenier l’endroit où habite Mme (D). La maison est à considérer comme maison bifamiliale et aucune 3e unité d’habitation ne saurait être tolérée de façon permanente.

Vous prenez dès lors note que Mme (D) est la dernière personne susceptible de pouvoir habiter les lieux en question qui ne pourront, après le départ de cette dernière, plus être occupés par un locataire ou une quelconque autre personne qu’elle soit propriétaire ou non. (…) ».

Par courrier du 30 octobre 2020, Monsieur (A) introduisit un recours gracieux à l’encontre du courrier précité du collège échevinal du 31 juillet 2020.

Le même jour, Monsieur (A) introduisit encore une demande tendant à l’affectation de l’immeuble à des fins d’habitation.

Par courrier du 12 mars 2021, Monsieur (A) demanda encore « à voir régulariser sa situation sinon (…) une autorisation d’affectation de son bien immobilier à une occupation à des fins d’habitation ».

Par requête déposée le 30 mars 2021 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 45831 du rôle, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la « décision » du collège échevinal du 31 juillet 2020 ainsi que d’une décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant un délai de plus de trois mois à la suite de l’introduction du recours gracieux formulé le 30 octobre 2020 contre la prédite décision du 31 juillet 2020.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, inscrite sous le numéro 45832 du rôle, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite de refus du collège échevinal de la commune de Sandweiler 3résultant du silence gardé pendant un délai de plus de trois mois à la suite de l’introduction d’une demande tendant à l’affectation de l’immeuble à des fins d’habitation formulée le 30 octobre 2020.

Par requête déposée le 4 août 2021 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 46330 du rôle, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Sandweiler, ci-après « le bourgmestre », résultant du silence gardé pendant un délai de plus de trois mois à la suite de l’introduction de la demande du 12 mars 2021.

Par jugement du 20 mars 2023, le tribunal joignit les trois recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 45831, 45832 et 46330 pour se déclarer incompétent pour connaître des recours en réformation introduits à titre principal et déclarer irrecevable le recours en annulation introduit sous le numéro 45831 du rôle.

Le tribunal déclara recevables et fondés les recours subsidiaires en annulation introduits sous les numéros 45832 et 46330 du rôle pour annuler les décisions implicites de refus du bourgmestre voire du collège échevinal de la commune de Sandweiler se dégageant à chaque fois du silence de plus de trois mois ayant couru respectivement à partir des demandes d’autorisation des 30 octobre 2020 et 12 mars 2021, tout en renvoyant l’affaire en prosécution de cause devant l’administration communale de Sandweiler et en condamnant celle-ci aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2023, l’administration communale de Sandweiler a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 20 mars 2023 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir déclarer les recours subsidiaires en annulation inscrits sous les numéro 45832 et 46330 non fondés, tout en demandant à voir confirmer le jugement dont appel relativement à l’irrecevabilité du recours subsidiaire inscrit sous le numéro 45831 du rôle et à voir condamner la partie intimée aux frais et dépens des deux instances.

A travers son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 25 mai 2023, Monsieur (A) a conclu à la confirmation du jugement dont appel, dans la mesure où il a été appelé tout en formant appel incident concernant le volet de ce jugement ayant déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation inscrit sous le numéro 45831 du rôle dans le sens de voir déclarer celui-ci recevable et fondé.

Tout en se rapportant à prudence de justice quant à la recevabilité de cet appel incident, la commune de Sandweiler conclut au rejet au fond de l’appel en question pour ne pas être justifié.

L’appel incident ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est à son tour recevable.

La commune fait tout d’abord valoir que ce seraient les dispositions de la partie écrite de son plan d’aménagement général, ci-après « le PAG », voté en juillet 2018, approuvé par le ministre de l’Intérieur le 21 décembre 2018, qui seraient dorénavant applicables et seraient également de nature à conditionner les décisions actuellement portées devant la Cour.

4 La commune invoque l’article 6.1, alinéa 3, du PAG, suivant lequel « les immeubles de type maison bi-familiale ou plurifamiliale avec au maximum six unités de logements peuvent être autorisés sur des terrains non construits ».

La commune fait valoir que par référence à la notion de bi-familiale, le texte renverrait à une construction servant au logement permanent et comprenant deux unités de logement. Si la commune autorisait l’affectation demandée du grenier en logement, il y aurait création d’une troisième unité de logement dans ce même immeuble, ce qui à l’heure actuelle ne pourrait plus être autorisé, sauf le cas de figure d’une construction faite sur un terrain non construit. Or, ce cas de figure ne serait pas vérifié en l’espèce, étant donné que le terrain a été occupé dès la délivrance de l’autorisation de construire le 4 décembre 1998.

Dès lors, en application des dispositions du PAG pertinentes aucune décision de régularisation voire de changement d’affectation ne saurait être valablement conférée.

Le jugement dont appel serait à réformer en ce sens.

En second lieu, la commune fait valoir que la demande de changement d’affectation voire de régularisation se heurterait également à la réglementation communale relative aux places de stationnement. Elle invoque l’article 33 a) du PAG suivant lequel l’autorisation d’une troisième unité de logement impliquerait la mise en place d’un cinquième emplacement qui tout simplement n’existerait pas.

En troisième lieu, la commune fait valoir à titre complémentaire qu’un nouveau PAG serait en procédure dont la saisine a été faite le 11 novembre 2021, tandis que la partie écrite du document aurait fait l’objet d’une approbation de la part de la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur lors de sa séance du 9 janvier 2023.

D’après cette nouvelle réglementation, l’immeuble litigieux se trouverait dans la zone d’habitation [HAB-1] qui, à son tour, d’après le PAP quartier existant, ci-après « le PAP QE », serait subdivisée en plusieurs sous-catégories, l’immeuble litigieux étant classé dans la sous-catégorie [HAB-1]. Y seraient uniquement autorisées à l’heure actuelle des maisons unifamiliales avec un seul logement intégré supplémentaire ce qui exclurait dorénavant le bi-familial et par la force des choses tout logement qui viendrait encore s’y ajouter.

Vu l’application conjointe des restrictions prévues par l’ancienne réglementation communale, ainsi que par la nouvelle, dès la mise en route de celle-ci, la présence d’un immeuble devant abriter trois unités d’habitation à l’endroit serait désormais inadmissible.

Si l’article 11 du PAG applicable à toutes les zones urbanisées prévoyait un droit acquis pour des aménagements et affectations légalement existants et non conformes à la nouvelle réglementation au moment de la mise sur orbite du projet de nouveau PAG, il serait constant que l’immeuble litigieux ne bénéficierait que d’une seule autorisation en tant qu’immeuble bi-familial, restant valable en vertu des principes qui précèdent, mais qu’il ne serait pas possible d’aller 5au-delà. Toutes ces considérations justifieraient les refus communaux exprimés et actuellement critiqués.

La partie intimée sollicite en substance la confirmation du jugement dont appel à partir des motifs y contenus tout en concluant au caractère non justifié des moyens d’appel communaux.

La partie intimée déclare encore former appel incident en ce que le tribunal n’a pas déclaré recevable son recours introduit sous le numéro du rôle 45831 s’analysant en recours en annulation, sinon en réformation, de la « décision » du collège échevinal du 31 juillet 2020, ainsi que d’une décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant un délai de plus de trois mois à la suite de l’introduction du recours gracieux formulé le 30 octobre 2020 à l’encontre de la décision précitée du 31 juillet 2020.

Tout d’abord, le tribunal est à confirmer en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, aucun recours pareil n’étant prévu par la loi en la matière.

Concernant le recours en annulation, la Cour partage l’analyse du tribunal suivant laquelle l’écrit du collège échevinal du 31 juillet 2020 doit être lu avant tout comme une lettre d’information et ne revêt pas la qualité d’une décision administrative de nature à faire grief.

S’il est vrai que cette lettre a contribué au caractère absurde de la situation qui a été reconnue par les mandataires des parties à l’audience, il n’en reste pas moins que le véritable grief pour l’intimé consiste en les refus lui opposés par rapport à ces demandes précises en autorisation voire en changement d’affectation par lui également portées devant les juridictions administratives.

Dès lors, le jugement dont appel est à confirmer sous ces aspects et l’appel incident à déclarer non justifié.

La Cour se doit ensuite de constater que la situation en fait est singulièrement particulière.

Ainsi, il est difficilement retraçable qu’en date du 9 juin 2009 un acte notarié a pu être passé suivant lequel l’acquéreur devient propriétaire d’un « grenier » dans un immeuble en copropriété au prix toutefois consistant de …… €, s’agissant, outre les parties privatives, de 134 millièmes des parties communes.

Sur question spéciale du notaire, l’acquéreur a déclaré solliciter l’octroi des avantages fiscaux et, à cet effet, il a pris l’engagement devant notaire d’occuper personnellement l’immeuble, objet du contrat de vente, dans un délai de deux ans à compter de sa passation et pendant une durée d’occupation ininterrompue de deux ans au moins, de même que de ne pas l’affecter à un autre usage pendant cette période et de rembourser le montant de l’abattement et les intérêts légaux depuis le jour de l’octroi accordé en cas de non-respect desdites conditions.

De même, l’acquéreur prit l’engagement de déclarer par écrit à l’administration de l’Enregistrement, dans le délai de trois mois, toute cession ou tout changement de l’affectation de l’immeuble, objet du contrat de vente en question.

6 Il résulte clairement de l’acte notarié tel que libellé qu’au-delà de la désignation de l’objet de vente comme étant un « grenier », l’affectation afférente prévue est celle d’une habitation et que l’acquéreur s’engage à ne point changer cette affectation tout en s’engageant également à utiliser l’immeuble en question en tant qu’habitation personnelle pour le moins durant deux ans tout en ne l’affectant pas à un autre usage durant cette période.

De fait, il résulte des pièces versées en cause que dès l’acquisition en 2009, sans préjudice de l’affectation antérieure, le soi-disant grenier acquis par l’intimé s’analysait en fait en tant que studio parfaitement adapté à l’habitation permanente.

Seulement, en vertu de la réglementation communale d’urbanisme de l’époque, l’immeuble litigieux sis ….., am Steffesgaart, a été autorisé en tant que construction bi-familiale comportant deux unités d’habitation. Le prix payé en 2009 correspond également à la valeur d’un studio et non point à celle d’un simple grenier.

L’utilité d’un office ministériel de notaire est difficilement retraçable également dans un cas de figure tel celui sous analyse où sous le couvert du libellé d’un « grenier », la propriété d’un studio est transférée suivant le prix d’un studio et les conditions d’ordre fiscal permettant à l’acquéreur de bénéficier des avantages fiscaux prévus par la loi en cas d’acquisition d’une première habitation, y compris l’engagement de respecter l’affectation de l’objet acquis en tant qu’habitation et de ne point y apporter de changement.

Toujours est-il qu’à l’époque l’intimé a pu acquérir une habitation devant notaire, sans qu’une quelconque difficulté apparente n’ait été élevée eu égard au fait que dans la construction de l’immeuble sis …., am Steffesgaart, seulement deux unités d’habitation étaient autorisées et que manifestement le studio/grenier litigieux n’avait jamais été autorisé en tant que tel.

Force est encore de constater que la situation de déséquilibre dénotée perdure actuellement dans le chef de l’intimé depuis plus de 14 ans.

Le malaise perçu par l’administration communale est patent, ainsi que le démontre notamment le courrier du 19 octobre 2015, prérelaté, faisant état d’une tolérance ayant perduré jusqu’au courrier du 31 juillet 2020, lequel rend de fait le bien acquis par l’intimé inapte à remplir sa fonction de logement pourtant documentée, du moins indirectement mais certainement par l’acte notarié d’acquisition.

Il est constant que la démarche de l’intimé a consisté, après plus de dix années de tolérance communale, de voir reconnaître dans le chef de son immeuble acquis en 2009 une affectation d’habitation voire d’obtenir une autorisation afférente.

Cette démarche est effectuée sur la toile de fond d’une pénurie vérifiée de logements au Grand-Duché de Luxembourg et plus particulièrement au niveau de la Ville de Luxembourg et des communes avoisinantes.

7S’il est vrai que cette disposition constitutionnelle n’est pas applicable ratione temporis au cas d’espèce, il n’en reste pas moins que l’article 40 de la Constitution révisée, en ce qu’il dispose que « L’Etat veille à ce que toute personne puisse vivre dignement et disposer d’un logement approprié », y figurant en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle, doit être de nature à guider l’interprétation et l’appréciation à effectuer aujourd’hui, même dans un recours en annulation tourné vers le passé, dans un cas de figure tendant à la reconnaissance d’un immeuble bâti en tant que logement servant à l’habitation de personnes, fonction qu’il remplit de fait depuis près d’une décade et demie.

Il est tout à fait retraçable qu’une administration communale ne peut pas admettre de stratagème consistant à contourner sa réglementation communale d’urbanisme dans le sens de voir dédouaner à plus ou moins court ou moyen terme des immeubles bâtis non autorisés en tant qu’immeuble d’habitation pour, en fin de compte, vu la pénurie subsistante, voir régulariser leur situation, malgré le fait que l’intention de départ était celle de ne pas se conformer à la loi, pour, par la suite, vu la largesse administrative, profiter d’une régularisation.

Le cas d’espèce ne correspond nullement à ce cas de figure.

La commune elle-même, notamment dans l’écrit de son mandataire du 19 octobre 2015 précité reconnaît que « dans ce dossier il y a eu des faits qui sont indépendants de votre volonté », de même qu’elle le relate que l’intéressé a été dès l’acquisition admis comme habitant à l’endroit via une inscription afférente dans la liste des habitants de la commune, de même qu’il lui a été demandé de régler une « taxe d’ordre » et de payer l’impôt foncier comme si l’immeuble en question avait été légalement reconnu comme immeuble d’habitation.

Certes la commune prend soin dans le courrier précité de préciser que l’intéressé jouit à titre de tolérance et de façon tout à fait exceptionnelle de l’utilisation de son dit bien immobilier à titre d’habitation, sans que toutefois celle-ci ne puisse être considérée comme autorisation.

Tout comme l’Etat de droit comporte la mise en place d’un ordonnancement juridique obligatoire devant être respecté, le maintien dans l’illégalité d’une situation affectant directement une personne de bonne foi étrangère à la création de la non-conformité à une règle posée ne saurait être toléré indéfiniment.

L’administration a, à cet escient également, la charge de veiller, toujours dans une situation où l’intéressé est de bonne foi, à une résorption de la situation de distorsion perdurante par voie de régularisation suivant des modalités équitables ne mettant point en péril l’intérêt public.

Un vecteur de nature à aider à dégager pareille situation exceptionnelle justifiant une régularisation est celui de la vérification d’une situation absurde.

Tout d’abord, aucun élément du dossier ne permet de conclure à l’absence de bonne foi dans le chef de l’intimé.

Concernant l’absurde, la situation perdurant depuis près d’une décade et demie y tend sous différents aspects.

8 Ensuite, l’incohérence des différents termes de l’acte notarié de 2009, ci-avant dénotés, consacre surtout les attributs d’une obligation d’habitation pour un soi-disant grenier vendu au prix d’un studio au vu d’un officier ministériel, étape indispensable et obligatoire en vue de l’acquisition d’une propriété immobilière.

S’y ajoute le fait que la commune traite l’acquéreur comme un habitant durant un long laps de temps de manière à remplir la fonction de logement dans le chef du studio/grenier litigieux sur toile de fond de pénurie de logement persistante pour, en fin de compte, faire volte-face et déclarer tolérer uniquement encore le dernier locataire en place en 2020, rendant de la sorte l’espace d’habitation inapte à sa fonction essentielle.

L’absurde consiste précisément dans le fait de n’offrir à l’intéressé aucune issue, sauf celle d’utiliser le logement existant de fait en tant que simple local de stockage.

Sur cette toile de fond, les refus litigieux épousent le reproche de l’absurde et ne sauraient, dans les circonstances particulières données, recevoir la justification qu’une lecture stricte de la réglementation communale d’urbanisme leur prêterait.

Dans les conditions données, la résidence litigieuse doit être considérée comme ayant pu accueillir pour le moins trois unités d’habitation en y comprenant le grenier/studio litigieux traité comme pareille habitation par l’acte notarié de vente du 9 juin 2009 à l’origine de la distorsion constatée dans le chef de l’intimé.

Dès lors, contrairement à l’argumentaire communal en appel, le jugement dont appel est à confirmer, l’argumentaire des premiers juges étant à sous-tendre par les considérations qui précèdent.

L’intimé demande la condamnation de la commune au paiement d’une indemnité de procédure de …..- € pour chaque instance.

Cette demande est à rejeter sous son double volet, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas établies à suffisance de droit.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel incident recevable, mais non fondé, partant en déboute ;

déclare l’appel principal recevable ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

confirme le jugement dont appel ;

9rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’intimé ;

condamne la commune de Sandweiler aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. …..

s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 novembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48881C
Date de la décision : 28/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-11-28;48881c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award