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07/11/2023 | LUXEMBOURG | N°49152C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 novembre 2023, 49152C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49152C ECLI:LU:CADM:2023:49152 Inscrit le 10 juillet 2023

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Audience publique du 7 novembre 2023 Appel formé par Monsieur (B), …., contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2023 (n° 46897 du rôle) en matière de police des étrangers

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49152C du rôle, déposé au greffe de la Cour administra

tive le 10 juillet 2023 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49152C ECLI:LU:CADM:2023:49152 Inscrit le 10 juillet 2023

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Audience publique du 7 novembre 2023 Appel formé par Monsieur (B), …., contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2023 (n° 46897 du rôle) en matière de police des étrangers

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49152C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juillet 2023 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (B), déclarant être né le ….

à …. (Libye) et ayant au moment du dépôt de la requête d’appel été détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 25 mai 2023 (n° 46897 du rôle), par lequel il a été débouté de son recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er juillet 2021 refusant de faire droit à sa demande tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, ainsi que de la décision confirmative prise sur recours gracieux en date du 13 octobre 2021;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 août 2023;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 26 octobre 2023.

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Le 16 juin 2021, Monsieur (B) introduisit, par le biais de son mandataire, une demande d’autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité sur la base 1de l’article 78, paragraphe (3), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ».

Le 1er juillet 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », refusa de lui accorder l’autorisation de séjour sollicitée. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre courrier daté au 16 juin 2021 et réceptionné en date du 18 juin 2021 par lequel vous sollicitez un titre de séjour pour « motifs d'une extrême gravité » dans le chef de votre mandant en vous basant sur l'article 78, paragraphe 3 […] de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. Vous invoquez la situation régnant en Lybie ainsi que l'état de santé de votre mandant qui empêcheraient son retour en Lybie.

Il y a lieu de soulever que le paragraphe (3) de l'article 78 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration énonce que « (…) à condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l'ordre public, la santé ou la sécurité publiques, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité au ressortissant de pays tiers ». Or, il ressort du dossier de votre mandant, qui est connu sous 28 identités différentes a été condamné le 2 juillet 2015 par le Tribunal correctionnel à Luxembourg à une peine d'emprisonnement de 5 ans dont 2 ans avec sursis (sursis déchu) du chef de vol à l'aide de violences, rébellion, outrage à agent. A cela s'ajoute une condamnation de la Cour de Cassation à Luxembourg du 25 octobre 2018 de 9 mois d'emprisonnement pour menaces d'attentat.

Par conséquent, la présence de votre mandant constitue une menace pour l'ordre public au sens du paragraphe (3) de l'article 78 cité et une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité lui est refusée conformément à l'article 101, paragraphe (1), point 1. de la du 29 août 2008 précitée. (…) ».

Le 30 septembre 2021, Monsieur (B) forma un recours gracieux contre cette décision qui fut rejeté par une décision du ministre du 13 octobre 2021, à défaut d’éléments pertinents nouveaux.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2022, Monsieur (B) introduisit un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées des 1er juillet et 13 octobre 2021.

Par un jugement du 25 mai 2023, le tribunal administratif déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par une requête déposée au greffe de la Cour administrative le 10 juillet 2023, Monsieur (B) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, il renvoie, pour ce qui est des faits, à sa requête introductive de première instance. Il dit être de nationalité libyenne et être arrivé en Europe il y a 22 ans, sans que sa situation n’eût jamais été régularisée.

2L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir omis de prendre en compte sa maladie, alors qu’il souffrirait d’une grave maladie, à savoir un lymphome non hodgkinien T, traité par chimiothérapie, et qu’il aurait subi une rechute de sa maladie.

Il critique les premiers juges pour s’être concentrés sur son passé judiciaire et sa dangerosité pour l’ordre public. Dans ce contexte, il conteste les rapports de police en relation avec une émeute au Centre pénitentiaire de Luxembourg et qu’il en aurait été un des instigateurs, tout en précisant que cette affaire n’aurait été ni jugée ni instruite. Il conteste également les allégations contenues dans ces rapports concernant son mécontentement contre l’Etat luxembourgeois et une formation passée en Syrie. S’il ne conteste pas les deux condamnations dont il a fait l’objet, il exergue son profil de personne gravement malade, qui nécessite des soins dont il ne pourrait pas bénéficier en Libye. Ce serait la raison pour laquelle il solliciterait une autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une extrême gravité.

L’appelant soutient ensuite que bien que le ministre dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, celui-ci devrait respecter le principe de proportionnalité et ne pas verser dans l’arbitraire. En ne prenant pas en compte son état de santé et en se contentant de son passé carcéral, le jugement serait arbitraire et devrait être réformé.

Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris.

Aux termes de l’article 78, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, dans sa version en vigueur à la date des décisions contestées:

« A condition que leur présence ne constitue pas une menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au ressortissant de pays tiers. (…) ».

Ainsi que les premiers juges l’ont retenu à juste titre, cette disposition permet au ministre, sauf si l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, d’accorder un droit de séjour au ressortissant de pays tiers qui justifie de l’existence de raisons humanitaires d’une exceptionnelle gravité dans son chef.

Il appartient dès lors à l’autorité ministérielle de vérifier, dans un premier temps, si le ressortissant étranger ne constitue pas une menace pour l’ordre public, avant d’examiner s’il fait état de raisons humanitaires d’une exceptionnelle gravité.

Aucun reproche ne saurait dès lors être fait aux premiers juges de ne pas avoir examiné s’il existait dans le chef de Monsieur (B) des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, dès lors qu’ils avaient conclu qu’il ne satisfaisait pas à la première condition posée par ledit article 78, paragraphe (3), à savoir celle exigeant de ne pas présenter une menace pour l’ordre public.

Pour conclure à la réalité de la menace pour l’ordre public, les premiers juges ne se sont pas uniquement fondés sur les condamnations pénales de l’appelant, mais également sur son comportement pendant sa détention.

Il ressort ainsi des éléments du dossier, et notamment d’un acte d’écrou du 26 novembre 2020, que Monsieur (B) a été condamné le 2 juillet 2015 par le tribunal 3d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de 5 ans, dont 2 ans avec sursis, pour des faits de vol avec violences, menaces d’attentat et outrage à agent. Le 29 juin 2017, il a été condamné par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre criminelle, à une peine d’emprisonnement de 24 mois pour des faits de vol qualifié et menaces d’attentat. Il ressort du susdit acte d’écrou du 26 novembre 2020 que Monsieur (B) a encore été condamné, par un arrêt de la Cour de Cassation du 25 octobre 2018, à une peine d’emprisonnement de 9 mois pour des faits de menaces d’attentat.

S’y ajoute qu’il ressort du rapport du 18 décembre 2016 établi par le service de la police judiciaire, unité cellule antiterrorisme, que l’appelant était un des deux auteurs responsables de l’émeute au Centre pénitentiaire qui a nécessité l’intervention de l’unité spéciale de la police et qu’il a déclaré avoir eu une formation de combat en tant que djihadiste en Syrie, qu’il serait prêt à assassiner des policiers et que le Luxembourg serait la cible d’attentats terroristes dans le futur.

La Cour rejoint ainsi les premiers juges en leur conclusion qu’au vu des condamnations pénales dont l’appelant a fait l’objet, pour des faits dont la gravité ne saurait être niée, et au vu de son comportement pendant sa détention et ses déclarations quant à ses idéologies et son mécontentement envers l’Etat luxembourgeois, l’appelant constitue une menace pour l’ordre public.

L’appelant ne satisfaisant pas à la première condition posée par l’article 78, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, l’examen de la question de savoir s’il existe dans son chef des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité devient surabondant.

Au vu des éléments de la cause, la Cour arrive à la conclusion que l’autorité ministérielle, en refusant à Monsieur (B) un titre de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, n’a pas dépassé sa marge d’appréciation et n’a pas méconnu le principe de proportionnalité.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 25 mai 2023, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

4Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 novembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49152C
Date de la décision : 07/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-11-07;49152c ?

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