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10/10/2023 | LUXEMBOURG | N°48988C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 octobre 2023, 48988C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 48988C ECLI:LU:CADM:2023:48988 Inscrit le 26 mai 2023

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Audience publique du 10 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 avril 2023 (n° 45563 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48988C du rôle, déposé au greffe de la Cour

administrative le 26 mai 2023 par Maître Lynn FRANK, avocat à la Cour, inscrite au tab...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 48988C ECLI:LU:CADM:2023:48988 Inscrit le 26 mai 2023

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Audience publique du 10 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 avril 2023 (n° 45563 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48988C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2023 par Maître Lynn FRANK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Irak), de son épouse, Madame (B), déclarant être née le … à … (Irak), agissant en leur noms personnels ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, (D), né le ….. à … (Irak), et (F), né le … à …, tous déclarant être de nationalité irakienne, demeurant ensemble à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement du 18 avril 2023 (n° 45563 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 janvier 2021 portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2023;

Vu l’avis de la Cour administrative du 29 juin 2023 autorisant les parties à prendre un mémoire supplémentaire par rapport à la question de la recevabilité de l’appel;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 21 août 2023 par Maître Lynn FRANK au nom des appelants;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2023;

1Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 3 octobre 2023.

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Le 26 juin 2020, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leurs enfants mineurs (F) et (D), ci-après désignés collectivement par « les consorts (A-B) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par une décision du 4 janvier 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile rejeta la demande de protection internationale des consorts (A-B), tout en leur enjoignant de quitter le territoire.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2021, les consorts (A-B) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 4 janvier 2021 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, tout en les condamnant aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2023, les consorts (A-B) ont relevé appel de ce jugement.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité ratione temporis de la requête d’appel au vu des dispositions de l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015. Il soutient que le jugement prononcé le 18 avril 2023 aurait été notifié au mandataire des appelants le 19 avril 2023, de sorte que le délai d’appel d’un mois prévu à l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aurait commencé à courir le 19 avril 2023 pour expirer le 19 mai 2023. L’appel n’ayant été déposé au greffe de la Cour administrative qu’en date du 26 mai 2023, il serait tardif et partant irrecevable.

Dans son mémoire supplémentaire déposé le 21 août 2023, le mandataire des appelants, Maître Lynn FRANK, soutient que le jugement entrepris ne lui aurait pas été valablement notifié, de sorte que le délai d’appel n’aurait pas commencé à courir. Il ressortirait de l’avis de réception de l’agent des postes que le pli de la notification du jugement entrepris aurait été accepté par « Etude FRANK COHRS BOCK » et non pas délivré au mandataire auprès duquel les parties ont élu domicile, tel que requis par l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015. Or, lors du passage de l’agent des postes, elle aurait été absente de l’étude.

Une personne non habilitée à réceptionner le courrier se serait permise de le réceptionner et de signer l’avis de réception sans y être autorisée et sans indiquer les données requises à son identification, en méconnaissance des dispositions de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 218 décembre 2015. Elle en conclut que le jugement ne lui aurait pas été valablement notifié, de sorte que le délai d’appel n’aurait pas commencé à courir et que l’appel devrait partant être déclaré recevable.

Le délégué du gouvernement rétorque que le jugement aurait été valablement notifié à Maître Lynn FRANK, en conformité avec les dispositions de l’article 34, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, dès lors que la lettre recommandée aurait été acceptée par une autre personne de l’étude « FRANK COHRS BOCK », cette possibilité étant prévue par la loi. Le seul fait que la personne ayant réceptionné le courrier n’aurait pas indiqué ses nom et prénom, mais uniquement le nom de l’étude d’avocat ne permettrait pas d’infirmer ce constat. Il serait en effet d’usage que le personnel administratif d’une étude d’avocat réceptionne les courriers et signe les avis de réception pour les avocats qui ne seraient pas toujours présents en leur étude. Le délégué ajoute que le mandataire des appelants aurait bien eu connaissance du jugement puisqu’il aurait interjeté appel.

Conformément à l’article 35, paragraphe (1), dernier alinéa, de la loi du 18 décembre 2015, l’appel doit être interjeté dans le délai d’un mois à compter de la notification par les soins du greffe, d’après la procédure prévue par l’article 34 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », loi applicable à défaut de dispositions spécifiques afférentes dans la loi du 18 décembre 2015.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 21 juin 1999, la notification s’opère par pli fermé et recommandé à la poste, accompagné d’un avis de réception, ce pli étant délivré aux mandataires auprès desquels les parties ont élu domicile.

Aux paragraphes 4 à 6, ledit article 34 distingue suivant trois séries d’hypothèses, celle où le destinataire accepte la lettre recommandée qui lui est remise par l’agent des postes (paragraphe 4), celle où la lettre recommandée a pu être remise par l’agent des postes à une personne se trouvant à l’adresse du destinataire (paragraphe 5) et enfin celle du paragraphe 6 où la notification n’a pas pu être faite suivant une des deux modalités décrites aux paragraphes 4 et 5 de l’article 34 précité.

L’article 34, paragraphe (5), de la loi du 21 juin 1999 dispose que : « Si l’agent des postes ne trouve pas le destinataire à l’adresse indiquée et qu’il résulte des constatations qu’il a faites que le destinataire demeure bien à cette adresse, le pli peut être remis à toute autre personne qui s’y trouve, à condition que celle-ci l’accepte, déclare ses nom, prénoms, qualité et adresse et donne récépissé. L’agent des postes en fait mention sur l’avis de réception qu’il envoie au greffe. Le pli ne peut être remis à un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quinze ans accomplis. La notification est réputée faite le jour de la remise de la lettre recommandée à la personne qui l’accepte ».

En l’espèce, il se dégage de l’avis de réception de l’entreprise POST Luxembourg, versé par le délégué du gouvernement à l’appui de son mémoire en réponse, que le jugement entrepris du 18 avril 2023 a été envoyé le même jour par lettre recommandée au mandataire des appelants et que l’envoi a été accepté par « Etude FRANK COHR BOCK » le 19 avril 2023, une personne non identifiée ayant signé l’avis.

Si l’avis de réception ne renseigne ni l’identité ni la qualité du signataire, il n’en reste pas moins que le mandataire des appelants ne conteste pas que le courrier contenant la 3notification du jugement entrepris a été réceptionné à son étude en son absence. Le fait que le mandataire des appelants a interjeté appel contre le jugement en question démontre encore à suffisance qu’il a été touché par la notification dudit jugement.

Dans la mesure où la personne qui a signé l’avis pour le compte de l’Etude FRANK COHRS BOCK n’a pas indiqué qu’elle n’était pas habilitée à réceptionner les courriers pour le compte des avocats de l’étude, il convient d’admettre que la personne qui a accepté la lettre recommandée de notification du jugement entrepris avait pouvoir pour ce faire sinon elle ne l’aurait pas fait. Il y a partant lieu de conclure que la notification du jugement entrepris est réputée faite à une personne de l’Etude FRANK COHRS BOCK qui a accepté l’envoi à la date du 19 avril 2023. Ce constat n’est point invalidé par l’affirmation du mandataire suivant laquelle une personne non habilitée à réceptionner le courrier se serait permise de le réceptionner, dès lors que cela relève de la sphère de l’organisation interne de l’étude du mandataire dont un éventuel dysfonctionnement lié à la réception des courriers ne saurait être opposé à la partie étatique.

En application de l’article 34, paragraphe (5), de la loi du 21 juin 1999, la notification du jugement est réputée faite le jour de la remise de la lettre recommandée à la personne qui l’accepte, soit en l’occurrence le 19 avril 2023.

Selon l’article 3, paragraphe 1er, de la Convention européenne sur la computation des délais, signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, les délais exprimés en jours, semaines, mois, années, courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit.

L’article 1258 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai ».

Le délai d’appel étant exprimé en mois, il y a lieu de prendre la date du 19 avril 2023, comme jour ayant fait courir le délai. Il s’ensuit que le délai pour interjeter appel, tel que prévu par l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, a commencé à courir le 19 avril 2023 à minuit pour expirer le 19 mai 2023 à minuit.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel introduit le 26 mai 2023 est tardif et en conséquence irrecevable.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel irrecevable pour cause de tardiveté;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

4 Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. ….

s. CAMPILL 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48988C
Date de la décision : 10/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-10-10;48988c ?

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