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05/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49005C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 05 octobre 2023, 49005C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49005C ECLI:LU:CADM:2023:49005 Inscrit le 2 juin 2023 Audience publique du 5 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 mai 2023 (n° 47910 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49005C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2023 par la société à responsabilité limitée WH Avocats SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au registre ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49005C ECLI:LU:CADM:2023:49005 Inscrit le 2 juin 2023 Audience publique du 5 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 mai 2023 (n° 47910 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49005C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2023 par la société à responsabilité limitée WH Avocats SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, dirigé contre le jugement rendu le 4 mai 2023 (n° 47910 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 août 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2023 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 21 septembre 2023.

Le 10 janvier 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 12015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Ses déclarations sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 1er avril 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 21 décembre 2021, un entretien complémentaire fut mené par un agent du ministère, suite à la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan.

Par décision du 9 août 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée.

La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 10 janvier 2020 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 janvier 2020, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 1er avril 2021 et le rapport d’entretien complémentaire du 21 décembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Avant tout progrès en cause, il convient de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 7 juin 2019 sous une autre identité, à savoir celle de (A), né le 15 avril 2001 alors qu’au Luxembourg vous déclarez vous nommer (A) et être né le 31 mars 1997. Vous avez quitté la Grèce, en direction du Luxembourg, sans avoir attendu l’issue de votre procédure de protection internationale y introduite. Vous expliquez que vous auriez seulement introduit une demande en Grèce alors que les autorités grecques « m’ont forcé. Ils m’ont dit que sans cela ils allaient me renvoyer » (p.5/14 de votre rapport d’entretien). Avant d’arriver au Luxembourg, vous seriez passé par l’Italie et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité afghane, d’ethnie Hazara, de confession musulmane chiite et vous indiquez avoir vécu à (a), dans le district de (b) situé dans la province 2de Samangan. Vous précisez que vos parents et votre fratrie vivraient toujours en Afghanistan, mais qu’ils auraient déménagé à (d) après votre départ.

Concernant vos craintes en cas de retour en Afghanistan, vous affirmez avoir peur d’être tué par les Taliban du fait qu’ils vous accuseraient d’avoir tué d’autres Taliban.

Quant aux événements qui se seraient déroulés dans votre pays d’origine avant votre départ, vous expliquez que dans votre village chacun aurait travaillé dans le charbon. En sus de votre scolarité, vous auriez régulièrement accompagné un chauffeur de camion à (c), pour y amener du charbon, afin d’apprendre le métier et également à conduire le camion. Vous relatez qu’au printemps 2018, les Taliban seraient arrivés dans votre région et auraient commencé à demander des commissions aux chauffeurs de camions. Au début, les villageois auraient coopéré, mais les Taliban auraient demandé de plus en plus d’argent, jusqu’à ce que la somme réclamée aurait atteint quasiment la moitié du bénéfice espéré.

Finalement, les chauffeurs de camions auraient refusé de payer les Taliban. Suite à ce refus, ces derniers auraient commencé à enlever les chauffeurs de camions et à demander des rançons avant de les relâcher. Vous précisez qu’un jour, lors d’un contrôle entre (c) et votre village, vous auriez, ensemble avec le chauffeur de camion et les passagers de trois autres camions, été enlevés. Vous auriez été détenu durant à peu près une semaine avant d’être libéré suite au paiement d’une rançon. Vous précisez que pendant cette semaine, les Taliban vous auraient uniquement frappé une seule fois.

Vous poursuivez qu’après votre retour à la maison, les habitants du village auraient mis en place un poste de sécurité géré par les « arbakis » afin d’empêcher les Taliban de s’approcher du village. Selon vos dires, les Taliban auraient attaqué ce poste de sécurité à plusieurs reprises, mais les arbakis auraient réussi à les repousser. Vous mentionnez que votre cousin ferait parti des arbakis et qu’un jour il vous aurait demandé de l’accompagner à une visite chez un dénommé (B).

Sans l’accord de votre père, vous auriez consenti de l’accompagner avec trois autres personnes.

Vous racontez qu’en route vers la maison de (B), vous auriez vu un accident. Votre cousin aurait décidé de changer de trajet afin de ne pas passer à côté de cet accident. Le soir, (B) vous aurait informé qu’il ne se serait pas agi d’un accident, mais que les Taliban auraient été attaqués et qu’il y aurait eu des morts.

Une semaine plus tard, alors que vous auriez rendu visite avec vos parents à un proche de la famille, votre père aurait été contacté par les barbes blanches de votre quartier qui l’auraient informé que les Taliban auraient attaqué le quartier et enlevé votre cousin. Votre père aurait également été prévenu que les Taliban vous rechercheraient, étant donné qu’ils vous accuseraient, vous et votre cousin, d’avoir tué d’autres Taliban lorsque vous vous seriez rendus chez (B). Vous précisez qu’après l’enlèvement de votre cousin, vous n’auriez plus eu de nouvelles de lui.

Monsieur, vous relatez que suite à cet appel, votre père aurait décidé que vous devriez quitter l’Afghanistan et vous aurait trouvé un passeur pour quitter le pays.

Vous ajoutez encore, qu’après votre départ, votre famille aurait reçu un courrier de la part des Taliban dans lequel il y aurait été fait mention qu’elle devrait vous amener auprès d’eux. Vous affirmez que personnellement vous n’auriez jamais vu cette lettre, mais que vos parents auraient décidé de quitter l’Afghanistan à cause de celle-ci. Vous précisez encore que votre famille se serait 3installée en Iran, mais qu’elle aurait été rapatriée en Afghanistan par les autorités iraniennes de sorte qu’elle aurait alors décidé de s’installer à (d).

Monsieur, vous mentionnez encore la situation sécuritaire précaire qui règnerait en Afghanistan et surtout à (d), et vous expliquez que personnellement vous n’auriez pas pu vous installer dans une autre région du fait que « les talibans sont partout dans les 34 provinces » (p.12/14 de votre rapport d’entretien).

Finalement, Monsieur, vous ajoutez que vous auriez peur d’être tué par les Taliban en raison de votre ethnie et de votre confession musulmane chiite, étant donné que « les hazaras ne sont pas considérés comme des musulmans par les pachtounes. Les talibans disent qu’il faut tuer les hazaras » (p.2/5 du rapport de votre entretien complémentaire).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez votre carte d’identité afghane (Tazkera) dont l’authenticité a été confirmée par l’Unité de Police à l’Aéroport.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Premièrement, vous indiquez que vous auriez quitté votre pays d’origine par peur d’être tué par les Taliban. Dans ce contexte, vous expliquez que vous, ainsi que plusieurs autres personnes de votre quartier, auriez été enlevés par les Taliban afin qu’une rançon leur soit payée.

Après votre libération, les habitants auraient mis en place un poste de sécurité géré par les arbakis, qui aurait à plusieurs reprises été attaqué par les Taliban, en vain. Vous mentionnez encore, que votre cousin aurait fait partie des arbakis, et que vous l’auriez accompagné visiter (B). Sur votre chemin, vous auriez vu un accident, et votre cousin aurait décidé de changer de 4trajet. Plus tard, vous auriez appris qu’il ne se serait pas agi d’un accident, mais que les Taliban auraient été attaqués et qu’il y aurait eu des morts. Vous et votre cousin seriez accusés par les Taliban d’avoir exécuté cette attaque. En guise de représailles, les Taliban auraient attaqué votre quartier et auraient enlevé votre cousin. Vous ajoutez que vous seriez sans nouvelles de ce dernier depuis son enlèvement.

Monsieur, force est de constater que les faits dont vous faites état sont dénués de tout lien avec les motifs prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou vos opinions politiques. En effet, il ressort clairement de vos propres dires que vous auriez été enlevé dans un but de lucre et que vous auriez peur des représailles des Taliban étant donné qu’ils vous accuseraient d’avoir tué d’autres Taliban.

Il s’ensuit que la première des trois conditions cumulatives pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié fait défaut en l’espèce.

Quant au prétendu enlèvement de votre cousin, il convient de noter qu’il s’agit en l’occurrence d’un fait non personnel pour lequel vous restez de surcroit en défaut de nous verser une quelconque preuve. Or, il convient de remarquer que des faits non personnels mais vécus par d’autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières.

Or, vous restez en défaut d’étayer un lien entre le vécu de votre cousin et des éléments liés à votre personne qui vous exposeraient à des actes similaires, surtout étant donné que vous ne pouvez que supposer qu’il aurait été enlevé par les Taliban au motif qu’il serait accusé d’avoir tué d’autres Taliban, sans néanmoins avoir de certitude quant à cette allégation qui reste ainsi une pure supposition de votre part. En effet, il est tout autant probable que votre cousin aurait été enlevé en raison de son appartenance aux arbakis qui auraient constamment été en conflit avec les Taliban. Ainsi, il convient de conclure que les craintes que vous exprimez sont purement hypothétiques. Or, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.

De plus, il ressort de vos dires que vous n’avez à aucun moment été personnellement menacé par les Taliban alors que vous vous bornez à faire état d’un appel téléphonique que votre père aurait prétendument reçu pour le prévenir que les Taliban vous rechercheraient, ainsi d’une prétendue lettre que vous n’auriez jamais vue dans laquelle il serait indiqué que vous seriez obligé de vous présenter aux Taliban.

On ne saurait dès lors conclure à l’existence dans votre chef d’une crainte fondée de persécution.

Deuxièmement, Monsieur, vous faites état de la situation sécuritaire précaire en Afghanistan et surtout à (d). Force est cependant de constater que vos propos sont très généraux, peu étayés et vagues. En effet, vous mentionnez seulement qu’« il n’y a pas de sécurité à (d), il y a toujours des kamikazes et des explosions » et que « les talibans sont partout dans les 34 provinces » 5(p.12/14 de votre rapport d’entretien) sans toutefois relater des craintes respectivement problèmes individuels et personnels. Il y a lieu de souligner qu’il ne ressort nullement de vos dires que votre vie serait menacée en particulier.

Ainsi, les craintes que vous exprimez constituent un sentiment général d’insécurité. Or, un simple sentiment d’insécurité ne saurait suffire pour établir dans votre chef l’existence d’une crainte fondée de persécution.

Troisièmement, vous indiquez craindre d’être tué par les Taliban en raison de votre appartenance à l’ethnie Hazara.

Dans ce contexte, vous expliquez que toutes les personnes d’ethnie Hazara seraient dans la ligne de mire des Taliban et qu’il n’y aurait nulle part de la sécurité en Afghanistan pour les Hazara.

Force est de constater que votre crainte d’être tué en Afghanistan à cause de votre confession musulmane chiite ou de votre ethnie Hazara relève du champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte est liée à votre religion respectivement à votre ethnie.

Or, il convient de constater que vous ne formulez aucune crainte concrète qui reposerait sur des faits ou éléments concrets et vous vous bornez à faire état de considérations générales et impersonnelles. Or, la seule appartenance à l’ethnie Hazara n’est pas suffisante pour se voir octroyer une protection internationale. Il ne s’aurait en effet pas être question de l’existence de persécutions généralisées et systématiques touchant toute la population Hazara, c’est-à-dire plus de 4 millions de personnes.

Ainsi, à défaut d’établir en quoi vous seriez personnellement à risque d’être persécuté en raison de votre appartenance ethnique, il convient de conclure que les craintes que vous exprimez sont purement hypothétiques et traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité. Or, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

6L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, et notamment que vous auriez peur soit d’être tué par les Taliban, soit de trouver la mort à cause de la situation sécuritaire précaire qui régnerait en Afghanistan. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risqueriez pas de devenir victime d’atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d’un retour dans votre pays d’origine.

En effet, il y a lieu de noter que vos craintes d’être tué par les Taliban, étant donné qu’ils vous accuseraient d’avoir tué d’autres Taliban, et ainsi de subir le même sort que votre cousin, ont été qualifiées de craintes purement hypothétiques. Il y a lieu de rappeler que vous ne pouvez que supposer que votre cousin aurait été enlevé par les Taliban au motif qu’il serait accusé d’avoir tué d’autres Taliban, sans néanmoins avoir de certitude quant à cette allégation qui reste ainsi une pure supposition de votre part. De plus, il ressort de vos dires que vous n’avez à aucun moment été personnellement menacé par les Taliban alors que vous vous bornez à faire état d’un appel téléphonique que votre père aurait prétendument reçu pour le prévenir que les Taliban vous rechercheraient, ainsi d’une prétendue lettre que vous n’auriez jamais vue dans laquelle il serait indiqué que vous seriez obligé de vous présenter aux Taliban. L’ensemble des éléments que vous mettez en avant ne repose sur aucun élément concret et n’ont trait qu’à des propos prétendument rapportés dont vous ignorer la teneur exacte.

En ce qui concerne la situation sécuritaire dans votre pays d’origine, il convient de souligner que le seul fait d’être originaire d’Afghanistan n’est à ce jour pas suffisant pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire sur base de l’article 48 sous c) de la Loi de 2015.

En effet, depuis la prise de pouvoir par les Taliban, on ne saurait plus à l’heure actuelle parler en Afghanistan de conflit armé généralisé et caractérisé par des violences aveugles d’une gravité telle que chaque individu y risquerait sa vie, voire risquerait d’y subir des atteintes graves du fait de sa seule présence sur ledit territoire. Il résulte de l’instruction et des sources publiques disponibles, notamment des rapports de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (anciennement EASO) sur la situation sécuritaire en Afghanistan publié en septembre 2021 et du rapport « Afghanistan Country Focus » publié en janvier 2022, que, depuis le 16 août 2021, la victoire militaire des forces talibanes conjuguée à la désagrégation des autorités gouvernementales et de l’armée nationale afghane et au retrait des forces armées étrangères ont, pour l’essentiel, mis fin au conflit armé interne. Force est par ailleurs de constater que vos propos concernant vos craintes sont très généraux, peu étayés et vagues et que vous n’apportez pas le moindre élément concret pouvant établir que soyez personnellement à risque de subir une atteinte grave au sens de l’article 48 c) de la Loi de 2015.

7 Finalement, Monsieur, il convient de souligner qu’après avoir quitté la Grèce, en direction du Luxembourg, vous vous seriez rendu en Italie, et puis en France sans y introduire de demande de protection internationale. Ce tourisme de l’asile est de nature à mettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d’origine, alors qu’il est légitime d’attendre d’une personne se sentant réellement en danger qu’elle accepte la protection d’un pays dès qu’elle a l’occasion de le faire plutôt que de quitter le pays d’accueil en quête de nouvelles possibilités, faisant ainsi un usage abusif de la procédure de demande de protection internationale. Un tel comportement est incompatible avec un réel besoin de protection.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 9 août 2022 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par un jugement du 4 mai 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta Monsieur (A), tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2023, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre ce jugement.

Arguments des parties A l’appui de son appel et en fait, l’appelant expose être de nationalité afghane, de confession musulmane chiite et d’ethnie hazara et être originaire de (a) dans le district de (b) où les talibans auraient à plusieurs reprises procédé à l'enlèvement de chauffeurs de camion transportant du charbon dans le but d’obtenir une rançon.

Lui-même aurait, en tant que co-équipier d'un transporteur de charbon, fait l'objet d'un tel enlèvement, aurait été séquestré dans une grotte durant plus d'une semaine au cours de laquelle il aurait été frappé et n’aurait été libéré que contre paiement d'une rançon.

L’appelant explique que pour réagir à ces enlèvements, les habitants de son quartier auraient mis en place un poste de sécurité assuré par les « Arbakis », parmi lesquels aurait figuré son cousin.

Il poursuit que suite à un attentat mortel commis contre des talibans, et compte tenu de l’appartenance de son cousin aux Arbakis, une rumeur aurait commencé à courir sur une prétendue imputabilité de cet attentat à lui-même et à son cousin, rumeur qui serait parvenue aux oreilles des talibans.

8 Une semaine plus tard, son père aurait été informé de l'enlèvement de son cousin par les talibans, qui auraient également été à sa propre recherche au motif qu’ils leur attribuaient l'attentat mortel, ce qui aurait impliqué sa fuite du pays en été 2018. L’appelant ajoute que les talibans auraient encore envoyé une lettre à sa famille, lui enjoignant de le leur livrer.

Il donne à considérer que suite à la prise de pouvoir par les talibans en date du 15 août 2021, ses persécuteurs constitueraient de facto le gouvernement afghan, ayant à leur disposition des moyens de répression étendus à l'encontre de leurs opposants, tel lui-même.

Il expose avoir invoqué, à l'appui de sa demande, plusieurs motifs, à savoir (i) un risque de persécution par les talibans en raison de son travail de co-équipier d'un chauffeur de camion, (ii) son implication supposée par les talibans dans un attentat, (iii) son appartenance ethnique hazara et sa confession musulmane chiite et (iv) son occidentalisation.

Tout en admettant avoir relaté des faits non personnels, précisément l'enlèvement de son cousin par les talibans en raison de la supposée implication de celui-ci dans un attentat, l’appelant fait valoir qu’il aurait néanmoins établi un risque personnel réel d'être victime, à son tour, d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Loin de se baser sur des ouï-dires, il fait valoir que les réelles motivations des talibans vis-à-vis de son cousin respectivement vis-à-vis de lui-même seraient claires, tout en insistant sur une lettre reçue par son père après qu’il a quitté son pays d’origine et lui enjoignant de le livrer aux talibans.

Les premiers juges auraient dès lors de façon erronée retenu que les réelles motivations des talibans seraient inconnues, l’appelant soulignant que la menace aurait également été dirigée contre lui et ce sans considération de l'appartenance de son cousin aux Arbakis.

En ce qui concerne ses craintes en relation avec le fait qu’il est Hazara chiite, l’appelant se prévaut d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch de 2023, d’une prise de position de mars 2023 de la secrétaire générale d'Amnesty international et d’un rapport de I'UNCHR publié en février 2023 et en déduit que la situation y rapportée serait alarmante d'autant plus que les persécutions commises à l'encontre des Hazaras seraient exercées en toute impunité, étant donné que les autorités afghanes elles-mêmes seraient les auteurs desdites persécutions et que la peur d'un nouveau génocide serait revenue avec le retour des talibans.

Il fait en outre valoir qu’il correspondrait à un profil à risque de subir des persécutions de la part des talibans au regard du cumul des raisons invoquées à l'appui de sa demande de protection internationale.

Enfin, concernant les craintes tirées d’une occidentalisation, l’appelant fait état du fait que son séjour au Luxembourg remonterait au 10 janvier 2020, ce qui serait suffisant pour justifier sa crainte. Dans ce contexte, il réitère la référence à un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 26 mars 2021, invoqué en première instance.

Pour le surplus, l’appelant fait état d’une impossibilité d’obtenir une protection en Afghanistan, de l’existence de persécutions antérieures et de l’absence de bonnes raisons de penser que celles-ci ne se reproduiront pas en cas de retour en Afghanistan à défaut d’évolution positive depuis son départ de son pays et de l’absence de possibilité de fuite interne.

9 Il prend, par ailleurs, position par rapport à sa demande visant à obtenir une protection subsidiaire, en faisant valoir que le gouvernement des talibans se rendrait auteur d'exécutions aléatoires et impunies, de traitements inhumains et dégradants à l’égard de la population et de violences en masse.

Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

Analyse de la Cour La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

10 Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, la Cour constate que selon les explications fournies dans la requête d’appel, l’appelant fait état d’une crainte d’être victime de persécutions, voire d’atteintes graves de la part des talibans (i) en raison de son vécu dans le cadre de son travail de co-équipier d'un chauffeur de camion, (ii) en guise de représailles au motif que les talibans lui attribueraient un attentat mortel commis à leur encontre en 2018, (iii) son appartenance ethnique hazara et sa confession musulmane chiite et (iv) son occidentalisation alléguée en raison du temps entretemps passé hors de son pays d’origine.

La Cour est amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits et considérations ainsi invoqués par l’appelant ne justifient pas à suffisance l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire.

A cet égard, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse exhaustive faite par les premiers juges des motifs invoqués à la base de la demande de protection internationale par rapport aux conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire, et de la conclusion en tirée selon laquelle l’appelant ne fait pas état d’éléments suffisants permettant de justifier une crainte de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’il court en Afghanistan un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la même loi Les premiers juges ont plus particulièrement à juste titre retenu qu’à défaut d’être lié à un des critères de persécution énoncés dans la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance de l’appelant à un certain groupe social ou ses convictions politiques, mais étant motivé par un simple but financier, l’enlèvement de l’appelant par les talibans lorsqu’il était co-équipier d’un chauffeur de camion dans le but d’extorquer de l’argent ne saurait justifier 11l’octroi du statut de réfugié et que, par ailleurs, au vu du changement de régime opéré en août 2021 et à défaut d’élément fourni par l’appelant démontrant que les talibans continueraient à enlever des personnes pour réclamer des rançons, ses craintes de faire l’objet à nouveau d’un tel enlèvement relèvent de l’hypothétique, de sorte à ne pas pouvoir justifier l’octroi d’une protection subsidiaire.

Ils ont pareillement retenu à bon escient que les craintes de l’appelant en relation avec l’enlèvement de son cousin et une supposée vengeance des talibans à la suite d’un attentat ayant eu lieu en 2018 ne justifient pas non plus l’octroi du statut de réfugié, ni celui conféré par la protection subsidiaire dans son chef, étant donné que ces craintes reposent sur de simples suppositions en ce qui concerne la motivation des talibans, respectivement sur des faits non personnels, à savoir le vécu de son cousin, qui se trouvait à l’époque dans une situation différente par rapports aux talibans en sa qualité de membre des Arbakis défendant le village contre les talibans et en tant que tel nécessairement plus exposé et, de plus, davantage dans le viseur en tant que membre plus haut gradé de cette milice1. La seule lettre qu’aurait reçue le père de l’appelant suite à sa fuite du pays, sur laquelle ce dernier insiste à l’appui de son appel, face à l’incertitude demeurant quant aux raisons de l’enlèvement de son cousin et quant au lien entre le sort de son cousin et son propre sort, est insuffisante pour justifier ses craintes d’être, à son tour en Afghanistan, victime de persécutions ou d’atteintes graves de la part des talibans en guise de représailles à la suite d’un attentat, et ce d’autant plus au regard du temps qui s’est entretemps écoulé depuis cet attentat ayant eu lieu en 2018. A cet égard, la Cour relève encore que, selon les explications de l’appelant, sa famille a quitté son village d’origine et vit dorénavant à (d), sans que son père n’ait reçu une quelconque menace ou n’ait fait l’objet d’un quelconque indicent qui puisse être mis en relation avec l’attenant ayant eu lieu en 2018 dans son village d’origine.

En ce qui concerne les craintes de persécutions ou d’atteintes graves de la part des talibans en tant qu’Hazara chiite, les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur la jurisprudence de la Cour par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan2, ayant retenu que s’il se dégage certes des sources à sa disposition que les membres de l’ethnie hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements de la part des talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations lui soumis que les Hazara feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite. Tel que déjà retenu par la Cour dans ses arrêts des 19 mai 2022 (n° 46363C du rôle) et 30 juin 2022 (n° 46108C du rôle), les attaques menées contre les Hazara sont pour la plupart l’œuvre du groupe Etat islamique du Khorosan (ISKP) et visent surtout les lieux de culte chiites respectivement des civils Hazara en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays, constat qui est aussi confirmé par les rapports produits par l’appelant3.

La Cour a encore retenu dans un arrêt du 21 février 2023, n° 48083C, qu’un rapport « EUAA Country Guidance : Afghanistan » d’avril 2022 recommande de vérifier si la personne 1 Cf rapport d’entretien page 6 (« il n’était pas commandant, mais avait des personnes sous ses ordres ») ; page 10 du rapport d’entretien (« mon cousin avait fait la guerre et en tant que commandant il avait de l’expérience »).

2 Cour adm., 9 mars 2023, n° 48007C, Cour adm. 21 février 2023, n° 47976C du rôle, 25 avril 2023, n° 48052C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

3 Rapport Human Rights Watch 2023 et publication d’Amnesty International de 2022, produites par l’appelant.

12concernée hazara présente d’autres éléments qui permettraient de conclure qu’elle correspond à un profil plus à risque que d’autres4.

Il s’ensuit que le seul fait d’être hazara de confession chiite n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.

Cette conclusion n’est pas invalidée par les sources d’informations additionnelles invoquées par l’appelant en instance d’appel. En effet, s’il est certes vrai que certaines publications évoquent un sérieux risque de génocide des Hazaras chiites en Afghanistan, il n’en demeure pas moins que la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir que la situation actuelle puisse être qualifiée de telle. Certes encore, la « Guidance note on the international protection needs op people fleeing Afghanistan » publiée par le UNHCR en février 2023 énumère parmi les profils avec un besoin de protection accru, entre autres, les membres de minorités religieuses et ethniques, et mentionne en l’occurrence les Hazaras. Cette énumération ne permet toutefois pas de retenir qu’une protection internationale doit ipso facto être accordée à un demandeur de protection internationale correspondant à ce profil, mais il convient en tout état de cause d’examiner les circonstances de l’espèce.

S’agissant de la question de l’existence, en l’espèce, d’autres éléments personnels qui permettraient de conclure que l’appelant encourt individuellement un risque de persécution en tant que membre de la minorité ethnique et religieuse hazara chiite, la Cour est amenée à conclure qu’au regard de ce qu’elle vient de retenir par rapport au vécu personnel de l’appelant - son enlèvement ayant été motivé par des mobiles financiers et n’ayant pas particulièrement visé la personne de l’appelant et les craintes de celui-ci d’une vengeance des talibans en raison d’un attentat qui lui serait attribué à tort étant purement hypothétiques - que les motifs invoqués par celui-ci ne permettant pas de retenir qu’en cas de retour en Afghanistan, où il rejoindrait sa famille habitant désormais à (d), il se trouverait particulièrement dans le viseur des talibans de sa région d’origine que ce soit en relation avec son enlèvement ou que ce soit en relation avec un attentat contre les talibans de son village d’origine ayant eu lieu en 2018.

Concernant la prétendue « occidentalisation » de l’appelant, la Cour partage encore l’appréciation des premiers juges selon laquelle celui-ci reste en défaut d’expliquer les raisons concrètes qui pourraient conduire les talibans à le persécuter du seul fait d’avoir vécu quelques années en Europe, les craintes afférentes ne traduisant dès lors qu’un vague sentiment d’insécurité.

En outre, le séjour de l’appelant au Luxembourg et sa prétendue « occidentalisation » conséquente, faute de preuve d’une adoption visible d’un mode de vie occidental impliquant un risque personnel de persécution en cas de retour en Afghanistan, n’apparaissent pas plus de nature à justifier la reconnaissance d’une protection internationale.

Il s’ensuit que l’appelant n’avance pas suffisamment d’éléments permettant de retenir qu’il risque de subir des persécutions en cas de retour en Afghanistan ou encore des atteintes graves au sens de l’article 48, sub a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Afghanistan, la Cour n’est pas saisi d’éléments permettant de conclure à l’existence d’une situation de conflit 4 Cf aussi Cour adm. 9 mars 2023, n° 48007C du rôle.

13interne au sens de l’article 48, sub c), de la loi du 18 décembre 2015, la conclusion des premiers juges étant également à confirmer sur ce point.

A cet égard, la Cour relève encore que les rapports produits en cause ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, sub c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’il serait personnellement exposé, en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour en Afghanistan, il courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que les faits relatés par l’appelant ne permettaient pas l’octroi d’une protection internationale dans son chef et par suite rejeté le recours pour ne pas être fondé.

L’appelant sollicite encore, par réformation du jugement entrepris, la réformation de l’ordre de quitter le territoire, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant - statut de réfugié et protection subsidiaire -

et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.

En ordre subsidiaire, l’appelant soutient que la décision litigieuse serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Ce moyen est cependant à rejeter comme inopérant, étant donné qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1), de la loi précitée du 29 août 2008, les dispositions de cette loi ne sont pas applicables aux demandeurs de protection internationale.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 4 mai 2023 ;

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

14 condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier ….

s. … s. CAMPILL 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49005C
Date de la décision : 05/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-10-05;49005c ?

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