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16/08/2023 | LUXEMBOURG | N°48131C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 août 2023, 48131C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48131Ca ECLI:LU:CADM:2023:48131a Inscrit le 3 novembre 2022 Audience publique du 16 août 2023 Appel formé par la société anonyme (D) S.A., …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2022 (n° 44694 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision prise au sein du ministère de la Santé en présence de l’établissement public LABORATOIRE NATIONAL DE SANTE, Dudelange Revu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48131C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 nov

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48131Ca ECLI:LU:CADM:2023:48131a Inscrit le 3 novembre 2022 Audience publique du 16 août 2023 Appel formé par la société anonyme (D) S.A., …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2022 (n° 44694 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision prise au sein du ministère de la Santé en présence de l’établissement public LABORATOIRE NATIONAL DE SANTE, Dudelange Revu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48131C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 2022 par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (D) S.A., établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 28 septembre 2022 (n° 44694 du rôle) ayant déclaré son recours en annulation d’une décision « formulée par la circulaire du 24 avril 2020 signée par le Dr Françoise Berthet, directrice adjointe, Direction de la Santé, ministère de la Santé, de conférer au Laboratoire national de santé le droit exclusif de réaliser les tests de dépistage au Covid-19 auprès des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées du pays » recevable pour autant qu’il est dirigé contre une décision de charger le LABORATOIRE NATIONAL DE SANTE avec la mission de réaliser des tests PCR dans le cadre de la campagne de dépistage systématique du COVID-19 au sein des structures d’hébergement pour personnes âgées, telle que visée par la circulaire du 24 avril 2020, précitée, et ayant été opérée au courant du printemps 2022, sur une durée d’environ dix semaines, pour le déclarer irrecevable pour le surplus et le dire non fondé, tout en rejetant la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse et en condamnant celle-ci aux frais et dépens de l’instance ;

Vu l’arrêt du 21 mars 2023 déclarant l’appel recevable et confirmant le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré le recours recevable et dégagé l’existence d’une décision étatique tendant à voir réaliser des tests RT-PCR visés par la circulaire du 24 avril 2020 par le 1LABORATOIRE NATIONAL DE SANTE à l’exclusion de tout autre opérateur pour, pour le surplus, accorder à la partie étatique et à la partie LNS la possibilité de fournir un mémoire supplémentaire comportant l’indication avec précision, de la part de la partie étatique, de l’autorité ayant pris la décision litigieuse et prenant position par rapport aux questions de compétence et de mise en concurrence soulevées tout en accordant à la partie appelante un délai pour prendre à son tour position et en refixant l’affaire pour continuation des débats ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2023 par Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, représentée par ses gérants en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265.322, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement public LABORATOIRE NATIONAL DE SANTE ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 6 juin 2023 par Maître Nicolas THIELTGEN, pour compte de l’appelante ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport complémentaire ainsi que Maîtres Nicolas THIELTGEN et Stéphane SUNNEN, en remplacement de Maître Albert RODESCH, de même que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 juin 2023.

Par une circulaire datée du 24 avril 2020, ci-après « la circulaire », la directrice adjointe de la direction de la Santé auprès du ministère de la Santé, ci-après respectivement « la directrice adjointe » et « la direction de la Santé », s’adressa aux « chargés de direction » et aux « médecins coordinateurs » auprès des structures d’hébergement pour personnes âgées dans les termes suivants :

« Dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 dans les structures d'hébergement pour personnes âgées, la Direction de la santé poursuit ses missions de santé publique, et porte une attention particulière à la surveillance de l'ampleur et de la progression de l'épidémie au sein de ces communautés de personnes vulnérables, afin de prendre les mesures nécessaires et de conseiller les autorités publiques et les collectivités sur base de données probantes.

La population des structures d'hébergement pour personnes âgées constitue en effet une population particulièrement vulnérable au COVID-19, en raison de son âge et de la fréquence des maladies chroniques prédisposant aux formes sévères de la maladie. Par ailleurs le personnel de ces structures peut involontairement être vecteur de l'infection, entre résidents, entre membres du 2personnel et entre l'établissement et le monde extérieur. La poursuite d'une stratégie de prévention et de lutte contre l'infection, adaptée aux réalités, et la mise en œuvre d'une stratégie de sortie de confinement, doivent pouvoir être soutenues par des données concernant la prévalence de l'infection au sein de chacune de ces communautés.

Ainsi que la COPAS vous l'avait annoncé le 17 avril dernier, la Direction de la santé a entrepris, depuis le 21 avril 2020, un programme de dépistage systématique des résidents et du personnel des structures d'hébergement pour personnes âgées (maisons de soins et centres intégrés pour personnes âgées). Sur base de l'expérience acquise au cours des premiers jours de ce déploiement, le programme se poursuit au cours des prochaines semaines pour couvrir l'ensemble des structures.

Le dépistage inclut donc toutes les structures d'hébergement pour personnes âgées ; à titre individuel, une personne peut cependant décider de ne pas participer (opt-out). Ce dépistage repose sur des prélèvements par frottis naso-pharyngé profond pour test COVID-19 par RT-PCR, réalisés au sein des établissements par des équipes mobiles de la Division de l'inspection sanitaire, en collaboration avec le personnel de votre établissement. Les tests RT-PCR seront réalisés par le Laboratoire National de Santé (LNS).

Vous serez prochainement contacté par un membre de l'Inspection sanitaire afin de convenir d'une date pour l'organisation de ce dépistage dans votre établissement. Toutes les précisions concernant l'organisation pratique de ce dépistage vous seront alors données.

En pratique, le déroulement de ce dépistage systématique est le suivant :

 Le dépistage systématique concerne tous les résidents et les membres du personnel présents le jour du test ; la participation à ce programme de santé publique ne nécessite pas de consentement éclairé mais il est recommandé d'informer les personnes concernées ou, pour les personnes sous régime de protection, le tuteur. Pour chaque test, une ordonnance nominative est rédigée par le Directeur de la santé.

 Le prélèvement est réalisé par des professionnels de santé expérimentés disposant d'une autorisation d'exercice, sous l'autorité de l'Inspection sanitaire ; ces professionnels sont en mesure de former les professionnels de santé de votre établissement à la technique du prélèvement naso-pharyngé profond. La contribution de vos professionnels aux prélèvements est bienvenue.

 Les résidents sont testés, à l'exclusion des résidents déjà testés positifs au COVID-19. Les prélèvements sont réalisés dans un local dédié, que vous aurez mis à disposition de l'équipe de l'Inspection sanitaire. Pour les résidents qui ne peuvent pas se déplacer, le prélèvement est réalisé en chambre.

 L'ensemble du personnel présent ce jour-là sur le site est testé sur place également, indépendamment de sa fonction au sein de l'établissement (professionnels de santé, personnel de soins et d'encadrement, autres catégories), ou de son lieu d'habitation 3(Luxembourg ou frontalier) ; le personnel en repos au moment du dépistage est également éligible.

 Les résultats (positifs et négatifs) sont adressés personnellement à la personne concernée et à son médecin traitant ; une copie de tout résultat positif est adressé au directeur de l'établissement et au médecin coordinateur de l'établissement afin qu'ils puissent prendre le jour-même les mesures d'isolement nécessaires (si résident positif) ou d'éviction du lieu de travail (si personnel positif).

 Les coûts sont pris en charge par la Direction de la santé.

 Les tests indiqués dans le cadre du suivi médical de patients COVID-19 ou de patients suspects ne sont pas inclus dans le programme de dépistage ; ils relèvent de l'organisation médico-soignante habituelle de la structure d'hébergement.

Confiants en l'accueil favorable que vous réserverez à cette action de dépistage, dont l'objectif est de vous aider à gérer la problématique du COVID-19 au sein de votre établissement, nous vous adressons, Madame, Monsieur le Directeur, chère Consoeur, cher confrère, l'expression de nos sincères salutations. ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2020, la société anonyme (D) SA, ci-après « la société (D) », fit introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à l’annulation d’une décision « formalisée par la circulaire du 24 avril 2020 signée par [la directrice adjointe] de conférer au Laboratoire national de santé le droit exclusif de réaliser les tests de dépistage au Covid-19 auprès des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées du pays » ;

Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal déclara ce recours en annulation recevable pour autant qu’il est dirigé contre une décision de charger le Laboratoire National de Santé, ci-après « le LNS », avec la mission de réaliser les tests PCR dans le cadre de la campagne de dépistage systématique du Covid-19 au sein des structures d’hébergement pour personnes âgées, telle que visée par la circulaire et ayant été opérée au courant du printemps 2020 sur une durée d’environ 10 semaines, tout en le déclarant irrecevable pour le surplus et en le disant non fondé, tout en rejetant la demande en paiement d’une indemnité de procédure sollicitée par la société demanderesse et en condamnant celle-ci aux frais et dépens de l’instance.

Pour arriver à cette conclusion, le tribunal retint, contrairement aux contestations de l’Etat et du LNS, qu’une décision administrative a nécessairement été prise au sein du ministère de la Santé, à savoir celle de charger le LNS avec la mission ciblée de réaliser les tests se situant dans le contexte de la campagne de dépistage décrite dans la circulaire, cette décision étant à considérer comme acte détachable de la conclusion en tant que telle du contrat de service afférent, tout en relevant qu’à défaut d’autre écrit soumis à l’appréciation du tribunal, il convenait de retenir que cette décision s’était matérialisée à l’égard de la société (D) à travers la circulaire en question.

En ce qui concerne ensuite la portée exacte de la décision individuelle ainsi prise, le tribunal déclara ne pas pouvoir suivre la société (D) dans ses conclusions, suivant lesquelles, au-delà d’une 4décision de charger le LNS d’une prestation de service, un droit exclusif ou un monopole aurait été attribué au LNS.

En conséquence, le recours a été déclaré irrecevable faute d’objet dans cette mesure en ce qu’il est dirigé contre une décision d’accorder un monopole ou un droit exclusif au LNS.

Quant à la première partie du recours, déclaré recevable au regard de la décision individuelle de charger le LNS de la mission précitée, le tribunal rejeta tous les moyens proposés par la partie demanderesse et déclara le recours non fondé dans cette mesure.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 2022, la société (D) a fait régulièrement entreprendre ce jugement du 28 septembre 2022, dont elle sollicite la réformation dans le sens d’accueillir son recours en annulation, de manière à annuler la décision formalisée, sinon matérialisée par la circulaire du 24 avril 2020 dont s’agit, en ce qu’elle a conféré au LNS le droit précisément exclusif de réaliser des tests de dépistage au COVID-19 auprès des résidents et du personnel des structures d’hébergement pour personnes âgées du Grand-Duché de Luxembourg.

Par arrêt du 21 mars 2023, la Cour déclare l’appel recevable et confirme le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré le recours recevable et dégagé l’existence d’une décision étatique tendant à voir réaliser les tests RT-PCR visés par la circulaire du 24 avril 2020 par le LNS à l’exclusion de tout autre opérateur, tout en accordant à la partie publique et à la partie LNS la possibilité de fournir un mémoire supplémentaire comportant l’indication avec précision, de la part de la partie publique, de l’autorité ayant pris la décision litigieuse et prenant position par rapport aux questions de compétence soulevées.

Ainsi, la Cour retint dans son arrêt que la question de l’autorité ayant pris la décision litigieuse se résout certes en question de compétence mais peut avoir, par la suite, des implications par rapport à d’autres moyens soulevés, dont en l’espèce celui du respect des dispositions de l’article 11, paragraphe 6, de la Constitution concernant la liberté de commerce et de l’industrie, voire la liberté des activités professionnelles exercées à titre libéral, le tout sauf les exceptions prévues valablement par la loi. Cette problématique se dédouble dans le cas d’espèce de la question de la mise en concurrence des opérateurs publics et privés dans un contexte particulier qui était celui de l’état d’urgence, du moins jusqu’au 24 juin 2020.

La partie appelante se vit également allouer un délai en vue de prendre position utilement.

Quant à la première question de l’autorité ayant pris la décision litigieuse, l’Etat met en avant dans son mémoire supplémentaire que celle-ci a été collectivement prise au sein de la cellule de crise par trois autorités, à savoir le ministre de la Santé, le directeur de la Santé et le Haut-Commissaire à la Protection nationale, tandis que cette décision a été matérialisée par la circulaire de la directrice adjointe de la Santé du 24 avril 2020. A l’appui, l’Etat se réfère à trois attestations établies au mois d’avril 2023 et versées au dossier émanant respectivement du ministre de la Santé, du directeur de la Santé et du Haut-Commissaire à la Protection nationale, se rejoignant pour confirmer la prise à la date du 8 avril 2020 dans le cadre d’une réunion de la cellule de crise, collectivement par lesdites trois autorités, de la décision de réaliser en urgence un dépistage 5systématique du personnel et des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées et de mandater le LNS de la réalisation de ce dépistage systématique, la directrice adjointe de la direction de la Santé était chargée de la mise en exécution.

L’Etat souligne que cette décision a été prise sous la co-présidence de la cellule de crise par le ministre de la Santé et le Haut-Commissaire à la Protection nationale.

D’après l’Etat, le directeur de la Santé aurait eu manifestement compétence de prendre pareille décision sur base des dispositions des articles 1er, 2 et 4 de la loi modifiée du 21 novembre 1980 portant organisation de la « Direction de la santé », ci-après « la loi du 21 novembre 1980 », tandis que le ministre de la Santé, en tant qu’autorité de tutelle de la direction de la Santé, revêtirait pareillement cette compétence.

Enfin, en application de la loi modifiée du 23 juillet 2016 portant création du Haut-Commissariat à la Protection nationale, le Haut-Commissaire à la Protection nationale aurait eu compétence, face à la crise sanitaire du Covid-19, soumise par ailleurs au régime constitutionnel de l’état de crise en application de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, d’initier, de conduire et de coordonner les tâches de gestion de crises.

Eu égard à toutes ces considérations, l’Etat estime que la décision litigieuse a été valablement prise au sein de la cellule de crise en date du 8 avril 2020 collectivement par les trois autorités ci-avant indiquées.

S'agissant d’une question ayant trait à l'organisation interne de l’Etat, le LNS a déclaré ne pas entendre prendre position y relativement.

La partie appelante met l'accent sur ce qu’à travers sa question, la Cour a demandé à ce que la partie étatique indique avec précision l'autorité ayant pris la décision litigieuse.

Tout d'abord les trois attestations seraient à écarter pour des raisons de procédure, nul ne pouvait être témoin ou attestant dans sa propre cause.

L’appelante estime que la nouvelle version mise en avant par la partie étatique suite à l'arrêt du 23 mars 2023 aux questions y posées est en contradiction avec celles antérieurement défendue par l’Etat. Pareille manière de procéder serait contraire aux exigences de bonne foi entre parties au litige.

En ordre subsidiaire, la partie appelante estime que l’Etat a échoué à démontrer l'identité précise de l’autorité ayant pris la décision litigieuse, tandis que l'affirmation de la décision prise collectivement par les trois autorités indiquées dégagerait nettement un sentiment de parfaite confusion.

S'il était constant que c’est la circulaire du 24 avril 2020 qui a matérialisé la décision litigieuse, il n'en resterait pas moins que l'affirmation d'une décision collective prise par les trois autorités prémentionnés, se trouve en discordance par rapport au contenu de ladite directive.

6En effet, celle-ci a été prise par la seule directrice adjointe de la Santé et ne souffle mot ni du ministre de la Santé ni encore du Haut-commissaire à la Protection nationale.

Par ailleurs, il manquerait toute signature pouvant attribuer la décision à son auteur.

En l’état actuel des analyses, seulement deux solutions seraient envisageables.

En premier lieu, la décision collective ainsi désignée serait nulle, étant donné qu'à défaut de signature ni de désignation précise de l'auteur de la décision litigieuse, la question de l'identité de celui-ci resterait entière tout comme la question de compétence qui s’y rattache.

S’il ne s’agissait point d’une décision collective, contrairement aux dires actuels de la partie étatique, la circulaire ramènerait celle-ci à la personne de la directrice adjointe de la direction de la Santé.

Si dès lors l'identité de l'auteur ayant pris la décision était claire, la question de la compétence resterait entière.

D'après l’appelante, la seule question qui se poserait est celle de savoir si le législateur avait entendu octroyer au pouvoir exécutif à la période donnée le pouvoir de décider la mise en place de tests RT-PCR.

En ordre principal l’appelante estime que l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 portant constitution des ministères, applicable ratione temporis, listerait les attributions des ministères et non point les compétences des différents ministres.

Principalement, il ne ressortirait nullement de cet arrêté grand-ducal qu'une compétence ait été reconnue au ministre de la Santé pour octroyer voire conférer, à un opérateur, économique l’exclusivité de la réalisation de certaines prestations à identité particulière, qu'il soit privé ou public. Les articles cités 1er, 2 et 4 de la loi du 21 novembre 1980 ne sous-tendraient pas non plus l'action de la direction de la Santé, telle que cernée par la partie publique, de même de la loi du 23 juillet 2016 parlerait d’attributions voire de missions accordées au Haut-commissariat de la Protection nationale, mais ne fonderait nullement des compétences de cette autorité dans le cadre précis de la prise de la décision litigieuse.

En conclusion, l’appelante sollicite la réformation de jugement dont appel, en ce qu'il a déclaré à tort son recours non fondé et demande à voir annuler la décision litigieuse formalisée à travers la circulaire du 24 avril 2020 de la directrice adjointe de la direction de la Santé.

Tel que l'appelante le souligne à juste titre, la question de la compétence de l’autorité ayant pris la décision litigieuse est fondamentale, raison pour laquelle elle est d'ordre public et doit être soulevée même d'office par la juridiction saisie.

Il est de jurisprudence constante que la décision administrative prise par une autorité dans un domaine qui ne relève pas de ses compétences doit nécessairement être considérée comme prise sans aucune compétence, de sorte que cette décision encourt l'annulation.

7 Dans ce contexte le juge administratif a non seulement le droit, mais également l'obligation de contrôler si la décision prise n'est pas entachée de nullité pour raison d’incompétence de l’autorité qui l’a prise.

La problématique véhiculée dans le présent cas de figure est spécifique en ce qu’il y a plusieurs aspects qui dépassent la simple question de savoir si l'autorité qui a pris la décision litigieuse a revêtu la compétence afférente ou non.

Tout d'abord, la partie étatique, dont relève la décision litigieuse pour avoir été matérialisée par la circulaire de la directrice adjointe de la direction de la santé du 24 avril 2020, n'a pas su révéler l'identité précise de l’autorité ayant pris la décision sous-jacente, prise sous son double volet, soit d’abord d'organiser durant la période limitée du 16 avril 2020 au 29 mai 2020 un dépistage par prélèvement par frottis naso-pharyngé profond pour test COVID-19 par RT-PCR dans le chef d'un groupe de la population particulièrement sensible s'agissant des personnes hébergées dans les structures d'hébergement pour personnes âgées ainsi que du personnel afférent.

Outre la décision d'organiser pareil dépistage, un second aspect décisionnel constitue l'attribution de cette mission de dépistage au LNS en ce sens que les prélèvements étaient à réaliser par les équipes mobiles de la division de l'Inspection sanitaire de la direction de la Santé, tandis que les analyses des prélèvements étaient à effectuer par le seul LNS à l'exclusion de tout autre opérateur public ou privé.

Il y a lieu de souligner que ni le volet ayant trait à la décision d'organiser le dépistage, ni la limitation aux occupants et aux membres du personnel des centres d’hébergement pour personnes âgées visés, ni la méthode de prélèvement par frottis naso-pharyngé profond pour test COVID-19 par RT-PCR n’ont été directement remis en question par l’appelante.

Le seul élément décisionnel actuellement litigieux est celui de l'attribution de l'ensemble des analyses des prélèvements effectués dans le chef du LNS à l'exclusion de tout autre opérateur public ou privé.

C’est par rapport à cet élément décisionnel qu'il convient in fine de porter l'analyse de savoir quelle a été, dans l'optique de la partie étatique, au nom de laquelle cet élément décisionnel a été pris, l’autorité compétente ayant décidé de la sorte.

Ce n’est que dans un deuxième stade que la question se pose aussi si cette autorité était effectivement compétente et, dans un troisième stade, si elle a pu effectivement prendre la décision tel qu’elle a été prise d'attribuer au seul LNS l’analyse des prélèvements effectués dans le cadre de la campagne de dépistage visée.

Une autre particularité du cas d'espèce consiste en ce que jusqu'à l’instance devant la Cour ayant abouti à l'arrêt du 23 mars 2023, la partie étatique a omis d'indiquer quelle était l'autorité qui, en son nom, avait pris précisément la décision de faire analyser par le seul LNS les prélèvements dans le cadre de la campagne de dépistage dont s’agit.

8Vu l’importance de la question de l'identité de l’autorité ayant pris la décision critiquée dans le cadre d'un recours contentieux, la Cour, à travers l'arrêt du 23 mars 2023, a d'abord confirmé le tribunal en ce qu'il a retenu que pareille décision avait effectivement été prise, scellant définitivement la question de l'existence de la décision administrative en question.

Par la suite, la Cour a réouvert les débats afin de permettre aux parties et plus particulièrement à la partie étatique d'analyser à nouveau la question et d'indiquer avec précision quelle était l’autorité ayant pris la décision litigieuse et de prendre position par rapport aux questions de compétence et, plus loin, de mise en concurrence soulevées.

A travers son mémoire supplémentaire, suite à l’arrêt du 23 mars 2023, la partie étatique n’indique pas directement l’autorité ayant pris la décision litigieuse.

D'un côté, elle ne différencie pas suivant les différents aspects de cette décision - mise en place de la campagne de dépistage, limitation aux seuls occupants et membres du personnel des centres d'hébergement pour personnes âgées, test naso-pharyngé profond, attribution de l'exécution des prélèvements à l'inspection sanitaire de la division de la Santé, analyse des prélèvements confiée au seul LNS à l'exclusion de tout autre opérateur public ou privé, - mais la partie étatique indique globalement que cette décision, sous tous ses aspects, faute de différenciations indiquées, est une décision collective émanant à la fois du ministre de la Santé, du directeur de la Santé et du Haut-commissaire à la Protection nationale, prise le 8 avril 2020 dans le cadre de la cellule de crise coprésidée par le ministre de la Santé le Haut-commissaire à la Protection nationale.

La partie étatique verse au dossier trois attestations testimoniales émanant respectivement du ministre de la Santé, du directeur de la Santé et du Haut-commissaire à la Protection nationale.

Elles ont été établies respectivement les 20 et 24 avril 2023. Même si les trois attestants marquent par rapport à la question « lien de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec la partie concernée » les mentions respectives « non, néant » ainsi qu’une absence de réponse, il n’en reste pas moins que précisément en ce qu’il s’agit à chaque fois, chacun en ce qui le concerne, de hauts représentants de la partie étatique, il ne saurait être admis valablement que les attestants puissent être considérés comme témoins dans une cause impliquant la partie étatique et tournant précisément autour de la question de la compétence de l’autorité ayant statué.

Si les trois attestations testimoniales sont dès lors à écarter en tant que telles, il n’en reste pas moins que les affirmations faites par les trois intéressés affirmant que les trois documents sont établis en vue de leur production en justice et que leurs auteurs ont connaissance qu’une fausse attestation de leur part les expose à des sanctions pénales, une requalification de ces documents est à opérer en ce sens que ceux-ci sont néanmoins à considérer comme déclarations sur l’honneur de la part de leurs auteurs.

Le ministre de la Santé déclare que « lors de la réunion de la cellule de crise du 8 avril 2020, j’ai pris la décision, conjointement avec le directeur de la santé et le Haut-commissaire à la protection nationale ayant co-présidé la cellule de crise, de mandater le Laboratoire National de Santé à réaliser en urgence un dépistage systématique du personnel et des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées. En ma qualité de Ministre de 9la Santé, j’ai chargé le Dr (E), qui occupait en ce moment le poste de directeur-adjoint de la Santé, de l’exécution de ladite décision. ».

Le directeur de la Santé déclare de son côté que « lors de la réunion de la cellule de crise du 8 avril 2020, j’ai pris la décision, conjointement avec la Ministre de la Santé, présidente de la cellule de crise, et avec le Haut-commissaire à la protection nationale ayant co-présidé avec le soussigné ladite cellule de crise de mandater le Laboratoire National de la Santé à réaliser en urgence un dépistage systématique du personnel et des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées. ».

De son côté, le Haut-commissaire à la Protection nationale déclare que « lors de la réunion du 8 avril 2020, la cellule de crise COVID-19, présidée par Madame la Ministre de la Santé et co-présidée par le Haut-commissaire à la protection nationale et le directeur de la Santé, a décidé de mandater le Laboratoire National de Santé à réaliser en urgence un dépistage systématique du personnel et des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées. ».

Les trois déclarations se recoupent unanimement pour dégager que la double décision d’organiser d’urgence un dépistage systématique du personnel et des résidents des structures d’hébergement pour personnes âgées et d’en charger le LNS a été prise conjointement par les trois déclarants, lors de la réunion de la cellule de crise du 8 avril 2020, en leurs qualités respectives de co-présidants de celle-ci.

Seule la Ministre de la Santé précise que c’est elle qui a chargé le Dr. (E) de l’exécution de cette décision.

Même si a priori le cheminement procédural peut paraître particulier, il n’en reste pas moins qu’aucun indice valable ne contredit véritablement la déclaration des trois intéressés sous-tendant leur double décision conjointe d’organiser les dépistages systématiques en question et de les confier au seul LNS, du moins pour ce qui est des analyses à effectuer. Dès ce stade, il y a lieu de constater que loin d’ajouter à une confusion, cette décision collective s’analyse plutôt comme un accord tricéphale des co-présidents de la cellule de crise ainsi désigné.

Ici, comme en beaucoup d’autres matières, il y a lieu de privilégier la substance par rapport à la forme.

Il y a lieu de tenir compte également de la situation particulière à l’époque qui se situe au début de la proclamation de l’état de crise, la décision litigieuse ayant précisément été prise dans le cadre d’une réunion de la cellule de crise. Ainsi, sans devoir analyser en détail si chacun des trois intervenants avait pu prendre la double décision critiquée ut singulus, il faut, mais il suffit dans pareilles circonstances de vérifier si, considérées ensemble, les plages de compétence respectives des trois intervenants se rejoignent à suffisance pour sous-tendre utilement, à partir de leurs champs de compétences respectifs, ladite double décision en question.

Tel que les premiers juges l’ont dégagé à bon escient, le ministre de la Santé est l’autorité de tutelle par rapport à la direction de la Santé.

10Pour le surplus, il se dégage de l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 portant constitution des ministères que le ministre de la Santé a eu particulièrement en ses attributions la direction de la Santé, de même que la prévention des maladies.

De son côté, la direction de la Santé, en application de la loi du 21 novembre 1980, plus particulièrement de ses articles 1, 2 et 4, tels que mis en exergue également par les premiers juges, revêt la compétence de la protection et de la promotion de la Santé en tant que bien-être général sur les plans physique, psychique et social, de même que l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’actions et des programmes de prévention et de promotion de la santé, ainsi qu’il résulte encore de ses attributions, sous la tutelle du ministre de la Santé, lui confiées à travers l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019, précité.

Vu l’urgence manifeste, l’attribution des mesures d’exécution afférentes d’une mission à une entité sous surveillance du ministère de la Santé doit être regardée comme tombant dans le champ de compétence, pour le moins, du ministre de la Santé. Or, d’après le point 6 de l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 en question, le LNS figure comme établissement public sous la tutelle précisément du ministère de la Santé.

De son côté, il résulte de la loi du 23 juillet 2016 que le haut-commissaire a la compétence, en cas de survenance d’une crise, notamment celle prévue par l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, vérifiée dans le cas d’espèce, de gérer des mesures et activités destinées à faire face à la crise en question, de même que d’initier, de conduire et de coordonner les tâches de gestion de pareille crise.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’à partir des bases légales respectives sous-tendant les compétences respectives des trois auteurs ayant confirmé avoir pris collectivement la double décision litigieuse, celle-ci se trouve à suffisance sous-tendue sous le prisme de la compétence afférente des autorités l’ayant prise, collectivement, et, il est vrai, dans le cadre particulier de l’urgence et de l’état de crise, dans le cadre de la cellule de crise du 8 avril 2020.

Dès lors, même si la partie étatique n’a fourni les indications précises autour de la question de l’autorité ayant pris la double décision litigieuse que tardivement, sur demande de la Cour à travers son arrêt précité du 21 mars 2023, et même s’il est retraçable que cet état de fait ait pu nourrir des questionnements dans le chef de la partie appelante, il n’en reste pas moins qu’au vu de l’ensemble des informations dorénavant recueillies et de la situation particulière ayant entouré la prise de la décision à la date du 8 avril 2020, la conclusion se dégage de l’ensemble des éléments fournis dans le sens qu’aucun élément d’incompétence n’a pu être valablement retenu, dans le chef des autorités ayant collectivement pris la double décision litigieuse, en relation directe avec celle-ci.

Il reste alors la deuxième question ouverte devant la Cour concernant l’observation des règles de mise en concurrence applicables dans le contexte précis donné face à la décision étatique de confier au seul LNS la charge des analyses dans le cadre des dépistages systématiques ordonnés dans le chef de l’ensemble des résidents et du personnel des structures d’hébergement pour personnes âgées visées.

11 D’emblée, il convient de rappeler, à partir de l’analyse ci-avant faite concernant la compétence des autorités ayant statué, que c’est le caractère particulier du contexte à partir de l’état de crise valablement mis en place en application de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, qui a induit qu’à la date du 8 avril 2020, les trois autorités respectives se sont vu reconnaître une compétence collective, en tant que mesure de crise, de confier à un établissement public sous surveillance du ministre de la Santé, autorité de décision, la mission des analyses en question à l’exclusion de tout autre opérateur.

La question ouverte est celle du bien-fondé de cette décision d’attribution à ce seul établissement public.

Afin de justifier sa démarche au regard des exigences de la loi modifiée du 8 avril 2018 sur les marchés publics, ci-après « la loi du 8 avril 2018 », l’Etat établit un triple argumentaire.

En ordre principal, il estime qu’une collaboration horizontale sans mise en concurrence était permise par l’article 8, paragraphe 4, de la loi du 8 avril 2018.

En premier ordre de subsidiarité, la mise en place d’une relation verticale sans mise en concurrence aurait été permise par l’article 8, paragraphe 1, de la même loi.

En dernier ordre de subsidiarité, l’Etat avance qu’une attribution sans mise en concurrence était de toute manière permise sur base de l’urgence impérieuse ayant régné à l’époque.

Tandis que le LNS se rapporte grosso modo aux conclusions étatiques, la partie appelante conteste les trois chefs de démarche avancés par l’Etat et conclut à leur caractère non pertinent de sorte à estimer que l’attribution au seul LNS de la charge de l’ensemble les analyses dans le cadre du dépistage systématique décidé le 8 avril 2020 au niveau des résidents et du personnel des structures d’hébergement pour personnes âgées visées ne se justifierait en aucun cas en vertu des chefs avancés par la partie étatique.

Outre les exigences découlant du droit de l’Union européenne et traduites par la loi du 8 avril 2018, l’article 11, paragraphe 6, de la Constitution pose en principe la liberté du commerce et de l’industrie, de même que celle de l’activité libérale, sans toutefois ériger celles-ci en liberté absolue, mais en liberté relative en ce sens que des restrictions peuvent être apportées par la loi du moment que celles-ci sont nécessaires, proportionnées et adéquates par rapport au but recherché.

Au vu de l’ensemble des éléments à la disposition de la Cour, et, plus particulièrement, des spécificités de la situation dans le contexte de l’urgence générée par l’état de crise proclamé en application de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, en début de pandémie, concrètement à la date du 8 avril 2020, l’analyse en profondeur des relations de l’Etat et de son établissement public LNS, placé sous la tutelle du ministre de la Santé, que ce soit du point de vue horizontal ou du point de vue vertical, s’avère être non nécessaire dans des conditions particulières de temps données.

12Il est indéniable que pareillement aux nouveaux-nés et enfants en bas âge, les personnes âgées figurent parmi les maillons faibles de la population, chaque fois qu’un phénomène impliquant une atteinte grave potentielle à la santé des individus a pu être constatée. Cette fragilité est d’autant plus marquée pour les personnes âgées ayant quitté leur environnement normal et entourage familial habituel et se trouvant, par la force des choses, isolés, sous ce point de vue, dans une structure d’hébergement. La vulnérabilité particulière de ces personnes a pu être constatée sous maints aspects précisément lors de la pandémie du COVID-19.

Il est indéniable également qu’à la date du 8 avril 2020, nombre d’aspects aujourd’hui passablement illustrés concernant l’origine, la transmission, l’évolution et le développement du virus COVID-19 restait à l’époque sujet à nombre de questionnements. Ces questions étaient d’autant plus aiguës que les personnes concernées étaient vulnérables, plus particulièrement en raison de leur grand âge et, parallèlement, en raison d’un état de santé généralement de plus en plus défaillant.

Cette situation particulière a tout d’abord justifié, dès le début du constat de la pandémie, à la date du 8 avril 2020, la mise en place d’un dépistage systématique non seulement dans le chef des personnes résidentes de structures d’hébergement pour personnes âgées, mais également du personnel afférent, vu notamment les risques de transmission, tandis que cette situation particulière d’urgence est de nature à justifier à elle-seule, dans le contexte particulier et précis donné de l’époque, tel que prédécrit, une non-mise en concurrence avec d’autres opérateurs et une limitation de l’opération à un cercle d’acteurs comprenant uniquement des intervenants publics, pour le surplus en relation tutélaire pour ce qui est du ministère de la Santé et indirectement la direction de la santé et le LNS, en vue d’éviter toute discussion inutile et, à l’époque, toute perte de temps afférente concernant une éventuelle nécessité de mise en concurrence avec les procédures déployées en conséquence.

C’est cette urgence qui caractérise le caractère nécessaire justifiant une exception de mise en concurrence dans le cadre de l’article 11, paragraphe 6, de la Constitution, de même que le caractère adéquat de la mesure prise face à l’objectif d’agir rapidement dans l’intérêt des personnes vulnérables visées dans le contexte particulier du début du mois d’avril 2020.

La mesure peut encore être regardée comme étant adéquate et proportionnée dans la mesure où elle se trouve limitée dans le temps. En effet, tel qu’il a été relevé plus en avant, cette mesure de dépistage systématique s’est étendue dans le temps entre le 16 avril et le 29 mai 2020, de sorte à revêtir un impact relativement limité sous cet aspect également.

Il est retraçable aisément que pour des opérateurs qui, dès avant le 8 avril 2020 ont effectué des analyses comparables dans des structures d’hébergement pour personnes âgées, l’exclusion découlant de la mesure décidée au niveau de la cellule de crise le 8 avril 2020, ait pu générer de la mécompréhension.

Seulement, une balance valable a dû être faite au niveau des exigences d’urgence en ce sens qu’une mise en concurrence à travers même une procédure simplifiée, telle qu’admissible, le cas échéant, à travers la loi du 8 avril 2018, aurait néanmoins en toute hypothèse impliqué 13l’écoulement de plusieurs semaines de temps précieux avant qu’un dépistage systématique n’eût pu être valablement mis en place.

Face à un système opérationnel dès le jour de la concrétisation de la décision située selon la partie étatique au 16 avril 2020, voire même à placer à la date de la directive du 24 avril 2020, c’est essentiellement sous ces aspects de situation absolument particulière et d’urgence les entourant que la décision prise le 8 avril 2020 doit être regardée comme étant justifiée plus particulièrement en tant qu’exception couverte par l’article 11, paragraphe 6, de la Constitution tant à la liberté de commerce et de l’industrie qu’à celle de l’exercice de la profession libérale, toujours en application de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution.

En ce que la décision de non-mise en concurrence découlant de l’attribution des analyses au seul LNS – unique aspect de cette décision concrètement critiqué par l’appelante – se justifie à sa base en raison des éléments d’urgence et de particularité dus à la pandémie COVID-19 et à l’état de crise proclamé en application de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, le recours dirigé contre la décision de non-mise en concurrence litigieuse laisse d’être justifiée par conséquent.

La partie appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de …,- euros pour la première instance ainsi que d’une indemnité de …,- euros pour l’instance d’appel.

La partie appelante est à débouter de ses demandes eu égard à l’issue du litige.

Eu égard au déroulement de la procédure et, plus particulièrement, au fait qu’un arrêt du 21 mars 2023 a dû être rendu avant qu’il n’était possible de juger l’identité de l’autorité ayant pris la décision litigieuse, fait à imputer aux parties publiques, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer pour un tiers à l’appelante, pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et pour un tiers au LNS.

Par ces motifs, la Cour administrative statuant à l’égard de toutes les parties en cause, vidant l’arrêt du 21 mars 2023, au fond, déclare l’appel non justifié, partant en déboute l’appelante, rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose pour un tiers à l’appelante, un tiers à l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg et un tiers au Laboratoire National de Santé.

14 Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président Henri CAMPILL, vice-président Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 16 août 2023 à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier assumé de la Cour …..

s. …..

s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 août 2023 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48131C
Date de la décision : 16/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-08-16;48131c ?

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