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26/10/2023 | LUXEMBOURG | N°116/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 26 octobre 2023, 116/23


N° 116 / 2023 pénal du 26.10.2023 Not. 25051/19/CD Numéro CAS-2023-00003 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre Pénitentiaire à Schrassig, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 10 août 2021 sous le nu

méro 714/21 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché ...

N° 116 / 2023 pénal du 26.10.2023 Not. 25051/19/CD Numéro CAS-2023-00003 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre Pénitentiaire à Schrassig, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 10 août 2021 sous le numéro 714/21 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 28 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 30 janvier 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait renvoyé le demandeur en cassation devant une chambre criminelle pour y répondre des préventions de viols, d’attentats à la pudeur et de menaces verbales commis à l’égard de sa fille ainsi que de menaces par écrit, de harcèlement obsessionnel et d’atteinte à la vie privée commis à l’égard de son épouse. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé cette ordonnance, sauf à rectifier les circonstances de temps d’une des préventions libellées à l’encontre du demandeur en cassation.

Sur la recevabilité du pourvoi L’article 416 du Code de procédure pénale dispose « (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif ; l'exécution volontaire de tels arrêts ou jugements préparatoires ne peut, en aucun cas, être opposée comme fin de non-recevoir.

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile. ».

Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que suite à l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel ayant confirmé le renvoi du demandeur en cassation devant la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, celle-ci l’a condamné à une peine de réclusion. La chambre criminelle de la Cour d’appel a augmenté la durée de cette peine.

Au vu du caractère définitif de la décision rendue au fond, le pourvoi en cassation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches Enoncé du moyen « Article 416 du Code de procédure pénale - Violation de la Convention européenne des droits de l’homme - Violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un recours effectif Attendu que la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose en son article 13 :

Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance 2 nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

A. Première branche du moyen : quant à l’absence de charges suffisantes justifiant le renvoi Attendu que Monsieur PERSONNE1.) a été renvoyé devant une chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement, par ordonnance n° 499/21 (XIXe) rendue le 25 juin 2021 par la chambre du conseil du tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

Que Monsieur PERSONNE1.) a valablement relevé appel de cette ordonnance le 30 juin 2021 par déclaration du mandataire de l’inculpé reçue au greffe du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Que Monsieur PERSONNE1.) a fait valoir devant la juridiction d’appel de renvoi, qu’il estime qu’il n’existe pas de charges de culpabilité suffisantes dans son chef justifiant un renvoi des faits devant une juridiction de jugement et qu’il sollicite en conséquence un non-lieu en sa faveur pour l’ensemble des faits qui lui sont reprochés.

Que la Chambre du conseil de la Cour d’appel a cependant, par un Arrêt de renvoi n° 714/21 Ch.c.C. du 10 août 2021 (Not.: 25051/19/CD), déclaré l’appel de Monsieur PERSONNE1.) recevable, mais non fondé.

Attendu que Monsieur PERSONNE1.) souhaitait se pourvoir en cassation contre cet arrêt et qu’il y avait intérêt.

Mais attendu que Attendu que l’article 416 du Code de procédure pénale dispose :

Art. 416. (L. 17 juin 1987) Chapitre II. - Des demandes en cassation (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif; l'exécution volontaire de tels arrêts ou jugements préparatoires ne peut, en aucun cas, être opposée comme fin de non-recevoir.

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile.

Que ce texte est strictement appliqué par la jurisprudence.

Attendu dès lors, que Monsieur PERSONNE1.) n’a pas eu la possibilité légale de former un pourvoi en cassation, avant la décision au fond de la Cour d’appel, contre cette décision de renvoi faisant pourtant grief à ses intérêts en ce qu’elle le renvoi devant une juridiction criminelle de jugement, alors que Monsieur 3 PERSONNE1.) faisait valoir que le dossier ne comportait pas d’éléments suffisants justifiant son renvoi devant une juridiction du fond.

Qu’ainsi, le législateur luxembourgeois, en n’ouvrant la voie de la Cassation contre une décision de renvoi, que postérieurement à la décision sur le fond, prive cette voie de recours de tout caractère effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que Monsieur PERSONNE1.) a dès lors été privé de son droit à bénéficier d’un recours effectif contre l’arrêt de renvoi, et qu’il subit de ce fait une violation de son droit garanti par l’article 13 de la Convention.

B. Seconde branche du moyen : Quant à la prescription de l’action publique Attendu par ailleurs que la juridiction de renvoi a soulevé d’office le moyen d’ordre public tiré de la prescription de l’action publique.

Que la Chambre du conseil de la Cour d’appel a conclu que l’action publique n’était pas prescrite.

Attendu que Monsieur PERSONNE1.) souhaitait là encore se pourvoir en cassation contre cet arrêt et qu’il y avait intérêt.

Mais attendu que, tel que développé dans la première branche du moyen, tant l’article 416 du Code de procédure pénale que la jurisprudence qui en fait application, interdisaient à Monsieur PERSONNE1.) de former un pourvoi en cassation avant la décision finale au fond.

Que là encore, le législateur luxembourgeois, en n’ouvrant la voie de la Cassation contre une décision de renvoi, que postérieurement à la décision sur le fond, prive cette voie de recours de tout caractère effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que Monsieur PERSONNE1.) a dès lors été privé de son droit à bénéficier d’un recours effectif contre l’arrêt de renvoi, et qu’il subit de ce fait une violation de son droit garanti par l’article 13 de la Convention.

C. En conclusion quant au premier moyen pris en ses deux branches Attendu que Monsieur PERSONNE1.) conclu au titre de ce moyen pris en chacune de ses deux branches, à la violation de son droit à bénéficier d’une voie de recours effective garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que le requérant souligne qu’il résulte de cette violation qu’il a été mis dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de cette violation doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

4 Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait valoir que le législateur, du fait de ne pas prévoir une possibilité de recours immédiat contre un arrêt de renvoi et de n’ouvrir la voie de la cassation contre une telle décision que postérieurement à la décision au fond, priverait cette voie de recours de tout caractère effectif au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il aurait ainsi été mis dans l’impossibilité absolue de faire valoir ses droits.

En ce que le moyen n’adresse pas de grief à l’arrêt attaqué, il est inopérant.

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le deuxième, « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Violation de l’article 7§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Pas de peine sans loi - Violation de l’article 13 de la Convention - Droit à un recours effectif - Violation de l’article 2§1 du Protocole numéro 7 à la Convention - Droit à un double degré de juridiction en matière pénale.

Attendu que la Cour d’appel statuant au fond dans son Arrêt n°53/22-Crim.

du 29 novembre 2022 (Not.: 25051/19/CD) retient ce qui suit :

Page 46 :

Ces constatations rendent nécessaires, aux yeux de la Chambre criminelle [du Tribunal], le prononcé d'une peine de réclusion ferme, toute autre sanction apparaissant manifestement inadéquate.

Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, la Chambre criminelle estime qu'une peine de réclusion de douze ans constitue une sanction adéquate des faits retenus à charge du prévenu.

Page 61 :

c o n d a m n e PERSONNE1.) du chef des infractions retenues à sa charge à une peine de réclusion de DOUZE (12) ans ainsi qu'aux frais de sa poursuite pénale, ces frais liquidés à 3.974,65 euros, Page 63 :

Par le jugement entrepris, le tribunal a dit qu'il est compétent territorialement et matériellement pour connaître des faits en litige, qu'il n'y a pas prescription des faits pour autant qu'il s'agit des faits de viols et d'attentats à la pudeur et il a condamné PERSONNE1.), au pénal, à une peine de réclusion de douze ans (…) Page 67 :

Quant à la peine, le représentant du ministère public donne à considérer que même si la peine prononcée par le tribunal est légale, elle serait cependant trop indulgente au vu du calvaire subi par la victime, qui à partir de l'âge de cinq ans et pendant quatorze ans a subi de multiples abus sexuels de la part de son père, de l'absence de prise de conscience de ce dernier quant à la gravité de ses actes, de son pronostic d'avenir défavorable, de sa 5 tendance persistante à contrôler la victime et à chercher à reprendre le contrôle sur cette dernière.

La peine de réclusion prononcée par le tribunal contre le prévenu ne serait donc pas adéquate et serait à reformer.

En considération de ces éléments, il sollicite la condamnation du prévenu à une peine de réclusion de dix-sept ans, tout en faisant valoir que la Cour d'appel, dans une affaire similaire, a condamné par arrêt rendu le 13 juillet 2011 le prévenu à une peine de réclusion de dix-sept ans.

Page 73 :

Quant à la peine et autres mesures :

Les règles du concours d'infractions ont été́ correctement appliquées et la peine de réclusion d'un quantum de douze ans prononcée en première instance est légale.

Cependant, la Cour d'appel constate que les faits retenus à charge de PERSONNE1.), sont d'une gravité indiscutable, le prévenu ayant abusé sexuellement non seulement d'un enfant, à partir de l'âge de cinq ans, mais également de son propre enfant pendant quatorze ans.

Il s'y ajoute l'attitude du prévenu qui a continué à nier les faits tout au long de l'enquête, de l'instruction, ainsi que devant les juges de première instance et devant la Cour d'appel, nonobstant les dépositions claires et précises de la victime et les déclarations pertinentes des autres personnes entendues.

Eu égard à ces considérations, la Cour d'appel retient qu'une peine de réclusion de quinze ans constitue une sanction adéquate pour les faits dont PERSONNE1.) s'est rendu coupable.

Le jugement entrepris est, dès lors, à reformer à ce titre.

Page 75 :

condamne PERSONNE1.) à une peine de réclusion de quinze (15) ans ;

Mais attendu que la juridiction d’appel ne saurait aggraver la peine prononcée en première instance tout en constatant que cette peine est légale, et sans soulever par ailleurs d’éléments nouveaux autres qu’une différence subjective d’appréciation, sans violer le droit du prévenu garanti par l’article 7§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : Pas de peine sans loi ; Garanti par l’article 13 de la Convention : Droit à un recours effectif ; Et garanti par l’article 2§1 du Protocole numéro 7 à la Convention : Droit à un double degré de juridiction en matière pénale.

Qu’il résulte de ce qui précède qu’en procédant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

Qu’il résulte de ces violations que Monsieur PERSONNE1.) a été mis dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de ces violations doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. », le troisième, « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Violation de l’article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Droit pour l’accusé de ne pas s’accuser lui-même.

Attendu que la Cour d’appel statuant au fond dans son Arrêt n°53/22-Crim.

du 29 novembre 2022 (Not.: 25051/19/CD) retient ce qui suit :

6 Page 73 :

Quant à la peine et autres mesures :

Les règles du concours d'infractions ont été correctement appliquées et la peine de réclusion d'un quantum de douze ans prononcée en première instance est légale.

Cependant, la Cour d'appel constate que les faits retenus à charge de PERSONNE1.), sont d'une gravité indiscutable, le prévenu ayant abusé sexuellement non seulement d'un enfant, à partir de l'âge de cinq ans, mais également de son propre enfant pendant quatorze ans.

Il s'y ajoute l'attitude du prévenu qui a continué à nier les faits tout au long de l'enquête, de l'instruction, ainsi que devant les juges de première instance et devant la Cour d'appel, nonobstant les dépositions claires et précises de la victime et les déclarations pertinentes des autres personnes entendues.

Eu égard à ces considérations, la Cour d'appel retient qu'une peine de réclusion de quinze ans constitue une sanction adéquate pour les faits dont PERSONNE1.) s'est rendu coupable.

Le jugement entrepris est, dès lors, à reformer à ce titre.

Page 75 :

condamne PERSONNE1.) à une peine de réclusion de quinze (15) ans ;

Mais attendu que la juridiction d’appel ne saurait aggraver la peine prononcée en première instance tout en constatant que cette peine est légale, en fondant cette aggravation du quantum de la peine prononcée en instance d’appel sur la circonstance suivant laquelle le prévenu aurait continué à nier les faits tout au long de l’enquête, sans violer le droit du prévenu reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme sur base de l’article 6§1 de la Convention à ne pas s’accuser lui-même.

Qu’il résulte de ce qui précède qu’en procédant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

Qu’il en résulte pour Monsieur PERSONNE1.) de cette violation, qu’il a été mis dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de cette violation doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. » et le quatrième, « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme –Violation de l’article 2§1 du Protocole numéro 7 à la Convention – Droit à un double degré de juridiction en matière pénale.

Attendu que la Cour d’appel statuant au fond dans son Arrêt n°53/22-Crim.

du 29 novembre 2022 (Not.: 25051/19/CD) retient ce qui suit :

Page 67 :

Quant à la peine, le représentant du ministère public donne à considérer que même si la peine prononcée par le tribunal est légale, elle serait cependant trop indulgente au vu du calvaire subi par la victime, qui à partir de l'âge de cinq ans et pendant quatorze ans a subi de multiples abus sexuels de la part de son père, de l'absence de prise de conscience de 7 ce dernier quant à la gravité de ses actes, de son pronostic d'avenir défavorable, de sa tendance persistante à contrôler la victime et à chercher à reprendre le contrôle sur cette dernière.

La peine de réclusion prononcée par le tribunal contre le prévenu ne serait donc pas adéquate et serait à reformer.

En considération de ces éléments, il sollicite la condamnation du prévenu à une peine de réclusion de dix-sept ans, tout en faisant valoir que la Cour d'appel, dans une affaire similaire, a condamné par arrêt rendu le 13 juillet 2011 le prévenu à une peine de réclusion de dix-sept ans.

Page 73 :

Quant à la peine et autres mesures :

Les règles du concours d'infractions ont été́ correctement appliquées et la peine de réclusion d'un quantum de douze ans prononcée en première instance est légale.

Cependant, la Cour d'appel constate que les faits retenus à charge de PERSONNE1.), sont d'une gravité indiscutable, le prévenu ayant abusé sexuellement non seulement d'un enfant, à partir de l'âge de cinq ans, mais également de son propre enfant pendant quatorze ans.

Il s'y ajoute l'attitude du prévenu qui a continué à nier les faits tout au long de l'enquête, de l'instruction, ainsi que devant les juges de première instance et devant la Cour d'appel, nonobstant les dépositions claires et précises de la victime et les déclarations pertinentes des autres personnes entendues.

Eu égard à ces considérations, la Cour d'appel retient qu'une peine de réclusion de quinze ans constitue une sanction adéquate pour les faits dont PERSONNE1.) s'est rendu coupable.

Le jugement entrepris est, dès lors, à reformer à ce titre.

Page 75 :

condamne PERSONNE1.) à une peine de réclusion de quinze (15) ans ;

Mais attendu que la juridiction d’appel ne saurait accueillir, ne fut-ce qu’en partie, la demande du Ministère Public à voir condamner Monsieur PERSONNE1.) à une peine de réclusion de 17 ans, sans constater que cette demande est nouvelle en instance d’appel, qu’elle n’a pas été formulée en première instance, et qu’elle viole partant le droit garanti pour l’accusé à bénéficier d’un double degré de juridiction en matière pénale, droit garanti par l’article 2§1 du Protocole numéro 7 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Qu’il en résulte qu’en procédant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

Que cette violation a eu pour effet de mettre Monsieur PERSONNE1.) dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de ces violations doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Les deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation ne visent pas l’arrêt de renvoi rendu par la chambre du conseil de la Cour d’appel, mais l’arrêt au fond.

Il s’ensuit que les moyens sont irrecevables.

Sur les cinquième et sixième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le cinquième, « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme – Droit à un procès équitable – Violation des articles 6§1 et 6§2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme – Droit à la présomption d’innocence Attendu que la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose en son article 6 :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] 2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Attendu que Monsieur PERSONNE1.) fait grief aux juridictions du fond et d’instruction, d’avoir de manière systématique, mis en avant les éléments à charge, et écarté les éléments à décharge ou de nature a faire naitre un doute à son profit.

Qu’il en résulte encore pour le demandeur en cassation, que la présomption d’innocence, en tant que mode d’administration de la preuve n’a pas été respectée à son égard.

Que cette violation a eu pour effet de mettre Monsieur PERSONNE1.) dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de ces violations doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. » et le sixième, « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Droit à un procès équitable - Violation de l’articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Droit à un procès équitable Attendu que la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose en son article 6 :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de 9 caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] Mais attendu que Monsieur PERSONNE1.) fait grief aux juridictions du fond et d’instruction, d’avoir de manière systématique, mis en avant les éléments à charge, et écarté les éléments à décharge ou de nature a faire naitre un doute à son profit.

Qu’il en résulte pour le demandeur en cassation, que la procédure considérée dans son ensemble, n’a pas revêtu un caractère équitable.

Que cette violation a eu pour effet de mettre Monsieur PERSONNE1.) dans l’impossibilité absolue de faire valoir utilement sa défense, et que la sanction de ces violations doit être l’extinction des poursuites.

Qu’à titre subsidiaire, l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief à la chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir violé ses droits à la présomption d’innocence et à un procès équitable en ce qu’elle aurait systématiquement mis en avant les éléments à charge et écarté les éléments à décharge ou de nature à faire naître un doute à son profit. Il se serait ainsi trouvé dans une impossibilité totale de faire valoir utilement sa défense.

Les deux moyens manquent de précision en ce qu’ils formulent un grief de manière abstraite par référence aux dispositions légales dont la violation est invoquée, sans indiquer ni les parties critiquées de la décision attaquée ni en quoi celle-ci encourt les reproches allégués.

Il s’ensuit que les moyens sont irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3,50 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2023-00003 du registre Par déclaration faite le 28 décembre 2022 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n° 714/21 rendu le 10 août 2021 par la chambre du conseil de la Cour d’appel.

Cette déclaration de recours a été suivie le 30 janvier 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Sébastien LANOUE.

Faits et rétroactes Par une ordonnance n° 499/21 du 25 juin 2021, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait renvoyé PERSONNE1.) devant une chambre criminelle du même tribunal des chefs d'attentats à la pudeur sur un descendant âgé de moins de seize ans, viols sur un descendant âgé de moins de quatorze, respectivement de seize ans, menaces verbales et par écrit à l'égard d'un descendant, menace par écrit à l'égard du conjoint, harcèlement obsessionnel et atteinte à la vie privée.

Par l'arrêt entrepris par le pourvoi, la chambre du conseil de la Cour d'appel a confirmé l'ordonnance entreprise, sauf à rectifier le libellé des préventions.

Sur la recevabilité du pourvoi L'article 416 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements de dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif.

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. » En l'espèce, le pourvoi est dirigé contre un arrêt qui n'a pas mis fin à l’action publique poursuivie à charge du prévenu et n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur le principe de l’action civile.

Le pourvoi est cependant recevable en ce qu'il a été formé après l'arrêt définitif qui a statué sur la culpabilité du demandeur en cassation. En effet, en vertu d'un arrêt n° 53/22 rendu le 29 novembre 2022 par la chambre criminelle de la Cour d'appel, celui-ci a été condamné, pour les infractions du chefs desquelles il a été renvoyé devant la juridiction de jugement, à une peine de réclusion de quinze ans.

Le pourvoi a été déclaré dans la forme1 et le délai de la loi2. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai3 y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable.

1 Il est relevé que le demandeur en cassation, qui a formé un pourvoi en cassation également contre l'arrêt de condamnation du 29 novembre 2022 (ce pourvoi est enregistré sous le numéro CAS-2023-00007), a déposé, pour les deux pourvois, un seul mémoire en cassation. Dans la mesure où aucune disposition légale n'impose au demandeur en cassation de déposer un mémoire séparé pour chacun des deux pourvois qui sont dirigés contre deux arrêts rendus dans la même affaire contre le même demandeur en cassation, le soussigné considère que l'unique mémoire en cassation est recevable à cet égard.

2 L'arrêt définitif ayant été rendu le 29 novembre 2022, le pourvoi déclaré moins d'un mois plus tard, le 28 décembre 2022, l'a été dans le délai d'un mois porté à l'article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

3 Conformément à l’article 1260 du Nouveau code de procédure civile, le délai d’un mois prévu à l'article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation pour déposer le mémoire en cassation, qui devait expirer le samedi 28 janvier 2023, a été prorogé au premier jour ouvrable suivant, à savoir le lundi 30 janvier 2023, de sorte que le mémoire déposé ce même 30 janvier 2023 l’a été endéans le délai légal.

Observation préalable Il résulte de l'examen des six moyens de cassation formulés dans le mémoire en cassation que le premier moyen de cassation concerne le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la chambre du conseil de la Cour d'appel du 10 août 2021, que les deuxième, troisième et quatrième moyens sont formulés au soutien du pourvoi contre l'arrêt de condamnation de la Cour d'appel du 29 novembre 2022 et que les cinquième et sixième moyens de cassation sont produits au soutien des deux pourvois.

Le soussigné se limitera partant dans les présentes conclusions à répondre aux premier, cinquième et sixième moyens de cassation. Il est répondu aux moyens concernant le pourvoi contre l'arrêt de condamnation de la Cour d'appel du 29 novembre 2022 par des conclusions séparées.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est divisé en deux branches.

Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief à la chambre du conseil de la Cour d'appel d'avoir violé l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») aux termes duquel:

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » Le demandeur en cassation fait valoir qu'il aurait été privé du droit former un pourvoi en cassation contre l'arrêt entrepris avant la décision au fond de la Cour d'appel, alors même que l'arrêt lui faisait grief et qu'il entendait se pourvoir immédiatement contre cet arrêt en ce qu'il a constaté, d'une part, que l'instruction préparatoire comportait des charges suffisantes justifiant le renvoi du demandeur en cassation devant une juridiction de fond (première branche du moyen) et, d'autre part, que l'action publique n'était pas prescrite (deuxième branche du moyen).

A titre principal, le moyen est irrecevable dans la mesure où le grief formulé est étranger à l'arrêt entrepris.

En effet, dans l'arrêt entrepris, la chambre du conseil de la Cour d'appel ne s'est, par la force des choses, pas prononcée sur la recevabilité d'un pourvoi en cassation contre son propre arrêt. Le moyen ne vise ainsi ni le dispositif, ni les motifs de la décision attaquée et doit partant être rejeté.

A titre subsidiaire, le moyen n'est pas fondé.

En effet, en vertu d'une jurisprudence constante rendue à propos de la recevabilité des pourvois dirigés, avant la décision définitive, contre les décisions préparatoires ou d’instruction visées à l'article 416 du Code de procédure pénale, Votre Cour décide que le droit d’accès au juge n’est pas absolu. Les Etats membres peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice.

Les limitations au droit d’accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d’un recours.4 L’article 416 du Code de procédure pénale, sans priver le demandeur en cassation du droit de se pourvoir en cassation, ne fait que différer l’exercice de ce recours jusqu’après le jugement ou l’arrêt définitif. L’interdiction de se pourvoir en cassation immédiatement et avant la décision définitive contre les décisions préparatoires ou d’instruction a précisément pour but de prévenir des recours dilatoires5.

L’article 416 du Code de procédure pénale, en ce qu’il se limite à différer l’exercice du recours en cassation contre l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel jusqu’après la décision définitive en dernier ressort, sans priver le demandeur en cassation dudit recours, n’enfreint partant pas l'article 13 de la Convention.

Il en suit qu'à titre subsidiaire, le moyen n'est pas fondé.

4 p. ex. Cass. 28 avril 2022, n° 59 / 2022 pénal, n° CAS-2021-00087 du registre ; Cass. 23 décembre 2021, n° 169 / 2021 pénal, n° CAS-2020-00153 du registre ; Cass. 28 avril 2022, n° 59 / 2022 pénal, n° CAS-

2021-00087 du registre ; Cass. 19 novembre 2020, n° 153 / 2020 pénal, n° CAS-2019-00167 du registre.

5 Cass. 20 avril 2015, n° 3459 du registre.Sur les cinquième et sixième moyens de cassation réunis Les cinquième et sixième moyens de cassation sont tirés de la violation des paragraphes 1er et 2 de l'article 6 de la Convention au sujet du droit à la présomption d'innocence (cinquième moyen) et du droit à un procès équitable (sixième moyen).

Aux termes des deux moyens, le demandeur en cassation « fait grief aux juridictions de fond et d'instruction d'avoir de manière systématique mis en avant les éléments à charge et écarté les éléments à décharge ou de nature à faire naître un doute à son profit », de sorte que la présomption d'innocence n'aurait pas été respectée à son égard, respectivement le procédure n'aurait pas présenté un caractère équitable.

Les deux moyens manquent de précision en ce qu'il formulent un grief de manière abstraite par référence aux dispositions légales visées aux moyens dont la violation est invoquée, sans préciser ni la partie critiquée de la décision attaquée, ni en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Il en suit que les moyens sont irrecevables.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n'est pas fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marc HARPES 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 116/23
Date de la décision : 26/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-10-26;116.23 ?

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