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24/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49178C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 octobre 2023, 49178C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49178C ECLI:LU:CADM:2023:49178 Inscrit le 17 juillet 2023

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Audience publique du 24 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), ….., contre un jugement du tribunal administratif du 14 juin 2023 (n° 47046 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49178C du rôle, déposé au greffe de la Cour adm

inistrative le 17 juillet 2023 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tab...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49178C ECLI:LU:CADM:2023:49178 Inscrit le 17 juillet 2023

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Audience publique du 24 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), ….., contre un jugement du tribunal administratif du 14 juin 2023 (n° 47046 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49178C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2023 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à …. (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 14 juin 2023 (n° 47046 du rôle) l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 janvier 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 31 juillet 2023;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 octobre 2023.

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Le 11 novembre 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 18 novembre 2020, l’intéressé fut entendu par un agent du ministère en vue de la détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

En date des 6 mai, 6 et 28 juillet 2021, Monsieur (A) fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 17 janvier 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A) en la déclarant non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 11 novembre 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 novembre 2020, le rapport d'entretien Dublin III du 18 novembre 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 6 mai et des 6 et 28 juillet 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous étiez en possession d'un visa « travail » émis par les autorités polonaises le 16 décembre 2019, valable du 19 décembre 2019 au 12 novembre 2020. Vous avez initialement prétendu auprès des agents de la Police Judiciaire avoir perdu votre passeport. Après qu'il a été procédé à la fouille de vos bagages et que votre passeport a pu être retrouvé avec des pages arrachées, vous avez alors prétendu avoir quitté la Biélorussie à bord d'un bus, le 1er octobre 2020 et que vous auriez par la suite vécu pendant trois semaines en Pologne. A ce moment, un agent du KGB vous y aurait intercepté, vous aurait menacé et aurait arraché le visa polonais de votre passeport. Le 5 novembre 2020, vous auriez quitté la Pologne à bord d'un train en direction de l'Allemagne, où vous auriez voulu rendre visite à un ami habitant à …. Vous auriez ensuite pris la décision de venir au Luxembourg « Da es ein kleines Land ist. Ich bin nach Luxemburg gekommen um hier zu arbeiten und ich möchte mich integrieren » (p.2 du rapport du Service de Police Judiciaire). Vous précisez encore avoir souvent travaillé en Pologne.

2Vous signalez ensuite auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes être de nationalité biélorusse, de confession chrétienne, divorcé et originaire de ……., où vous auriez vécu seul et travaillé en tant que propriétaire d'un « ……. » créé en 2015 et d'une société dans la « ……. ». Vous seriez le père d'un enfant, (B), né le ……, qui vivrait chez votre ex-épouse, voire, de deux enfants, un dénommé (D) et un enfant dont le prénom n'est pas lisible mais qui n'est manifestement pas « (B) », qui serait lui aussi né le … (fiche de données personnelle). Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d'être arrêté et condamné à une peine de prison en Biélorussie.

En 2015, alors que vous auriez travaillé en Russie, serait entré en vigueur en Biélorussie le « Dekret Nummer 3 », décret qui aurait eu comme but de récolter plus d'impôts auprès de la population. Beaucoup de personnes, dont vous et votre père auriez par la suite reçu des lettres concernant des impôts qu'ils devraient payer. Vous dites que des manifestations contre ce décret auraient eu lieu partout en Biélorussie et que vous auriez également participé à de telles rassemblements à …….. Vous auriez en outre écrit une lettre au bureau d'impôts pour vous plaindre contre cette pratique et pour leur signaler que vous ne payeriez pas la somme demandée. Vous auriez également eu droit à un rendez-vous auprès de ce bureau, où vous auriez réaffirmé votre opposition au décret et répété que vous ne payeriez pas. On vous aurait alors intimidé en vous menaçant avec l'ouverture d'une procédure judiciaire, de ne plus pouvoir passer la frontière pour travailler en Russie ou de vous retirer votre permis de conduire. A cela s'ajoute qu'une enquête concernant « meine ganze Steuersituation » (p. 5 du rapport d'entretien) aurait été ouverte, une enquête qui n'aurait pas découvert des irrégularités. Néanmoins, vous auriez été contraint à payer une « amende » liée aux coûts de l'enquête. Vous auriez payé cette amende pour éviter des problèmes et vous auriez par la suite continué à travailler, tout en continuant à éviter de payer des impôts liés audit décret.

En 2017, dans le cadre de votre travail dans la construction vous auriez signé un contrat avec un dénommé (F) et sa société « (G) » qui construirait des …… à ……. Vous auriez fait fonction de sous-traitant responsable de travaux dans…… pour une somme de « ….. US$.

In Weissrussland ist es einfacher in US$ zu rechnen » (p. 6 du rapport d'entretien). Après un mois de travaux, vous auriez reçu un paiement partiel de …..- dollars et on vous aurait assuré que vous recevriez le reste de la somme à la fin des travaux. Or, (F) aurait par la suite évité de vous payer en repoussant le paiement à une date ultérieure. Après que vous auriez insisté auprès de (F), il aurait menacé de déposer plainte contre vous pour chantage. Vous auriez alors décidé de lui rendre visite chez lui pour demander quand vous seriez enfin payé. Il vous aurait alors fait comprendre qu'il ne vous payerait jamais le restant de la somme et vous auriez répondu en le menaçant avec un procès. Il aurait alors voulu se bagarrer avec vous et aurait menacé d'« éliminer » votre société, en vous signalant qu'il aurait des connections et qu'il vous causerait des problèmes en cas de dépôt de plainte. Vous vous seriez par la suite bagarrés et (F) aurait fini avec une fracture de crâne après qu'il serait tombé par terre. Vous vous seriez alors éloigné des lieux en étant également blessé à la tête et vous précisez que (F) aurait encore proféré des menaces de vous faire emprisonner.

Deux ou trois jours plus tard, vous auriez été convoqué à un bureau de police, où un agent du KGB vous aurait interrogé tout seul et expliqué que vous auriez le choix entre huit ans de prison ou bien que vous oublieriez l'incident avec (F) et que vous accepteriez qu'il ne vous rembourse pas. Vous vous seriez alors rappelé que (F) vous aurait expliqué qu'un de ses membres de famille travaillerait pour le « ministère », « welcher in der Tat gute Beziehungen hat » (p. 6 du rapport d'entretien). Vous lui auriez répondu que vous attendriez que justice soit faite et que vous agiriez selon les lois. Ensuite, un enquêteur de la police vous aurait interrogé.

Vous auriez ensuite demandé conseil à un avocat qui vous aurait expliqué qu'il serait 3compliqué de prouver votre innocence, surtout si « die ganze Sache » avait été fabriquée contre vous. Vous auriez néanmoins décidé de porter plainte devant tribunal.

Quelque temps plus tard, vous auriez été convoqué à plusieurs reprises à un bureau de police, où vous auriez été interrogé. A un moment donné, suite à un de ces interrogatoires, vous auriez été arrêté chez vous et placé en détention préventive. Vous auriez subi une fouille corporelle et auriez été placé dans une cellule où se seraient déjà trouvés quatre toxicomanes qui auraient tenté de vous provoquer, mais vous auriez su garder votre calme. Le lendemain, vous auriez été amené en menottes devant la maison de (F), où on vous aurait demandé de recréer la bagarre ayant conduit à sa blessure. Vous parlez d'une « véritable enquête » en présence d'un juge d'instruction, d'un témoin et de l'épouse de (F). Ce dernier aurait également été amené sur les lieux et aurait nié en bloc votre version des faits et aurait fait des fausses déclarations dans le seul but de vous faire garder en détention. Vous auriez par la suite été ramené en détention, le lendemain vous auriez été interrogé par un autre juge d'instruction qui aurait de nouveau « déformé » vos déclarations et vous aurait signalé que votre dossier serait transmis au parquet et que vous risqueriez sûrement une peine d'emprisonnement. Vous auriez été replacé en détention préventive et auriez par la suite été interrogé par le même agent du KGB dans un « Nebenraum ». Vous dites qu'il se serait fait un plaisir de mal vous parler, qu'il vous aurait signalé que vous seriez emprisonné pour huit ans et que le lendemain, vous seriez transféré dans la vraie prison. Il vous aurait en outre, à plusieurs reprises, proposé d'oublier la plainte déposée contre (F) et l'argent qu'il vous devrait contre votre libération. Vous auriez alors réfléchi et accepté son offre alors que vous préféreriez vivre comme homme libre sans argent qu'en prison avec votre argent. Il vous aurait alors prêté son portable pour que vous puissiez appeler votre sœur (K) afin qu'elle prenne possession de votre « Dokumentenpaket » que vous auriez préparé pour le tribunal et qu'elle le donne à un homme envoyé par l'agent du KGB. Le même jour, vous auriez été libéré, mais on vous aurait fait comprendre qu'on garderait un œil sur vous. Vous auriez d'ailleurs rapidement compris que vous seriez observé, alors que des voitures auraient été garées devant votre maison pour vous observer et que votre portable aurait fait des bruits bizarres. Pendant les trois prochaines années, vous seriez tombé en dépression et vous n'auriez pas bien dormi.

En juin 2020, vous auriez commencé à « massivement » collecter des signatures pour la dénommée (J) et vous précisez que cela se serait déroulé de manière pacifique jusqu'en juillet 2020. Fin juillet 2020, la police « ONOM » (sic) aurait commencé à intervenir dans le cadre de ces collectes de signatures et des gens auraient été arrêtés lors de leur participation à des manifestations en ajoutant qu'« Ich kam in die Zentralpolizeidienstelle der Stadt » (p. 8 du rapport d'entretien). Vous auriez passé la nuit dans une cellule surpeuplée et le lendemain vous auriez été libéré après un interrogatoire et après avoir payé une somme d'argent, contrairement à d'autres qui auraient été placés en détention préventive, vous précisez que « Es blieb bei einem administrativen Vergehen » (p. 8 du rapport d'entretien).

Le 9 août 2020, le jour de l'annonce des résultats des élections, vous auriez prévu de vous déplacer à …… pour célébrer « unsere Kandidaten » (p. 8 du rapport d'entretien). Après que la victoire de LUKASCHENKO aurait été annoncée, tout le monde se serait retrouvé en état de choc alors que personne n'aurait attendu un tel résultat. Ainsi, les gens seraient descendus dans les rues pour manifester, mais le soir, les « OMON » auraient stoppé la foule des manifestants et auraient lancé des grenades incapacitantes, tiré avec des balles en caoutchouc et frappé les gens avec leurs matraques. Vous dites qu'une partie des manifestants se serait enfuie, tandis qu'un autre groupe, dont vous auriez fait partie, n'aurait pas hésité à confronter les policiers. Des personnes auraient été arrêtées, mais vous auriez réussi à vous « défendre » contre les policiers et vous vous seriez par la suite retrouvé chez un ami. Le 4lendemain, vous, les « activistes », vous seriez retrouvé au centre de …… pour manifester pacifiquement. Le soir, votre manifestation aurait de nouveau été stoppée par la police qui aurait eu recours à des jets d'eau et ordonné aux manifestants de rentrer chez eux. Vous auriez répondu en proférant des paroles anti-régime et il y aurait de nouveau eu des bagarres entre policiers et manifestants, « Ich war ebenfalls dabei (…) Irgendwann haben wir angefangen uns aktiv zu wehren und die OMON Kräfte anzugreifen » (p. 8 — 9 du rapport d'entretien). Vous dites que vous auriez été frappé et blessé lors de ces affrontements et qu'on vous aurait cassé le bras lorsqu'on vous aurait menotté les mains sur votre dos pour vous arrêter et vous allonger par terre avec trois autres personnes arrêtées, en attendant l'arrivée de voitures de police pouvant vous emmener. Vous auriez à ce moment été surveillé par cinq policiers « OMON » qui auraient alors été maîtrisés par une « vague » de manifestants, vous permettant de vous enfuir vers une rue commerçante où vous vous seriez mélangé à la foule et crié à l'aide jusqu'à ce que quelqu'un ne vous enlève les serre-câbles. Vous auriez encore passé la nuit à …… avant de rentrer chez vous à …….. Vous auriez par la suite tenté de vous soigner vous-même et de guérir de vos blessures.

Le 30 août 2020, vous auriez participé à une autre manifestation à ……., où quelques manifestants auraient été arrêtés, mais de façon générale, les choses s'y seraient passées plus paisiblement qu'à ……. Le 1er octobre 2020, des agents de la « GUBOP für die Bekämpfung oder (sic) organisierten Kriminalität » auraient sonné chez vous et vous auraient dit de les suivre pour un interrogatoire. Vous leur auriez alors demandé quelle en serait la raison et on vous aurait répondu que ça concernerait les événements de 2017 et (F). Vous leur auriez alors expliqué « dass ich nirgendwohin fahren werde » (p. 9 du rapport d'entretien) et qu'ils pourraient vous questionner sur place ou revenir avec une ordonnance du tribunal. Ces agents vous auraient ensuite accompagné à l'intérieur de votre maison pour vous interroger, mais auraient immédiatement demandé à ce que vous leur remettiez toutes les drogues, les armes et la littérature interdite qui se trouveraient chez vous. Vous auriez nié posséder ces choses et vous auriez alors été frappé avant qu'un des agents ne sorte un paquet avec de la poudre blanche et vous menace de retrouver encore d'autres paquets chez vous, respectivement, vous menace d'une peine de prison de dix ans. Un des agents vous aurait alors tendu son portable et à l'autre bout du fil, vous auriez entendu la voix de l'agent du KGB qui vous aurait interrogé en 2017 et qui aurait cette fois-ci exigé que vous vendiez votre maison et que vous lui verseriez la somme de ……- US$, alors que « er meinte, dass ich momentan sehr erfolgreich wäre » (p. 10 du rapport d'entretien), tandis que lui aurait besoin d'argent rapidement. Les policiers présents vous auraient par la suite encore dépouillé d'un ordinateur portable qui appartiendrait à votre fils et menacé avec une arme. Vous précisez que vous auriez compris qu'il se serait agi d'agents du « OMON » au vu de leur comportement. Le lendemain, en septembre 2020 (rapport Dublin III), voire, le 1er octobre 2020 (rapport d'entretien), voire, le 1er novembre (fiche de données personnelles), vous auriez quitté la Biélorussie, en précisant que vous auriez encore possédé un visa valable.

Vous auriez par la suite résidé en Pologne, où les hommes de l'agent du KGB qui vous aurait interrogé, vous auraient retrouvé et agressé, avant de vous prendre votre passeport et d'arracher le visa. Vous auriez ensuite déménagé en Pologne chez un ami chez qui vous seriez resté pendant un mois et demi avant de voyager chez une autre connaissance en Allemagne.

Vous ajoutez qu'une semaine après votre départ, votre sœur aurait reçu des appels de personnes demandant où vous vous trouveriez. Ensuite, une convocation aurait été envoyée à votre adresse pour vous présenter à la police; « Es kamen auch Vorladungen zum Gericht » (p. 11 du rapport d'entretien). En cas d'un retour en Biélorussie, vous craindriez d'être puni pour votre participation à des manifestations; 1500 personnes purgeraient actuellement leurs peines de prison pour leur participation à de telles manifestations. Vous seriez d'ailleurs 5persuadé que vous seriez condamné à une peine de prison pour vos opinions politiques. Vous craindriez en outre, que des drogues pourraient être placées chez vous et que vous seriez par conséquent aussi condamné à une peine de prison.

A l'appui de vos dires, vous présentez les documents suivants :

 Votre passeport que vous avez initialement caché et que la Police Judiciaire a retrouvé sur vous, émis le 11 octobre 2019, c'est-à-dire quelques semaines avant que vous vous êtes vu octroyer un visa de travail par la Pologne ;

 des photos d'une manifestation qui aurait été organisée par la communauté biélorusse au Luxembourg, à laquelle vous avez participé et qui a été visitée par la candidate de l'opposition biélorusse, (J). ;

 votre prétendu protocole d'arrestation en langue biélorusse, lié à des blessures graves que vous auriez occasionnées à (F) ;

 deux prétendues « Freilassungsurkunden » en langue biélorusse, datant du 27 décembre 2017 ;

 deux prétendues convocations en langue biélorusse qui auraient été en envoyées à votre adresse après votre départ à cause de votre prétendue participation à des manifestations ;

 une prétendue convocation à un bureau de police en langue biélorusse qui daterait du 9 août 2020 ;

 trois prétendues (sic) témoignages de votre sœur, d'un ami de ……. qui aurait également participé à des manifestations et d'une connaissance que vous auriez rencontrée en Pologne ;

 deux lettres manuscrites, datées au 15 janvier et au 4 février 2021, adressées à son Altesse Royale, le Grand-Duc de Luxembourg et au Ministre « Sir …… ».

1. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit pour les raisons suivantes.

En effet, il s'avère que votre parcours précédant votre arrivée au Luxembourg n'est nullement établi et ne paraît manifestement pas être celui que vous voulez faire croire aux autorités luxembourgeoises.

Ainsi, je soulève en premier lieu que vous n'êtes pas en mesure de vous tenir à une version concernant votre prétendu départ de la Biélorussie, alors que vous prétendez une fois avoir quitté la Biélorussie en septembre 2020 (rapport d'entretien Dublin III), une autre fois le 1er octobre 2020 (rapport d'entretien) et finalement le 1er novembre 2020 (fiche de données personnelles).

Le constat que vous n'êtes nullement arrivé au Luxembourg depuis la Biélorussie vaut d'autant plus au vu du fait que vous avez initialement tenté de cacher votre passeport aux autorités desquelles vous souhaitez vous faire remettre une protection internationale.

En effet, vous avez initialement prétendu avoir perdu votre passeport, qui a toutefois pu être retrouvé sur vous après une fouille de vos affaires. Après cette découverte, vous avez alors avancé une toute nouvelle version concernant votre passeport que vous n'aviez du coup plus perdu. Au vu des pages arrachées dans votre passeport, vous avez alors prétendu qu'un agent du KGB en Pologne vous aurait pris votre passeport et arraché lesdites pages. Je 6rappelle en outre que lors de votre entretien Dublin III en date du 18 novembre 2020, vous avez encore prétendu que votre passeport aurait été « confisqué » par les autorités biélorusses en Pologne et déchiré.

Il est évident qu'au vu de ces contradictions majeures, aucune crédibilité ne saurait être accordée à vos dires, ni pour ce qui est de votre vécu et de votre séjour en Biélorussie, ni pour ce qui est de l'état de votre passeport. Il doit en être déduit que vous avez personnellement arraché des pages de votre passeport afin d'empêcher les autorités luxembourgeoises ou toute autre autorité de retracer votre vécu ainsi que votre parcours. Ce constat vaut d'autant plus qu'il est totalement non-crédible que les agents du KGB biélorusse s'amuseraient à se balader dans les villes polonaises à la recherche de citoyens biélorusses pour alors leur arracher des visas de travail polonais, respectivement, pour menacer des citoyens et leur confisquer et « déchirer » des visas. Les recherches ministérielles n'ont clairement pas permis non plus de donner un quelconque poids à vos dires et il est incontestable que les autorités polonaises ne tolèreraient manifestement pas de telles pratiques sur leur territoire.

Le fait que vous n'avez nullement vécu les incidents mentionnés en Biélorussie au cours de l'année 2020 et que vous avez manifestement résidé et travaillé en Pologne est encore confirmé par le fait que vous avez introduit votre demande de protection internationale un jour avant que votre visa de travail polonais n'expire. Je constate que vous avez profité du temps maximal à votre disposition pour travailler sur le territoire Schengen avant d'introduire une demande de protection internationale pour pouvoir prolonger votre séjour.

Le fait que vous n'avez nullement vécu les incidents mentionnés en Biélorussie est encore confirmé par vos déclarations en rapport avec votre départ de la Biélorussie; départ qui aurait été officiel et qui se serait passé sans aucune contrainte, même pas en quittant le pays par un poste-frontière. Or, il s'avère qu'une personne qui serait comme vous le prétendez persécutée par les autorités biélorusses, respectivement qui serait accusée et en attente de son procès, ne se verrait manifestement pas accorder le droit de quitter le pays.

Au vu de ce qui précède, je conclus que votre vécu précédant votre arrivée au Luxembourg n'est nullement celui que vous voulez faire croire aux autorités luxembourgeoises et que vous n'avez manifestement pas vécu en Biélorussie tout au long de l'année 2020, mais bien en Pologne et surtout, que vous n'avez nullement vécu les problèmes mentionnés en Biélorussie.

Le constat que votre sincérité doit être réfutée, respectivement, que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités desquelles vous souhaitez vous faire octroyer une demande (sic) de protection internationale, est encore renforcé par d'autres incohérences et contradictions résultant de vos dires.

Ainsi, je note que vos déclarations en rapport avec le « décret numéro 3 » et les amendes que vous auriez dû payer ne sont pas compatibles avec votre prétendu vécu. En effet, ce décret touche en premier lieu les chômeurs et les personnes qui ont travaillé de façon non déclarée alors que selon vos dires, vous auriez été propriétaire de deux entreprises en Biélorussie, une dans le domaine de la publicité et une dans la construction : « Weißrussland steckt in einer Wirtschaftskrise, der Staat braucht dringend Geld und will es sich jetzt von den Ärmsten holen. Etwa von Arbeitslosen, aber auch von Künstlern oder freien Journalisten, die von ihrer Arbeit mehr schlecht als recht leben. Das entsprechende Gesetz stößt auf Zustimmung in der Bevölkerung, aber es gibt auch zunehmend Proteste. (…) Es verpflichtet alle, die gar nicht oder an weniger als 183 Tagen an der Finanzierung der staatlichen Ausgaben 7teilnehmen, sprich: keine Steuern zahlen, zur Entrichtung von 20 Basissätzen. Das Gesetz stößt auf Ablehnung und zum ersten Mal seit langem auf offenen Widerstand. Aber auch auf Zustimmung. Oppositionspolitiker, die in …… aus Protest Unterschriften sammelten, wurden von Rentnerinnen angepöbelt. „Arbeiten sollen sie gehen, anstatt Unterschriften zu sammeln!".

Weniger staatstreue Weißrussen fühlen sich an alte Zeiten erinnert und empören sich, denn das Gesetz trifft Arbeitslose und die Ärmsten der Armen. In ……, ……., ….. und zuletzt unter anderem in ….. fanden spontane, nicht von Parteien, sondern über das Internet koordinierte Demonstrationen mit Hunderten Teilnehmern statt.

De même, on peut encore noter que sur base de ce décret « Comme l'explique le magazine moscovite Profil, selon le Décret n° 3, baptisé par les médias "Décret sur le parasitisme", les personnes étant officiellement sans emploi depuis plus de six mois doivent s'acquitter d'une taxe annuelle d'environ 400 roubles biélorusses (environ 197 euros) afin de "compenser les dépenses sociales de l'État". Une amende de 50 dollars, jusqu'à quinze jours de prison et une condamnation à des travaux d'intérêt public sont prévus en cas de non-acquittement de la somme exigée. "Les autorités ont choisi un très mauvais moment pour promulguer un tel décret", estime le titre. En effet, selon les statistiques officielles, les revenus des citoyens ont baissé de 7,3 % en 2016, le salaire moyen s'élevant actuellement à près de 350 euros, et à 188 euros seulement en province. La population concernée par le décret englobe les chômeurs, une partie des retraités, un grand nombre d'écrivains et d'artistes, de jeunes parents, soit environ 470 000 personnes. Si les mouvements de protestation ont commencé à la mi-février, alors que le décret a été adopté en avril 2015, c'est que la date limite pour le versement de "l'impôt sur l'assistanat social" tombait le 20 février. ».

Il s'ensuit que vous n'auriez ou bien pas été touché par ce décret en tant que propriétaire de deux entreprises biélorusses, ou bien, vous auriez effectivement été obligé de payer des amendes liées à votre situation de chômeur de sorte que vous n'auriez donc clairement pas possédé le patrimoine mentionné, respectivement, exercé les travaux mentionnés en Biélorussie. Il peut d'autant plus être réfuté que vous ayez effectivement possédé ces entreprises du fait que vous prétendez qu'en Biélorussie la monnaie courante des paiements, voire, négociations serait le dollar. Vous prétendez en effet que vous auriez été payé « …..0.- dollars » pour les travaux effectués en Biélorussie et que vous auriez été en attente des « …….- dollars ». Or, hormis le fait que la monnaie courante utilisée en Biélorussie est bien le rouble biélorussien, il est évident que vous avez voulu ajouter des valeurs en « dollars » pour rendre votre récit plus dramatique, respectivement, pour le rendre plus intriguant.

Je note ensuite que l'histoire de cet agent du KGB qui vous propose une sorte de « deal » pour vous motiver à retirer la plainte ne fait pas de sens non plus. En effet, vos prétendus ennemis n'auraient justement rien à craindre des autorités et ne se sentiraient manifestement pas menacés par une plainte que vous auriez pu déposer. Bien au contraire, si le KGB avait réellement demandé que vous retiriez votre plainte et qu'en contrepartie vous seriez relâché, ça serait la preuve que vos ennemis auraient craint la réaction des autorités biélorusses face à votre dénonciation, respectivement, face à leur (sic) agissements et que vous auriez donc pu y trouver une solution à votre prétendu problème. Il ne fait par ailleurs aucun sens non plus que dans le cadre de ce « deal » vous ayez dû demander votre sœur de récupérer votre « Dokumentenpaket » pour le leur verser. En effet, étant donné que votre plainte aurait depuis longtemps été déposée, cela n'aurait absolument rien changé à votre affaire de leur donner un quelconque « Dokumentenpaket ».

En outre, je soulève que vous expliquez dans un premier temps avoir porté plainte contre (F) et avoir été emprisonné afin de vous obliger à retirer ladite plainte (p.7 du rapport 8d'entretien). Quelques pages plus loin, vous déclarez toutefois ne jamais avoir déposé une plainte par manque de temps puisque vous seriez la plupart du temps en déplacement professionnel (p.15 du rapport d'entretien).

Il n'est ensuite manifestement pas crédible non plus que vous ayez refusé de suivre les ordres des policiers qui seraient venus vous chercher à la maison. En effet, vous prétendez que des policiers « GUBOP » se seraient déplacés à votre domicile et vous auraient ordonné de les suivre au bureau pour un interrogatoire mais que vous auriez tout simplement refusé cela et que les policiers auraient accepté votre réaction en n'insistant plus de vous emmener.

Ensuite, vous prétendez d'abord avoir été forcé à signer des documents contentant (sic) vos déclarations déformées lors de votre arrestation en 2017. En revanche, je constate aussi que vous précisez que le KGB vous aurait obligé à signer les rapports d'interrogatoires mais qu'en fait vous auriez eu le droit de corriger ces rapports avant de les signer (p.14 du rapport d'entretien). Dans d'autres mots et sur base de vos déclarations, les agents du KGB se tiendraient donc soudainement aux lois en respectant votre droit de défense et en vous permettant même d'altérer les rapports « déformés » qu'ils auraient écrits sur vous.

Enfin, je soulève que les constats susmentionnés concernant votre manque de crédibilité manifeste ne sauraient pas être altérés par les documents que vous avez versés. Je note tout d'abord que vous ne versez aucune preuve d'un quelconque activisme en Biélorussie, ni d'une quelconque activité professionnelle en Biélorussie où vous posséderiez pourtant un « ……. » et une entreprise de …… (p.13 du rapport d'entretien). Vous n'avez pas non plus versé des quelconques copies en rapport avec ce « Dokumentenpaket » que vous auriez accumulé afin de soutenir votre plainte, tout en présentant une excuse pas crédible mais bien confortable pour justifier l'absence de toute preuve à vos dires « Ich habe meine Schwester (K) angerufen und sie gebeten, das Dokumentenpaket, welches ich fürs Gericht vorbereitet habe abzuholen und anschließend dem Mann zu überreichen, der von (L) geschickt wurde. Am gleichen Tag wurde ich aus der Untersuchungshaft entlassen. (L) teilte mir mit, dass sie trotzdem ein Auge auf mich haben werden und dass ich stets unter ihrer Kontrolle bleiben werde » (p.7 du rapport d'entretien).

Je note ensuite que vous êtes resté en défaut de verser une traduction conforme des documents en langue biélorusse, dans une des trois langues prévues par la loi. Ces documents ne sont du coup pas pris en considération dans l'examen de votre demande de protection internationale, alors que selon l'article 10 (5) de la Loi 2015, tout document rédigé dans une autre langue que l'allemand, le français ou l'anglais doit être accompagné d'une traduction dans une de ces langues. J'ajoute à toutes fins utiles qu'au vu de la prétendue fiche d'arrestation de 2017, la prétendue attestation de clôture de l'instruction et vos prétendues convocations reçues après votre départ, leur authenticité doit manifestement être mise en doute alors qu'elles ne portent même pas de cachet ou de signature.

Concernant vos attestations testimoniales, celles-ci ne sauraient manifestement pas non plus permettre de donner plus de poids à vos dires, respectivement, de faire oublier tous les éléments susmentionnés, alors qu'elles doivent être perçues comme des documents de pure complaisance, produits dans le but de rendre votre récit plus authentique. En outre, je soulève l'incompréhensibilité du pourquoi votre prétendu ami en Pologne, pour corroborer vos dires, déciderait de verser aux autorités luxembourgeoises une copie de son tampon d'entrée à …..

en Pologne le 27 juillet 2020 et d'un tampon de sortie de la Pologne, toujours à ….., près de la frontière ukrainienne, le 24 décembre 2020. Force est de constater que ceci prouverait plutôt 9qu'il aurait donc comme vous, travaillé pendant des mois en Pologne avant de continuer son trajet vers un autre pays.

Finalement, je constate que les photos versées témoignent uniquement votre seule rencontre de l'oppositionnelle (J), qui est venue au Luxembourg dans le cadre d'un acte qui aurait été organisé en juin 2021 par la communauté biélorusse du Luxembourg et dont vous avez profité pour prendre un « selfie » avec elle. Ces photos ne permettent évidemment pas de retenir comme avérés un quelconque de vos mots concernant votre activisme et votre participation à des manifestations en Biélorussie, voire, votre appartenance à l'« opposition » et votre soutien de « unsere Kandidaten » dont vous restez justement en défaut de verser une quelconque preuve. Par ailleurs, vous ne faites pas non plus part d'une quelconque précision concernant votre adhésion à un quelconque mouvement politique, ni à une idéologie politique.

Vous parlez uniquement de façon totalement vague de votre prétendue participation à des manifestations et de votre soutien de « unsere Kandidaten » sans pour autant les nommer.

Au vu des éléments qui précèdent et du manque de crédibilité général retenu, il ne saurait clairement pas être exclu que des seuls motifs économiques et de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale; demande que vous étoffez avec des éléments inventés de toute pièce pour rendre votre vécu plus dramatique, vous faire passer comme un véritable opposant ou manifestant contre le régime en Biélorussie et ainsi augmenter les probabilités de vous faire reconnaître une protection internationale et de pouvoir vous installer de manière définitive en Europe de l'Ouest. Je rappelle d'ailleurs que vous aviez justement initialement prétendu auprès de la Police Judiciaire être venu au Luxembourg pour travailler.

Ce constat vaut d'autant plus au vu de votre prétendu départ officiel de votre pays d'origine ainsi que de la délivrance d'un visa de travail par les autorités polonaises, qui comme susmentionné, a expiré un jour avant que vous ne vous décidiez à venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. De plus, après votre prétendu départ de la Pologne, vous auriez d'abord préféré rendre visite à un ami en Allemagne, où vous avez du coup séjourné clandestinement pendant une période inconnue, avant de venir au Luxembourg.

Or, un tel comportement n'est nullement celui d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui aurait vraiment besoin d'une protection. En effet, on peut attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et ce, dans les plus brefs délais. De même, on doit pouvoir s'attendre à ce qu'une telle personne serait évidemment reconnaissante de pouvoir se réclamer de la protection dans ces pays ; un constat qui vaut d'autant plus que les véritables activistes et oppositionnels qui se sont vus contraints de quitter la Biélorussie ou qui y sont recherchés ont justement trouvé dans la Pologne une terre d'accueil.

Or, ce n'est qu'après votre arrivée au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapport aux autres pays européens, que vous avez choisi de vous réinstaller dans ce pays par le biais de l'introduction d'une nouvelle demande de protection internationale. Or, un tel comportement ne correspond pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d'une protection internationale et qui aurait forcément été reconnaissante de pouvoir profiter de la protection des pays visités, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.

10Des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi d'une protection internationale alors qu'ils ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 ou le risque de subir une atteinte grave.

Au vu de tout ce qui précède et du manque de crédibilité retenu, aucune protection internationale ne vous est accordée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 17 janvier 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 14 juin 2023, le tribunal administratif rejeta ce recours, pris en ses deux volets, comme non fondé.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, il réitère en substance l’exposé des faits, tel qu’il se dégage de sa requête introductive de première instance, et prétend remplir les conditions exigées par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître une mesure de protection internationale.

Il soutient ainsi avoir quitté son pays d’origine, la Biélorussie, en raison de ses craintes des autorités biélorusses avec lesquelles il serait à plusieurs reprises entré en conflit. En premier lieu, il aurait refusé de payer l’impôt visé par le « Dekret Nummer 3 » en relation avec deux sociétés qu’il avait créées en 2015, ce qui lui aurait valu des menaces de la part des autorités biélorusses. En second lieu, il aurait subi des pressions d’un agent du KGB afin qu’il ne dépose pas de plainte contre un dénommé « (F) », qui lui devait de l’argent pour des travaux. Dans ce même contexte, il aurait été placé en détention préventive et n’aurait été libéré qu’après avoir renoncé à déposer plainte et accepté de remettre son « Dokumentenpaket » qu’il aurait utilisé dans le cadre d’une affaire judiciaire. En troisième lieu, il affirme avoir soutenu l’opposante politique (J), par la récolte de signatures de soutien au mouvement d’opposition et par la participation à des manifestations contre le régime en place en 2020, lors desquelles il aurait été arrêté par des agents des unités « OMON » et « GUBOP » et qui l’auraient interrogé à son domicile en date du 1er octobre 2020, en l’intimidant par des menaces.

Il aurait par la suite quitté la Biélorussie à la fin de septembre 2020, sinon en début d’octobre 2020, pour se rendre en Pologne à l’aide de son visa polonais valable du 19 décembre 2019 au 12 novembre 2020. Arrivé en Pologne, il aurait néanmoins été retrouvé par des agents du KGB qui auraient arraché certaines pages de son passeport, et notamment celle sur laquelle aurait figuré ledit visa.

L’appelant affirme encore avoir reçu des convocations policières, respectivement judiciaires en relation avec sa participation à des manifestations en 2020 et déclare craindre une peine d’emprisonnement en cas de retour dans son pays d’origine.

En droit, l’appelant reproche en substance aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des faits de la cause et d’avoir remis en question la crédibilité de son récit.

11En se référant à l’article 37, paragraphe (3), sub a), de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir que la crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale ne s’apprécierait pas seulement au regard de sa situation personnelle, mais également au regard de la situation générale prévalant dans le pays d’origine, estimant que sa situation personnelle serait étroitement liée à la situation des droits de l’homme en Biélorussie.

A cet effet, il se prévaut de divers articles de presse et de rapports d’organisations internationales dont il cite des extraits et qui confirmeraient que la situation des droits de l’homme dans son pays d’origine serait préoccupante.

Quant à la crédibilité de son récit, l’appelant se prévaut de l’article 37, paragraphe (5), sub e), de la loi du 18 décembre 2015, dont il se dégagerait que le doute devrait profiter au demandeur de protection internationale, dès lors que son récit serait globalement crédible.

Il réitère ensuite les mêmes explications que celles qu’il a exposées en première instance pour invalider les doutes émis par le ministre quant à la crédibilité de son récit.

A cet égard, il réfute tout d’abord l’argumentation du ministre, suivant laquelle il n’aurait pas, en tant que propriétaire de deux entreprises biélorusses, été concerné par le « décret numéro 3 » qui imposerait une taxe spéciale de 200 dollars aux personnes travaillant moins de six mois par an, en expliquant qu’en raison de ses déplacements à l’étranger, ses entreprises seraient restées inactives pendant plus de six mois, de sorte qu’il n’aurait disposé d’aucun revenu durant cette période. Il précise, dans ce contexte, que contrairement aux affirmations ministérielles, bien que la monnaie utilisée en Biélorussie soit le rouble biélorusse, il aurait spontanément utilisé comme devise celle du dollar qui serait mieux comprise à l’Occident que celle du rouble biélorusse.

En ce qui concerne le reproche du ministre lié à son arrangement avec le service secret biélorusse KGB, l’appelant explique que cet arrangement trouverait un sens, dans la mesure où il aurait renoncé à porter plainte contre « (F) » qui lui devrait la somme de ….. dollars pour des travaux exécutés à son profit, et qu’en contrepartie, le KGB aurait renoncé à l’incarcérer du chef de coups et blessures portés à « (F) ». Concernant le « Dokumentenpaket » qu’il aurait dû remettre au KGB, l’appelant précise qu’il s’agissait d’éléments de preuve, en originaux, qui, une fois en possession du KGB, garantiraient que l’action civile qu’il avait voulu introduire contre « (F) » n’aurait plus aucune chance d’aboutir.

S’agissant des incohérences soulevées par le ministre en relation avec son interrogatoire à son domicile par des policiers de l’unité « GUBOP », l’appelant fait valoir que, dans la mesure où aucun mandat d’amener, ni aucun autre document officiel ne lui aurait été remis, il aurait eu le droit de refuser l’ordre des policiers de les suivre au commissariat aux fins d’interrogatoire. Le fait que les policiers se seraient contentés de l’interroger à son domicile n’aurait rien de surprenant, puisqu’ils auraient saisi l’occasion pour y placer des stupéfiants.

En ce qui concerne l’incohérence soulevée par le ministre suivant laquelle il aurait été forcé de signer des documents contenant ses déclarations, tout en ayant eu le droit de les corriger avant de les signer, il précise que les modifications qui lui auraient été permises n’auraient été que marginales.

Concernant ensuite le reproche du ministre d’avoir affirmé, dans un premier temps, avoir porté plainte contre « (F) » et avoir été emprisonné afin d’être obligé de retirer la plainte 12déposée, puis d’avoir déclaré, dans un deuxième temps, ne pas avoir déposé de plainte par manque de temps, l’appelant précise qu’il n’aurait jamais porté plainte contre « (F) » et que son emprisonnement s’expliquerait par la volonté des agents du KGB de le faire renoncer au dépôt d’une telle plainte.

Quant au reproche du ministre relatif à l’absence d’éléments de preuve, l’appelant, se prévaut d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 22 novembre 2012, « M.M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform », C-277/11, pour soutenir que s’il est de principe que la charge de la preuve incombe au demandeur de protection internationale, l’Etat membre en charge de l’examen de la demande de protection internationale devrait néanmoins activement coopérer avec le demandeur de protection internationale pour permettre la réunion de l'ensemble des éléments de nature à étayer sa demande. A ce sujet, la CJUE renverrait à l'article 8, paragraphe 2, point b), de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, dite « directive procédures », non encore révisé, selon lequel les Etats membres devraient veiller à ce que des informations précises et actualisées soient obtenues sur la situation générale existante dans les pays d’origine des demandeurs de protection internationale et dans les pays par lesquels ils auraient transité, le tout dans un souci de préserver le principe de l’égalité des armes, les droits de la défense et le droit à une protection effective.

Il faudrait également tenir compte de la vulnérabilité du demandeur de protection internationale et des difficultés pratiques et psychologiques auxquelles il pourrait être confronté lorsqu'il s'agit d’établir un risque et de réunir des preuves. Or, dans ce contexte, la vulnérabilité inhérente au statut de demandeur de protection internationale aurait été mise en exergue par la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après dénommée « la CourEDH », dans deux arrêts relatifs à l'accès effectif des demandeurs de protection internationale aux procédures de détermination, à savoir les affaires M.S.S. c/ Belgique ou encore l'arrêt Hirsi c/ Italie.

L’appelant en déduit qu’au vu de la situation actuelle en Biélorussie et au vu des éléments de preuve présentés par lui, il aurait prouvé à suffisance son activisme politique et les difficultés auxquelles il aurait été confronté dans son pays d’origine.

Il renvoie ensuite aux documents qu’il a versés en cause, dont une traduction officielle aurait également été produite.

Il ajoute par ailleurs que ce serait à tort que le ministre aurait considéré que le visa polonais de son ami rencontré en Pologne, tout comme l’attestation testimoniale de celui-ci, prouveraient qu’il aurait, comme son ami, travaillé pendant des mois en Pologne avant de continuer son trajet vers un autre pays.

En tout état de cause, les faits essentiels à la base de sa demande de protection internationale concerneraient sa participation aux manifestations d’août 2020, ainsi que son interrogatoire ultérieur par des policiers à son domicile, faits qui seraient suffisamment établis par les pièces versées en cause.

Il en conclut que son récit devrait être considéré comme étant globalement cohérent, crédible et corroboré par les documents versés en cause.

Il ajoute qu’aucune conclusion ne pourrait être tirée à partir de la confusion créée au sujet de la date de départ de son pays d'origine, tout en signalant que son état de santé mentale 13aurait nécessité un suivi psychologique et psychiatrique à son arrivée au Luxembourg en raison des menaces et violences qu’il aurait subies.

S’agissant du reproche de ne pas avoir sollicité de protection internationale en Pologne ou en Allemagne, l’appelant affirme qu’il n’aurait pas pu rester en Pologne puisque des agents du KGB l’y auraient retrouvé et qu’il n’aurait fait que transiter par l’Allemagne pour venir au Luxembourg, même s’il avait, à cette occasion, rendu visite à un ami qui habite en Allemagne.

En ce qui concerne les incohérences soulevées par le ministre par rapport à son prétendu manque de collaboration avec la police judiciaire, il insiste sur le fait qu’il n’aurait, contrairement à ce qui a été retenu dans le rapport de police, jamais affirmé qu’il aurait perdu son passeport, mais qu’il n’aurait pas pu le donner spontanément aux agents de police, dans la mesure où il était mélangé à ses affaires personnelles dans son sac.

L’appelant se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2019 (n° 41029 du rôle), pour soutenir que la décision déférée, par laquelle le ministre a rejeté sa demande de protection internationale en raison du manque de crédibilité de son récit sans procéder à une analyse au fond des conditions d’octroi d’une protection internationale, méconnaîtrait l’article 37, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015. Il en conclut que les premiers juges auraient dû annuler la décision litigieuse et renvoyer le dossier au ministre pour que celui-ci statue au fond.

En dernier lieu, par rapport plus particulièrement aux motifs du jugement entrepris, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir remis en question la valeur probante des pièces qu’il a produites, et notamment celle de la convocation devant le « Tribunal du district de …… de la ville de ……. » ainsi que celle devant le « ….. », en faisant valoir que les premiers juges ne pourraient pas écarter ces pièces pour manque d’authenticité sans se livrer à la procédure de l’inscription en faux, tout en alléguant que l’absence de date et de cachet sur ces documents serait conforme aux usages dans son pays d'origine.

Concernant l’existence de lien entre les poursuites diligentées contre lui et sa participation à des manifestations, il fait valoir que ce lien serait plus que probable puisque ces manifestations seraient infiltrées par les autorités biélorusses qui n’hésiteraient pas à poursuivre de simples manifestants.

Il considère également comme excessif, eu égard aux difficultés auxquelles sont confrontés les réfugiés s’agissant de la charge de la preuve, le fait pour les premiers juges d’avoir exclu toute valeur probante aux photographies prises avec l’opposante biélorusse (J), le billet émis par la Croix-Rouge luxembourgeoise et les attestations testimoniales.

En conclusion, il sollicite, par réformation du jugement entrepris, l’annulation de la décision litigieuse et le renvoi du dossier devant le ministre.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

La Cour se doit tout d’abord de relever que l’appelant se borne à solliciter, par réformation du jugement entrepris, l’annulation de la décision rejetant sa demande de protection internationale, alors qu’un recours en réformation est ouvert contre les décisions de refus de la protection internationale, conformément aux termes de l’article 35 de la loi du 18 décembre 2015.

14La Cour rappelle à cet égard que dans le cadre de la compétence de pleine juridiction qu’elle exerce en la matière, elle est amenée à soumettre l’ensemble du litige à un nouvel examen et à se prononcer par un arrêt dont les motifs lui sont propres et qui se substitue intégralement à la décision contestée. La demande d’annulation à laquelle l’appelant se limite n’est pas de nature à changer ce cadre dans lequel l’appréciation de la Cour doit se mouvoir.

Ceci étant dit, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que » si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 », ledit article 48 énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi d’une protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

15La Cour constate que le fait que le ministre a limité son analyse à la question de la crédibilité du récit, sans examiner les conditions de fond d’octroi d’une protection internationale, n’est pas critiquable en soi, du moment que la conclusion tirée par le ministre quant à la crédibilité s’avère fondée, ce qui sera examiné ci-après.

Il s’ensuit que le reproche de l’appelant à l’adresse du ministre et des premiers juges de ne pas avoir examiné le bien-fondé des craintes invoquées au regard des conditions d’octroi d’une protection internationale est d’ores et déjà rejeté comme étant non fondé.

En l’espèce, l’appelant dit craindre d’être arrêté par les autorités biélorusses pour avoir refusé de payer des impôts, pour avoir porté ou voulu porter plainte contre un dénommé « (F) », qui lui devait de l’argent, et pour avoir participé à des manifestations en août 2020. Il affirme avoir été retrouvé en Pologne par des agents du KGB et avoir rencontré au Luxembourg l’opposante biélorusse (J).

Après analyse des déclarations faites par l’appelant au cours de ses entretiens, placés devant le contexte des informations générales disponibles sur son pays d’origine, la Cour est amenée à rejoindre globalement l’analyse du ministre, confirmée par les premiers juges, d’un défaut de crédibilité de son récit dans sa globalité.

En effet, la Cour constate que l’appelant fournit en appel les mêmes explications que celles présentées devant les premiers juges pour tenter de rétablir la crédibilité de son récit. Or, la Cour rejoint les premiers juges en leur analyse et conclusion qu’elle fait siennes que ces explications ne permettent pas de convaincre de la réalité et du sérieux des poursuites auxquelles l’appelant dit craindre être exposé en cas de retour dans son pays d'origine.

En ce qui concerne tout d’abord la confusion au sujet de la date de son départ de Biélorussie, si l’appelant tente d’expliquer l’indication de dates différentes par son « état de confusion mentale », il convient cependant de relever qu’il n’a pas fait état d’éventuels problèmes lors de ses entretiens auprès du ministère.

Quant aux déclarations contradictoires de l’appelant en relation avec son passeport, celui-ci ayant d’abord déclaré qu’il lui aurait été volé pour ensuite affirmer qu’il n’aurait pas su le retrouver parmi ses affaires, elles sont difficilement crédibles, dès lors que les pages avec le visa polonais ont été arrachées du passeport. L’explication avancée que ce seraient les agents du KGB qui auraient arraché ces pages en Pologne n’est guère convaincante. Il est en effet plus plausible, comme l’a soulevé le ministre, que l’appelant ait lui-même arraché ces pages pour cacher le fait qu’il a probablement séjourné et travaillé en Pologne.

De même, les déclarations de l’appelant, selon lesquelles il aurait été retrouvé en Pologne par des agents du KGB qui l’auraient agressé, est peu crédible, d’autant qu’il a pu sortir sans difficultés de Biélorussie.

En ce qui concerne les prétendus problèmes rencontrés avec le dénommé « (F) », les explications apportées par l’appelant pour minimiser les contradictions et invraisemblances dans ses déclarations ne convainquent pas non plus la Cour.

Quant à l’activisme politique de l’appelant et sa participation à des manifestations en août 2020, il est peu vraisemblable que s’il y avait réellement pris part qu’il aurait été dans le collimateur des autorités biélorusses, d’autant qu’il a déclaré avoir échappé aux autorités à chaque fois et qu’il a pu quitter son pays d'origine sans encombre. Quant au simple fait qu’il 16se soit fait prendre en photo avec l’opposante biélorusse (J) lors de la venue de celle-ci au Luxembourg en juin 2021, ceci n’est pas de nature à faire de lui une cible privilégiée de ses autorités nationales.

Quant aux prétendus ennuis de l’appelant en relation avec le dénommé « Décret numéro 3 », indépendamment de la véracité de ces problèmes, ceux-ci ne sauraient en tout état de cause pas justifier actuellement une demande de protection internationale.

La Cour n’est pas non plus convaincue par les explications de l’appelant en rapport avec la visite à son domicile de policiers qui auraient voulu l’emmener au commissariat, puis auraient accepté de l’interroger à son domicile devant son refus de les suivre, prétendument pour pouvoir y placer de la drogue, puis auraient tenté de lui extorquer de l’argent, sans l’emmener.

En ce qui concerne les différents documents versés en cause par l’appelant et leur valeur probante, les premiers juges ont relevé à bon droit que s’il n’appartient pas au juge administratif de qualifier ou non une pièce de faux, il lui revient par contre d’apprécier souverainement le caractère probant des documents produits devant lui.

Or, s’agissant des prétendues convocations devant le « Tribunal du district de ….de la ville de ……. », ainsi que celle devant le « …. », la Cour, à l’instar des premiers juges, est amenée à retenir que celles-ci ne permettent pas de corroborer les déclarations de l’appelant qu’il serait recherché par les autorités biélorusses, alors qu’elles sont dépourvues de tout sceau, date ou cachet garantissant leur authenticité et qu’il appert probable qu’elles aient été simplement fabriquées avec du matériel informatique. L’explication nullement étayée de l’appelant suivant laquelle il serait d’usage dans son pays d'origine que les convocations ne contiennent ni de date ni de cachet, outre d’être peu vraisemblable, reste à l’état de simple allégation.

Ensuite, le billet émis par une assistante sociale de la ………, sur lequel celle-ci a noté des « douleurs au bras, épaule et dos dues à la violence policière », n’est pas de nature à démontrer la participation de l’appelant à une manifestation en Biélorussie, respectivement qu’il aurait fait l’objet de violences de la part des autorités biélorusses, alors que ce billet repose sur les propres explications de l’appelant quant à l’origine de ses symptômes.

De même, le courrier du « Comité d’enquête de la République du Bélarus », à le supposer authentique, n’est pas de nature à énerver ce constat, si ce n’est que de prouver une cessation de poursuites pénales engagées à l’encontre de l’appelant Quant aux diverses attestations testimoniales versées en cause, dont il n’est par ailleurs pas possible de vérifier l’identité de leurs auteurs faute de document d’identité les accompagnant, la Cour n’est pas en mesure d’exclure qu’il s’agisse de témoignages de complaisance rédigés pour les besoins de la demande de protection internationale. Il en va de même en ce qui concerne le témoignage de la sœur de l’appelant, étant donné qu’il émane d’un membre proche de sa famille. Ces documents ne disposent ainsi pas d’une force probante suffisante telle qu’ils permettraient de restaurer la crédibilité du récit de l’appelant concernant les événements qu’il déclare avoir subis en Biélorussie ou en Pologne.

Enfin, la Cour rappelle que le bénéfice du doute ne saurait être accordé à un demandeur de protection internationale que si son récit paraît crédible. Ainsi, l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que le demandeur de protection internationale doit 17bénéficier du bénéfice du doute si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

La Cour estime que ces conditions ne sont pas remplies et qu’il n’y a dès lors pas lieu d’octroyer à l’appelant le bénéfice du doute.

Il suit de ce qui précède que la Cour, à l’instar du ministre et des premiers juges, arrive à la conclusion que le récit de l’appelant n’est pas crédible dans sa globalité et qu’il tente sciemment d’induire en erreur au sujet de son vécu.

Les craintes de persécution énoncées par l’appelant ne peuvent dès lors pas être tenues pour fondées au regard de l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 et c’est dès lors à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont refusé de lui reconnaître le statut de réfugié.

La Cour constate encore que l’appelant ne fonde pas sa demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur des faits différents de ceux qui sont exposés à l’appui de sa demande du statut de réfugié. Dans la mesure où il a été jugé, dans le cadre de l’examen de la demande du statut de réfugié, que ces faits manquent de crédibilité, il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements, qu’il existerait de motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant courrait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. En outre, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni a fortiori établi, et cela ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la situation en Biélorussie correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont également rejeté comme étant non fondée la demande de protection subsidiaire de l’appelant.

L’appelant sollicite encore l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale comme conséquence de l’annulation de la décision litigieuse portant rejet de la demande de protection internationale.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, l’appel dirigé contre le volet du jugement entrepris ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter comme non fondé.

L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

18reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 14 juin 2023;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. ……..

s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 octobre 2023 Le greffier de la Cour administrative 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49178C
Date de la décision : 24/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-10-24;49178c ?

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