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14/11/2023 | LUXEMBOURG | N°47753C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 novembre 2023, 47753C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47753C ECLI:LU:CADM:2023:47753 Inscrit le 27 juillet 2022

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Audience publique du 14 novembre 2023 Appel formé par les époux (A) et (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 juin 2022 (n° 42457 du rôle) en matière d’impôt

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Vu l’acte d’appel, inscrit so

us le numéro 47753C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juillet 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47753C ECLI:LU:CADM:2023:47753 Inscrit le 27 juillet 2022

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Audience publique du 14 novembre 2023 Appel formé par les époux (A) et (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 juin 2022 (n° 42457 du rôle) en matière d’impôt

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47753C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juillet 2022 par la société à responsabilité limitée ETUDE NOESEN s.à r.l, établie et ayant son siège social à L-1475 Luxembourg, 1, plateau du Saint-Esprit, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A) et de son épouse, Madame (B), demeurant à L-… …, …, …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 22 juin 2022 (n° 42457 du rôle) par lequel le tribunal rejeta la demande tendant à la jonction dudit recours avec celui inscrit sous le numéro 42744 du rôle, reçut en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 décembre 2018 (nos ……. et ……. du rôle) ayant rejeté leurs réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu, les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et les bulletins portant fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance-dépendance pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 et réformé les impositions in pejus, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta leurs demandes en institution d’une expertise et en obtention d’une indemnité de procédure tout en les condamnant aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique « intitulé erronément mémoire en réponse » déposé par la société à responsabilité limitée ETUDE NOESEN au nom des époux (A-B) le 14 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jean-Paul NOESEN et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2023.

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Sur demande du préposé du bureau d’imposition ……. de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition », Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), ci-après les « époux (A-B) », firent l’objet d’un contrôle fiscal de la part du service de révision de l’administration des Contributions directes, ci-après le « service de révision », contrôle dont les conclusions furent matérialisées dans un rapport de révision du 21 juin 2018 portant sur les exercices 2008 à 2015, ci-après le « rapport de révision ».

Le 18 juillet 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard des époux (A-B) les bulletins de l’impôt sur le revenu, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance-dépendance pour les années 2008 à 2015.

Le 1er août 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard des époux (A-B) des bulletins de l’impôt sur le revenu rectificatifs visant les années d’imposition 2011 à 2015 sur le fondement du § 94, alinéa (1), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

Par courriers séparés de leur mandataire datés du 17 septembre 2018, les époux (A-B) firent introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur », des réclamations à l’encontre des prédits bulletins d’impôt.

Par décision du 6 décembre 2018, référencée sous les nos ……. et ……. du rôle, le directeur retint ce qui suit :

« (…) Vu les requêtes introduites le 18 septembre 2018 par Me Jean-Paul Noesen, au nom des époux, le sieur (A) et la dame (B), demeurant à L-… …, pour « introduire un recours contre les bulletins d’imposition » des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, « comme suit :

a) Le bulletin d’imposition concernant l’impôt sur le revenu du 18/07/2018 b) Le bulletin d’imposition du même 18/07/2018 concernant la contribution à l’assurance-dépendance c) Le bulletin contenant calcul de la base d’assiette globale et fixant à zéro l’impôt commercial communal du 18/07/2018 et de dire que l’opération ne donne pas lieu à une imposition différente de celle résultant des déclarations du contribuable, à l’exception des redressements expressément admis aux termes de la présente. » ;

Considérant que les requêtes sont à considérer comme réclamations au sens du § 228 de la loi générale des impôts (AO) dirigées à la fois contre :

les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, et, finalement, les bulletins portant fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance dépendance pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, tous émis en date du 18 juillet 2018 ; que les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 furent toutefois remplacés par des bulletins rectificatifs sur base du § 94, alinéa 1er AO en date du 1er août 2018 ; que les réclamations sont donc censées viser ces derniers et non pas les bulletins originaires du 18 juillet 2018, pourtant attaquables dans leur intégralité, conformément aux §§ 234 et 243 AO ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le rapport dressé en date du 21 juin 2018 par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes, couvrant la période s’étirant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2015 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que les deux requêtes portées au rôle du Contentieux de l’impôt sous les numéros respectifs ……. et ……. ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre dans l’intérêt d’une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes;

En ce qui concerne les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 Considérant qu’aux termes du § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé ou conteste son assujettissement à l’impôt ;

Considérant que le montant de l’impôt commercial communal des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 a été fixé à chaque fois à 0 euro et que les requérants ne prétendent sûrement pas à la fixation d’une cote d’impôt positive ;

Considérant que si un bulletin ayant fixé une cote d’impôt égale à zéro, avait reconnu en plus une perte dans le chef du réclamant, la réclamation n’aurait pas été admise directement contre ledit bulletin, mais seulement contre un bulletin futur opérant report de la perte (article 114 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) et § 9bis de la loi concernant l’impôt commercial communal (GewStG)) déterminée par reconstitution des bénéfices et des pertes depuis la dernière imposition à cote positive de la période éligible pour le report de pertes et fixant pour la première fois une cote d’impôt supérieure à zéro (TA du 4 février 1998, n° 9850 du rôle) ;

Considérant qu’il en découle que les réclamations contre les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 doivent être déclarées irrecevables pour défaut d’intérêt ;

En ce qui concerne les bulletins (rectificatifs) de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir omis de prendre en considération à titre de bénéfice commercial au sens de l’article 14 L.I.R. des pertes d’exploitation réalisées par le biais de leur activité d’élevage de ……… destinés aux sports …. et ….. ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant de ce chef que l’instruction par la présente instance a révélé que le bureau d’imposition a émis des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 en date du 1er août 2018 en vertu du § 94, alinéa 1er AO ; que le § 94, alinéa 1er AO (principe communément appelé « demande en redressement ») dispose que les bulletins d’impôt (§§ 211, 212, 212a, alinéa 1er, 214, 215 et 215a AO) ainsi que les décisions administratives à caractère individuel (§°235 AO) ne peuvent être retirés ou modifiés qu’à la double condition que le contribuable y consente expressément et qu’il ne se trouve pas forclos dans le cadre d’un recours contentieux, tout ceci endéans un délai de 3 mois à partir de la notification du bulletin ou de la décision administrative en cause ; qu’en l’espèce, le bureau d’imposition s’est servi du § 94, alinéa 1er AO afin de procéder, sans avoir le consentement explicite des réclamants, à des rectifications des bulletins originaires en leur défaveur ; que dans ce cas, la sanction en est l’annulation pure et simple des bulletins entrepris ; que la présente décision sur réclamation tranchera dorénavant l’affaire quant au fond ;

Considérant, à titre liminaire, que les réclamants arguent en ce qui concerne la seule année 2008 (les autres années touchées, le cas échéant, par la même problématique n’étant bizarrement pas évoquées) qu’il n’y aurait « pas lieu d’appliquer la prescription majorée de 10 ans tel que prévu (sic) par l’article 3 de la loi du 22 décembre 1951, telle que modifiée, et la prescription était acquise au contribuable pour l’exercice 2008, le 31/12/2013, sur base de la prescription quinquennale de droit commun » ; que les réclamants tentent de corroborer leur hypothèse de la prescription de l’année 2008 en arguant qu’il n’y aurait « eu dans ce dossier, ni absence de déclaration, ni déclaration inexacte, mais très clairement, des divergences d’interprétation de la loi entre le contribuable et l’Administration sur le caractère déductible de certaines dépenses », alors que « le caractère matériellement complet des déclarations » ne serait « pas en discussion » ;

Considérant qu’il y a toutefois lieu de réfuter lesdites allégations formulées à l’égard du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2008, par le fait que seul un contrôle approfondi effectué par le Service de révision de l’Administration des contributions a permis de dégager la persistance remarquable avec laquelle les requérants se sont adonnés à créer toute une constellation de sociétés les plus diverses qui, en fin de compte, leur ont permis de largement optimiser, pour choisir un terme assez neutre, leur situation fiscale ; que l’aperçu à titre isolé des différents volets que comprend leur modèle d’affaires ne saurait en aucun cas refléter les buts réellement recherchés et, par ce biais, les conséquences fiscales qui s’en dégagent en cas d’acquiescement (implicite) par le bureau d’imposition ; qu’il aurait donc été impossible pour un bureau d’imposition seul, même à le supposer avoir fait son travail en son âme et conscience et de la manière la plus rigoureuse possible, sans possibilité de se rendre compte de tous les détails et modalités que seul un Service de révision est en mesure de se procurer à travers de longues et fastidieuses enquêtes, de détecter les implications réciproques dans les différentes sociétés que gèrent les réclamants, et d’en tirer des conclusions quant aux conséquences comptables, pécuniaires et fiscales qui s’en dégagent ; qu’on ne saurait donc admettre une prescription de seulement 5 ans, étant donné que toutes les fois où il y a imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est d’office de dix ans (alinéa 1er de l’article 10 de la loi modifiée de 1933) ; qu’il en est de même en ce qui concerne l’année 2009, sans que la problématique de la prescription ne soit toutefois expressément invoquée ; qu’en ce qui concerne par ailleurs le reste des années en cause, notamment celles où la prescription pourrait jouer et qui n’ont pas encore été imposées, force est de constater que la prescription a été interrompue à chaque fois par une renonciation explicite qu’ont signée les requérants ;

Considérant, quant au fond de l’affaire, que le rapport dressé par le réviseur du Service de révision fait état des constatations suivantes :

Rapport des réviseurs (D) et (F) sur la vérification des livres et documents comptables du haras (H) (A)-(B) …, rue …… L-…. ….

No dossier : …….

faite sur demande du préposé du bureau d’imposition ……. et portant sur. les exercices 2008 et 2015 inclusivement, Index :

A. Données générales…………………………Nos 1 - 6………………page 2 B. Comptabilité………………………………..Nos 7 - 8………………pages 3 - 4 C. Constations spéciales……………………..No 9…………………….pages 5 - 10 D. Conclusion…………………………………………………………….page 11 E. Remarque finale………………………………………………………page 12 A. DONNÉES GÉNÉRALES 1. Motif de la vérification :

§§162(9), 193 et 206(1) de la loi générale des impôts 2. Date de la clôture des exercices :

le 31 décembre 3. Déclarations et impôts contrôlés :

Impôt sur le revenu 2008 à 2015 4. Dernière révision fiscale :

néant Exercices contrôlés :

néant 5. Objet :

haras 6. Personnes ayant fourni des renseignements :

Monsieur (A) Monsieur (G), comptable.

B. COMPTABILITÉ 7. Quant à la forme Les déclarations fiscales et les modelés 144 concernent les recettes et les dépenses du bénéfice agricole et forestier ont été confectionnés pour les années 2008 à 2015 par M. (G) de (I)à L-…. ….. …., rue ……. La comptabilité est tenue en utilisant le logiciel Sage BOB.

La fiduciaire a déclaré, depuis le commencement de l’activité en 2001, les résultats du haras en tant que bénéfice agricole et forestier. Le bureau d’imposition de ……. les a considérés comme perte agricole et forestière pour les années 2001 à 2005 et comme bénéfice commercial pour les années 2006 à 2009. Les impositions des années 2010 à 2015 n’ont pas encore été effectuées.

D’après l’article 61 de l’impôt sur le revenu, le bénéfice agricole et forestier est constitué par le résultat que le contribuable obtient par l’élevage ou l’engraissage d’animaux, lorsque la nourriture de ces animaux provient ou pourrait provenir de la culture du sol d’une unité d’exploitation agricole dans des proportions et selon des critères à déterminer par règlement grand-ducal. Sans préjudice de la condition de la provenance des denrées consommables, un règlement grand-ducal pourra fixer à l’endroit des contribuables qui font habituellement des achats de bétail en disproportion avec la nature et l’étendue de leur domaine agricole, un délai minimum entre l’achat et la vente pour que l’opération garde son caractère agricole.

Les ……… tombent sous la dénomination de gros bétail, un terme utilisé pour l’ensemble des bêtes d’élevage à savoir ….., ………, …… et …… Aux termes de l’article 14 LIR: « Sont considérés comme bénéfice commercial :

1. le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale. Est réputée entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale. [… ]».

S’il est vrai que l’article 14 LIR, qui définit le bénéfice commercial comme trouvant son origine dans une activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, n’est pas expressément applicable au bénéfice agricole et forestier, force est de retenir que sous l’intitulé bénéfices de la LIR figurent trois catégories de revenus, à savoir celles de bénéfice commercial, de bénéfice agricole et forestier ainsi que de bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale.

Ces trois catégories relevant de la fiscalité de l’entreprise ont en commun qu’elles remplissent toutes les trois les critères requis pour les entreprises commerciales. Ainsi, elles sont exercées à titre indépendant et dans un but de lucre, elles présentent une certaine continuité et les contribuables les exerçant participent à la vie économique en général.

Les documents suivants ont été présentés au réviseur :

˃ les extraits bancaires des comptes :

 …………………  ……………………….

 …………………………  ………………………….

 …………………………..

 …………… ˃ les balances des comptes généraux ;

˃ les grands-livres ;

˃ les pièces relatives aux frais.

8. Quant au fond Les déclarations fiscales des exercices révisés ont été remises au bureau d’imposition aux dates suivantes:

Exercice Date Date bulletin 2008 remise 21/12/2009 01/02/2012 2009 27/12/2010 15/05/2013 2010 21/12/2011 / 2011 21/12/2012 / 2012 16/12/2013 / 2013 18/12/2014 / 2014 23/12/2015 / 2015 29/12/2016 I Les objections et les critiques précises quant au fond sont reprises au chapitre C. Constatations spéciales ci-après.

Tous les montants de ce rapport, non libellés autrement, sont exprimés en EUR.

C. CONSTATATIONS SPECIALES Considérant que suivant déclarations des années 2001 à 2015 (2008-2015: années tombant sous la vérification du service de révision), les pertes engendrées par l’exploitation agricole de Monsieur (A) ont évoluées [sic] comme suit :

Année Résultat déclaré Recettes :

Recettes :

Autres Frais déclarés ventes pension et recettes ……… nourriture 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 TOTAL Le détail des « Autres recettes » pour les années 2008 à 2015 est indiqué dans le tableau ci-dessous :

Année Autres recettes dont prestations (J) (*) divers 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Total (*) divers : Il s’agit notamment de gains de change, d’escomptes obtenus, d’intérêts reçus, de vente matériel, de refacturation de frais, d’autres produits exceptionnels et de subventions destinées à promouvoir l’emploi.

En ce qui concerne les prestations (J) (voir dans les explications supplémentaires), il s’agit de montants uniques annuels comptabilisés auprès du (H) pour travaux de bureau effectués. En conséquence et suite aux explications supplémentaires invoquées ci-dessous, les prestations de (J) sont éliminées. Il s’agit de factures de complaisance dont la déduction est le cas échéant refusée auprès de (J) (voir rapport du service de révision de la société (J)).

Le premier tableau fait ressortir que les résultats sont nettement déficitaires et que les recettes sont de faible envergure par rapport aux frais déclarés. Aucun résultat positif n’a jamais été dégagé et les pertes engendrées par l’exploitation agricole de Monsieur (A) ont régulièrement été épongées par l’ensemble de ses revenus. Il a régulièrement déboursé des sommes importantes à titre de soutien de son exploitation agricole, sans que le moindre gain pécuniaire ne se soit cependant jamais réalisé à force de ses efforts dans ladite activité.

Un lien étroit entre ces dépenses et la recherche de la réalisation d’un revenu n’a jamais existé. Il est difficile d’admettre que l’activité agricole était exercée de manière structurée et avec la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un revenu positif.

La reproduction, l’élevage, le dressage et l’acquisition de ……… engendrent bien évidemment des coûts importants de fonctionnement. Monsieur (A) a confirmé dans ce contexte, qu’un cheval doit être formé pendant une période d’au moins sept ans et être présenté régulièrement à des concours pour pouvoir être négociable à la suite à un prix convenable.

Vu l’absence totale de bénéfices d’une période s’étalant actuellement sur 15 ans, vu l’existence d’autres revenus ayant permis de subvenir aux besoins de la famille (C) et vu les dépenses élevées et non proportionnées aux recettes, la déduction des pertes agricoles est mise en cause.

Le but de lucre est absent ce qui fait que le résultat déclaré est écarté sous la rubrique du bénéfice agricole et forestier et que l’activité est désignée d’amateur. Le but de toute activité professionnelle est la recherche d’un profit, l’exploitation ou l’activité en question doit donc présenter un caractère lucratif. Si ce caractère fait défaut, l’activité est considérée et requalifiée comme activité d’amateur, et son résultat, même passagèrement bénéficiaire, n’influence pas le revenu imposable.

Il faut que le contribuable puisse s’attendre du moins à longue durée et en tenant compte de tous les faits et circonstances de l’espèce, à réaliser un résultat positif engendré par son activité1 ; que ses « visées personnelles d’obtenir un gain au sens de la loi fiscale doivent être réalisables et qu’il ne suffit pas qu’elles se manifestent sous l’aspect d’efforts impropres à aboutir à un rendement économique »2.

La loi emploie uniformément le terme de bénéfice, qui suggère nécessairement un but de lucre. En effet, ce critère constitue le point commun de toute activité génératrice de revenus imposables et sert ainsi à différencier l’activité commerciale de l’activité d’amateur («Liebhaberei») et de l’activité purement bénévole, de manière que les activités qui ne sont pas tournées vers la réalisation d’un profit - encore que le but de lucre puisse être l’objectif accessoire et non pas principal de l’activité et que même la recherche d’un intérêt seulement modique procuré par les moyens investis suffit pour admettre un but de lucre, ne sont pas constitutives d’une entreprise commerciale ou d’une profession libérale pour ne pas être motivées par des intentions financières, mais par des intérêts purement privés, que les dépenses faites dans le cadre d’une telle activité ne sont pas déductibles en tant que dépenses d’exploitation et qu’un résultat négatif n’est pas considéré comme perte au sens de l’article 7 LIR3.

1 BFH du 23.05.1985 : IV R 84/82; BStBl 111985, p. 515 2 Conseil d’Etat du 7 mai 1958, n° 5456 du rôle et jurisprudence administrative constante 3 Cour adm. 14 juillet 2015, n° 35070C du rôle.

S’il est bien vrai que la perspective d’un résultat global positif n’est pas impérative, néanmoins faut-il que le contribuable procède à la recherche d’un gain pécuniaire, recherche qui s’exprime dans un comportement économiquement raisonnable, c’est-à-dire que les expectatives du contribuable doivent être réalisables et surtout qu’il doit déployer les efforts nécessaires et proportionnés propres à aboutir à un rendement économique. Dans l’hypothèse où la recherche d’un tel gain fait défaut, il y a lieu de présumer que l’activité répond uniquement aux aspirations et motivations personnelles du contribuable4.

Ein land- und forstwirtschaftlicher Betrieb im vorgenannten Sinne liegt vor, wenn eine land-und forstwirtschaftliche Betätigung selbstständig und nachhaltig sowie mit der Absicht, Gewinn zu erzielen, betrieben wird. Die Absicht der Gewinnerzielung zeigt sich in dem Bestreben, während des Bestehens des Betriebs, d. h. von seiner Gründung bis zu seiner Veräußerung, Aufgabe oder Liquidation aufs Ganze gesehen einen Gewinn zu erzielen. Ob der Steuerpflichtige eine derartige Absicht hatte, lässt sich als innere Tatsache nicht anhand seiner Erklärungen, sondern nur aufgrund äußerer Umstände feststellen. Hierfür ist insbesondere von Bedeutung, ob der Betrieb bei objektiver Betrachtung nach seiner Art, der Gestaltung der Betriebsführung und den gegebenen Ertragsaussichten einen "Totalgewinn" in dem beschriebenen Umfang erwarten lässt. Ist danach bei objektiver Betrachtung ein positives Ergebnis nicht zu erwarten, kann der Steuerpflichtige gleichwohl nachweisen, dass er die objektiven Gegebenheiten verkannt und erwartet habe, dass zunächst angefallene Verluste im Laufe der weiteren Entwicklung des Betriebs durch Gewinne ausgeglichen würden und insgesamt ein positives Gesamtergebnis erzielt werden könne. Gelingt ihm auch dieser Nachweis nicht, so folgt daraus, dass er die verlustbringende Tätigkeit nur aus im Bereich seiner Lebensführung liegenden persönlichen Gründen oder Neigungen ausgeübt hat5.

Nach der ständigen Rechtsprechung des BFH kommt es für die Abgrenzung zwischen Liebhaberei und einer einkommensteuerrechtlich bedeutsamen Tätigkeit, wie einem Gewerbebetrieb oder einer Land-und Forstwirtschaft, neben der Voraussetzung, dass der Betrieb nach betriebswirtschaftlichen Grundsätzen geführt wird, entscheidend darauf an, ob der Betrieb nach seiner Wesensart und der Art seiner Bewirtschaftung auf die Dauer gesehen nachhaltig mit Gewinnen arbeiten kann. Dies erfordert eine in die Zukunft gerichtete Beurteilung, wofür die Verhältnisse eines bereits abgelaufenen längeren Zeitraums wichtige Anhaltspunkte bieten6. Dauernde Verluste während eines Zeitraumes von - wenn keine besonderen Verhältnisse gegeben sind - etwa acht und mehr Jahren sprechen nach der Rechtsprechung des BFH für die Annahme einer Liebhaberei, weil der geschlossene Verlustzeitraum einer solchen Anzahl von Jahren eine ausreichende Grundlage für die Prognose bietet, dass der Betrieb bei gleichbleibender Form der Bewirtschaftung nicht geeignet ist, aus der Verlustzone herauszukommen und nachhaltige Gewinne zu erzielen.

L’expectative d’un bénéfice global par l’exploitation agricole de Monsieur (A) fait largement défaut. Ainsi, il est dès lors sans le moindre doute que l’activité agricole n’a pas été exercée dans un but de lucre, condition d’ailleurs indispensable afin de pouvoir être qualifiée de relever de la sphère professionnelle, de sorte que les conditions pour l’imposition d’un bénéfice ou d’une perte qui en résulterait, selon le cas, ne sont pas remplies.

Des pertes à hauteur de ……… EUR ont été réalisées pendant les années 2001 à 2015.

Lors de la vérification de la société (J) (voir dans les explications supplémentaires) par le 4 Trib. Adm. 10 janvier 2007, n°21401 du rôle, Pas. Adm. 2012, V° Impôts, n° 143.

5 BFH, Urteil vom 27. Januar 2000 IV R 33/99, BStBI II 2000, 227 mit weiteren Nachweisen.

6 BFH-Urteile vom 4. März 1970 / R 123/68, BFHE 98,259, BStBI II 1970,470; vom 18. März 1976 R 113/73 BFHE 118,447, BStBI II 1976,485 service de révision, il a été constaté que Monsieur (A) s’est ingénié à déduire de multiples factures supplémentaires concernant le (H) au niveau de la société (J). Cette façon de procéder lui a permis de minimiser davantage les pertes du (H) qui en cas de déductions intégrales auraient été encore beaucoup plus importantes.

Donc, l’activité n’étant pas exercée dans un but de lucre mais en tant qu’activité d’amateur avec des intérêts principalement privés et en raison de l’absence de résultats positifs depuis de longues années (actuellement 15 ans), la déduction des pertes à hauteur de …… EUR pour les années 2008 à 2015 est refusée.

Le ménage des époux (A-B) disposait de revenus lui ayant permis de subvenir amplement à ses besoins et de couvrir les pertes accumulées par l’exercice de l’activité agricole.

En ce qui concerne les revenus à leur disposition, il s’agissait de dividendes provenant de la société à responsabilité limitée (J) ((J)) et de salaires provenant de la société sus-

indiquée et de la société à responsabilité limitée (K). Les deux sociétés en question sont également soumises à un contrôle par le service de révision.

En outre, sans les revenus indiqués ci-dessus, l’acquisition, les transformations et les aménagements de la maison d’habitation et de la …… n’auraient pas été réalisables.

A titre d’information, les divers investissements effectués pendant les années 1996 à 2015 sont repris dans le tableau suivant :

Désignation du bien Année Prix Immeuble à ……..

1996 Frais d’acte 1996 Transformations 1996 à 2001 Total Aménagements divers 2001 à 2015 Aménagement …….

2011 à 2014 Installation électrique 2002 à 2015 Parc automobile 2001 à 2013 Matériel et outillage 2002 à 2015 Achats ……… 2001 à 2015 ……..

2008 et 2009 Total EXPLICATIONS SUPPLEMENTAIRES La société (J) a été constituée en date du 7 novembre 1996. L’associé unique, M. (A), a souscrit et entièrement libéré les parts sociales. Immédiatement après la constitution de la société, M. (A), représentant la totalité du capital social, s’est nommé gérant pour une durée indéterminée. Il a ainsi individuellement et sous sa seule signature les pleins pouvoirs pour engager la société pour tous actes, dans les limites fixées par son objet social ou la loi.

En qualité de dirigeant et d’unique associé de (J), M. (A) dispose d’un compte courant au sein de son entreprise. Il s’agit d’un compte courant débiteur, M. (A) ayant plus de dettes que de créances envers sa société. Le solde débiteur du compte courant est à considérer comme un prêt hypothécaire sans terme convenu. Même si le solde débiteur du compte a augmenté pendant les quinze dernières années, situation due à un non remboursement du compte en question, des dividendes ont été distribués régulièrement.

La question se pose si on n’est pas en présence d’un abus de droits. Cette manière de procéder est contraire à l’intérêt de la société (J) et est appliquée pour favoriser une entreprise, à savoir le (H), dans laquelle le dirigeant, Monsieur (A), est intéressé directement ou indirectement. Cette problématique est développée et approfondie dans le rapport du service de révision établi à la suite de la vérification de la société (J).

L’évolution du compte courant associé de M. (A) dans la société (J) pour les années 2001 à 2015 est renseignée à titre indicatif dans le tableau suivant :

Dette de l’associé Année envers la société (J) 31/12/2001 -

31/12/2002 7 -

31/12/2003 58 -

31/12/2004 221 -

31/12/2005 238 -

31/12/2006 330 -

31/12/2007 213 -

31/12/2008 53 -

31/12/2009 265 -

31/12/2010 783 -

31/12/2011 701 -

31/12/2012 611 -

31/12/2013 1 103 - 1 31/12/2014 1 39 - 3 31/12/2015 1 26 - 2 1 35 Comme développé lors des différents entretiens avec Monsieur (A), l’activité de la société (J) consiste à prester des activités de conseil dans le domaine alimentaire et plus particulièrement dans celui de la nutrition animale. Cette activité englobe: la production de produits de nutrition animale, les recherches de nouveaux clients et fournisseurs, l’entretien des relations et la négociation des prix avec les clients et fournisseurs existants et le développement de nouvelles stratégies commerciales et de nouveaux marchés.

(J) a encore comme objet la prise de participations dans d’autres sociétés, ainsi que l’assistance commerciale à ses filiales et aux sociétés du groupe. Il s’agit notamment de la société (P) A/S ayant son siège au Danemark. « The (Q) is a world-wide group of partner driven distribution companies operating mainly within the Feed, Food and Pharma ingredients industries ». M. (A) est Member of the Board of Directors de la société danoise ainsi que Principal de la société (R) domiciliée à New York aux Etats-Unis.

La société (P) A/S verse mensuellement des commissions et annuellement des dividendes à Monsieur (A), l’unique associé de (J). Ces dividendes et ces prestations de service, qui sont des frais de conseil suivant Monsieur (A), constituent les seules recettes de (J). D’après lui, les prestations ainsi que les frais de voyages et de représentation engagés par (J) sont facturés mensuellement à (P). Malheureusement Monsieur (A) n’est pas en mesure de présenter des pièces probantes (contrats de négociations avec des clients ou fournisseurs, contrats de nouvelles stratégies commerciales etc.) qui auraient démontré le caractère réel de ces prestations de services.

A titre indicatif, la société (K) a pour objet la création, la location et la vente de costumes et accessoires. Toutes les parts sociales ont été souscrites par Madame (B).

Parmi les recettes déclarées par (K) pour les années 2008 à 2015 figurent les prestations (J) suivantes :

Prestations Année (J) 2008 5 2009 0 4 2010 5 5 2011 0 5 2012 5 5 2013 1 3 2014 6 2015 Total 2 8 En ce qui concerne les prestations 7 (J), il s’agit de montants uniques annuels comptabilisés auprès de la société (K) pour travaux de bureau effectués. Reste à savoir quel genre de travaux une société, ayant pour objet la création, la location et la vente de costumes et accessoires, effectue pour une société, active dans le domaine de la nutrition animale.

En résumé, les revenus à la disposition des époux (A-B) sont repris dans le tableau suivant :

Salaires bruts Dividende (J) Année (J) et (K) Brut Net 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 TOTAL Donc effectivement, le ménage des époux (A-B) disposait pour les années 2008 à 2015 de revenus lui ayant permis de subvenir amplement à ses besoins et de couvrir les pertes accumulées par l’exercice de l’activité agricole.

D. CONCLUSION La déduction des pertes à hauteur de …… EUR pour les années 2008 à 2015 est refusée.

Perte commerciale/ Perte Année agricole déclarée acceptée 2008 0,00 2009 0,00 2010 0,00 2011 0,00 2012 0,00 2013 0,00 2014 0,00 2015 0,00 TOTAL 0,00 En considérant qu’un montant significatif d’impôt - soit en montant absolu - soit en rapport avec l’impôt annuel dû, a été éludé, le réviseur est d’avis que le § 396 de la loi générale des impôts (AO) est applicable. Il incombe au préposé du bureau ……. de déposer plainte auprès du procureur d’Etat à l’encontre de Monsieur (A).

Considérant, d’une manière générale, qu’on entend par bénéfice commercial au sens de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) tout revenu qui remplit l’ensemble des conditions posées par l’article 14 ; que l’article 14 L.I.R. retient notamment à l’endroit de son alinéa 1er qu’est considéré comme bénéfice commercial le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale ; qu’est réputée entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, toute activité indépendante (1) à but de lucre (2) exercée de manière permanente (3) et constituant une participation à la vie économique générale (4), lorsque l’activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière (5) ni l’exercice d’une profession libérale (6) ;

Considérant que pour qu’une activité puisse être qualifiée de bénéfice commercial au sens de l’article 14, alinéa 1er L.I.R., il faut dès lors qu’elle remplisse simultanément plusieurs critères, dont quatre sont des critères positifs ((1) à (4)) et deux des critères négatifs ((5) et (6)) ; qu’en l’espèce, il n’est pas litigieux que les deux critères négatifs sont parfaitement remplis, de sorte qu’il reste à analyser si les quatre critères positifs (activité indépendante, à but de lucre, exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale) sont remplis à leur tour ; qu’à cet égard soit évoqué qu’il n’appartient ni au bureau d’imposition ni d’ailleurs au directeur des contributions de douter des compétences ou de juger du professionnalisme de celui qui exerce l’activité, de tels critères n’étant pas prévus par la loi fiscale ;

Considérant qu’il peut valablement être admis qu’il n’existe d’un côté pas le moindre doute que l’activité d’élevage de ……… est exercée de façon indépendante et de manière permanente, alors que de l’autre côté la condition de la participation à la vie économique se réalise bien évidemment à son tour, de sorte qu’il reste à analyser s’il y a existence d’un but de lucre ; que pour que cette dernière condition soit remplie, il faut que le contribuable puisse s’attendre, du moins à longue durée et en tenant compte de tous les faits et circonstances de l’espèce, à réaliser un résultat positif engendré par son activité (cf. BFH du 23.05.1985 ;

IV R 84182 ; BStBI II 1985, p.515) ; que ses « visées personnelles d’obtenir un gain au sens de la loi fiscale doivent être réalisables et qu’il ne suffit pas qu’elles se manifestent sous l’aspect d’efforts impropres à aboutir à un rendement économique » (cf. Conseil d’Etat du 7 mai 1958, n° 5456 du rôle et jurisprudence administrative constante, entre autres TA du 14 juillet 2017, n° 38006 du rôle et TA du 27 septembre 2017, n° 38100 du rôle) ; que suivant les déclarations remises, les résultats engendrés par l’exploitation en cause se sont présentés comme suit durant les années 2001 à 2015 :

année résultat 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Considérant qu’il va dès lors sans dire que les requérants ont régulièrement déboursé des sommes importantes à titre de soutien de leur exploitation, sans que le moindre gain pécuniaire ne se soit cependant jamais réalisé ; qu’il s’avère ainsi pour le moins douteux qu’un lien étroit et inhérent entre les dépenses engagées et la recherche de la réalisation de recettes ait jamais existé ; que cette hypothèse s’avère tant et plus corroborée et illustrée par le fait qu’une participation financière personnelle aux frais peut régulièrement être considérée comme un clair indice d’une absence de but de lucre ;

Considérant qu’il peut dès lors valablement être admis que l’expectative d’un bénéfice global par l’exploitation des réclamants a largement fait défaut en l’espèce ; qu’il est partant manifeste que l’activité d’élevage de ……… n’a pas été exercée dans un but de lucre, condition d’ailleurs indispensable afin de pouvoir être qualifiée de relever de la sphère professionnelle, les conditions pour l’imposition d’un bénéfice ou d’une perte qui en résulterait n’étant par conséquence pas remplies ; que suite à l’ensemble des constatations relevées supra, il demeure sans le moindre conteste que c’est à bon escient que le réviseur a qualifié d’activité d’amateur l’activité d’élevage de ……… des réclamants, et que c’est encore à bon escient que le bureau d’imposition a admis tel quel les conclusions du réviseur du Service de révision ;

Considérant en dernier lieu et en ce qui concerne notamment les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, que le bureau d’imposition Sociétés …. a émis en date du 24 juillet 2018 des avis de contrôle rectifiant ceux du 10 juillet 2018 et refixant les montants perçus à titre de distributions cachées de bénéfice au sens de l’article 164, alinéa 3 L.I.R. par la réclamante en provenance de la société à responsabilité limitée (K) ; que les dits montants rectificatifs sont dès lors à prendre en considération à travers la présente décision sur réclamation en vertu des dispositions du § 243 AO ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

Considérant que le redressement de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 fait l’objet des annexes 1, 2, 3, 4 et 5 qui constituent des parties intégrantes de la présente décision ;

En ce qui concerne les bulletins portant fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance dépendance pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 Vu l’article 378 de la loi du 19 juin 1998 portant introduction d’une assurance dépendance;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant qu’en vertu de l’article 376 du Code des assurances sociales (CAS), l’assiette de la contribution à l’assurance dépendance est constituée par les revenus professionnels, les revenus de remplacement, ainsi que les revenus du patrimoine ;

Considérant qu’en l’espèce, les contributions à l’assurance dépendance relatives aux années litigieuses reposant justement sur les revenus expressément prévus à cette fin par la loi, s’avèrent donc dues ;

PAR CES MOTIFS dit les réclamations contre les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 irrecevables pour défaut d’intérêt, reçoit les réclamations contre les bulletins (rectificatifs) de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 ainsi que celles dirigées contre les bulletins portant fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance dépendance pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 en la forme, annule les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, émis le 1 er août 2018, rejette les réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que celles dirigées contre les bulletins portant fixation de la base d’imposition de la contribution à l’assurance dépendance pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 comme non fondées, réformant in pejus en ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, émis le 18 juillet 2018, fixe l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2011, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à … euros, fixe l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2012, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à ….. euros, fixe l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2013, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à ….. euros, fixe l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2014, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à ….. euros, fixe l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2015, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à ….. euros, renvoie au bureau d’imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2019, inscrite sous le n° 42457 du rôle, les époux (A-B) introduisirent un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 6 décembre 2018.

La société à responsabilité limitée (J) s.à r.l, ci-après la « société (J) », visée dans la décision directoriale du 6 décembre 2018 en tant que société détenue par Monsieur (A) et ayant fait l’objet d’un contrôle approfondi parallèle, se vit également adresser, suite à ce contrôle, le 18 juillet 2018 des impositions au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune au titre des années 2008 à 2015.

Ses réclamations du 17 septembre 2018 contre ces impositions ayant été rejetées par une décision du directeur du 30 janvier 2019, la société (J) fit introduire contre cette décision un recours par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2019 et inscrite sous le n° 42744 du rôle.

Par jugement du 22 juin 2022 statuant sur le recours introduit sous le n° 42457 du rôle, le tribunal rejeta la demande tendant à la jonction dudit recours avec celui inscrit sous le numéro 42744 du rôle, reçut en la forme le recours en réformation, au fond le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en institution d’une expertise et débouta les demandeurs de leur demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en les condamnant aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 juillet 2022, les époux (A-B) ont régulièrement interjeté appel contre le jugement précité.

Quant à la communication des courriers internes de l’ACD Moyens des parties A titre liminaire, les époux (A-B) relatent qu’ils auraient fait l’objet de « jalousie » au point de faire l’objet d’une visite, en 2015, du service anti-fraude de l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, ci-après l’« AEDT », et que cette vérification aurait donné lieu à des redressements mineurs. « Les jaloux » auraient également réussi à « [leur] mettre sur le dos, un plus gros calibre, le service de Révision » de l’administration des Contributions directes. Selon eux, le dossier administratif déposé au greffe ne révèlerait pas « le pourquoi de la démarche des deux services », de sorte qu’ils demandent le dépôt, au greffe de la Cour, sur base de « l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 », des courriers internes de l’administration des Contributions directes ayant provoqué l’intervention du service de révision « à peine une année après la visite du service équivalent de l’AEDT ». Ils soutiennent que la révélation du nom « du délateur/de la délatrice » permettrait d’expliquer ce dossier.

La partie étatique dit s’étonner des remarques adverses qui « friseraient le complotisme ». A en lire les développements des époux (A-B), leur réussite aurait fait des jaloux « non désignés » et ils seraient « victimes d’un complot ourdi par un mystérieux corbeau qui aurait instrumentalisé l’AEDT et l’ACD » pour arriver « à des fins aussi vengeresses que machiavéliques ». Cette présentation des faits serait tout aussi extravagante que non prouvée et la Cour ne devrait pas en tenir compte.

Analyse de la Cour La Cour relève que le rapport de révision dressé le 21 juin 2018 indique que le motif de la vérification dont les appelants ont fait l’objet repose sur une application combinée des §§ 162, alinéa (9), 193 et 206, alinéa (1), AO.

Les redressements litigieux résultent ainsi d’un contrôle de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO, et, tel que l’indique le rapport de révision, ce contrôle s’est également déroulé sur le fondement des §§ 193 et 206, alinéa (1), AO qui permettent aux bureaux d’imposition de recourir, en dehors du cadre d’une procédure d’imposition en cours au titre d’un exercice d’imposition déterminé, aux agents du service de révision en vue de réaliser des vérifications spontanées auprès de contribuables soumis à une obligation comptable sur base du § 160, alinéa (2), AO, un tel contrôle se trouvant ainsi placé dans le cadre de la surveillance fiscale particulière.

Or, en vertu des dispositions légales précitées, l’administration des Contributions directes dispose, dans le cadre de la surveillance fiscale particulière, d’un pouvoir discrétionnaire dans l’organisation de ses contrôles et dans le choix des contribuables auprès desquels elle entend procéder à un contrôle sur place.

Il est vrai que l’AO ne définit pas les éléments constitutifs du dossier fiscal d’un contribuable et ne règle partant pas la question de savoir si les considérations à la base du choix des contribuables soumis à un contrôle sur place doivent faire partie du dossier fiscal du contribuable concerné. En outre, l’AO ne consacre pas formellement en faveur du contribuable un droit d’avoir accès au contenu de son dossier et d’en obtenir une copie.

D’un autre côté, la loi du 14 septembre 2018 consacre dans son article 1er, paragraphe (1), le principe d’un droit d’accès des personnes physiques et des personnes morales aux documents détenus par les administrations et services notamment de l’Etat.

Cependant, les documents relatifs aux critères de sélection de l’échantillon de contribuables à contrôler dans le cadre de la surveillance fiscale particulière relèvent des missions de contrôle incombant à l’administration des Contributions directes, de sorte à rentrer dans le champ de l’exception légale prévue à l’article 1er, paragraphe (2), point 7, de ladite loi excluant du droit d’accès certains documents administratifs détenus par les administrations et services de l’État.

Par suite, la demande en communication des courriers internes de l’administration en vue d’identifier les raisons pour lesquelles les appelants ont fait l’objet d’un contrôle fiscal est à rejeter.

Quant au fond Moyen des parties Selon les époux (A-B), le débat tournerait autour de la question de savoir si une activité déficitaire pourrait déduire ses « frais d’obtention ». En somme, cela reviendrait à dire qu’un entrepreneur du secteur privé qui ne ferait pas de profits devrait être « puni », pour le moins par le rejet de la déductibilité de ses frais. Or, toutes les activités économiques auxquelles se livrerait l’Etat, « de la (S) en passant par la (T) à la (U) », accumuleraient des pertes depuis des décennies, ce qui serait considéré comme une caractéristique particulièrement « noble » de ces activités, par opposition au secteur privé qui « vulgairement ne serait composé que de producteurs méprisables de profits, de capitalistes », dont le produit fiscal alimenterait les activités déficitaires des opérateurs étatiques. Les appelants précisent que ce serait dépasser le cadre de cette affaire que de vouloir renverser ce prisme idéologique, faux, bien ancré dans notre société, et de faire prévaloir, de manière générale, un raisonnement économique sain, mais pour le moins faudrait-il appliquer la loi au cas particulier.

Selon les appelants, le siège de la matière serait l’article 45 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et que seule leur intention compterait et non le résultat déficitaire de leur haras. Ce serait dès lors à tort que les premiers juges se seraient uniquement basés sur les résultats négatifs de leur exploitation. Ils reprochent à la décision directoriale, confirmée par le tribunal, d’avoir retenu que leur engagement serait à qualifier d’amateur. Selon eux, leur chiffre d’affaires et les investissements consentis ne permettraient pas d’affirmer qu’il s’agirait d’une « Liebhaberei » ou d’un simple « hobby », les moyens déployés par eux étant trop importants pour retenir une telle qualification.

Les époux (A-B) citent de manière extensive un arrêt de la Cour administrative du 18 janvier 2018 (n° 40092C) qui serait, selon eux, transposable à leur cas particulier, et dans lequel la Cour avait reconnu l’existence d’un but de lucre en faveur d’une exploitation agricole déficitaire sur de nombreux exercices, de sorte à réitérer leur demande d’être imposés conformément aux déclarations fiscales qu’ils ont souscrites et de se voir reconnaître toutes les pertes qu’ils y ont déclarées.

Les appelants insistent sur le fait que l’analyse devrait se faire sur le terrain économique et que dans ce contexte, les moyens déployés et l’importance du chiffre d’affaires seraient des indices suffisants pour dire que leur exploitation poursuivrait un but de lucre. Leur haras constituerait une unité économique viable du fait des moyens mis en place, de leur compétence de gestion et des perspectives de développement du marché équestre. Les résultats déficitaires des premières années seraient dus à une situation conjoncturelle difficile avec une surabondance de ……… sur le marché, la nécessité d’injecter des fonds propres dans leurs immeubles à défaut de financement bancaire et des faits de « mauvaise fortune ». Cependant, et à la condition d’une évolution stable du marché équestre, ces obstacles seraient considérés comme maîtrisés et l’exploitation serait susceptible de réaliser un bénéfice à moyen terme.

La partie étatique demande la confirmation intégrale du jugement entrepris.

Elle rappelle que les redressements dont ont fait l’objet les époux (A-B) seraient liés à la révision de deux entités annexes : la société (J) et la société à responsabilité limitée (K) s.à r.l., ci-après « la société (K) ». Elle souligne que l’essentiel des revenus des époux (A-B) proviendrait de la société (J), dont l’activité serait le conseil et la commercialisation de produits nutritionnels animaliers, et de la société (K), dont l’intégralité des parts sociales aurait été souscrite par Madame (B), épouse de Monsieur (A). La partie étatique indique que suivant la révision de la société (J), de nombreux redressements auraient été effectués en raison de l’existence de diverses distributions cachées de bénéfices au profit de Monsieur (A), dont une provenant de la rémunération, à un taux d’intérêt préférentiel, de son compte-courant associé au sein de la société (J). Quant à la société (K), qui aurait pour objet la création, la location et la vente de costumes et accessoires, elle aurait perçu des montants uniques annuels pour des travaux de bureaux qu’elle aurait réalisés au profit de la société (J). Ces facturations auraient été jugées de complaisance par le service de révision. Entre les entités (J) et (K), l’Etat met en évidence que les époux (A-B) auraient perçu des salaires de ces deux sociétés et des dividendes de la société (J), de sorte que leur ménage disposerait pour les années du contrôle, soit de 2008 à 2015, de revenus qui leur aurait permis « de subvenir amplement à [leurs] besoins et de couvrir les pertes accumulées par l’exercice de l’activité agricole », puisque, d’après les calculs proposés par la partie étatique, ils auraient de 2001 à 2015 encaissé ….. euros de salaires bruts, sociétés (J) et (K) confondues, et près de ….. euros de dividendes bruts de la société (J).

L’Etat précise que pour les années 2008 à 2015, le réviseur aurait refusé la déduction des pertes accumulées à hauteur de ….. euros. Ce refus s’expliquerait par le fait que l’exploitation du haras (H) serait à qualifier d’amateur, de sorte que les pertes réalisées par leur exploitation durant la période du contrôle ne pourraient être admises en l’absence de but de lucre poursuivi par les époux (A-B). Selon l’Etat, dans la mesure où les articles 16 à 60 LIR concernant le bénéfice commercial s’appliqueraient à la catégorie du bénéfice agricole et forestier, il conviendrait de retenir que les quatre conditions cumulatives qui caractérisent le bénéfice ne seraient pas remplies en l’espèce, au motif que la poursuite d’un but de lucre ne pourrait pas être vérifiée. L’Etat admet que les trois autres critères seraient remplis, à savoir l’exercice de l’activité de manière indépendante et permanente et la participation via l’exploitation concernée à la vie économique générale. Quant à l’exploitation (H), l’Etat soutient qu’elle serait déficitaire depuis sa création en 2001 avec un résultat déclaré de -… euros pour cette année-là comparé à la perte déclarée de -…..euros pour l’année 2015, soit une perte cumulée totale de 2001 à 2015 de la somme de -….. euros. Aucun résultat positif n’aurait été dégagé par le haras et ces pertes auraient régulièrement été « épongées » par l’ensemble des autres revenus du couple. Il conviendrait en outre de noter que les époux (A-B) débourseraient régulièrement des sommes importantes à titre de soutien de leur exploitation sans le moindre gain pécuniaire à ce jour, de sorte que leurs interventions répétées seraient un indice de l’absence de but de lucre de leur haras et qu’il serait même incertain que ladite exploitation ait été un jour exercée dans une expectative de réaliser un profit.

La partie étatique fait valoir que les époux (A-B) ne pourraient pas prétendre poursuivre un but de lucre eu égard à la disproportion entre les dépenses qu’ils auraient engagées et les recettes générées et qu’ils resteraient en défaut d’avoir soumis un plan prévisionnel contenant une estimation de leur situation financière endéans une période raisonnable. Selon elle, les pertes agricoles des époux trouveraient leur intérêt dans le fait qu’elles viendraient amoindrir leur revenu imposable et expliqueraient la poursuite d’une activité structurellement déficitaire avec l’objectif principal de réduire indûment leur assiette imposable. Le seul avantage économique de cette exploitation serait purement fiscal vu l’absence de motifs extrafiscaux pour le maintien de cette activité déficitaire pendant plus de 15 ans. L’injection de fonds personnels conséquents de la part des époux (A-B) dans leur haras ne serait ni raisonnable ni explicable économiquement. La Cour devrait partant confirmer les premiers juges en retenant que la déduction des pertes litigieuses ne peut pas être admise vu que les contribuables n’auraient pas démontré l’exercice de leur activité d’élevage et de dressage de ……… de manière structurée et avec la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un résultat positif.

Analyse de la Cour La question centrale qui oppose les parties est celle de savoir si une exploitation agricole, qui consiste dans l’élevage et le dressage de ………, peut être considérée comme poursuivant un but de lucre, malgré un résultat déficitaire continu depuis sa création en 2001 et plus particulièrement durant les années visées par le contrôle, soit de 2008 à 2015.

Selon l’article 61 LIR, « Le bénéfice agricole et forestier est constitué par le résultat que le contribuable obtient: (…) 2. par l’élevage ou l’engraissage d’animaux, lorsque la nourriture de ces animaux provient ou pourrait provenir de la culture du sol d’une unité d’exploitation agricole dans des proportions et selon des critères à déterminer par règlement grand-ducal. (…) ».

Les dispositions des articles 16 à 60 LIR concernant le bénéfice commercial sont applicables, en vertu de l’article 64 LIR, au bénéfice agricole et forestier.

Pourtant, l’article 61 LIR ne fait que ranger dans une catégorie de revenus particulière le bénéfice engendré par certaines activités qui, à défaut de cette mesure, serait considéré comme bénéfice commercial au sens de l’article 14 LIR qui définit le bénéfice commercial comme trouvant son origine dans une activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale. En effet, les trois catégories de « bénéfices » relevant de la fiscalité de l’entreprise, à savoir celles de bénéfice commercial, de bénéfice agricole et forestier ainsi que de bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale, ont en commun qu’elles remplissent toutes les trois les critères requis pour les entreprises commerciales. L’admission de la qualification d’une activité en tant que bénéfice agricole et forestier implique à la base qu’elle satisfasse aux critères posés par l’article 14, point 1, LIR pour l’admission d’une entreprise commerciale, étant donné que c’est le fait pour une activité donnée remplissant ces critères de rentrer dans le champ des activités définies par l’article 61 LIR qui a pour effet de la soustraire à la qualification d’entreprise commerciale et de lui imprimer la qualification de bénéfice agricole et forestier.

En disposant que « sont considérés comme bénéfice commercial : 1. le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale. Est réputée entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale. (…) », l’article 14 LIR requiert notamment que l’activité en question soit exercée dans un but de lucre.

Les parties s’accordent sur le fait que les autres critères qui caractérisent le bénéfice agricole et forestier sont en l’espèce remplis, à savoir que le haras (H) est exploité par les époux (A-B) de manière indépendante et permanente et que l’exploitation constitue une participation générale à la vie économique.

Quant au seul critère litigieux, il échet de relever que la poursuite d’un but de lucre implique qu’une activité soit exercée en vue de la recherche d’un profit, encore que le but de lucre puisse être l’objectif accessoire et non pas principal de l’activité et que même la recherche d’un intérêt seulement modique procuré par les moyens investis suffit pour admettre un but de lucre (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, commentaire des articles, doc. parl. 5714, art. 17, p. 18).

Ce critère du but de lucre sert ainsi à différencier l’activité commerciale de l’activité d’amateur (« Liebhaberei ») et de l’activité purement bénévole, de manière que les activités qui ne sont pas tournées vers la réalisation d’un profit ne sont pas constitutives d’une entreprise commerciale ou d’une profession libérale pour ne pas être motivées par des intentions financières, mais par des intérêts purement privés, que les dépenses faites dans le cadre d’une telle activité ne sont pas déductibles en tant que dépenses d’exploitation et qu’un résultat négatif n’est pas considéré comme perte au sens de l’article 7 LIR.

Ce critère du but de lucre implique notamment que l’activité en question soit structurée et exercée de manière à donner la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un revenu positif, ce qui implique, comme les premiers juges l’ont retenu à juste titre, que le contribuable adopte un comportement économiquement raisonnable, c'est-à-dire que ses expectatives doivent être réalisables et surtout qu’il doit déployer les efforts nécessaires et proportionnés propres à aboutir à un rendement économique (Cour adm. 14 juillet 2015, n° 35070C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 249).

S’il est vrai que, ne fût-ce que pour des raisons de prescription applicable au cas d’espèce, un cadre temporel se situant endéans une période de dix ans peut apparaître a priori comme étant adéquat, le juge fiscal, appelé à statuer dans le cadre d’un recours en réformation, est néanmoins habilité, surtout pour des activités nécessitant une longue période de démarrage, telle celle sous analyse, d’ouvrir, si la situation se présente devant lui, encore plus largement le cadre temporel en question.

La poursuite d’un but de lucre ne saurait dès lors être utilement analysée en s’en tenant aux seules années visées par le contrôle fiscal dont les époux ont fait l’objet pour les années 2008 à 2015.

Tant l’administration que le tribunal sont dès lors à confirmer en ce qu’ils ont ouvert le cadre temporel devant donner lieu à l’analyse à mener pour apprécier le critère en question en retenant une analyse d’environ 15 ans - débutant en 2001, année de lancement du haras, jusqu’à l’année 2015.

La Cour note que les parties sont même allées bien au-delà de ce cadre temporel puisqu’elles ont décrit la situation financière du haras y compris jusqu’en 2022, année durant laquelle elles ont déposé leurs mémoires devant la Cour dans le cadre de cet appel.

En retenant ce spectre bien plus élargi, la Cour constate que l’activité des époux (A-B) a été systématiquement déficitaire durant les plus de vingt années d’exploitation de leur haras, soit de 2001 à 2022.

S’il est vrai qu’ils expliquent ces déficits par la surabondance de ……… sur le marché, par les investissements financiers importants liés à l’impossibilité de contracter un prêt bancaire ou encore par le fait de « mauvaise fortune », bien qu’aucune preuve concrète n’ait été soumise en ce sens devant la Cour, il n’en reste pas moins que ces explications ne sont pas de nature à démontrer que l’exploitation a poursuivi un but de lucre pour les années contrôlées.

En effet, tel que relevé à bon droit par les premiers juges, le haras a pu fonctionner durant toutes ces années du fait d’investissements personnels conséquents de la part des époux (A-B) et sans ces financements, la survie du haras aurait été plus qu’incertaine sur une durée d’exploitation portant sur deux décennies, de sorte qu’une réalisation de profits à moyen terme n’a pas été vérifiée dans le cas d’espèce.

L’injection régulière des revenus personnels des appelants, composés, entre autres, de leurs salaires et dividendes du fait de leurs rôles respectifs au sein des sociétés (J) et (K), permet de douter davantage de la poursuite d’un but de lucre par le haras à moyen terme, d’une part, du fait de la longévité de cette situation déficitaire et, d’autre part, eu égard au fait qu’aucune stratégie intermédiaire ne semble avoir été envisagée par les exploitants du haras afin de remédier activement aux déficits en question.

Si la Cour ne nie pas qu’une telle exploitation puisse nécessiter plusieurs années d’investissements avant de devenir rentable, elle s’interroge néanmoins sur les raisons précises qui ont poussé les époux (A-B) à maintenir un tel schéma déficitaire pendant une période aussi longue.

En effet, en plus de quinze ans, les appelants n’ont engendré le moindre gain, creusant selon les années concernées davantage les déficits du haras et cela malgré l’absence de recettes au moins équivalentes, voire la perspective concrète de nouvelles recettes dans un futur proche.

En outre, tel que mis en évidence par les premiers juges, les époux (A-B) sont restés en défaut de soumettre un plan prévisionnel permettant d’anticiper les éventuelles retombées financières du haras, à court comme à moyen terme, de sorte à susciter là-aussi des interrogations quant à la viabilité de leur haras dans les années à venir.

Cette rentabilité incertaine s’est confirmée devant la Cour où les appelants ont versé une pièce postérieure à leur requête d’appel, attestant, selon eux, de la vente avortée d’un de leurs ………, dont ils espéraient tirer la somme de ….. euros, mais qui n’a pas pu être conclue pour des raisons vétérinaires, bien qu’ils soulignent espérer que « tôt ou tard ils feront une première affaire de cet ordre de grandeur ».

La Cour observe qu’à travers ces vingt années de déficits systématiques, les époux (A-B) n’ont aucunement fait état d’un comportement témoignant de leur intention de tirer des bénéfices de l’exploitation de leur haras, mais que leur comportement économique pour les années du contrôle est plutôt de nature à renseigner l’existence d’une activité d’amateur pour laquelle les appelants n’ont pas recherché à réaliser un excédent de recettes par rapport aux dépenses qu’ils ont consenties.

Enfin, la Cour relève que la situation des appelants se distingue significativement de celle exposée dans l’arrêt de la Cour administrative du 18 janvier 2018 (n° 40092C) dans la mesure où les contribuables concernés dans cette affaire exerçaient une activité agricole de manière accessoire, sur une période plus courte, et qu’ils avaient réorganisé leur activité agricole pour délaisser les activités peu rentables, voire déficitaires pour se focaliser sur des activités avec un objectif avéré de rentabilité.

Quant à la demande d’expertise Afin de voir trancher la question de l’existence d’un but de lucre poursuivi par leur haras, les époux (A-B) font valoir qu’une expertise de viabilité, telle que pratiquée dans le contexte de l’article 832-1 du Code civil en matière de partage agricole, serait appropriée en ce qu’elle permettrait de se prononcer « en termes de pronostic » et qu’il y aurait lieu de nommer un expert, voire trois experts comme il serait habituel de procéder en matière de partage agricole. Ils reprochent aux premiers juges de ne pas avoir pris en considération leur offre de preuve.

La partie étatique fait valoir que la demande d’expertise ne serait pas pertinente et serait à rejeter, au motif que les époux n’auraient pas démontré la prétendue rentabilité de leur exploitation par la simple remise de documents probants.

Tel que retenu ci-avant par la Cour, la poursuite d’un but de lucre n’a pas pu être dégagée à partir des pertes systématiques réalisées par l’exploitation des époux (A-B) pour les années visées par le contrôle, y compris malgré la prise en compte d’une perspective temporelle élargie allant des années 2001 à 2022, de sorte qu’une demande d’expertise ne saurait être admise, la Cour ayant disposé amplement des informations nécessaires à son analyse pour dire que l’activité du (H) est dépourvue de tout but lucratif pour les années vérifiées.

Conclusions Dans ces conditions et sur base des éléments soumis à l’appréciation de la Cour, l’activité litigieuse des époux (A-B) doit être considérée comme dépourvue de but de lucre, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges, confirmant la décision directoriale, ont retenu que ladite activité relevait en réalité d’une activité d’amateur ne pouvant donner lieu, pour les besoins de l’impôt sur le revenu, à la déduction des pertes issues de l’exploitation d’un haras en leur nom personnel et pour l’ensemble des années visées par le contrôle.

Il découle de l’ensemble de ces développements que l’appel sous examen laisse d’être justifié, de manière que le jugement entrepris est à confirmer.

Quant à l’indemnité de procédure Les époux (A-B) demandent la condamnation de l’Etat à tous les frais et dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de ….. euros.

L’Etat sollicite le rejet de cette demande qui ne serait aucunement justifiée.

Compte tenu de la confirmation du jugement entrepris, il n’apparaît pas comme étant inéquitable de laisser à charge des époux (A-B) les frais irrépétibles non inclus dans les dépens, de sorte que leur demande en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel est à rejeter.

Les frais doivent rester à charge des appelants qui ont succombé dans leurs prétentions.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 27 juillet 2022 en la forme, au fond, rejette la demande en institution d’une expertise, déclare l’appel non justifié et en déboute les époux (A-B), partant, confirme le jugement entrepris du 22 juin 2022, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de …. euros pour l’instance d’appel formulée par les époux (A-B), condamne les époux (A-B) aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 14 novembre 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier assumé de la Cour …..

s. …..

s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 novembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 25


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47753C
Date de la décision : 14/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-11-14;47753c ?

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