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28/09/2023 | LUXEMBOURG | N°98/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 septembre 2023, 98/23


N° 98 / 2023 du 28.09.2023 Numéro CAS-2022-00074 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit septembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la BANQUE CENTRALE DE LA REPUBLIQUE A), organisme public, représentée par le représe

ntant légal ou statutaire, établie à

____, demanderesse en cassation, comparant par...

N° 98 / 2023 du 28.09.2023 Numéro CAS-2022-00074 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit septembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la BANQUE CENTRALE DE LA REPUBLIQUE A), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

____, demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, et I. les personnes suivantes à titre de parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 agissant en leur nom personnel :

1) - 162) II. les mêmes parties que sub I en tant que représentants et/ou héritiers des successions (estates) des victimes décédées lors des prédits attentats du 11 septembre 2001, à savoir :

163) – 189), III. les personnes suivantes agissant en tant que représentants des parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats précités :

190) – 201), défendeurs en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 202) la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-, représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour, 203) la République d’A), représentée par le Ministre des Affaires étrangères, PERSONNE202.), Ministère des Affaires étrangères, établi à

___, 204) PERSONNE203.), ancien Président de la République d’A), sans état connu, représenté par Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, PERSONNE202.), Ministère des Affaires étrangères, demeurant à

____, 205) le Ministère A) de l’Information et de la Sécurité, représenté par Monsieur le ministre des Affaires étrangères, PERSONNE202.), Ministère des Affaires étrangères, établi à

____, 206) le Corps des Gardiens de A), organisation politique, représentée par Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, PERSONNE202.), Ministère des Affaires étrangères, établi à

____, 207) le Ministère A) du Pétrole, organisme public, représenté par le représentant légal ou statutaire, établi à

___, 208) le Ministère A) des Affaires Economiques et des Finances, organisme public, représenté par le Ministre, établi à

___, 209) le Ministère A) du Commerce, organisme public, représenté par le Ministre, établi à

___, 210) le Ministère A) de la Défense et de la Logistique des Forces Armées, représenté par le Ministre, établi

___, 211) la SOCIETE2.), société commerciale, enregistrée auprès du Registre de commerce de __, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

____, 212) la Société Nationale A) des Pétroliers, organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

_____ , 213) la Société Nationale de Gaz A), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

_____, 214) la Compagnie aérienne d’A), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

__________, 215) la Compagnie Nationale A) Pétrochimique, organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à

_______, défendeurs en cassation.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 77/21-VII-REF, rendu le 27 avril 2022 sous le numéro CAL-2020-00544 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 juillet 2022 par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) (ci-après « la BANQUE CENTRALE D’A)») aux défendeurs en cassation sub 1) à 215), déposé le 15 juillet 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 septembre 2022 par les défendeurs en cassation sub 1) à 201) à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et aux défendeurs en cassation sub 202) à 215), déposé le 13 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) avait saisi le juge des référés du tribunal d’arrondissement de Luxembourg aux fins de voir constater l’illégalité de la saisie-arrêt pratiquée à son détriment le 27 mars 2020 entre les mains de la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) » ) par des parents et/ou héritiers de victimes décédées lors des attentats de New York du 11 septembre 2001, agissant soit en leur nom personnel, soit en tant que représentants et/ou héritiers des successions desdites victimes, pour avoir sûreté et paiement de montants leur revenant en vertu d’un arrêt rendu par défaut le 26 février 2018 par la « United District Court Southern District of New York » et en voir ordonner la mainlevée principalement sur base de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, sinon de l’article 932, alinéa 1, du même code. Le juge des référés avait déclaré irrecevable la saisie-arrêt et partant ordonné sa mainlevée.

La Cour d’appel a, par réformation, dit l’appel des défendeurs en cassation fondé, dit irrecevables les demandes de la demanderesse en cassation en mainlevée de la saisie-arrêt en ce qu’elles prennent appui sur une violation de l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres (ci-après « la loi modifiée du 10 novembre 2009 » ) et de l’impossibilité de saisir les fonds de tiers, et non fondée celle en mainlevée de la saisie-arrêt en ce qu’elle prend appui sur une violation de l’article 20 de la loi du 1er août 2001 concernant la circulation de titres (ci-après « la loi du 1er août 2001 »).

Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation sub 1) à 201 soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la demanderesse en cassation, ayant notamment dit viser la partie du dispositif de l’arrêt attaqué rejetant la demande en mainlevée de la saisie-arrêt pour violation de l’article 20 de la loi du 1er août 2001, ne formule aucun moyen de cassation y afférent.

Aux termes de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, « la partie demanderesse devra, sous peine d’irrecevabilité, (…) déposer (…) un mémoire (…) lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ou du jugement (…). La désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé des moyens ou des conclusions. ».

En ce que ledit article ne soumet pas la recevabilité du pourvoi à la condition que la disposition attaquée fasse spécifiquement l’objet d’un moyen de cassation, l’exception d’irrecevabilité du pourvoi est à rejeter.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, par défaut de réponse, de l’article 89 de la Constitution suivant lequel , En ce que l’arrêt attaqué s’est départi d’une interprétation constante de l’article 111 (5) de la Loi de 2009 par la jurisprudence, sans en donner une motivation, ni qualifier une différence entre l’affaire attaquée et les précédentes décisions sur les mêmes circonstances, Aux motifs que La Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour. » Alors que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) ayant opposé, tel que cela ressort de sa note de plaidoirie en date du 18 mars 2022, que l’affaire dite X) étant identique à l’affaire dite Y) ayant donné lieu à l’arrêt n°49/20-

VII-REF du 1er avril 2020 (et à l’arrêt rendu par la Cour de cassation n°87/2021 du 20 mai 2021), il n’y avait pas lieu de se départir de cette jurisprudence, il appartenait à la Cour d’appel de répondre à ce moyen, ce qu’elle n’a pas fait. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, le moyen vise le défaut de réponse à conclusions qui constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « La première question à toiser est celle de savoir si l’insaisissabilité instaurée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée du 2009 constitue une insaisissabilité générale et absolue, tel que soutenu par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et la société SOCIETE1.) en invoquant des arrêts antérieurement rendus par la Cour d’appel, ou si cette insaisissabilité n’est que relative, tel que soutenu par les PARTIES APPELANTES et doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas. », en constatant « L’arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2021 n’a pas fourni de réponse à cette question, le moyen afférent (3e moyen de cassation) ayant été déclaré irrecevable, y compris les deux questions préjudicielles (première et troisième question) que les PARTIES APPELANTES se proposent dans ce cadre de déférer à la CJUE, celles y introduisant dans les débats un cas d’ouverture de cassation non énoncé dans le moyen de cassation… », en disant, tel que reproduit au moyen, qu’ils ne partageaient pas l’interprétation donnée de l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 par des décisions antérieures attribuant à l’insaisissabilité y prévue un caractère absolu et général, et en argumentant « Il faut d’abord constater que cette qualification est emprunte à une contribution publiée dans un ouvrage de 2004 (P. Mousel et F. Fayot, La circulation des titres, in Droit bancaire et financier au Luxembourg, 2004, page 1319) qui utilise cette expression dans un contexte purement descriptif sans la mettre en perspective avec les implications qu’une telle qualification peut emporter.

Il faut ensuite constater avec la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la problématique s’inscrit dans l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour en tirer toutefois une conclusion différente. En énonçant que , cette disposition légale consacre le principe de la saisissabilité des avoirs. Ce principe de saisissabilité résulte encore des articles 2092 et 2093 du Code civil qui consacrent le principe du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs. Tout débiteur répond de ses dettes sur son patrimoine, ce qui implique en retour que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur. Ce droit découle encore nécessairement de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit d’accès au juge qui s’étend, notamment à la suite de l’arrêt Z) (CEDH, arrêt PERSONNE251.) /c. Grèce, 19 mars 1997, requête n° 18357/91), au droit à l’exécution des décisions judiciaires.

Face à ce principe du droit de suite et de saisissabilité des avoirs du débiteur, l’insaisissabilité constitue nécessairement une exception, dont il résulte que toute insaisissabilité, en tant qu’exception au principe général, doit recevoir une interprétation stricte.

Finalement, il résulte des propres conditions générales et de la pratique de la société SOCIETE1.) que l’insaisissabilité dont elle se prévaut n’est pas de nature absolue et générale. Elle admet qu’il puisse y être porté atteinte par des mesures internationales, événement qui s’est réalisé dans la présente espèce, et par des mesures de droit pénal.

Il résulte de ce qui précède que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique et qu’elle peut tout aussi bien sur base d’arguments forts et plausibles, être qualifiée de relative et ne prendre effet que pour autant qu’une mesure de saisie est de nature à affecter un compte de règlement », les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 1350 du Code civil, En ce que l’arrêt attaqué s’est départi de la jurisprudence constante relative à l’article 111 (5) de la Loi de 2009, Aux motifs que La Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour. » Alors que l’affaire dite X) étant identique à l’affaire dite Y) ayant donné lieu à l’arrêt n°49/20-VII-REF du 1er avril 2020 (et à l’arrêt rendu par la Cour de cassation n°87/2021 du 20 mai 2021) il appartenait à la Cour d’appel, en vertu de l’article 1350 du code civil, de tenir compte de l’autorité, même simplement relative, de cette décision. ».

Réponse de la Cour Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau code de procédure civile qui dispose que :

le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne aux termes duquel :

ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. » de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme consacrée au droit à un procès équitable aux termes duquel :

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » et au regard de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme consacrée au droit à un recours effectif aux termes duquel :

Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » En ce que l’arrêt attaqué a déclaré que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111 (5) de la Loi de 2009 , Aux motifs que Il faut ensuite constater avec la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la problématique s’inscrit dans l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour en tirer toutefois une conclusion différente. En énonçant que "Seront insaisissables : 1° les choses déclarées insaisissables par la loi ; …", cette disposition légale consacre le principe de la saisissabilité des avoirs.

Ce principe de saisissabilité résulte encore des articles 2092 et 2093 du Code civil qui consacrent le principe du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs. Tout débiteur répond de ses dettes sur son patrimoine, ce qui implique en retour que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur. Ce droit découle encore nécessairement de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit d’accès au juge qui s’étend, notamment à la suite de l’arrêt Z) (CEDH), arrêt Z) /c. Grèce, 19 mars 1997, requête n° 18357/91), au droit à l’exécution des décisions judiciaires. ».

Que :

Face à ce principe du droit de suite et de saisissabilité des avoirs du débiteur, l’insaisissabilité constitue nécessairement une exception, dont il résulte que toute insaisissabilité, en tant qu’exception au principe général, doit recevoir une interprétation stricte.

Finalement, il résulte des propres conditions générales et de la pratique de la société SOCIETE1.) que l’insaisissabilité dont elle se prévaut n’est pas de nature absolue et générale. Elle admet qu’il puisse y être porté atteinte par des mesures internationales, événement qui s’est réalisé dans la présente espèce, et par des mesures de droit pénal. ».

Que :

Il résulte de ce qui précède que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique et qu’elle peut tout aussi bien sur base d’arguments forts et plausibles, être qualifiée de relative et ne prendre effet que pour autant qu’une mesure de saisie est de nature à affecter un compte de règlement ».

Et que :

la preuve telle que décidée par la Cour de cassation en son arrêt du 20 mai 2021 (arrêt n° 87/2021), il appartient alors à la société SOCIETE1.) et à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) de démontrer que les comptes tenus auprès de la société SOCIETE1.) sur lesquels les PARTIES APPELANTES ont pratiqué saisie-arrêt constituent des comptes de règlement. ».

Alors que le respect du principe du contradictoire aurait commandé que la Cour invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la qualification de l’insaisissabilité prévue par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009, avant de rendre un arrêt qui réforme l’ordonnance de première instance (et donc la mainlevée de la saisie) sur base d'un argument juridique, voire d'un moyen de droit soulevé d'office par la Cour d'appel, et que les parties défenderesses en cassation sub 1. à 201., n'ont pas fait valoir. ».

Réponse de la Cour Il ressort des passages suivants de l’arrêt attaqué « 3. (In)Saisissabilité sous le droit national des comptes ouverts auprès de la société SOCIETE1.) : article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 3.1. Position de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et de la société SOCIETE1.) 1/ La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A), soutenue en cela par la société SOCIETE1.), soutient à l’appui de son action que toute saisie entre les mains de la société SOCIETE1.) serait interdite en vertu de l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 aux termes duquel . La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) met cette interdiction encore en relation avec l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui énonce l’insaisissabilité pour . (arrêt, page 21) (…) 3.2. Position des PARTIES APPELANTES (…) 1/ Concernant les conditions d’application de l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009, les PARTIES APPELANTES font valoir que l’insaisissabilité y prévue s’appliquerait à un compte de règlement tel que défini par l’article 107, point 14 de la loi modifiée de 2009 (reprenant les termes de l’article 2, point l) de la directive 98/26/CE) comme étant . La conjonction serait à interpréter comme signifiant , interprétation qui serait confirmée par la version anglaise de la directive 98/26/CE. Ainsi, un compte ne remplirait le statut de compte de règlement que si trois conditions sont réunies, à savoir 1/ que le compte soit tenu auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, 2/ que le compte en discussion soit utilisé pour le dépôt de fonds ou de titres et 3/ que le compte en discussion serve effectivement au règlement de transactions entre participants du système. Un compte ne remplissant que les deux premières conditions serait à qualifier de compte bancaire classique auquel ne s’appliquerait aucune règle d’insaisissabilité. » (arrêt, page 26) et « La première question à toiser est celle de savoir si l’insaisissabilité instaurée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée du 2009 constitue une insaisissabilité générale et absolue, tel que soutenu par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et la société SOCIETE1.) en invoquant des arrêts antérieurement rendus par la Cour d’appel, ou si cette insaisissabilité n’est que relative, tel que soutenu par les PARTIES APPELANTES et doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas. » (page 29, deuxième alinéa), que les juges d’appel n’ont pas d’office soulevé un moyen de droit non soumis à débat contradictoire.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 111 (5) de la loi modifié du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement En ce que l’arrêt attaqué a déclaré que l’insaisissabilité instituée par l’article 111 (5) de la Loi de 2009 n’avait pas un caractère absolu et général Aux motifs que la Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour ».

Que :

Il faut d’abord constater que cette qualification est emprunte à une contribution publiée dans un ouvrage de 2004 (P. Mousel et F. Fayot, La circulation des titres, in Droit bancaire et financier au Luxembourg, 2004, page 1319) qui utilise cette expression dans un contexte purement descriptif sans la mettre en perspective avec les implications qu’une telle qualification peut emporter. ».

Et que :

111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique ».

Alors que le texte de l’article 111 (5) de la Loi de 2009 ne prête pas à interprétation et qu’il est clair en ce qu’il vise une insaisissabilité absolue et générale. ».

Réponse de la Cour Il ressort tant du moyen que de ses développements que la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir, exception faite de la référence doctrinale citée au moyen, omis de citer d’autres références produites par elle selon lesquelles la ratio legis de la loi modifiée du 10 novembre 2009 militerait en faveur d’une insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5, de ladite loi de tout compte de règlement auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement.

Dès lors que le grief adressé aux juges d’appel s’analyse en une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué qui les aurait conduits à ne pas retenir le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009, la disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 58 du Nouveau code de procédure civile En ce que l’arrêt attaqué a déclaré qu’il appartenait à la partie demanderesse en cassation de démontrer concrètement dans le cadre de son action en référé que la Saisie-Arrêt porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement Aux motifs que c’est sans incidence que la société SOCIETE1.) et la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) font plaider qu’en application du règlement (UE) n°909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, la société SOCIETE1.) ne serait légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement qu’elle ne serait autorisée à tenir des comptes autres que de règlement uniquement à titre d’accessoires à des comptes de règlement. » Et que :

La question n’est effectivement pas celle de savoir quelles sont les activités légalement autorisées dans le chef de la société SOCIETE1.), mais de savoir à quel titre respectivement sous quel régime elle détient des avoirs appartenant au débiteur saisi. ».

Alors que dès lors que la partie demanderesse en cassation a démontré qu’en application de la ratio legis SOCIETE1.) ne pouvait détenir que des comptes de règlement cette dernière a rempli la charge de la preuve qui pesait sur elle. ».

Réponse de la Cour Vu l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile.

Dès lors que la société SOCIETE1.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus.

En retenant qu’il revient à la demanderesse en cassation de démontrer que la saisie-arrêt pratiquée auprès de la société SOCIETE1.) porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement, les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 18.1 du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, En ce que l’arrêt attaqué a déclaré que SOCIETE1.) pourrait réaliser des activités interdites par la loi Aux motifs que c’est sans incidence que la société SOCIETE1.) et la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) font plaider qu’en application du règlement (UE) n°909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, la société SOCIETE1.) ne serait légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement qu’elle ne serait autorisée à tenir des comptes autres que de règlement uniquement à titre d’accessoires à des comptes de règlement. » Et que :

La question n’est effectivement pas celle de savoir quelles sont les activités légalement autorisées dans le chef de la société SOCIETE1.), mais de savoir à quel titre respectivement sous quel régime elle détient des avoirs appartenant au débiteur saisi. ».

Alors que la partie demanderesse en cassation a démontré qu’en application de la ratio legis SOCIETE1.) ne pouvait détenir que des comptes de règlement sur base de la loi. ».

Réponse de la Cour Ce moyen est sans objet au vu de la cassation ci-dessus prononcée.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 693 du Nouveau code de procédure civile En ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande visant à la mainlevée de la Saisie-arrêt portant sur les comptes ouverts aux noms de la société de droit italien SOCIETE3.) S.p.A.

Aux motifs que la signature apposée par la société SOCIETE1.) sur ce document amène à mettre en doute l’indication que la société SOCIETE3.) en tant que titulaire du compte n°NUMERO2.) serait effectivement le propriétaire, respectivement le bénéficiaire final des avoirs inscrits. » Et que :

il n’appartient pas à la Cour d’appel siégeant en matière de référé de toiser la réalité des droits des uns et des autres sur ces fonds, mais la Cour est amenée à constater que les moyens et arguments développés par les PARTIES APPELANTES constituent des contestations sérieuses quant à l’existence même de la voie de fait alléguée » Alors que l’article 693 du Nouveau Code de Procédure dispose que le créancier peut uniquement saisir des actifs appartenant à son débiteur et qu’il n’est nullement contesté en cause que la SOCIETE3.) n’est pas débitrice des parties défenderesses en cassation sub 1 à 201. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, du caractère sérieux de la contestation élevée par les défendeurs en cassation sub 1) à 201) à l’encontre de l’allégation de la demanderesse en cassation que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la demanderesse en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 58 du Nouveau code de procédure civile En ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande visant la mainlevée de la Saisie-arrêt portant sur les comptes ouverts aux noms de la société de droit italien SOCIETE3.) S.p.A.

Aux motifs que il appartient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) en tant que demanderesse à l’instance d’établir la réalité de la voie de fait alléguée, à savoir que les fonds inscrits auprès de la société SOCIETE1.) au nom et pour compte de la société SOCIETE3.) appartiennent réellement à celle-ci et non pas à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). » Alors que l’argument de la partie demanderesse en cassation repose sur le fait non contesté que la SOCIETE3.) n’est pas débitrice des parties défenderesses. ».

Réponse de la Cour Il appartient au demandeur d’établir l’existence d’un trouble manifestement illicite et au défendeur de prouver l’existence de contestations sérieuses de nature à contredire l’existence du trouble ou son caractère manifestement illicite.

Il ressort de la réponse donnée au septième moyen que les juges d’appel ont constaté, au regard des règles de preuve applicables en matière de référé-sauvegarde, le caractère sérieux de la contestation élevée par les défendeurs en cassation sub 1) à 201) à l’encontre de l’allégation de la demanderesse en cassation que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la demanderesse en cassation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué, numéro 77/21, rendu le 27 avril 2022 sous le numéro CAL-2020-00554 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

condamne les défendeurs en cassation sub 1) à 201) aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Joëlle NEIS et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) c/ Parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis d’Amérique, représentants et/ou héritiers des successions de ces victimes et représentants des parents et/ou héritiers de ces victimes, en présence de 1) société anonyme SOCIETE1.) 2) République d’A) 3) PERSONNE202.) 4) Ministère A) de l’Information et de la Sécurité 5) Corps des Gardiens de A) 6) Ministère A) du Pétrole 7) Ministère A) des Affaires économiques et des Finances 8) Ministère A) du Commerce 9) Ministère A) de la Défense et de la Logistique des Forces armées 10) SOCIETE2.) 11) Société nationale A) de Pétrole 12) Société nationale de gaz A) 13) Compagnie aérienne d’A) 14) Compagnie nationale A) pétrochimique (affaire n° CAS-2022-00074 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 15 juillet 2022, d’un mémoire en cassation, signifié le 14 juillet 2022 aux défendeurs en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 77/21 rendu contradictoirement en date du 27 avril 2022 sous le numéro CAS-2020-00544 du rôle par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière de référé.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1.

La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié aux parties adverses antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi de 1885 »), ont été respectées.

Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi de 1885.

Les défendeurs en cassation soulèvent l’irrecevabilité totale, sinon partielle, du pourvoi, en ce que ce dernier est dirigé notamment contre la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a « dit non fondée la demande de la Banque Centrale de la République d’A) en ce qu’elle prend appui sur une violation de l’article 20 de la loi du 1er août 2001 concernant la circulation des titres »2, alors qu’aucun des moyens de cassation ne porte sur ce chef du dispositif3.

La Cour d’appel a, en l’espèce, pris soin de subdiviser son dispositif de façon à distinguer les différents moyens invoqués par l’actuelle demanderesse en cassation à l’appui de sa demande.

Aucun des huit moyens de cassation n’attaque les motifs de l’arrêt sur lesquels repose ce chef de dispositif4. Il en suit que, en cas de cassation de l’arrêt attaqué, celle-ci, qui ne peut avoir une portée plus grande que le moyen qui lui sert de base, ne saurait avoir, à défaut de moyen attaquant ce chef de dispositif, mettre en cause ce dernier, qui n’est par ailleurs pas lié de façon indivisible aux autres chefs de dispositif5. Cette circonstance, que le pourvoi est, à défaut de moyen attaquant le chef de dispositif en question, inopérant en ce qui concerne ce chef, n’est cependant pas de nature à remettre en cause la recevabilité du pourvoi. Celle-ci suppose seulement, au regard de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 10 août 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, que « la partie demanderesse devra, sous peine d’irrecevabilité, […] déposer […] un mémoire […] lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ou du jugement […] ». Elle ne suppose pas, de surcroît, que la disposition attaquée fasse l’objet d’un moyen de cassation qui le mette en cause. Ce défaut implique le caractère inopérant du pourvoi en ce qui concerne ce chef de dispositif, mais non son irrecevabilité.

1 Il ne résulte pas des pièces auxquelles vous pouvez avoir égard que l’arrêt attaqué ait été signifié à la demanderesse en cassation, de sorte que le délai de recours, prévu par l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ensemble avec l’article 167 Nouveau Code de procédure civile, a été respecté.

2 Arrêt attaqué, page 39 (dispositif), sixième alinéa.

3 Mémoire en réponse, page 14, avant-dernier alinéa.

4 Ces motifs sont exposés à la page 35 de l’arrêt attaqué, sous le point 4).

5 Voir sur les effets de la cassation : Cour de cassation, 24 novembre 2022, n° 141/2022, numéro CAS-2021-00120 du registre (réponse au premier moyen).

Il en suit que le pourvoi est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisie par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) d’une demande en référé dirigée contre des personnes agissant en leur nom personnel à titre de PARENTS ET/OU HÉRITIERS DE VICTIMES DÉCÉDÉES LORS DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001 AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE, contre les mêmes personnes en tant que représentants et/ou héritiers des successions de ces victimes et contre des personnes agissant en tant que représentants des parents et/ou héritiers de ces victimes (ci-après « les parents ou héritiers des victimes des attentats »), en présence de la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « SOCIETE1.) »), et, après intervention de la République d’A), de PERSONNE203), de PERSONNE204.), du CORPS DES GARDES RÉVOLUTIONNAIRES, du MINISTÊRE A) DE L’INFORMATION ET DE LA SÉCURITÉ, du MINISTÊRE A) DU PÉTROLE, du MINISTÊRE A) DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DES FINANCES, du MINISTÊRE A) DU COMMERCE, du MINISTÊRE A) DE LA DÉFENSE ET DE LA LOGISTIQUE DES FORCES ARMÉES, de la SOCIÉTÉ2.), de la SOCIÉTÉ A) DE PÉTROLE, de la SOCIETE NATIONALE DE GAZ A), de la COMPAGNIE AÉRIENNE D’A), de la COMPAGNIE NATIONALE A) PÉTROCHIMIQUE, aux fins de voir, principalement sur base de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile et subsidiairement sur base de l’article 932, alinéa 1, du même Code, constater l’illégalité d’une saisie-arrêt opérée le 27 mars 2020 par les parents ou héritiers des victimes des attentats au détriment de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) auprès de SOCIETE1.) pour avoir sûreté et paiement d’un montant de 2.914.789.602,87.- euros qui serait dû sur base d’un jugement rendu par défaut le 26 février 2018 par le Tribunal de District des États-Unis d’Amérique du District du Sud de

___en réparation du préjudice subi par suite des attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis d’Amérique et voir déclarer nulle, sinon irrecevable la saisie-arrêt et en conséquence de voir ordonner la mainlevée de celle-ci, le magistrat remplaçant le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclarait la saisie-arrêt irrecevable, ordonnait la mainlevée de celle-ci et l’exécution provisoire de son ordonnance nonobstant appel et sans caution. Sur appel des parents ou héritiers des victimes des attentats, la Cour d’appel dit, par réformation, la demande irrecevable, sinon mal fondée.

Sur les antécédents procéduraux Le présent pourvoi, qui est à considérer ensemble avec le pourvoi CAS-2022-00111 dirigé contre le même arrêt par SOCIETE1.), sera le cinquième rendu par votre Cour dans le contexte de saisies-arrêts formées par des parents ou héritiers de victimes des attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 sur le territoire des États-Unis d’Amérique sur des comptes de SOCIETE1.) détenant, selon les parties saisissantes, des avoirs saisissables de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et d’autres personnes morales ou naturelles A), dès lors que vous avez déjà rendu dans ce contexte :

- l’arrêt n° 102/2019, numéro CAS-2019-00050 du registre, du 6 juin 2019, prononçant, sur pourvoi de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A), pour violation de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, plus particulièrement du défaut d’appréciation de la réalité du trouble manifestement illicite à la date de la décision, la cassation d’un arrêt de la Cour d’appel ayant confirmé une ordonnance de référé ayant déclaré irrecevable une demande de mainlevée d’une saisie-arrêt pratiquée dans ces conditions, - l’arrêt n° 87/2021, numéro CAS-2020-00068 du registre, du 20 mai 2021, rejetant le pourvoi des parents ou héritiers des victimes des attentats contre l’arrêt de la Cour d’appel, rendu dans la même espèce sur renvoi après cassation, ayant, par réformation, ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt, - l’arrêt n° 154/2021, numéro CAS-2020-00147 du registre, du 16 décembre 2021, disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer, faute d’objet, sur un pourvoi formé par SOCIETE1.) contre un arrêt de la Cour d’appel ayant provisoirement interdit à celle-ci de transférer certains actifs vers les États-Unis d’Amérique, dans l’attente de statuer sur le fond d’un appel formé par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) contre une ordonnance qui avait rétracté une telle interdiction, qui avait été ordonnée sur requête de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A), et - l’arrêt n° 98/2022, numéro CAS-2021-0007 du registre, du 27 janvier 2022, disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer, faute d’objet, sur un pourvoi formé par SOCIETE1.) contre un arrêt de la Cour d’appel ayant prorogé l’interdiction précitée de transfert de certains actifs vers les États-Unis d’Amérique jusqu’à la date de signification du jugement au fond rendu sur cette question, qui avait entretemps eu lieu6.

Le présent pourvoi vise un arrêt qui s’est prononcé sur une demande en nullité d’une saisie-

arrêt par des parents ou héritiers de victimes des attentats entre les mains de SOCIETE1.), formée par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) devant le juge des référés sur base de l’article 933, alinéa 1, sinon l’article 932, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile.

Dans l’arrêt attaqué, la Cour d’appel, septième chambre, a, par réformation, rejeté cette demande.

Dans le passé elle avait adopté en réponse à des demandes similaires des décisions divergentes :

- par un arrêt n° 10/18 – VII – REF, numéroNUMERO3.) du rôle, du 10 janvier 2018, la septième chambre de la Cour d’appel avait, de façon analogue à l’arrêt attaqué, confirmé le rejet d’une telle demande, cet arrêt ayant été cassé par votre arrêt précité n° 102/2019, numéro CAS-2019-00050 du registre, du 6 juin 2019, - en revanche, par trois arrêts, n° 118/19 – VII – REF, numéro CAL-2019-00207 du rôle, du 10 juillet 2019, n° 49/20 – VII – REF, numéroNUMERO3.), du 1er avril 2020, rendu sur renvoi après votre arrêt de cassation précité du 6 juin 2019, et n° 50/212 – VII – REF, numéros CAL-2020-00631 et CAL-2020-00630 du rôle, du 31 mars 2021, la 6 Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière commerciale, 30 avril 2021, 2021TALCH02/00649, numéro TAL-2020-02660 et TAL-2020-04402 du rôle.

septième chambre de la Cour d’appel a, dans les deux premiers arrêts par réformation et dans le troisième par confirmation, fait droit à de telles demandes.

Cette divergence s’explique en partie, bien que non exclusivement7, par le fait que la Cour d’appel n’était pas appelée à statuer au fond, dans le cadre d’une demande en validation de la saisie-arrêt, mais en qualité de juge des référés, qui n’est que le juge du provisoire et « n’est plus compétent s’il existe une contestation sérieuse au fond »8. Ainsi, à titre d’illustration, la Cour d’appel avait dans son arrêt précité n° 118/19 – VII – REF, numéro CAL-2019-00207 du rôle, du 10 juillet 2019 fondé son rejet de la demande en mainlevée notamment sur un motif tiré de ce qu’il « ne peut être affirmé avec certitude que les fonds gelés participaient au moment de la saisie-arrêt […] au système de compensation SOCIETE1.) »9.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation, pour défaut de réponse à conclusions, de l’article 89 de la Constitution, en ce que la Cour d’appel se départit dans l’arrêt attaqué d’une interprétation constante de l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres (ci-après « la loi de 2009 »), sans en donner une motivation, ni qualifier une différence entre l’affaire attaquée et les précédentes décisions rendues sur des faits similaires, aux motifs que : « La Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour. »10, alors que la demanderesse en cassation avait opposé, tel que cela résulte de sa note de plaidoirie du 18 mars 2022, que la présente espèce était similaire à une seconde espèce ayant donné lieu à l’arrêt n° 49/20-VII-REF du 1er avril 2020, ayant fait l’objet d’un pourvoi rejeté par votre arrêt n° 877/2021 du 20 mai 2021, et qu’il n’y avait donc pas lieu de se départir de cette jurisprudence, de sorte qu’il appartenait à la Cour d’appel de répondre à ce moyen, ce qu’elle omit de faire.

En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, le moyen vise le défaut de réponse à conclusions qui constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme11.

7 Les arrêts précités n° 118/19 – VII – REF, numéro CAL-2019-00207 du rôle, du 10 juillet 2019 (page 8) et n° 49/20 – VII – REF, numéroNUMERO3.), du 1er avril 2020 (page 21) retiennent, contrairement à l’arrêt attaqué (page 30, deuxième alinéa), que l’insaisissabilité résultant de l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres « est d’un caractère absolu et général » (dernier arrêt précité, page 21, dernier alinéa). Cette position avait déjà été admise par un arrêt n° 169/18 – VII – REF, numéro CAL-2018-002956 du rôle, du 21 novembre 2018 (page 9). L’arrêt n° 10/18 – VII – REF, numéro 44814 du rôle, du 10 janvier 2018, avait retenu que « [t]elle que formulée par la loi, cette insaisissabilité est a priori d’un caractère absolu et général, aucune exception n’étant prévue. Encore faut-il que le compte saisi soit un compte de règlement ce que les parties saisissantes contestent. » (page 19, premier alinéa) (passage souligné mis en italique dans l’arrêt).

8 Arrêt attaqué, page 20, troisième alinéa (motif non attaqué par le pourvoi, rappelant une solution traditionnellement admise).

9 Arrêt cité, page 22, cinquième alinéa.

10 Arrêt attaqué, page 30, deuxième alinéa.

11 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 9 mars 2023, n° 27/2023, numéro CAS-2022-00083 du registre (réponse au premier moyen, première branche).

Une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré12.

La Cour d’appel indiqua en détail et avec précision les motifs pour lesquels elle considéra ne pas pouvoir partager la solution retenue par « un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 [qui] attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général »13 :

« Il faut d’abord constater que cette qualification est emprunte à une contribution publiée dans un ouvrage de 2004 (P. Mousel et F. Fayot, La circulation des titres, in Droit bancaire et financier au Luxembourg, 2004, page 1319) qui utilise cette expression dans un contexte purement descriptif sans la mettre en perspective avec les implications qu’une telle qualification peut emporter.

Il faut ensuite constater avec la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la problématique s’inscrit dans l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour en tirer toutefois une conclusion différente. En énonçant que « Seront insaisissables : 1° les choses déclarées insaisissables par la loi ; … », cette disposition légale consacre le principe de la saisissabilité des avoirs. Ce principe de saisissabilité résulte encore des articles 2092 et 2093 du Code civil qui consacrent le principe du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs. Tout débiteur répond de ses dettes sur son patrimoine, ce qui implique en retour que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur. Ce droit découle encore nécessairement de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit d’accès au juge qui s’étend, notamment à la suite de l’arrêt Z) (CEDH, arrêt Z.) /c. Grèce, 19 mars 1997, requête n° 18357/91), au droit à l’exécution des décisions judiciaires.

Face à ce principe du droit de suite et de saisissabilité des avoirs du débiteur, l’insaisissabilité constitue nécessairement une exception, dont il résulte que toute insaisissabilité, en tant qu’exception au principe général, doit recevoir une interprétation stricte.

Finalement, il résulte des propres conditions générales et de la pratique de la société SOCIETE1.) que l’insaisissabilité dont elle se prévaut n’est pas de nature absolue et générale. Elle admet qu’il puisse y être porté atteinte par des mesures internationales, événement qui s’est réalisé dans la présente espèce, et par des mesures de droit pénal.

Il résulte de ce qui précède que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique et qu’elle peut tout aussi bien sur base d’arguments forts et plausibles, être qualifiée de relative et ne prendre effet que pour autant qu’une mesure de saisie est de nature à affecter un compte de règlement. »14.

Elle répondit ainsi au moyen d’appel invoqué, le grief du défaut de réponse à conclusions n’étant pas pertinent pour critiquer le bien-fondé de la réponse donnée au moyen.

12 Idem et loc.cit.

13 Arrêt attaqué, page 30, deuxième alinéa.

14 Idem, même page, troisième au dernier alinéa.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 1350 du Code civil, en ce que la Cour d’appel se départit dans l’arrêt attaqué d’une interprétation constante de l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009, aux motifs que : « La Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour. »15, alors que la présente espèce est identique à une seconde espèce ayant donné lieu à l’arrêt n° 49/20-VII-REF du 1er avril 2020, ayant fait l’objet d’un pourvoi rejeté par votre arrêt n° 877/2021 du 20 mai 2021, dans lequel l’insaisissabilité générale et absolue déduit de cet article a été retenue, de sorte qu’il appartenait à la Cour d’appel, sur base de l’article 1350 du Code civil, de tenir compte de l’autorité, même simplement relative, de cette décision.

Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels votre Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel. Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il en suit que le moyen est irrecevable16.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que l’article 1350 dispose que : « La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes où à certains faits : tels sont :

[…] 3° l’autorité que la loi attribue à la chose jugée ». L’article 1351 complète l’article 1350, point 3°, en disposant que : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ».

Il n’est pas soutenu et ne résulte pas des pièces auxquelles vous pouvez avoir égard que les arrêts invoqués par la demanderesse en cassation concernent la même « chose demandée », « fondée sur la même cause », par, exception faite de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et de SOCIETE1.) « les mêmes parties ». Il n’est donc pas établi que les conditions de l’autorité de la chose jugée soient réunies.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation, par suite d’un non-respect du principe du contradictoire, des articles 65 du Nouveau Code de procédure civile, 47 de la Charte des droits 15 Idem, page 30, deuxième alinéa.

16 Cour de cassation, 19 mai 2022, n° 75/2022, numéro CAS-2021-00056 du registre (réponse au premier moyen) (au sujet d’un moyen tiré de la violation de l’article 1350 du Code civil, invoqué pour la première fois devant votre Cour).

fondamentaux de l’Union européenne, 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a conclu « que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique »17, aux motifs que :

« Il faut ensuite constater avec la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la problématique s’inscrit dans l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour en tirer toutefois une conclusion différente. En énonçant que « Seront insaisissables : 1° les choses déclarées insaisissables par la loi ; … », cette disposition légale consacre le principe de la saisissabilité des avoirs. Ce principe de saisissabilité résulte encore des articles 2092 et 2093 du Code civil qui consacrent le principe du droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs. Tout débiteur répond de ses dettes sur son patrimoine, ce qui implique en retour que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur. Ce droit découle encore nécessairement de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit d’accès au juge qui s’étend, notamment à la suite de l’arrêt Z) (CEDH, arrêt Z) /c. Grèce, 19 mars 1997, requête n° 18357/91), au droit à l’exécution des décisions judiciaires. Face à ce principe du droit de suite et de saisissabilité des avoirs du débiteur, l’insaisissabilité constitue nécessairement une exception, dont il résulte que toute insaisissabilité, en tant qu’exception au principe général, doit recevoir une interprétation stricte. Finalement, il résulte des propres conditions générales et de la pratique de la société SOCIETE1.) que l’insaisissabilité dont elle se prévaut n’est pas de nature absolue et générale. Elle admet qu’il puisse y être porté atteinte par des mesures internationales, événement qui s’est réalisé dans la présente espèce, et par des mesures de droit pénal. Il résulte de ce qui précède que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique et qu’elle peut tout aussi bien sur base d’arguments forts et plausibles, être qualifiée de relative et ne prendre effet que pour autant qu’une mesure de saisie est de nature à affecter un compte de règlement. Dans ce cas de figure, et conformément à la répartition de la charge de la preuve telle que décidée par la Cour de cassation en son arrêt du 20 mai 2021 (arrêt n° 87/2021), il appartient alors à la société SOCIETE1.) et à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) de démontrer que les comptes tenus auprès de la société SOCIETE1.) sur lesquels les PARTIES APPELANTES ont pratiqué saisie-arrêt constituent des comptes de règlement. »18, alors que le principe du contradictoire aurait commandé à la Cour d’appel, avant de réformer l’ordonnance de première instance, qui avait retenu le caractère absolu et général de l’insaisissabilité, d’inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur cette question, qui constituait un argument juridique, voire un moyen de droit soulevé d’office par la Cour d’appel et que les parties défenderesses en cassation n’avaient pas fait valoir.

Dans son troisième moyen la demanderesse en cassation critique la Cour d’appel d’avoir, sans avoir au préalable donné aux parties l’occasion de prendre position, soulevé d’office la question du caractère absolu ou relatif de l’insaisissabilité prévue par l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009, qui n’aurait pas été soulevée par les parties.

La Cour d’appel trancha cette question après avoir constaté que :

« La première question à toiser est celle de savoir si l’insaisissabilité instaurée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée du 2009 constitue une insaisissabilité générale et absolue, tel que soutenu par la BANQUE CENTRALE DE LA 17 Arrêt attaqué, page 30, dernier alinéa.

18 Idem, page 30, quatrième au dernier alinéa, et page 31, premier et deuxième alinéa.

RÉPUBLIQUE D’A) et la société SOCIETE1.) en invoquant des arrêts antérieurement rendus par la Cour d’appel, ou si cette insaisissabilité n’est que relative, tel que soutenu par les PARTIES APPELANTES et doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas. »19.

Elle résuma les prétentions y relatives des parties comme suit :

« 3. (In)Saisissabilité sous le droit national des comptes ouverts auprès de la société SOCIETE1.) : article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 3.1. Position de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et de la société SOCIETE1.) 1/ La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A), soutenue en cela par la société SOCIETE1.), soutient à l’appui de son action que toute saisie entre les mains de la société SOCIETE1.) serait interdite en vertu de l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 aux termes duquel « Tout compte de règlement auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, de même que tout transfert, via un établissement de crédit de droit luxembourgeois ou étranger, à porter à un tel compte de règlement, ne peut être saisi, mis sous séquestre ou bloqué d’une manière quelconque par un participant (autre que l’opérateur du système ou l’organe de règlement), une contrepartie ou un tiers ». La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) met cette interdiction encore en relation avec l’article 717 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui énonce l’insaisissabilité pour « les choses déclarées insaisissables par la loi ».

[…] 1/ Concernant les conditions d’application de l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009, les PARTIES APPELANTES font valoir que l’insaisissabilité y prévue s’appliquerait à un compte de règlement tel que défini par l’article 107, point 14 de la loi modifiée de 2009 (reprenant les termes de l’article 2, point l) de la directive 98/26/CE) comme étant « un compte auprès d’une banque centrale, d’un organe de règlement ou d’une contrepartie centrale utilisé pour le dépôt de fonds ou de titres ainsi que pour le règlement de transactions entre participants d’un système ». La conjonction « ainsi que » serait à interpréter comme signifiant « et », interprétation qui serait confirmée par la version anglaise de la directive 98/26/CE. Ainsi, un compte ne remplirait le statut de compte de règlement que si trois conditions sont réunies, à savoir 1/ que le compte soit tenu auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, 2/ que le compte en discussion soit utilisé pour le dépôt de fonds ou de titres et 3/ que le compte en discussion serve effectivement au règlement de transactions entre participants du système. Un compte ne remplissant que les deux premières conditions serait à qualifier de compte bancaire classique auquel ne s’appliquerait aucune règle d’insaisissabilité. »20.

Elle constata donc que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et SOCIETE1.) avait fait valoir devant elle que l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009 implique 19 Idem, page 29, deuxième alinéa (c’est nous qui soulignons).

20 Idem, page 21, titres 3 et 3.1. et deuxième alinéa, page 26, premier alinéa (c’est nous qui soulignons).

l’insaisissabilité « des comptes ouverts auprès de la société SOCIETE1.) »21, donc de tous les comptes quels qu’ils soient, de sorte « que toute saisie entre les mains de la société SOCIETE1.) serait interdite »22. Les défenderesses en cassation firent, en revanche, valoir « que l’insaisissabilité y prévue s’appliquerait [non à tous les comptes ouverts auprès de SOCIETE1.), mais seulement] à un compte de règlement tel que défini par l’article 107, point 14 de la loi modifiée de 2009 »23.

Par les motifs critiqués la Cour d’appel, loin de soulever d’office un moyen nouveau, se limita donc strictement à répondre aux moyens des parties.

Il en suit que le moyen manque en fait.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009, en ce que la Cour d’appel a déclaré que l’insaisissabilité instituée par cet article n’avait pas un caractère absolu et général, aux motifs que : « La Cour a conscience qu’un certain nombre de décisions intervenues depuis 2018 attribuent à l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 un caractère absolu et général. Cette qualification ne saurait toutefois être partagée par la Cour. Il faut d’abord constater que cette qualification est emprunte à une contribution publiée dans un ouvrage de 2004 (P. Mousel et F. Fayot, La circulation des titres, in Droit bancaire et financier au Luxembourg, 2004, page 1319) qui utilise cette expression dans un contexte purement descriptif sans la mettre en perspective avec les implications qu’une telle qualification peut emporter. […] Il résulte de ce qui précède que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique »24, alors que le texte de l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009 est clair, imposant une insaisissabilité absolue et générale, partant, ne prête pas à interprétation.

L’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009 dispose que « [t]out compte de règlement auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement […] ne peut être saisi […] ».

L’insaisissabilité imposée par la loi se limite donc, au vu du libellé de celle-ci, aux comptes de règlement.

Par les motifs critiqués et ceux qui les complètent, la Cour d’appel répondit à un moyen de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et de SOCIETE1.) tiré de ce que l’article précité impliquait l’insaisissabilité « des comptes ouverts auprès de la société SOCIETE1.) »25, donc de tous les comptes quels qu’ils soient, de sorte « que toute saisie entre les mains de la société SOCIETE1.) serait interdite »26, sans qu’il ne soit nécessaire de s’interroger sur le point de savoir si le compte faisant l’objet de la saisie constitue un compte de règlement, auquel l’article circonscrit l’insaisissabilité.

21 Idem, page 21, titre 3.

22 Idem, page 21, deuxième alinéa.

23 Idem, page 26, premier alinéa.

24 Idem, page 30, deuxième, troisième et dernier alinéa.

25 Idem, page 21, titre 3.

26 Idem, page 21, deuxième alinéa.

La Cour d’appel avait donc à répondre à un moyen dont l’objet n’était pas d’appliquer pur et simplement le texte de la loi, mais qui visait à étendre son application à une question qu’il n’envisage pas formellement, à savoir d’étendre l’insaisissabilité des comptes de règlement auprès des opérateurs de système et des organes de règlement, prévue par l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009, à tout autre catégorie de compte ouvert auprès de ces opérateurs et organes.

Saisie d’un moyen l’invitant à appliquer l’article précité à un cas non prévu par ce dernier, la Cour d’appel ne saurait se voir reprocher d’avoir méconnu le sens clair de cette disposition en concluant, dans le cadre de ses pouvoirs restreints de juge des référés, « que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité instituée par l’article 111, paragraphe 5 de la loi modifiée de 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique et qu’elle peut tout aussi bien sur base d’arguments forts et plausibles, être qualifiée de relative et ne prendre effet que pour autant qu’une mesure de saisie est de nature à affecter un compte de règlement »27.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel considéra qu’il appartenait à la demanderesse en cassation de démontrer concrètement que la saisie-arrêt porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement, aux motifs que : « C’est sans incidence que la société SOCIETE1.) et la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) font plaider qu’en application du règlement (UE) n ° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, la société SOCIETE1.) ne serait légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement qu’elle ne serait autorisée à tenir des comptes autres que de règlement uniquement à titre d’accessoires à des comptes de règlement. La question n’est effectivement pas celle de savoir quelles sont les activités légalement autorisées dans le chef de la société SOCIETE1.), mais de savoir à quel titre respectivement sous quel régime elle détient des avoirs appartenant au débiteur saisi. Il leur appartient dès lors de démontrer concrètement dans le cadre de leur action en référé que la saisie-arrêt pratiquée auprès de la société SOCIETE1.) porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement. »28, alors que la demanderesse en cassation avait démontré qu’en application de la ratio legis SOCIETE1.) ne pouvait détenir que des comptes de règlements, de sorte qu’elle avait rempli la charge de la preuve qui lui incombait.

Ainsi qu’il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du troisième moyen, la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et SOCIETE1.) avaient soutenu en instance d’appel que l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009 était à interpréter en ce sens qu’il interdisait la saisie, non seulement, comme il résulte de son libellé, des comptes de règlement auprès d’opérateurs de système, tel que SOCIETE1.), mais de tout compte quel qu’il soit ouvert auprès d’eux, donc qu’il imposait une insaisissabilité générale et absolue de chacun de leurs comptes.

27 Idem, page 30, dernier alinéa.

28 Idem, page 31, troisième alinéa.

Cette thèse avait pour effet d’instituer une présomption irréfragable d’illégalité de la saisie de tout compte ouvert auprès d’eux, dispensant de tout examen de la nature du compte saisi.

La Cour d’appel, statuant dans le cadre de ses pouvoirs restreints de juge des référés, qui ne lui permettent pas de trancher définitivement le fond, considéra que cette thèse, donc la présomption irréfragable d’illégalité de toute saisie auprès d’un opérateur de système, tel que SOCIETE1.), « ne ressort pas avec évidence du contexte juridique »29.

Elle en conclut, du point de vue de la preuve, que « [d]ans ce cas de figure, et conformément à la répartition de la charge de la preuve telle que décidée par la Cour de cassation en son arrêt du 20 mai 2021 (arrêt n° 87/2021), il appartient alors à la société SOCIETE1.) et à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) de démontrer que les comptes tenus auprès de la société SOCIETE1.) sur lesquels les PARTIES APPELANTES ont pratiqué saisie-arrêt constituent des comptes de règlement »30.

Elle se référa ainsi à votre arrêt n° 87/2021, numéro CAS-2020-00068 du registre, du 20 mai 2020, dans lequel vous aviez retenu, en réponse au septième moyen, que « [d]ans le cadre du référé-sauvegarde, il appartient au demandeur d’établir l’existence d’un trouble manifestement illicite et au défendeur de prouver l’existence de contestations sérieuses de nature à contredire l’existence du trouble ou son caractère manifestement illicite ». Appliquant ce principe, vous aviez conclu que les juges d’appel n’avaient dans cette espèce pas inversé la charge de la preuve « [e]n retenant […] que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) avait établi que la saisie-arrêt pratiquée constituait un trouble manifestement illicite en ce qu’elle portait sur des comptes de règlement […] ».

La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et SOCIETE1.) avaient soutenu « qu’il résulterait clairement du règlement 909/2014 qu’en tant qu’opérateur de système, la société SOCIETE1.) ne serait autorisée à tenir des comptes de nature bancaire qu’en tant qu’accessoire et pour autant que nécessaire à son activité d’opérateur de système. En tout état de cause, il appartiendrait aux PARTIES APPELANTES de démontrer que la société SOCIETE1.) tiendrait des comptes autres que des comptes de règlement, preuve qui ne serait pas rapportée. »31.

Par les motifs critiqués par le présent moyen, la Cour d’appel rejeta cette thèse :

« C’est sans incidence que la société SOCIETE1.) et la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) font plaider qu’en application du règlement (UE) n ° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, la société SOCIETE1.) ne serait légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement qu’elle ne serait autorisée à tenir des comptes autres que de règlement uniquement à titre d’accessoires à des comptes de règlement.

La question n’est effectivement pas celle de savoir quelles sont les activités légalement autorisées dans le chef de la société SOCIETE1.), mais de savoir à quel titre respectivement sous quel régime elle détient des avoirs appartenant au débiteur saisi.

Il leur appartient dès lors de démontrer concrètement dans le cadre de leur action en 29 Idem, page 30, dernier alinéa.

30 Idem, page 31, deuxième alinéa.

31 Idem, page 24, dernier alinéa.

référé que la saisie-arrêt pratiquée auprès de la société SOCIETE1.) porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement. »32.

La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) critique ces motifs en soutenant qu’elle avait démontré qu’en application de la ratio legis du Règlement SOCIETE1.) ne pouvait détenir que des comptes de règlements, de sorte qu’elle avait rempli la charge de la preuve qui lui incombait.

En retenant que, pour établir en tant que demandeur d’un référé-sauvegarde au sens de l’article 933, alinéa 1, première phrase, du Nouveau Code de procédure civile, l’existence d’un trouble manifestement illicite consistant dans la saisie-arrêt d’un compte de règlement frappé d’insaisissabilité par l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009, il importe d’établir que la saisie-arrêt a eu concrètement pour objet un tel compte et qu’il n’est pas pertinent de savoir que, en théorie, le tiers-saisi SOCIETE1.) n’est pas autorisé à détenir des comptes d’autre nature, la Cour d’appel n’a pas méconnu les règles régissant la charge de la preuve.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 18, paragraphe 1, du Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012 (ci-après « le Règlement n° 909/2014 »)33, en ce que la Cour d’appel considéra que SOCIETE1.) pourrait se livrer à des activités interdites par la loi, aux motifs que : « C’est sans incidence que la société SOCIETE1.) et la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) font plaider qu’en application du règlement (UE) n ° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, la société SOCIETE1.) ne serait légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement qu’elle ne serait autorisée à tenir des comptes autres que de règlement uniquement à titre d’accessoires à des comptes de règlement. La question n’est effectivement pas celle de savoir quelles sont les activités légalement autorisées dans le chef de la société SOCIETE1.), mais de savoir à quel titre respectivement sous quel régime elle détient des avoirs appartenant au débiteur saisi. Il leur appartient dès lors de démontrer concrètement dans le cadre de leur action en référé que la saisie-arrêt pratiquée auprès de la société SOCIETE1.) porte sur des avoirs tenus au titre d’un compte de règlement. »34, alors que la demanderesse en cassation avait démontré qu’en application de la ratio legis SOCIETE1.) ne pouvait détenir que des comptes de règlements.

Le sixième moyen reprend le cinquième, sauf à le tirer de la violation du Règlement n° 909/2014.

32 Idem, page 31, troisième alinéa.

33 Journal officiel de l’Union européenne, L 257 du 28.8.2014, page 1.

34 Arrêt attaqué, page 31, troisième alinéa.

Par les motifs critiqués la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur l’interprétation à donner à ce dernier. Elle constata que, même à supposer que le Règlement implique, comme le soutenaient la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et SOCIETE1.), que cette dernière n’était pas légalement autorisée à détenir des comptes autres que des comptes de règlement, ce constat est dépourvu de pertinence pour établir que la saisie-arrêt porte en l’espèce de façon concrète sur un compte de règlement, fait qu’il appartient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) d’établir.

La Cour d’appel n’ayant pas interprété le Règlement, mais s’étant limitée à constater le défaut de pertinence de ce dernier pour établir l’existence d’un trouble manifestement illicite, elle ne saurait se voir reprocher de l’avoir violé.

Il en suit que le moyen manque en fait.

Sur le septième moyen de cassation Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 693 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel déclara irrecevable la demande de voir ordonner la nullité de la saisie-

arrêt portant sur les comptes ouverts aux noms de la société de droit italien SOCIETE3.), aux motifs que : « il appartient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) en tant que demanderesse à l’instance d’établir la réalité de la voie de fait alléguée, à savoir que les fonds inscrits auprès de la société SOCIETE1.) au nom et pour compte de la société SOCIETE3.) appartiennent réellement à celle-ci, et non pas à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). Il est exact que la titularité du compte donne de fortes indications en ce sens. Toutefois, les PARTIES APPELANTES invoquent à l’encontre de ces indications les termes d’une transaction conclue en date du 22 janvier 2014 entre le Office of Foreign Assets Control du U.S. Department of the Treasury et la société SOCIETE1.) dont elles reprennent les assertions factuelles développées notamment aux points 3 à 9 tels que résumés par la Cour ci-

dessus. La signature apposée par la société SOCIETE1.) sur ce document amène à mettre en doute l’indication que la société SOCIETE3.) en tant que titulaire du compte n°NUMERO2.) serait effectivement le propriétaire respectivement le bénéficiaire final des avoirs y inscrits. Il n’appartient pas à la Cour d’appel siégeant en matière de référé de toiser la réalité des droits des uns et des autres sur ces fonds, mais la Cour est amenée à constater que les moyens et arguments développés par les PARTIES APPELANTES constituent des contestations sérieuses quant à l’existence même de la voie de fait alléguée, respectivement des éléments factuels qui se trouvent à la base de l’action en justice. Par voie de conséquence, la demande est irrecevable en chacune des bases légales invoquées. »35, alors que la disposition visée n’autorise le créancier qu’à saisir des actifs appartenant à son débiteur et qu’il est constant que la SOCIETE3.) n’est pas débitrice des parents ou héritiers des victimes des attentats.

La saisie-arrêt pratiquée en l’espèce par les parents ou héritiers des victimes des attentats porte, outre sur les avoirs détenus par SOCIETE1.) au nom et pour le compte de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et d’autres personnes morales et naturelles A)nes, également sur les avoirs tenus par SOCIETE1.) « à leur profit, notamment mais non exclusivement, par l’intermédiaire ou auprès de la Banque SOCIETE3.) S.p A au nom et pour le compte »36 de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et de ces autres 35 Idem, page 37, dernier alinéa.

36 Idem, page 12, premier alinéa.

personnes morales et naturelles A)nes, plus particulièrement sur « le compte n° NUMERO2.) ouvert au nom de la société SOCIETE3.), qualifié par les PARTIES APPELANTES de compte frauduleux »37.

Les parents ou héritiers des victimes des attentats expliquèrent à ce sujet que le « compte frauduleux » n° NUMERO2.) aurait été ouvert par la société SOCIETE3.) le 18 janvier 2008 afin d’y inscrire des fonds appartenant à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) en provenance du compte «classique» [n° NUMERO4.) ouvert en 1994 au nom et pour le compte de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) auprès de SOCIETE1.) et que celle-ci aurait été obligée de bloquer en 2008 et 2009 en raison d’un « restraining order » d’un tribunal de New-York38] afin de faire échapper ceux-ci à l’emprise des autorités américaines et des créanciers de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). 4,6 milliards de dollars auraient été transférés en février 2008 du compte «classique» vers le compte «frauduleux». La société SOCIETE1.) aurait admis que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) était le bénéficiaire économique de ces avoirs, ou du moins n’aurait pas pu ignorer ce fait alors que le transfert des 4,6 milliards de dollars se serait fait sans frais.

La société SOCIETE1.) aurait été obligée en 2008 et 2009 de bloquer ce compte en raison d’un restraining order émanant d’un tribunal de ADRESSE173.), imposant la ségrégation des avoirs de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). »39.

La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) demanda devant la Cour d’appel la nullité de cette saisie-arrêt aux motifs que :

« La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) fait valoir que la saisie-arrêt pratiquée par les PARTIES APPELANTES devrait être annulée pour viser une partie, à savoir la société SOCIETE3.), qui ne serait pas visée ni condamnée dans le jugement qui forme la base de la saisie-arrêt. Or, une saisie-arrêt ne saurait être pratiquée qu’à charge du débiteur du saisissant. Elle reproche aux PARTIES APPELANTES d’avoir pratiqué une saisie-arrêt à « l’échelon supérieur », ce qui ne serait pas possible. »40.

Les parents ou héritiers des victimes des attentats répondirent que :

« Les PARTIES APPELANTES ne soutiennent pas que la société SOCIETE3.) serait leur débitrice. Leur argumentaire consiste à soutenir que les fonds déposés sur le compte n° NUMERO2.) libellé au nom de la société SOCIETE3.), qualifié par eux de frauduleux, n’appartiendraient en réalité pas à la société SOCIETE3), mais qu’ils appartiendraient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et que la société SOCIETE3.) n’y figurerait que comme prête-nom pour cacher aux yeux notamment des autorités américaines l’identité véritable du bénéficiaire économique de ces fonds. Elles expliquent que le compte n° NUMERO2.) aurait été ouvert auprès de la société SOCIETE1.) le 18 janvier 2008, et que la société SOCIETE3.) aurait ouvert en ses livres un compte miroir n° NUMERO5.) au nom de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) sur lequel elle aurait reflété toutes les activités et opérations réalisées au nom de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). En février 2008, la société SOCIETE1.) aurait transféré la somme de 4,6 milliards de dollars à partir du compte « classique » n° NUMERO4.) vers le compte « frauduleux » n° 37 Idem, page 18, avant-dernier alinéa.

38 Idem, page 26, dernier alinéa.

39 Idem, page 27, dernier tiret.

40 Idem, page 35, dernier alinéa.

NUMERO2.), sans que ce transfert n’ait donné lieu à la perception de quelconques frais, ce qui permettrait de conclure que l’identité du propriétaire effectif ou du bénéficiaire économique de ces fonds n’aurait pas été affectée par ce transfert. En contrepartie, la société SOCIETE3.) aurait crédité le compte n° NUMERO5.) de ce montant. Le rôle de la société SOCIETE3.) aurait été de faire écran entre la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et la société SOCIETE1.). Ce montage aurait finalement conduit à une sanction négociée entre l’autorité de poursuite américaine et la société SOCIETE1.) en janvier 2014. »41.

La Cour d’appel statua comme suit :

« Pour le surplus, il appartient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) en tant que demanderesse à l’instance d’établir la réalité de la voie de fait alléguée, à savoir que les fonds inscrits auprès de la société SOCIETE1.) au nom et pour compte de la société SOCIETE3.) appartiennent réellement à celle-ci, et non pas à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A). Il est exact que la titularité du compte donne de fortes indications en ce sens. Toutefois, les PARTIES APPELANTES invoquent à l’encontre de ces indications les termes d’une transaction conclue en date du 22 janvier 2014 entre le Office of Foreign Assets Control du U.S. Department of the Treasury et la société SOCIETE1.) dont elles reprennent les assertions factuelles développées notamment aux points 3 à 9 tels que résumés par la Cour ci-dessus. La signature apposée par la société SOCIETE1.) sur ce document amène à mettre en doute l’indication que la société SOCIETE3.) en tant que titulaire du compte n°NUMERO2.) serait effectivement le propriétaire respectivement le bénéficiaire final des avoirs y inscrits. Il n’appartient pas à la Cour d’appel siégeant en matière de référé de toiser la réalité des droits des uns et des autres sur ces fonds, mais la Cour est amenée à constater que les moyens et arguments développés par les PARTIES APPELANTES constituent des contestations sérieuses quant à l’existence même de la voie de fait alléguée, respectivement des éléments factuels qui se trouvent à la base de l’action en justice. Par voie de conséquence, la demande est irrecevable en chacune des bases légales invoquées. »42.

La BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) critique dans son septième moyen que la Cour d’appel aurait violé l’article 693 du Nouveau Code de procédure civile en refusant d’annuler la saisie-arrêt pour autant que celle-ci a été pratiquée entre les mains de SOCIETE1.) sur des comptes de la SOCIETE3.), qui n’est pas la débitrice des parties saisissantes.

L’article 693 du Nouveau Code de procédure civile dispose que la saisie-arrêt a pour objet de permettre au créancier de saisir entre les mains d’un tiers « des sommes et effets appartenant à son débiteur ».

Il est constant que la SOCIETE3.) n’est pas la débitrice des parties saisissantes : « Les PARTIES APPELANTES ne soutiennent pas que la société SOCIETE3.) serait leur débitrice » 43.

La saisie-arrêt a été pratiquée par les parents ou héritiers des victimes des attentats parce que, selon eux, les fonds saisis appartiennent en réalité à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A), qui elle est, selon eux, leur débiteur : « les fonds déposés sur le compte 41 Idem, page 37, premier alinéa.

42 Idem, même page, dernier alinéa.

43 Idem, même page, premier alinéa.

n° NUMERO2.) libellé au nom de la société SOCIETE3.), qualifié par eux de frauduleux, n’appartiendraient en réalité pas à la société SOCIETE3.), mais […] appartiendraient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) et […] la société SOCIETE3.) n’y figurerait que comme prête-nom pour cacher aux yeux notamment des autorités américaines l’identité véritable du bénéficiaire économique de ces fonds »44.

La Cour d’appel, ayant statué dans l’exercice restreint des pouvoirs d’un juge des référés, considéra que cette allégation était suffisamment crédible pour valoir contestation sérieuse de la voie de fait alléguée par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) : « […] la Cour est amenée à constater que les moyens et arguments développés par les PARTIES APPELANTES constituent des contestations sérieuses quant à l’existence même de la voie de fait alléguée, respectivement des éléments factuels qui se trouvent à la base de l’action en justice »45.

Elle a donc constaté qu’il était, du point de vue des critères de preuve applicables en matière de procédure de référé, suffisamment établi que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) est, en réalité, débitrice des fonds saisis.

Il en suit que le moyen manque en fait.

A titre subsidiaire il est observé que sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation du caractère sérieux de la contestation par les parents ou héritiers des victimes des attentats de l’allégation de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la saisie-arrêt constitue une voie de fait parce qu’elle a été pratiquée sur des avoirs appartenant formellement à un tiers, qui relève du pouvoir souverain du juge des référés et échappe au contrôle de votre Cour46.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le huitième moyen de cassation Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel déclara irrecevable la demande de voir ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt portant sur les comptes ouverts aux noms de la société de droit italien SOCIETE6.), aux motifs que : « il appartient à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) en tant que demanderesse à l’instance d’établir la réalité de la voie de fait alléguée, à savoir que les fonds inscrits auprès de la société SOCIETE1.) au nom et pour compte de la société SOCIETE3.) appartiennent réellement à celle-ci, et non pas à la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) »47, alors qu’il est constant en cause que la SOCIETE3.) n’est pas débitrice des défenderesses en cassation et que ce fait est suffisant pour fonder la prétention de la demanderesse en cassation, de voir ordonner la mainlevée de saisie-arrêt portant sur les comptes ouverts auprès du tiers saisi SOCIETE1.) par SOCIETE3.).

44 Idem et loc.cit.

45 Idem, page 37, dernier alinéa.

46 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 10 juillet 2014, n° 66/14, numéroNUMERO6.) du registre (réponse aux premier, quatrième et cinquième moyens réunis) ; idem, 3 novembre 2016, n° 84/15, numéroNUMERO7.) du registre (réponse au quatrième moyen).

47 Arrêt attaqué, page 37, dernier alinéa.

Ainsi qu’il a été vu ci-avant, dans le cadre de l’examen du septième moyen, la Cour d’appel a souverainement constaté qu’il était, du point de vue des critères de preuve applicables en matière de référé, suffisamment établi que la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) est, en réalité, débitrice des fonds saisis.

Il en suit que le moyen manque en fait.

Dans un ordre subsidiaire, il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par la Cour d’appel du caractère sérieux de la contestation par les parents ou héritiers des victimes des attentats de l’allégation de la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE D’A) que la saisie-arrêt constitue une voie de fait parce qu’elle a été pratiquée sur des avoirs appartenant formellement à un tiers.

Il en suit, à titre subsidiaire, qu’il ne saurait être accueilli.

Dans un ordre plus subsidiaire, la Cour d’appel, en justifiant sa décision par les motifs critiqués, respecta la répartition de la charge de preuve en matière de référé-sauvegarde, qui implique qu’il « appartient au demandeur d’établir l’existence d’un trouble manifestement illicite et au défendeur de prouver l’existence de contestations sérieuses de nature à contredire l’existence du trouble ou son caractère manifestement illicite »48. Elle constata, en effet, par ces motifs, que les parents ou héritiers des victimes des attentats avaient, selon son appréciation souveraine, réussi à établir l’existence de contestations sérieuses de nature à contredire le caractère manifestement illicite du trouble allégué, en l’occurrence le trouble consistant dans l’exercice d’une saisie-arrêt sur des avoirs appartenant de façon apparente à une personne, la SOCIETE3.), qui n’était pas débitrice des parties saisissantes.

Il en suit, à titre plus subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 48 Voir votre arrêt précité n° 87/2021, numéro CAS-2020-00068 du registre, du 20 mai 2021 (réponse au septième moyen).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 98/23
Date de la décision : 28/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-09-28;98.23 ?

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