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26/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49273C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 26 octobre 2023, 49273C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49273C ECLI:LU:CADM:2023:49273 Inscrit le 8 août 2023

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Audience publique du 26 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), alias (A1), …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 juillet 2023 (n° 48217 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requêt

e d'appel, inscrite sous le numéro 49273C du rôle, déposée au greffe de la Cour a...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49273C ECLI:LU:CADM:2023:49273 Inscrit le 8 août 2023

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Audience publique du 26 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), alias (A1), …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 juillet 2023 (n° 48217 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 49273C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 8 août 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à (c) (Afghanistan), alias (A1), né le …, de nationalité afghane, demeurant à L-

…, dirigée contre le jugement rendu le 20 juillet 2023 (n° 48217 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 novembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 28 août 2023;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 17 octobre 2023.

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Le 15 janvier 2020, Monsieur (A), alias (A1), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

1 Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée/police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 8 avril 2021, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 23 décembre 2021, un entretien complémentaire fut mené par un agent du ministère, suite à la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan.

Par décision du 4 novembre 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 9 novembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », l’informa que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 15 janvier 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 janvier 2020, le rapport d’entretien Dublin III du 15 janvier 2020, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 8 avril 2021 et le rapport d’entretien complémentaire du 23 décembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Avant tout progrès en cause, il convient de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 2 septembre 2019, sous une autre identité à savoir celle d’(A1), né le … alors qu’au Luxembourg vous déclarez vous nommer (A) et être né le …. Vous avez quitté la Grèce, en direction du Luxembourg, sans avoir attendu la réponse des autorités grecques à votre demande de protection internationale et vous expliquez que « Je n’ai pas demandé l’asile. Ils m’ont juste forcé de donner mes empreintes digitales & m’ont dit après que je pouvais partir » (p.3/5 de votre rapport d’entretien Dublin III). Avant d’arriver au Luxembourg, vous seriez passé par l’Italie et la France, sans toutefois y introduire une demande de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité afghane, d’ethnie Hazara, ne pas avoir de religion et avoir vécu à (a), un petit village de 150 maisons, situé dans le district (b) dans la province de (c). Vous indiquez que vos parents et votre fratrie auraient continué à vivre à (a) jusqu’à la prise de pouvoir par les Taliban en août 2021, ville qu’ils auraient quittée pour Kaboul après que leur maison ait été brûlée.

2Concernant vos craintes en cas de retour en Afghanistan, vous racontez que vous auriez peur d’être tué par les habitants de votre village, étant donné que vous auriez vendu de l’alcool.

Vous expliquez que deux mois avant votre départ de votre pays d’origine, vous auriez ouvert une épicerie et que vous y auriez vendu de l’alcool en cachette. Toutefois, les barbes blanches et l’imam de la mosquée vous auraient soupçonné de vendre de l’alcool et vous auraient, à plusieurs reprises, averti que vous seriez lapidé s’ils trouvaient de l’alcool dans votre magasin.

Un jour, six personnes du village seraient venues fouiller votre magasin et auraient trouvé votre stock d’alcool. Elles l’auraient confisqué et auraient brûlé tout le reste de vos marchandises en disant qu’elles seraient « haram ». Vous précisez que ces personnes vous auraient également frappé, vous auraient donné des coups de couteau et vous auraient fait monter sur une moto, afin de vous emmener chez les barbes blanches.

Vous mentionnez que, lorsque vous seriez passé devant votre maison avec la moto, vous auriez décidé de faire tomber le conducteur de la moto en lui cachant les yeux. Vous auriez alors sauté de la moto, et vous vous seriez réfugié dans votre maison. Les autres cinq personnes se seraient directement arrêtées et auraient voulu casser la porte d’entrée de votre maison.

Afin de vous protéger et de repousser les personnes, vous les auriez menacées avec une kalachnikov que vous auriez gardée à la maison. D’autres personnes auraient été attirées par l’agitation et vous affirmez qu’il y aurait finalement eu un rassemblement de 50 à 70 personnes devant votre maison. Les personnes seraient restées devant votre maison jusqu’à la tombée de la nuit et lorsqu’elles seraient parties, vous vous seriez enfui vers la montagne, dans le quartier de (d), où vous seriez resté durant trois nuits auprès d’une connaissance.

Vous continuez vos dires en indiquant qu’après ces trois jours, vous seriez retourné à la maison. Vos parents vous auraient alors informé que le lendemain de votre fuite, votre père et votre frère auraient dû accompagner les agents de police au poste de police où ils auraient été interrogés à votre sujet. Vous précisez que votre frère aurait été détenu durant plusieurs jours dans le but de l’empêcher de vous aider à vous échapper.

Vous ajoutez encore que les barbes blanches auraient ordonné aux habitants de vous tuer. Ainsi, vous auriez décidé de quitter définitivement l’Afghanistan.

Vous précisez encore que vous n’auriez pas pu demander une protection aux autorités afghanes, étant donné qu’elles seraient également à votre recherche du fait que vous auriez vendu de l’alcool ce qui serait interdit par la loi, et puisque vous auriez menacé les habitants avec une arme, qui en plus n’aurait pas été enregistrée.

En outre, Monsieur, vous ajoutez également que chaque année des nomades viendraient dans votre village et menaceraient les habitants alors que ces derniers ne les laisseraient pas entrer dans le village avec leurs animaux. Vous faites référence à un incident survenu il y a sept ans, lors duquel les nomades auraient brûlé des maisons et tué trois personnes du quartier.

Enfin, il convient de souligner que lors de votre entretien complémentaire, vous indiquez ne jamais avoir eu de problèmes avec les Taliban et que la prise de pouvoir par les Taliban ne changerait rien à votre situation. Toutefois, plus tard lors de ce même entretien, vous précisez que vous ne pourriez plus retourner vivre en Afghanistan du fait que vous ne pratiqueriez pas 3la religion, que vous auriez vendu de l’alcool et que les Taliban seraient partout maintenant, sans toutefois donner plus de précisions à ce sujet.

Vous ne présentez aucun document à l’appui de votre demande de protection internationale et vous affirmez que vous n’auriez jamais eu de passeport et que vous auriez perdu votre carte d’identité sur la route.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant à la crédibilité de votre récit Soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doivent être réfutées au vu de vos déclarations manifestement invraisemblables, incohérentes et contradictoires, de votre comportement adopté en Europe et du fait que vous n’êtes pas en mesure de prouver vos allégations par la moindre pièce.

En effet, il s’agit dans un premier temps de constater que vous n’avez versé aucune pièce à l’appui de vos dires et que vous ne semblez à aucun moment lors de votre séjour en Europe avoir eu le réflexe ou l’envie de vous procurer une quelconque preuve qui permettrait d’appuyer vos dires, respectivement de vous faire envoyer ces documents. Or, notons qu’on peut attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas de sorte que l’ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.

En effet depuis votre arrivée en Europe en 2019, respectivement au Luxembourg en 2020, vous êtes resté totalement inacti[f] (…) dans ce domaine, en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires, par des pièces, ne serait-ce par un acte de propriété de votre épicerie, le mandat d’arrêt de la police, qui aurait été à votre recherche, ou même encore l’ordonnance des barbes blanches de vous tuer, qui seraient en mesure d’établir vos allégations notamment concernant le fait que vous auriez détenu une épicerie, que vous auriez vendu de l’alcool ou que les habitants du village auraient déposé une plainte contre vous, Or, notons qu’on est en droit d’attendre d’un demandeur de protection internationale réellement en danger qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas bien au contraire.

Avant tout autre développement on constate que [vous] mentez de manière ostentatoire depuis votre arrivée en Europe sur des éléments essentiels à savoir votre identité. En effet, il ressort de votre dossier qu’avant d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, vous étiez demandeur de protection internationale en Grèce, sous une autre identité à savoir celle d’(A1), né le … au lieu de celle d’(A), né le …. En ce qui concerne d’éventuels documents d’identité, vous indiquez ne jamais avoir possédé de passeport et d’avoir perdu votre carte d’identité en mer entre la Turquie et la Grèce. Vous précisez que vous auriez eu une copie de votre carte d’identité sur votre téléphone portable, celle-ci aurait 4été effacée par la police grecque. Cela n’est tout à fait inacceptable [sic], étant donné qu’il n’y a aucune raison pour que les autorités grecques effacent les photos d’une pièce d’identité de votre téléphone portable, et que vous nous renseignez ensuite que vous n’avez présenté aucun document pour prouver votre identité auxdites autorités, d’autant plus que pour l’analyse d’une demande de protection internationale, il serait justement dans l’intérêt des autorités d’établir votre identité. Il convient de conclure que vos explications censées justifier l’absence de toute pièce d’identité ne sont pas crédibles et que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités auxquelles vous demandez une protection internationale.

Il y a en outre lieu de mettre en valeur le comportement que vous avez décidé d’adopter depuis votre arrivée en Europe. En effet, rappelons qu’après avoir introduit une demande de protection internationale en Grèce, vous auriez décidé de voyager à travers l’Italie et la France, sans y rechercher de protection, pour gagner le Luxembourg. Or, notons qu’on peut évidemment attendre d’une personne réellement à risque dans son pays d’origine et réellement à la recherche d’une protection internationale, qu’elle introduise sa demande dans le premier pays sûr rencontré, qu’elle ne traverse pas plusieurs pays sûrs sans y rechercher une forme de protection quelconque. Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure d’asile et n’est évidemment pas celui d’une personne réellement en danger et réellement à la recherche d’une protection, alors qu’on devrait du moins pouvoir attendre d’une telle personne qu’elle joue franc jeu et qu’elle n’essaye pas d’induire en erreur les autorités, quant à son identité, desquelles elle attend se voir offrir une protection internationale. En effet, il saute aux yeux que vous ne semblez avoir aucune envie de collaborer avec les autorités desquelles vous demandez une protection internationale, ne serait-ce que pour pouvoir corroborer les éléments les plus basiques de votre demande de protection internationale, en commençant par votre identité et votre âge. Un tel comportement est inacceptable et prouve de manière non équivoque que le but poursuivi n’est pas l’obtention d’une protection internationale en raison d’une crainte fondée de persécution respectivement de subir des atteintes graves. Il est en effet incompréhensible pourquoi vous vous comportez de la sorte depuis votre arrivée en Europe. Le seul fait qui est réellement établi est que votre comportement n’est pas celui d’une personne en danger qui serait contente et soulagée de pouvoir poser ses bagages dans un pays d’accueil sûr dans lequel elle pourrait reprendre le cours de sa vie, apprendre un métier et retrouver une certaine sérénité et une perspective d’avenir.

En ce qui concerne votre récit il convient de souligner qu’il est truffé d’invraisemblances et d’éléments rocambolesques qui le rendent parfaitement non crédible.

En effet, vous expliquez que vous auriez été menacé par les habitants de votre village qui auraient trouvé des boissons alcoolisées dans votre épicerie, qui vous auraient frappé sur la tête, qui vous auraient donné des coups de couteaux, et qui vous auraient emmené avec leurs motos afin de vous livrer aux barbes blanches. Vous relatez que vous seriez passés devant votre maison avec les motos, et que vous auriez alors tenté votre chance pour leur échapper en aveuglant le conducteur de la moto ce qui aurait entraîné votre chute. Vous auriez réussi à sauter de la moto, à courir vers votre maison et à vous enfermer dans celle-ci sans qu’aucune des personnes sur les motos derrière aurait pu réagir ou vous arrêter.

Il y a lieu de conclure que votre récit concernant votre prétendue fuite est manifestement inventé de toutes pièces.

5En effet, votre récit concernant cette prétendue fuite totalement rocambolesque est tout bonnement dénué de sens. Entre le hasard d’être amené sur une moto qui passe devant votre maison, le fait d’aveugler le chauffeur, le fait de tomber d’une moto qui roule à vive allure et de ne pas vous blesser en faisant tomber une moto lancée à toute vitesse, de réussir à vous lever, à retrouver vos esprits, de ne pas vous faire attraper par le chauffeur ou les nombreuses personnes du convoi qui vous suivaient à moto, de réussir à rejoindre votre maison, de vous y barricader, le tout avec des blessures de coups de couteaux au niveau de la poitrine, le fait que ces personnes après avoir patienté sans réussir à rentrer seraient tout simplement reparties, le fait que vous ayez pu quitter votre logement puis y revenir plusieurs jours plus tard, et le fait que vous n’auriez jamais fait soigner les blessures des coups de couteaux, il convient de constater que cela ressemble plutôt à un scénario mal ficelé qu’à un réel vécu.

A cela s’ajoute que vous mettez en avant que les habitants auraient essayé de casser votre porte d’entrée, mais que vous auriez sorti votre kalachnikov et que vous auriez menacé de tirer si les habitants se rapprochaient de la maison. Vous précisez qu’il y aurait eu 50 à 70 personnes devant votre maison qui auraient voulu vous tuer. Toutefois, étant donné que vous indiquez que tous les habitants auraient des armes, et qu’ils auraient voulu vous tuer il est tout bonnement incroyable, que 70 personnes potentiellement armées se seraient laissées arrêter par une seule personne. Il est encore plus invraisemblable qu’à la tombée de la nuit, les personnes vous auraient laissé sans surveillance, que vous auriez pu vous enfuir, qu’après trois jours vous auriez pu retourner à la maison, et puis repartir sans être inquiété, alors que tous les habitants du village ainsi que la police, les barbes blanches et l’imam auraient été à votre recherche.

Il convient encore de soulever que vous indiquez ne pas connaître le nom de la bière que vous auriez prétendument vendue, en justifiant cela par le fait que vous seriez analphabète et que vous n’auriez pas pu lire ce qui était écrit sur les cannettes. Force est toutefois de souligner que vous déclarez avoir été scolarisé durant 3 ans, et qu’on peut attendre d’une personne, même analphabète, qu’elle connaisse le nom des marchandises qu’elle aurait vendues dans son magasin, surtout si cette marchandise était la raison pour laquelle elle aurait dû abandonner toute sa vie dans son pays d’origine. Partant, la sincérité de vos propos que vous auriez vendu de l’alcool dans votre épicerie doit être formellement réfutée.

De surcroît il convient de souligner que votre famille vivait encore selon vos dires de manière paisible dans votre village d’origine jusqu’à la prise de pouvoir des Taliban, ce qui vient confirmer le constat que vous avez inventé ce récit dans le seul et unique but d’étoffer votre réel vécu qui se limite aux problèmes rencontrés avec les nomades.

En ce qui concerne le fait que vous racontez ne pas avoir de religion, il convient de noter que vos descriptions vagues concernant votre prétendu athéisme se définissent par leur superficialité et leur manque total de détail. En effet, lors de votre premier entretien personnel, vous n’avez même pas jugé utile de donner des explications à ce sujet, et lorsqu’on vous a demandé s’il existait une autre raison pour laquelle vous auriez quitté l’Afghanistan (autre que la raison principale d’avoir vendu de l’alcool), vous avez répondu qu’il n’y avait pas d’autre raison. Dans votre entretien complémentaire, vous vous bornez simplement de mentionner que vous ne pourriez pas vivre en Afghanistan du fait que vous n’auriez pas de religion, sans exprimer la moindre crainte y relative. Lorsque vous avez été questionné sur le problème de ne pas avoir de religion, vous avez invité l’auditeur à poser cette question aux Taliban. Ces réponses ne font que conforter l’idée que votre sincérité doit être réfutée et que votre seul et unique but est d’obtenir une protection internationale au Luxembourg en intégrant à votre 6récit un maximum d’éléments censés maximiser vos probabilités de vous faire octroyer une telle protection.

La conclusion que votre sincérité quant à vos motifs de départ d’Afghanistan doit être réfutée est confortée par le fait que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce sans attendre la réponse des autorités et que vous êtes ensuite passé par l’Italie et par la France sans y introduire de demande. Votre comportement démontre clairement votre volonté de vous établir en Europe uniquement dans un pays qui propose parmi les meilleures conditions d’accueil et prestations en Europe et non pas un réel besoin de protection. Une personne dont la vie serait réellement en danger s’estimerait contente d’être après un long périple arrivé dans un endroit sûr et ne s’amuserait pas à, à nouveau, traverser un continent entier pour rejoindre le Luxembourg.

Il convient dès lors de conclure que vos motifs ayant trait à la prétendue vente d’alcool et à votre athéisme sont manifestement inventés de sorte qu’ils sont écartés pour ne pas être crédibles. Ainsi, aucune protection internationale ne vous est accordée concernant ce volet.

Seul le volet ayant trait aux problèmes avec les nomades sera ainsi analysé.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous mentionnez que des nomades viendraient chaque année dans votre quartier et menaceraient les habitants, alors que ces derniers ne les laisseraient pas entrer dans le village avec leurs animaux. Vous faites référence à un incident survenu il y a environ neuf ans, lors duquel les nomades auraient brûlé des maisons et auraient tué trois personnes du quartier. Il convient toutefois de noter que les faits dont vous faites état, remontent à plus de huit ans et sont ainsi beaucoup trop éloignés dans le temps pour justifier aujourd’hui l’octroi d’une protection internationale.

De plus, Monsieur, ces propos sont très généraux, peu étayés et vagues et vous n’évoquez aucune crainte respectivement aucun problème individuels et personnels relatifs à ce sujet.

7Ceci est conforté par le fait qu’il ne ressort aucunement de vos dires, que vous auriez reçu une quelconque menace par ces nomades.

On ne saurait dès lors conclure à l’existence dans votre chef d’une crainte fondée de persécution alors que vos craintes sont manifestement purement hypothétiques.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, et notamment le fait que les nomades viendraient chaque année dans votre quartier et menaceraient les habitants.

Ce motif ayant été analysé dans la première partie de la présente décision et rejeté comme étant une crainte hypothétique, il convient de réitérer que cet élément ne permet pas de conclure à l’existence dans votre chef d’un risque de devenir victime d’atteintes graves alors que vous ne faites état d’aucune menace concrète.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 4 novembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et ordre de quitter le territoire.

8 Par jugement du 20 juillet 2023, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, le dit cependant non justifié dans ses deux branches et en débouta le demandeur, le tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 8 août 2023, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 20 juillet 2023.

Liminairement, il y a lieu de rejeter, pour défaut d’objet, la demande de communication de l’ensemble du dossier administratif formulée au dispositif de la requête d’appel, étant donné qu’en première instance, le délégué du gouvernement a versé au greffe du tribunal administratif une copie du dossier administratif et l’actuel appelant ne fait pas état d’éléments concrets qui y manqueraient ou qui lui permettraient d’affirmer qu’il n’aurait pas eu communication de l’intégralité du dossier administratif à la base du présent litige.

Ceci dit, l’appelant réitère être de nationalité afghane, d’ethnie hazara et ne s’identifier à aucune religion, de même qu’il réitère en substance son exposé antérieur des faits qui l’auraient amené à quitter son pays d’origine et il soutient remplir les conditions exigées par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître une mesure de protection internationale.

Concernant l’évaluation ministérielle de sa crédibilité, considération sur laquelle les premiers juges ne sont pas revenus, l’appelant estime que le ministre aurait fait une mauvaise application de l’article 10, paragraphe (3), point b), de la loi du 18 décembre 2015 en requérant de sa part la fourniture de pièces documentaires que les circonstances individuelles et contextuelles ne lui permettraient pas de fournir. En effet, il aurait fait tout ce qui lui serait possible, mais au regard du contexte général en Afghanistan caractérisé par des défaillances administratives systémiques, il n’en aurait pas pu réunir.

Sur ce, il serait en droit d’obtenir le statut de réfugié au regard de son appartenance à l'ethnie des Hazaras, considérés comme des ennemis des Talibans.

Se référant et réitérant différentes sources, il estime avoir établi une situation de conflit armé au sein de sa région d'origine, (c), et des persécutions systématiques à l'égard des opposants même supposés des Talibans, respectivement des jeunes hommes considérés comme « mécréants » et des Hazaras, particulièrement vulnérables, et il reproche aux premiers juges d’avoir à tort considéré que ses craintes ne seraient que simplement hypothétiques.

Il aurait au contraire concrètement mis en avant des faits de persécution et des craintes de persécutions en raison de son appartenance ethnique, de son apostasie « affirmée par son choix de vendre de l'alcool », et en raison de son occidentalisation, respectivement son appartenance à un certain groupe social, celui des rapatriés d'Occident.

Il y aurait partant lieu de réformer le jugement du 20 juillet 2023, ainsi que le refus ministériel et de lui accorder le statut de réfugié.

Subsidiairement, l’appelant déclare, pour les mêmes motifs, justifier l’octroi dans son chef d’une protection subsidiaire, la situation dans sa région d'origine ne cessant de s'empirer pour toute la population et plus précisément à l'encontre des Hazaras et des personnes considérées comme étant « mécréantes ».

9 Il risquerait de subir des traitements inhumains et dégradants du fait des talibans au sens de l'article 48, point a), de la loi du 18 décembre 2015 et cela, « en raison de sa trahison et de son mode de vie occidentalisé », les autorités talibanes ne pouvant pas le protéger.

Il encourrait encore la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants par les Talibans, au sens de l'article 48, points b) ou c) de ladite loi de 2015.

De son côté, l’Etat conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être 10persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, la Cour constate que mettant dorénavant spécialement en balance son appartenance à la communauté hazara et la mauvaise situation dans laquelle cette communauté se trouverait actuellement en Afghanistan, l’appelant fait état d’une crainte d’être victime de persécutions, voire d’atteintes graves de la part des Talibans en raison de son commerce illégal d’alcool, de son apostasie et de son appartenance ethnique hazara, voire encore en raison de son « occidentalisation ».

La Cour est amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits et considérations ainsi invoqués par l’appelant ne justifient pas à suffisance l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire.

A cet égard, au-delà même de toutes considérations ayant trait à la crédibilité du récit de l’intéressé, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse exhaustive faite par les premiers juges des motifs invoqués à la base de la demande de protection internationale par rapport aux conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire, et de la conclusion en tirée selon laquelle l’appelant ne fait pas état d’éléments suffisants permettant de justifier une crainte de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’il court en Afghanistan un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la même loi.

Les premiers juges ont plus particulièrement à juste titre retenu que la crainte de subir des représailles spécialement de la part des Talibans, depuis leur prise de pouvoir, pour avoir vendu de manière clandestine de l’alcool, ne saurait justifier dans son chef l’octroi du statut de réfugié. L’appelant, qui entend lier son commerce illégal à son apostasie et partant son opposition aux talibans et leurs convictions religieuses, s’est à bon droit vu opposer par les premiers juges qu’il se dégage de ses déclarations et de son argumentaire tel que développé devant eux, que la raison pour laquelle des habitants de son village ont détruit son magasin et essayé de l’emmener chez les « barbes blanches et l’imam » était liée à son activité clandestine 11de vente d’alcool, donc une activité commerciale choisie par lui à des fins économiques et dont il était conscient qu’elle n’était pas bien vue par bon nombre de ses concitoyens. Or, le fait d’avoir vendu clandestinement de l’alcool, alors que cette activité commerciale n’était tolérée ni par les barbes blanches, ni par l’imam, ni encore par les talibans, ne saurait constituer l’exercice dans son chef d’un droit fondamental tombant dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ni a fortiori justifier sous ce rapport l’octroi du statut de réfugié. Il n’est guère non plus plausible qu’il soit toujours activement recherché sur l’ensemble du territoire par les autorités dorénavant au pouvoir de ce fait.

En ce qui concerne ensuite la crainte de l’appelant de subir des persécutions de la part des talibans en raison de l’apostasie, ainsi affichée, il ne se dégage point des éléments soumis à l’appréciation du tribunal d’abord et à la Cour par la suite que l’intéressé ait publiquement renoncé à sa religion et que les Talibans pourraient en avoir connaissance. Sa crainte de subir de ce fait des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine reste dès lors essentiellement hypothétique et insuffisante pour justifier l’octroi du statut de réfugié.

Quant aux craintes de subir des persécutions de la part des Talibans en tant qu’Hazara, partant d’un motif relevant certes de la Convention de Genève pour être en lien avec l’appartenance ethnique de l’appelant, les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur la jurisprudence de la Cour par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan1, ayant retenu que s’il se dégage certes des sources à sa disposition que les membres de l’ethnie hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements de la part des talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations lui soumis que les Hazara feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite. La Cour se réfère encore à ses arrêts des 19 mai 2022 (n°46363C du rôle), 30 juin 2022 (n°46108C du rôle) et 5 octobre 2023 (n°49005C du rôle), dans lesquels elle a déjà dû constater que les attaques menées contre les Hazara sont pour la plupart l’œuvre du groupe Etat islamique du Khorosan (ISKP) et visent surtout les lieux de culte chiites respectivement des civils Hazara en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays.

Ainsi, à défaut de vérification dans le chef de l’appelant d’autres éléments concrets qui permettraient de conclure qu’il correspond à un profil plus à risque que d’autres, étant rappelé que l’apostasie, prétendument affichée par le fait d’avoir fait le commerce illégal d’alcool n’appert pas pertinent sous ce rapport, le seul fait d’être hazara n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.

Concernant la prétendue « occidentalisation » dont l’appelant entend encore se prévaloir, la Cour doit constater que l’intéressé, faute de preuve d’une adoption visible d’un mode de vie occidental impliquant un risque personnel de persécution en cas de retour en Afghanistan, reste en défaut d’expliquer concrètement pourquoi les Talibans seraient amenés à le persécuter du seul fait d’avoir vécu pendant quelques années en Europe, les craintes afférentes ne traduisant dès lors qu’un vague sentiment d’insécurité et n’apparaissent pas plus de nature à justifier la reconnaissance d’une protection internationale.

1 not. Cour adm., 9 mars 2023, n° 48007C, Cour adm. 21 février 2023, n° 47976C du rôle, 25 avril 2023, n° 48052C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

12Il s’ensuit que l’appelant n’avance pas suffisamment d’éléments permettant de retenir qu’il risque de subir des persécutions en cas de retour en Afghanistan et sa demande de se voir accorder le statut de réfugié laisse d’être fondée.

Sous l’optique du volet subsidiaire de la demande de protection sous examen, la crainte de faire l’objet de représailles de la part des Talibans en relation avec son activité de vente de boissons alcoolisées, la Cour rejoint les premiers juges en ce qu’ils mettent en avant le défaut de l’intéressé de démontrer concrètement le caractère d’actualité de cette crainte, étant donné qu’à l’heure actuelle, les faits remontent à pratiquement cinq ans, d’une part, et qu’ils ont pointé le fait qu’initialement, dans ses déclarations devant l’agent ministériel, il n’était point question de craintes envers les Talibans, cette crainte n’étant invoquée pour la première fois que dans la requête introductive de première instance, d’autre part, et qu’il a lui-même déclaré ignorer si les Talibans sont au courant du fait qu’il a vendu de l’alcool.

Or, à défaut d’une crainte concrète à l’égard des Talibans en relation avec son commerce d’alcool, sa crainte de subir des atteintes graves en relation avec cette activité commerciale doit s’analyser comme traduisant davantage un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait toutefois suffire pour retenir l’existence dans son chef d’une crainte réelle et sérieuse de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.

Egalement sous le volet subsidiaire de la protection revendiquée, la crainte de l’appelant envers les Talibans du fait de son apostasie appert simplement hypothétique, partant insuffisante aussi pour justifier l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, également sous ledit volet subsidiaire, l’appartenance ethnique de l’appelant, pour les mêmes motifs que ci-avant exposés, ne suffit pas pour démonter l’existence de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’intéressé encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

La demande de protection internationale de l’appelant n’appert ainsi pas justifiée à suffisance au sens de l’article 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Afghanistan, la Cour n’est pas saisie d’éléments permettant de conclure à l’existence d’une situation de conflit interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, les rapports et autres éléments d’appréciation produits en cause ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’il serait personnellement exposé, en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour en Afghanistan, il courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que les faits relatés par l’appelant ne permettaient pas l’octroi 13d’une protection internationale dans son chef et par suite rejeté le recours pour ne pas être fondé.

L’appelant sollicite encore, par réformation du jugement entrepris, la réformation de l’ordre de quitter le territoire, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

rejette la demande de communication du dossier administratif;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 20 juillet 2023;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 octobre 2023 Le greffier de la Cour administrative 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49273C
Date de la décision : 26/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-10-26;49273c ?

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