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23/11/2023 | LUXEMBOURG | N°48125C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 novembre 2023, 48125C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48125C ECLI:LU:CADM:2023:48125 Inscrit le 2 novembre 2022

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Audience publique du 23 novembre 2023 Appel formé par la société à responsabilité limitée (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 septembre 2022 (n° 44902 du rôle) en matière d’impôts

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Vu

l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48125C du rôle, déposé au greffe de la Cour admi...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48125C ECLI:LU:CADM:2023:48125 Inscrit le 2 novembre 2022

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Audience publique du 23 novembre 2023 Appel formé par la société à responsabilité limitée (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 septembre 2022 (n° 44902 du rôle) en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48125C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 2 novembre 2022 par la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF LUXEMBOURG s.à r.l., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, et immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 174248, agissant par son gérant actuellement en fonctions, représentée aux fins des présentes par Maître Petrus MOONS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AB), établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ….., dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 23 septembre 2022 (n° 44902 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 janvier 2020 (n° … du rôle) portant rejet de sa réclamation dirigée contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2016, tous émis par le bureau d'imposition Sociétés 6 en date du 30 janvier 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 1er décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 2 janvier 2023 par Maître Petrus MOONS pour compte de la société à responsabilité limitée (AB) ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre-Antoine KLETHI, en remplacement de Maître Petrus MOONS, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mars 2023.

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Par courrier du 5 décembre 2018, le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d'imposition », informa la société à responsabilité limitée (AB), ci-après la « société (AB) », sur le fondement du § 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il envisageait de s’écarter de la déclaration fiscale pour l’année 2016 en ce qu’il « (…) n’accepte pas la déduction d’intérêts notionnels en relation avec une plus-value réalisée sur cession de titres », tout en demandant à la société (AB) de formuler ses observations pour le 24 décembre 2018 au plus tard.

Par un courrier électronique du 14 janvier 2019, la société (AB) adressa au bureau d'imposition ses objections à l’égard de l’imposition envisagée.

Le 30 janvier 2019, le bureau d’imposition émit les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 ainsi que de l'impôt sur la fortune au 1er janvier de l'année 2017 à l’égard de la société (AB), en indiquant sur le deuxième bulletin que « l’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants (…) Imposition suivant notre courrier du 5 décembre 2018 ».

Par un courrier de son mandataire de l’époque du 30 avril 2019, la société (AB) introduisit une réclamation à l’encontre des bulletins d’impôts précités de l’année 2016 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur ».

Par une décision du 23 janvier 2020, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta comme non fondée ladite réclamation sur base des motifs suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 30 avril 2019 par les sieurs … et …, de la société à responsabilité limitée (CD), au nom de la société à responsabilité limitée (AB), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les « avis d'imposition datés du (sic) 30 janvier 2019 relatifs à l'impôt des sociétés, l'impôt commercial communal et l'impôt sur la fortune pour l'exercice 2016 » ;

Considérant que la réclamante entend attaquer, entre autres, l'« avis d'imposition daté[s] du (sic) 30 janvier 2019 relatif[s] à l'impôt des sociétés » ; qu'il convient de mentionner que stricto sensu la notion « impôt des sociétés » n'existe pas telle quelle au Luxembourg ; que selon la terminologie luxembourgeoise les collectivités sont soumises à l'impôt sur le revenu des collectivités, alors qu'en Belgique et en France cet impôt est appelé respectivement « impôt des sociétés » et « impôt sur les sociétés » ; que par application du principe de l'effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1 et 2 de la loi générale des impôts (AO), à interpréter les requêtes des contribuables selon l'intention qu'elles manifestent plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes employés, il y a lieu de déterminer quelle est la décision exécutoire attaquée ; qu'en somme la requête est à considérer comme étant dirigée à la fois contre :

- le bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2016, - le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016, - le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier de l'année 2017, tous émis en date du 30 janvier 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les formes (§ 249 AO) et délais (§ 228 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

En ce qui concerne le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier de l'année 2017 Considérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes ; qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment contre le bulletin de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier de l'année 2017 (§ 232, alinéa 2 AO) ;

Considérant d'ailleurs que si le bulletin d'établissement séparé a fait l'objet d'une réclamation, sa réformation entraîne d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur base dudit bulletin d'établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;

Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que la réclamation dirigée contre le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier de l'année 2017 doit être rejetée comme non fondée ;

En ce qui concerne les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016 Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir « accepté la déduction d'intérêts notionnels pour un montant de EUR (1) relatif aux plus-

values sur la vente de titres au cours de l'EF [exercice fiscal] 2016 » ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;

Considérant d'abord qu'en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d'imposition a informé la réclamante en date du 5 décembre 2018 qu'il « n'accepte[rait] pas la déduction d'intérêts notionnels en relation avec une plus-value réalisée sur cession de titres. » ;

Considérant qu'aux termes du § 205, alinéa 3 AO des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu'elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l'émission du bulletin ; que le but du § 205, alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d'éventuels malentendus ;

Considérant que suite au prédit courrier, la réclamante, exerçant son droit d'être entendue, y a répliqué par un courrier électronique en date du 14 janvier 2019 en faisant valoir qu'elle ne partagerait pas le point de vue du bureau d'imposition ; que le bureau d'imposition, après avoir analysé en détail les explications fournies par la réclamante, sans être convaincu de leur bien fondé, a procédé en date du 30 janvier 2019 à l'émission des bulletins en cause sur base des considérations communiquées au préalable à cette dernière ;

qu'il découle de ce qui précède, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, liminairement, que la réclamante a été constituée par la société à responsabilité limitée (AB) (ci-après : l'associé unique) en date du 15 avril 2016 et a pour objet, entre autres, la fourniture de « prêts et financements sous quelque forme que ce soit ou consentir des garanties ou sûretés sous quelque forme que ce soit, au profit de sociétés et d'entreprises faisant partie du groupe de sociétés dont la Société [la réclamante] fait partie. » ; que l'associé unique lui a accordé un prêt sans intérêts (« interest free loan » ou « IFL ») daté au 19 décembre 2016 avec effet au 29 avril 2016 pouvant atteindre jusqu'à (2) euros ; qu'il convient de noter qu'à la même date, l'associé unique a reçu à son tour les fonds destinés à être prêtés à la réclamante de la part de son associé unique, une société de droit des Îles Caïman dénommée (EF), en contractant avec celle-ci un prêt participatif (« profit participating loan » ou « PPL ») ; que toutes les sociétés en question font partie du groupe d'entreprises américain (GH) ;

Considérant que la réclamante investit principalement dans des instruments de dette ;

qu'en l'espèce, la réclamante a comptabilisé des produits pour un montant de (3) euros incluant « notamment EUR (4) uniquement au titre d'investissements de dettes décottées (sic) financées par le PSI [IFL] » ; que selon la réclamante il y aurait lieu de procéder à un ajustement extracomptable afin de se plier aux exigences « du principe de pleine concurrence tel que prévu par l'article 56 de la LIR » ; qu'elle se réfère encore à l'article 56bis L.I.R. afin de tenir « compte des développements préconisés par l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] » ;

Considérant que dans sa déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial et pour l'impôt sur la fortune de l'année 2016, la réclamante a renseigné un ajustement (« Transfer pricing adjustment ») pour un montant de (1) euros, diminuant le revenu imposable ainsi à (… (bénéfice commercial) + … (impôt sur le revenu des collectivités) + … (impôt commercial communal) - (1) i.e.) (5) euros ; que ce montant correspond in fine à la majoration de ses charges externes de 10 pour cent suivant la méthode appelée « cost plus pricing method » (ci-après : « cost plus ») ;

Considérant qu'à l'occasion des fonds contribués à la réclamante par le biais de l'IFL, il y a lieu de se poser la question de savoir si ces derniers sont à considérer comme fonds propres et non comme dette au niveau de la réclamante ; qu'afin de qualifier un instrument financier comme des fonds propres ou de dette, il convient de se référer au principe de la réalité économique devant prévaloir sur la qualification purement juridique (« substance over form ») ;

Considérant que le § 11 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG), ayant trait à l'approche économique, l'emporte de plein droit sur l'approche purement juridique ; qu'en appliquant la méthode de l'appréciation économique, il y a lieu de dégager derrière les formes choisies, le véritable contenu des opérations économiques, celui qui est pertinent pour l'application de la loi fiscale ;

Considérant que l'analyse économique et financière de l'opération litigieuse peut entraîner la requalification de l'IFL en apport caché ou en capital caché ; que « La notion fiscale inclut notamment les apports cachés et le capital caché. Les apports cachés et le capital caché sont, à tous les points de vue, assimilés au capital formel : il convient donc de les additionner au capital social pour déterminer la participation. Par « apport caché » (« verdeckte Einlage »), il faut entendre les apports en numéraire ou en nature faits par un actionnaire à une société en dehors de toute modification du capital social souscrit et libéré.

Par le biais d'un apport caché, un avantage est octroyé par l'actionnaire, avantage qu'il n'aurait pas octroyé à une société avec laquelle aucune relation n'existe. En d'autres mots, l'apport caché constitue l'octroi d'un avantage entre personnes apparentées motivé par les relations sociales. (…) La notion de « capital caché » (« verdecktes Stammkapital ») vise une situation où un actionnaire a accordé directement ou indirectement un prêt à une société, alors qu'un créancier indépendant, agissant suivant les usages du marché, n'aurait pas accordé ce crédit. » ;

Considérant qu'au sujet des apports cachés et du capital caché les travaux parlementaires relatifs à la L.I.R. ont retenu ce qui suit : « Il se peut que les sociétaires qui participent au capital dans les formes prévues par la loi accordent en plus un prêt à la société.

En l'occurrence le prêt peut constituer une façon déguisée de doter la société du capital nécessaire à la poursuite de son but. Dans certaines conditions un prêt pareil est considéré, dans le chef de la société et à l'égard de l'impôt sur le revenu des collectivités, comme capital social occulte de la société. Les intérêts accordés en raison du prêt ne sont, en l'occurrence, pas déductibles comme charges de la société. En conséquence il faut considérer le prêt, dans le chef du sociétaire, comme participation supplémentaire et les intérêts comme dividendes de cette participation. Il est difficile de prévoir des règles générales et précises qui permettraient de déterminer, dans un cas particulier, si le prêt constitue une participation au sens de l'article 114. En général, le prêt est à considérer comme participation, lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, eût été l'augmentation de capital et qu'il résulte clairement des circonstances que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que dans un but d'évasion fiscale. Le défaut des formes juridiques usuelles du prêt, à savoir la fixation du taux des intérêts et des modalités de remboursement, l'affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties, la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés fournissent autant de présomptions de l'existence d'une participation déguisée sous la forme du prêt. Il importe aussi de tenir compte des circonstances dans lesquelles le prêt est accordé. Lorsque le prêt est p. ex. immédiatement consécutif à un remboursement de capital, il ne peut y avoir aucun doute sur la nature économique du prêt. » ;

Considérant qu'il échoit donc de vérifier si la voie normale de financement de la réclamante par l'associé unique, dictée par des considérations économiques et juridiques sérieuses, aurait été une augmentation de capital afin d'investir dans des créances ; que, partant, il y a lieu d'analyser le contrat de prêt en question ;

Considérant que l'« INTEREST FREE LOAN AGREEMENT » conclu entre la réclamante et l'associé unique stipule en son point « 7 Limited Recourse » que « Notwithstanding anything provided herein to the contrary, the Borrower would be required to repay the Loan only to the extent that the Investments held by, and/or the income received by the Borrower with respect to those Investments, are sufficient to enable the Borrower to make the relevant payment. » ; qu'il suit de ce qui précède que l'associé unique ne peut effectivement exercer aucun recours envers la réclamante au cas où cette dernière ne disposerait pas des fonds nécessaires afin d'honorer sa dette ; que la clause de renonciation à recours se traduit par la non obligation de rembourser l'IFL dans l'hypothèse où les investissements détenus par la réclamante voire les revenus y afférents ne seraient pas « suffisants » ; qu'il est sans équivoque qu'un gestionnaire moyennement diligent et consciencieux n'aurait jamais consenti un prêt pouvant atteindre jusqu'à (2) euros à une autre entreprise sans se protéger contre le défaut de remboursement de la part de celle-ci ;

Considérant qu'il est indispensable qu'un prêteur dispose de garanties ; qu'une garantie de prêt est un mécanisme qui lie un prêteur à un emprunteur et qui permet au prêteur d'obtenir un remboursement, partiel ou complet, du montant prêté en cas de défaut de paiement de l'emprunteur ; qu'en l'espèce, l'associé unique n'a pas songé à demander à la réclamante des garanties en cas de défaut de remboursement ; que l'octroi du prêt en question n'aurait jamais pu avoir lieu entre deux parties tierces sans que le prêteur n'exige des garanties de la part de l'emprunteur ; qu'il ne peut y avoir qu'une seule explication pourquoi cette opération a tout de même pu être réalisée : les fonds injectés dans la réclamante ne constituent pas un prêt mais du capital que l'associé unique peut perdre à tout moment ; qu'il convient encore d'ajouter qu'en cas de mauvaise exécution d'un contrat de prêt, des dommages et intérêts de retard sont en principe prévus, quod non en l'espèce ;

Considérant que le point « 9 Contribution of the Loan » stipule ce qui suit : « The Lender may decide at any time that a portion of, or as the case may be, the entire Loan be contributed to the Borrower against issuance of shares by the Borrower to the Lender in accordance with the following ratio : one share of the Borrower having a par value of EUR 1 in exchange for any portion of Loan which outstanding amount is equal to such a par value. » ;

qu'il y a lieu de comprendre que l'associé unique est en droit de décider l'émission de nouvelles parts sociales en contrepartie de l'IFL ; que cette disposition corrobore davantage le fait que l'IFL est à qualifier de capital et non de dette ;

Considérant que le point 2 afférent aux intérêts retient que « The Borrower shall not pay interest on the Loan. » et qu'à la 1ère ligne du point 5 est exposé que « The Loan has been made available to the Borrower in part or in full as from 29 April 2016. » ; qu'en l'occurrence, il faut se rendre à l'évidence que le prêteur a mis à disposition de l'emprunteur des fonds pouvant aller jusqu'à (2) euros en date du 29 avril 2016, alors que le contrat y afférent n'a été conclu que le 19 décembre 2016, en d'autres termes, plus que 7 mois après la fourniture des fonds ; que pour le surplus, le montant prêté n'est pas soumis à un taux d'intérêt ; qu'il est d'une évidence absolue que l'IFL en question ne peut que représenter du capital ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que tous les éléments en cause plaident en faveur d'une requalification de l'IFL en apport caché de capital ;

Considérant que le Tribunal administratif a récemment retenu que « l'ensemble de ces éléments - dont il ressort que l'intention de la société demanderesse était davantage celle de doter ses filiales de fonds que celle d'agir en tant que prêteur, soucieux d'obtenir une rémunération pour le prêt consenti et de récupérer les fonds prêtés dans un délai raisonnable - sont constitutifs d'un faisceau d'indices faisant présumer que les ETL [equity-tainted loans] constituent des participations déguisées sous forme de prêts et que la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, aurait été l'augmentation de capital. Les ETL sont, dès lors, à requalifier en apports cachés de capital (…) » ; que l'affaire précitée avait comme objet des prêts que des investisseurs avaient accordés à leurs filiales ; que ce cas est parfaitement transposable à l'espèce dans la mesure où le présent litige se fonde sur des circonstances factuelles et juridiques quasi-identiques à celles ayant donné lieu au jugement susmentionné ;

Considérant, en ce qui concerne l'année d'imposition 2017, que l'instruction menée par la présente instance a révélé que ni la réclamante ni l'associé unique n'ont déduit de la base imposable voire rajouté à la base imposable des intérêts notionnels de manière extra- bilantaire ; qu'il est pour le moins surprenant que la réclamante défend par tous les moyens sa théorie des intérêts notionnels pour l'année d'imposition 2016 alors que pour l'année subséquente elle n'a même pas procédé à un tel ajustement extracomptable ; qu'en ne renseignant pas des intérêts notionnels aux déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial et pour l'impôt sur la fortune de l'année 2017, la réclamante et l'associé unique avouent donc implicitement qu'il n'y en a pas, en d'autres termes, qu'en vérité l'IFL constitue un apport caché de capital ;

Considérant que sur fond des éléments ci-avant relatés, force est partant de conclure, qu'en l'espèce, la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, aurait été une augmentation de capital de la réclamante ;

Considérant qu'il convient également de noter que lors de l'établissement des bulletins d'impôt de l'associé unique, le bureau d'imposition n'a pas pris en compte l'ajustement de … euros afin de rester en cohérence avec son approche de ne pas prendre en considération la déduction des intérêts notionnels au niveau de la réclamante ;

Considérant, à titre superfétatoire, que la réclamante a joint à la présente requête une analyse économique établie par la société à responsabilité limitée (CD) ;

Considérant qu'en matière fiscale, les sociétés membres d'un groupe doivent être considérées comme agissant entre elles sur un marché de pleine concurrence (normes OCDE) ; que l'étude fournie est basée sur les nouvelles lignes directrices de l'OCDE en matière de prix de transfert en se référant aux articles 56 et 56bis L.I.R. ; que selon elle, la méthode transactionnelle de la marge nette (« Transactional net margin method ») devrait être prise en compte afin de déterminer l'ajustement extrabilantaire qu'elle entend déduire de son bénéfice commercial ; qu'en appliquant cette méthode sa rémunération ne serait basée que sur les dépenses opérationnelles liées aux investissements en dettes décotées émises par des tiers ; qu'une marge bénéficiaire de 9,90 pour cent devrait être appliquée sur les charges opérationnelles qu'elle a dû engager pour ses fonctions liées aux investissements en créances ;

que finalement le bénéfice imposable de la réclamante s'élèverait à … euros ; qu'il convient de relever que cette méthode est similaire au procédé dit « cost plus » utilisé initialement par la réclamante afin de déterminer sa base imposable ;

Considérant que le point 6.2 de l'étude en question traite de la sélection de la méthode du prix de transfert la mieux appropriée afin de satisfaire au principe de la pleine concurrence ; que la réclamante se contente toutefois d'affirmer que la méthode du prix comparable sur le marché libre (« Comparable uncontrolled price method » ou « CUP ») ne serait pas de mise à défaut de données comparables en l'espèce (« Comparable transactions between the tested party or its related parties and third parties (so-called internat CUPs) were not available with regard to the transaction under review, as the Company [la réclamante] does not provide or receive similar support functions relating to investment activities to or from third parties. Further, CUP data is not available on unrelated parties performing similar services which are economically and functionally comparable to the Support Activities.

Accordingly, the CUP was not selected as the most appropriate transfer pricing method for the case at hand. ») ; qu'elle est donc d'avis que la méthode transactionnelle de la marge nette serait applicable en l'espèce afin de répondre aux exigences du principe de la pleine concurrence ;

Considérant qu'au paragraphe 2.3 des lignes directrices de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert est retenu ce qui suit : « Les méthodes traditionnelles fondées sur les transactions sont considérées comme le moyen le plus direct de déterminer si les conditions des relations commerciales et financières entre les entreprises associées sont des conditions de pleine concurrence. En effet, toute différence entre le prix d'une transaction contrôlée et le prix d'une transaction comparable sur le marché libre peut normalement être directement imputée aux relations commerciales et financières fixées ou imposées entre les entreprises, et les conditions de pleine concurrence peuvent être établies en substituant le prix de la transaction comparable sur le marché libre au prix de la transaction contrôlée. Lorsque, compte tenu des critères décrits au paragraphe 2.2, une méthode traditionnelle fondée sur les transactions et une méthode transactionnelle de bénéfices peuvent être appliquées avec un degré de fiabilité identique, la méthode traditionnelle fondée sur les transactions est préférable à la méthode transactionnelle de bénéfices. En outre, lorsque, compte tenu des critères présentés au paragraphe 2.2, la méthode du prix comparable sur le marché libre et une autre méthode de prix de transfert peuvent être appliquées avec un degré de fiabilité identique, la méthode du prix comparable sur le marché libre est préférable. Voir les paragraphes 2.13-3.20 pour un examen de la méthode du prix comparable sur le marché libre. » ; qu'il y a lieu de comprendre que d'après ces lignes les méthodes traditionnelles fondées sur les transactions, telle la méthode du prix comparable sur le marché libre, sont mieux adaptées que les méthodes transactionnelles de bénéfices afin de répondre aux exigences du principe de la pleine concurrence ;

Considérant que la réclamante a pourtant jugé utile de n'appliquer qu'une marge bénéficiaire aux charges opérationnelles afférentes aux investissements en créances au lieu d'effectuer une délimitation précise de la transaction, en l'occurrence, l'IFL en question ; que l'affirmation de la réclamante selon laquelle il n'existerait pas de données comparables reste à l'état de pure allégation et n'emporte pas la conviction de la présente instance ; qu'il s'ensuit que l'analyse économique susmentionnée est à écarter pour défaut de pertinence et de force probante ;

Considérant que dans sa requête, la réclamante conclut qu'elle n'exerce qu'un nombre limité d'activités au Luxembourg et qu'elle ne supporte que des risques limités en relation avec des investissements émis par des tiers ; que par voie de conséquence « la rémunération respectant le principe de pleine concurrence pour ses activités limitées devrait être minimale » ; qu'elle invoque i) qu'elle ne compte aucun employé au Luxembourg, ii) qu'elle n'aurait détenu aucun actif corporel ou incorporel au courant de l'année litigieuse et iii) qu'elle n'aurait supporté aucun risque lié au IFL ayant financé les investissements ; qu'elle est d'avis que les intérêts notionnels seraient à imposer au niveau de l'associé unique ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal de l'associé unique que celui-ci n'a pas non plus engagé du personnel pour mener à bien ses activités ; que les seuls actifs figurant au bilan au 31 décembre 2016 sont la participation détenue dans le capital de la réclamante, l'IFL en question, des créances envers la réclamante et un compte bancaire, donc, aucun actif corporel ou incorporel à l'instar de la réclamante ; qu'en ce qui concerne les risques afférents aux investissements dans les instruments de dette, force est de constater, tel que cela a été retenu supra, que la société de droit des Îles Caïman dénommée (EF) a accordé un PPL à l'associé unique qui, à son tour, a transféré les fonds reçus à la réclamante le jour même ;

Considérant que l'affirmation de la réclamante suivant laquelle son profil « est davantage celui d'un simple intermédiaire financier qui ne devrait conserver aucun risque à son niveau » est dénuée de pertinence, dans la mesure où elle est contredite par les faits, étant donné que l'associé unique exerce quasiment les mêmes activités que la réclamante avec les mêmes moyens du bord ; qu'au cas où l'affirmation de la réclamante s'avérerait correcte l'associé unique serait également à considérer comme une société intermédiaire agissant pour le compte de la société (EF) qui est, précisons-le, une société dite « offshore » enregistrée aux Îles Caïman, juridiction bénéficiant d'une fiscalité très avantageuse ;

Considérant que dans son courrier électronique du 14 janvier 2019, la réclamante expose qu'in globo l'effet d'un ajustement extrabilantaire, d'une part, au niveau de la réclamante, et d'autre part, au niveau de l'associé unique, serait neutre sur base d'une consolidation des comptes des deux sociétés en question (« on an overall basis, the effect is neutral on a consolidated basis ») ; qu'il s'impose de mettre en exergue que l'effet n'est justement pas neutre d'un point de vue fiscal étant donné que les intérêts dits notionnels à imposer (selon la réclamante) au niveau de l'associé unique ne dégagent pratiquement pas d'impôts ; qu'après ajout du « Transfer pricing adjustment » de … euros, la déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial et pour l'impôt sur la fortune de l'année 2016 de l'associé unique ne renseigne qu'un revenu imposable de … euros ;

qu'avant ajout de l'ajustement, l'associé unique a réalisé une perte commerciale pour la raison principale qu'il a comptabilisé des intérêts débiteurs afférents au PPL pour un montant de … euros ; que l'argumentation de « l'effet neutre sur base d'une consolidation » est partant à qualifier de fallacieuse ;

Considérant finalement, qu'il s'impose de mettre en exergue qu'est exposé au point « 3.8 Taxation » de l'annexe aux comptes annuels au 31 décembre 2016 de la réclamante que cette dernière aurait été intégrée fiscalement dans l'associé unique (« The Company (…) is also part of a fiscal unity agreement with its sole shareholder. ») ;

Considérant, dans ce contexte tout comme en matière de principe, que l'article 164bis L.I.R. met sur pied un régime facultatif d'imposition du bénéfice consolidé d'un groupe de sociétés, principe communément appelé « régime d'intégration fiscale » ; qu'en vertu de l'alinéa 1er de l'article 164bis L.I.R., peuvent notamment, sur demande écrite, être intégrées fiscalement dans la société mère ou dans l'établissement stable indigène, les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, dont 95 pour cent au moins du capital social est détenu directement ou indirectement par une autre société de capitaux résidente pleinement imposable ou par un établissement stable indigène d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, de façon à faire masse de leurs résultats fiscaux respectifs avec celui de la société mère ou de l'établissement stable indigène proprement dit ;

Considérant, comme cité brièvement en rubrique, que le régime d'intégration fiscale est tout de même lié à une condition de forme pour le moins essentielle, à savoir celle d'une demande écrite préalable ; qu'il s'agit plus précisément de l'alinéa 4 de l'article 164bis L.I.R.

qui retient avec insistance que le régime d'intégration fiscale est subordonné à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l'établissement stable indigène et des filiales visées, cette demande étant à introduire auprès de l'Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d'intégration fiscale est demandé, période devant, en outre, couvrir au moins 5 exercices d'exploitation ;

Considérant qu'en l'espèce, les réclamante et associé unique ont sollicité l'admission au régime d'intégration fiscale par le biais d'une lettre datée au 11 mai 2017 ; que le 2 juin 2017, le bureau d'imposition a effectivement donné une suite favorable à cette demande, mais seulement à partir de l'année d'imposition 2017 ; que la façon de procéder par les réclamante et associé unique donne l'impression qu'ils entendaient solliciter les dispositions de l'article 164bis L.I.R. dès leur constitution, en d'autres termes, à partir de l'année 2016 ; qu'il peut valablement être supposé qu'ils ont omis d'adresser une demande en bonne et due forme au bureau d'imposition au courant de l'année 2016 ; qu'il doit être admis que la réclamante a tenté de pallier à ce vice en « consolidant » son résultat avec celui de l'associé unique en faisant usage du mécanisme des intérêts notionnels ;

Considérant que le bureau d'imposition est donc pleinement à confirmer dans sa manière d'agir et que c'est à juste titre qu'il n'a pas admis la déduction de l'ajustement extrabilantaire tel que revendiqué par la réclamante ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2020, inscrite sous le numéro 44902 du rôle, la société (AB) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 23 janvier 2020.

Dans son jugement du 23 septembre 2022, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme et, au fond, le déclara non fondé et en débouta la société (AB), tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par la partie demanderesse et en condamnant cette dernière aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 novembre 2022, la société (AB) a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 23 septembre 2022.

Moyens des parties Selon l’appelante, le contrat de prêt, ci-après l’« IFL », qu’elle aurait conclu avec la société (IJ), son actionnaire unique, ci-après l’« actionnaire », le 19 décembre 2016, serait à qualifier d’instrument de dette pour les besoins fiscaux luxembourgeois. Elle affirme qu’à défaut des dispositions légales spécifiques relatives à la qualification des instruments financiers en tant que dette ou capitaux propres, cette qualification reposerait principalement sur les critères dégagés par les travaux parlementaires (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 114, p. 180) relatifs à la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après la « LIR », et la jurisprudence des juridictions administratives, dont notamment l’arrêt de la Cour administrative du 26 juillet 2017 (n° 38357C du rôle) et les jugements du tribunal administratif du 13 décembre 2018 (n° 40704 et n° 40705 du rôle). En appliquant ces critères au cas en l’espèce, l’appelante conclut que ce serait à tort que le bureau d’imposition aurait requalifié le financement reçu à travers l’IFL en apport en capital.

A cette fin, l’appelante se prévaut des caractéristiques suivantes de l’IFL :

- Quant à l’obligation de remboursement L’appelante soutient que, contrairement à ce qui est suggéré par les premiers juges, il y aurait bien une obligation de remboursement de l’IFL. En effet, en vertu de la clause n° 3 du contrat, il y aurait une obligation de remboursement en espèces ou en nature à la maturité du prêt, qui serait de huit ans. Cette obligation serait accélérée en cas de défaut (clause n° 11) et avec le droit pour le prêteur d’exiger un remboursement anticipé (clause n° 8).

Selon elle, ce serait à tort que les premiers juges ont conclu que le caractère obligatoire du remboursement serait absent du fait de la clause du recours limité présente dans le contrat (clause n° 7). En effet, selon l’appelante, les premiers juges auraient mal interprété le contenu de cette clause, d’après laquelle l’emprunteur serait libéré de ses obligations dans l’hypothèse, et seulement pour autant que, les investissements détenus et les revenus afférents ne seraient pas suffisants pour rembourser le prêt pleinement. Or, cette clause n’annulerait pas ex ante l’obligation de remboursement, ni n’impliquerait que l’appelante n’aurait pas d’obligation de remboursement puisqu’elle ne serait libérée de ses obligations que dans la mesure où ses actifs seraient insuffisants, c’est-à-dire dans le cas où elle aurait réalisé une perte intégrale sur son investissement. L’appelante affirme que la clause de recours limité transfèrerait le risque lié à l’investissement au prêteur, ce qui aurait un impact sur le montant de la rémunération allouable à l’appelante mais n’exclurait pas le principe de l’obligation de remboursement.

L’appelante souligne en particulier le fait que le prêt aurait effectivement été remboursé le 31 décembre 2018.

- Quant à la maturité du prêt Concernant la maturité du prêt, l’appelante affirme que ce ne serait pas un prêt à longue échéance, puisque sa maturité serait de huit ans contrairement à l’affaire citée par le directeur, dans laquelle il s’agirait d’une maturité extrêmement longue, à savoir 60 ans. Par ailleurs, dans le recours introduit le 27 février 2020 par la société Huhtämaki s.à r.l. contre la Commission européenne (Huhtämaki c/ Commission, aff. T-134/20), ci-après « l’affaire Huhtamäki », dans laquelle le Grand-Duché du Luxembourg défendrait l’imputation d’intérêts de pleine concurrence sur un prêt sans intérêt, la maturité aurait été de 15 ans. Elle affirme que la comparaison de l’IFL avec le prêt dans l’affaire Huhtamäki serait pertinente et que le bureau d’imposition devrait faire preuve de cohérence dans ses approches d’imposition des contribuables lorsqu’il s’agirait des mêmes sujets, sous peine de s’exposer à des soupçons d’aides d’Etat illégales en droit européen et à une violation du principe constitutionnel de l’égalité de traitement des contribuables.

- Quant à l’absence de participation du prêteur aux profits de l’emprunteur L’appelante affirme que le tribunal aurait retenu une compréhension erronée du critère de l’absence de participation du prêteur aux profits de l’emprunteur du fait que l’actionnaire, qui est aussi le prêteur de l’appelante, aurait reçu un dividende en 2016. Or, l’appelante soutient que, d’après les travaux parlementaires et la jurisprudence, l’absence de participation du prêteur aux profits de l’emprunteur serait un critère en faveur de la qualification fiscale de l’instrument en tant que dette, puisqu’un actionnaire, au contraire, participerait aux profits par le biais de son droit à un dividende. L’appelante conclut que le payement d’un dividende à son actionnaire n’aurait aucun impact sur l’absence de participation aux profits en tant que prêteur.

Elle souligne encore qu’il faudrait appliquer le même raisonnement en ce qui concerne le boni de liquidation.

- Quant au droit de vote L’appelante affirme que le contrat de prêt ne prévoirait pas de droit de vote de nature actionnariale qui serait attaché au prêt et que ce serait à tort que les premiers juges auraient écarté ce critère comme non pertinent. Elle se réfère aux travaux parlementaires et à la jurisprudence, qui établiraient que l’absence des droits de vote de nature actionnariale serait un critère en faveur de la qualification fiscale de l’instrument en tant que dette.

- Quant à l’option de conversion du prêt en capital Le contrat de prêt ne prévoirait pas d’option permettant à l’emprunteur, par une décision unilatérale, de convertir le prêt en capital. L’appelante affirme que les premiers juges auraient mal appliqué ce critère établi par la jurisprudence qui se réfèrerait à la possibilité de conversion du prêt non pas à la discrétion du prêteur mais à celle de l’emprunteur.

- Quant au remboursement du prêt avec le capital social Alors même que la clause n° 6 du contrat permettrait à l’appelante de rembourser le prêt en nature (clause n° 6 de l’IFL), elle n’aurait pas la possibilité de rembourser le prêt en nature avec ses parts sociales à sa propre initiative. L’appelante affirme en effet qu’il s’agirait d’une hypothèse dans laquelle le remboursement en nature se ferait avec des actifs sous-jacents qu’elle détiendrait et que dans tous les cas, pour qu’un tel remboursement puisse se faire, il faudrait un accord entre elle et son prêteur. L’appelante précise encore que la clause n° 9 du contrat permettrait au prêteur de contribuer le prêt au capital de l’appelante en échange d’actions mais ceci serait une option laissée à la discrétion du prêteur et il ne s’agirait donc pas d’un remboursement en nature à l’option unilatérale de l’emprunteur.

- Quant à la clause de transférabilité du contrat L’appelante souligne que l’IFL ne contiendrait pas de clause dite d’« agrafage ».

Ainsi, aucune clause n’empêcherait le prêteur de transférer ses droits et obligations issus du prêt accordé à l’appelante indépendamment des parts sociales au capital de cette dernière détenues par le prêteur. En revanche, il y aurait effectivement une clause qui permettrait à l’emprunteur de transférer ses droits et obligations uniquement avec le consentement du prêteur (clause n° 12 de l’IFL).

L’appréciation de cette clause par les premiers juges serait donc erronée puisqu’ils auraient confondu les parties, à savoir qu’ils auraient conclu que c’est le prêteur qui serait limité dans ses droits de transferts du prêt et non pas l’emprunteur.

L’appelante affirme encore, en se référant aux travaux parlementaires, qu’il faudrait prendre en compte le critère de l’utilisation des fonds empruntés. Ainsi, elle reproche au tribunal administratif de ne pas avoir tenu compte du fait qu’elle n’aurait pas contracté ce prêt afin d’investir dans des immobilisations à longue durée puisqu’elle aurait été de toute façon limitée par l’objet et la maturité du fonds d’investissement alternatif par lequel elle est contrôlée.

Par ailleurs, l’appelante soutient que les premiers juges auraient mal apprécié les circonstances dans lesquelles le prêt aurait été accordé. Le fait que la signature du contrat aurait eu lieu sept mois après la mise à disposition des fonds, ne serait pas pertinent puisque les prêts d’actionnaires seraient typiques au sein des structures d’investissement luxembourgeoises et qu’il ne serait pas rare que la documentation juridique soit signée après le transfert des fonds. L’appelante fait valoir que, de manière générale, une avance d’actionnaire non documentée ne devrait pas être automatiquement assimilée à un apport en fonds propres qui nécessiterait des formalités légales plus contraignantes puisqu’il faut un acte notarié alors qu’un acte sous seing privé suffirait pour un prêt. L’appelante affirme que les reproches du bureau d’imposition, retenus également par les premiers juges, selon lesquels le décalage entre la mise à disposition des fonds et la signature du contrat témoignerait du fait qu’il s’agirait « d’un habillage juridique », seraient sans fondement. L’appelante fait valoir que le prêt aurait été signé avant la fin de l’année fiscale 2016, de sorte qu’elle aurait encore disposé du temps nécessaire pour déposer une demande d’intégration fiscale si elle le souhaitait, contrairement à ce qu’affirmerait le bureau d’imposition.

D’après l’appelante, son ratio dette/fonds aurait respecté les exigences de la circulaire administrative LIR 164/2 du 28 janvier 2011 (applicable jusqu’au 1er janvier 2017), selon laquelle le capital à risque pouvait être plafonné au plus bas à 1% de la valeur nominale du prêt accordé ou 2 millions d’euros. Ainsi, il ne ressortirait pas de la circulaire qu’un ratio de 99/1 serait de nature à requalifier les 99% de prêt intragroupe en fonds propres.

L’appelante affirme que dans ce contexte, ce serait à tort que les premiers juges auraient retenu contre elle le fait que le tirage de (6) d’euros aurait été un choix de sa part et qu’il faudrait prendre en considération la totalité du crédit.

L’absence de garantie serait également un critère qui aurait été mal apprécié par les premiers juges, alors que l’Organisation de coopération et de développement économique, ci-après l’« OCDE », aurait reconnu dans ses lignes directrices que les prêts intragroupes seraient généralement moins sujets à des sûretés ou garanties. Or, l’appelante fait valoir que lorsqu’un tiers prêteur est impliqué, l’actionnaire de l’emprunteur accorderait souvent des sûretés ou garanties à ce prêteur tiers et ce serait typiquement sous forme d’un gage sur la participation détenue dans le capital de l’emprunteur et possiblement sur un prêt d’actionnaire accordé à l’emprunteur. Or, en l’espèce, puisque le prêt est accordé par l’actionnaire de l’appelante, de telles sûretés n’auraient pas de sens puisque le prêteur détiendrait déjà les actions de l’emprunteur.

En vertu de la clause n° 16 du contrat, le prêt serait subordonné au remboursement total des dettes bancaires éventuellement dues par l’emprunteur. Or, selon l’appelante, cette clause serait une clause standard exigée très fréquemment par les prêteurs tiers afin d’être prioritaires dans l’ordre de remboursement par rapport à un prêteur qui serait une société liée. L’appelante conclut qu’une telle clause ne saurait emporter la qualification du prêt en tant que fonds propres puisque le contraire reviendrait à considérer qu’un prêt d’actionnaire serait de fait une contribution aux fonds propres.

En outre, dans son mémoire en réplique, l’appelante rétorque à la partie étatique que le § 11 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », ci-après « StAnpG », ne serait pas pertinent en l’espèce puisque celui-ci porterait sur la propriété économique de biens et non pas sur la requalification d’un instrument de dette en fonds propres.

Ensuite, l’appelante se réfère à la note de service du 9 juin 1993 du bureau d’imposition dans laquelle l’obligation de remboursement d’un prêt serait un critère essentiel de démarcation entre l’octroi d’un prêt ou des fonds propres. Or, en l’espèce l’appelante aurait eu l’obligation de rembourser le prêt et cette obligation se serait d’ailleurs réalisée le 31 décembre 2018.

Enfin l’appelante, affirme à nouveau qu’en l’espèce, la référence de la partie étatique au jugement du tribunal administratif rendu le 13 décembre 2018 (n° 40705 du rôle) ne serait pas pertinente puisque dans ce jugement il s’agissait des « equity tainted loans » avec une maturité de 60 ans et de surcroît avec une clause d’agrafage et une subordination à toutes les autres dettes de l’emprunteuse.

La partie étatique, pour sa part, affirme que d’après le § 11 StAnpG, les fonds apportés à l’appelante seraient manifestement à considérer comme des fonds propres et demande la confirmation du jugement.

Selon elle, ce seraient les caractéristiques suivantes qui démontreraient qu’en l’espèce le prêt devrait être requalifié en apport caché :

- la clause de recours limité Le délégué du gouvernement affirme que le prêteur n’aurait aucun recours contre l’appelante du fait de la clause du recours limité. Du fait de cette clause, il n’aurait aucune protection contre un défaut de remboursement de l’appelante, d’autant plus que celle-ci investirait dans des actifs à risques.

- le dédommagement du fait d’une mauvaise exécution du contrat Le contrat ne prévoirait pas non plus des modalités relatives à des dommages et intérêts en cas de mauvaise exécution du contrat de prêt.

- le ratio prêt/fonds propres Selon la partie étatique, le prêt accordé serait trop élevé par rapport aux capitaux propres de l’appelante du fait de son ratio dette/fonds propres qui serait de 96,6/3,4.

- le taux d’intérêts Le contrat ne porterait pas intérêt.

La partie étatique fait également valoir que l’IFL aurait été conclu sept mois après la mise à disposition des fonds et que par conséquent, il s’agirait d’un habillage juridique tardif d’une opération déjà intervenue, dont le but serait de contrecarrer les conséquences d’un oubli du dépôt d’une demande d’intégration fiscale en temps utile pour l’année fiscale 2016. La mise en place de ce prêt aurait été faite uniquement afin de pallier au vice de consolidation de l’appelante avec son actionnaire et qu’ainsi la mise en place du prêt leur aurait permis de faire usage du mécanisme des intérêts notionnels. Ceci serait d’autant plus vrai alors qu’en 2017, ni l’appelante, ni son actionnaire n’auraient ni déduit, ni rajouté des intérêts notionnels de manière extra-bilantaire. Or, n’ayant pas renseigné des intérêts notionnels dans les déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2017, la requérante et l’associé unique confirmeraient que le prêt constituerait un apport caché en capital.

Analyse de la Cour Comme les premiers juges l’ont rappelé à juste titre, les travaux parlementaires relatifs à la LIR enseignent, en ce qui concerne la notion de capital déguisé, que :

« Il se peut que les sociétaires qui participent au capital dans les formes prévues par la loi accordent en plus un prêt à la société. En l'occurrence le prêt peut constituer une façon déguisée de doter la société du capital nécessaire à la poursuite de son but. Dans certaines conditions un prêt pareil est considéré, dans le chef de la société et à l'égard de l'impôt sur le revenu des collectivités, comme capital social occulte de la société. Les intérêts accordés en raison du prêt ne sont, en l'occurrence, pas déductibles comme charges de la société. En conséquence il faut considérer le prêt, dans le chef du sociétaire, comme participation supplémentaire et les intérêts comme dividendes de cette participation. Il est difficile de prévoir des règles générales et précises qui permettraient de déterminer, dans un cas particulier, si le prêt constitue une participation au sens de l'article 114. En général, le prêt est à considérer comme participation, lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, eût été l'augmentation de capital et qu'il résulte clairement des circonstances que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que dans un but d'évasion fiscale. Le défaut des formes juridiques usuelles du prêt, à savoir la fixation du taux des intérêts et des modalités de remboursement, l'affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties, la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés fournissent autant de présomptions de l'existence d'une participation déguisée sous la forme du prêt. Il importe aussi de tenir compte des circonstances dans lesquelles le prêt est accordé. Lorsque le prêt est p. ex. immédiatement consécutif à un remboursement de capital, il ne peut y avoir aucun doute sur la nature économique du prêt » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 114, p. 180).

Cet extrait des travaux parlementaires motive la requalification des prêts par l'analyse de leurs caractéristiques financières et prévoit que cette requalification s'impose dès que le prêt peut être assimilé sur le plan financier à des fonds propres. Ledit extrait exprime l'intention du législateur luxembourgeois de ne pas suivre l’évolution de la jurisprudence opérée à l’époque par le Bundesfinanzhof allemand (BFH) – qui a insisté à ce moment sur la liberté de l'actionnaire de doter sa filiale avec des fonds propres ou de lui accorder des prêts et sur la nécessité de fonder l’analyse sur la forme juridique de l’opération choisie par les parties (« bürgerlich-rechtliche Gestaltung ») sans recourir systématiquement à une appréciation d’après des critères économiques (voir notamment BFH 17 novembre 1950, I 20/50 U, BStBl.

III 1951, p. 12 ; BFH 20.8.1954, I 130/53 U, BStBl. III 1954, p. 336) – et de maintenir au Luxembourg les principes dégagés par l’ancienne jurisprudence allemande et fondés sur l'analyse économique et financière de l’opération qui pouvait entraîner la requalification d’un prêt en capital déguisé, pareille requalification pouvant jouer en faveur ou en défaveur du contribuable.

Il ressort des travaux parlementaires susmentionnés qu’il est nécessaire d’effectuer une analyse globale de la transaction et non de s’attacher à l’une ou l’autre caractéristique du contrat de prêt afin de déterminer si la transaction correspond à la voie normale de financement dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses. L’analyse de la transaction doit mettre en œuvre le principe de la prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique (ou encore le principe de la substance sur la forme), en vertu duquel les différentes clauses du contrat doivent être confrontées à leurs exécution réelle par les parties.

L’analyse des caractéristiques du prêt consiste, d’une part, à examiner les stipulations de la convention de prêt afin de vérifier si elles fixent un taux d’intérêt et définissent les modalités de remboursement des fonds mis à disposition, ces deux éléments étant considérés dans l’extrait précité comme les « formes juridiques usuelles du prêt ». D’autre part, cette analyse implique d’étudier des éléments relevant de l’économie de l’opération, tels l’utilisation des fonds prêtés, l’existence de garanties et la proportion entre le capital social et les fonds prêtés. A cet égard, l’affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties et la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés constituent des éléments permettant de présumer l’existence d’une participation déguisée sous la forme du prêt (Cour adm., 26 juillet 2017, n° 38357C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 705).

D’autres indices retenus par la jurisprudence des juridictions administratives sont la fixation de droits de vote au profit du prêteur, sa participation aux profits et aux risques de la société, son droit à un éventuel boni de liquidation, un degré élevé de subordination de l’instrument par rapport à d’autres titres, une échéance à long terme, l’option de convertir l’instrument en capital par décision unilatérale de la société, le remboursement en actions de la société et la présence d’une clause de « stapling », correspondant à une disposition empêchant le transfert de l’instrument indépendamment de celui des actions de la société emprunteuse (Cour adm.

31 mars 2022, n° 46131C).

Quant aux circonstances dans lesquelles le soi-disant prêt a été accordé, les travaux parlementaires donnent l’exemple d’une mise à disposition de fonds, qualifiée de prêt, immédiatement consécutive à un remboursement de capital. Il s’agit donc d’apprécier d’une manière plus globale comment le prêt s’insère dans la « vie » de la société, en veillant à ce que cette mise à disposition des fonds ne soit pas artificiellement isolée d’autres opérations certes distinctes, mais néanmoins pertinentes pour comprendre s’il y a en l’espèce une volonté de dissimuler la véritable nature de la mise à disposition des fonds. Comme retenu à juste titre par les premiers juges, le fait que le prêteur de fonds soit en même temps actionnaire de la société emprunteuse est également un élément à prendre en compte dans cette analyse des circonstances.

Il s’agit donc dans un premier temps de s’attarder aux circonstances dans lesquelles le prêt a été consenti.

En l’espèce, il n’est point litigieux que le prêt a été accordé à l’appelante par son actionnaire le 19 décembre 2016, avec effet au 29 avril 2016, et remboursable le 31 décembre 2018. Ce prêt a été financé par l’associé de l’appelante avec des fonds issus d’un prêt participatif contracté auprès de son propre associé. En suivant les résultats de l’étude des prix de transfert, l’appelante a imputé des intérêts notionnels pour un montant de … euros sur l’IFL dans sa déclaration fiscale pour l’année 2016. Ces intérêts notionnels ont aussi été déclarés par son actionnaire.

La partie étatique, en constatant le décalage entre la mise à disposition des fonds et la signature du contrat, en tire la conclusion que cette circonstance permettrait de présumer l’existence d’une participation déguisée sous la forme du prêt. Toutefois, la Cour ne saurait suivre ce raisonnement. En vertu du principe de la prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique, il s’agit de caractériser l’opération en se fondant sur une analyse économique et financière et non pas en mettant en avant des intentions présumées des parties à la transaction. Ainsi, c’est la date effective de la mise à disposition des fonds qui doit être prise en compte même s’il est en effet préférable d’avoir une documentation concomitante avec la mise en œuvre de la transaction. Cependant, l’appelante soulève de manière pertinente que le formalisme de la documentation d’un prêt est moins rigide et contraignant qu’une augmentation de capital, puisqu’un acte sous seing privé suffit. Cela laisse aux parties plus de souplesse dans la documentation juridique de leur transaction intragroupe. Dès lors, aucune conclusion utile ne peut être tirée du fait que la date effective de la mise à disposition des fonds diffère de la date de la signature du contrat de prêt.

Ensuite, en ce qui concerne l’affectation des fonds prêtés, la Cour relève que l’appelante a effectué un tirage de (6) euros sur une ligne de crédit de (2) euros pour financer l’acquisition de valeurs mobilières à hauteur de … d’euros (principalement dans des instruments de dettes décotées) et qu’en revanche, les immobilisations financières s’élevaient à (7) euros. C’est donc à juste titre que l’appelante a relevé que le prêt reçu n’a pas été affecté à des immobilisations à longue durée. C’est à tort que les premiers juges ont écarté ce critère comme non pertinent, puisque tel que rappelé ci-avant, il s’agit d’analyser l’ensemble des circonstances et caractéristiques de la transaction. Par conséquent, le critère de l’affectation des fonds reçus par l’appelante ne permet pas de présumer l’existence d’une participation déguisée sous la forme d’un prêt.

La partie étatique reproche également à l’appelante la disproportion significative entre le montant prêté et le montant de ses fonds propres. Toutefois, ce critère doit être apprécié en tenant compte des exigences relatives au ratio dettes/fonds propres au moments de la mise à disposition des fonds, c’est à dire le mois d’avril 2016. Or, tel que relevé par l’appelante, au moment de l’opération litigieuse, le bureau d’imposition appliquait la circulaire LIR 164/2 du 28 janvier 2011, restée en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017, d’après laquelle le capital à risque pouvait être plafonné au plus bas à 1% de la valeur nominale du prêt accordé, ou à 2 millions d’euros. L’exigence de déterminer au cas par cas le niveau suffisant de capital à risque n’a été formulée qu’avec l’entrée en vigueur de la nouvelle circulaire LIR n° 56/1 – 56bis/1 du 27 décembre 2016 ayant remplacé la circulaire LIR 164/2 du 28 janvier 2011. Par conséquent, eu égard aux exigences existantes au moment de la transaction, le ratio dettes/fonds propres de l’appelante n’est pas concluant quant au caractère d’une participation déguisée sous la forme du prêt. De plus, c’est à tort que les premiers juges ont retenu que c’est le montant de la ligne de crédit, soit (2) euros, qui doit être pris en compte. En effet, en appliquant toujours le même raisonnement de la prééminence de la réalité économique sur la forme, il faut prendre en considération le montant effectivement emprunté. Ceci d’autant plus vrai qu’une ligne de crédit a justement pour but de permettre à l’emprunteur d’avoir accès à un prêt flexible en effectuant des tirages en fonctions de ses besoins et en permettant des remboursements des avances. La facilité de crédit détermine le montant maximum que peut tirer l’emprunteur mais il n’a pas l’obligation de tirer ce montant maximum.

La Cour note que le contrat de prêt ne permet pas au prêteur de participer aux profits ou au boni de liquidation de l’appelante et n’accorde pas de droits de vote de nature actionnariale. Or, il faut s’attacher à la qualité de prêteur dans l’analyse des clauses de participation aux profits réalisés par l’emprunteur. Comme cela a été rappelé à juste titre par l’appelante, la participation aux profits de l’emprunteur est un indice d’une participation déguisée sous la forme d’un prêt si elle a lieu en vertu de l’exécution du contrat de prêt, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, le dividende a été versé à l’actionnaire du fait de sa détention d’actions au capital de l’appelante. C’est donc à tort que les premiers juges ont écarté ces critères comme n’étant pas pertinents du seul fait qu’en l’espèce le prêteur est l’actionnaire unique de l’appelante.

L’IFL ne prévoit pas d’option permettant à l’emprunteur, de manière unilatérale, de convertir le prêt en capital.

Il est par contre vrai que la clause n° 9 reconnaît au prêteur le droit de requérir la conversion du prêt en capital à sa seule discrétion.

L’IFL ne permet pas un remboursement du prêt en nature avec les actions de l’appelante de manière unilatérale. Certes, le contrat prévoit dans la clause n° 6 la possibilité d’un remboursement des avances en espèces ou en nature, mais cette possibilité est soumise à l’acceptation du prêteur et subordonnée à l’accord entre ce dernier et l’emprunteur sur une méthode d’évaluation de l’actif utilisé pour le remboursement en nature. L’appelante ajoute de manière pertinente que la clause n° 6 doit être interprétée en ce sens qu’un remboursement en nature devrait être effectué avec des actifs sous-jacents et non pas avec des actions propres de l’appelante.

Le contrat ne contient pas la clause d’agrafage qui empêcherait le prêteur de transférer ses droits et obligations découlant du prêt contracté. Au contraire, en vertu de la clause n° 12 du contrat, le prêteur peut céder librement ses droits et obligations, tandis que l’emprunteur a besoin du consentement du prêteur pour pouvoir transférer ses droits et obligations. C’est donc à tort que les premiers juges ont retenu que même s’il n’y a pas de telle clause dans le contrat, du fait de la présence des clauses n° 9 et n° 12, les effets seraient les mêmes. En effet, comme cela a été relevé par l’appelante, il est tout à fait normal qu’un accord explicite du prêteur soit exigé si l’emprunteur souhaite transférer ses droits et obligations à un tiers, puisqu’il s’agit d’un contrat intuitu personae.

Concernant l’obligation de remboursement et la clause de recours limité, l’appelante souligne à juste titre que les clauses 3 et 6 du contrat en cause prévoient un terme du prêt consenti et une obligation de remboursement au terme, la circonstance, qualifiée comme erreur matérielle par l’appelante, que l’échéance soit fixée à 8 ans par la clause n° 3 tandis que la clause n° 6 la fixe à 10 ans n’affectant pas cette conclusion. Une telle maturité ne peut pas être considérée comme tellement longue qu’elle constituerait un indice d’une intention du prêteur de se comporter en réalité comme investisseur.

La clause n° 7 de « recours limité » du prêteur, stipulant que l’emprunteur n’est tenu au remboursement que dans la mesure où les investissements détenus et/ou les revenus perçus par lui sont suffisants pour exécuter le remboursement du prêt, a pour effet de libérer l’emprunteur de ses obligations seulement pour autant que les investissements détenus et les revenus afférents ne seraient pas suffisants pour rembourser l’intégralité du prêt sans annuler pour autant ex ante l’obligation de remboursement. L’appelante affirme ainsi de manière pertinente que la clause de recours limité transfère le risque lié à l’investissement au prêteur, ce qui a un impact sur le montant de la rémunération allouable par l’appelante mais n’exclut pas le principe de l’obligation de remboursement. En outre, l’appelante expose sans être contredite par l’Etat que les prêts dits de « recours limité » sont courants dans les financements structurés ou de projets sans que la présence de telles clauses justifie de manière dirimante une requalification du prêt en capital caché. C’est donc à tort que les premiers juges ont retenu que cette clause serait un indice d’une participation déguisée sous la forme du prêt.

Dans l’autre sens, il est vrai que la fixation d’intérêts à payer par l’emprunteur constitue, d’après les travaux parlementaires précités, l’une des « formes juridiques usuelles du prêt » et qu’en conséquence l’absence d’intérêts, stipulée expressément par la clause n° 2 du contrat litigieux, entraînant la mise à disposition des fonds jusqu’à (2) euros sans aucune contrepartie directe, doit être qualifiée d’indice tendant à l’admission d’une contribution occulte aux fonds propres de l’appelante.

De même, le fait que l’IFL ne prévoit pas de garantie en faveur du prêteur et qu’en sus, la clause n° 16 subordonne le remboursement du montant prêté en cas de faillite de l’appelante au remboursement préalable de toute dette due par elle envers une banque constitue pareillement un indice qui tendrait a priori à l’admission d’une contribution aux fonds propres de l’appelante. Cette dernière expose néanmoins de manière pertinente à cet égard qu’un prêt intragroupe est usuellement subordonné à un prêt avec un tiers et notamment une banque, qui exigera un statut de créancier privilégié par rapport aux créanciers intra-groupe de l’emprunteur. Cette clause du contrat ne peut en conséquence être retenue comme un indice indiquant de manière dirimante l’existence d’une participation déguisée sous la forme du prêt.

Cependant, en tant que dernier élément important, la Cour se doit de réitérer le constat déjà fait ci-avant que l’appelante n’a fait qu’un usage très limité de la ligne de crédit lui ouverte et que le prêt a bien été remboursé le 31 décembre 2018. Or, ni la partie étatique ni les premiers juges n’ont remis en cause ce remboursement. Dès lors, en suivant le principe de la primauté de la substance sur la forme, le constat s’impose, avec le recul inhérent à l’analyse opérée au niveau contentieux après la fin des opérations pertinentes, que l’IFL a bien été exécuté par les parties comme un prêt qui a été remboursé même bien avant la maturité contractuellement fixée.

Par voie de conséquence, en conclusion de l’ensemble de ces développements, la Cour est amenée à retenir que la partie majoritaire des points pertinents ci-avant analysés des clauses de l’IFL, ainsi que l’exécution qui en a été faite par les parties impliquées confirment la qualification dudit contrat en tant qu’instrument de dette qui ne fait pas partie des fonds propres de l’appelante et qui est partant de nature à donner lieu au paiements et à la déduction fiscale d’intérêts débiteurs en raison de la mise à disposition temporaire du capital stipulé.

Or, l’IFL a expressément stipulé l’absence d’une obligation de l’appelante de payer des intérêts et cette dernière a fait usage du mécanisme des intérêts notionnels pour comptabiliser de tels intérêts en tant que dépense d’exploitation à hauteur de … euros, conformément aux résultats du rapport de prix de transfert, afin de se conformer au principe de pleine concurrence (« arm’s length principle »). L’appelante expose également sans être contredite que son actionnaire a enregistré fiscalement le même montant en tant que produit d’intérêts notionnels.

La Cour se doit de constater que l’appelante met en avant le principe de tels intérêts notionnels en raison de l’IFL et le montant retenu par elle de ce chef sur base du rapport susvisé de la société à responsabilité limitée (CD) et que l’Etat n’a formulé en instance d’appel aucun moyen tendant à voir rejeter d’abord le principe de tels intérêts ou ensuite le caractère de pleine concurrence du montant concrètement retenu par l’appelante. La Cour étant limitée par les moyens par lesquels elle a été saisie, elle ne peut contrôler elle-même le principe du mécanisme des intérêts notionnels et caractère de pleine concurrence du taux notionnel d’intérêt déclaré par l’appelante. Dans ces conditions, elle est amenée à retenir que c’est à tort que le bureau d’imposition, suivi par le directeur et les premiers juges, a requalifié le prêt entre l’appelante et son actionnaire en fonds propres et refusé d’admettre le montant mis en avant par l’appelante du chef d’intérêts notionnels.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel sous examen est justifié et que, par réformation du jugement entrepris, la décision directoriale du 23 janvier 2020 encourt la réformation en ce sens que l’ajustement extracomptable des intérêts notionnels du chef de l’IFL à hauteur de … euros est déductible en tant que dépense d’exploitation du bénéfice dégagé par l’appelante au titre de l’exercice 2016.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 2 novembre 2022 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, réformant le jugement entrepris du 23 septembre 2022, dit que la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 janvier 2020 (n° ….. du rôle) encourt la réformation en ce sens que l’ajustement extracomptable des intérêts notionnels à hauteur de … euros du chef du contrat de prêt sans intérêts conclu le 19 décembre 2016 avec la société (AB) est déductible en tant que dépense d’exploitation du bénéfice dégagé par l’appelante au titre de l’exercice 2016, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, fait masse des dépens des deux instances et les impose intégralement à l’Etat.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 23 novembre 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 novembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48125C
Date de la décision : 23/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-11-23;48125c ?

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