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16/11/2023 | LUXEMBOURG | N°123/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 novembre 2023, 123/23


N° 123 / 2023 du 16.11.2023 Numéro CAS-2023-00016 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize novembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en c

assation, comparant par Maître Luc MAJERUS, avocat à la Cour, en l’étude duque...

N° 123 / 2023 du 16.11.2023 Numéro CAS-2023-00016 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize novembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Luc MAJERUS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et Maître PERSONNE2.), notaire de résidence à L-ADRESSE2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 98/22 - VIII - CIV, rendu le 27 octobre 2022 sous le numéro CAL-2022-00010 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 9 février 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 13 février 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 24 février 2023 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), déposé le 9 mars 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile avait, par un premier jugement, déclaré irrecevable la demande en dommages et intérêts de PERSONNE1.) dirigée, sur base de la responsabilité contractuelle, contre le notaire et, par un second jugement, déclaré non fondée la demande basée sur la responsabilité délictuelle. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 1382 du code civil qui dispose que :

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » - en ce que la huitième chambre de la Cour d’Appel a déclaré l’appel interjeté par la partie demanderesse en cassation non fondé, et a confirmé le jugement entrepris en date du 12 novembre 2021, - au motif qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté de rechercher ou de déterminer l’identité du testateur, suite à la perte du testament, alors que les informations mises à sa disposition étaient prétendument lacunaires, - Alors que l’article 1382 du code civil vient prévoir expressément qu’en cas de faute commise par un tiers, causant un dommage, ce dernier doit être réparé, - qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, sans pour autant statuer sur l’existence d’une faute, La Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 1382 du code civil. » et le deuxième, « Tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 1383 du code civil qui dispose que :

Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » - en ce que la huitième chambre de la Cour d’Appel a déclaré l’appel interjeté par la partie demanderesse en cassation non fondé, et a confirmé le jugement entrepris en date du 12 novembre 2021, - au motif qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté de rechercher ou de déterminer l’identité du testateur, suite à la perte du testament, alors que les informations mises à sa disposition étaient prétendument lacunaires, - Alors que l’article 1383 du code civil vient prévoir expressément qu’en cas de négligence ou imprudence commises par un tiers, ce dernier reste responsable, - qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, sans pour autant statuer sur l’existence d’une négligence ou imprudence, La Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 1383 du code civil. ».

Réponse de la Cour En retenant « qu’il ne saurait, dans les circonstances particulières de l’espèce, être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté à rechercher à identifier le testateur et de prendre contact avec lui, dès lors qu’elle se trouvait, au vu des indications lapidaires dont elle disposait, dans l’impossibilité matérielle de ce faire.», les juges d’appel ont statué sur l’existence d’une faute ou d’une négligence.

Sous le couvert de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, les moyens ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments factuels et de preuve leur soumis, lesquels les ont amenés à dire que le notaire n’avait commis ni faute ni négligence, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme l’homme lequel dispose :

domicile et de sa Correspondance » - en ce que la huitième chambre de la Cour d’appel a déclaré l’appel interjeté par la partie demanderesse en cassation non fondé, et a confirmé le jugement entrepris en date du 12 novembre 2021, - au motif qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté à rechercher ou à identifier le testateur et de prendre contact avec lui, suite à la perte du testament, de sorte que le droit à la vie familiale de la partie demanderesse en cassation a été injustement entravé, - alors que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne a droit au respect et a maintien de sa vie privée et de sa vie familiale, qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, la Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. ».

Réponse de la Cour En décidant que la défenderesse en cassation n’a commis ni faute ni négligence, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Marc KERGER sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.)/PERSONNE2.) Affaire n° CAS-2023-00016 du registre Le pourvoi en cassation introduit par PERSONNE1.) par mémoire en cassation signifié à PERSONNE2.) le 9 février 2023 et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 13 février 2023, est dirigé contre l'arrêt n° 98/22-VIII-CIV, rendu contradictoirement le 27 octobre 2022 par Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le n° CAL-2022-00010 du rôle.

Il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l’arrêt dont pourvoi aurait fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation.

La partie défenderesse en cassation a signifié un mémoire en réponse le 24 février 2023 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 9 mars 2023.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Faits et rétroactes de l’affaire :

PERSONNE1.) et PERSONNE3.) ont vécu en concubinage pendant de longues années.

Le couple n’était ni pacsé, ni marié et n’avait pas d’enfants communs.

PERSONNE3.) décéda le 9 juillet 2019.

De son vivant, il fit dresser le 17 juin 1982 un testament authentique pardevant le notaire Norbert MULLER. Le testament a été perdu du temps d’activité du notaire MULLER. En effet, ledit testament fut mentionné dans le relevé des minutes manquantes de l’état sommaire des minutes et répertoires dressé en 2004 lors de la reprise de l’étude du notaire MULLER par le notaire BIEL. Ledit testament y fut répertorié sous l’intitulé « 646 Testament public PERSONNE3.) ».

L’étude du notaire BIEL fut reprise par la suite par le notaire PERSONNE2.).

PERSONNE1.), affirmant être légataire universel, assigna PERSONNE2.) devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour voir engager sa responsabilité contractuelle, sinon délictuelle, et pour s’entendre condamner à lui payer des dommages intérêts de l’ordre de 1.500.000 euros, hors intérêts.

En résumé, elle fit valoir que le notaire PERSONNE2.) a contrevenu à son obligation de conservation et de délivrance du testament, obligation lui incombant en tant que dépositaire des minutes de son prédécesseur MULLER. Pour le surplus, le notaire PERSONNE2.) serait fautif, voire aurait fait preuve de négligence et de légèreté en ce qu’il aurait omis de s’assurer personnellement que PERSONNE3.) était au courant de la disparition de son testament, voire qu’il n’a entrepris la moindre démarche pour retrouver le rédacteur du testament authentique et le prévenir de la perte du testament, information qui aurait permis à ce dernier d’y remédier.

Maître fit valoir qu’aucune faute, ni négligence ne pourrait lui être reprochée, alors que, comme tout notaire normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, elle aurait été dans l’impossibilité absolue de se mettre en contact avec le testateur, toute information utile à l’identification de PERSONNE3.) ayant fait défaut, et elle aurait légitimement pu croire que Maître Norbert MULLER avait informé son client de la perte du testament.1 Il ressort des pièces versées aux débats2 que par jugement n° 2021TALCH10/00026 rendu le 5 février 20213, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara irrecevable la demande fondée sur la responsabilité contractuelle et la déclara recevable sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Les premiers juges ont pour le surplus retenu qu’aucun manquement à l’obligation de conservation n’était susceptible d’être reproché au notaire PERSONNE2.), dès lors qu’elle n’a jamais été en possession du testament litigieux. Ayant encore arrêté que « (…) sont inclus dans le champ de la responsabilité délictuelle les « prolongements » de l’acte instrumenté destinés à en assurer l’efficacité, telle que l’obligation d’information susceptible d’en découler », ils ont pour le surplus dit qu’il reste à examiner la question d’un éventuel manquement par le notaire PERSONNE2.) à son obligation d’information et de conseil, raison pour laquelle ils ont ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties d’y prendre position.4 Aux termes du jugement n° 2021TALCH10/00177, rendu en prosécution de cause le 12 novembre 2021, et donc circonscrit au seul examen de la question de savoir si le notaire PERSONNE2.) a manqué à son devoir d’information et de conseil à l’égard de PERSONNE3.), manquement consistant selon les premiers juges le cas échéant dans le fait de ne pas avoir pris soin de le contacter de son vivant pour l’informer de la perte de son testament, les premiers juges ont retenu qu’aucune faute ne saurait être reprochée au notaire et ont, en conséquence, déclaré non fondée la demande de PERSONNE1.).

Ils ont notamment retenu que le notaire PERSONNE2.) se trouvait dans l’impossibilité matérielle d’exercer normalement sa fonction et de contacter le testateur, le relevé des minutes manquantes de l’état sommaire des minutes et répertoires dressé en 2004 étant lacunaire et ne permettant pas, en tant que tel, l’identification du testateur.

1 en ordre subsidiaire, elle a fait valoir qu’à supposer même qu’une faute soit établie dans son chef, cette faute ne serait pas en lien causal avec le prétendu préjudice allégué, alors que le contenu du testament serait inconnu, de même que la qualité de bénéficiaire de PERSONNE1.) resterait à l’état de pure allégation ; elle a contesté tout préjudice dans le chef de PERSONNE1.) ;

2 soit le jugement du 5 novembre 2021, p. 2 et 4 ;

3 non versé en instance de cassation ;

4 cf. jugement du 5 novembre 2021, p. 2 et 3 ;

Ils ont encore arrêté que le défaut d’établissement par Maître PERSONNE2.) d’un état sommaire des minutes et répertoires lors de la reprise par elle de l’étude du notaire BIEL, alors même que l’article 66 de la loi du 9 décembre 1976 relative à l’organisation du notariat le lui imposait, est sans relation avec le manquement reproché au notaire PERSONNE2.).

Finalement, ils ont dit « qu’il ne saurait être mis à charge du notaire, au titre de son obligation de conseil et d’information, l’obligation de rechercher et d’identifier, tous azimut, toutes les personnes qui n’apparaissent que par leur nom et qui ne sont pas autrement identifiées dans les documents communiqués par un prédécesseur, ce d’autant plus que les résultats d’une telle recherche resteraient nécessairement aléatoires, notamment lorsqu’il s’agit d’identifier une personne portant un nom très commun comme celui de « PERSONNE3.) »5.

Suite à l’appel relevé par PERSONNE1.)6 du seul jugement n° 2021TALCH10/00177 rendu le 12 novembre 2021, la Cour d’appel, aux termes de l’arrêt dont pourvoi, a confirmé le jugement entrepris7.

L’extrait pertinent de la motivation des juges d’appel est la suivante8 :

« (…) C’est à juste titre que le tribunal a relevé que la responsabilité du notaire Maître PERSONNE2.), telle que recherchée par PERSONNE1.), est à qualifier de délictuelle, dans la mesure où les reproches formulés à son encontre consistent dans un manquement du notaire à son obligation de conservation des dépôts, et que sont inclus dans le champ de la responsabilité délictuelle les « prolongements » de l’acte instrumenté destinés à en assurer l’efficacité, telle que l’obligation d’information susceptible d’en découler.

En application des articles 1382 et 1383 du Code civil, il appartient à l'appelante de rapporter la preuve d'une faute ou négligence de l’intimée, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre celui-ci et ce manquement.

Il incombe dès lors à PERSONNE1.) d’établir que le notaire a manqué à son devoir de conseil et d’information, vis-à-vis du testateur, en omettant d’avoir recherché à identifier ce dernier et à le contacter, de son vivant, pour l’informer de la perte de son testament dressé en 1982.

A cet effet, PERSONNE1.) se prévaut de l’extrait des minutes manquantes ainsi que du certificat établi par l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA.

5 cf. jugement du 5 novembre 2021, p. 5 ;

6 la partie intimée PERSONNE2.) a également relevé appel incident ; ses moyens d’appel sont pourtant irrelevants dans le cadre de l’examen des moyens de cassation ;

7 l’appelante a fait valoir, outre l’extrait des minutes manquantes du relevé dressé en 2004 lors de la transmission de l’étude du notaire Muller au notaire Biel, un certificat dressé par l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, selon lequel des inscriptions auraient été effectuées au registre des dispositions de dernière volonté au nom de PERSONNE4.), avec indication de la date de rédaction, de la date de naissance, ainsi que de l’adresse du testateur ;

8 cf. pages 4 à 6 de l’arrêt dont pourvoi ;

Force est de constater que l’extrait des minutes manquantes du relevé dressé en 2004 lors de la transmission de l’étude du notaire Muller au notaire Biel, joint au courrier de réponse de la Chambre des notaires du 16 juin 2020 adressé au mandataire du notaire Maître PERSONNE2.), renseigne, concernant le testament litigieux, uniquement la mention « 646 Testament public PERSONNE3.) ». Ce relevé lacunaire, n’ayant comporté que l’indication de l’année de rédaction du testament public ainsi que le prénom et le nom du testateur, à l’exclusion de toute autre information, ne permettait pas, en tant que tel, d’identifier le testateur.

En outre, le certificat de l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, non versée en instance d’appel, mais dont l’existence n’est pas discutée en tant que tel entre parties, selon lequel les inscriptions auraient été effectuées au registre des dispositions de dernière volonté au nom de PERSONNE4.), avec indication de la date de rédaction, de la date de naissance ainsi que de l’adresse du testateur, est dépourvu de valeur probante dans la mesure où le notaire Maître PERSONNE2.) n’avait pas connaissance de ces précisions d’identification du testateur.

Nonobstant la question de savoir si ladite Administration soit en droit de fournir à un notaire des renseignements quant à l’inscription d’un testament authentique au registre des dispositions de dernière volonté, du vivant du testateur, il n’incombait pas au notaire Maître PERSONNE2.), successeur du notaire Biel, lui-même successeur du notaire Muller durant l’activité duquel le testament a été perdu, au vu des seules données plus que lacunaires sur l’identité du testateur, de contacter le service des dispositions de dernière volonté en vue de rechercher l’auteur du testament en cause, ce d’autant moins que l’existence d’un testament doit rester secret du vivant du testateur.

Pour les mêmes motifs, l’affirmation de PERSONNE1.), selon laquelle il ressortirait des « registres qu’il y avait seulement quarante PERSONNE3.) en vie », outre qu’elle est imprécise et manque d’être établie, manque de pertinence.

A l’instar du tribunal, la Cour retient dès lors qu’il ne saurait, dans les circonstances particulières de l’espèce, être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté à rechercher à identifier le testateur et de prendre contact avec lui, dès lors qu’elle se trouvait, au vu des indications lapidaires dont elle disposait, dans l’impossibilité matérielle de ce faire.»9 Quant aux premier et deuxième moyens de cassation pris dans leur ensemble :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 1382 du Code civil en ce que la Cour d’Appel, par confirmation des premiers juges, a retenu qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté de rechercher ou de déterminer 9 cf. p. 6 et 7 de l’arrêt dont pourvoi ;

l’identité du testateur, suite à la perte du testament, motifs pris que les informations mises à sa disposition étaient prétendument lacunaires, alors que l’article 1382 du Code civil « prévoit expressément qu’en cas de faute commise par un tiers, causant un dommage, ce dernier doit être réparé » et « qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, sans pour autant statuer sur l’existence d’une faute », la Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 1382 du code civil. »10 Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 1383 du Code civil en ce que la Cour d’Appel, par confirmation des premiers juges, a retenu qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté de rechercher ou de déterminer l’identité du testateur, suite à la perte du testament, motifs pris que les informations mises à sa disposition étaient prétendument lacunaires, alors que l’article 1383 du Code civil prévoit expressément qu’en cas de négligence ou imprudence commises par un tiers, ce dernier reste responsable et « qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, sans pour autant statuer sur l’existence d’une négligence ou imprudence » la Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 1383 du code civil. »11 Aux termes des deux moyens de cassation sous examen, la demanderesse en cassation fait grief aux magistrats d’appel de ne pas avoir statué sur l’existence d’une faute, voire d’une négligence ou imprudence, reproches réitérés sous la discussion du 1er moyen en ce qu’elle fait valoir « qu’en statuant ainsi, sans avoir préalablement recherché si une faute avait été commise par Maître PERSONNE2.), alors que cette dernière avait pour devoir de conserver les dépôts et de les restituer, la Cour d’Appel a manqué de motivation12 à l’encontre de la partie demanderesse en cassation »13, ainsi que sous la discussion du 2e moyen en ce qu’elle a fait valoir « qu’en statuant ainsi, sans avoir préalablement recherché si une négligence ou imprudence avaient été commises par Maître PERSONNE2.), alors que cette dernière avait pour devoir de conserver les dépôts et de les restituer, la Cour d’Appel a manqué de motivation à l’encontre de la partie demanderesse en cassation »14.

En ordre principal, en formulant le grief de l’absence de motivation, les moyens sous examen visent en réalité le grief de l’absence de motivation, qui, à la différence de la violation des dispositions légales reproduites au moyen sous examen, constitue un vice de forme, et non pas un vice de fond.

10 cf. p. 3 du mémoire en cassation ;

11 cf. p. 5 et 6 du mémoire en cassation ;

12 passages soulignés par la soussignée ;

13 cf. p. 5 du mémoire en cassation ;

14 cf. p. 6 du mémoire en cassation ;

Le grief formulé est dès lors étranger aux dispositions légales visées aux moyens respectifs, soit la violation de l’article 1382 du Code civil, respectivement la violation de l’article 1383 du Code civil.

Il en suit que les moyens sont irrecevables.

Pour être complet, aux termes de la discussion des moyens respectifs, le grief du défaut de motivation semble être formulé par rapport à l’obligation dans le chef du notaire PERSONNE2.) de conserver et de restituer le dépôt opéré par le testateur (obligation de conservation), ainsi que par rapport à son obligation d’information et de conseil.

Quant à l’obligation de conservation, il y a lieu de rappeler qu’aux termes du jugement n° 2021TALCH10/00026 rendu le 5 février 2021, les premiers juges ont retenu qu’aucun manquement à l’obligation de conservation ne saurait être reproché au notaire PERSONNE2.), qu’il y a lieu d’examiner sa responsabilité délictuelle à la lumière de son obligation d’information et de conseil et qu’il y a lieu rouvrir les débats pour permettre aux parties d’y prendre position. Aux termes du jugement n° 2021TALCH10/00177 rendu le 12 novembre 2021, donc limité au seul examen des obligations d’information et de conseil dans le chef du notaire PERSONNE2.), ils ont retenu qu’aucun manquement par le notaire PERSONNE2.) auxdites obligations n’a été établi par les éléments de fait leur soumis et les explications fournies par la partie demanderesse. En conséquence, ils ont débouté PERSONNE1.) de sa demande.

Dans la mesure où la partie appelante n’a pas entrepris le jugement n° 2021TALCH10/00026 rendu le 5 février 2021 (retenant que le notaire PERSONNE2.) n’a pas manqué à son obligation de conservation), mais le seul jugement n° jugement n° 2021TALCH10/00177 rendu le 12 novembre 2021 (limitant les débats à la seule analyse de l’obligation d’information et de conseil dans le chef du notaire PERSONNE2.)), elle n’a pas soumis aux juges d’appel le volet de l’affaire tendant à l’obligation de conservation dans le chef du notaire PERSONNE2.). La saisine des magistrats d’appel ayant été limitée au seul réexamen de l’obligation d’information et de conseil dans le chef du notaire PERSONNE2.), un défaut de motivation en relation avec l’obligation de conservation ne saurait être reproché aux magistrats d’appel.

Quant à l’obligation d’information et de conseil dans le chef du notaire PERSONNE2.), les magistrats d’appel ont amplement examiné la responsabilité délictuelle du notaire PERSONNE2.) à la lumière de son obligation d’information et de conseil et, par la motivation exhaustive ci-avant reproduite, ont conclu qu’il n’y a pas contrevenu. En tout état de cause, le grief de l’absence de motivation par rapport au manquement du notaire PERSONNE2.) à son obligation d’information et de conseil n’est pas fondé.

Pour le surplus et en ordre subsidiaire, l’irrecevabilité des moyens sous examen se conçoit encore au regard du constat qu’un chacun des moyens mélange en réalité deux cas d’ouverture, soit la violation de l’article 1382 du Code civil, voire la violation de l’article 1382 du Code civil, et la violation des articles 102 de la Constitution et 249 alinéa 1er du NCPC. Ce faisant, les moyens respectifs se heurtent aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les sur les pourvois et la procédure en cassation prescrivant qu’un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Finalement et en dernier ordre de subsidiarité, sous les griefs tirés de la violation des dispositions visées aux premier et deuxième moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments factuels et de preuve leur soumis et desquels ils ont déduit que le notaire PERSONNE2.), par le fait de ne pas avoir recherché l’identité du testateur, n’a pas manqué à son obligation d’information et de conseil, et n’a partant pas engagé sa responsabilité délictuelle.

Pareille appréciation relevant du pouvoir souverain du juge du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation, il en suit qu’aucun des moyens sous examen ne saurait être accueilli.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 8 de la CEDH en ce que la Cour d’appel, par confirmation du jugement entrepris, a retenu « qu’il ne saurait être reproché à Maître PERSONNE2.) de ne pas avoir tenté de rechercher ou d’identifier le testateur et de prendre contact avec lui, suite à la perte du testament, de sorte que le droit à la vie familiale de la partie demanderesse en cassation a été injustement entravé, alors que l’article 8 de la CEDH prévoit que toute personne a droit au respect et au maintien de sa vie privée et de sa vie familiale et qu’en décidant qu’il n’incombait pas à Maître PERSONNE2.) de rechercher l’auteur du testament perdu, la Cour d’appel a donc manifestement violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété les dispositions de l’article 8 de la CEDH. » Dans la discussion du moyen, la demanderesse en cassation fait valoir que du fait de la perte et de la non-restitution du testament en cause, ensemble l’inertie manifeste de la part du notaire PERSONNE2.) d’entreprendre des démarches en vue de l’identification du testateur, elle s’est vue « abolir les droits de la partie demanderesse en cassation, à conserver les biens du défunt, et à maintenir son cadre de vie »15.

Il ne résulte ni de l’arrêt attaqué, ni du jugement de première instance que la partie demanderesse ait invoquée l’article 8 de la CEDH.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de droit et de fait.

Il en suit que le moyen sous examen est irrecevable.

Dans un ordre d’idées subsidiaire, le moyen sous examen ne saurait être accueilli en ce que sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition y visée, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments factuels et de preuve leur soumis, lesquels les ont amenés à dire que le notaire PERSONNE2.) était dans l’impossibilité de rechercher l’identité du testateur PERSONNE3.), appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

15 cf. p. 7 du mémoire en cassation ;

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais doit être rejeté.

Luxembourg, le 12 octobre 2023 Pour le Procureur général d’Etat, le 1er avocat général, Monique SCHMITZ 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 123/23
Date de la décision : 16/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-11-16;123.23 ?

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