La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2023 | LUXEMBOURG | N°47391C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 septembre 2023, 47391C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47391C ECLI:LU:CADM:2023:47391 Inscrit le 2 mai 2022

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 21 septembre 2023 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2022 (n° 43665 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

---------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’app...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47391C ECLI:LU:CADM:2023:47391 Inscrit le 2 mai 2022

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 21 septembre 2023 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2022 (n° 43665 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47391C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2022 par la société anonyme WILDGEN S.A., établie et ayant son siège social à L-2320 Luxembourg, 69, boulevard de la Pétrusse, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 212946, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée par Maître David MARIA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme (AB), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 22 mars 2022 (n° 43665 du rôle), par lequel ledit tribunal a rejeté son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 juillet 2019, référencée sous le numéro C … du rôle, ayant rejeté sa réclamation du 18 décembre 2018 introduite contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l’année 2014, émis à son égard le 26 septembre 2018 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mai 2022 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG au nom de l’Etat ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2022 par Maître David MARIA pour compte de la société anonyme (AB) ;

Vu le mémoire en duplique, dénommé « mémoire en réponse », déposé au greffe de la Cour administrative le 15 septembre 2022 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG au nom de l’Etat ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 octobre 2022.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Il ressort des déclarations non contestées des parties que la société anonyme (AB), ci-après la « société (AB) », fait partie du groupe portugais (CD) et que l’intégralité de son capital social fut détenue par la société anonyme (EF), ci-après la « société (EF) ».

Il ressort encore des déclarations des parties qu’en date du 23 janvier 2014, la société (EF) céda …% des actions de la société (AB) aux sociétés de droit portugais suivantes :

‒ à la société (GH), ci-après la « société (GH) », des actions représentant …% du capital et des droits de vote de la société (AB) ;

‒ à la société (IJ), ci-après la « société (IJ) », des actions représentant …% du capital et des droits de vote de la société (AB) ;

‒ à la société (KL), ci-après la « société (KL) », des actions représentant …% du capital et droits de vote de la société (AB).

Le même jour, la société (AB) acquit par contrat de vente (« share purchase and sale agreement ») … actions pour un prix de vente de … € par action de la société de droit portugais (MN), ci-après la « société (MN) », représentant …% du capital social, des sociétés (EF), (GH), (IJ) et (KL), de sorte qu’elle devint l’actionnaire majoritaire de la société (MN), ledit prix de vente ayant encore été sujet à révision au cas où il résulterait un prix plus ou moins important lors d’une offre publique d’achat, ci-après « OPA », du 12 février 2014.

Par avenants au prédit contrat de vente des 19 mars 2014, et suite à l’OPA du 12 février 2014 portant sur les … actions restantes de la société (MN), le prix d’une action fut revu à la baisse, à savoir à … € et une augmentation de capital eut lieu avec création de … actions nouvelles souscrites par le grand public, de sorte que le prix d’acquisition total définitif des actions de la société (MN) par la société (AB) était de (… x … =) … €, représentant 51% du capital social de la société (MN).

En date du 15 octobre 2014, la société (AB) vendit sa participation de 51% dans la société (MN), correspondant à … actions, à une société tierce (OP), ci-après la « société (OP) », filiale portugaise du groupe chinois (QR), au prix de … € par action, à savoir pour un montant total de (… x … =) … €, de sorte que la société (AB) réalisa une plus-value comptable brute de … € sur la vente des actions en question, laquelle fut comptabilisée dans le compte de résultat des comptes commerciaux pour l’exercice 2014.

Le 15 avril 2015, la société (AB) adressa une demande de décision anticipée au bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition », en vue de la reconnaissance d’un apport caché lors de l’acquisition des actions de la société (MN) en date du 23 janvier 2014, en ce que la valeur des actions de la société (MN) aurait, en réalité, été supérieure au prix payé par elle, de sorte que la plus-value réalisée comptablement serait inexistante d’un point de vue fiscal.

En date du 5 octobre 2015, la demande de décision anticipée fut rejetée au motif qu’ « il résulte de l’examen de votre demande ainsi que de l’avis rendu par la Commission des décisions anticipées, que le traitement fiscal relatif à/aux opération(s) décrite(s) et tel qu’analysé par vos soins est contraire aux textes légaux et réglementaires actuellement en vigueur, alors que le prix d’acquisition ne peut être dépassé même si la valeur d’exploitation de biens ayant fait partie de l’actif net investi à la fin de l’exercice précédent est supérieur à la valeur retenue lors de la clôture de l’exercice (article 23(3) LIR) ».

Le 4 mai 2016, la société (AB) déposa sa déclaration fiscale pour l’année d’imposition 2014, en y déclarant un résultat fiscal négatif de … € sur base d’un bilan fiscal divergeant du bilan commercial en renseignant une réserve fiscale pour un montant de … €.

Le 10 août 2016, le bureau d’imposition émit, en application du § 100a de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2014 en fixant les bases d’imposition respectives conformément au résultat fiscal négatif déclaré.

Par courrier du 19 juin 2018, le bureau d’imposition sollicita, en application des §§ 205 et 170 AO, des informations supplémentaires de la part de la société (AB).

Par courriel du 2 juillet 2018, la société (AB) fit suite à cette demande.

En date du 10 juillet 2018, le bureau d’imposition informa la société (AB), sur le fondement du § 205, alinéa (3), AO, qu’il envisageait de dévier de la déclaration fiscale telle que déposée. Ledit courrier est formulé comme suit : « (…) Le bureau d’imposition Sociétés 6 est d’avis que le prix initialement payé, soit … € par action, reflète bel et bien le principe de pleine concurrence. En effet, lors de l’IPO du 12 février 2014 portant sur 49% du capital social de (MN), la valeur de ces actions, destinées à être vendues au grand publique [sic], était fixée à … € par action, donc à un prix qu’un tiers était prêt à payer sans prime de contrôle. Par conséquent, le bilan fiscal remis est rejeté et l’imposition est effectuée par rapport au bilan commercial conformément à l’article 40 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.). La plus-value réalisée, ne tombant pas dans le champ d’application du règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166, alinéa 9, numéro 1 L.I.R., est dès lors pleinement imposable. (…) ».

Par courriers électroniques des 7 août et 11 septembre 2018, la société (AB) formula ses observations à l’égard de l’imposition envisagée par le bureau d’imposition.

En date du 26 septembre 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société (AB) les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal définitifs de l’année 2014 en y indiquant que : « L’imposition a été établie conformément à notre courrier du 10/07/2018. Les informations complémentaires reçues notamment par courriels du 07/08/2018 et du 11/09/2018 par (ST) ne sont pas pertinentes susceptible [sic] de reconsidérer notre position ».

Par courrier daté du 18 décembre 2018, la société (AB) fit introduire une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal définitifs de l’année 2014 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur ».

Par une décision du 17 juillet 2019, référencée sous le numéro C 25782, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 19 décembre 2018 par le sieur (W) et la dame (X), au nom de la société anonyme (AB), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014, tous les deux émis le 26 septembre 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de ne pas avoir reconnu dans son chef un apport caché lors de l’acquisition de … actions auprès de 4 sociétés faisant partie du même groupe de sociétés dont appartient la réclamante ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

Considérant, à titre liminaire, qu’il convient de présenter brièvement le groupe de sociétés (ci-après : le groupe (CD)/(AB)) dont fait partie la réclamante ; qu’antérieurement au 23 janvier 2014, la société anonyme (EF), actuellement en état de faillite, a détenu l’intégralité du capital social de la réclamante ; que les sociétés anonymes (EF) et (GH), également en état de faillite, ainsi que les sociétés de droit portugais (IJ), (KL) et (UV) ont détenu l’intégralité du capital social de la société de droit portugais (MN) (ci-après : la société (MN)) ;

Considérant qu’en date du 23 janvier 2014, la société anonyme (EF) a cédé 45 pour cent des actions de la réclamante à la société (GH), ainsi qu’aux sociétés de droit portugais (IJ) et (KL) ; que le même jour, les sociétés (EF), (GH), (IJ) et (KL) ont cédé une partie de leur participation respective dans la société (MN) à la réclamante, de sorte que celle-ci est devenue actionnaire majoritaire à raison de 51 pour cent ; qu’initialement, le prix de vente pour une action convenu dans les contrats de vente respectifs (« SHARE PURCHASE AND SALE AGREEMENT ») du 23 janvier 2014, s’est chiffré à … euros ; qu’il ressort du point 2 de la 3e clause des contrats de vente que le prix de … euros par action serait sujet à révision au cas où il résulterait un prix plus ou moins important lors d’une offre publique d’achat ayant eu lieu en date du 12 février 2014 ; que suite à l’offre publique d’achat, le prix d’une action a été revu à la baisse, à … euros, par avenants datés au 19 mars 2014 ; qu’in fine la réclamante a acquis 51 pour cent du capital de la société (MN) pour le prix total de (… x … i.e.) … euros ;

Considérant qu’en date du 15 octobre 2014, la réclamante a cédé sa participation de 51 pour cent dans la société (MN) à un acteur tiers, non lié au groupe (CD)/(AB), en l’occurrence à la société de droit portugais (OP) ; que le prix d’une action s’est élevé à … euros, le prix de vente total se chiffrant dès lors à (… x … i.e.) … euros ;

Considérant que la plus-value afférente à la cession de la société (MN) a été comptabilisée dans le bilan commercial au 31 décembre 2014 pour un montant de (… - … - … (dépenses en connexion économique avec la vente) i.e.) … euros ; que dès lors, le bénéfice commercial de l’année litigieuse s’est chiffré à … euros ;

Considérant qu’une demande de décision anticipée a été introduite par la réclamante auprès du bureau d’imposition le 16 avril 2015 ; que la demande en question avait comme objet la reconnaissance d’un apport caché lors de l’acquisition des actions de la société (MN) ;

Considérant qu’a été introduit par l’article 4 de la loi du 19 décembre 2014 relative à la mise en œuvre du paquet d’avenir (première partie) un nouveau paragraphe 29a AO ayant trait à la pratique des décisions anticipées dans le but d’améliorer le dialogue entre l’administration des contributions directes et le contribuable voire d’assurer la sécurité juridique dans les affaires économiques internationales ;

Considérant que le § 29a, alinéa 1er AO autorise le préposé du bureau d’imposition à émettre une décision anticipée relative à l’application de la loi fiscale à une ou plusieurs opérations précises envisagées par un contribuable ; que le règlement grand-ducal du 23 décembre 2014 portant exécution du § 29a AO détermine la procédure applicable aux décisions anticipées ; que l’article 2 du règlement grand-ducal précité retient que « Lorsque la demande de décision anticipée concerne le domaine de la fiscalité des entreprises, le préposé du bureau d’imposition compétent la soumet pour avis à la Commission des décisions anticipées (ci-après « la CDA ») », ce que le préposé du bureau d’imposition a fait après avoir reçu la demande de décision anticipée de la part de la réclamante ;

Considérant que la CDA a estimé que le traitement fiscal de l’opération y exposée n’était pas conforme aux textes légaux et réglementaires en vigueur ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 23 décembre 2014 « La décision anticipée est prise par le préposé du bureau d’imposition compétent. » ;

que par conséquent, le bureau d’imposition, encadré et soutenu dans ses missions par la CDA, a classé sans suite les souhaits de la réclamante ; qu’il lui a fait parvenir le 5 octobre 2015, un courrier l’avisant du refus de la demande de décision anticipée du 16 avril 2015 en arguant « que le prix d’acquisition ne peut être dépassé même si la valeur d’exploitation de biens ayant fait partie de l’actif net investi à la fin de l’exercice précédent est supérieur à la valeur retenue lors de la clôture de l’exercice (article 23(3) LIR) » ;

Considérant que la réclamante a déposé sa déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2014 le 6 mai 2016 en faisant valoir une perte à hauteur de 29.674.473,10 euros ; qu’elle a joint à sa déclaration d’impôt un bilan fiscal au 31 décembre 2014 renseignant une « Fiscal reserve » pour un montant de … euros ;

que le bénéfice commercial a donc été ramené de … euros à (… - … i.e.) -… euros ;

Considérant qu’en date du 10 août 2016, le bureau d’imposition a émis les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014 en vertu du § 100a, alinéa 1er AO ; que dans une seconde phase le bureau d’imposition a avisé la réclamante qu’il effectuerait un contrôle ultérieur en vertu du § 100a, alinéa 2 AO par émission d’un courrier daté au 19 juin 2018 ; qu’il a sollicité les comptes annuels au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014 de la société (MN), ainsi que « des explications quant aux intérêts économiques de cette acquisition » ;

Considérant que suite à l’instruction du dossier en question, le bureau d’imposition a adressé à la requérante une lettre datée au 10 juillet 2018, conformément au § 205, alinéa 3 AO, afin de lui communiquer les divergences notables en sa défaveur par rapport à la déclaration d’impôt de l’année 2014, pour observation préalablement à l’imposition, retenant notamment que « le bilan fiscal remis est rejeté et l’imposition est effectuée par rapport au bilan commercial conformément à l’article 40 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu » ; que, partant, la plus-value de cession se chiffrant à … euros serait pleinement imposable ;

Considérant que la réclamante, exerçant son droit d’être entendue, y a répliqué en date du 11 septembre 2018 en faisant valoir qu’elle ne partagerait pas le point de vue du bureau d’imposition ; qu’elle a joint à sa réponse une étude prix de transfert élaborée par la société à responsabilité limitée (ST) ;

Considérant que le bureau d’imposition a émis les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014 en vertu du § 100a, alinéa 2 AO ; qu’il a procédé à l’imposition de l’année litigieuse en se référant aux redressements communiqués dans son courrier du 10 juillet 2018 ; qu’il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la réclamante a acquis les … actions de la société (MN) auprès des sociétés liées (EF), (GH), (IJ) et (KL) ; qu’elle estime que dans des circonstances comparables, une entreprise indépendante aurait dû payer en surplus de la valeur de bourse d’une action une prime de contrôle (« Control premium ») ; que le prix d’acquisition d’une action au 23 janvier 2014 n’aurait pas été conforme au principe de la pleine concurrence, de sorte que ce dernier devrait être majoré d’une prime de contrôle ;

Considérant que le principe dit « de pleine concurrence » (« arm’s length principle ») représente la norme internationale adoptée par les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui doit être utilisée pour la détermination des prix de transfert entre entreprises associées effectuant des transactions transfrontalières ; que pour assurer l’application de ce principe, l’OCDE a élaboré des lignes directrices qui sont régulièrement mises à jour et qui sont destinées à être observées de manière impérative tant par les entreprises multinationales que par les autorités fiscales des pays parties à la convention ;

Considérant que la réclamante cite également les articles 56 et 56bis de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) en ce qui concerne le principe de pleine concurrence ; que force est toutefois de constater que l’article 56 L.I.R. a été modifié par l’article 9 de la loi du 19 décembre 2014 relative à la mise en œuvre du paquet d’avenir (première partie) à partir du 1er janvier 2015 ; qu’antérieurement à cette date, l’article 56 L.I.R. avait comme objet la fixation forfaitaire du bénéfice en cas de relations économiques particulières avec l’étranger ;

Considérant que l’article 56bis L.I.R., renfermant les principes de base à respecter dans le cadre d’une analyse de prix de transfert concernant la technique à mettre en œuvre et la méthodologie à retenir en vue de l’application du principe de pleine concurrence, a été introduit par l’article 3, 2° de la loi du 23 décembre 2016 ; qu’il n’est applicable qu’à partir du 1er janvier 2017 ;

Considérant que la valeur de marché d’une action de la société (MN) a été fixée à … euros lors de l’offre publique d’achat du 12 février 2014 ; que cette valeur n’est pas litigieuse car représentant le montant à payer en bourse par tout un chacun désireux d’entrer au capital de la société (MN) ; que la réclamante est d’avis que les sociétés cédantes des actions de la société (MN) ont réalisé un apport caché de capital se traduisant par la transmission à titre gratuit d’une prime de contrôle, prime qu’une partie tierce aurait dû payer dans un libre marché ; qu’en « conférant ainsi le contrôle et les bénéfices associés » de la société (MN) à la réclamante, le prix d’acquisition d’une action de … euros serait donc à augmenter d’une prime de contrôle ;

Considérant qu’une « prime de contrôle est la majoration du prix qu’un acquéreur accepte de payer pour obtenir le contrôle majoritaire d’une société. Etant donné que la valeur de marché des titres traduit une position minoritaire, la prime de contrôle s’appréhende comme une majoration de la valeur d’échange d’un titre sur le marché. Elle représente la valeur du pouvoir décisionnel conféré à l’actionnaire majoritaire par rapport à un actionnaire minoritaire et qui découle principalement de la définition de la stratégie de l’entreprise, de l’obtention d’un siège au conseil d’administration, des synergies espérées. » ; qu’il y a lieu de comprendre, qu’en principe, une prime de contrôle correspond à un surplus à payer par un investisseur dans le but d’obtenir le contrôle majoritaire d’une société ;

Considérant que dans son placet, la réclamante invoque que « l’Etude (ST) [l’étude prix de transfert élaborée par (ST)] a déterminé une fourchette pour la prime de contrôle observée lors de transactions entre entreprises non liées entre 10,06% et 72,94% avec une médiane de 33,68%. Cette prime de contrôle est à appliquer sur le prix initialement payé de … EUR par action correspondant à un prix sans prime de contrôle. De ce fait la valeur de marché de 51% des actions de (MN) au 23 janvier 2014 devrait être évaluée entre … EUR [… + (… x 10,06%)] et … EUR [… + (… x 72,94%)] par actions (sic) en incluant la prime de contrôle déterminée dans l’Etude (ST). » ; qu’il convient d’ores et déjà de noter que les montants minimum et maximum du prix d’acquisition d’une action, tels que proposés par la requérante, influent de façon non négligeable sur le prix global des … actions en cause ; qu’à titre d’illustration, un prix de … euros par action dégagerait un prix d’acquisition total de (… x … i.e.) … euros, alors qu’un prix de … euros par action dégagerait un prix d’acquisition total de (… x … i.e.) … euros, donc, une différence de non moins que (… - … i.e.) … euros ;

qu’en appliquant la médiane de 33,68 pour cent indiquée dans l’étude prix de transfert, le prix d’acquisition des actions se chiffrerait à ((… + (… x 33,68%)) x … i.e.) … euros ; qu’il en résulte une marge de manœuvre énorme entre les différents pourcentages renseignés dans l’étude prix de transfert susmentionnée ;

Considérant que dans son bilan fiscal au 31 décembre 2014 la réclamante a réduit son bénéfice commercial de l’intégralité de la plus-value de cession en question ; qu’en agissant de telle sorte elle a admis un prix d’acquisition d’une action de la société (MN) à hauteur de ((… (prix de cession) - … (dépenses en connexion économique avec la vente)) / … i.e.) … euros ; qu’elle a donc rajouté au prix d’acquisition d’une action de la société (MN) une prime de contrôle de (… - … i.e.) … euros correspondant à (… / … x 100 i.e.) 54,37 pour cent de ce prix d’acquisition ; qu’elle n’a pas trouvé utile d’appliquer les taux figurant dans l’étude prix de transfert, en l’occurrence 10,06 pour cent, 33,68 pour cent ou 72,94 pour cent ; que force est encore de constater que le pourcentage sur lequel s’appuie la réclamante est largement au-dessus de la médiane de 33,68 pour cent telle que renseignée dans l’étude prix de transfert ;

Considérant qu’antérieurement à l’étude prix de transfert, une étude d’évaluation a été préparée par la société de droit portugais (YZ) qui a été annexée à la demande de décision anticipée du 16 avril 2015 ; qu’en s’appuyant sur cette étude élaborée en mars 2015, la réclamante a affirmé que « la valeur estimée de marché d’une action lors de l’acquisition, i.e.

entre … € et … €, serait à qualifier d’apport caché » ; que précisément elle se réfère à la page 49 de ladite étude retenant notamment que « an arm’s-length (MN) transaction price could range between … €/share and …€/share » ;

Considérant que dans un courrier électronique datant du 11 septembre 2018, la réclamante a exposé cette fois-ci que « nous avons déterminé une fourchette interquartile pour la prime de contrôle entre 20.86% et 50.90% avec une médiane de 33.68% » ; que dès lors, les montants minimum et maximum d’une action de la société (MN) se chiffreraient à respectivement (… + (… x 20,86%) i.e.) … euros et (… + (… x 50,90%) i.e.) … euros ;

Considérant qu’en essayant de sortir de ce flou en nombres et valeurs, la réclamante a tout simplement choisi la solution qui a permis de réduire le bénéfice commercial de l’intégralité de la plus-value dégagée lors de la vente des titres en question ;

Considérant, tel que cela a été retenu supra, que le bureau d’imposition, soutenu par la CDA, a informé la réclamante par un courrier daté au 5 octobre 2015 « que le prix d’acquisition ne peut être dépassé même si la valeur d’exploitation de biens ayant fait partie de l’actif net investi à la fin de l’exercice précédent est supérieur à la valeur retenue lors de la clôture de l’exercice (article 23(3) LIR) » ; que selon l’opinion de la réclamante « la notion de « prix d’acquisition » au sens de l’article 23 (3) LIR réfère au prix d’acquisition fiscale (sic) (et non commerciale (sic)). Ainsi ce prix d’acquisition fiscale (sic) doit tenir compte du HCC. » ; qu’il peut valablement être supposé que la réclamante entend par « HCC », abréviation non définie dans la présente requête, la notion de « hidden capital contribution », donc, un apport caché de capital ;

Considérant qu’aux termes de l’article 23, alinéa 3 L.I.R. « Les biens autres que ceux visés à l’alinéa qui précède (le sol, les participations, les biens du réalisable et du disponible) sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. Lorsque la valeur d’exploitation y est inférieure, l’évaluation peut se faire à cette valeur inférieure. Lorsque la valeur d’exploitation de biens ayant fait partie de l’actif net investi à la fin de l’exercice précédent est supérieure à la valeur retenue lors de la clôture de cet exercice, l’évaluation peut se faire à la valeur d’exploitation, sans que toutefois le prix d’acquisition ou de revient puisse être dépassé. » ;

Considérant que le prix d’acquisition initial d’un bien est la limite supérieure absolue dont le montant n’est pas à dépasser lors de la comptabilisation de ce bien ; que même au cas où la valeur d’exploitation d’un bien s’avérerait supérieure à la clôture de l’exercice par rapport à la clôture de l’exercice précédent, une comptabilisation à un montant supérieur au prix d’acquisition initial n’est en aucun cas permise ; qu’en l’espèce, il est sans équivoque que le prix d’acquisition d’une action de la société (MN) a été fixé à … euros lors de l’offre publique d’achat du 12 février 2014 ; que dans son bilan commercial de l’année litigieuse, la réclamante a effectivement comptabilisé l’acquisition des … actions de la société (MN) au prix de … euros par action ; qu’il découle de ce qui précède, que la requérante ne saurait mettre en compte un prix d’acquisition d’une action supérieur à celui payé lors de l’acquisition du 23 janvier 2014 ;

Considérant que la réclamante fait valoir que la prime de contrôle serait à analyser en tant qu’apport caché au titre de l’année 2014 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 18, alinéa 1er L.I.R. « Le bénéfice est constitué par la différence entre l’actif net investi à la fin et l’actif net investi au début de l’exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l’exercice et diminuée des suppléments d’apport effectués pendant l’exercice. » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 42 L.I.R. sont considérés comme suppléments d’apport tous les biens qu’en cours d’exploitation le contribuable incorpore à son entreprise ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 43 L.I.R., les suppléments d’apport et les prélèvements personnels sont respectivement à mettre en compte pour leur valeur d’exploitation au moment de l’apport et celui du prélèvement ;

Considérant qu’en droit fiscal, la « distribution cachée et l’apport caché constituent des opérations voisines ayant les caractéristiques suivantes. Il s’agit en effet de l’octroi d’un avantage entre personnes apparentées motivé par les relations sociales. L’associé qui cède à la société des biens économiques gratuitement ou à un prix anormalement bas effectue un apport caché à concurrence de la différence entre prix effectif et le prix normal. Lorsque, en raison de sa participation, l’associé d’une société à responsabilité limitée renonce à sa créance envers la société, la renonciation est à considérer comme apport en société » (Etudes fiscales n° 113/114/115, Guy Heintz, Impôt sur le revenu des collectivités) ;

Considérant qu’il échoit de mettre en exergue que le groupe (CD)/(AB) a déjà détenu la majorité du capital social de la société (MN) avant le transfert des titres en date du 23 janvier 2014 ; que suite à la cession du 23 janvier 2014, il n’y a pas eu de changement par rapport à la majorité des actions détenues par le groupe (CD)/(AB), la seule différence étant celle que la réclamante a depuis détenu la majorité des actions de la société (MN) en lieu et place des sociétés (EF), (GH), (IJ) et (KL) ; qu’au vu du contrôle majoritaire de la société (MN) au sein du groupe (CD)/(AB), et ce déjà bien avant le 23 janvier 2014, il n’y a aucune raison pourquoi, soudainement, une prime de contrôle devrait être comptabilisée en tant qu’apport caché au niveau de la réclamante, à moins que ce ne serait pour des raisons purement fiscales ;

Considérant qu’en l’espèce, la production d’une étude prix de transfert avec estimation d’une prime de contrôle est à déclarer comme dénuée de pertinence étant donné que le groupe (CD)/(AB) a déjà été actionnaire majoritaire de la société (MN) avant la cession des … actions en date du 23 janvier 2014 ;

Considérant qu’au contraire, l’affirmation de la requérante selon laquelle « une prime de contrôle devrait être prise en compte dans le calcul du prix d’acquisition » est même contredite par le fait que lors de la revente des … actions à une société tierce par rapport au groupe (CD)/(AB), aucune prime de contrôle n’a été facturée par la réclamante ;

Considérant qu’elle a cédé à un investisseur chinois, par l’intermédiaire de la société de droit portugais (OP), toutes les actions de la société (MN), représentant donc la majorité du capital de la société (MN), au cours de bourse sans toutefois demander une quelconque prime de contrôle ; qu’il ressort d’une consultation des cours boursiers afférents à l’année 2014, qu’une action de la société (MN) a eu une valeur de … euros au 15 octobre 2014 ; qu’au cas où l’hypothèse de la prime de contrôle avancée par la réclamante s’avérerait correcte, il lui aurait partant appartenu de refacturer au nouvel actionnaire majoritaire cette prime de contrôle en surplus du prix de cession de … euros par action, ce qu’elle n’a toutefois pas fait ;

qu’il est donc manifeste qu’une prime de contrôle n’a tout simplement pas existé, ni lors de l’acquisition des … actions en date du 23 janvier 2014, ni lors de la cession de ces mêmes actions en date du 15 octobre 2014 ; que la plus-value de cession litigieuse n’est rien d’autre que le résultat des fluctuations du cours boursier des actions de la société (MN) ;

Considérant que le bureau d’imposition a fait une juste appréciation des faits et que c’est à juste titre qu’il a refusé l’apport caché de … euros tel que revendiqué par la requérante ;

Considérant que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166, alinéa 9, n° 1 L.I.R. retient dans son article 1er de l’alinéa 1° que lorsqu’un contribuable visé à l’article 166, alinéa 1er nos 1 à 5, cède des titres d’une participation directe détenue dans le capital social d’une société visée à l’alinéa 2, nos 1 à 3 du même article, le revenu dégagé par la cession est exonéré, lorsqu’à la date de l’aliénation des titres le cédant détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois et que pendant toute cette période, le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 6.000.000 euros ;

Considérant que la réclamante a acquis les … actions de la société (MN) en date du 23 janvier 2014 ; qu’elle les a revendues en date du 15 octobre 2014, de sorte que la condition de détention pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois ne se trouve pas remplie ;

que par voie de conséquence, la plus-value pour un montant de … euros est pleinement imposable ;

Considérant, à titre superfétatoire, que la réclamante a comptabilisé des provisions d’impôt pour un montant total de … euros ; que ces provisions d’impôts sont presque égales à la somme de l’impôt sur le revenu des collectivités de … euros de l’impôt commercial communal de … euros figurant aux bulletins d’impôt respectifs ; qu’il doit être admis que la réclamante s’est attendue à une imposition de la plus-value de cession en question, alors qu’elle a tenté à échapper à cette imposition en prônant la théorie de la prime de contrôle ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2019, la société (AB) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 17 juillet 2019, rejetant sa réclamation introduite le 19 décembre 2018 contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2014.

Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif reçut ce recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié, partant en débouta, le tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en condamnant la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2022, la société (AB) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 22 mars 2022.

Moyens des parties L’appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de ses arguments concernant la reconnaissance de l’existence d’une prime de contrôle dans l’achat des titres de la société (MN). Elle définit la prime de contrôle comme « la conception de prime de contrôle dans une optique d’acquisition ou cession de parts est en majorité due aux perspectives de synergies et de pouvoir décisionnel que conférerait une telle acquisition/cession. Une telle prime n’est généralement pas mentionnée dans les contrats d’achat/vente de titres. Elle peut être déterminée par rapport au cours boursier des parts cédées dans le cas d’une société cotée ».

Selon l’appelante, la prime de contrôle serait reconnue dans de nombreuses juridictions comme en attesteraient des publications, telle que le guide « L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés », ci-après le « Guide », publié par l’administration fiscale française en novembre 2006, et qui serait une référence pour les juridictions administratives françaises.

L’appelante souligne qu’elle aurait mis en avant des publications qui reconnaîtraient l’existence de la prime de contrôle et qui démontreraient que les acquéreurs payeraient une prime qui pourrait être substantielle afin d’obtenir le contrôle d’une société. Ainsi, un ouvrage qui serait une référence en finance, le manuel « Finance d’Entreprise », définirait la prime de contrôle comme le prix supplémentaire par rapport à la valeur de marché d’une société qu’un investisseur paierait pour détenir le contrôle du capital de cette société.

L’appelante soutient que le prix de … euros par action, qui aurait été payé par elle pour l’acquisition des titres de la société (MN), serait le prix d’une action individuelle qui ne permettrait pas d’influencer sur les décisions stratégiques. En revanche, un investisseur qui souhaiterait acquérir un nombre de titres suffisant afin d’avoir une majorité de contrôle devrait payer une prime par rapport au cours initial, afin de convaincre les actionnaires minoritaires de lui apporter leurs titres.

L’appelante affirme que si elle avait acquis la part majoritaire du capital de la société (MN) auprès des tiers, elle aurait nécessairement payé une prime de contrôle. Par conséquent, afin de respecter le principe de pleine concurrence lors du rachat des titres de la société (MN), elle aurait dû payer une prime de contrôle.

En outre, l’appelante réfute le raisonnement des premiers juges selon lequel, lors de la revente des actions de la société (MN) à la société (OP), il ne ressortirait pas du contrat de vente qu’une prime de contrôle aurait été payée. Selon l’appelante, la prime de contrôle ne serait jamais mentionnée de manière explicite dans les contrats de vente puisqu’il s’agirait d’une prime implicite. L’appelante soutient qu’au moment de la revente des titres à la société (OP), la presse financière aurait fait état d’une prime de 31% payée par cette dernière pour l’acquisition des titres de la société (MN), par rapport au cours moyen sur les 6 mois précédant l’acquisition.

Dans son mémoire en réplique, l’appelante affirme que l’argument de la partie étatique selon lequel la vente intra-groupe aurait été faite à un prix en dessous du prix de marché confirmerait sa position et elle souligne que cela révélerait la contradiction de la position de la partie étatique.

De plus, elle insiste qu’en vertu de l’application du principe de pleine concurrence, la cession des parts de la société (MN) devrait être analysée comme une transaction réalisée entre des parties indépendantes. Par conséquent, elle estime que les arguments de la partie étatique selon lesquels le contrôle de la société (MN) appartenait déjà au groupe (CD)/(AB) seraient à rejeter.

L’appelante soutient qu’en ce qui concerne le prix des actions de la société (MN), au moment de la vente à la partie tierce, celui-ci aurait été de … euros au 15 octobre 2014, tel que référencé sur la base des données Thomson Reuters, alors que le chiffre avancé par la partie étatique de … euros au 15 octobre 2014 ne serait soutenu par aucune source. En outre, selon la pratique de marché, pour comparer un cours boursier, il faudrait tenir compte d’une moyenne sur les 6 derniers mois, qui pour les actions de la société (MN) se serait élevée à … euros.

Concernant la valorisation de la prime de contrôle, l’appelante soutient que la critique des premiers juges, qui reposerait sur la divergence entre les deux études des prix de transfert (une étude préparée par (ST), ci-après « l’étude (ST) », du 11 septembre 2018 et une étude préparée par la société (XY), ci-après « l’étude (XY) », du 25 mars 2015), ne serait pas fondée.

En effet, d’après elle, les deux études seraient complémentaires et les divergences seraient expliquées par le fait qu’elles seraient fondées sur des méthodologies et des bases de données différentes. L’appelante relève que malgré les divergences dans l’étude (XY) qui, entre autres méthodes, appliquerait la méthode d’actualisation des flux de trésorerie qui supporterait le prix de … euros et … euros prime de contrôle incluse. Or, ce prix serait très proche du prix déterminé par l’étude (ST).

Selon l’appelante, le bureau d’imposition et le tribunal administratif auraient porté une attention limitée aux deux études des prix de transfert. Elle affirme que les premiers juges remettraient en doute la crédibilité de ces études sans pour autant effectuer une revue approfondie des analyses économiques réalisées. L’appelante affirme que ni le bureau d’imposition, ni les premiers juges n’apporteraient des arguments de fond pour rejeter les études préparées par (ST) et (XY) et ne proposeraient aucune analyse alternative.

L’appelante soutient encore que la critique des premiers juges, quant à l’intervalle des prix déterminés par les études (ST) et (XY), serait sans fondement. En effet, selon les principes de l’OCDE, n’importe quel point de l’intervalle serait de pleine concurrence et pourrait donc être retenu, du moment que les transactions choisies sont jugées suffisamment comparables.

Ainsi, selon l’appelante, les premiers juges ne pourraient pas faire une critique fondée sans avoir au préalable analysé les comparables et la méthodologie suivie.

Enfin, l’appelante affirme que la critique des études de prix de transfert des premiers juges fondée sur le fait que l’appelante était la mandante d’(ST) ne serait pas acceptable. Le fait que l’appelante aurait mandaté (ST) et (XY) et les aurait rémunérés pour leur assistance serait normal dans le cadre d’une relation entre un client et ses conseils financiers et juridiques.

Elle ajoute qu’afin de soutenir ces critiques, le bureau d’imposition ou le tribunal auraient pu commissionner un expert afin de réaliser une contre-expertise ou bien proposer des résultats alternatifs, ce qui n’aurait pas été fait.

La partie étatique, pour sa part, soutient que l’intention principale de l’appelante serait d’échapper à l’imposition de la plus-value de cession litigieuse. Elle rappelle qu’une demande de décision anticipée, afin de reconnaître l’existence d’un apport caché lors de l’acquisition de la société (MN), aurait été déposée par l’appelante en date du 16 avril 2015. Toutefois, cette demande aurait été rejetée en date du 5 octobre 2015 et par conséquent l’appelante aurait été au courant de la position du bureau d’imposition avant même sa déclaration fiscale.

Ensuite, la partie étatique soutient que la vente intra-groupe des titres de la société (MN) aurait été effectuée en-dessous du prix réel du marché alors même que les sociétés venderesses auraient été en faillite au moment de la vente et qu’ainsi leur conseil d’administration aurait agi contre leur intérêt au moment de la vente.

De plus, d’après l’Etat, l’appelante aurait elle-même comptabilisé l’acquisition des … actions de la société (MN) au prix de … euros et ne saurait donc mettre en compte un prix d’acquisition supérieur à celui payé le 23 janvier 2014 puisque ceci serait contraire à l’article 23, paragraphe (3), de la loi modifiée du 6 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après la « LIR ».

La partie étatique fait valoir que le principe de l’existence d’une prime de contrôle ne serait pas litigieux et reconnait qu’une telle prime serait effectivement un surplus à payer par un investisseur dans le but d’obtenir le contrôle majoritaire d’une société. Toutefois, en l’espèce, le groupe (CD)/(AB) aurait déjà détenu, de fait, la majorité du capital social de la société (MN) avant le rachat par l’appelante le 23 janvier 2014. Par conséquent, selon la partie étatique, rien ne justifierait le paiement d’une prime de contrôle et les études des prix de transfert versées par l’appelante n’auraient ainsi aucune pertinence.

L’Etat affirme également que lors de la revente des … actions à la société (OP), aucune prime de contrôle n’aurait été facturée par l’appelante. La consultation des cours boursiers de l’année 2014 montrerait qu’une action de la société (MN) aurait eu une valeur de … euros le 15 octobre 2014. Or, si l’hypothèse du paiement de la prime de contrôle avait été vérifiée, la prime de contrôle lors de la revente des titres à la partie tierce aurait été facturée en plus du prix de … euros par action. La partie étatique conclut que la prime de contrôle n’aurait pas existé, ni lors de l’acquisition des titres par l’appelante le 23 janvier 2014, ni lors de la revente le 15 octobre 2014. La plus-value de cession litigieuse serait simplement due à la fluctuation boursière des actions de la société (MN).

La partie étatique demande donc à la Cour de confirmer les premiers juges qui auraient considéré que l’appelante serait en défaut d’établir que la plus-value générée par la cession des titres ne serait pas le simple résultat des fluctuations du cours boursier des actions de la société (MN).

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique réitère en substance ses arguments développés ci-dessus. Elle ajoute que l’information, selon laquelle le cours de bourse des actions de la société (MN) se serait élevé à … euros au 15 octobre 2014, proviendrait d’une recherche effectuée par le bureau d’imposition sur le site www.finanzen.net, un site qui serait régulièrement utilisé par les services du bureau d’imposition.

Analyse de la Cour Tout d’abord, c’est à bon escient que le tribunal a rappelé que la charge de la preuve en matière fiscale est régie par l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qui dispose que « La preuve des faits déclenchant l’obligations fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ». C’est encore à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’en vertu de l’article précité, la charge de la preuve de l’application d’une prime de contrôle sur le prix d’acquisition des titres de la société (MN) repose sur l’appelante.

Ensuite, la Cour constate que les parties s’accordent de manière générale sur l’existence du concept d’une prime de contrôle dans le cadre d’une acquisition d’une participation de titres d’une société conférant le contrôle sur cette dernière, mais sont en désaccord quant à l’application d’une telle prime dans le cas en l’espèce.

Ainsi, même s’il n’existe pas de définition communément admise d’une prime de contrôle, un certain nombre de publications juridiques et économiques y font référence, telles que le Guide émis par l’administration fiscale française. En outre, la jurisprudence française a admis l’application de cette notion de prime de contrôle par les autorités fiscales françaises notamment dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation française le 3 février 2015 (n° de pourvoi 13-25.306).

Il ressort donc des définitions proposées par l’appelante et la partie étatique que la prime de contrôle est un supplément de prix, par rapport à la valeur de marché d’une société, qu’un acquéreur accepte de payer afin de disposer du contrôle de l’entreprise acquise en vue de bénéficier du ou des avantages spécifiques attachés à l’exercice du contrôle sur la société acquise.

Toutefois, la Cour note que l’application d’une prime de contrôle lors de l’acquisition d’une participation de contrôle n’est pas automatique et que, tel que précisé dans le Guide, cette prime doit correspondre à des avantages concrets qu’apporte la position d’actionnaire majoritaire à l’acquéreur dans une entreprise donnée : « En supposant que le pouvoir de décision confère des avantages objectifs à ceux qui l’acquièrent, la valeur du titre majoritaire doit être supérieure à celle du titre minoritaire » (p. 108 du Guide). Il s’ensuit que l’acquéreur doit procéder à une appréciation in concreto afin de déterminer si la position d’actionnaire majoritaire lui apporte un avantage tel qu’il est prêt à payer un supplément de prix par rapport à la valeur de marché de l’entreprise.

En l’espèce, la Cour constate que l’appelante affirme qu’une prime de contrôle aurait dû s’appliquer puisqu’elle aurait « procédé à l’acquisition d’un bloc de titres représentant …% (puis 51% après l’augmentation de capital) du capital de la société (MN) ». Or, il ressort des contrats de vente versés par l’appelante qu’elle a acquis sa participation dans le capital de la société (MN) suivant les pourcentages suivants :

‒ …% auprès de la société (EF) ;

‒ …% auprès de la société (GH) ;

‒ …% auprès de la société (IJ) ; et ‒ …% auprès de la société (KL).

Par conséquent, c’est à tort que l’appelante prétend avoir acquis « un bloc de titres représentant …% » du capital social de la société (MN), puisqu’elle a acquis ces actions auprès de quatre vendeurs différents. Or, pris de manière isolée, aucun de ces quatre vendeurs ne pouvait conférer le contrôle de la société (MN) à l’appelante, mais c’est le cumul de ces quatre transactions distinctes qui a conféré à l’appelante la propriété de …% des titres de la société (MN). L’appelante est donc devenue l’actionnaire majoritaire de la société (MN) non pas grâce à l’acquisition d’une participation majoritaire, mais en rachetant quatre participations minoritaires.

En effet, comme l’appelante l’a précisé elle-même dans son mémoire en réplique, en application du principe de pleine concurrence, les acquisitions des titres de la société (MN) qu’elle a effectuées auprès des sociétés (EF), (GH), (IJ) et (KL) doivent être analysées comme des transactions entre entreprises indépendantes et « en ne considérant pas l’appartenance des sociétés vendeuses et de l’Appelante à un même groupe, aucune majorité de contrôle de la société cible n’existait avant la vente » (p. 8 du mémoire en réplique). Il faut donc analyser ces quatre transactions en tant que transactions réalisées avec des sociétés n’ayant pas de lien entre elles et vendant leurs participations minoritaires respectives dans la société (MN) de manière isolée et non pas en bloc comme le prétend l’appelante.

Il découle de ce qui précède qu’en l’espèce, au vu de la qualité de minoritaires devant être reconnues aux participations acquises par l’appelante auprès des sociétés (EF), (GH), (IJ) et (KL), ces dernières ne sauraient être considérées comme ayant effectué, implicitement mais nécessairement, en faveur de l’appelante un apport caché correspondant à la valeur d’une prime de contrôle incluse dans la valeur réelle de leurs participations respectives.

Il s’ajoute que les contrats de vente des quatre participations en cause ont fixé en fin de compte le prix par action des participations au prix boursier à la suite de l’OPA et n’ont pas stipulé de manière expresse ou même implicite – à travers un prix par action supérieur - une prime de contrôle convenue par accord mutuel et conforme au marché afin de tenir compte d’un intérêt particulier de l’appelante à acquérir plusieurs participations minoritaires afin de détenir en fin de compte une participation de contrôle.

Finalement, l’application d’une prime de contrôle n’étant pas automatique, une preuve que le pouvoir de décision confère des avantages objectifs et concrets à ceux qui l’acquièrent est nécessaire dans chaque cas d’espèce. Or, l’appelante a simplement versé deux études qui évaluent la prime de contrôle mais qui n’apportent aucune preuve du fait que lors de l’acquisition des titres de la société (MN), une prime de contrôle aurait dû s’appliquer du fait d’obtention des avantages spécifiques liés à cette position d’actionnaire majoritaire.

Par voie de conséquence, les prétentions de l’appelante laissent d’être justifiées à leur base faute par les participations acquises par elle de conférer individuellement un contrôle sur la société (MN).

Il s’ensuit que l’appel sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé et que le jugement a quo est à confirmer.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 2 mai 2022 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante, partant, confirme le jugement entrepris du 22 mars 2022, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 21 septembre 2023 à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 septembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47391C
Date de la décision : 21/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-09-21;47391c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award