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19/07/2023 | LUXEMBOURG | N°48887C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 juillet 2023, 48887C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48887C ECLI:LU:CADM:2023:48887 Inscrit le 28 avril 2023

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Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Appel formé par Madame (A), … contre un jugement du tribunal administratif du 28 mars 2023 (n° 46674 du rôle) en matière de protection internationale

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™appel, inscrite sous le numéro 48887C du rôle, déposée au greffe de la Cour admin...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48887C ECLI:LU:CADM:2023:48887 Inscrit le 28 avril 2023

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Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Appel formé par Madame (A), … contre un jugement du tribunal administratif du 28 mars 2023 (n° 46674 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 48887C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2023 par Maître Patrice MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), déclarant être née le … à … (Liban) et être de nationalité libanaise, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 28 mars 2023 (n° 46674 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 octobre 2021 portant rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2023 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 juin 2023.

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Le 26 août 2020, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 1décembre 2015 ».

Le même jour, Madame (A) fut entendue sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers.

En date des 12 et 19 juillet 2021, elle fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 13 octobre 2021, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée le 20 octobre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Madame (A) et lui ordonna de quitter le territoire dans le délai de trente jours dans les termes suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 26 août 2020, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 26 août 2020 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 12 et 19 juillet 2021, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Vous signalez être de nationalité libanaise, d'ethnie arabe, de confession chrétienne, divorcée depuis 2010 et originaire de …. Vous auriez vécu avec votre ex-époux … à … et seriez restée vivre dans sa maison même après votre divorce, jusqu'à votre départ du Liban, alors qu'« … had to give me the house after our divorce » (p. 2 du rapport d'entretien), qu'il se serait agi d'une bonne personne et qu'il aurait même fait les courses pour vous jusqu'en 2017.

Vous auriez quitté le Liban parce que vous seriez une femme divorcée et auriez par conséquent craint de devoir abandonner la maison d'…, qui serait parti vers un lieu inconnu en été 2017, parce que vous seriez Chrétienne alors qu'au Liban « They are all Muslims » (p. 8 du rapport d'entretien), parce que les « Arabes » auraient refusé de vous parler en anglais tandis que vous ne parleriez pas l'arabe et enfin parce qu'en novembre 2017, vous auriez été agressée par des inconnus.

Premièrement, vous expliquez que votre mère serait de nationalité libanaise, tandis que votre père, qui ne vous aurait jamais reconnue et qui n'aurait jamais épousé votre mère, serait de nationalité grecque et aurait résidé en Grèce avec son épouse et ses enfants. Après la mort de votre mère en 1981, votre père, vous aurait fait venir dans ce pays et vous aurait placé dans une école privée et puis dans un internat de l'Eglise. Vous précisez avoir été baptisée à l'âge de sept ans en Grèce. En 1992, vous auriez fini vos études secondaires en Grèce et vous y auriez alors débuté des études universitaires en étant logée dans une maison pour étudiants à Athènes. En 1996, vous auriez épousé votre ex-époux … à Athènes et en 1997, vous seriez retournés vivre à …, où vous vous seriez pourtant « ennuyée ». Vous vous seriez 2occupée en apprenant le grec à des élèves et en faisant des traductions, tout en précisant que votre dernier emploi au Liban, emploi que vous auriez occupé jusqu'à votre départ du pays, aurait été dans un magasin de coussins. Dans le contexte de votre divorce, vous seriez d'avis qu'il n'y aurait pas de protection au Liban pour des femmes divorcées et sans enfants.

Normalement, ces femmes retourneraient vivre chez leurs parents si elles ne disposent pas d'autre maison, en expliquant que: « They have financial power, that means work. In my country, money is power » (p.2 du rapport d'entretien). Après le départ de votre ex-époux vers un lieu inconnu, vous auriez reçu en septembre 2017, un appel de son avocat qui vous aurait expliqué qu'… serait parti en août 2017 et que vous devriez quitter la maison, alors que sa famille en aurait également besoin. Votre patron vous aurait alors aidé en vous achetant un ticket de bus qui vous aurait permis de quitter le Liban en direction de la Turquie.

Deuxièmement, vous expliquez être à la recherche d'une protection internationale parce que vous seriez de confession chrétienne alors que le Liban serait un pays arabe où tout le monde serait musulman. Vous dites que la religion serait très importante au Liban, que les musulmans ne seraient pas ouverts d'esprit comme ici alors que « They don't forgive » (p. 9 du rapport d'entretien) et que contrairement au Luxembourg, il n'y aurait pas différentes églises au Liban. Vous prétendez que votre confession chrétienne aurait été « a secret » au Liban, uniquement connu par votre ex-époux, mais que « sometimes, this secret wasn't a secret anymore » (p. 8 du rapport d'entretien). Ainsi, votre belle-famille, qui serait de confession musulmane et très conservatrice, aurait à un moment donné été mise au courant de votre confession et aurait pris ses distances avec votre couple. A cela s'ajoute qu'… aurait par la suite connu des problèmes avec son associé et que vous auriez eu des problèmes de couple.

Vous seriez persuadée, qu'« au fond », … aurait finalement été forcé à vous quitter pour des raisons sociales: « I believe that … left me because of the fact that in society, it was known that I was a Christian » (p. 9 du rapport d'entretien).

Troisièmement, vous auriez introduit votre demande de protection internationale sur base de considérations linguistiques alors que votre langue maternelle serait le français et que parleriez encore le grec, l'anglais et le farsi mais que « les Arabes » n'auraient pas la capacité de parler ces langues. Ils auraient refusé de vous parler en anglais et depuis votre divorce, ils vous auraient uniquement parlé en arabe, langue que vous ne maîtriseriez pas.

Quatrièmement, vous prétendez avoir été victime d'une agression début novembre 2017, lorsque vous auriez été sur le chemin de la maison et que des inconnus auraient commencé à jeter des pierres sur vous. Vous auriez été blessée à la jambe et seriez tombée par terre, mais vous vous seriez relevée et seriez rentrée à la maison. Après cinq jours, vous auriez parlé de cet incident à votre patron qui vous aurait conseillé de vous installer dans une autre maison, mais vous n'auriez pas eu l'argent pour louer autre chose, de sorte qu'il vous aurait alors conseillé de partir pour la Turquie en vous achetant un ticket de bus pour le 27 décembre 2017. Vous précisez que vous n'auriez pas voulu vous adresser à la police parce que vous auriez eu le « désavantage » d'être chrétienne et que « The police in my country is not the best » (p. 8 du rapport d'entretien) en précisant encore qu'« … avoided to call the police too » (p. 8 du rapport d'entretien).

Vous seriez en outre d'avis que des membres de la famille d'… pourraient avoir jeté ces pierres parce que d'une part, vous n'auriez pas voulu abandonner la maison - quelque chose que vous auriez expliqué à l'avocat lors dudit appel - ou d'autre part, parce que sa famille aurait pu avoir été mise au courant par … que vous auriez par le passé été enceinte suite à un adultère et que vous auriez eu recours à un avortement, sinon encore parce que 3vous n'auriez pas eu d'enfants avec … et que sa famille vous l'aurait reproché. Vous dites qu'…, qui serait incapable d'avoir des enfants, vous aurait pardonné cette affaire, mais un tel incident ne serait pas accepté par la société libanaise, ces femmes seraient rejetées, ne recevraient plus d'argent et ne trouveraient plus de travail.

En juillet 2017 (fiche de données personnelles) ou fin décembre 2017 (rapport du Service de Police Judiciaire et p. 7 du rapport d'entretien), vous auriez quitté le Liban en bus pour gagner la Turquie, d'où vous seriez partie en direction de la Grèce à bord d'un bateau.

Les trois années suivantes, vous auriez vécu avec votre nouveau compagnon iranien, un dénommé …, en Grèce et vous auriez entre autre travaillé dans une fabrique de yoghourt. Vous auriez d'abord été logée dans une chambre qui vous aurait été mise à disposition par un vieil homme « dangereux » qui aurait voulu vous marier. Ensuite, vous auriez déménagé à Athènes.

Le 16 août 2020, vous et votre compagnon auriez pris le bateau pour vous rendre à Venise équipés de faux passeports. Le 18 août 2020, vous auriez pris le train pour aller en Suisse. Le lendemain, vous seriez montés à bord d'un bus pour gagner Paris. Ensuite, vous auriez pris le bus pour aller en Belgique et finalement venir au Luxembourg le 21 août 2020, pour y introduire tous les deux une demande de protection internationale. Vous n'auriez jamais avoir recherché une telle protection en Grèce parce que le pays se trouverait dans une situation financière compliquée, que les gens y seraient pauvres, qu'il serait difficile d'y trouver un emploi ou une maison et qu'il y aurait « too much police, too much control » (p. 6 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale vous ne présentez aucun document, ni même une pièce d'identité, en précisant ne jamais en avoir possédées (rapport du Service de Police Judiciaire), voire, en précisant que votre passeport se trouverait au Liban (fiche de données personnelles), voire, en précisant que vous l'auriez encore possédé pendant votre séjour en Grèce en 2017, mais que vous l'auriez jeté sur conseil d'un élève afghan qui vous aurait expliqué que « this would be a dangerous element and that I had to get rid of this document » (p. 4 du rapport d'entretien).

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Je tiens à soulever avant tout autre développement que la crédibilité de votre récit doit être mise en doute au vu de vos déclarations contradictoires et incohérentes et du fait que vous n'êtes pas en mesure de corroborer vos dires par des pièces et preuves quelconques.

En effet, je constate que vous avancez trois versions manifestement contradictoires censées justifier l'absence de votre passeport ou de toute autre pièce d'identité, de sorte qu'il faut en déduire que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises desquelles vous voulez vous faire octroyer une protection internationale. Pour des raisons qui vous sont propres, vous avez en tout cas décidé de ne pas remettre une quelconque pièce permettant de vous identifier, ni même de corroborer vos dires concernant votre nationalité en évitant par-là de permettre aux autorités luxembourgeoises de retracer votre vécu et votre provenance avant d'avoir atteint le Luxembourg, respectivement, votre chemin vous ayant finalement amenée à venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

4Il n'est dès lors nullement établi que vous soyez de nationalité libanaise ou que vous ayez effectivement vécu au Liban jusqu'en 2017, ni que vous ayez vécu et travaillé les trois années suivantes en Grèce. Ces doutes sont encore renforcés par le fait que vous vous contredisez également concernant les dates auxquelles vous auriez quitté le Liban et vécu en Grèce. En effet, vous prétendez d'un côté avoir quitté le Liban en juillet 2017 et de l'autre côté en fin décembre 2017. De même, alors que vous prétendez d'abord avoir vécu pendant neuf mois à Mytilène après avoir atteint la Grèce, vous précisez par la suite y avoir vécu pendant une année.

Il n'est dans ce même contexte manifestement pas crédible non plus que vous n'ayez jamais possédé la moindre pièce d'identité en Grèce, voire, un titre de séjour, alors que vous confirmez y avoir été scolarisée depuis l'âge de sept ans, que vous vous seriez inscrite à l'université à Athènes et que vous auriez encore travaillé en Grèce avant de partir pour l'Europe de l'Ouest.

Votre tentative de justification selon laquelle vous n'auriez jamais eu besoin d'une pièce d'identité en Grèce parce que vous n'y auriez jamais été contrôlée et que vous parleriez le grec, n'emportent évidemment pas conviction, surtout que vous précisez donc aussi qu'en Grèce il y aurait « too much police, too much control ». Il est en tout cas évident que vous avez dû être en possession d'une quelconque pièce permettant de vous identifier en Grèce, respectivement, de régulariser votre séjour dans ce pays.

Je constate ensuite que vous n'êtes pas non plus en mesure de prouver par une pièce quelconque vos prétendus problèmes au Liban, ni même votre seule prétendue présence sur le sol libanais ou grec ces dernières années. Je soutiens toutefois qu'une personne est normalement en mesure de présenter des preuves démontrant un lien avec son pays d'origine et sa vie quotidienne, sa vie familiale, sa vie professionnelle ou ses prétendus problèmes ou ne serait-ce que des pièces susceptibles de démonter le seul fait que vous auriez effectivement vécu au Liban, tout comme vous auriez effectivement vécu et travaillé en Grèce de 2017 à 2020 ou que vous posséderiez effectivement la nationalité libanaise.

Le constat que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises concernant votre passé et votre vécu, voire même votre identité ou nationalité est encore renforcé par le fait que vous prétendez avoir déménagé en Grèce après la mort de votre mère, « quand j'avais 11 ans » (rapport du Service de Police Judiciaire). Or, vous précisez par la suite que votre mère serait morte en 1981, c'est-à-dire lorsque vous auriez été âgée de sept ans. Vous confirmez en outre déjà avoir résidé en Grèce à cette époque puisque vous y auriez été baptisée à l'âge de sept ans. Votre histoire concernant votre déménagement en Grèce suite à la mort de votre mère ne tient donc pas non plus la route.

Ensuite, je constate que vos déclarations concernant votre vécu au Liban sont également truffées d'incohérences, alors que vous précisez notamment que votre ex-époux …, qui aurait pourtant disparu en août 2017, « avoided to call the police » après que vous auriez été agressée en novembre 2017. Or, étant donné que vous n'auriez plus été en contact avec … depuis août 2017 et que ce dernier aurait quitté la ville, je me demande évidemment comment ce dernier pourrait bien avoir évité d'appeler la police en novembre 2017, après que vous auriez été agressée devant votre maison.

Il ne fait par ailleurs pas de sens non plus que vous commencez votre histoire en prétendant que votre confession aurait été un « secret » au Liban, pour ensuite préciser que 5« sometimes » cela n'aurait plus été un secret que, votre belle-famille aurait été courant et finalement expliquer qu'en fait, tout la société libanaise en aurait été au courant.

Enfin, il échet de constater que vos explications concernant la situation linguistique et religieuse au Liban, et notamment à …, et vos propos selon lesquelles il y aurait uniquement des musulmans sont tout simplement erronées, de sorte que des doutes manifestes doivent être émis quant à la réalité de votre séjour sur le territoire libanais, sinon quant à la véracité des « problèmes » que vous prétendez avoir eus dans ce contexte.

Sur base de tout ce qui précède, je conclus en tout cas qu'il est établi que vous ne jouez pas franc jeu et que votre identité, votre nationalité et votre vécu ne sont manifestement pas établis.

Quand bien même une once de vérité devait être retenue il convient de constater qu'aucune protection internationale ne saurait vous être accordée pour les raisons énoncées ci-après.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Je rappelle que vous auriez quitté Liban parce que vous seriez de confession chrétienne dans un pays où vivraient uniquement des musulmans, parce que vous ne pourriez pas y parler les langues que vous maitriseriez, parce que vous auriez eu peur de devoir abandonner la maison de votre ex-époux et parce que vous y auriez été agressée par des inconnus en novembre 2017.

Concernant tout d'abord vos déclarations et lamentations en rapport avec la situation religieuse au Liban, je constate, comme déjà brièvement abordé ci-dessus, qu'elles sont en totale opposition avec la réalité sur place et des informations en mes mains. En effet, le Liban est justement connu pour sa diversité religieuse et culturelle et la liberté de religion y est 6garantie par la loi. « The constitution protects freedom of conscience, and the state does not typically interfere with the practice or expression of religious faith or nonbelief ».

De même: « The constitution states there shall be "absolute freedom of conscience" and guarantees the free exercise of religious rites for all religious groups provided they do not disturb the public order. The constitution also states there shall be a "just and equitable balance" in the apportionment of cabinet and high-level civil service positions among the major religious groups, a provision amended by the Taif Agreement, which ended the country's civil war and mandated proportional representation between Christians and Muslims in parliament, the cabinet, and other senior government positions. » Je constate ensuite que toute personne peut se convertir au Liban, liberté garantie par la loi: « The constitution guarantees free exercise of religious rites, provided they do not disturb the public order, and declares the equality of rights and duties for all citizens without discrimination or preference. By law, an individual is free to convert to a different religion if a local senior official of the religious group the person wishes to join approves the change.

The newly joined religious group issues a document confirming the convert's new religion, allowing the convert to register her or his new religion with the Ministry of Interior's (MOI's) Personal Status Directorate. The new religion is included thereafter on government-issued civil registration documents. Citizens have the right to remove the customary notation of their religion from government-issued civil registration documents or change how it is listed.

Changing the documents does not require approval of religious officials and does not change or remove the individual's registration with the Personal Status Directorate. » Il est dès lors établi que vous n'êtes nullement persécutée ou ne serait-ce que discriminée au Liban à cause de votre confession chrétienne et que vous n'y êtes nullement obligée de garder en « secret » votre appartenance religieuse.

Il est dès lors faux qu'au Liban vivraient uniquement des musulmans, alors que « Statistics Lebanon, an independent firm, estimates 67.8 percent of the citizen population is Muslim (31.9 percent Sunni, 31.2 percent Shia, and small percentages of Alawites and Ismailis). Statistics Lebanon estimates 32.4 percent of the population is Christian. Maronite Catholics are the largest Christian group, followed by Greek Orthodox. Other Christian groups include Greek Catholics (Melkites), Armenian Orthodox, Armenian Catholics, Syrian Orthodox, Syrian Catholics, Assyriens, Chaldean Catholics, Copts, Protestants (including Presbyterians, Baptists, and Seventh-day Adventists), Roman (Latin) Catholics, and members of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints (Church of Jesus Christ). » A supposer votre confession religieuse comme étant grecque orthodoxe - vous restez en effet en défaut de préciser à quelle Eglise vous auriez adhéré mais vous précisez que votre père aurait fait partie de l'Eglise orthodoxe grecque et que vous auriez été baptisée en Grèce à l'âge de sept ans - il vous serait donc manifestement possible de librement vivre votre foi au Liban.

Je note à ce sujet qu'« Estimates suggest that Greek Orthodox Christians make up some 8 per cent of the Lebanese population, almost all of them Arabs. From the seventh century the Greek Orthodox with the Sunnis formed the core population of coastal towns and plain, with Orthodox concentrations in Kure, south of Tripoli, and in several mixed villages of the Gharb and Shuf (the mountains immediately east and south of Beirut). Greek Catholics (or Melkites) are estimated at around 5 per cent of the Lebanese population. They left the Orthodox Church 7to acknowledge the supremacy of Rome in 1683 (formalized in 1724 when the Patriarchate of Antioch fell vacant and they elected their own patriarch). While this departure resulted from French missionary influence, it also reflected resentment of Greek management of an essentially Arab church. ».

Enfin, je précise à ce sujet qu'il est également faux que contrairement au Luxembourg, il n'existerait pas différentes églises au Liban. En effet, concernant concrètement la ville de …, où vous prétendez avoir séjourné, je note que le seul problème que vous auriez pu rencontrer dans ce contexte se résume à l'embarras du choix, alors qu'« in Tripoli, capital of northern Lebanon, Christians are spoiled by the number of choices. In the heart of the city, eight churches are on the same street which, unsurprisingly, is called Church Street. In an hour, … Christians can make their pilgrimage, walking and reciting brief prayers inside each church. They can go to St Maroun's Church, to the Latin church, then the Protestant church, whilst passing by the Maronite Cathedral of St Michael, St George's Church, St Nicolas Orthodox Church, and St Joseph's Syriac Catholic Church. The pious can also gather at the church of the Catholic archdiocese, thus making a pilgrimage of eight churches instead of seven. » Votre prétendue adhésion à l'Eglise grecque orthodoxe ne saurait par conséquent nullement justifier dans votre chef l'octroi d'une protection internationale.

Il en est de même concernant votre prétendue impossibilité de communiquer au Liban dans une des langues que vous maîtriseriez, à savoir le français qui serait votre langue maternelle ou encore l'anglais, le grec et le farsi. En effet, le Liban est justement connu pour sa diversité linguistique et pour sa population fière de pouvoir communiquer en plusieurs langues, surtout en français et de plus en plus en anglais. En effet: « Arabic is the official language of Lebanon, but English and French are widely used. Most Lebanese speak French - a legacy of France`s colonial rule - and the younger generation gravitates towards English.

A growing number of parents send their children to French lycees or British and American curriculum schools, hoping this will one day help them find work and secure a better future.

Some even speak to their children in French or English in the home. » De même: « The majority of Beirut's citizens are at the very least bilingual, being fluent in both Arabic and French/English, while many speak all three, and so use them interchangeably. (…) In Lebanon, there is a prestige complex. Mothers berate their children for saying (Shukran) in public for fear that they may be judged for not using the socially acceptable 'merci'. The Arabic language is now associated with an almost ancient, uncivilised past and is not well thought of by the many Lebanese that take pride in speaking foreign languages instead of Arabic. » Ou encore: « Lebanon's official national language is Arabic as stated in Article 11 of Lebanon's constitution. Moreover, there are several various languages that are fluently spoken and used all over the country. The other dominant languages are Arabic spoken in North Laventine dialect, English, Armenian, French and Kurdish. » Enfin: « Although Arabic is the native language of most Lebanese, it is very common for people to use French during daily conversation (English increasingly used recently), and it is also „natural" that in almost all sectors of society, a mixture of languages is in daily use with frequent code switching among languages. In fact, the use of French and English over Arabic in educational, social and business circles is becoming more evident; a reflection and 8result of the receptiveness of the Lebanese to Western culture and their travels abroad. The language situation is also related to the literacy level (89.6% of adults and 98.7% of youth) in Lebanon which is relatively high considering the unstable periods that the country has witnessed. Bashur (2004) reports that Lebanon has the highest literacy rates amongst its neighboring countries of 97.5% between the ages of 15-24 in 2000 and Haidar (2002) adds that Lebanon has the best universities and publishing houses in the Arab world. “ Je conclus qu'il vous serait par conséquent parfaitement possible de vous faire comprendre dans votre quotidien au Liban en français, voire, en anglais. Il en serait de même pour tout contact avec les autorités ou les administrations, dont le travail et les publications, sont basés sur un système bilingue arabe et français, voire, trilingue. Partant, vos allégations concernant les problèmes que vous auriez eus en raison de votre confession ou en raison de votre langue, et hormis les considérations quant à la crédibilité de l'ensemble de vos dires dans ce contexte, ne permettent manifestement pas de conclure à l'existence d'une quelconque persécution dans votre chef dans ce contexte.

Concernant ensuite votre crainte alléguée en relation avec l'obligation de devoir abandonner la maison à … qui appartiendrait à votre ex-époux, je note en premier lieu qu'il ne serait nullement établi que vous auriez effectivement dû quitter cette maison sur base d'un seul appel d'un prétendu avocat de votre ex-époux qui vous aurait expliqué que la famille de ce dernier en aurait besoin. Ce constat vaut d'autant plus que vous précisez qu'« … had to give me the house after our divorce » (p. 2 du rapport d'entretien), comme si les autorités vous avaient donné le droit d'y rester vivre. Vous confirmez en outre qu'… vous aurait permis de rester vivre dans sa maison et il découle de votre histoire que vous y auriez vécu jusqu'au dernier jour avant de quitter le Liban.

Quand bien même vous auriez effectivement été obligée d'abandonner cette maison à un moment donné, ce qui n'est pas établi, je constate que ce problème se résumerait à un seul souci financier. En effet, conviée à expliquer pourquoi vous n'auriez pas tout simplement loué une autre maison ou un autre appartement, vous expliquez ne pas avoir eu assez d'argent et être immédiatement partie vivre en Turquie après le départ de …. Bien que vous auriez travaillé au Liban jusqu'au jour de votre départ, vous précisez en outre que vous n'auriez pas pu vivre autre part au Liban parce que normalement les femmes divorcées retourneraient vivre chez leurs familles si elles n'ont pas de travail qui leur permet de vivre de façon indépendante: « They have financial power, that means work. » (p.2 du rapport d'entretien).

Quoi qu'il en soit, les soucis économiques qui fondent ce motif de fuite ne sauraient pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par les textes précités, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

Concernant finalement l'agression dont vous auriez été victime en novembre 2017, à la supposer avérée ce qui n'est manifestement pas établi au vu du manque de sincérité caractérisant vos dires, je constate en premier lieu que vous n'auriez pas vu vos agresseurs et que vous pourriez uniquement soupçonner des membres de votre belle-famille de se cacher derrière celle-ci parce que vous n'auriez pas voulu abandonner la maison de votre ex-époux, de sorte que vos déclarations dans ce contexte se résument à des allégations purement hypothétiques.

9A supposer cette hypothèse comme étant correcte, ce qui n'est pas non plus établi, cette agression unique dont vous auriez été victime ne serait donc pas non plus liée à l'un des cinq critères susmentionnés, mais s'expliquerait par un seul conflit familial tournant autour de l'usage d'un immeuble et ne saurait par conséquent pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié.

Par ailleurs, cet incident isolé lors duquel des inconnus auraient jeté des pierres sur vos jambes, vous faisant trébucher par terre avant de vous relever pour rentrer à la maison, ne revêt pas un degré de gravité requis pour valoir acte de persécution au sens des textes précités. Ce constat vaut d'autant plus qu'après cette agression, vous auriez continué à vivre pendant encore presque deux mois dans cette maison, sans que vous n'auriez encore été inquiétée d'une manière quelconque par qui que ce soit.

Il suit des considérations qui précèdent, et hormis les doutes quant à votre crédibilité, que vous restez en défaut d'établir avoir fait l'objet d'une persécution dans votre pays d'origine ou d'être à risque de faire l'objet d'une telle persécution en cas de retour dans votre pays d'origine.

Enfin, il y a encore lieu de relever que vous auriez, après votre départ allégué du Liban encore vécu pendant neuf ou douze mois à Mytilène puis en Athènes en Grèce, pays dans lequel vous auriez passé une partie de votre enfance et y auriez accompli toute votre scolarité.

Vous y auriez vécu et travaillé pendant trois ans après votre prétendue fuite du Liban. Or, en Grèce, vous auriez facilement pu trouver un remède à deux de vos motifs vous ayant prétendument faire quitter le Liban.

En effet, les Grecs vous comprennent en termes linguistiques alors que vous seriez fluente en grec. Par ailleurs, la Grèce est composée d'une large majorité de chrétiens, de sorte que vous auriez parfaitement pu vivre votre vie en Grèce. En outre, vous ne présentez aucun motif ou explication valable pour ne pas avoir introduit une protection internationale en Grèce et il se cristallise à travers vos déclarations que vous avez quitté ce pays pour des simples motifs économiques et de considérations personnelles alors que vous affirmez ne pas y avoir sollicité une aide quelconque parce que le pays se trouverait dans une situation financière compliquée, que les gens y seraient pauvres, qu'il serait difficile d'y trouver un emploi ou une maison et qu'il y aurait « too much police, too much control » (p. 6 du rapport d'entretien).

Or, des motifs économiques et de pure convenance personnelle ne permettent pas de se voir octroyer le statut de réfugié et se traduisent dans votre chef d'un abus de la procédure de protection internationale, procédure mise en place pour des personnes à risque de faire l'objet de persécutions et non pas pour celles cherchant à s'établir dans un pays européen lequel pourrait leur offrir des meilleures conditions de vie en termes, notamment, économiques.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé  Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence 10habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Outre les conclusions quant aux doutes relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour vers votre prétendu pays d'origine, le Liban, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vous personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Vous parlez tout au plus d'une prétendue peur de retour basée sur un « danger » (p. 13 du rapport d'entretien) totalement vague, tout en avançant des motifs économiques qui vous empêcheraient de retourner vivre au Liban.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Liban, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2021, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 13 octobre 2021 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 28 mars 2023, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation et condamna Madame (A) au paiement des frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2023, Madame (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 28 mars 2023.

11 Arguments des parties A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante passe en revue son vécu depuis sa naissance à … en …, à savoir son passage en Grèce après le décès de sa mère en 1981, ses études dans ce pays, son mariage avec le dénommé … en 1996 à Athènes, son retour avec son mari au Liban en 1997, une relations extraconjugale qu’elle aurait eue en 2006, le divorce en 2010, la disparition de son mari en 2017, ce qui aurait conduit à ce que la famille de celui-ci ait voulu récupérer la maison dans laquelle elle avait vécu depuis leur divorce, une attaque dont elle aurait été victime en novembre 2017, suite à quoi elle aurait quitté le Liban le 27 décembre 2017 pour aller en Grèce en passant par la Turquie. Après un séjour en Athènes durant une année, elle se serait rendue en Italie, en France et en Belgique, pour finalement arriver au Luxembourg le 21 août 2020.

En droit, encore que le tribunal ne s’était pas prononcé explicitement sur la question de la crédibilité de son récit, remise en question par le ministre, l’appelante insiste sur la crédibilité de son récit tout en se référant au Guide des procédures et critères appliqués pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du UNHCR et en donnant des explications par rapport à des incohérences relevées par le ministre.

En ce qui concerne ensuite l’octroi du statut de réfugié, l’appelante reproche au tribunal d’avoir minimisé son vécu, tout en soulignant que ce serait en raison de sa religion qu’elle craindrait d’être persécutée.

Face au constat du tribunal selon lequel le fait pour les membres de la famille de son ex-époux de s’adresser à elle exclusivement en arabe manquerait de gravité, l’appelante fait valoir qu’il conviendrait de prendre en compte les faits dans leur ensemble, de même que ses sentiments.

Elle critique ensuite les premiers juges pour avoir retenu qu’elle ne serait pas l’unique personne de confession chrétienne au Liban et que ses affirmations seraient d’ordre général, en insistant sur la considération que la situation générale au Liban montrerait que la minorité chrétienne serait la cible d’attaques et que dans un tel contexte, il serait inhumain d’exiger de sa part d’attendre qu’un autre incident ne se produise pour attester le sérieux de ses craintes.

L’appelante poursuit qu’avec la montée du Hezbollah au Liban, la minorité chrétienne serait devenue « la cible de l’intolérance ambiante, tant politique que culturelle », en citant les termes d’un article paru dans le journal « Le Figaro » en septembre 2020.

L’appelante se réfère encore à une explosion le 4 août 2020, dont la communauté chrétienne aurait été la principale victime et qui matérialiserait la situation générale de cette minorité.

Elle donne ensuite à considérer qu’elle n’aurait pas fait valoir qu’il n’y aurait que des musulmans au Liban, mais qu’elle aurait relevé qu’elle-même aurait été entourée uniquement de musulmans.

12Par référence au Guide, précité, du UNHCR, l’appelante fait valoir que le fait que des personnes de confession chrétienne seraient victimes d’attaques et de persécutions au Liban serait suffisant pour justifier sa crainte de persécution.

En second lieu, ce serait en raison de son appartenance à un certain groupe social, à savoir celui des femmes ayant commis un adultère, qu’elle craindrait d’être persécutée.

Sous cet aspect, elle critique les premiers juges pour avoir retenu que les craintes avancées par elle dans ce contexte ne seraient pas d’une gravité suffisante au motif qu’elle aurait pu résider dans la maison conjugale durant les sept ans ayant suivi son divorce. Au contraire, le fait qu’elle aurait dû quitter celle-ci après avoir pu y rester pendant sept ans à la suite du divorce, serait d’autant plus grave, dans la mesure où elle aurait pu raisonnablement s’attendre à pouvoir y vivre pour le reste de sa vie, son ex-époux lui ayant donné l’autorisation expresse. Dans ces conditions, le fait pour les membres de la famille de son époux de la forcer de quitter cette maison, ce qui aurait impliqué qu’elle se serait retrouvée à la rue du jour au lendemain, serait d’une gravité suffisante au sens des articles 42 et 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Quant à l’attaque dont elle déclare avoir été la victime, l’appelante critique les premiers juges en affirmant qu’il ne serait pas raisonnable de nier la réalité de sa crainte du simple fait qu’elle n’aurait pas pu fournir la preuve quant à l’identité et les mobiles de ses attaquants. Au contraire, on pourrait raisonnablement penser que l’agression avait été commise par la famille ou les amis de son ex-époux. Au-delà de ce constat, l’identité des auteurs ne changerait rien à la gravité suffisante des faits, l’appelante affirmant que cette attaque aurait été motivée par son adultère et/ou sa confession chrétienne. En tout cas, dans chacune des deux hypothèses, les critères de persécution prévus par la loi du 18 décembre 2015, à savoir son appartenance à un groupe social, sinon à sa religion seraient remplis, rien n’excluant que l’agression ait été motivée par les deux motifs pris cumulativement.

Dans ce contexte, l’appelante donne à considérer qu’au Liban, les femmes ayant commis un adultère seraient souvent victimes de violences, le Code pénal libanais prévoyant d’ailleurs une cause de justification au bénéfice des auteurs en raison de l’adultère.

De plus, l’adultère serait puni par la loi libanaise et aurait des conséquences sur le mariage, la garde des enfants, le droit à une pension et risquerait d’entraîner la répudiation.

Dans ce contexte, l’appelante se prévaut des rapports annuels de l’organisation Human Rights Watch de 2019, 2020 et 2021, dont il ressortirait que le Liban violerait ses obligations concernant les droits des femmes, notamment en ce qui concerne les violences commises contre celles-ci.

Dès lors, le fait d’être une femme ayant commis un adultère justifierait une crainte d’être persécutée en cas de retour au Liban.

En ce qui concerne l’élément subjectif de sa crainte, l’appelante se réfère au Guide précité du UNHCR à propos de l’appréciation de ce critère et fait valoir que sa crainte de subir une lapidation, après avoir échappé à une première tentative, permettrait de retenir que sa vie serait devenue intolérable au Liban et qu’elle ne pourrait pas y retourner sans craindre pour sa vie.

13Dès lors, au regard du contexte politique général ainsi qu’en raison du fait qu’elle aurait déjà subi une attaque, il y aurait de fortes raisons de croire qu’en cas de retour, elle risquerait d’être persécutée notamment en raison de son appartenance à un groupe social, à savoir celui des femmes ayant commis un adultère.

L’appelante critique ensuite les premiers juges pour avoir retenu qu’elle n’avait pas établi être dépourvue de la protection des autorités de son pays d’origine en faisant valoir qu’elle aurait justement de bonnes raisons pour ne pas vouloir réclamer la protection des autorités de son pays d’origine, ce qui expliquerait son défaut de plainte suite à l’agression dont elle aurait été la victime.

En raison de son appartenance au groupe social des femmes, qu’elles soient chrétiennes ou divorcées après avoir commis un adultère, il existerait un haut risque de se voir refuser l’aide par les autorités libanaises.

Contrairement à la conclusion des premiers juges, les rapports internationaux produits par elle permettraient à eux seuls de retenir que les autorités étatiques libanaises ne seraient pas disposées à protéger les femmes faisant l’objet de violences, mais accepteraient au contraire de telles violences. En outre, elle se prévaut d’un rapport de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch de 2023, qui feraient état d’un nombre croissant de cas de féminicides et de violences domestiques au Liban et d’une incapacité voire d’une absence de volonté des autorités libanaises de protéger de manière suffisante les femmes victimes de violences.

L’appelante donne encore à considérer que, contrairement à l’analyse des premiers juges, il ne serait pas nécessaire que le refus d’une protection étatique soit appliqué de façon générale à la population chrétienne, mais qu’il suffirait qu’elle-même vive cette situation en raison de sa confession chrétienne pour démontrer une lacune dans la protection des autorités à son égard.

L’appelante insiste ensuite sur la gravité des actes dont elle aurait été victime en faisant valoir qu’elle redouterait des violences physiques ou mentales à l’instar de ce qu’elle avait vécu en novembre 2017, tout en soulignant qu’une lapidation ou toute autre attaque physique seraient manifestement contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH », et rencontrerait le critère de gravité exigé par l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne les auteurs des persécutions qu’elle déclare craindre, l’appelante précise qu’il s’agirait de la famille ou des amis de son ex-mari contre lesquels les autorités étatiques, « au regard de la situation politique actuelle », ne pourraient pas accorder une protection et auxquels elle ne pourrait raisonnablement en réclamer une.

A titre subsidiaire, l’appelante maintient qu’elle remplirait les conditions d’une protection subsidiaire, en faisant valoir que la crainte d’être lapidée par la famille ou les amis de son ex-mari soit en raison de sa confession chrétienne dans un pays majoritairement musulman, soit en raison de son adultère, répondrait à la qualification d’une crainte d’une atteinte grave, crainte qui serait aggravée par le fait qu’elle ne pourrait pas demander une protection aux autorités libanaises.

14Enfin, l’appelante demande la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

A titre subsidiaire, elle se prévaut d’une violation autonome de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », tout en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au sujet de l’interprétation de l’article 3 de la CEDH. Au regard des faits exposés par elle tenant tant à la situation actuelle au Liban qu’à sa situation personnelle, il conviendrait de retenir que sa vie et ses libertés seraient à risque. De plus, son parcours et sa situation personnelle laisseraient présumer de manière certaine qu’elle n’aurait pas fui son pays pour des raisons autres que celles invoquées à l’appui de sa demande de protection internationale, puisqu’elle aurait vécu de manière paisible au Liban avant que des violences physiques et mentales l’aient obligé de quitter ce pays.

Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal.

Analyse de la Cour La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de 15l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Indépendamment de la question de la crédibilité du récit de l’appelante, la Cour est amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits invoqués par l’appelante ne justifient pas à suffisance l’octroi du statut de réfugié, ni celui conféré par la protection subsidiaire.

Selon les explications fournies dans la requête d’appel, ensemble ses déclarations lors de son entretien auprès du ministère, l’appelante fait état de craintes d’être victime de persécutions, d’une part, en raison de sa confession chrétienne et, d’autre part, en raison de sa situation de femme ayant commis un adultère, voire en tant que femme divorcée, en prétendant que (i) en tant que chrétienne, ne parlant pas le musulman, elle aurait été discriminée par la famille de son ex-époux et que par ailleurs, elle ne trouverait pas de lieu de prière, (ii) en tant que femme divorcée, elle n’aurait aucun droit au Liban, la famille de son ex-époux ayant exigé de sa part de quitter la maison dans laquelle elle aurait vécu après son divorce, (iii) en tant que femme ayant commis un adultère, elle risquerait une lapidation, en faisant état d’une attaque devant sa maison au courant du mois de novembre 2017 par des personnes inconnues qui 16auraient jetés des pierres sur elle et dont elle soupçonnerait qu’il se serait agi de membres de la famille de son ex-mari, sinon d’amis de ce dernier.

En ce qui concerne de prime abord les craintes en relation avec sa foi chrétienne, la Cour constate que l’appelante se limite à invoquer, au-delà de considérations tout à fait générales sur la situation des chrétiens au Liban, le fait que la famille de son ex-époux aurait refusé de lui parler en arabe et qu’elle ne trouverait pas de lieu de prière.

La Cour rejoint les premiers juges dans leur constat que (i) face aux sources produites par la partie étatique, dont il se dégage que la liberté de religion est garantie au Liban, que les chrétiens représentent 32,4% de la population, de sorte à ne pas pouvoir être qualifiés comme faisant partie d’une minorité religieuse marginale, et que par exemple à …, beaucoup d’églises se trouvent à leur disposition, (ii) le fait invoqué par l’appelante que les membres de la famille de son ex-époux se seraient adressés exclusivement en arabe à elle, manque en tout cas de toute gravité au regard de la définition d’une persécution au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, la Cour relevant que vu le divorce prononcé 7 ans avant son départ du Liban, l’appelante n’avait de toute façon plus à vivre au sein de cette famille et (iii) à défaut d’un autre incident concret personnel invoqué par l’appelante qui permettrait de retenir qu’en tant que chrétienne elle risquerait des discriminations atteignant un degré de gravité de nature à pouvoir être qualifiées de persécutions en cas de retour au Liban, le fait que l’appelante soit chrétienne n’est pas de nature à justifier dans son chef une crainte de subir des persécutions au Liban et par suite l’octroi du statut de réfugié.

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation présentée par l’appelante à l’appui de sa requête d’appel, dans la mesure où elle se limite à procéder par de simples affirmations et de considérations tout à fait générales, sans toutefois justifier qu’au regard de son vécu personnel, elle risquerait au Liban des persécutions en raison de sa religion, le simple fait d’invoquer une explosion en 2020 étant insuffisant à cet égard.

Pour les mêmes considérations, les mêmes faits ne sont pas de nature à justifier l’octroi d’une protection subsidiaire.

En ce qui concerne, en second lieu, les craintes de l’appelante en relation avec son statut de femme divorcée ou du fait qu’elle a commis un adultère, la Cour constate que, indépendamment de la qualification de ces craintes - l’appelante faisant état de ce que ces craintes rentreraient dans le champ d’application de la convention de Genève dans la mesure où elle craindrait des persécutions en raison de son appartenance à un groupe social -, l’appelante a vécu au Liban en tant que femme divorcée durant 7 ans après son divorce, ayant eu lieu en 2010, sans avoir été importunée du fait de son divorce ou du fait qu’elle a eu une relation extraconjugale et ce bien que selon ses propres déclarations son adultère ait été dévoilé à la famille de son ex-époux, étant relevé que l’appelante suppose que la famille de son ex-époux, ayant appris son adultère, aurait poussé celui-ci au divorce.

En tout cas, le seul fait que 7 ans après le divorce, la famille de son ex-époux exige qu’elle quitte la maison appartenant à son époux, alors qu’elle a aussi déclaré que suite au divorce son ex-époux aurait dû lui laisser la maison, ce qui laisse sous-entendre que l’occupation de cette maison fait partie des droits lui conférés à la suite du divorce et que se pose de la sorte la question du risque réel de devoir quitter cette maison, n’est pas d’une gravité suffisante pour être qualifié de persécution, ou encore d’atteinte grave, mais se résume en substance en un simple problème financier.

17 Quant à l’agression dont l’appelante déclare avoir été la victime début novembre 2017, que, selon la requête d’appel, elle entend tantôt rattacher à sa situation de femme divorcée ou ayant commis un adultère, tantôt à sa religion, la Cour retient, à l’instar des premiers juges, que tant les mobiles des agresseurs que leur identité sont restés inconnus, de sorte qu’il n’est ni établi que ces actes aient été commis par la famille de l’ex-époux de l’appelante en guise de représailles du fait qu’elle avait eu une relation extraconjugale, comme elle le soutient, ni que les auteurs aient été guidés par des motifs rattachables à un des critères de persécution prévus à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, les affirmations de l’appelante à ce sujet devant être qualifiées de simples suppositions non autrement établies, à défaut d’un quelconque indice permettant de rattacher les faits à l’une ou l’autre de ces qualités dont elle se prévaut.

Au-delà de ce constat, si certes l’incident de début novembre 2017 revêt une certaine gravité, le constat s’impose toutefois qu’il est resté isolé. Ainsi, pour autant que l’appelante rattache cet incident à sa religion et/ou à sa qualité de femme divorcée et ayant commis un adultère, le constat s’impose que le divorce remonte à 2010, sans que l’appelante n’ait rencontré une quelconque difficulté et que, par ailleurs, suite à cet incident de début novembre 2017, elle est restée au Liban jusqu’à la fin décembre 2017 sans qu’un incident similaire ne se soit produit. La Cour est dès lors amenée à retenir que cet incident isolé, s’il a pu faire naître dans le chef de l’appelante un sentiment général d’insécurité, il et néanmoins insuffisant pour justifier dans son chef une crainte avec raison d’être persécuté en cas de retour au Liban, ou encore l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’elle y courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, l’appelante n’invoquant aucune raison permettant de retenir qu’un tel incident puisse se reproduire.

Par ailleurs, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse exhaustive faite par les premiers juges de la question de l’existence d’une protection par les autorités libanaises et des motifs invoqués par l’appelante pour ne pas avoir réclamé l’aide des autorités libanaises et souscrit à leur conclusion selon laquelle l’appelante n’a pas établi un défaut de protection dans son pays d’origine, l’appelante n’ayant fourni en instance d’appel aucune explication pertinente qui permettrait d’invalider l’analyse des premiers juges.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont conclu que l’appelante ne fait pas état d’éléments suffisants permettant de justifier une crainte de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’elle court au Liban un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la même loi Enfin, la Cour n’est pas saisi d’éléments permettant de conclure à l’existence d’une situation de conflit interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté le recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder à l’appelante une protection internationale.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti 18d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

Quant aux risques que l’appelante semble lier à son éventuel éloignement, ceux-ci ont déjà été analysés et toisés dans le cadre de l’examen de sa demande de protection internationale, de sorte que le moyen tiré d’une violation du principe de non-refoulement, tel que prévu par l’article 3 de la CEDH, est à rejeter.

Concernant finalement le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, il est à rejeter comme inopérant, étant donné qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1), de la même loi, les dispositions de cette loi ne sont pas applicables aux demandeurs de protection internationale.

Les contestations de l’appelante par rapport à l’ordre de quitter le territoire sont partant à rejeter.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 28 mars 2023 est à confirmer et l’appelante est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 28 avril 2023 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante, partant, confirme le jugement entrepris du 28 mars 2023, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Patrick WIES.

s. WIES s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2023 Le greffier de la Cour administrative 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48887C
Date de la décision : 19/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-07-19;48887c ?

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