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29/06/2023 | LUXEMBOURG | N°47677C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 29 juin 2023, 47677C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47677C ECLI:LU:CADM:2023:47677 Inscrit le 8 juillet 2022 Audience publique du 29 juin 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2022 (n° 44771 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47677C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 8 juillet 2022 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Li

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47677C ECLI:LU:CADM:2023:47677 Inscrit le 8 juillet 2022 Audience publique du 29 juin 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2022 (n° 44771 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47677C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 8 juillet 2022 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Libye), et de Madame (B), née le … à … (Libye), agissant en leur nom personnel, ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, (AB1), née le … à …, (AB2), née le … à … (Libye), (AB3), né le … à …, et (AB4), né le … à …, tous de nationalité libyenne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 9 juin 2022 (n° 44771 du rôle) les ayant déboutés de leur recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juillet 2020 portant refus de faire droit à leurs demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 7 septembre 2022 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 8 novembre 2022.

1 Le 11 mars 2019, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leurs enfants mineurs (AB1), (AB2), (AB3) et (AB4), ci-après les « consorts (A-B) », se présentèrent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », afin d’introduire une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) et de Madame (B), sur leurs identités respectives et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, service criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le même jour, ils furent entendus par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après le « règlement Dublin III ».

Par décision du 24 mai 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa les consorts (A-B) de sa décision de les transférer vers le Portugal sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III, au motif qu’ils y avaient introduit une demande de protection internationale le 7 novembre 2018 et que les autorités portugaises avaient accepté la demande de reprise en charge en date du 28 mars 2019.

Par décision du 13 juin 2019, le ministre décida de rapporter sa décision et d’examiner leurs demandes de protection internationale en vertu des dispositions de l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

En date des 14 octobre, 28 octobre et 27 novembre 2019, ainsi que des 8 janvier et 7 février 2020, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (B) fut entendue les 28 octobre et 27 novembre 2019, ainsi que les 8 et 17 janvier 2020.

Par décision du 16 juillet 2020, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 21 juillet 2020, le ministre informa les consorts (A-B) que leurs demandes de protection internationale avaient été rejetées comme non fondées. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à leur égard, est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 11 mars 2019 sur base de la loi du 18 décembre 22015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

Vous êtes accompagnés de vos enfants mineurs (AB1), né … à …/Libye, (AB2), née le … à …/Libye, (AB3), né le … et (AB4), né le … à …/Libye, tous de nationalité libyenne.

Le 24 mai 2019, vous avez été informés par décision ministérielle que le Luxembourg n’examinera pas vos demandes de protection internationale et que vous seriez transférés au Portugal, pays responsable du traitement de vos demandes.

Le 6 juin 2019, la Direction de l’immigration a été informée par le Président de l’« Ombuds-Comité fir d’Rechter vum Kand », que votre fils aurait été victime d’abus sexuels au Portugal, qu’un transfert vers le Portugal signifierait un « retour à la situation traumatisante » et une « grave entrave au rétablissement physique et psychique de tous » et a par la même occasion été demandé à la Direction de l’immigration de reconsidérer la décision ministérielle susmentionnée étant donné que vous n’auriez pas pu compter sur le soutien des autorités portugaises, ni sur celui des responsables de l’école de votre fils, ni sur le soutien d’un médecin, qui, après avoir examiné votre fils, aurait diagnostiqué qu’il serait en parfaite santé.

Le 13 juin, vous avez été informés par décision ministérielle que la décision concernant votre transfert au Portugal est rapportée et que le Luxembourg examinera vos demandes de protection internationale.

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire et les rapports d’entretien Dublin III du 11 mars 2019, les rapports d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 14 et 28 octobre et du 27 novembre 2019 et des 8 et 17 janvier et du 7 février 2020, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous avez introduit des demandes de protection internationale à Malte, le 30 septembre 2018 et au Portugal, le 6 novembre 2018. En outre il en découle, Monsieur, que le 28 août 2018, votre demande de visa pour la France pour toute votre famille a été refusée aux motifs « qu’il faut douter de votre volonté de retourner en Libye ». Vous avez néanmoins eu un visa pour motifs touristiques émis par la Grèce, valable du 5 mai 2014 au 19 août 2014 et d’un visa pour motifs « business » émis par la France, valable du 19 octobre 2017 au 18 décembre 2017.

En août 2018, vous auriez quitté la Libye avec votre famille à bord d’un bateau. Vous auriez été « sauvés » en mer par l’« Aquarius » et amenés à Malte. Après quarante-cinq jours passés à Malte, vous auriez été transférés au Portugal où vous auriez été « forcés » d’introduire des demandes de protection internationale bien que vous n’en auriez pas eu envie. Vous expliquez cette attitude par le fait qu’on vous aurait promis une maison au Portugal mais que vous n’en auriez jamais reçue. De plus, vous y auriez été traité de façon « inhumaine » et votre fils aurait été agressé à l’école mais la police n’aurait rien entrepris. Ainsi, vous auriez décidé 3de quitter le Portugal à bord d’un bus et, après des escales en Espagne et en France, vous seriez arrivés au Luxembourg.

Monsieur, vous signalez être originaire de …, où vous auriez habité avec votre famille et travaillé dans le bureau de communication du port de …. Vous auriez en outre possédé un supermarché qui aurait été dévalisé pendant les « événements de 2011 » et de 2012 à 2017, vous auriez également travaillé comme vendeur de voitures. Vous dites qu’à …, « on n’a pas ces histoires de tribus » mais vous précisez tout de même que vous seriez d’ethnie amazigh et athée.

Vous auriez quitté la Libye parce que vous craindriez pour la sécurité de votre famille alors qu’on n’y accepterait aucune autre pensée que la pensée islamique. Ainsi, lors de votre mariage, vous auriez rencontré beaucoup de problèmes avec vos beaux-parents qui n’auraient pas accepté que leur fille épouse « quelqu’un qui ne suit pas la religion ». De même, vos parents n’auraient pas non plus accepté que vous auriez épousé une femme émancipée, non pratiquante et ne portant pas le voile.

Vous dites qu’après la « guerre », des milices islamistes auraient commencé à imposer leurs lois et à menacer de mort des femmes qui n’auraient pas mis le hijab, des hommes non pratiquants et des consommateurs d’alcool.

En novembre 2017, pendant que vous vous seriez trouvé en Europe pour acheter des voitures, votre épouse aurait été insultée et tirée par les cheveux par une personne inconnue avec laquelle elle aurait été impliquée dans un accident de la route. Selon vous, cette personne aurait poursuivi votre épouse en voiture jusqu’à la faire paniquer parce qu’elle n’aurait pas porté le hijab. Ensuite, vous prétendez toutefois que votre épouse aurait été agressée à cause de vos idées athéistes.

Vous prétendez en outre que vous auriez par le passé eu un ami, un dénommé (C), avec qui vous auriez rompu toute amitié en 2013, lorsqu’il aurait rejoint les « milices ». Or, en 2018, après qu’il aurait été « convaincu » de vos idées sur la religion que vous auriez publiées sur votre site « facebook » depuis 2015, il serait venu parler dans un ton menaçant à votre épouse, pour lui dire que vous devriez « revenir » vers l’islam, sinon vous seriez tué. Deux jours plus tard, vous auriez rencontré (C), qui vous aurait confirmé que votre nom se trouverait sur une liste secrète concernant des personnes qui devraient être tuées. Vous ne sauriez pas de quelle milice (C) serait membre, mais vous supposez qu’il s’agirait de la milice des « muqanniin », et plus particulièrement de la « saraya » des « encagoulés ».

Vous précisez que vous auriez publié des messages critiques envers les « shioukh » sur « facebook » et que vous auriez des amis qui les auraient approuvés tandis que d’autres ne les auraient pas acceptés, vous auraient insulté sur « facebook » ou vous auraient interpellé dans la rue « pour me dire que ce n’est pas correct ». Vous supposez par ailleurs que votre nom se serait trouvé sur ladite liste parce que vous ne seriez jamais allé à la mosquée les vendredis et que les gens parleraient entre eux. Vous ajoutez dans ce contexte que l’apostasie serait punie par la mort et qu’il existerait une loi en vigueur en Libye prononcée par un imam.

Comme votre ami vous aurait conseillé de partir le plus vite possible, deux semaines plus tard ou deux jours plus tard, vous seriez parti en Tunisie avec votre famille pour faire votre demande de visa auprès de l’ambassade de France, tout en ayant encore réussi pendant 4ce temps à vendre votre maison. Après une vingtaine de jours en Tunisie et le refus de votre demande de visa, vous seriez tous volontairement retournés vivre à … dans une maison louée.

En septembre 2018, vous auriez quitté la Libye à bord d’un bateau.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous précisez que (D) aurait initialement rejoint les « brigades Kataeb » et qu’en 2017, il serait venu parler à votre époux dans le but de se remarier à son ex-épouse, contrairement à vos déclarations, Monsieur, qui confirmez que (D) serait uniquement venu parler à votre épouse dans le cadre de ses tentatives de vous faire « revenir » à l’islam.

Vous auriez quitté la Libye à cause de craintes liées à la sécurité de votre famille et parce que vous seriez une femme émancipée qui ne porterait pas le hijab et ne pratiquerait pas la religion, « quelque chose » qui n’existerait pas chez vous. Ainsi, vous vous seriez souvent faite insulter par des hommes en conduisant votre voiture et un homme vous aurait une fois suivie en voiture jusqu’à vous pousser à causer un accident avant de vous tirer par les cheveux et de vous insulter.

Vous auriez travaillé comme infirmière jusqu’en juillet 2018 et vous expliquez que dans le cadre de ce travail, les « encagoulés » d’« Al Muqannin », spécialisés dans l’assassinat et la torture, vous auraient de temps en temps amené des personnes mortes de leur torture en obligeant les médecins et les infirmières à certifier qu’elles seraient mortes de crise cardiaque ou d’un accident de voiture.

Vous présentez des passeports libyens établis les 24 février 2013 et 4 octobre 2016 et vous versez plusieurs documents à l’appui de vos dires:

- Un article du journal « Der Standard » relatif à votre fuite.

- Des articles issus du « Diario de Coïmbra » datant du 29 janvier 2019, concernant la prétendue agression sexuelle dont aurait été victime votre fils au Portugal.

- Des photos de votre appartement au Portugal.

- Des photos des « séquelles » subies par vos enfants au Portugal suite à des piqûres d’insectes.

- Un certificat médical datant du 28 janvier 2019, concernant votre fils.

- Une attestation de l’« ALUPSE » du 22 mai 2019.

- Un « certificat concernant famille de Monsieur (A) » datant du 3 juin 2019.

- Un rapport d’Amnesty International concernant la situation des Droits de l’Homme au Portugal en 2017-2018.

- Des commentaires que vous auriez publiés sur « facebook ».

- Une photo de votre fille ainsi qu’une photo montrant un groupe de femmes en burqa.

- La copie d’une plainte datant du 6 octobre 2011, quant à un vol de magasin dont vous auriez été victime.

- Un certificat de réussite de l’année 2001-2002 pour des études d’infirmière, datant du 30 juin 2012, un badge quant à une participation à un salon international en Chine, un badge de travail, un extrait du registre de l’état civil, une lettre de recommandation datant du 17 juillet 2018 et un certificat de fin d’études secondaires.

5- Des notifications de refus de visa et des quittances de frais de dossier.

- Un acte de mariage, un document de composition de ménage et cinq actes de naissance.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h. de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, force est de constater, que si les craintes et problèmes dont vous faites état, entrent dans le champ d’application de la Convention de Genève, étant donné que vous les liez à votre religion respectivement au fait de ne pas suivre la religion pratiquée par la majorité de la population en Libye il faut toutefois soulever qu’il ne vous serait jamais rien arrivé de grave en Libye, où vous auriez encore travaillé jusqu’à votre départ et où vous êtes volontairement retournés vivre après un premier départ vers la Tunisie quelques mois plus tôt.

En effet, Monsieur, vous mentionnez uniquement des menaces indirectes, respectivement des informations concernant votre prétendue inscription sur une « liste noire » qu’un ami, voire un milicien islamiste, aurait une fois transmis à votre épouse.

Or, hormis le fait qu’il paraît du moins étonnant qu’un ami, voire milicien, vous menace d’un côté de mort si vous ne « reveniez » pas vers l’Islam, mais vous prévienne en même temps que votre nom figurerait sur une prétendue « liste noire » de la milice des « cagoules » et vous conseille de quitter le pays, une seule menace, respectivement une seule information non prouvée concernant votre prétendue inscription sur une prétendue liste ne revêtent pas un degré 6de gravité tel à pouvoir être considérés comme acte de persécution, respectivement, justifier une crainte fondée de persécution au sens desdits textes.

A cela s’ajouterait l’opposition de vos familles respectives à votre mariage, des commentaires négatifs, voire des insultes qu’on vous aurait envoyés après la publication de messages sur « facebook », ainsi que des gens qui vous auraient parfois interpellé dans la rue « pour me dire que ce n’est pas correct », en référence aux commentaires susmentionnés;

c’est-à-dire des soucis mineurs et d’ordre totalement familial ou privé qui ne vous ont pas empêch[é] de vivre pendant toutes ces années en Libye.

Or, là encore, il est évident qu’au vu du manque de gravité, de tels problèmes ne sauraient manifestement pas justifier l’octroi du statut de réfugié.

Madame, vous ajoutez que vous vous seriez déjà faite insulter en conduisant une voiture et qu’une personne vous aurait une fois poursuivie en voiture jusqu’à vous pousser à causer un accident et à vous tirer par les cheveux.

Notons d’abord qu’il n’est nullement établi que ledit accident aurait de quelque sorte qui soit été lié à votre prétendu comportement non religieux et que rien ne permet de ne pas le classer en simple accident de la route ou en dispute entre des usagers de la route.

Quand bien même cet accident aurait été lié à votre comportement non religieux, ce qui reste à prouver, il faudrait de nouveau soulever que cet incident unique et isolé ne revêt pas un degré de gravité suffisante pour pouvoir être défini comme acte de persécution au sens desdits textes.

Le manque de gravité de votre situation est encore soutenu par le fait, Monsieur, que vous confirmez publier des messages sur « facebook » depuis 2015 et que vous vivriez dans un village où « tout le monde » se connaîtrait. Or, étant donné que tout le monde aurait donc depuis des années été au courant de votre situation, de votre attitude et de votre adresse, il ne vous serait tout de même jamais rien arrivé, de sorte qu’il faudrait se demander qu’est-ce que les miliciens auraient attendu toutes ces années et pourquoi, soudainement en été 2018, vous vous seriez retrouvé sur leur prétendue « liste noire » et dans leur collimateur.

Ce constat vaut d’autant plus au vu des derniers mois que vous auriez vécu à …. En effet, vous confirmez y être retourné vivre volontairement en été 2018, après avoir séjourné en Tunisie et après avoir été prétendument informé de votre inscription sur ladite liste, sans que rien n’y vous serait de nouveau arrivé. Mieux, vous confirmez même avoir réussi à vendre votre maison sans aucun problème avant votre départ, bien que vous seriez en même temps « persécuté » par des milices.

Or, on peut du moins attendre de personnes qui se disent persécutées chez elles, tout en vivant dans un village où tout le monde se connaîtrait, ne retournent pas vivre spécifiquement et volontairement dans ce même village, après avoir quitté une première fois leur pays d’origine. Il est évidemment encore plus frappant que des personnes se disant persécutées dans 7ce village, réussissent à vendre leur maison avant leur départ définitif, et en ne faisant état d’aucun problème.

Ajoutons pour être complet, Madame, qu’il n’est ensuite manifestement pas crédible que vous en tant qu’infirmière ayez dû certifier par acte de décès, la raison du décès de victimes mortes de tortures qui vous auraient été amenées à l’hôpital par des miliciens.

En effet, hormis le fait que vous ne mentionnez de toute façon pas ce fait comme un motif de fuite et qu’il ne vous serait jamais rien arrivé en rapport avec votre travail, il peut de bonne fois être exclu que des infirmières devraient établir des actes de décès et préciser la cause du décès de patients. Il faudrait en même temps se demander pourquoi bon ces miliciens qui se seraient rendus coupables d’actes de torture ne se seraient pas tout simplement débarrassés des corps de leurs victimes mais auraient préféré les amener à l’hôpital pour faire certifier leur mort.

Le constat que votre situation dans votre pays d’origine n’est pas aussi grave que vous tentez de le faire croire est confirmé par votre attitude et vos voyages passés en Europe suivis de retours volontaires en Libye, ainsi que par une nième demande de visa pour l’Europe introduite en août 2018 en Tunisie avant de de nouveau rentrer chez vous.

Ajoutons qu’on peut également attendre de personnes réellement persécutées dans leur pays d’origine ou qui craignent réellement d’être victimes d’actes de persécution perpétrés par des milices islamistes, qu’elles restent plutôt discrètes et qu’elles ne divulguent pas immédiatement après leur arrivée dans un pays sûr où ils comptent bénéficier du statut de réfugié, leur nouvelle adresse, en cherchant ostensiblement le contact avec les médias aussi bien autrichiens que portugais.

Or, c’est justement ce que vous avez fait après votre arrivée au Portugal. En effet, dès que vous étiez installés au Portugal, vous avez ouvertement parlé avec les médias portugais et autrichiens de votre situation et après votre arrivée au Luxembourg, vous avez de nouveau voulu parler aux médias autrichiens qui ont cette fois-ci divulgué votre présence au Luxembourg.

Or, une personne réellement persécutée ou qui craint d’être persécutée, tente par tous les moyens de se cacher ou d’éviter d’être retrouvée, tandis que vous avez justement fait le contraire; preuve de plus que vous ne craignez rien.

Il s’ensuit tout de ce qui précède, que vos prétendues craintes, à les supposer réelles ce qui n’est pas établi, sont à percevoir comme étant totalement hypothétiques et non pas comme étant des craintes fondées de persécution au sens de la loi. De telles craintes ne sauraient toutefois pas suffire pour justifier pour vos chefs l’octroi du statut de réfugié.

A cela s’ajoute qu’il paraît plus qu’évident que des motifs économiques, voire, de pure convenance personnelle sous-tendent vos demandes de protection internationale.

Ce constat doit en premier lieu être dressé alors que vous, Madame, précisez que votre époux vous aurait déjà par le passé, à plusieurs reprises demandé de quitter la Libye; des demandes qui se seraient donc forcément produites avant les prétendues informations sur cette 8« liste noire » que vous auriez reçues en été 2018 et qui vous auraient prétendument définitivement fait prendre la décision de quitter le pays.

En plus, il faut soulever que vous vous contredisez de manière flagrante concernant votre prétendu vécu en Europe, respectivement, votre désir réel de protection dans un pays sûr.

En effet, Monsieur, alors que vous versez vous-même les articles du « Standard » dans lesquels vous expliquez avoir été content de vivre au Portugal et que vous auriez réussi à vous y intégrer et rénover votre appartement grâce aux 600.- euros mensuels versés par les autorités portugaises ainsi qu’à un don reçu par un citoyen autrichien, vous vous plaignez auprès des autorités luxembourgeoises de vos conditions de vie au Portugal en précisant carrément que vous auriez été « forcés » d’y introduire vos demandes de protection internationale et que vous n’auriez jamais eu envie de vivre dans ce pays après avoir été accueilli par les autorités de ce pays suite à votre sauvetage en mer par l’« Aquarius ».

Or, il est évident qu’une telle réaction n’est absolument pas compatible avec celle de personnes réellement persécutées qui seraient réellement à la recherche d’une protection internationale dans un pays sûr. En effet, de telles personnes seraient a priori reconnaissantes d’avoir été sauvées et protégées par les autorités d’un pays sûr de l’Union européenne, tandis que vous auriez donc le sentiment d’avoir été « forcés » à y rechercher une protection, admettant par-là que vous avez donc dès votre départ de la Libye subordonné votre prétendu besoin de protection à des considérations totalement secondaires et que vous n’auriez pas eu « envie » de vivre au Portugal bien avant le prétendu incident dont aurait été victime votre fils au Portugal, notamment corroboré par un certificat médical établi par un médecin au Portugal ayant pourtant constaté que votre fils serait en parfaite santé.

Ce constat vaut évidemment encore un peu plus au vu de votre comportement adopté depuis votre départ du Portugal, alors que vous n’auriez donc pas non plus jugé l’Espagne et la France, pays dans lesquels vous auriez séjourné ou que vous auriez passés avant votre arrivée au Luxembourg, comme étant des pays « intéressants », respectivement susceptibles de vous aider ou de vous offrir une protection. En effet, cette idée ne vous est étonnement venue qu’une fois arrivés au Luxembourg.

Or, un tel comportement n’est manifestement pas [à] celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d’une protection internationale, alors qu’une telle personne serait heureuse de se savoir en sécurité dans tous les pays sûrs susmentionnés. Votre façon de procéder correspond à pratiquer du « forum shopping » en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, vous pensez, satisfera au mieux vos attentes, respectivement, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé ou qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapports aux autres pays visités.

Madame, Monsieur, il est évident que l’introduction de vos demandes de protection internationale au Luxembourg s’explique par des considérations économiques et matérielles, voire, de pure convenance personnelle. En effet, il n’est pas logique qu’une personne vraiment persécutée traverse tous ces pays sans vouloir y bénéficier d’une protection internationale, mais que cette idée survienne soudainement au Luxembourg.

Des motifs économiques ne sauraient toutefois pas justifier une demande d’octroi d’une protection internationale alors qu’ils ne sont liés à aucun des critères définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015 qui prévoient une protection à toute personne qui est persécutée 9ou qui risque d’être persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutés, que vous auriez pu craindre d’être persécutés respectivement que vous risquez d’être persécutés en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Alors qu’il est vrai que la situation sécuritaire en Libye reste précaire, vous ne risquez pas de subir des menaces et atteintes graves contre votre vie en raison de violences aveugles dans le contexte d’un conflit armé, tel que défini à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Relevons tout d’abord qu’il ressort d’un jugement de la Cour administrative du Luxembourg du 4 octobre 2018 qu’: « il n’appert pas que la simple présence d’un individu en Libye, l’expose ipso facto, avec un certain degré de probabilité, à des menaces individuelles graves. Ainsi, le seul fait d’être originaire de Libye et, plus particulièrement, de la ville de … ou de …, n’est pas un élément justifiant à lui seul et automatiquement l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ».

Ajoutons ensuite qu’au vu des conclusions retenues plus haut, les craintes dont vous faites état concernant votre situation en Libye sauraient tout au plus être perçues comme étant des craintes hypothétiques. Or, de telles craintes hypothétiques ne sauraient pas suffire pour justifier l’octroi d’une protection subsidiaire sur base de d’une atteinte grave contre votre vie que vous risqueriez de subir. Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des 10atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Libye, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2020, les consorts (A-B) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une part, de la décision du ministre du 16 juillet 2020 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme en ses deux volets, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en condamnant les demandeurs aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 8 juillet 2022, les consorts (A-B) ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de leur appel, ils déclarent être de nationalité libyenne et avoir vécu et travaillé à … en Libye. En 2017, Madame (B) aurait été poursuivie en voiture par un membre d’une milice qui, en l’obligeant de sortir de son véhicule, l’aurait maltraitée, insultée et l’aurait menacée que si son époux et elle-même ne se conformaient pas aux préceptes de l’islam, ils seraient tués, ainsi que leurs enfants. Madame (B) aurait à nouveau reçu des menaces, fin 2017, de la part d’un ami de son époux enrôlé dans une milice armée salafiste, appelée « Al Muqannin ». Il lui aurait dit qu’elle doit ramener son mari à la raison pour qu’il suive les préceptes de l’islam. Il lui aurait également demandé les raisons pour lesquelles elle aurait laissé son époux publier des critiques sur la religion et avoir des amitiés avec des femmes et des Juifs sur les réseaux sociaux. Il lui aurait indiqué que le nom de son mari se trouverait sur une liste noire de gens qui seraient condamnés à mort. Deux jours plus tard, Monsieur (A) aurait à son tour reçu les mêmes menaces de cette personne, qui lui aurait redit qu’il serait sur une liste noire et qu’il aurait été condamné à mort par une milice. Les appelants auraient alors quitté leur pays d’origine le 24 août 2018, craignant pour leur vie et celles de leurs enfants.

En droit, les appelants reprochent aux premiers juges d’avoir écarté une pièce de leur dossier qui serait un mandat d’arrêt émis à l’encontre de Monsieur (A) et qu’ils auraient déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2022.

Les appelants soutiennent que ce mandat d’arrêt ne serait pas un élément nouveau dans la mesure où il ne serait qu’une concrétisation matérielle de la « liste » sur laquelle le nom de Monsieur (A) apparaitrait et que ce dernier aurait invoqué lors de ses entretiens.

Concernant le moment du dépôt de cette pièce en première instance, les appelants soutiennent qu’ils en auraient pris connaissance le 10 août 2020, lorsque le frère de Monsieur (A) les en aurait informé. Ils auraient alors immédiatement transmis cette pièce à leur conseil, qui les accompagnait en première instance, lequel aurait refusé pendant un certain temps de 11transmettre cette pièce aux premiers juges. Les appelants soutiennent qu’il aurait fallu l’intervention d’un tiers pour convaincre leur conseil de finalement déposer cette pièce le 21 janvier 2022, soit un jour avant l’audience des plaidoiries.

Ainsi, les appelants demandent d’écarter le raisonnement des premiers juges qui leur auraient reproché le silence quant aux éléments essentiels de leur demande et de tenir compte du prétendu mandat d’arrêt dans l’analyse de leur requête d’appel.

Quant à la demande tendant à l’octroi du statut de réfugié, les appelants affirment être originaires d’un pays en guerre et citent Madame Nada AL-NASHIF, haute-commissionnaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme, qui se serait exprimée le 18 juin 2020 sur les effets dévastateurs de la guerre en Libye.

Selon les appelants, il y aurait par ailleurs une prolifération de diverses milices en Libye, ce qui provoquerait une situation sécuritaire catastrophique, tel qu’attesterait un rapport rendu par l’US Department of State du 12 avril 2022.

Les appelants invoquent aussi le manque de liberté religieuse qui règnerait en Libye, dont ils auraient souffert directement du fait de leurs prises de positions publiques, en tant qu’athées, et du fait qu’ils ne respecteraient pas ouvertement les préceptes de l’islam.

En outre, les appelants argumentent qu’il y aurait un climat de violence et d’insécurité à l’encontre des femmes et des enfants. Ils citent un extrait d’une prise de position du Haut-commissaire pour les refugies relative aux retours en Libye, datant de septembre 2018, et qui attesterait des agissements cruels et arbitraires des milices armées envers les civils.

Par conséquent, ils estiment remplir les conditions légales pour se voir reconnaître le statut de réfugié.

En cas de refus par la Cour de leur reconnaitre le statut de refugie, ils demandent l’octroi d’une protection subsidiaire. Les appelants arguent à nouveau que le conflit qui aurait cours en Libye serait constitutif de menaces graves et individuelles contre eux, alors qu’il y aurait une violence aveugle dans le cadre du conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Afin d’appuyer leurs arguments, les appelants citent un rapport de l’ONU du 8 mai 2019, qui mettrait en exergue les exactions commises de part et d’autre. Ils ajoutent que le Conseil de Sécurité de l’ONU aurait mis en lumière, dans sa résolution 2510 du 12 février 2020, le fait qu’à l’heure actuelle la totalité du territoire libyen serait touché par des conflits et que les zones du pays qui ne serait pas touchées par ces affrontements seraient en proie à des activités des groupes terroristes présents sur le territoire libyen.

Les appelants réfutent donc les conclusions des premiers juges selon lesquelles ils n’auraient pas rapporté la preuve qu’à l’heure actuelle, un retour dans leur pays d’origine les exposerait à un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

La partie étatique, pour sa part, demande la confirmation du jugement dont appel et affirme qu’aucun élément nouveau ou supplémentaire susceptible d’infirmer le jugement ou la décision ministérielle n’aurait été apporté par les appelants.

12L’Etat prend également position sur un certain nombre de pièces, versées par les appelants en première instance. Ainsi, la partie étatique affirme qu’en ce qui concerne le prétendu mandat d’arrêt, elle ne disposerait que d’une photo et serait donc dans l’impossibilité de vérifier l’authenticité de cette pièce dont elle remet en cause la crédibilité.

Enfin, la partie étatique soutient que les appelants n’apporteraient toujours pas la preuve qu’il existeraient dans leur chef de sérieuses raisons de croire qu’ils auraient été persécutés, qu’ils auraient pu craindre d’être persécutés, ou qu’ils risqueraient d’être persécutés en cas de retour dans leur pays d’origine.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Il convient encore de rappeler que la reconnaissance du statut de réfugié́ n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout pour la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Ceci dit, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges ont apprécié les faits, relatés par les appelants, à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Tout d’abord, en ce qui concerne la pièce n° 3 intitulée « Mandat d’arrêt libyen », la Cour rejoint l’appréciation des premiers juges ainsi que celle de la partie étatique. En effet, la temporalité de la remise de cette pièce aux juges de première instance est suspecte et les explications fournies par les appelants ne sont pas convaincantes. En outre, la provenance de cette pièce pose question et il n’est pas possible de l’authentifier. Par conséquent, elle n’a pas une force probante dans le sens que Monsieur (A) aurait été poursuivi par l’Etat libyen.

Les appelants soutiennent avoir une crainte fondée de persécutions du fait d’avoir déjà été victimes dans leur pays d’origine de persécutions de la part d’un membre d’une milice qui les aurait menacés notamment du fait qu’ils seraient athées et des prises de positions de Monsieur (A) sur les réseaux sociaux.

Or, la Cour se rallie à l’appréciation des premiers juges qui ont correctement retenu que les commentaires publiés par Monsieur (A) peuvent certes être qualifiés de sarcastiques mais ne suffisent pas pour affirmer qu’il aurait tenu une position ouvertement athée ou insultant l’islam. En outre, les premiers juges ont relevé que Monsieur (A) avait posté ces commentaires dès 2015, sans que cela provoque des conséquences graves pour lui et sa famille.

13 De même, la Cour s’accorde avec les premiers juges qui émettent des doutes en ce qui concerne les prétendues menaces reçues par les époux (A-B) de la part d’un ancien ami, alors qu’il n’est pas établi qu’il aurait appartenu à une milice. Par conséquent, c’est à bon escient que les premiers juges ont conclu que les craintes des appelants de faire l’objet de persécutions par des miliciens sont purement hypothétiques.

Quant à la situation générale prévalant actuellement en Libye, la Cour est amenée à constater que si les éléments d’information produits par les appelants font certes état d’une situation sécuritaire préoccupante dans ce pays, il ne suffit cependant pas d’invoquer des rapports faisant état, de manière générale, de graves violations des droits de l’homme dans un pays, pour établir que tout ressortissant de ce pays a une crainte fondée de persécutions. Il incombe en revanche aux demandeurs de protection internationale de démontrer in concreto qu’ils peuvent personnellement se prévaloir d’une crainte fondée de persécutions, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La Cour rejoint donc les premiers juges en leur conclusion que les appelants n’ont pas fait état et n’ont pas établi des éléments suffisants permettant de retenir qu’il existe dans leur chef une crainte fondée de persécutions dans leur pays d’origine pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015.

C’est partant à bon droit que les premiers juges ont refusé aux appelants le statut de réfugié.

Concernant la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, les premiers juges ont valablement cadré la matière à partir des dispositions des articles 2 sub g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015.

L’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que » si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ».

Aux termes de l’article 48 de la même loi, sont considérées comme atteintes graves :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est ainsi soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et au statut de protection subsidiaire.

En l’espèce, à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les appelants n’invoquent pas d’autres faits que ceux à la base de leur demande de reconnaissance de la qualité́ de réfugié.

14Il convient tout d’abord de rejoindre les premiers juges et de retenir qu’il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que les appelants courraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir, à raison de ces mêmes faits, des atteintes graves au sens de l’article 48, point a), de la loi du 18 décembre 2015, les intéressés omettant d’établir qu’ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution en cas de retour en Libye.

S’agissant des atteintes graves visées à l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, il ne se dégage pas à suffisance des éléments d’appréciation soumis à la Cour que les appelants risqueraient toujours d’être la cible des miliciens en cas de retour dans leur pays d’origine.

Quant à l’existence en Libye d’une situation de conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, avec des menaces concrètes graves et individuelles contre la vie ou la personne des civils y vivant, il convient de rappeler que l’existence d’un conflit armé est une condition nécessaire à l’application de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, mais ne suffit pas pour octroyer ce statut de protection subsidiaire. Il faut en plus que la situation dans le pays en question corresponde à un contexte de violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. En revanche, lorsque la violence prévalant dans le pays ou la région concernés n’atteint pas un niveau tel que tout civil courrait, du seul fait de sa présence, dans le pays ou la région en question, un risque réel de subir une telle menace, il appartient au demandeur de démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle.

Or, si les éléments d’information produits en cause mettent certes en exergue l’existence d’un conflit armé interne en Libye, il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis qu’il régnerait actuellement dans ce pays, et notamment dans la ville de … dont les appelants sont originaires, une situation de violence aveugle d’un niveau tel que tout civil présent sur le territoire devrait du seul fait de sa présence être regardé comme personnellement soumis à des menaces graves contre sa vie ou sa personne.

Comme les appelants n’ont pas non plus, tel que retenu ci-avant, rapporté la preuve qu’ils sont affectés spécifiquement en raison d’éléments propres à leur situation personnelle, la Cour ne saurait déceler aucune indication de l’existence de sérieux motifs de croire qu’ils seraient exposés, en cas de retour en Libye à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de ce qui précède qu’à la suite des premiers juges, il y a également lieu de déclarer non fondée la demande de protection subsidiaire des appelants.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Les appelants sollicitent encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux appelants le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le 15territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants, partant, confirme le jugement entrepris du 9 juin 2022, donne acte aux appelants qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller Serge SCHROEDER en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour le 29 juin 2023, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juin 2023 Le greffier de la Cour administrative 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47677C
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-29;47677c ?

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