La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2023 | LUXEMBOURG | N°48647C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 juillet 2023, 48647C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Nos 48647C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48647 Inscrit le 6 mars 2023 Audience publique du 19 juillet 2023 Appel formé par Madame (A), Luxembourg, contre un jugement du tribunal administratif du 24 janvier 2023 (numéros 44904 + 46090 du rôle) ayant statué sur ses recours contre des décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de sanction administrative et d’accès au dossier administratif Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48647C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 mars 20

23 par Maître Hervé HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Nos 48647C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48647 Inscrit le 6 mars 2023 Audience publique du 19 juillet 2023 Appel formé par Madame (A), Luxembourg, contre un jugement du tribunal administratif du 24 janvier 2023 (numéros 44904 + 46090 du rôle) ayant statué sur ses recours contre des décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de sanction administrative et d’accès au dossier administratif Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48647C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2023 par Maître Hervé HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 24 janvier 2023 (numéros 44904 + 46090 du rôle), ayant joint les recours inscrits sous les numéros 44904 et 46090 du rôle, ayant retenu l’incompétence du tribunal pour connaître des recours principaux en réformation dirigés contre les refus de communiquer une pièce, ayant rejeté les recours subsidiaires en annulation dirigés contre ces refus, ayant reçu en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du 20 janvier 2020 lui ayant infligé une interdiction professionnelle et contre la décision confirmative du 19 mai 2020 et l’ayant débouté de ce recours et dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les recours subsidiaire en annulation dirigés contre ces décisions ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luana COGONI, en remplacement de l’huissier Véronique REYTER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 9 mars 2023, portant signification de ce recours à la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, en abrégé CSSF, établissement public de droit luxembourgeois, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représentée par sa direction et/ou son directeur général et/ou ses directeurs actuellement en fonctions, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro J 26 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 avril 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour Sàrl, ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au R.C.S. sous le numéro B 265.322, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Albert RODESCH, assisté de Maître Virginie 1VERDANET, les deux avocats à la Cour et inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la CSSF, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mai 2023 par Maître Hervé HANSEN au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 juin 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour Sàrl au nom de la CSSF, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hervé HANSEN et Maître Virginie VERDANET en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 juin 2023.

Par courrier du 22 février 2017, la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, ci-après « la CSSF », informa Madame (A) de son intention de prononcer à son encontre une amende administrative ainsi qu’une interdiction professionnelle de 10 ans pour violation de ses obligations en relation avec sa fonction d’administrateur-délégué agréé de la société anonyme (B) SA, ci-après « la (B) ».

Suite à une prise de position de Madame (A), par le biais d’un courrier de son mandataire de l’époque du 29 mars 2017, la CSSF informa celle-ci le 9 mai 2017 qu’elle allait procéder à une instruction complémentaire de l’affaire.

Par un courrier du 6 juin 2018, la CSSF informa Madame (A) de la clôture de son instruction complémentaire tout en l’invitant à un entretien personnel en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », telle que sollicité par l’intéressée.

Suite à un courrier électronique du 9 juillet 2018 de la part du mandataire de Madame (A), la CSSF communiqua à cette dernière le 23 octobre 2018 la copie du dossier administratif relatif à son affaire, à l’exception du rapport intitulé « Project … », établi par la société coopérative PRICE WATERHOUSE COOPERS, ci-après « le rapport PWC », ce refus ayant été motivé pour des raisons tenant la protection des intérêts opposés de parties tierces au sens de l’article 13, alinéa 1er, 2e tiret, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Par un courrier du 22 novembre 2018, la CSSF rappela à Madame (A) son invitation à un entretien personnel en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, entretien qui eut finalement lieu au sein des bureaux de la CSSF en date du 11 avril 2019.

Le 20 janvier 2020, la CSSF décida de sanctionner Madame (A) d’une interdiction professionnelle de 5 ans.

2 Suite à un recours gracieux de la part de Madame (A) introduit par le biais d’un courrier de son mandataire du 27 février 2020, la CSSF confirma le 19 mai 2020 sa décision précitée du 20 janvier 2020.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2020, inscrite sous le numéro 44904 du rôle, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision, précitée, de la CSSF du 20 janvier 2020, prononçant une interdiction professionnelle de 5 années à son encontre, ainsi que de la décision confirmative 19 mai 2020.

Par une deuxième requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2021, inscrite sous le numéro 46090 du rôle, Madame (A) fit encore introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée de la CSSF du 23 octobre 2018 portant communication partielle du dossier administratif et refusant de communiquer le rapport PWC.

Par un jugement du 24 janvier 2023, le tribunal ordonna la jonction des recours inscrits sous les numéros 44904 et 46090 du rôle, se déclara incompétent pour connaître des recours principaux en réformation dirigés contre le refus de communiquer une pièce et rejeta les recours subsidiaires en annulation dirigés contre ce refus, reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision ayant infligé une interdiction professionnelle et celle confirmative, débouta Madame (A) de ce recours et dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation dirigés contre ces décisions.

Le tribunal constata que bien qu’également saisi de manière autonome par la décision de refus de communication du dossier administratif, la question de la communication du dossier administratif était, afin d’être utile, à trancher en tant qu’incident de procédure dans le cadre de l’affaire au fond visant la sanction retenue à l’encontre de Madame (A).

Parmi les pièces dont la communication était encore litigieuse, le tribunal retint que les courriers des 28 septembre 2016 et 9 mai 2017 étaient à la disposition de Madame (A) et constata que cette dernière n’avait pas expliqué en quelle mesure le courrier de la (B) à la CSSF du 16 mars 2017 ferait partie de son dossier administratif personnel. Il en serait de même des procès-verbaux du comité de crédit de la (B). Pour ce qui est du rapport PWC, le tribunal retint que celui-ci faisait certes partie du dossier administratif, mais conclut que la CSSF pouvait valablement opposer le secret professionnel prévu à l’article 44 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, ci-après « la loi du 5 avril 1993 », tout en retenant que l’exception limitée à des cas relevant du droit pénal national ne trouverait pas application. Il conclut ainsi que la CSSF pouvait s’opposer, dans un stade précontentieux, à la transmission du rapport PWC sur base de l’article 13 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Le tribunal retint ensuite que la communication partielle du rapport PWC, telle qu’opérée à Madame (A) était insuffisante pour être qualifié de transmission du « contenu essentiel se rapportant à l’affaire » au sens des articles 13 du règlement grand-ducal 8 juin 1979 et 44, paragraphe (1), de la loi du 5 avril 1993. Toutefois, ce vice ne pourrait pas porter à conséquence dans la mesure où il pouvait être régularisé en phase contentieuse. En conséquence, le tribunal rejeta le moyen d’annulation fondé sur une violation des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal 8 juin 1979.

3Le tribunal se pencha ensuite sur la question de la communication du rapport PWC en cours de phase contentieuse, mis à sa seule disposition par la CSSF sur ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal du 2 mars 2021, et, sur base des enseignements à tirer d’un arrêt de la CJUE du 13 septembre 20181, repris par la Cour administrative dans un arrêt du 28 février 2019, inscrit sous les numéros 370844Ca et 37602Ca du rôle, procéda à l’analyse dudit rapport au regard des griefs concrètement formulés à l’égard de Madame (A), pour conclure que celle-ci était restée en défaut d’établir que, quel que soit son contenu, le rapport litigieux est pertinent pour combattre les infractions lui reprochées et ce même à admettre qu’il était de nature à prouver l’existence d’un accord de novation, ou encore d’établir l’implication d’autres personnes dans les opérations litigieuses autour d’un prêt accordé à la société anonyme de droit luxembourgeois (D), ci-après « le prêt (D) », ou que ces opérations seraient le résultat d’une orchestration de la part du groupe …. Le tribunal rejeta dès lors la demande de communication du rapport PWC, de même que le reproche d’une violation des droits de la défense tel que soulevé dans ce contexte.

Le tribunal rejeta ensuite le moyen fondé sur l’existence d’un préjugé défavorable de la CSSF à son égard, en relevant, d’une part, que si celle-ci n’était pas formellement tenue au respect des articles 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH », et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après « la Charte », elle serait néanmoins tenue d’observer les principes généraux du droit s’imposant en la matière et, plus particulièrement, le principe d’une procédure équitable, comprenant le devoir d’impartialité de l’autorité ayant pris la décision et, d’autre part, que dans la mesure où l’intéressée trouverait à sa disposition au niveau contentieux un double degré de juridiction avec des organes juridictionnels répondant aux exigences de l’article 6 de la CEDH, les exigences ne sauraient être appliquées avec la même rigueur à l’encontre des organes siégeant au niveau précontentieux.

Le tribunal releva encore l’absence de preuve que la CSSF ait fait preuve d’une partialité subjective à l’égard de Madame (A), tout en soulignant que le seul fait d’avoir fait application de l’article 9 du règlement grand-ducal 8 juin 1979 n’impliquerait pas que la décision envisagée était déjà prise et ce quels que soient les termes utilisés. Le tribunal releva encore que Madame (A) avait pu être entendue en personne et que la CSSF avait finalement revu à la baisse la sanction initialement envisagée.

Le tribunal rejeta par ailleurs le reproche selon lequel la CSSF n’aurait pas instruit le dossier à charge et à décharge en retenant plus particulièrement que le fait, critiqué par Madame (A), que Monsieur … n’avait pas été entendu malgré une demande de sa part ne porterait pas à conséquence, puisque l’accord sur une novation que Madame (A) entendait ainsi prouver était sans pertinence, puisqu’un tel accord, à le supposer avéré, ne serait pas de nature à minimiser ou à relativiser les fautes professionnelles lui reprochées, à savoir celle d’avoir fourni des informations incomplètes à la CSSF empêchant celle-ci d’exécuter pleinement sa surveillance, respectivement celle de ne pas avoir fait en sorte que la (B) détienne personnellement une garantie formelle valable pour le prêt (D), violant ainsi la limite des grands risques et risquant de mettre en péril la gestion saine et prudente de ladite banque.

Outre le rejet du moyen fondé sur une mauvaise application de la loi dans le temps, le tribunal déclara encore non fondé le moyen fondé sur une violation de la hiérarchie des sanctions 1 Affaire « UBS EUROPE SE », C-358/16 4administratives par référence à l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, en retenant que ce moyen manquait en fait, voire n’était pas pertinent, dans la mesure où la CSSF n’avait retenu qu’une seule sanction.

Enfin, le tribunal rejeta le moyen fondé sur un caractère disproportionné de la sanction retenue, en estimant qu’au regard de la gravité non négligeable des faits de l’espèce, la sanction prise par la CSSF était à entériner, le tribunal ayant encore écarté l’invocation par Madame (A) d’une orchestration dont elle aurait été victime, alors qu’une telle circonstance, à la supposer établie, n’était pas de nature à la délier de ses responsabilités personnelles en tant que CEO de la banque.

S’agissant du projet de publication de la décision une fois coulée en force de chose décidée, le tribunal retint que Madame (A) n’expliquait pas dans quelle mesure une publication anonyme de la sanction prononcée dans un but d’information et de prévention, quelques années après sa prononciation, lui serait préjudiciable.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2023, Madame (A) a régulièrement relevé appel du jugement du 24 janvier 2023, en sollicitant, selon le dispositif de la requête d’appel, par réformation du jugement du 24 janvier 2023, de réformer, sinon d’annuler (i) la décision de la CSSF du 23 octobre 2018 portant communication partielle du dossier administratif et le refus de communication du rapport PWC, (ii) la décision de la CSSF du 20 janvier 2020 ayant prononcé une sanction administrative à son encontre et (iii) la décision de la CSSF du 19 mai 2020 prise sur recours gracieux, et en demandant à la Cour, en cas de réformation, de dire qu’il n’y a pas lieu à sanction, sinon de prononcer une sanction plus clémente au vu de sa bonne coopération et au vu du fait que sa carrière professionnelle serait bloquée depuis près de 8 ans, ce qui constituerait de facto une punition suffisante. Elle demande, en outre, à la Cour de retenir qu’il n’y a pas lieu à publication de la décision.

A l’appui de sa requête d’appel, Madame (A) procède à un exposé des faits depuis la signature de son contrat de travail le 5 octobre 2012 avec la (B), en faisant état d’activités qu’elle qualifie de douteuses que cette banque aurait opérées à l’époque et qui auraient été critiquées par la CSSF, en l’occurrence des opérations dites « back to back », qu’elle aurait été chargée de régulariser. Elle décrit ensuite les conditions d’octroi du prêt (D). Elle poursuit que son contrat de travail aurait été résilié le 2 septembre 2015 à l’initiative de la (B) et qu’elle-même aurait démissionné le lendemain de sa fonction d’administrateur et d’administrateur-délégué. Elle reproche à la (B) d’avoir commencé dès décembre 2015 une campagne visant à la discréditer et à faire d’elle-même le bouc émissaire pour l’opération (D) qui se serait clôturée par un échec. Ce serait dans ce contexte que la (B) se serait adressée à la CSSF et qu’elle aurait également commandité un rapport de PWC au sujet de l’opération (D).

Pour le surplus, Madame (A) décrit la procédure s’étant déroulée depuis la notification du 22 février 2017 de l’intention de la CSSF de prononcer à son encontre une sanction administrative.

Dans ce contexte de l’exposé des faits, Madame (A) reproche à la CSSF de lui avoir caché que le rapport PWC constituerait la pièce maîtresse de la procédure engagée à son encontre et ferait partie d’un avis juridique de l’avocat de la (B), tout en supposant que ledit rapport n’aurait pas été signé 5par son auteur, constats à partir desquels Madame (A) conclut à une atteinte à ses droits de la défense, l’appelante reprochant en substance à la CSSF de s’être fiée à la légère à ce document.

En droit et à titre principal, l’appelante se prévaut des moyens suivants :

i) absence d’impartialité de la CSSF, en critiquant, d’une part, une concentration des pouvoirs réglementaires, exécutifs et juridictionnels ainsi que des fonctions préalables de poursuite, d'instruction et de la fonction de jugement de la CSSF entre les mêmes mains, et, d’autre part, un préjugé ou parti pris manifesté par la CSSF à son égard ;

ii) méconnaissance de la hiérarchie et du caractère alternatif des sanctions prévues à l’article 63 de la du 5 avril 1993 ;

iii) illégalité de la peine de publication et incompatibilité de cette publication avec le principe de personnalisation de la sanction ;

A titre subsidiaire, elle sollicite le sursis à statuer aux fins de poser des questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle et à la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après « la CJUE », respectivement de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après « la CourEDH », d’une demande d’avis consultatif, sans toutefois préciser clairement auquel de ses trois moyens les différentes questions sont à rattacher.

La CSSF conclut au rejet de l’ensemble de ces moyens et à la confirmation du jugement attaqué.

A titre liminaire et quant à la portée de l’appel, la Cour constate qu’encore que suivant le dispositif de la requête d’appel, l’appelante demande, par réformation du jugement entrepris en sa globalité, la réformation sinon l’annulation des trois décisions ayant fait l’objet de son recours, à savoir celle du 23 octobre 2018 portant refus de communication du rapport PWC, celle du 20 janvier 2020 prononçant une sanction administrative à son encontre et celle du 19 mai 2020 rendue sur recours gracieux, et que le jugement attaqué portait non seulement sur la légalité et le bien-fondé de la sanction prononcée à l’égard de Madame (A), mais également sur la question de la communication en l’occurrence du rapport PWC et ce tant à titre principal qu’à titre d’incident de procédure, le constat s’impose que l’appelante n’a, à l’appui de son appel, développé aucun moyen précis par rapport au refus de communication du rapport PWC en phases précontentieuse et contentieuse, ni à l’égard de l’analyse opérée par le tribunal sur ces questions et sur les conséquences à en déduire sur la légalité des décisions litigieuses, si ce n’est que dans le cadre de l’exposé des faits, elle parle des discussions des parties au sujet de la communication du rapport PWC.

A défaut d’une quelconque contestation concrète de l’appelante par rapport à l’analyse des premiers juges quant au volet du litige ayant trait à la question de la communication du procès-verbal PWC, la Cour ne peut que rejeter la demande de réformation des décisions afférentes, de même qu’elle ne peut que constater que le débat afférent, mené en première instance par Madame (A) et qui n’est plus repris en instance d’appel, n’est pas de nature à emporter l’illégalité des décisions faisant l’objet du recours et portées devant la Cour en instance d’appel.

6La Cour constate ensuite que l’appelante ne remet pas non plus en question le bien-fondé de la décision de la CSSF de retenir à sa charge des violations à la loi du 5 avril 1993 et ne prend, en l’occurrence, pas position par rapport à l’analyse exhaustive faite par les premiers juges à ce sujet, qui ont, d’une part, dans le cadre de l’examen du refus de communiquer le rapport PWC, passé en revue les griefs invoqués à l’encontre de Madame (A) et les ont, entre autres, analysés quant à leur caractère fondé, et, d’autre part, ont conclu, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la sanction appliquée, que par le fait d’avoir, en sa qualité de CEO de la (B) et sur insistance expresse de la CSSF en amont pour obtenir une garantie valable pour le prêt (D) en vue de respecter la limite des grands risques, volontairement caché à la CSSF le fait qu’elle avait, par sa signature des « Escrow documents », de facto invalidé la garantie Metkombank, seule garantie formelle à disposition de la banque dont elle était pourtant responsable, Madame (A) a gravement violé son obligation de transparence et d’information vis-à-vis de la CSSF, faisant en sorte qu’il a ainsi été totalement fait obstacle à l’exercice des pouvoirs de surveillance, d’inspection et d’enquête de la CSSF et que, par ailleurs, par le fait de ne pas avoir organisé une autre garantie formelle et en se fiant à un éventuel accord de novation non autrement formalisé à l’égard de la (B) et auquel cette dernière n’était même pas partie, Madame (A) a sérieusement risqué la mise en péril de la gestion saine et prudente de la (B) par le non-respect de la limite des grands risques. Au contraire, l’appelante limite le débat devant la Cour à des questions purement procédurales en reprochant un manque d’impartialité dans le chef de la CSSF, en menant, par ailleurs, un débat théorique sur les sanctions susceptibles de lui être appliquées par référence au principe de la hiérarchie et du caractère alternatif des sanctions et en critiquant la décision de la CSSF de publier sa décision, sans prendre position concrètement quant à la conclusion du tribunal ayant retenu le caractère justifié des manquements lui reprochés.

D’emblée, la Cour rejoint l’analyse exhaustive ainsi faite par les premiers juges quant aux manquements retenus à l’égard de l’appelante et la fait sienne, l’appelante n’ayant présenté en instance d’appel aucune contestation susceptible d’invalider cette conclusion.

Il convient ensuite de procéder à l’examen des moyens présentés par l’appelante à l’appui de son appel.

1) Quant au moyen fondé sur un défaut d’impartialité de la CSSF Arguments des parties L’appelante se prévaut des dispositions des articles 6 de la CEDH et 47, paragraphes (1), et (2), de la Charte, et fait valoir que le principe d’impartialité, s’il n’était pas explicitement prévu par la Constitution, se dégagerait néanmoins comme principe inhérent à l’article 1er de la Constitution, selon lequel « le Grand-Duché de Luxembourg est un État démocratique, libre, indépendant et indivisible ».

Tout en partageant la vue des premiers juges selon laquelle la CSSF doit observer les principes généraux de droit s’imposant en la matière et, plus particulièrement, le principe d’une procédure équitable, comprenant le devoir d’impartialité de l’autorité, l’appelante estime, en s’appuyant sur la jurisprudence de la CourEDH et en l’occurrence sur un arrêt du 27 août 20022, 2 DIDIER c/ France, requête n° 58188/00 7que la CSSF, lorsqu’elle prononce des « sanctions disciplinaires », doit être considérée comme un tribunal décidant du bien-fondé d’une accusation en matière pénale et en tant que tel être soumise aux prescriptions de l’article 6 de la CEDH.

Elle critique les premiers juges pour avoir retenu que dans la mesure où elle avait à sa disposition au niveau contentieux un double degré de juridiction avec des organes juridictionnels répondant aux exigences de l’article 6 de la CEDH, les garanties de cette disposition ne devraient pas être appliquées avec la même rigueur à l’encontre d’organes siégeant au niveau précontentieux. L’appelante est, au contraire, d’avis que la réformation, sinon l’annulation de la décision ne permettrait pas de purger le vice originaire tenant à la partialité de l’administration à toutes les étapes de la procédure précontentieuse. A cet égard, elle se prévaut d’une jurisprudence de la CourEDH du 15 décembre 20053, de l’arrêt DIDIER, précité de la CourEDH rendu à propos de la qualification du Conseil des marchés financiers français et d’un arrêt de la CourEDH du 11 juin 20094, à propos de la Commission bancaire française, et cite des articles de doctrine par rapport à ce dernier arrêt. Elle en déduit que la CourEDH aurait opéré une extension des obligations tirées de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH aux autorités administratives dotées de pouvoirs de sanction en assujettissant la procédure de sanction conduite par elles à l’intégralité des exigences, notamment d’impartialité, découlant du droit à un procès équitable et ce, peu importe que l’intéressée ait ensuite accès à un double degré de juridiction.

L’appelante demande encore à la Cour de suivre la jurisprudence du Conseil d’Etat français au sujet de l’application de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, qui imposerait le respect de certaines garanties procédurales essentielles tirées du droit à un procès équitable dès la phase administrative de sanction, dont notamment de l’impératif d’impartialité de l’autorité chargée de se prononcer sur les sanctions5, tout en soulignant que le Conseil d’Etat n’aurait pas fait mention d’une application avec moins de rigueur de l’article 6 de la CEDH.

Concrètement en l’espèce, l’appelante fait de prime abord état d’une concentration des pouvoirs réglementaires, exécutifs et juridictionnels, ainsi que des fonctions préalables de poursuite, d’instruction et de la fonction de jugement entre les mains de la CSSF.

Ainsi, le manque de séparation entre les différents pouvoirs et fonctions attribués à la CSSF aurait irrémédiablement compromis ses intérêts, l’appelante se prévalant de diverses jurisprudences de la CourEDH à propos de l’application de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, distinguant entre l’impartialité objective et l’impartialité subjective, et d’arrêts du Conseil constitutionnel français6.

Après avoir relevé que la procédure de sanction litigieuse serait régie par les articles 9 et 12 de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d’une Commission de surveillance du secteur financier, ci-après « la loi du 23 décembre 1998 », ainsi que par l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, l’appelante épingle un caractère incomplet, imprécis, lapidaire et confus de ces textes, notamment quant à l’exercice des prérogatives dévolues à la CSSF dans le cadre de ses 3 KYPRIANOU c/ Chypre, requête n° 73797/01 4 DUBUS c/ France, requête n° 5242/04 5 Conseil d’Etat français, 3 décembre 1999, requête n° 207434, et 27 octobre 2006, requête n° 276069.

6 Conseil constitutionnel 5 juillet 2013, n° 20’13-331 ; 24 novembre 2017, n° 2017-675 8pouvoirs de sanction, l’appelante critiquant plus particulièrement que l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 ne préciserait pas l’organe ou la fonction appelée à sanctionner. Ni ces dispositions, ni celles du règlement d’ordre intérieur de la direction de la CSSF, ci-après « le ROI », ne comporteraient une distinction fonctionnelle ou organique entre les pouvoirs réglementaires, exécutifs et juridictionnels de la direction de la CSSF, de même qu’entre ses fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. Sous cet aspect, le seul fait que les membres de la direction de la CSSF prêteraient serment de remplir leurs fonctions avec impartialité, conformément à l’article 10, paragraphe (5), de la loi du 23 décembre 1998, serait insuffisant.

Au-delà de ce problème de partialité systémique et structurelle, la direction de la CSSF agirait de connivence avec le pouvoir exécutif étatique puisqu’elle conclurait avec l’Etat un contrat portant sur les objectifs qu’elle devrait atteindre, l’appelante supposant que ces objectifs concerneraient entre autres les sanctions à infliger par la CSSF, ce qui ferait craindre un lien de dépendance problématique au regard du principe de la séparation des pouvoirs.

L’appelante est dès lors d’avis que les dispositions législatives « précitées » devraient être écartées pour être contraires aux articles 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47, paragraphes (1), et (2), de la Charte. De plus, elles seraient incompatibles avec un certain nombre de principes et dispositions constitutionnelles pris ensemble ou isolément, à savoir l’impartialité, la séparation des pouvoirs, l’appelante citant un arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er octobre 2010, numéro 00057 du registre, l’Etat de droit, l’appelante citant un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 mai 2019, numéro 00146 du registre, la sécurité juridique, l’appelante citant un arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 janvier 2021, numéro 00152 du registre, la légalité des poursuites, l’appelante se référant à l’article 12 de la Constitution, et l’égalité devant la loi, l’appelante se référant aux articles 10bis, paragraphe (1), et 111 de la Constitution et affirmant que la discrimination serait « intimement liée à l'exercice arbitraire de ses pouvoirs et fonctions par la CSSF ».

Les dispositions législatives litigieuses seraient de plus entachées d’incompétence négative dans la mesure où le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans le domaine lui réservé, à savoir les restrictions apportées à la liberté du commerce et de l’industrie conformément à l’article 11, paragraphe (6), de la Constitution, dans la mesure où la loi octroierait des pouvoirs arbitraires à la CSSF lorsqu’elle prononce des « sanctions disciplinaires ».

Au regard de ces contrariétés aux conventions internationales et à la Constitution des dispositions législatives à la base de la procédure disciplinaire conduite à son encontre, ces dispositions devraient rester inappliquées, de sorte que la sanction infligée à son encontre serait à annuler.

L’appelante insiste sur la considération qu’elle aurait été victime d’un mélange de genres au sein de la CSSF d’une extrême gravité et qui conduirait à l’iniquité.

Sous cet aspect, elle fait état de ce que le courrier de la CSSF du 28 septembre 2016 serait cosigné par Monsieur …, ayant fait partie de la direction de la CSSF jusqu’à la fin de l’année 2018, et par Madame …, attachée de direction premier en rang au sein du service de surveillance des banques, service qui serait toujours dirigé par Monsieur …, l’un des directeurs actuels de la CSSF.

9 Le courrier du 22 février 2017 notifiant l’intention de la sanctionner ne distinguerait pas l’organe à son origine, son libellé menant à la conclusion que ce serait la CSSF dans sa globalité qui se serait adressée à elle, le courrier indiquant l’adresse e-mail de la direction de la CSSF et portant la signature de Madame … et de Monsieur …, respectivement attaché et premier conseil de direction à l’époque des faits au sein du service de surveillance des banques.

Quant au courrier du 9 mai 2017, celui-ci comporterait en référence le trigramme de Monsieur … et ne ferait mention d’aucune séparation dans l’exercice des fonctions caractéristiques d’une procédure disciplinaire. Ce serait ainsi la CSSF dans son ensemble qui procéderait aux enquêtes et annoncerait prononcer elle-même une sanction disciplinaire.

La même conclusion s’imposerait pour le courrier du 23 octobre 2018 portant sur la question de la communication du rapport PWC et du courrier du 22 novembre 2018 lui adressé par la CSSF, ce courrier n’étant toutefois pas signé par Madame …, mais par Monsieur …, également occupé à l’époque au sein du service de surveillance des banques.

A la réunion du 11 avril 2019 auraient assisté, entre autres, Monsieur … et Monsieur …, à la tête du service des affaires générales au sein du département juridique de la CSSF, ce service étant dirigé par Monsieur …, directeur général de la CSSF.

S’agissant de la décision du 20 janvier 2020, elle serait cosignée par Monsieur …, directeur général, et par Monsieur …, directeur, ce courrier indiquant toujours le trigramme de Madame ….

Le même constat devrait être fait par rapport au courrier, non signé, du 19 mai 2020 sur recours gracieux.

L’appelante précise que ce serait également Madame … et Monsieur … qui auraient été en charge du dossier relatif à la conformité de la (B) avec le régime des limites aux grands risques, tel que cela se dégagerait du courrier de la CSSF à la banque des 25 avril et 31 juillet 2014.

L’appelante en déduit que la direction de la CSSF, ayant infligé la sanction administrative litigieuse, ne pourrait objectivement être impartiale, dès lors qu’aucun effort n’aurait été mis en œuvre pour garantir l’impartialité.

Plus particulièrement, le fait que Monsieur … et Monsieur …, en leur qualité de membres de la direction de la CSSF, auraient eu un pouvoir discrétionnaire l’opposant à la CSSF et étaient les seuls signataires de la décision de sanction du 20 janvier 2020 corroborerait le fait qu’elle aurait été indûment privée de son droit d’accès à un tribunal impartial. L’appelante donne à considérer que les sieurs … et … ne se seraient pas contentés de lui infliger une sanction disciplinaire, mais auraient au contraire agi des années durant en tant que juge et partie en officiant au préalable comme autorité d’accusation, d’enquête, de poursuite et d’instruction à son égard. En conséquence, la direction de la CSSF n’aurait pas pu exercer son esprit critique avant de prononcer la sanction litigieuse.

10A cet égard, l’appelante donne à considérer que la CSSF aurait été dès le départ convaincue de sa culpabilité après s’être vu remettre par la (B) le rapport PWC, qui pourtant l’incriminerait de manière déloyale, la CSSF s’étant autosaisie après réception de ce rapport.

Elle donne encore à considérer que le directeur général de la CSSF, Monsieur …, aurait reconnu la partialité systémique de la CSSF dans l’exercice de son pouvoir de sanction, en se référant à une interview donnée en 2016, l’appelante relevant encore que selon la jurisprudence de la CourEDH, le fait pour un justiciable de voir son affaire jugée par un magistrat qui lui-même soulève des doutes quant à sa propre impartialité, poserait problème au niveau d’une procédure équitable.

L’absence de ségrégation dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions et l’immixtion d’au moins Messieurs … et … à tous les niveaux de la procédure, auraient pu susciter des appréciations légitimes dans son chef, de sorte que l’impartialité de la CSSF serait sujette à caution.

Au niveau du reproche d’une impartialité subjective, l’appelante fait état de ce que la CSSF se serait livrée à un préjugement de sa culpabilité, lui déniant la présomption d’innocence, l’appelante renvoyant aux termes employés dans les prises de position antérieures de la direction de la CSSF, et ce d’autant plus au regard de l’impartialité objective relevée par ailleurs par elle.

Sous cet aspect, la référence faite par les premiers juges à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’invaliderait pas ses reproches dans la mesure où l’organe de la CSSF l’ayant informée de son intention de prendre une décision en dehors de son initiative devrait être différent de celui qui décidera une mesure à son encontre.

Dans ce contexte, l’appelante se prévaut encore d’un arrêt du Conseil d’Etat français7, des conclusions du commissaire du gouvernement dans cette affaire, ainsi que d’extraits d’articles de doctrine à propos de l’annulation d’une sanction prononcée par la Commission bancaire française pour manquement au principe d’impartialité au sens de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH.

En l’espèce, « l’acte de communication des griefs », à savoir le courrier du 22 février 2017 lui adressé, comporterait un préjugé négatif, l’appelante affirmant que la CSSF y indiquerait clairement son intention de la sanctionner, en incriminant le libellé de l’objet du courrier, l’emploi de l’indicatif présent, de même que les termes choisis, tout en soulignant que le contenu et les formulations de ce courrier seraient quasiment identiques à ceux de la décision de sanction.

L’appelante se prévaut encore des termes d’un courrier du 9 mai 2017 à son précédent mandataire et d’un courrier de la CSSF à la (B) du 28 septembre 2016 faisant d’ores et déjà état d’un « serious misbehavour ». Enfin, l’appelante se prévaut des termes de la décision du 20 janvier 2020 dont elle déduit l’existence d’un préjugement.

Dans sa réplique, l’appelante insiste sur la considération qu’elle se prévaudrait, outre de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, par rapport auquel l’Etat a pris position dans sa réponse, de l’article 47, paragraphes (1), et (2), de la Charte, des principes constitutionnels d’impartialité, de séparation des pouvoirs, d’Etat de droit, de sécurité juridique, de légalité des poursuites, selon l’article 12 de la Constitution, de l’égalité devant la loi, selon les articles 10bis, paragraphes (1), 7 Conseil d’Etat 20 octobre 2000, requête n° 180122.

11et 111 de la Constitution, et de la liberté de commerce et de l’industrie, selon l’article 11, paragraphe (6), de la Constitution, tout en relevant que le droit européen ne permettrait pas d’accorder une protection moindre que celle qui serait conférée par le droit interne luxembourgeois.

Par ailleurs, l’appelante maintient ses contestations quant à la réserve retenue par les premiers juges quant à l’application des principes d’indépendance et d’impartialité en phase précontentieuse. Elles est d’avis qu’appliquer ce principe avec moins de rigueur priverait le justiciable des garanties d’indépendance et d’impartialité dès qu’il bénéficie d’un double degré de juridiction, alors qu’il pourrait y avoir des situations, tel que cela serait le cas en l’espèce, dans lesquelles le caractère équitable d’une procédure de sanction serait irrémédiablement compromis dès l’ingrès au niveau administratif, de sorte que ce vice ne pourrait pas être purgé par la simple existence de juridictions administratives de droit commun respectant les conditions d’indépendance et d’impartialité et appelées à connaître de l’affaire ex post. En tout cas, au regard de la gravité des manquements relevés en l’espèce, ces vices ne sauraient être purgés ex post.

L’appelante est encore d’avis que la Cour administrative aurait abandonné l’idée d’une application de moindre rigueur des principes d’impartialité au motif de l’existence d’un double degré de juridiction et ce depuis un arrêt du 26 février 2015, inscrit sous le numéro 34682C du rôle, et conclut que la Cour accorderait aux administrés soumis à une procédure de sanction une protection identique à celle accordée par les juridictions suprêmes françaises, consistant à imposer l’entier respect de certaines garanties procédurales essentielles tirées du droit à un procès équitable, en particulier des impératifs d’indépendance et d’impartialité, et ce dès la phase administrative de sanction. Partant, la méconnaissance en l’espèce de ces principes durant la phase administrative entacherait de nullité les sanctions prononcées, les dispositions légales voire réglementaires fondant la procédure de sanction devant être écartées.

Contrairement à l’avis de la CSSF, la procédure précontentieuse ne serait pas purement administrative, au motif que les premiers juges l’auraient justement qualifié de « disciplinaire », l’appelante se référant à des articles de doctrine à propos de la question de la qualification de la CSSF en tant que juridiction.

L’appelante insiste sur la considération que sans prétendre que toutes les procédures administratives précontentieuses devraient être soumises par principe aux garanties d’indépendance et d’impartialité, elle serait néanmoins d’avis qu’elles devraient l’être lorsque la procédure en cause serait de nature juridictionnelle, tout en se référant à un ouvrage de doctrine belge rédigé avant le revirement de jurisprudence qui aurait été opéré par la CourEDH depuis les arrêts DIDIER et DUBUS, précités, qui ne parleraient pas non plus d’un contrôle de moindre rigueur.

L’appelante prend ensuite position par rapport aux arrêts du Tribunal de l’Union européenne, ci-après « le TUE », invoqués par la CSSF et se prévaut à son tour d’un arrêt de la CJUE du 12 janvier 20238, dont elle cite des extraits, et d’articles de doctrine ayant commenté cet arrêt, à propos des conséquences à tirer d’une violation d'un droit procédural tel que la présomption d'innocence ou l'impartialité de l'autorité de poursuite.

8 HSBC Holding et al. c/ Commission, C-883/19P 12 A titre superfétatoire, l’appelante fait valoir que la CSSF aurait bien statué sur le bien-fondé d’une « accusation en matière pénale » dirigée contre elle au sens de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, tout en se prévalant de l’avis du Conseil d’Etat par rapport au projet de loi numéro 6660 portant transposition de la directive européenne 2013/36/UE du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, ci-après « la directive 2013/36 », devenu la loi du 23 juillet 2015 portant notamment transposition de la directive 2013/36, ci-après « la loi du 23 juillet 2015 », et en soulignant que la doctrine luxembourgeoise admettrait également que la CSSF devrait respecter les exigences de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH.

S’agissant de la référence faite par la CSSF à l’arrêt de la CourEDH du 4 mars 20149, l’appelante fait valoir qu’il s’en dégagerait que la CourEDH avait procédé à l’examen de compatibilité de la procédure menée avec les garanties de la procédure équitable et avait mis en évidence de nombreux manquements, tout en admettant que la CourEDH avait retenu qu’un tribunal saisi d’un recours de plein contentieux avait pu y remédier ultérieurement. L’appelante donne toutefois à considérer que cette solution serait contraire à la position des juridictions administratives luxembourgeoises, belges et françaises, ainsi qu’à celles de la CJUE, de même qu’elle se trouverait en contradiction avec les arrêts DIDIER et DUBUS de la CourEDH.

L’appelante critique encore la référence faite par la CSSF à un discours prononcé lors de la deuxième conférence des juges spécialisés en droit de la concurrence en 2013, en faisant valoir qu’en l’espèce, l’examen des critères se dégageant de l’arrêt ENGEL de la CourEDH10 permettrait de conclure à l’application de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH en son volet pénal et passe ensuite en revue en détail les critères afférents, tout en se référant à diverses jurisprudences de la CourEDH à propos de l’application de ces critères.

Ainsi, tout en reconnaissant que les infractions lui reprochées ne relèvent pas en droit luxembourgeois du droit pénal, mais du droit administratif et de la matière disciplinaire, l’appelante fait valoir qu’il conviendrait de prendre en compte la réalité substantielle de la procédure de la sanction et estime que l’analyse du critère tenant à la nature de l’infraction, qui tiendrait compte (i) de la fonction répressive ou dissuasive de la règle juridique, (ii) du but de protection des intérêts généraux de la société, lesquels seraient généralement protégés par le droit pénal et (iii) du fait que la condamnation à la peine dépendrait du constat de culpabilité, mènerait à la conclusion qu’il s’agirait bien d’une sanction pénale par nature, les sanctions ayant des fonctions répressives et dissuasives et la CSSF s’étant penchée sur la question de sa culpabilité et ayant appliqué l’article 63-4 de la loi du 5 avril 1993, qui serait l’archétype même du principe de droit pénal de l’individualisation de la peine.

L’appelante fait encore valoir que les termes de la directive 2013/36 confirmeraient le fait que la frontière entre l’infraction pénale et l’infraction administrative serait « extrêmement poreuse » dans le présent domaine, en se référant, par ailleurs, à la position de la CSSF dans son 9 Affaire GRANDE STEVENS et autres c/ Italie, requêtes n° 18640/10 et al.

10 CourEDH 8 juin 1976, requête n° 5100/71.

13mémoire en réponse ayant souligné que les dispositions litigieuses poursuivraient l’objectif de préserver la stabilité du secteur financier dans l’intérêt général et viseraient à éviter un risque systémique pour la place financière, ce qui compterait parmi les intérêts généraux de la société normalement protégés par le droit pénal financier.

S’agissant du troisième critère ENGEL, qui serait alternatif par rapport au deuxième, l’appelante se réfère encore à diverses jurisprudences de la CourEDH et fait valoir qu’en l’espèce, la peine maximale prévue par l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 serait l’interdiction définitive d’effectuer une ou plusieurs opérations ou activités, ainsi que toute autre restriction à l’activité de la personne et/ou l’interdiction professionnelle définitive des administrateurs, gérants ou dirigeants de fait ou de droit des personnes et/ou entités soumises à la surveillance de la CSSF.

Parmi les sanctions les plus lourdes pouvant être infligées figurerait également la sanction de l’amende d’ordre pouvant atteindre le montant significatif de 250.000 €, qui serait plus important que les amendes dites pénales prévues par les articles 64 et suivants de la même loi ne dépassant pas les 125.000 €. L’appelante se prévaut encore de la référence faite par la CSSF à une sanction administrative pécuniaire pour violation de la limite des grands risques pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros, en vertu de l’article 63-2, paragraphe (2), point f), de la loi du 5 avril 1993 et souligne que le critère pertinent à prendre en considération serait la sanction susceptible d’encourir et non pas celle finalement retenue.

En tout état de cause, elle est d’avis que la procédure de sanction litigieuse serait colorée pénalement au regard de la CEDH. En réalité, le débat porterait davantage sur la question de savoir si la CourEDH est alignée sur la position jurisprudentielle des juridictions luxembourgeoises, belges et françaises, voire sur celle de la CJUE, qui se livreraient toutes à un contrôle du respect des garanties essentielles d’indépendance et d’impartialité, avec toute la portée et l’ampleur qui serait la leur, dans le cas de la procédure administrative de sanction et ce nonobstant le fait que les personnes sanctionnées disposent d’un recours juridictionnel de plein contentieux. La réponse à cette question serait affirmative au regard des arrêts DIDIER et DUBUS de la CourEDH.

De toute façon, les principes d’indépendance et d’impartialité issus du droit interne luxembourgeois et du droit de l’Union européenne seraient applicables dès la phase précontentieuse et ce sous peine de nullité de la procédure administrative.

Pour compléter son argumentaire relatif à l’applicabilité du volet pénal de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, l’appelante procède à une analyse de la jurisprudence du Conseil d’Etat français et de la Cour de cassation française sur la question et fait valoir, pour le surplus, qu’aucune des jurisprudences luxembourgeoises, belges et françaises, ni celles de la CJUE n’indiqueraient, en leur état actuel, que la phase administrative de sanction bénéficierait d’une exemption pour ce qui est du respect des principes d’indépendance et d’impartialité au motif que la personne sanctionnée aurait à sa disposition un recours administratif de plein contentieux organisé sur deux niveaux.

En guise de conclusion, au regard des jurisprudences invoquées par elle, l’appelante fait valoir que le vice substantiel d’absence d’impartialité et d’indépendance dans le chef de l’autorité ayant décidé de la sanction ne serait pas régularisable et corromprait ab initio et ad vitam aeternam l’ensemble de la procédure administrative et causerait de manière irrémédiable un préjudice à la 14personne irrégulièrement sanctionnée, sans que l’intervention subséquente de tribunaux, sur différents niveaux de recours, ne puisse redresser l’intégralité des torts causés, de sorte que l’annulation de la décision entachée de cette grave irrégularité serait de droit, sans pour autant être totalement satisfaisante.

Par rapport à la question de la pertinence des arrêts DIDIER et DUBUS de la CourEDH, l’appelante fait valoir que dans la première affaire, le requérant aurait eu à sa disposition un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat français contre la décision de sanction de l’ancien Conseil des marchés financiers, lequel n’aurait pas été une juridiction au regard du droit interne français, et qu’il ne pourrait être déduit de cet arrêt que l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH aurait été rendu inapplicable au Conseil des marchés financiers si la loi française avait ajouté une instance de pleine juridiction. Elle cite ensuite, par rapport à l’arrêt DUBUS, diverses positions doctrinales.

Enfin, l’appelante cite un extrait de l’opinion en partie concordante et en partie dissidente, joint à l’arrêt GRAND STEVENS de la CourEDH.

En ce qui concerne plus concrètement ses critiques en l’espèce, l’appelante reproche de prime abord à la CSSF de ne pas avoir pris position sur la branche autonome de son grief tiré de l’inconstitutionnalité voire de l’inconventionalité des dispositions législatives issues des lois des 23 décembre 1998 et 5 avril 1993, qui pourtant entacheraient de plein droit les décisions litigieuses de nullité.

Elle critique encore la CSSF pour ne pas avoir pris position par rapport à son reproche selon lequel elle se serait vue appliquer un régime de sanction inconstitutionnel en sa qualité de directrice autorisée et se serait vu interdire temporairement l’exercice de profession commerciale réglementée supervisée par la CSSF, ce qui constituerait une restriction injustifiée à sa liberté de commerce sous l’aspect du libre exercice d’une activité professionnelle.

« Pour autant que de besoin » et à titre subsidiaire, l’appelante invoque, par rapport à la liberté du commerce, la liberté professionnelle et le droit de travailler qu’elle rattache à l’article 11, paragraphes (3), et (5), de la Constitution.

En ce qui concerne concrètement les reproches à l’égard de la CSSF au titre de l’impartialité, l’appelante renvoie aux développements contenus dans sa requête d’appel, tout en rappelant que, de son avis, l’impartialité objective de la direction de la CSSF procèderait de l’inétanchéité entre les différents pouvoirs et fonctions de celle-ci, alors que la direction de la CSSF serait en même temps juge et partie tant dans l’ordre externe que dans l’ordre interne.

Vis-à-vis de l’extérieur, sa fonction exécutive l’amènerait, outre son obligation de fournir un rapport annuel, à rendre des comptes au gouvernement conformément à l’article 9, paragraphe (2), de la loi du 23 décembre 1998. L’appelante donne à considérer que la direction de la CSSF aurait pu s’accorder avec son « ministre de tutelle » sur les quotas de sanctions à infliger périodiquement, de sorte qu’il n’existerait aucune garantie contre des pressions extérieures, ce qui serait incompatible avec l’exercice de pouvoir de sanction en toute indépendance et impartialité.

15Au niveau de l’ordre interne, la direction de la CSSF exercerait simultanément des pouvoirs réglementaires et juridictionnels et cumulerait, par ailleurs, les fonctions préalables de poursuites, d’enquête et d’instruction avec les fonctions d’organe de jugement.

Après avoir pris position sur le ROI de la CSSF, qui serait incomplet et incompatible avec l’exigence d’impartialité, en l’occurrence en ce qu’il ne contiendrait aucune obligation de se déporter ou de s’abstenir à charge d’un directeur ayant un conflit d’intérêts, tel que cela serait le cas des sieurs … et … par rapport à elle-même, alors que ceux-ci n’auraient jamais dû participer au délibéré de la formation collégiale pour avoir connu de l’affaire à des stades de procédure antérieurs à la prise des sanctions, l’appelante souligne encore qu’elle n’aurait eu aucun droit de récusation.

Pour le surplus, les notes de service, auxquelles le ROI se référerait, ne seraient pas versées en cause et ne constitueraient de toute façon pas des instruments de réglementation édictant des normes de droit, de sorte à ne pas pouvoir combler les lacunes de la loi.

Le défaut d’indépendance et d’impartialité ne serait pas non plus comblé par la référence faite par la CSSF à l’article 9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

S’agissant du reproche tenant à un défaut d’impartialité objective de la direction de la CSSF, l’appelante déclare qu’elle critiquerait principalement l’exercice indiscriminé par celle-ci, au sein de sa prérogative juridictionnelle, de fonctions successives de poursuite, d’enquête, d’instruction et de décision, tout en se référant à un ouvrage de doctrine au sujet de la question d’un tel cumul et en relevant qu’en l’espèce, aucun aménagement dans l’exercice des pouvoirs n’aurait été instauré pour garantir l’impartialité la direction de la CSSF. L’appelante maintient que, contrairement à l’avis de la CSSF, la direction de celle-ci serait intervenue dans l’enquête, tout en relevant qu’aucune disposition législative ne prévoirait que l’accusation et l’enquête seraient uniquement réservées aux agents du service de la CSSF concerné, à l’exclusion des membres de la direction, la réalité prouvant le contraire.

L’appelante réitère encore ses considérations fondées sur les termes employés dans le courrier de la CSSF du 22 février 2017 portant notification de l’intention de lui infliger des sanctions administratives, qui émanerait de la direction de la CSSF qui par la suite aurait effectivement pris une décision à son encontre, tout en contestant la position de la CSSF selon laquelle Monsieur … serait intervenu dans l’enquête uniquement pour conseiller sur l’application de la procédure administrative non contentieuse, alors que celui-ci lui aurait en réalité posé des questions.

Ainsi, il y aurait immixtion de deux directeurs dans les actes d’accusation et d’enquête et les agents de la CSSF ayant eu à connaître de l’affaire se seraient trouvés sous l’ordre hiérarchique de certains directeurs, l’appelante renvoyant encore aux arrêts de la CourEDH GRANDE STEVENS et DUBUS pour apprécier une telle situation.

D’autre part, elle insiste sur ses reproches tenant à l’existence d’un préjugé pris à son égard, tout en soulignant que dans ses correspondances, la CSSF n’aurait commencé à employer le 16conditionnel qu’à partir du moment où son litismandataire avait reproché un parti pris dans son chef.

La CSSF conclut au rejet du moyen.

Analyse de la Cour La Cour constate que les reproches de l’appelante tournent essentiellement autour du respect de son droit à un procès équitable au sens de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, respectivement des paragraphes (1), et (2), de l’article 47 de la Charte, et, plus particulièrement, autour d’une violation du principe d’impartialité et qu’elle conclut de ce fait à l’annulation de la décision de lui interdire l’exercice d'une profession réglementée soumise à la surveillance de la CSSF pour une durée de 5 ans.

En outre, dans le contexte du débat mené par elle autour d’un non-respect du devoir d’impartialité, l’appelante plaçant ses développements sous le titre général intitulé « Sur l'absence d'impartialité de la CSSF », elle demande à voir écarter l’application de certaines dispositions législatives. Si elle ne précise pas exactement les articles qu’elle demande à voir écartés, comme l’appelante a cité dans le corps de sa requête d’appel les articles 9 et 12 de la loi du 23 décembre 1998, de même que l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, et qu’elle mentionne ces mêmes dispositions, en sus de l’article 63-4 de la loi du 5 avril 1993, dans sa première question préjudicielle qu’elle lie avec les articles 6, paragraphe (1,) et 47 de la Charte, de l’entendement de la Cour elle demande à voir écarter l’ensemble de ces dispositions.

L’article 6 de la CEDH qui dispose que « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) ».

Aux termes de l’article 47 de la Charte, applicable lorsqu’il y a mise en œuvre du droit européen, tel que cela est de l’accord des parties à l’instance le cas en l’espèce :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. (…) ».

La Cour relève de prime abord que, indépendamment de la question de l’applicabilité des articles 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47, paragraphe (2), de la Charte, et tel que les premiers juges l’ont retenu à juste titre, la CSSF n’est en tout état de cause pas dispensée de respecter durant la phase administrative un certain nombre de principes généraux du droit, parmi lesquels figure plus particulièrement le principe d’une procédure équitable, comprenant le respect du 17contradictoire, qui est garanti par les dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et dont le respect n’est d’ailleurs actuellement pas remis en cause par l’appelante. En outre, la CSSF doit, lorsqu’elle est amenée à prononcer des sanctions administratives en application de la loi du 5 avril 1993, respecter des garanties minimales d’impartialité et ce bien qu’elle ne corresponde pas, selon le droit luxembourgeois, à une instance juridictionnelle, cette exigence déclouant en l’occurrence du principe général de droit d’une bonne administration qui sous-tend toute la réglementation en matière de procédure administrative non-contentieuse telle qu’introduite à travers la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 » et le règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

La Cour rejoint néanmoins encore les premiers juges dans leur constat que, dans la mesure où le système instauré en la présente matière est tel qu’en toute occurrence un double degré de juridiction se trouve ouvert devant les juridictions administratives pour faire examiner en fait et droit la décision ayant prononcé la sanction administrative, l’application du principe d’impartialité aux organes administratifs ne peut se concevoir avec la même rigueur que pour les magistrats11.

La Cour retient ensuite que l’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’entité concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’entité doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime12.

En l’espèce, force est de retenir que la partie appelante reste en défaut d’établir une quelconque partialité subjective ou objective au niveau des entités au sein de la CSSF ayant été impliqués dans le processus d’élaboration de la décision litigieuse.

Elle rejoint de prime abord l’analyse exhaustive faite par les premiers juges au regard du reproche tenant à l’existence d’un préjugé défavorable, voire d’un défaut d’instruction à charge et décharge.

Par ailleurs, ni le libellé des courriers ayant annoncé la sanction projetée, ni l’emploi du temps dans ces correspondances ne permettent de retenir que, dans le cadre des discussions menées en amont avec l’appelante au sujet de la sanction projetée et ce dans l’optique du respect du contradictoire, la CSSF n’ait pas laissé ouverte la question de la décision finalement à prendre et ait fait preuve d’un préjugé délibéré ou définitif relatif à la responsabilité de l’appelante. Au contraire, les termes de la décision litigieuse confirment que la direction de la CSSF a bien pris en compte les arguments de défense présentés par l’appelante, le seul fait qu’elle ne les a pas suivis dans le sens voulu par l’appelante n’impliquant pas un manque d’impartialité. La Cour ne partage pas non plus la thèse de l’appelante selon laquelle des membres de la direction de la CSSF ayant finalement pris la décision seraient intervenus au niveau de l’instruction de son cas, cette thèse reposant sur des simples suppositions se dégageant des références figurant sur les écrits échangés.

11 Par analogie en matière de discipline : Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm 2022, V° Fonction publique, n° 292, rappelé dans des arrêts du 25 février 2021, n° 45262C du rôle et du 10 novembre 2022, n° 47475C du rôle.

12 Par analogie à la jurisprudence de la CJUE à propos des exigences découlant de l’article 41 de la Charte, applicable aux seules institutions organes et organismes de l’Union, au sujet de mesures prises par la Commission européenne en matière de concurrence : CJUE 11 juillet 2013, Ziegler c/ Commission, C‑439/11 P, rappelé dans l’arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023, affaire HSBC, point 77.

18De même, le seul fait que la décision a été signée uniquement par deux membres de la direction ne remet pas en question l’impartialité de la direction de la CSSF qui en tant qu’organe collégial a pris la décision au sein de la CSSF, conformément aux articles 9 et 12 de la loi du 23 décembre 1998 et au ROI, tel que cela a été confirmé par la CSSF dans sa réponse.

D’un point de vue organisationnel, la CSSF est, aux termes de l’article 1er de la loi du 23 décembre 1998, un établissement public, doté de la personnalité juridique et jouissant de l’autonomie financière, ayant pour mission, entre autres, selon l’article 2, paragraphe (1), de la même loi « la surveillance prudentielle des établissements de crédit, des PSF au sens de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier (…) », tout en tenant compte « de la dimension communautaire et internationale de la surveillance ainsi que de la convergence, en matière d’outils de surveillance et de pratiques de surveillance, de l’application des obligations législatives , réglementaires et administratives imposées par le droit de l’Union ». Elle est au vœu de l’article 4 de la loi du 23 décembre 1998 composée de différents organes, parmi lesquels figure en l’occurrence la direction, organe collégial selon l’article 12 de la loi du 23 décembre 1998, qui est l’autorité exécutive au sens de l’article 9, paragraphe (1), de la même loi, qui selon le paragraphe (2) de cet article « élabore les mesures et prend les décisions requises pour l’accomplissement des missions de la CSSF » conformément à ladite loi, parmi lesquelles figure en l’occurrence la surveillance prudentielle mentionnée ci-avant dans le cadre duquel se situe la mesure prise à l’égard de l’appelante.

Un premier constat s’impose, à savoir que si l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 donne compétence à la CSSF de prononcer diverses mesures à l’égard des personnes morales soumises à sa surveillance, respectivement à l’égard des membres de l’organe de direction de ces personnes morales, une lecture combinée de cette disposition avec les dispositions précitées de la loi du 23 décembre 1998 mène à la conclusion que c’est la direction de la CSSF qui est l’organe compétent pour prendre les sanctions y visées. Il s’ensuit que les contestations de l’appelante tenant à un caractère confus des textes au niveau de la compétence de la CSSF sont d’ores et déjà à rejeter, de même que la demande de les voir écartés pour ce motif.

Ensuite, au regard des explications afférentes fournies par la CSSF dans ses mémoires quant à la séparation interne du pouvoir d’investigation et du pouvoir sanctionnateur, étant relevé que la sanction a été prononcée par la direction de la CSSF, en tant qu’organe collégial, qui n’est pas le signataire des courriers émis dans le cadre de l’instruction du dossier, qui eux sont signés par des agents de la CSSF autres que les membres de sa direction, la Cour ne saurait pas non plus suivre l’appelante lorsqu’elle fait état d’une partialité objective au motif d’une confusion entre l’enquête et la prise de décision, de sorte que, sous cet aspect, c’est encore à tort qu’elle affirme que, d’un point de vue objectif, la CSSF, lorsqu’elle prend une sanction administrative sur le fondement de l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, ne répondrait pas aux exigences d’impartialité au niveau de la phase contentieuse, sans que cette conclusion ne soit énervée par le souhait exprimé par directeur de la CSSF, dans l’extrait d’interview cité par la partie appelante, de disposer, dans un souci de transparence, d’un texte légal entérinant cette séparation effective des fonctions au sein de la CSSF. De même, la thèse de l’appelante selon laquelle la CSSF, dans le cadre de ses pouvoirs découlant de l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, pourrait être influencée du gouvernement en ce que des quotas de sanctions administratives pourraient être exigés, est à rejeter, ce reproche reposant sur des simples suppositions.

19 Les contestations de l’appelante tendant à remettre en cause le respect dans le chef de la CSSF du principe d’impartialité sont dès lors à rejeter pour être non fondées.

La Cour relève en second lieu que la CSSF ne correspond pas, selon le droit luxembourgeois, à une instance juridictionnelle, et ne doit d’ailleurs pas l’être dans la mesure où, même à supposer que les sanctions qu’elle prononce aient un caractère pénal ou une « coloration pénale », de toute façon la CourEDH a décidé dans l’affaire GRANDE STEVENS du 4 mars 2014, précitée, à propos de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH13 que rien ne s’oppose à ce qu’une sanction administrative est prononcée par une autorité administrative du moment que l’administré auquel la sanction est appliquée dispose d’un recours contentieux devant un tribunal répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH.

En effet, la CourEDH a retenu, après avoir constaté que les sanctions litigieuses dans cette affaire n’avaient pas été infligées par un juge à l’issue d’une procédure judiciaire contradictoire, mais par une autorité administrative, que le fait de confier à de telles autorités la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions n’est pas incompatible avec la CEDH, à condition que l’administré ait le droit de saisir de toute décision prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l’article 6 de la CEDH14. La CourEDH en a conclu que le respect de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH n’excluait donc pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative, mais qu’il faudrait cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6, précité, subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ayant en l’occurrence le pouvoir de réformer en tous points en fait et en droit la décision entreprise15.

La CourEDH a encore retenu dans cette même affaire, concernant une situation dans laquelle l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH a trouvé application, que les constats faits par elle dans cette affaire quant à un manque d’impartialité objective dans le chef la Commission nationale des sociétés et de la bourse italienne en raison de l’exercice consécutif de fonctions d’enquête et de jugement au sein d’une même institution, étaient à eux seuls insuffisants pour conclure à une violation de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, mais elle examiné l’existence d’un contrôle ultérieur par un organe judiciaire de pleine juridiction16.

Il s’ensuit que conformément aux enseignements à tirer de l’arrêt précité de la CourEDH, la circonstance qu’une autorité administrative qui, le cas échéant, ne répond pas elle-même à toutes les conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH n’est pas incompatible avec le respect de cette disposition - ni d’ailleurs avec le principe d’impartialité en tant que principe général du droit -, du moment qu’un contrôle ultérieur a pu être fait par un organe judiciaire de pleine juridiction.

A partir de cette jurisprudence de la CourEDH, le constat s’impose qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la qualification exacte de la mesure litigieuse et plus particulièrement de celle de savoir si elle s’analyse en une sanction pénale ou du moins en une 13 Affaire GRANDE STEVENS, points 138 et 139.

14 Idem, point 138.

15 Ibidem, points 139 et 161.

16 Ibidem, point 139.

20mesure à coloration pénale selon les critères « ENGEL » de la CourEDH et donc celle de savoir si le reproche d’un non-respect de la loi du 5 avril 1993 soulevé à l’égard de l’appelante s’analyse en une accusation pénale conduisant à l’application des articles 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47, paragraphe (2), de la Charte, et même à admettre que, comme l’entend l’appelante, la CSSF ne répondrait pas aux garanties d’impartialité requises, en tout état de cause la conséquence n’en est pas pour autant l’annulation, dans le cadre de la réformation, de la sanction litigieuse pour vice de procédure, mais il importe de vérifier si l’appelante a eu in fine à sa disposition un recours juridictionnel répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH.

Autrement dit, il convient de prendre en compte l’ensemble de la procédure ayant abouti à la sanction administrative critiquée.

Comme toutefois, en la présente matière, l’appelante dispose d’un double degré juridiction devant les juridictions administratives, à savoir devant le tribunal administratif et devant la Cour administrative, dont il n’est pas contesté qu’ils répondent aux exigences de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, en ce qu’ils sont investis tous les deux d’un pouvoir de pleine juridiction en application de l’article 63, paragraphe (2), dernier alinéa de la loi du 5 avril 1993, et partant chargés non seulement d’un contrôle de légalité de la décision ayant prononcé la sanction administrative, mais pouvant aussi se substituer à l’administration à travers une nouvelle appréciation en fait et en droit, la conclusion s’impose que l’appelante a vu porter les reproches soulevés à son égard et tenant au non-respect des dispositions de la loi du 5 avril 1993, qu’elle qualifie d’« accusation en matière pénale dirigée contre elle » au sens de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, devant un tribunal indépendant et impartial à la suite d’une procédure administrative.

Il s’ensuit que les critiques structurels et fonctionnels à l’adresse de la CSSF tels que formulés par l’appelante ne sont en tout état de cause pas de nature à emporter la réformation la décision de prononcer une sanction administrative à son encontre, et ce indépendamment de la question du caractère justifié de ces reproches. En effet, contrairement à ce qui est affirmé par l’appelante, un vice éventuel au niveau du requis d’impartialité peut être purgé par les juridictions administratives statuant dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, en ce qu’elles peuvent revoir la sanction en fait et en droit lorsqu’elle n’a pas été prise dans le respect des requis d’impartialité.

La Cour constate toutefois que dans le cadre de la présente instance, au-delà de considérations générales tenant à son droit à un procès équitable, en l’occurrence son droit de voir porter les reproches soulevées contre elle devant un tribunal indépendant et impartial, droit qui est, tel que la Cour vient de le retenir, garanti dans le cadre de la procédure telle qu’organisée par la loi du 5 avril 1993, l’appelante ne remet en instance d’appel ni en question le respect de ses droits de la défense et n’avance en l’occurrence pas qu’elle n’aurait pas pu faire valoir ses observations au courant de la procédure précontentieuse, pourtant également un élément important du droit à un procès équitable et des principes généraux de droit invoqués par elle, ni n’a-t-elle jugé utile de remettre en question en instance d’appel l’appréciation faite par la direction de la CSSF des faits lui reprochés et la conclusion en tirée, à savoir le constat d’un non-respect des diverses dispositions de la loi du 5 avril 1993, telle que confirmée par les premiers juges.

21Comme en l’espèce, l’appelante ne remet pas en question l’appréciation des faits telle qu’opérée par la direction de la CSSF qu’elle estime pourtant être un organe qui, d’une part, ne présenterait pas les garanties d’impartialité objective, et qui, de plus, selon l’appelante, aurait été guidé par un préjugé négatif à son égard, ni celle des premiers juges ayant confirmé le non-respect des dispositions légales telle que retenues par la CSSF et que la Cour partage entièrement tel que cela a été retenu ci-avant, la Cour s’interroge sur la volonté réelle de l’appelante de voir examiner les reproches lui adressés par la CSSF par les juridictions administratives pris en leur double degré, l’appelante semblant au contraire vouloir prospérer dans son recours tendant à la réformation de la sanction retenue à son égard sur base de la seule prémisse qu’une violation de son droit à un procès équitable qu’elle identifie au niveau de la phase précontentieuse constituerait un vice irréparable et la libérerait de toute sanction et ce peu importe le caractère fondé des reproches adressés à son égard au regard du respect des règles prudentielles en la matière.

S’il est certes vrai qu’il se dégage de l’arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023, dans l’affaire HSBC, précité, rendu en matière de concurrence à propos de la procédure suivie par la Commission européenne en matière de concurrence, que dans l’hypothèse d’un vice de procédure suffisamment grave susceptible de vicier toute la procédure, tel la violation de la présomption d’innocence et du principe d’impartialité dans cette affaire, par opposition à des irrégularités dites « bénignes »17, la sanction par le juge de l’irrégularité constatée ne saurait être conditionnée par la preuve qu’en l’absence de cette irrégularité la décision aurait eu un contenu différent, les répercussions de cette irrégularité sur la décision finalement prise étant alors en quelque sorte présumées, il n’en reste toutefois pas moins qu’en l’espèce, à défaut de remettre en question le bien-fondé du constat du non-respect de la loi du 5 avril 1993 et de la sanction retenue et de soumettre à la Cour des arguments susceptibles de remettre en question l’analyse des premiers juges à cet égard, que, tel que cela a été retenu ci-avant, la Cour peut souscrire, l’appelante met la Cour dans l’impossibilité de redresser une éventuelle mauvaise appréciation faite par la CSSF en raison d’un prétendu non-

respect du principe d’impartialité, de sorte qu’en tout état de cause, les critiques de l’appelante au titre de ce principe ne sauraient conduire à la réformation de la sanction dans le sens voulu par elle selon le dispositif de la requête d’appel, et ce même à admettre que, contrairement à ce que la Cour vient de retenir, ses critiques tenant au respect du principe d’impartialité se trouvent justifiées.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le reproche d’une violation du principe d’impartialité, que ce soit sur base des articles 6, paragraphe (1), de la CEDH ou 47, paragraphe (2), de la Charte ou que ce soit en tant que principe général du droit, est à rejeter, les violations invoquées en l’espèce n’étant en toute hypothèse, et ce même à admettre leur caractère justifié, pas de nature à conduire à la réformation de la sanction prononcée dans le sens voulu par l’appelante, cette conclusion s’imposant indépendamment de l’examen de la pertinence des jurisprudences françaises invoquées par l’appelante, la conclusion tirée par la Cour se dégageant des enseignements à tirer de l’arrêt GRANDE STEVENS de la CourEDH. La conclusion des premiers juges est dès lors à confirmer sous cet aspect.

Pour ce qui est du paragraphe (1) de l’article 47 de la Charte, encore invoqué par l’appelante, garantissant le droit à un recours effectif, la Cour constate que l’appelante reste en défaut d’expliquer en quoi le recours exercé par elle ne serait pas effectif, étant relevé qu’elle a eu accès à deux degrés de juridiction dans le cadre d’un recours en réformation, de sorte que le moyen 17 Conclusions de l’avocat général du 12 mai 2022 dans l’affaire HSBC.

22afférent, y compris sa demande de voir écarter les articles 9 et 12 de la loi du 23 décembre 1998 et l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 formulée dans ce contexte pour contrariété à cette disposition, est, à défaut de toute autre précision fournie par l’appelante quant à ce moyen, à rejeter.

S’agissant de la demande de l’appelante de voir écarter l’application des articles 9 et 12 de la loi du 23 décembre 1998 et 63 et 63-4 de la loi du 5 avril 1993, qu’elle qualifie dans sa réplique comme « branche autonome », et des questions préjudicielles suggérées par elle, force est de constater que l’appelante affirme que ces dispositions seraient contraires aux principes et dispositions suivants, à savoir les principe d'impartialité, de séparation des pouvoirs, d'Etat de droit, de sécurité juridique, de légalité des poursuites (article 12 de la Constitution), d'égalité devant la loi (articles 10bis, paragraphe 1er, et 111 de la Constitution) et qu’elle s’interroge aussi sur la conformité de ces dispositions avec la liberté de commerce, la liberté professionnelle et le droit de travailler (qu’elle rattache à l’article 11, paragraphes (3), (5) et (6) de la Constitution) -

étant relevé que l’ensemble de ces dispositions sont, au jour du prononcé du présent arrêt, remplacées, à la suite de l’entrée en vigueur le 1er juillet 2023 de la Constitution révisée, par des dispositions correspondantes, en l’occurrence les articles 17 (légalité des poursuites), 15 et 16 (principe d’égalité) et 35 (liberté de commerce), le droit au travail étant prévu comme objectif à valeur constitutionnelle -, et demande de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante, qui de l’entendement de la Cour est à rattacher à son premier moyen, encore que l’appelante ne l’ait pas clairement précisé dans sa requête d’appel :

« Les articles 9 et 12 de la loi du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier et les articles 63 et 63-4 de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier sont-ils contraires aux principes constitutionnels d'impartialité, de séparation des pouvoirs, d'Etat de droit, de sécurité juridique, de légalité des poursuites (article 12 de la Constitution), d'égalité devant la loi (articles 10bis, paragraphe 1er, et 111 de la Constitution) et de liberté du commerce et de l'industrie (article 11, paragraphe 6, de la Constitution), considérés de façon combinée ou isolée, à l'aune, notamment, de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 47, paragraphes 1 et 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? Par ces dispositions, le législateur a-t-il méconnu l'étendue de sa compétence dans un domaine à lui réservé ? ».

Or, la Cour ne peut que rejeter les contestations de l’appelante tendant à voir écarter l’application des dispositions précitées et la question préjudicielle afférente et ce pour plusieurs motifs.

D’une part, elles sont à rejeter, pour autant qu’elles dépassent le cadre que la Cour vient d’examiner ci-avant, comme constituant des moyens qui sont formulés de façon vague et qui ne sont pas autrement soutenus.

A cet égard, il ne suffit pas, comme le fait l’appelante, de prétendre que les dispositions portant organisation de la CSSF, voire les dispositions de la loi du 5 avril 1993 prévoyant la sanction administrative litigieuse, seraient contraires à tout un catalogue de principes généraux du droit, respectivement des dispositions de la Constitution, de se limiter à citer ces principes et dispositions et de demander la saisine de la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle 23dans ce contexte. Il aurait, au contraire, appartenu à l’appelante d’expliquer concrètement en quoi des dispositions pertinentes sur base desquelles la décision litigieuse a été prise seraient contraires aux divers principes invoqués par elle, que ce soit pris isolément ou de façon conjointe, ces principes précités ayant des teneurs et portées tout à fait différentes, ce d’autant plus qu’elle entend placer sa question préjudicielle dans le contexte général du reproche selon lequel la CSSF ne correspondrait pas aux requis d’impartialité au sens des articles 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47, paragraphe (2), de la Charte, de sorte qu’il lui aurait appartenu d’expliquer en quelle mesure ces différents principes invoqués se trouvent en relation avec son moyen tenant au reproche d’impartialité dans le chef de la CSSF, sinon, si elle avait entendu les invoquer indépendamment de ce moyen, en quelle mesure ces principes seraient concrètement violés. Sa question est d’autant plus vague qu’elle demande à ce qu’elle soit analysée non seulement à l’aune des dispositions des article 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47, paragraphe (2), de la Charte consacrant le droit au procès équitable, mais encore au regard de l’alinéa 1er de l’article 47 de la Charte, consacrant le droit à un recours effectif, sans qu’elle n’ait expliqué le lien entre ce dernier droit et les autres principes invoqués.

Si l’appelante affirme par rapport au principe d’égalité devant la loi que la « discrimination [serait] intimement liée à l'exercice arbitraire de ses pouvoirs et fonctions, par la CSSF », cette affirmation lapidaire ne permet toutefois pas à la Cour de cerner concrètement le sens qu’elle a entendu donner à ses contestations, l’appelante restant en l’occurrence muette sur la question de savoir quelles situations elle entend comparer et auxquelles la loi réserverait un sort différent.

A défaut de tout autre explication à cet égard, la Cour se trouve, de même que la partie intimée, dans l’impossibilité de cerner le sens que l’appelante a entendu donner à sa demande de voir écarter les dispositions litigieuses, voire à sa question préjudicielle et il n’appartient pas à la Cour de suppléer à la carence de l’appelante et de supposer le sens qu’elle a entendu donner à ses déclarations au risque non seulement de dénaturer le moyen qu’elle a entendu soulever, mais encore au risque d’une violation des droits de la défense de l’intimée.

La même conclusion s’impose quant à la violation de la liberté de commerce invoquée par l’appelante. Complémentairement, la Cour constate que l’appelante se limite à affirmer que « le législateur [aurait] méconnu sa compétence dans un domaine réservé, à savoir les restrictions apportées à la liberté de commerce et de l’industrie (article 11, paragraphe 6 de la Constitution), octroyant des pouvoirs arbitraires à la CSSF lorsqu’elle prononce des sanctions disciplinaires » et à préciser dans sa réplique qu’elle invoquerait, en outre, la liberté professionnelle et le droit de travailler, tout en rappelant qu’elle se serait vu interdire temporairement l’exercice de professions commerciales règlementée par la CSSF. A admettre que l’appelante incrimine le fait que par l’effet de la sanction prise à son encontre, elle ne pourra temporairement pas exercer une fonction soumise à autorisation ou à l’approbation de la CSSF dans toute structure que celle-ci surveille, force est de constater que non seulement la sanction n’est pas de nature à interdire toute activité commerciale, mais aussi que la sanction en question est prévue par la loi, à savoir par l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, étant précisé que l’article 11, paragraphe (6), de l’ancienne Constitution, correspondant en substance à l’actuel 35 de la Constitution révisée, prévoit justement que la loi peut restreindre la liberté de commerce. A défaut de toute autre explication fournie par l’appelante, le moyen afférent est dès lors à rejeter.

24Par ailleurs, dans la mesure où la Cour vient de conclure qu’en tout état de cause, un éventuel non-respect du principe d’impartialité, que ce soit au regard des dispositions supranationales dont se prévaut l’appelante ou que ce soit en tant que principe général du droit, ne conduit pas à la réformation de la sanction prononcée du moment que l’appelante avait à sa disposition un recours en réformation dans le cadre duquel les juridictions administratives ont pu analyser le bien-fondé des reproches retenus à son encontre et auraient pu redresser un vice éventuel affectant la décision du fait que la sanction prise par la CSSF serait emprunte de partialité, à condition que l’appelante leur demande d’opérer ce contrôle, l’examen des questions préjudicielles n’est pas pertinent pour la solution du présent litige, de sorte qu’en application de l’article 6, sub a), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, la Cour est dispensée de poser la question suggérée.

L’appelante entend encore voir poser à la CJUE la question suivante - qui de l’entendement de la Cour est à rattacher à son premier moyen, encore que l’appelante ne l’a pas précisé clairement -, en lui demandant « d'y répondre à la lumière des dispositions de la CEDH, en particulier de ses articles 6, paragraphe 1er, 7, paragraphe 1er , 8, 14, ainsi que de l'article 1er du Protocole n° 12 de la CEDH, et de la jurisprudence y relative de la CourEDH, ainsi que des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, et par une interprétation conforme aux dispositions de la Charte, en particulier ses articles 7, 8, 20, 47, paragraphes 1 et 2, et 49 » :

« L'article 65, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/36 doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'une législation, d'une règlementation ou de pratiques nationales, telle que celles en cause au principal, de telle sorte à :

o habiliter une autorité administrative nationale qui, comme la Commission de surveillance du secteur financier, ne présente pas de garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité, en ce qu'elle n'est pas protégée d'interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril l'indépendance de jugement de ses membres quant aux affaires dont elle s'autosaisit, n'a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence et manifeste dès son auto-saisine un jugement préconçu à l'égard de l'éventuel contrevenant, du fait d'une confusion flagrante dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions, à imposer des sanctions administratives et autres mesures administratives pour réprimer des infractions aux dispositions nationales transposant cette directive et à en garantir la mise en œuvre ?(…) ».

La Cour relève que si l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), imposant aux juridictions nationales de dernière instance de saisir la CJUE des questions préjudicielles posées devant elles, selon la jurisprudence de la CJUE18, elles sont libérées de cette obligation, notamment, si la question soulevée n’est pas pertinente, c’est-à-dire si la réponse à la question, quelle qu’elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige.

En l’espèce, indépendamment de la question du libellé suffisamment précis de la question préjudicielle invoquée, la Cour est amenée à retenir que ladite question en ce qu’elle tend en substance à clarifier quel est le degré d’impartialité requis pour une autorité nationale, telle que la CSSF, amenée à appliquer les sanctions prévues à l’article 65, paragraphes (1) et (2), de la directive 2013/36, n’est pas nécessaire pour la solution du litige et partant non pertinente. En effet, peu importe la réponse à cette question, elle n’a pas d’influence sur la solution du litige et ce au 18 CJUE 6 octobre 2021, affaire C-261-19, points 33 et 34.

25regard des principes retenus ci-avant, dont il résulte qu’en toute état de cause une hypothétique non-conformité institutionnelle ou fonctionnelle de la CSSF, voire un préjugé défavorable, n’est en l’espèce pas de nature à emporter la réformation de la sanction litigieuse du moment que l’appelante avait à sa disposition un double degré de pleine juridiction répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, respectivement au principe d’impartialité en tant que principe général du droit, la Cour ayant dégagé cette solution à partir des enseignements à tirer de la jurisprudence de la CourEDH.

La Cour en conclut qu’elle est dispensée de poser la question suggérée par l’appelante.

Il n’y a pas non plus lieu de saisir la CourEDH d’un avis consultatif dans la mesure où la solution que la Cour vient de retenir se dégage à suffisance de l’arrêt précité GRANDE STEVENS de cette même Cour.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le moyen fondé sur une violation du principe d’impartialité pris en ses différentes branches, l’argumentation complémentaire invoquée en instance d’appel n’énervant pas cette conclusion.

2. Quant au moyen fondé sur une méconnaissance de la hiérarchie et du caractère alternatif des sanctions Arguments des parties L’appelante fait valoir qu’en prononçant à son encontre la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer toute fonction soumise à autorisation ou à l’approbation de la CSSF dans toute structure qu’elle surveille, la CSSF aurait méconnu la hiérarchie des sanctions dans leur gravité ainsi que leur caractère strictement exclusif.

Sous cet aspect, elle se prévaut des articles 7, paragraphe (1), de la CEDH et 63-4, paragraphe (1), de la loi du 5 avril 1993, et reproche à la CSSF d’avoir commis une double erreur à savoir, d’une part, en ce qu’elle avait exprimé son intention de prononcer deux sanctions pourtant non cumulables et, d’autre part, en ce qu’elle aurait maintenu la sanction la plus grave en dépit de l’existence de circonstances atténuantes reconnues dans son chef.

L’appelante donne à considérer qu’à l’origine, la CSSF n’aurait pu infliger que l’une ou l’autre sanction, qui ne serait pas cumulatives, le contraire impliquant une violation du principe du ne bis in idem.

Seules les deux sanctions d’interdiction prévues au quatrième tiret, sous les points a) et b) de l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993 pourraient être cumulées entre elles, le cumul avec les autres sanctions n’étant toutefois pas prévu. L’appelante entend corroborer sa thèse du non-cumul des sanctions prévues à l’article 63 précité par l’emploi du singulier à l’article 63, paragraphe (2), alinéa 3, tout en soulignant que si la CSSF avait retenu les deux sanctions telles qu’initialement envisagées, la décision aurait dû être réformée et le tribunal aurait dû retenir la sanction la plus douce, à savoir l’amende d’ordre. Il s’ensuivrait qu’une prise en compte effective 26des circonstances atténuantes dans son chef aurait dû, en raison de l’impossible cumul des sanctions et de la gradation des peines, conduire la CSSF, laquelle avait abandonné le prononcé d’une amende, à lui infliger une sanction plus douce que l’amende, en l’occurrence tout au plus un avertissement ou un blâme et non pas une sanction plus lourde que l’amende telle que l’interdiction professionnelle finalement prononcée. Autrement dit, en l’exonérant d’une amende, la CSSF aurait jugé qu’elle n’avait pas commis de manquement d’une gravité suffisante justifiant une telle sanction, de sorte à ne pas pouvoir lui imposer une sanction plus grave.

L’appelante demande dès lors la réformation des décisions litigieuses en abolissant toute sanction, sinon en lui imposant en lieu et place de l’interdiction professionnelle temporaire une sanction plus clémente qu’une amende d’ordre, en l’occurrence un avertissement ou un blâme.

Si la Cour ne devait pas partager sa lecture de l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, elle devrait écarter son application en ce qu’il serait contraire aux articles 7, paragraphe (1), de la CEDH et 49 de la Charte, ainsi qu’aux principes et dispositions suivantes tirées de la Constitution, à savoir le principe de légalité des peines, le principe de sécurité juridique, le principe de l’Etat de droit, de principe d’égalité devant la loi, sous l’angle du droit au traitement différencié des situations différentes alors que l’interprétation du tribunal et de la CSSF conduirait à ne pas traiter favorablement une personne présentant des circonstances atténuantes, et le principe de liberté de commerce et de l’industrie, notamment sous l’angle de l’incompétence négative du législateur qui serait appelé à prévoir précisément et de manière suffisamment détaillée l’arsenal des sanctions disciplinaires à la disposition de la CSSF.

A cet égard, l’appelante se prévaut d’un arrêt la Cour constitutionnelle du 12 janvier 202119 et d’un arrêt de la CourEDH du 12 février 200820 et fait valoir que le régime des peines litigieux ne serait pas clairement défini par la loi, les dispositions se contredisant entre elles, de sorte que la CSSF n’aurait pas pu prendre la sanction critiquée. En conséquence, les décisions litigieuses seraient à annuler à défaut de fondement juridique.

Dans sa réplique, l’appelante insiste sur l’illégalité per se de la sanction infligée qui violerait la hiérarchie et le caractère alternatif des sanctions tels que prévus par l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, tout en réitérant qu’en réalité la CSSF n’aurait pas pris une décision plus clémente, mais aurait dû, compte tenu de l’échelle de gradation et de l’exclusivité des sanctions, appliquer une sanction plus douce que l’amende, à savoir celle de avertissement ou du blâme et non pas une sanction plus grave.

Par rapport à la référence faite par elle au principe du ne bis in idem, l’appelante précise qu’elle ne plaiderait pas que la décision lui infligée en fin de compte méconnaîtrait directement ce principe fondamental, mais qu’elle critiquerait en réalité l’intention initiale de la direction de la CSSF de lui imposer deux sanctions pourtant non cumulatives, ce qui reviendrait à vouloir la punir deux fois pour les mêmes faits. Elle serait dès lors en droit d’obtenir la réformation des décisions litigieuses dans le sens d’un retrait des sanctions, sinon d’une reformatio in mitius sous forme d’un avertissement ou d’un blâme.

19 Arrêt n° 152 20 Requête n° 21906/04 27A titre subsidiaire, l’appelante demande encore à la Cour de poser à la Cour constitutionnelle et à la CJUE des questions préjudicielles.

La CSSF conclut au rejet de ce moyen.

Analyse de la Cour Force est de constater que l’article 63, paragraphe (2), alinéa 1er de la loi du 5 avril 1993 énumère les sanctions susceptibles d’être prononcées par la CSSF dans les hypothèses envisagées par le paragraphe (1) de cette disposition.

La Cour rejoint les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle le moyen tel que présenté par l’appelante manque en fait, respectivement n’est pas pertinent, dès lors que la décision entreprise, qui fait seule l’objet des recours introduits par Madame (A), n’a retenu qu’une seule sanction, de sorte que la question de savoir si les sanctions prévues à l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993 ont un caractère alternatif n’est d’aucune pertinence en l’espèce. Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que dans le courrier adressé à l’appelante sur le fondement de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 deux sanctions ont été envisagées, dans la mesure où ce qui importe, au regard de l’examen du moyen d’illégalité soulevé par l’appelante, est la sanction finalement retenue.

Les premiers juges ont encore à juste titre retenu que la même conclusion s’impose en ce qui concerne la question de savoir si la sanction finalement retenue est plus clémente que celle initialement envisagée par la CSSF, dans la mesure où l’interdiction professionnelle projetée de 10 ans a été réduite à 5 années suite à la prise en compte de circonstances atténuantes.

En tout état de cause, la CSSF n’appert pas avoir dépassé sa marge d’appréciation au regard de la gravité des faits et de la bonne collaboration finalement retenue au bénéfice de l’appelante pour avoir appliqué la sanction de l’interdiction professionnelle, réduite en sa durée par rapport à ce qui avait initialement été prévu, au lieu d’un blâme ou d’un avertissement. La Cour se rallie, à cet égard, aux conclusions tout à fait pertinentes des premiers juges quant à l’appréciation de la gravité des faits, appréciation n’étant d’ailleurs, tel que cela a été relevé ci-avant, pas remise en question par l’appelante en instance d’appel.

Les premiers juges sont dès lors à confirmer en ce qu’ils sont rejeté ce moyen, la Cour ne pouvant, par ailleurs, que rejeter les questions préjudicielles posées dans ce contexte pour être toutes dépourvues de pertinence dans la mesure où justement la question de l’application d’une double sanction, par rapport à laquelle l’appelante entend soumettre des questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle respectivement à la CJUE, ne se pose pas, la CSSF n’ayant justement pas cumulé deux sanctions, étant rappelé que, tel que cela a été retenu ci-avant, la Cour est dispensée de poser des questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle, respectivement à la CJUE lorsqu’elles ne sont pas pertinentes, voire nécessaires pour la solution du litige.

3. Quant au moyen fondé sur le reproche d’une illégalité de la publication et de l’incompatibilité de celle-ci avec le principe de personnalisation de la sanction, ensemble le reproche d’une violation de la vie privée 28 Arguments des parties Après avoir cité l’article 43, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 5 avril 1993, l’appelante fait valoir que le législateur aurait omis de définir le régime de la sanction administrative de publication de la sanction prononcé, au motif que la disposition appliquée ne préciserait pas les modalités de la publication, ni ne mentionnerait-elle la possibilité pour la CSSF de rendre la publication anonyme, laissant ainsi la porte ouverte à l’arbitraire. L’appelante en déduit que la CSSF n’aurait pas été habilitée à assortir la sanction d’une mesure de publication anonyme.

L’appelante compare ensuite la publication prévue à l’article 62 de la du 5 avril 1993 au régime de publication prévu à l’article 63-3 de la même loi pour les infractions visées aux articles 63-1, 63-2 et 63-2ter de la même loi, qui serait beaucoup plus détaillé, et affirme qu’il n’existerait aucune justification objective ou légitime à une telle différence de traitement avec une personne ayant enfreint les prescriptions de l’article 63 de la même loi.

L’appelante suppose ensuite que la CSSF aurait en l’espèce pris la sanction accessoire de la publication anonyme par référence à l’article 63-3 de la loi du 5 avril 1993, qui pourtant ne serait pas applicable en l’espèce.

Elle souligne ensuite que les conditions qui, sous l’article 63-3, précité, dicteraient une anonymisation, seraient les mêmes que celles qui sous l’article 62, paragraphe (2), dicteraient un défaut de publication, à savoir le risque de perturbation grave pour les marchés financiers ou de préjudice disproportionnée pour les parties en cause. Elle en déduit que du moment que la CSSF avait estimé que la publication de sa décision posait des risques majeurs pour les marchés voire pour les parties en cause, ce qui avait justifié son anonymisation en vertu d’une base légale erronée invoquée, à savoir l’article 63-3, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, elle aurait dû, conformément à la véritable base légale, à savoir l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2, de la même loi, renoncer à toute publication de sa décision.

Ensuite, même à admettre que l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2 de la loi du 5 avril 1993 autorisait la publication anonyme de la sanction litigieuse, l’appelante fait valoir que son régime serait extrêmement lacunaire et ne répondrait pas aux exigences du principe de légalité des peines, voire au principe de l’égalité devant la loi, de sorte que cette disposition serait à écarter pour être contraire aux articles 7, paragraphe (1), de la CEDH et 49 de la Charte, ainsi qu’aux principes et dispositions constitutionnelles suivantes, à savoir le principe de légalité des peines, de sécurité juridique, d’Etat de droit, d’égalité devant la loi et la liberté de commerce et ce sous l’angle de l’incompétence négative du législateur qui était appelé à prévoir précisément et de manière suffisamment détaillée la sanction de la publication à la disposition de la CSSF comme il l’aurait fait pour d’autres infractions.

En conséquence, la CSSF n’aurait pas pu prononcer la publication même anonymisée de sa décision, de sorte que la décision querellée serait à « annuler » sous ce rapport.

En tout état de cause, l’article 63-3 de la loi du 5 avril 1993 ne pourrait être appliqué vu l’interdiction d’appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment d’un accusé.

29 Enfin, l’appelante se prévaut du principe de personnalisation, respectivement d’individualisation de la sanction, découlant des principes de légalité et de procédure équitable, dont elle déduit qu’à l’heure actuelle, il ne serait plus possible de publier la décision de façon anonyme.

Il faudrait, en effet, ajuster la sanction à la situation de la personne et aux circonstances propres de l’espèce.

En l’espèce, la CSSF ne pourrait publier de façon anonyme la décision, mais pourrait tout au plus procéder à la pseudonymisation, l’appelante renvoyant au règlement UE/2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, à un arrêt du Conseil d’Etat français du 8 février 202321 et à un avis sur les techniques d’anonymisation adopté le 10 avril 2014 par le groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, au sujet des notions de pseudonymisation et d’anonymisation.

L’appelante fait valoir que sa décision ne serait plus anonymisable, dans la mesure où la présente affaire aurait suscité un débat de société, sinon au moins serait d’intérêt général important, dès lors qu’elle aurait été relayée par la presse écrite, surtout dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, et que les journalistes luxembourgeois auraient accès au calendrier des audiences des juridictions administratives avec l’indication du nom des parties concernées, de sorte à pouvoir retrouver la décision afférente dès sa publication en ligne. Une analyse croisée des informations contenues dans la décision de sanction avec celles contenues dans le jugement et arrêt des juridictions administratives rendrait vaine toute tentative d’anonymisation.

Enfin, l’appelante fait valoir que les droits et libertés invoqués par elle à l’appui de son appel tirés de la CEDH, de la Charte et de la Constitution seraient invoqués ensemble avec le droit au respect de la vie privée dans l’exercice des activités professionnelles et commerciales par référence aux articles 8 de la CEDH, 7 et 15 de la Charte et 11, paragraphes (3), (4), et (6), de la Constitution, tout en se prévalant de diverses jurisprudences de la CourEDH à propos de l’article 8 de la CEDH.

Elle fait valoir que jusqu’à présent, elle aurait beaucoup souffert de l’affaire dite (D) et n’aurait plus occupé de poste soumis à la surveillance de la CSSF ou à tout autre régulateur depuis sa démission comme administrateur délégué au sein de la (B) et se trouverait de facto empêchée d’exercer sa profession en raison de la procédure litigieuse.

Le comportement de la CSSF aurait permis à la (B) de prospérer dans ses manœuvres visant à lui nuire, l’appelante soulignant que la procédure menée par la CSSF serait attentatoire à sa vie privée et serait dommageable pour son honneur, sa réputation professionnelle et sociale.

Comme l’ingérence caractérisée par un degré élevé de gravité qu’elle aurait subie dans sa vie privée n’aurait été ni nécessaire ni légale, la conséquence en devrait être l’annulation pure et simple des décisions litigieuses, sinon à défaut d’annulation, la Cour devrait réexaminer « la 21 Requête n° 456014 30proportionnalité de la peine dont a été assortie la sanction prononcée par la CSSF », notamment sur base de sa coopération sans faille.

En tout cas, la confirmation de l’interdiction professionnelle reviendrait à lui infliger une double peine, comme ses perspectives d’emploi comme dirigeante d’établissements réglés au Luxembourg comme à l’étranger seraient anéanties à jamais, de sorte que la sanction serait manifestement disproportionnée.

En ce qui concerne la publication de la sanction même sous forme anonyme, elle ne répondrait à aucun critère d’intérêt général et ne servirait qu’à salir davantage son nom.

Dans sa réponse, la CSSF précise avoir fait application de l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 5 avril 1993, aux termes duquel elle ne serait certes pas tenue de publier une sanction, mais qui n’aurait pas non plus pour objectif de la contraindre à écarter la publication dès que celle-ci génère un désagrément dû à une mauvaise presse pour la personne sanctionnée, la CSSF rappelant que la publication aurait un objectif tant préventif que dissuasif et se prévalant de l’article 43, paragraphe (1), de la loi du 5 avril 1993 envisageant la publication des décisions de la CSSF si l'intérêt public le justifie, la non-publication devant rester une exception en cas de risque d’un préjudice disproportionné.

Ce serait ainsi pour éviter tout préjudice disproportionné qu’elle aurait choisi de procéder à une publication anonyme de la sanction, soit une mesure accessoire dont la modalité d'exécution aurait été adaptée et donc « personnalisée », pour répondre aux éléments de contexte en cause.

Elle fait encore valoir que l’article 63-3 de la loi du 5 avril 1993 ne pourrait être mis directement en parallèle avec l'article 63, paragraphe (2), alinéa 2, de la même loi, dès lors que ces dispositions appartiendraient à un corps de règles et à une temporalité différents, l’article 63-3 ne pouvant ainsi pas être appliqué en l’espèce.

Pour le surplus, la CSSF relève que l’appelante resterait en défaut de prouver en quoi une publication anonyme serait susceptible de lui causer un préjudice disproportionné, tout en faisant valoir qu’aucun texte légal applicable à la présente situation ne lui imposerait de procéder à une pseudonymisation des sanctions et en soulignant que l’analyse d’autres publications faites par elle ne permettrait pas de mettre en évidence un tel risque de préjudice.

Tout en reconnaissant que l'affaire en cause ait pu intéresser la presse, la CSSF fait valoir qu’en aucun cas elle ne prendrait le risque de dévoiler des données trop précises dans la publication, pour éviter qu'un recoupement soit possible et que lorsqu'une sanction ou mesure vise une personne physique, elle redoublerait de précaution afin de trouver la meilleure rédaction possible en mettant en balance l'effet utile de la publication avec le risque de causer un préjudice disproportionné.

En ce qui concerne une éventuelle atteinte au droit à la vie privée, cet argument serait à rejeter dans la mesure où aucune publication ou communication n'aurait été faite par elle, de sorte que Madame (A) n'aurait pas pu subir un quelconque préjudice de ce fait.

31Dans sa réplique, l’appelante prend position quant aux développements de la CSSF au sujet de la question de la pertinence de la directive 2013/36, en faisant état du délai de transposition de celle-ci jusqu’au 31 décembre 2013 et en soulignant que les faits critiqués auraient été commis postérieurement à ce délai.

L’appelante se prévaut de l’exposé des motifs du projet de loi numéro 6660 et fait valoir que le législateur national n’aurait pas amendé l’article 63, paragraphe (2), de la loi du 5 avril 1993, parce qu’il aurait estimé que cette disposition transposait déjà ab initio les articles 65, paragraphes (1) et (2), et 68 de la directive 2013/36. Elle souligne qu’elle n’aurait jamais prétendu que l’article 63-3 de la loi 5 avril 1993 était applicable, mais estimait que l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2, de la même loi, s’il donnait la faculté à la CSSF de publier une décision de sanction, ne lui permettrait pas de l’anonymiser, contrairement à l’article 63-3 de la même loi.

Si la CSSF avait décidé d’anonymiser la décision litigieuse, elle se serait en réalité référée aux conditions de publication d’une base erronée, à savoir l’article 63-3 de la même loi, l’appelante réitérant les considérations avancées dans la requête d’appel.

Elle déclare encore de compléter son argument subsidiaire d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité de l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 5 avril 1993 en affirmant que les dispositions législatives mises en œuvre violeraient son droit à la vie privée, tout en se référant à l’avis du Conseil d’Etat à propos de l’article 63-3 de la loi du 5 avril 1993 et critique le fait que l’article 63, paragraphe (2), alinéa 2, litigieux ne prévoirait pas de durée maximale de publication des sanctions, un tel délai n’étant, par ailleurs, pas indiqué dans les décisions litigieuses.

Par rapport au reproche tenant à une violation du principe de personnalisation des peines, l’appelante maintient qu’actuellement, il ne serait plus possible de publier la décision de façon anonyme au regard du débat public que cette affaire aurait suscité, tout en se référant au « risque de réidentification » mentionné par le Conseil d’Etat dans son avis précité du 21 octobre 2014.

L’appelante insiste ensuite sur la considération selon laquelle elle ne demanderait pas la pseudonymisation des sanctions, mais conclurait par principe à l’impossibilité d’anomymisation ce qui conduirait à l’annulation pure et simple de la « peine accessoire de publication ».

Enfin, l’appelante clarifie que le grief présenté aux points 84 et 90 de sa requête d’appel portant sur la méconnaissance de son droit à la vie privée dans l’exercice des activités professionnelles et commerciales, qui a priori visait exclusivement la mesure de publication, serait « un moyen autonome qui procédant de l’ensemble des chefs d’illégalité des sanctions querellées rappelés ci-avant et pas seulement de l’illégalité de la peine accessoire du publication ».

Analyse de la Cour Il est constant que la sanction d’interdiction professionnelle prise à l’encontre de l’appelante est fondée sur l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, qui en son paragraphe (2), alinéa 2, prévoit que « La CSSF peut22 rendre publiques les sanctions prononcées en vertu du présent 22 Souligné par la Cour.

32article, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ».

Il découle de cette disposition que la CSSF a la faculté de publier les sanctions prononcées, et dispose, à cet égard, d’une certaine marge d’appréciation, sauf hypothèse où la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause.

Cette disposition se distingue de l’article 63-3 de la loi du 5 avril 1993, non applicable en l’espèce tel que la CSSF le relève à juste titre, celle-ci soulignant qu’elle aurait appliqué en l’espèce « l’ancien régime » des peines de l’article 63 avant l’introduction de l’article 63-2 par rapport aux dispositions spécifiques des articles 63-1, 63-2 et 63-2ter non invoqués en l’espèce.

L’article 63-3, précité, prévoit une publication systématique des sanctions administratives imposées par les articles 63-1, 63-2 et 63-2ter de la même loi23, le seul tempérament à cette publication systématique étant une publication anonyme dans les trois hypothèses envisagées aux points a), b) et c) du paragraphe (2) de l’article 63-3.

La Cour retient de prime abord que l’article 63 de la loi du 5 avril 1993, pertinent en l’espèce, s’il ne mentionne pas expressément une publication anonymisée, ne l’exclut pas pour autant, de sorte que la CSSF reste a priori dans le cadre de la marge d’appréciation lui conférée par la loi, lorsqu’elle procède à une publication anonymisée - qui en tout état de cause est plus favorable à l’intéressé qu’une publication pure et simple - lorsqu’elle se trouve dans une situation où le risque des atteintes envisagées à l’article 63 n’a pas atteint un degré de gravité suffisant pour empêcher une publication, cette conclusion s’imposant peu importe qu’il s’agisse d’une anonymisation ou d’une pseudonymisation, de sorte que le débat mené par l’appelante à ce titre est à rejeter.

La Cour rejoint encore la CSSF dans son constat selon lequel l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 n’est pas de nature à forcer la CSSF de renoncer à la publication dès qu’un quelconque désagrément risque de suivre de cette publication pour le destinataire de la sanction, étant rappelé, tel que cela est relevé à juste titre par la CSSF, que la publication a un objet préventif et dissuasif.

La Cour constate néanmoins ensuite que la CSSF a expliqué dans sa réponse que c’était pour éviter tout préjudice disproportionné qu’elle avait choisi en l’espèce une publication anonymisée et ce aussi dans l’optique de personnaliser la sanction, reconnaissant ainsi implicitement, mais nécessairement que dans les circonstances de l’espèce, une publication pure et simple risquerait d’occasionner un préjudice disproportionné.

En outre, la Cour constate que la CSSF reconnaît dans ses écrits en substance que l'affaire a connu une certaine médiatisation. Si la CSSF déclare, dans sa réponse, prendre des précautions afin d’éviter de dévoiler des données trop précises dans la publication, de sorte à éviter des recoupements, la Cour relève que comme il s’agit d’une affaire médiatisée, mettant en plus en cause une banque russe qui risque d’être davantage dans le viseur devant le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie qu’une autre banque, le risque de « recoupement » tels que décrits par l’appelante ne peut pas d’emblée être exclu.

23 « La CSSF publie (…) ».

33 Enfin, la Cour constate qu’à ce stade, la publication à faire une fois la sanction devenue définitive, interviendrait trois ans et demi après la prise de la décision du 20 janvier 2020 et, par ailleurs, huit ans après les faits, de sorte à intervenir à un moment où elle aurait pour effet de faire revivre la publicité de l’affaire, accentuant encore davantage le risque de préjudice d’ores et déjà reconnu par la CSSF en 2020, ce d’autant plus qu’elle intervient à un moment où la majeure partie de la durée de l’interdiction professionnelle de 5 ans, telle que retenue, est révolue.

A partir de ces constats, la Cour est amenée à retenir que dans les circonstances particulières de l’espèce, même une publication anonymisée, ne permet pas d’empêcher le risque de préjudice mis en avant par la CSSF. Dès lors, dans les circonstances particulières de l’espèce, la Cour est amenée à retenir que, indépendamment de la question de la qualification de la mesure de publication et sous cet aspect de l’application du principe de légalité des peines, sa publication à l’heure actuelle, même anonymisée, est disproportionnée, de sorte que, par réformation du jugement déféré, la décision du 20 janvier 2020 et celle confirmative du 19 mai 2020 sont à réformer en ce sens qu’il n’y a pas lieu à publication.

Au regard de la solution ainsi retenue, il devient surabondant d’examiner les moyens d’inconstitutionnalité et de contrariété à la CEDH, à la Charte et à la directive 2013/36 invoqués par l’appelante par rapport à la mesure de publication, y compris les questions préjudicielles qu’elle entend poser dans ce contexte, cet examen devenant surabondant dans la mesure où l’appelante a obtenu gain de cause sur ce point.

S’agissant, enfin, du moyen d’atteinte au droit à la vie privée, tant au regard de la Constitution qu’au regard de la CEDH et de la Charte - l’appelante rattachant son moyen aux articles 8 de la CEDH, 7 (respect de la vie privée et familiale) et 15 (liberté professionnelle et droit de travailler) de la Charte -, que l’appelante invoque pour la première fois dans sa réplique non pas seulement par rapport à la décision de publier la sanction retenue à sa charge, tel que cela se dégage des termes de sa requête d’appel, mais encore par rapport aux autres moyens invoqués, la Cour ne peut que le rejeter comme étant obscur.

En effet, l’appelante reste en défaut d’expliquer, au-delà de ses affirmations tout à fait générales, se résumant en substance à prétendre que la publicité qu’a connu cette affaire aurait nui à sa réputation et à affirmer qu’elle serait empêchée depuis 8 ans d’exercer sa profession, tout en insinuant un comportement déloyal à son égard de la part de la (B), en quoi concrètement son droit au respect de la vie privée serait pertinent par rapport aux moyens procéduraux invoqués par elle et examinés ci-avant par la Cour, à savoir une violation par la CSSF du principe d’impartialité et une méconnaissance de la hiérarchie et du caractère alternatif des sanctions, étant relevé que dans la mesure où la Cour a accueilli le moyen ayant trait à la publication de la sanction, l’examen du moyen fondé sur une violation du droit au respect de la vie privée devient surabondant.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel est à déclarer partiellement justifié en ce sens que, par réformation du jugement déféré, il n’y a pas lieu à publication de la sanction retenue à charge de Madame (A) et que le jugement est à confirmer pour le surplus.

34Nonobstant le fait que l’appelante a partiellement eu gain de cause, sa demande en paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre de … euros est à rejeter, étant donné qu’elle reste en défait d’expliquer en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Eu égard à l’issue du litige, la Cour fait masse des frais des deux instances et les impose pour un quart à la CSSF et pour trois quarts à l’appelante.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme l’appel introduit le 6 mars 2023 et dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 24 janvier 2023, inscrit sous les numéros 44904 et 46090 du rôle ;

au fond, dit l’appel partiellement fondé, partant par réformation du jugement entrepris, dit qu’il n’y a pas lieu à publication de la sanction retenue à charge de Madame (A) ;

confirme le jugement du 24 janvier 2023 pour le surplus ;

rejette les demandes de voir poser des questions préjudicielles telles que formulées par l’appelante ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’appelante ;

fait masse des frais des deux instances et les impose pour un quart à la CSSF et pour trois quarts à l’appelante.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Patrick WIES.

s. WIES s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2023 Le greffier de la Cour administrative 35


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48647C
Date de la décision : 19/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-07-19;48647c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award