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15/06/2023 | LUXEMBOURG | N°48144C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 juin 2023, 48144C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48144C ECLI:LU:CADM:2023:48144 Inscrit le 7 novembre 2022

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Audience publique du 15 juin 2023 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2022 (n° 45598 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme (AB), …, en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48144C ECLI:LU:CADM:2023:48144 Inscrit le 7 novembre 2022

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Audience publique du 15 juin 2023 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2022 (n° 45598 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme (AB), …, en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48144C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 7 novembre 2022 par Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER pour compte de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui conféré par le ministre des Finances le 4 novembre 2022, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 28 septembre 2022 (n° 45598 du rôle), par lequel ledit tribunal reçut en la forme le recours en réformation introduit par la société anonyme (AB), établie et ayant son siège social au …, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, et dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 novembre 2020, référencée sous le numéro … du rôle, le déclara justifié quant au fond et réforma partant ladite décision en ce sens que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers des années 2015, 2016 et 2017, tous émis le 10 juin 2020, sont à annuler pour vice de procédure, renvoya l’affaire devant le directeur en prosécution de cause, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et rejeta la demande de la société demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure, tout en condamnant l’Etat aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe de la Cour administrative le 5 décembre 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant commandité en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par son gérant Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AB), préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER et Maître Olivier SCHANK, en remplacement de Maître Alain STEICHEN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 février 2023.

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Le 9 décembre 2016, le bureau d’imposition Sociétés Esch-Sur-Alzette de l’administration des Contributions directes, ci-après respectivement le « bureau d’imposition » et l’« ACD », réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune pour l’année d’imposition 2015 datée du 8 décembre 2016 et déposée par la société (AB), indiquant un bénéfice suivant bilan commercial de … euros et un bénéfice à reporter pour le calcul de l’impôt commercial communal de … euros.

Le 9 octobre 2017, le bureau d’imposition réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune pour l’année d’imposition 2016 et déposée par la société (AB), indiquant une perte de … euros sous la rubrique « bénéfice suivant bilan commercial » et un bénéfice à reporter pour le calcul de l’impôt commercial communal de … euros.

Il se dégage du dossier administratif que le bureau d’imposition réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune pour l’année d’imposition 2017, signée en date du 13 septembre 2018 et déposée par la société (AB), indiquant une perte … euros sous la rubrique « bénéfice suivant bilan commercial » et une perte de … euros sous la rubrique « bénéfice à reporter pour le calcul de l’impôt commercial communal ».

Par courriel du 25 mars 2019, la fiduciaire de la société (AB), la société (CD), ci-après désignée par la « fiduciaire », transmit les « Grands-livres » et les fichiers « FAIA » de la société (AB) suite à la demande du bureau d’imposition du même jour.

En date du 25 septembre 2019, le bureau d’imposition de l’ACD et le bureau d’imposition 8 de l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, ci-après respectivement le « bureau d’imposition de l’AEDT » et l’« AEDT », procédèrent à un contrôle conjoint au siège social de la société (AB), contrôle quant auquel un rapport fut établi.

Par courrier du 15 janvier 2020, le préposé du bureau d’imposition de l’ACD informa la société (AB) qu’il envisageait de s’écarter des déclarations fiscales pour les années 2015, 2016 et 2017 sur le fondement du § 205, alinéa (3), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 14 février 2020 au plus tard, ledit courrier étant libellé comme suit :

2 « 1. Majoration des recettes :

En tenant compte de vos achats et en appliquant des marges usuelles pour un restaurant-pizzeria de votre format, les recettes sont à majorer de … € pour 2015; … € pour 2016 et de … € pour 2017.

(calcul suivant tableau ci-joint) Les majorations sont considérées comme distribution cachée de bénéfice et soumises à la retenue sur les revenus de capitaux au taux de 15%.

2. Comme par le passé, l’amortissement des tableaux « Unger » est refusé (… € pour 2015) et les tableaux sont intégrés à leur prix d’acquisition à la valeur d’exploitation et au total du bilan pour les années concernées.

3. Mise en compte des intérêts débiteurs au taux de 5% sur la créance de M. (G) pour l’année 2017 5% x (… + …)/2 = … arr. … € Les intérêts sont considérés comme distribution cachée de bénéfice et soumis à la retenue sur les revenus de capitaux au taux de 15%.

4. La TVA supplémentaire (3.600 € en 2017) n’est pas déductible suivant l’article 49 LIR. (…) ».

Un premier procès-verbal fut dressé en date du 29 janvier 2020, notifié le lendemain à la société (AB), par le Service anti-fraude Esch-Sur-Alzette de l’AEDT, ci-après désigné par le « service anti-fraude de l’AEDT », portant sur des vérifications et un contrôle approfondi dans le contexte d’une remise en cause de la marge bénéficiaire réalisée par la société (AB).

Par courrier recommandé du 13 février 2020, notifié le 17 février 2020 au bureau d’imposition de l’ACD, la société (AB) contesta, par l’intermédiaire de sa fiduciaire, le redressement envisagé dans le courrier du 15 janvier 2020, précité, dans les termes suivants :

« (…) Nous faisons suite à votre courrier du 15 janvier 2020 dans lequel vous avez invité (…) la société (AB) (…)] à présenter ses observations quant aux redressements que vous envisagez de faire sur les déclarations qu’elle a déposées en rapport avec les années fiscales 2015 à 2017. Votre courrier fait suite à un contrôle fiscal de notre mandante au cours duquel il semblerait que le service de révision de l’Administration des Contributions Directes (ci-après le « Service de Révision ») soit arrivé à la conclusion que la marge réalisée par le restaurant de notre mandante ne correspond pas à une marge usuelle pour un restaurant-

pizzeria similaire. Nous n’avons à ce stade pas encore reçu, ni pu prendre position quant aux conclusions prises par le Service de Révision, qui auraient dû faire l’objet d’un rapport de révision.

Dans votre lettre, vous envisagez de majorer les recettes déclarées de notre mandante, pour arriver à une marge qui serait usuelle selon le Service de Révision.

En vertu du §208 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931(ci-après la « AO »):

3 „Bücher und Aufzeichnungen, die den Vorschriften des §162 entsprechen, haben die Vermutung ordnungsmäßiger Führung für sich und sind, wenn nach den Umstanden des Falls kein Anlass ist, ihre sachliche Richtigkeit zu beanstanden, der Besteuerung zugrunde zu legen.“ Il résulte de cette disposition que la comptabilité du contribuable doit servir de base à l’imposition, pour autant qu’elle remplisse les exigences du § 162 AO et qu’il n’y ait pas de circonstances de fait qui permettraient de contester l’exactitude matérielle de la comptabilité.

Si l’Administration des Contributions Directes (ci-après l’ « ACD ») souhaite rejeter la comptabilité comme base d’imposition et imposer le contribuable sur base d’une estimation, par voie de taxation d’office au sens du §217 AO, la charge de la preuve lui incombe. Le fait que la charge de la preuve revienne à l’ACD lorsqu’elle souhaite rejeter la comptabilité comme base d’imposition découle non seulement de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives1 mais a également été confirmé par la jurisprudence luxembourgeoise2. Pour pouvoir procéder par voie de taxation d’office, l’ACD doit donc (i) soit prouver de manière concrète que la comptabilité du contribuable est contraire aux exigences du §162 AO et que les irrégularités constatées sont suffisamment « significatives ou multiples de nature à ébranler la régularité et la valeur probante de la comptabilité »3, (ii) soit avancer des « motifs sérieux et concluants »4 que le résultat déclaré par le contribuable est impossible, dans la mesure où il ne peut correspondre à la réalité. Ce n’est que si l’ACD est en mesure de satisfaire à cette charge de la preuve qu’elle a le droit de procéder à une taxation d’office en présence de déclarations déposées par le contribuable. Comme la taxation d’office peut avoir des conséquences graves pour le contribuable, il est crucial que l’ACD soit capable de prouver l’irrégularité de la comptabilité et/ou dispose de motifs concluants et sérieux que le résultat déclaré est impossible, avant d’émettre un bulletin de taxation d’office.

Dans le cas présent, vous envisagez de rejeter la comptabilité de notre mandante comme base d’imposition et de procéder à une taxation d’office, bien qu’aucun organe de l’ACD n’ait rempli son obligation en matière de charge de la preuve. En effet, le Service de Révision n’a pas établi de rapport de révision qui indiquerait dans quelle mesure la comptabilité de notre mandante ne serait pas régulière ou pourquoi le résultat qu’elle a déclaré ne pourrait pas correspondre à la réalité. De même, votre lettre ne contient aucune information ou élément sur base desquels vous seriez en mesure de procéder à une taxation d’office en respect des textes en vigueur. Certes, un courrier électronique que le réviseur nous a adressé le 25 novembre 2019 contient certaines allégations non fondées par lesquelles le Service de Révision semble vouloir justifier le recours à la taxation d’office (Pièce n°1), mais ce courrier électronique du réviseur nous a été envoyé uniquement après que nous l’ayons informé, par un courrier électronique du 22 novembre 2019, que le recours à la taxation d’office n’était nullement justifié parce que la comptabilité de notre mandante était régulière quant à la forme et quant au fond, sans qu’il y ait le moindre indice qui prouverait le contraire (Pièce n°2).

1 Article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives: "la preuve des faits déclenchant l'obligation fiscale appartient à l'administration, la preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable ».

2 Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n°10577 du rôle, Tribunal administratif du 14 Juillet 2008, n°23094.

3 Circulaire du directeur des contributions L.G. - A n° 63 du 15 septembre 2017.

4 "L'impôt sur le Revenu" DOSTERT Hubert, II, EF n°54,1977 p.216 en citant MAQUIL Edmond.Ce n’est qu’après avoir reçu notre courrier électronique que le réviseur semble avoir réalisé qu’il a agi de manière précipitée en commençant à estimer le résultat imposable de notre mandante sans disposer d’une base juridique qui lui permettrait d’écarter effectivement la comptabilité de notre mandante comme base d’imposition. Ainsi, dans son courrier électronique prémentionné du 25 novembre 2019, le réviseur énumère un certain nombre de lacunes qui lui ont traversé l’esprit sans faire un quelconque rapprochement avec la comptabilité de notre mandante. Il s’agit de simples allégations infondées par lesquelles le réviseur veut justifier après coup le rejet de la comptabilité de notre mandante comme base d’imposition. Nous avons répondu au réviseur que ses accusations sont totalement infondées et nous lui avons rappelé lui avoir déjà fourni tous les documents et informations nécessaires desquels ressort clairement qu’aucune de ses accusations ayant prétendument servi de base à l’estimation ne se trouve être vérifiée. De plus, nous lui avons proposé de fournir tous documents et informations supplémentaires qu’il jugerait nécessaires. Pour rappel, le bureau d’imposition, tout comme le Service de Révision, ont l’obligation légale d’instruire les dossiers fiscaux à charge et à décharge en vertu du § 204 AO.

Finalement, quant à l’allégation concernant la différence entre la marge réalisée par notre mandante par rapport à la marge prétendument usuelle de restaurants-pizzeria prétendument similaires, il s’agit d’une estimation du réviseur basée sur des critères non transparents. Etant donné que nous ignorons le mode de détermination de la « marge usuelle de restaurants-pizzeria similaires », nous n’avons pas été en mesure de répondre à cette allégation. Nous avons ainsi proposé au réviseur qu’il nous explique comment il a déterminé la « marge usuelle de restaurants-pizzeria similaires » pour nous permettre de prendre position sur les différences éventuelles avec le restaurant de notre mandante. Sans avoir répondu à notre courrier électronique et sans avoir demandé des informations et/ou documents supplémentaires, le réviseur a transmis le dossier à votre département pour que vous procédiez à la taxation d’office sur base de son estimation non matérialisée par un rapport de révision.

De tout ce qui précède, ni le Service de Révision ni un autre organe de l’ACD n’a satisfait à la charge de la preuve pour être en droit de rejeter la comptabilité de notre mandante comme base d’imposition et procéder à une taxation d’office. Les rectifications que vous envisagez de faire sont donc basées sur une estimation injustifiée du résultat de notre mandante. Par conséquence, nous vous demandons de ne pas effectuer les rectifications envisagées et d’imposer notre mandante sur base des déclarations fiscales déposées.

Finalement, à la revue du tableau attaché à votre lettre, lequel nous rejetons formellement, il semblerait qu’un certain nombre d’erreurs [se] soient glissées dans vos calculs, notamment :

 En ce qui concerne les achats déclarés de l’année 2015, au niveau de la ligne « dont digestifs offerts », le chiffre … EUR aurait certainement dû être remplacé par le chiffre … EUR étant donné qu’il a entrainé une réduction du « CHIDA théorique » de l’année 2015 ;

 En ce qui concerne le CHIDA théorique des années 2015 à 2017, au niveau de la ligne « Engagé food déduction », il semblerait que malgré la référence à une marge de 290.16%, le calcul ai[t] été entrepris sur une marge de 90,16%, soit 200% de moins que la marge référencée dans le tableau, car ce qui s’applique pour l’un doit s’appliquer pour l’autre ; la même remarque est à faire pour le calcul de la ligne « dont digestifs offerts » et la ligne « prorata restaurant ».

5 Il en résulte dès lors que, sur base de la méthodologie appliquée pour la réimposition que nous rejetons formellement tel que détaillé ci-dessus, les recettes ajustées s’élèveraient :

 Pour 2015 à … EUR, soit un manquant arrondi ajusté de … EUR (différence entre les recettes ajustées et celles déclarées);

 Pour 2016, à … EUR, soit un manquant arrondi ajusté de … EUR (différence entre les recettes ajustées et celles déclarées) ; et  Pour 2017, à … EUR, soit un manquant arrondi ajusté de … EUR (différence entre les recettes ajustées et celles déclarées). (…) ».

Par courrier du 14 février 2020, la société (AB) fit parvenir, par l’intermédiaire de son mandataire, ses observations concernant le procès-verbal du 29 janvier 2020, précité.

Un second procès-verbal fut dressé en date du 27 avril 2020 par le service anti-fraude de l’AEDT, complétant le premier procès-verbal du 29 janvier 2020, précité, et tenant compte des observations faites par le mandataire de la société (AB).

En date du 10 juin 2020, le bureau d’imposition de l’ACD émit à l’égard de la société (AB), pour les années 2015, 2016 et 2017, un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, un bulletin pour l’impôt commercial communal et un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers, lesdits bulletins comportant une mention des éléments divergeant des déclarations fiscales des années concernées.

Par un courrier recommandé du 10 septembre 2020, la société (AB) introduisit une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers pour les années 2015, 2016 et 2017, tous émis le 10 juin 2020, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par une décision du 6 novembre 2020, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta la réclamation introduite par la société (AB), ladite décision étant libellée comme suit :

« Vu la requête introduite le 10 septembre 2020 par Me Alain Steichen, de la société à responsabilité limitée BSP, au nom de la société anonyme (AB), avec siège social à …, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2015, 2016 et 2017, tous émis en date du 10 juin 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le procès-verbal dressé en date du 30 janvier 2020 et complété en date du 27 avril 2020 par le réviseur du Service Anti-fraude de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA s’étirant sur la période litigieuse du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de 6 procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir admis des distributions cachées de bénéfices selon l’article 164, alinéa 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR.) suite à des irrégularités dans sa comptabilité qui furent détectées à travers un contrôle approfondi des livres et pièces comptables par le réviseur du Service Anti-fraude de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante s’exprime, par extraits, comme suit :

« (…) 1. L’absence de preuve quant à l’irrégularité de la comptabilité 1) Avant l’émission des Bulletins, dans la lettre datée du 15 janvier 2020 qui a été émise en vertu du paragraphe 205(3) AO, le Bureau d’imposition indiquait que :

« En tenant compte de vos achats et en appliquant des marges usuelles pour un restaurant-pizzeria de votre format, les recettes sont à majorer de … EUR pour 2015 ; … EUR pour 2016 et de … EUR pour 2017.

Les majorations sont à considérer comme distribution cachée de bénéfices et soumises à la retenue sur les revenus de capitaux au taux de 15% » 2) Dans cette lettre le bureau d’imposition estimait pouvoir majorer les recettes de la Société en se fondant sur sa seule conviction que la marge de la Société ne correspondait pas à une marge usuelle d’un restaurant-pizzeria du format de celui de la Société. Le Bureau d’imposition ne fournit ni explication ni fondement légal qui lui permettrait de procéder d’une telle manière.

3) Une telle approche du Bureau d’imposition est contraire au paragraphe 205(3) AO sur base duquel la lettre a été émise. La jurisprudence considère en effet que :

« Le § 205 (3) AO, disposant que « wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äuβerung mitzuteilen », constitue une application particulière du droit du contribuable 7 d’être informé et entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers les informations par lui soumises à l’autorité compétente et met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale. » 4) La consultation appropriée de la Société exigeait donc que cette dernière soit dûment informée et entendue avant que le Bureau d’imposition procède à la majoration de ses recettes déclarées. Pour permettre à la Société d’être dûment entendue, le Bureau d’Imposition aurait été tenu de fournir à la Société les informations lui permettant de prendre position, notamment en ce qui concerne la disposition légale qui aurait été violée et la raison pour laquelle le Bureau d’imposition estime que la Société aurait violé cette disposition. Dans le cas présent, une telle information n’a jamais eu lieu. Dans la lettre émise en vertu du paragraphe 205(3) AO, aucune référence à une disposition légale n’est faite et aucune explication concluante n’est donnée quant au cheminement ayant permis au Bureau d’Imposition d’arriver au constat que la marge déclarée ne correspond pas aux marges usuelles des restaurants-pizzeria similaires.

5) En outre, le but du paragraphe 205(3) AO n’est certainement pas que le Bureau d’Imposition donne une raison dans la lettre émise en vertu du paragraphe 205(3) AO et donne ensuite une autre raison dans les Bulletins, tel que dans le cas-ci. Avant l’émission des Bulletins, le Bureau d’imposition se basait uniquement sur sa conviction que la marge réalisée par la Société était inférieure à la marge usuelle des restaurants-pizzeria similaires, sans invoquer un quelconque fondement légal. Dans les Bulletins, le Bureau d’Imposition semble avoir abandonné cette approche et affirme :

« Vu que votre livre de caisse ne respecte pas les dispositions du par. 162 AO, l’imposition est établie suivant notre lettre du 15.01.2020 en redressant les erreurs de calcul du tableau y annexé.

Voir aussi le procès-verbal du 29.01.2020 et complété le 27.04.2020 de l’AED.» 6) Il est à noter que ni les Bulletins, ni la lettre du 15 janvier 2020, ni aucun autre écrit du Bureau d’imposition ne fournissent d’explications ou d’arguments selon lesquels le livre de caisse de la Société ne serait pas conforme aux exigences du paragraphe 162 AO.

7) Le seul fondement qui a conduit le Bureau d’Imposition à considérer que le livre de caisse de la Société ne répond pas aux exigences du paragraphe 162 AO semble être le procès-verbal de l’AEDT du 29 janvier 2020, complété le 27 avril 2020 (…). Il est vrai que la loi du 19 décembre 2008 ayant pour objet la coopération interadministrative et judiciaire (ci-après la « Loi Coopération ») permet au Bureau d’Imposition de s’appuyer sur tout renseignement, pièce, procès-verbal ou acte découvert ou obtenu par l’AEDT.

Toutefois, cette faculté offerte au Bureau d’Imposition ne l’exempte pas de sa propre obligation d’instruction qui ressort du paragraphe 204 AO en vertu duquel :

8 « Die Steuerkontrollstelle hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind. » 8) Si le Bureau d’Imposition invoque un document émis par l’AEDT, il ne peut s’agir que d’un élément auxiliaire de son instruction et il ne peut en aucun cas être le seul fondement pour conclure à une violation d’une obligation en matière d’impôts directs. Les impôts directs et indirects sont régis par des lois fondamentalement différentes qui imposent des obligations différentes aux contribuables et assujettis.

9) En matière d’impôts directs, la comptabilité est considérée comme régulière quant à la forme lorsqu’elle répond aux exigences du paragraphe 162 AO. Afin de pouvoir rejeter la comptabilité d’un contribuable et pouvoir imposer sur base d’une estimation, le Bureau d’Imposition doit prouver que la comptabilité n’est pas régulière quant à la forme dans la mesure où elle ne respecte pas les prescriptions du paragraphe 162 AO. A cet égard, il est surprenant que le Bureau d’Imposition se base sur le procès-verbal de l’AEDT, non seulement parce que celui-ci ne contient aucune référence au paragraphe 162 AO, mais aussi parce que l’AEDT y mentionne explicitement :

« Les vérificateurs trouvent inadmissibles les allégations telles que « sur la régularité formelle de la comptabilité » ou « le rejet de comptabilité ». Ces termes n’ont pas été utilisés par les agents du Service Anti-fraude. » 10) Dans le cas présent, le Bureau d’Imposition a non seulement violé le principe du contradictoire en ne donnant pas à la Société la possibilité de prendre position de manière adéquate avant l’émission des Bulletins, mais est également resté en défaut d’apporter la moindre preuve qui lui permettrait de rejeter la comptabilité de la Société et de procéder à une majoration des recettes déclarées par la Société.

2. Quant au bien-fondé des arguments invoqués par l’AEDT dans son procès-verbal 11) Le procès-verbal de l’AEDT, à le supposer applicable, quod non, détaille les seuls reproches retenus envers la Société, raison pour laquelle nous allons également prendre position. Tout d’abord, il convient de noter que le procès-verbal ne contient aucun reproche quant au livre de caisse de la Société. Le procès-verbal fait surtout état de prétendues défaillances de la caisse enregistreuse de la Société.

12) En ce qui concerne la caisse enregistreuse de la Société, celle-ci permettait uniquement, au moment du contrôle, d’extraire une liste de toutes les opérations triées par plats/boissons vendus sur toute la période sous contrôle qui a été fournie à l’AEDT.

Néanmoins, l’AEDT aurait souhaité que la caisse enregistreuse puisse extraire des listes sur base quotidienne et/ou sur base d’une période déterminable. L’assujetti a expliqué à l’AEDT que la mémoire de la caisse enregistreuse du modèle « (EF) » datant de l’année 2009 n’est pas assez performante pour permettre une telle extraction. Les opérations quotidiennes saisies par les serveurs sont enregistrées pendant la journée dans la mémoire vive de la caisse enregistreuse. Au cours de la journée, les informations quant aux opérations peuvent être consultées et extraites sous différentes formes (par moyen de paiement, par serveur, par plats, etc.). Lorsque le restaurant clôture la journée, il est 9 possible d’imprimer une bandelette présentant les opérations de la journée sous différentes formes. Dans le cas de la Société, les bandelettes imprimées quotidiennement précisaient 1) le montant de recettes quotidiennes soumis au taux de TVA de 3 % et le montant de recettes quotidiennes soumis au taux de TVA de 17 %, 2) les montants payés par carte bancaire, en espèces, chèques repas, etc., 3) le nombre de corrections effectuées pendant la journée en cas d’opérations mal saisies et 4) la quantité de plats ou de boissons vendus. Après avoir imprimé la bandelette du jour concerné, pour des raisons d’économie de mémoire, les données sont compressées et transférées de la mémoire vive de la caisse enregistreuse vers la mémoire de masse de la caisse enregistreuse. Ce transfert est également indiqué sur les bandelettes quotidiennes qui mentionnent « Rapport est effacé ».

A partir de ce moment, les données ne sont disponibles que sous la forme fournie par la Société à l’AEDT. Même si la Société n’a pas pu extraire les informations de la caisse enregistreuse sous la forme souhaitée par l’AEDT pour les raisons techniques mentionnées ci-dessus, la Société a transmis toutes les bandelettes quotidiennes imprimées qui ont été requises par l’AEDT. L’AEDT admet dans son procès-verbal que les bandelettes et les tickets de caisse correspondent au livre de caisse. Les bandelettes coïncident non seulement avec le livre de caisse mais aussi avec le fichier FAIA, le grand livre, tout autre document de la comptabilité et les déclarations fiscales. Tous ces documents coïncident également entre eux. De plus, la caisse enregistreuse ne présente qu’un simple outil informatique de paiement et de gestion, la Requérante a maintenu en parallèle un livre de caisse manuscrit en bonne et due forme dont l’AEDT a pu prendre connaissance.

13) Nonobstant les explications et les documents fournis à l’AEDT, les vérificateurs estiment qu’en raison de l’absence de l’extraction souhaitée, ils sont dans l’impossibilité de vérifier si les données de la caisse sont conformes aux bandelettes, et notamment de contrôler si des corrections ont été apportées avant ou après l’impression des bandelettes.

14) Les bandelettes sont des extractions quotidiennes fidèles de la caisse enregistreuse. Il est impossible qu’elles ne correspondent pas aux opérations qui ont été saisies dans la caisse enregistreuse pendant la journée. Tout ajustement et correction d’une opération effectuée le même jour que l’opération est visible sur la bandelette du jour. Après l’impression de la bandelette en fin de journée, aucune modification y relative n’est possible. S’il s’avère qu’une saisie incorrecte a été effectuée lors d’une journée clôturée pour laquelle une bandelette a déjà été imprimée, un ajustement et/ou une correction a été effectué dans la comptabilité et la comptabilité de la Société en témoigne clairement. Une telle erreur a eu lieu le 2 juin 2017. Un serveur a accidentellement entré un « supplément cuisine » de … EUR, ce qui est totalement irréaliste. (…) 15) Dès que cette erreur a été constatée, elle a été corrigée dans la comptabilité de la Société.

A titre d’exemple, vous trouverez ci-dessous des extraits de compte « Caisse » du grand journal de la Société et du livre de caisse manuel de la Société : (…) 16) Sur base de cette erreur de saisie qui a été commise par un serveur et corrigée dès sa découverte, l’AEDT s’estime confortée dans l’idée que la caisse enregistreuse de la Société n’est pas fiable et présente donc de graves déficiences. Cependant, cette perception n’est pas correcte. La Société s’est comportée de manière totalement conforme à la loi et a rempli son obligation comptable en faisant en sorte que la 10 correction de l’erreur humaine soit clairement visible dans sa comptabilité et n’a pas essayé de la dissimuler en effaçant, sans trace, l’entrée comptable initiale.

17) Le fait que l’extraction souhaitée par l’AEDT ne soit pas possible ne devrait pas empêcher l’AEDT d’effectuer un contrôle efficace, car les documents comptables et informations qui ont été fournis à l’AEDT permettent clairement de suivre toute opération effectuée par la Société. Néanmoins, l’AEDT s’estime en droit de rejeter tout ce qui ressort des documents comptables de la Société et d’effectuer l’imposition qu’elle juge appropriée. L’AEDT se base principalement sur l’article 70 de la loi du 5 août 1969 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée (ci-après « LTVA ») qui dispose que :

« 1. A l’effet de permettre aux agents de l’administration de constater les infractions aux dispositions de la présente loi ou des règlements grand-ducaux pris pour son exécution, de même que de vérifier l’exacte perception de la taxe, toute personne sera tenue de leur communiquer sur demande les documents et factures qu’elle a reçus lors d’une livraison de biens ou d’une prestation de services et de leur fournir tous les renseignements relatifs à ces opérations.

La même obligation de communication incombe aux assujettis en ce qui concerne tous les livres, journaux et pièces comptables, les quittances, les extraits bancaires, les bons de commande et les documents d’expédition et de transport. Il en va de même des contrats relatifs à leur activité professionnelle, ainsi que des données concernant leurs caisses enregistreuses et leur gestion de stocks.

Sans préjudice des dispositions prévues au paragraphe 3 ci-après, tous ces documents sont à consulter sur place et ne peuvent être déplacés par les agents de contrôle que de l’accord des personnes en cause.

2. Sont également applicables les dispositions de l’article 31 de la loi du 28 janvier 1948 tendant à assurer la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession.

3. Les agents de l’administration ont le droit de retenir, pour les joindre à leurs procès-verbaux, les factures et autres documents qui prouvent les infractions visées au paragraphe 1 respectivement qui établissent ou qui concourent à établir l’exigibilité d’une taxe ou d’une amende. Ce droit ne s’étend pas aux livres commerciaux.

Lorsque les livres, documents et, généralement, toutes données, qui doivent être communiqués sur requête à l’administration, existent sous forme électronique, ils doivent être, sur demande de l’administration, communiqués, dans une forme lisible et directement intelligible, certifiée conforme à l’original, sur papier, ou suivant toutes autres modalités techniques que l’administration détermine. » 18) Malgré le fait que cet article ne trouve nullement application en matière d’impôts directs et que des critiques y ont été présentées de manière parallèle auprès de l’AEDT à la présente réclamation, nous allons y prendre position par souci d’exhaustivité.

19) Il semble en effet que l’AEDT lit dans la partie soulignée par nos soins de l’article qu’elle a le droit de demander à l’assujetti de mettre à leur disposition les données de leur caisse enregistreuse, sous la forme de présentation qu’elle peut choisir librement. Si l’assujetti 11 n’est pas en mesure de le faire, même si c’est pour des raisons qui sont extérieures à sa volonté, comme pour des raisons techniques, l’AEDT semble penser que la caisse enregistreuse présente une grave défaillance qui justifie une taxation d’office. Cependant, le droit pour l’AEDT de demander aux contribuables de transmettre les documents requis sous format papier ou sous forme électronique a été introduit par la Loi Coopération. Le Conseil d’Etat, dans son avis sur la Loi Coopération, fait référence aux « systèmes comptables » ou à la « correspondance commerciale » des entreprises. « Systèmes comptables » signifie les documents comptables, à savoir le grand livre, la balance, le journal, le bilan et le compte d’exploitation. La caisse enregistreuse ne fait pas partie ni du système comptable ni de la correspondance commerciale. La caisse enregistreuse est un outil qui permet à l’assujetti de garder une trace de toutes les opérations qui doivent être inscrites dans les documents comptables, il ne s’agit pas par contre d’un document comptable qui fait partie du système comptable.

20) En outre, l’article 70 LTVA se réfère uniquement à la manière dont les données doivent être transmises à l’AEDT (sur CD, par clé USB, par e-mail, sous quel format de données, etc.) et que les données doivent être transmises sous une forme lisible et directement compréhensible. L’article n’implique pas que l’AEDT ait le droit de déterminer librement la forme de présentation des données. En l’espèce, la Société a transmis électroniquement à l’AEDT, sous une forme lisible et compréhensible, les tickets de caisse, le livre de caisse, le grand journal, le fichier FAIA et tous les autres documents demandés. La Société a ainsi rempli son obligation envers l’AEDT. Le fait que l’extraction demandée n’ait pas été possible pour des raisons techniques n’est pas relevant pour le respect de cette obligation.

21) Enfin, l’AEDT reproche à la Société que les relevés de caisse du mois ont été inscrits uniquement une fois par mois dans le grand livre et non pas quotidiennement. Selon l’AEDT, une telle comptabilisation mensuelle des relevés de caisse serait contraire à l’article 11 du Code de commerce, qui prévoit que :

« Toutes les opérations sont inscrites sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates, soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux spécialisés. » 22) L’article invoqué par l’AEDT n’exige nullement que les relevés de caisses soient inscrits quotidiennement dans le grand livre. En effet, "sans retard" ne signifie pas quotidiennement. En outre, cette obligation ne couvre pas l’encodage des relevés de caisse, mais l’encodage des transactions dans un livre journal unique ou dans un système de journaux spécialisés. Dans votre circulaire L.G A n°63 du 15 septembre 2017, vous indiquez, Madame le Directeur, qu’ « un livre de caisse, journal destiné à retracer journellement les mouvements en espèces, constitue un tel journal spécialisé tel que préconisé par cette disposition (voir Trib. adm. du 17 octobre 2012, n°28948; Cour adm. du 4 juillet 2013, n° 31723C; Trib. adm. du 13 mai 2015, n° 33276a) ».

23) Dans le cas d’espèce, les transactions ont été enregistrées immédiatement dans la caisse enregistreuse et elles ont également été inscrites manuellement de manière journalière par le gérant de la Société dans le livre de caisse. L’obligation découlant de l’article 10 du Code de commerce a bel et bien été remplie. Le fait que les opérations ne soient inscrites qu’une fois par mois dans le grand livre de l’assujetti par la fiduciaire en 12 charge de la comptabilité de la Société ne fait pas obstacle à ce que l’assujetti ait rempli cette obligation. Spécifiquement, dans un cas comme le cas présent, où l’assujetti a chargé un comptable externe de faire la comptabilité pour lui, un certain temps peut s’écouler entre l’opération et l’inscription de cette opération dans les livres comptables sans que cela ne soit préjudiciable à la conformité de la comptabilité. Cela a été récemment confirmé par la Cour administrative qui explique qu’ « un contribuable doit être admis à charger un comptable externe de la confection de ses comptes et à rassembler ses pièces comptables relatives aux opérations d’une certaine période pour les transmettre en bloc au comptable en vue de leur enregistrement au lieu de devoir assurer une transmission immédiate et continue au comptable de tous les documents relatifs aux opérations à comptabiliser. » 24) Le fait qu’il ne soit absolument pas nécessaire de procéder à des enregistrements quotidiens des relevés de caisse ressort également de la doctrine allemande y relative qui explique que :

« ist sowohl beim Einsatz von Haupt- als auch beim Einsatz von Vor- oder Nebensystemen eine Verbuchung im Journal des Hauptsystems (z.B. Finanzbuchhaltung) bis zum Ablauf des folgenden Monats nicht zu beanstanden, wenn die einzelnen Geschäftsvorfälle bereits in einem Vor- bzw.

Nebensystem aufbewahrt werden. Diese Anforderungen werden durch den Einsatz einer Registrierkasse grundsätzlich erfüllt. Eine Registrierkasse ist ein Vor- bzw. Nebensystem » 25) L’AEDT dans son procès-verbal et le Bureau d’Imposition dans sa lettre au titre du paragraphe 205(3) AO et les Bulletins fondent leur argumentaire quant à l’irrégularité de la comptabilité de la Société sur des défauts accidentels et occasionnels de la comptabilité de la Société. Il échet cependant de constater que le procès-verbal de l’AEDT contenait lui-même des erreurs dans le calcul des marges ajustées. Ces erreurs ont été reprises par l’ACD dans sa lettre au titre du paragraphe 205(3) AO. Une fois que nous avons signalé les erreurs de calcul à l’AEDT et au Bureau d’Imposition, celles-ci ont été rectifiées dans les Bulletins et les bulletins de taxations d’office émis par l’AEDT. Par conséquent, vous conviendrez que la présence occasionnelle d’erreurs (d’ailleurs rectifiées) dans les documents comptables de la Société ne justifie nullement le rejet de la comptabilité. Sur ce point, la doctrine luxembourgeoise considère qu’ « il faut être réaliste : toute comptabilité, si bien qu’elle soit tenue sera probablement entachée de quelques imperfections, et si tout manquement mineur aux règles tracées par le §162 AO devait entraîner obligatoirement la perte du caractère régulier des écritures comptables il n’y aurait gère de comptabilité régulière ».

26) L’AEDT n’a donc pas été en mesure de fournir des arguments fondés et valables dans son procès-verbal ni concernant la conformité de la caisse enregistreuse, ni concernant le moment de la comptabilisation des opérations. La régularité formelle de la comptabilité ne peut donc, sur la base du procès-verbal, être remise en cause par l’AEDT et encore moins par le Bureau d’Imposition. Étant donné que la comptabilité est formellement correcte et répond aux exigences de la LTVA et aux exigences du paragraphe 162 AO, le contenu de la comptabilité est présumé correspondre à la réalité 13 en vertu du paragraphe 208 AO, de sorte que l’imposition de la Société doit être basée sur la comptabilité et non sur des estimations.

27) En raison de la présomption du paragraphe 209 AO, la conformité du contenu de la comptabilité ne peut être remise en question. Néanmoins, le Bureau d’Imposition dans sa lettre émise en vertu du paragraphe 205(3) AO et l’AEDT dans son procès-verbal allèguent que les marges déclarées par la Société ne correspondaient pas aux marges usuelles que les restaurants-pizzeria réaliseraient. Pour arriver à cette conclusion, l’AEDT prétend se baser sur la marge moyenne des restaurants identiques et comparables, dans les alentours de Bettembourg, qui proposent des boissons, plats et desserts traditionnels et/ou typiques italiens.

28) Dans le souci du respect du contradictoire, il est cependant nécessaire d’avoir davantage de précisions sur les restaurants retenus et la méthode expliquant le résultat du calcul de la marge moyenne retenue (de faire référence aux minima et maxima ainsi que tout autre outil statistique). Ceci afin de pouvoir expliquer les différences éventuelles entre les entreprises que l’AEDT a prises en compte et le restaurant de la Société. Cette approche ressort clairement des commentaires allemands sur la Reichsabgabenordnung selon lesquels „Da der Stpfl jedoch in der Lage sein muss, sich darüber zu äußern, ob der Vergleichsbetrieb oder das Vergleichsgrundstück mit dem seinen vergleichbar ist, ist es erforderlich, dass ihm alle Einzelheiten über diesen Betrieb oder das Grundstück, soweit sie entscheidungserheblich sind, mitgeteilt werden. Eine Erwähnung dieser Einzelheiten ohne Angabe des Eigentümers verletzt das Steuergeheimnis nicht, auch wenn die bekanntgegebenen Einzelheiten auf einen bestimmten Betrieb oder auf ein bestimmtes Betriebsgrundstück schließen lassen.“ 29) A titre de conclusion, ni l’AEDT ni le Bureau d’imposition n’ont fourni d’arguments suffisants pour remettre en cause la régularité formelle de la comptabilité de la Société, et ils n’ont en aucune façon prouvé que la comptabilité sur le fond n’était pas correcte.

(…) » Considérant que la réclamante invoque donc plusieurs arguments différents afin de justifier sa requête, à savoir les suivants :

1) L’absence de preuve quant à l’irrégularité de la comptabilité  le courrier émis par le bureau d’imposition en date du 15 janvier 2020 n’aurait pas respecté le droit d’être entendu en vertu du § 205, alinéa 3 AO, étant donné qu’il y ferait défaut la disposition légale qui aurait été violée et la raison pour laquelle elle aurait été violée,  le bureau d’imposition n’aurait pas respecté les dispositions du § 205, alinéa 3 AO, étant donné que dans les bulletins litigieux émis, il aurait indiqué des motifs basés sur un autre raisonnement que dans son courrier précité,  se basant uniquement sur le procès-verbal de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, le bureau d’imposition n’aurait pas rempli son obligation d’instruction en vertu du § 204 AO, 14  le bureau d’imposition n’aurait pas prouvé l’irrégularité de sa comptabilité, étant donné que le procès-verbal précité ne contiendrait aucune référence au § 162 AO et qu’il mentionnerait explicitement que les agents du service Anti-fraude n’auraient pas utilisé les termes de « régularité » ou de « rejet » en relation avec sa comptabilité, 2) Quant au bien-fondé des arguments du procès-verbal  le procès-verbal ne contiendrait aucun reproche quant au livre de caisse, mais uniquement à l’égard de la caisse enregistreuse,  les vérificateurs auraient estimé à tort être dans l’impossibilité de vérifier les données de la caisse enregistreuse, étant donné que même si la caisse enregistreuse, pour des raisons de limitations techniques, n’aurait pas imprimé les données sous la forme « souhaitée » par les vérificateurs, la situation journalière aurait tout de même été documentée de manière fidèle à travers des bandelettes imprimées de la caisse enregistreuse, au vu d’une erreur de saisie redressée dans la comptabilité, les vérificateurs auraient estimés à tort que la caisse enregistreuse présenterait de graves déficiences, alors que cette erreur aurait été corrigée de bon droit,  toutes les transactions auraient été inscrites de manière journalière dans un journal (le livre de caisse) et ainsi la comptabilisation aurait eu lieu en conformité avec l’article 11 du Code de commerce,  dans un esprit de respect du contradictoire, il serait nécessaire d’avoir davantage de précisions sur les restaurants retenus et la méthode expliquant le résultat du calcul de la marge bénéficiaire retenue ;

Considérant, en ce qui concerne les allégations et arguments invoqués par la réclamante, qu’il y a lieu d’y répondre comme suit :

ad 1) Considérant que le bureau d’imposition a émis, en date du 15 janvier 2020, un courrier en vertu du § 205, alinéa 3 AO, informant la réclamante qu’après avoir effectué un contrôle fiscal, il avait l’intention de procéder à une majoration des recettes et que cette majoration serait à considérer comme une distribution cachée de bénéfices soumise à la retenue sur revenus de capitaux ;

Considérant que le § 205, alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Recht auf Gehör ») dont le but est d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale ;

Considérant que le § 205, alinéa 3 AO se lit comme suit : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen » ; qu’il n’en découle pas que le bureau d’imposition serait dans l’obligation de communiquer les dispositions légales afférentes aux redressements envisagés dans son courrier ;

Considérant que, « lorsque le réviseur a vérifié la comptabilité dans l’exploitation même du contribuable, qui a été tenu au courant des résultats des investigations, celui-ci disposait de toutes les données requises pour faire valoir ses droits de défense en pleine connaissance de 15 cause de sorte que la notion « ausreichendes Gehör » (§ 205) n’a pas été violée » (Conseil d’Etat, 8 décembre 1970, n° 6042) ;

Considérant que le contrôle de la réclamante a eu lieu le 25 septembre 2019 ; qu’en date du 15 janvier 2020, un courrier en vertu du § 205, alinéa 3 AO a été émis ; que le procès-verbal a été émis en date 30 janvier 2020; que le procès-verbal a été complété en date du 27 avril 2020 en reprenant les observations de la réclamante ; que les bulletins litigieux ont été émis en date du 10 juin 2020; que, compte tenu de ce qui précède, la réclamante disposait de toutes les informations nécessaires pour exercer son droit d’être entendu et que c’est à tort qu’elle invoque la violation du § 205, alinéa 3 AO ;

Considérant que le procès-verbal a été dressé par le réviseur du Service Anti-fraude de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, sur base d’un contrôle qui a eu lieu en date du 25 septembre 2019 ; que ce contrôle a été exercé conjointement par des agents de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA et des agents du bureau d’imposition respectivement du service de révision de l’Administration des contributions directes ; que le procès-verbal a été dressé en tenant compte des constatations émanant des agents de l’Administration des contributions directes ; qu’en l’occurrence la réclamante ne peut pas prétendre que le bureau d’imposition n’aurait pas rempli son obligation d’instruction en vertu du § 204 AO ;

Considérant que, lors du contrôle, les agents ont constaté des irrégularités concernant la caisse enregistreuse, la tenue du livre de caisse et la conservation adéquate des pièces comptables ; que ces irrégularités, telles que constatées, furent reprises dans le procès-verbal de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ; que même si le procès-verbal ne fait pas expressément référence au § 162 AO et contient des observations des vérificateurs de l’AED indiquant que la terminologie de « rejet » ou « d’irrégularité » de la comptabilité de la réclamante n’avait pas été utilisée par leurs soins, il n’en reste pas moins que ces irrégularités furent constatées, qu’elles constituent une violation du § 162 AO et qu’elles furent invoquées de bon droit par le bureau d’imposition pour rejeter la comptabilité de la réclamante ;

ad 2 Considérant qu’en vertu de l’article 11 du Code de commerce (C.C.) toutes les opérations sont à inscrire sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates, soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux spécialisés ; que le contrôle a révélé que, pour l’année 2015 et l’année 2016, une partie des écritures émanant de mois entiers a été comptabilisée comme étant réalisée entièrement au début du mois afférent ; qu’en l’occurrence, en ce qui concerne les années 2015 et 2016, les opérations ne figurent pas dans la comptabilité par ordre de dates et ne sont partant pas conformes à l’article 11 C.C. ;

Considérant que le § 162, alinéa 7 AO « impose la tenue d’un registre reprenant journellement les écritures de caisse (« Kasseneinnahmen und -ausgaben sollen im geschäftlichen Verkehr mindestens täglich aufgezeichnet werden ») et cette obligation est définie de manière plus générale à l’article 10 du Code de commerce, selon lequel « toute comptabilité est tenue selon un système de livres et de comptes conformément aux règles usuelles de la comptabilité en partie double. Toutes les opérations sont inscrites sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates, soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux spécialisés. Dans ce dernier cas, toutes les données inscrites dans les journaux spécialisés sont introduites, avec indication des différents comptes mis en mouvement, par voie de centralisation dans un livre centralisateur unique », étant précisé qu’un livre de caisse, 16 journal destiné à retracer journellement les mouvements en espèces, constitue un tel journal spécialisé tel que préconisé par cette disposition. Les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base. Les premiers juges ont encore rappelé à juste titre que tous ces documents tombent dans le champ de l’obligation de conservation décennale des pièces comptables. » (Cour administrative du 4 juillet 2013, n° 31723C du rôle) ;

Considérant qu’en vertu du § 162, alinéa 5 AO, les livres comptables (journaux et livre d’inventaire) doivent offrir des garanties suffisantes de sincérité et ainsi, ils doivent être tenus sans blancs, ni lacunes, ni altérations d’aucune sorte ; que cette interdiction est également valable à l’encontre des caisses enregistreuses ou des systèmes points de vente qui doivent contenir des sécurités permettant de retracer l’opération originale en cas de suppression ou de modification ;

Considérant que la réclamante a tenu un livre de caisse et qu’à son appui elle a imprimé chaque jour un relevé de sa caisse enregistreuse ; que, contrairement à ses dires, le contrôle a dévoilé que ces relevés ne comprenaient pas les détails nécessaires pour vérifier la bonne tenue du livre de caisse, d’autant plus que certains relevés n’ont pas pu être fournis au réviseur ; que, « pour des raisons d’économie de mémoire », les données de la caisse enregistreuse furent stockées dans sa mémoire de « masse » et que selon les dires de la réclamante, ce stockage ne permettrait plus de consulter ces données par ordre journalier ;

Considérant que la réclamante reste donc en défaut de documenter son livre de caisse par des pièces probantes et rétractables ; qu’il en découle, le § 162 AO n’ayant pas été respecté, que c’est à juste titre que le réviseur a constaté de graves défaillances et irrégularités quant à la tenue de la comptabilité de la réclamante ;

Considérant donc que, contrairement aux allégations de la réclamante, l’irrégularité de la comptabilité ne fut pas constatée pour les seules raisons que la caisse enregistreuse n’était pas en mesure de fournir les données sous la « forme souhaitée par les vérificateurs » et la découverte de quelques « imperfections » / « erreurs humaines » ;

Considérant que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ; qu’au vu de ce qui précède, la présomption de régularité de la comptabilité au sens du § 208, alinéa 1er AO a dès lors été renversée ; que le bureau d’imposition était donc tenu, conformément au § 217 AO et plus précisément sur pied du 2ème alinéa de ce même paragraphe, d’effectuer une taxation des recettes qu’il estimait dissimulées ;

Considérant que « le paragraphe 217 LGI [AO] constitue la base légale de la taxation (« Schätzung »), c’est-à-dire le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire (cf. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in études fiscales n°s 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et trib. adm.

26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Impôts, n° 146 et autre référence y citée).

La taxation ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition qui est appliqué même à l’égard des contribuables soigneux et diligents (cf. Jean OLINGER, ibidem et trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Impôts, n° 147).

17 (…) La taxation consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative, ce procédé comportant nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude. (…) Pour le surplus, les contribuables ne doivent s’imputer qu’à eux-mêmes les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation, lorsque c’est par suite de leur propre comportement fautif qu’il a été nécessaire de recourir à cette mesure (cf. CE 11 avril 1962, n°5742 du rôle). » (Tribunal administratif du 19 juin 2000, n° 11295 du rôle) Considérant, en ce qui concerne la vérification des marges bénéficiaires de la réclamante, que le procès-verbal du contrôle du 25 septembre 2019 a retenu les constatations suivantes :

b) Analyse de la marge bénéficiaire À noter de plus que lors des pourparlers avec le chef cuisiner et le chef de bar, ces derniers assument que leur mode de calcul pour l’évaluation de leurs propres marges ne reflète pas non plus la réalité des quantités effectivement utilisées ; ainsi (AB) indique utiliser 200 gramme de riz sec par assiette pour un plat de poisson, alors qu’en réalité il faut parler de 200 grammes de riz cuit. […] Les 4 plats repris ci-avant démontrent les disparités quant aux quantités prétendument utilisées par (AB).

A noter que sur base de l’ensemble des recettes déclarées, les vérificateurs ont pu extraire un rapport précis quant à la répartition des divers plats, desserts, boissons etc.

Le rapport boisson/restaurant est ainsi en moyenne de 33,83%/66,17% Plus précisément, la clé de répartition pour déterminer le rapport des boissons alcoolisées/non alcoolisées ainsi que les divers types de plats se présentent comme suit5 : […] Au vu des déficiences aggravées constatées dans l’extraction des données de la caisse enregistreuse dont le chiffre d’affaire exact ne peut pas être établi de manière précise, des marges bénéficiaires nettement inférieures par rapport au secteur HORESCA et finalement des témoignages contradictoires sur la quantité des produits utilisés, les vérificateurs émettent des doutes quant à l’exactitude de la caisse enregistreuse et des déclarations déposées.

Dès lors les vérificateurs, en tenant compte de la consommation personnelle, de la variation des stocks et des déchets alimentaires dans la cuisine (7,5%) tablent autour de marges dont le minima est 347% (2018) et le maxima 360% (2016) suivantes : […] Considérant, compte tenu de ce qui précède, que c’est à juste titre que le bureau d’imposition a procédé à une estimation des revenus en vertu du § 217 AO ; que le service 5 Pour mémoire il s’agit de la période du 10 août 2015 au 25 septembre 2019. Voir également note bas de page.

18 de révision n’a pas reçu d’explications concluantes concernant les irrégularités qu’il a constatées lors du calcul des marges bénéficiaires ; qu’il a constaté des témoignages contradictoires sur la quantité des produits utilisés ; que les marges bénéficiaires appliquées par le bureau d’imposition afin d’estimer les revenus de la réclamante sont à confirmer, au vu des lacunes importantes dans la tenue des pièces comptables, du comportement peu, voire non coopératif et des marges bénéficiaires comparables dans le secteur, de même que les taxations sont à confirmer ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2021, la société (AB) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur du 6 novembre 2020, précitée, portant rejet de sa réclamation introduite le 10 septembre 2020 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers des années 2015 à 2017, tous émis le 10 juin 2020.

Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en réformation, le déclara justifié quant au fond et réforma partant la décision directoriale du 6 novembre 2020 en ce sens que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers des années 2015, 2016 et 2017, émis le 10 juin 2020, sont à annuler pour vice de procédure, renvoya l’affaire devant le directeur en prosécution de cause, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et rejeta la demande de la société demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure tout en condamnant l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 7 novembre 2022, l’Etat a régulièrement interjeté appel contre le jugement précité.

Quant à la violation alléguée du § 205, alinéa (3), AO Moyens des parties La partie étatique souligne que le jugement entrepris se limite à exclusivement retenir une violation de la forme de l’imposition sans pour autant aborder le fond de cette dernière.

Elle estime que les exigences du § 205, alinéa (3), AO auraient été parfaitement respectées au cours de la procédure d’imposition et que ce serait à tort que ledit jugement a retenu une violation du principe du contradictoire. Selon elle, le courrier du 15 janvier 2020 respecterait les exigences du § 205, alinéa (3), AO. Le contribuable aurait noué un dialogue contradictoire avec l’administration en fournissant ses propres calculs de marges, en ayant assisté au contrôle sur place et en ayant pu prendre connaissance et position en réponse aux marges redressées retenues par l’ACD. Elle ajoute que le courrier du 15 janvier 2020 précité porterait à la connaissance de la société intimée l’indication chiffrée du redressement envisagé, le calcul des marges retenues pour les différentes catégories de vente du restaurant et le « chiffre de 19 chida théorique » redressé et que ces informations auraient permis au contribuable de répondre en connaissance de cause et de formuler des critiques à l’encontre des redressements lui signifiés. La société intimée serait dès lors malvenue d’invoquer une violation du principe du contradictoire et cela d’autant plus que les marges critiquées auraient déjà été retenues dans le procès-verbal de l’AEDT, procès-verbal sur lequel elle aurait également pris position en plus des nombreux échanges de courriels entre l’ACD et la fiduciaire de la société intimée.

D’après le délégué du gouvernement, l’envergure et l’exactitude des calculs de marges bénéficiaires relèveraient du fond et ne sauraient être appréciées sous l’angle du § 205, alinéa (3), AO comme l’auraient fait à tort les premiers juges qui n’auraient pas établi de stricte séparation entre la forme et le fond de l’affaire au point d’aborder la question du calcul des marges dans le cadre de la régularité formelle. Selon lui, le respect du § 205, alinéa (3), AO ne devrait pas porter sur la justification des paramètres et du détail des calculs de marges retenus dans le cadre de la taxation d’office, mais plutôt sur la nature des informations à transmettre au contribuable afin qu’il puisse utilement prendre position par rapport au redressement envisagé par l’administration. A cet égard, la partie étatique souligne que la violation du § 205, alinéa (3), AO s’analyserait à partir de l’attitude du contribuable et que si celui-ci a été mis en mesure de répondre aux redressements envisagés, tel que cela aurait été le cas en l’espèce, une violation du § 205, alinéa (3), AO ne saurait être retenue. Selon elle, la société intimée aurait été informée à chaque étape des calculs et estimations effectués par l’administration, de sorte à avoir pu soumettre ses propres calculs de marges. En outre, les calculs de marges de l’administration auraient été communiqués à la société intimée par courriel du 6 novembre 2019 préalablement à l’émission du bulletin d’impôt litigieux et la société intimée aurait utilement pris position par rapport à ce courriel et n’aurait à aucun moment fait état de son incompréhension par rapport aux calculs retenus pour les redressements qui lui auraient été communiqués.

Quant à la question particulière des marges usuelles, l’Etat soutient que cet aspect ne serait pertinent ni pour la forme ni pour le fond du litige. Le délégué du gouvernement affirme que la référence aux marges usuelles proviendrait d’une mention malencontreuse contenue dans le rapport de contrôle sur place dressé par le bureau d’imposition de l’ACD. Cette mention serait à remettre dans son contexte, au motif que le contrôle sur place aurait été déclenché du fait des marges du restaurant qui auraient été inhabituellement basses pour une pizzeria. Néanmoins, le calcul des marges finales aurait été vérifié in concreto lors du contrôle sur place et s’appuierait sur les données comptables échangées avec la fiduciaire. Il s’agirait donc de données objectives, vérifiables et intégralement communiquées à la société intimée.

Il conviendrait partant de réformer le jugement entrepris au motif que la décision directoriale serait à confirmer et que les bulletins critiqués ne seraient pas à annuler pour violation du § 205, alinéa (3), AO.

Selon la société intimée, le respect du § 205, alinéa (3), AO ne pourrait se limiter à une communication quelconque entre l’ACD et le contribuable. Cette garantie procédurale exigerait bien au contraire que le contribuable soit en mesure de comprendre les points sur lesquels l’administration entendrait le redresser, de sorte qu’il appartiendrait aux agents de l’ACD de placer le contribuable dans une situation lui permettant de prendre utilement position par rapport aux propositions de redressement lui signifiées. Dans le cas où l’administration se baserait sur une comparaison avec d’autres contribuables, le respect du contradictoire exigerait que le contribuable comprenne à quels autres contribuables il serait comparé et qu’il puisse éventuellement réfuter ladite comparabilité, tel que cela résulterait de la doctrine allemande.

Selon la société intimée, une telle exigence découlerait également en droit interne de l’article 60 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant lesjuridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 », puisque cet article reconnaîtrait le droit du contribuable de prendre connaissance des comparables utilisés par l’ACD.

Selon la société intimée, il serait indéniable que la taxation d’office repose principalement sur la conviction du Service de révision que les marges qu’elle a déclarées ne correspondraient pas aux prétendues « marges usuelles ». En effet, en sus de la lettre du 15 janvier 2020 du bureau d’imposition de l’ACD, un rapport intitulé « rapport concernant le contrôle du 25/09/2019 », indiquerait explicitement que l’ACD se serait basée sur des marges usuelles pour redresser ses marges. La société intimée soutient que le respect du principe du contradictoire aurait exigé la communication des particularités prises en compte par le Service de révision, les contribuables considérés comme comparables pour l’établissement de ces marges usuelles, dans le respect du secret fiscal, et les marges réalisées par ces contribuables considérés comme étant comparables. Or, l’administration n’ayant pas communiqué ces éléments à la société intimée, celle-ci estime ne pas avoir été en mesure de prendre adéquatement position sur les marges usuelles utilisées par l’ACD et sur les contribuables sélectionnés comme étant comparables à son activité de restauration. La société intimée fait valoir qu’elle aurait coopéré avec l’administration en vue d’établir les marges réalisées au cours des années contrôlées, mais que l’administration serait restée en défaut d’expliquer les marges usuelles employées, de sorte que le § 205, alinéa (3), AO et l’article 60 de la loi du 21 juin 1999 auraient été méconnus par l’administration.

Analyse de la Cour La Cour relève que les parties sont en désaccord sur la question du respect, par le bureau d’imposition, de la consultation préalable prévue au § 205, alinéa (3), AO.

Le § 205, alinéa (3), AO dispose que : „Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen“.

Cette disposition n’est autre que la consécration et une application particulière, au niveau de la procédure d’imposition, du principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration des décisions administratives, encore généralement consacré en droit fiscal par le § 204, alinéa (1), AO (« Anspruch auf Gehör »).

Ledit paragraphe met à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, une obligation de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration. Par contre, lorsque la divergence de vues mise en avant par le contribuable s’analyse en substance purement en une question d’application de la loi qui relève de la compétence du bureau d’imposition, le contribuable n'a pas droit à être entendu préalablement à l'établissement du bulletin d'imposition.

C’est à bon droit que la partie étatique souligne que la consultation préalable du contribuable ne doit pas aboutir à un formalisme excessif et que l’envergure des indications à lui fournir doit être définie d’après les spécificités de chaque cas d’imposition. En outre, les données qui sont déjà connues dans le cadre du cas d’imposition et notamment les informations fournies par le contribuable lui-même ne doivent pas faire l’objet d’une information préalable en vue de sa prise de position (Cour adm., 29 juillet 2009, n° 25536C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 909).Dans le cas d’espèce, la Cour relève que par un courrier du 15 janvier 2020, le bureau d’imposition de l’ACD a informé la société intimée, conformément au § 205, alinéa (3), AO, qu’il entendait procéder à des redressements pour les années 2015 à 2017.

L’origine de ces redressements a été clairement mentionnée par le bureau d’imposition de l’ACD comme résultant d’un contrôle fiscal commun mené conjointement avec l’AEDT en date du 25 septembre 2019.

Dans le courrier précité du 15 janvier 2020, le bureau d’imposition justifie les majorations de recettes opérées à partir de la mention suivante : « (…) En tenant compte de vos achats et en appliquant des marges usuelles pour un restaurant-pizzeria de votre format, les recettes sont à majorer de … euros pour 2015, de … euros pour 2016 et de … euros pour 2017 ».

Le recours aux marges usuelles comme éléments à la base des redressements opérés à l’encontre de la société intimée se dégage également de diverses sources administratives concordantes.

En effet, préalablement au courrier en exécution du § 205, alinéa (3), AO, deux autres documents en provenance de l’administration des Contributions directes indiquent que les marges usuelles ont eu une incidence certaine pour redresser les marges de la société intimée, car celles-ci ont été jugées inférieures aux marges usuelles de pizzerias dites comparables.

Premièrement, dans le rapport intitulé « Rapport concernant le contrôle du 25/09/2019 » du bureau d’imposition de l’ACD, qui semble avoir été dressé en date du 19 octobre 2020 et qui n’a pas fait l’objet d’une communication préalable à la société intimée avant la phase contentieuse devant les premiers juges, la justification des redressements pour l’année 2015 est motivée comme suit : « majoration des recettes sur base des marchandises engagées tenant compte des différentes marges usuelles sur boisson, plats viandes/poisson, pâtes et pizzas ».

Cette mention est également complétée par une justification complémentaire sur la détermination de la partie relative à la marge et dont la teneur est la suivante : « Les marges déclarées par le contribuable ont été calculées en prenant comme base un plat prêt à être servi (càd cuit), calcul redressé sur base des marges usuelles utilisées par le Service de révision ».

Deuxièmement, le recours aux marges usuelles à la base des redressements opérés par le bureau d’imposition de l’ACD se dégage également d’un courriel du réviseur, Monsieur …, daté du 25 novembre 2019, dans lequel il indique à la fiduciaire de la société intimée que “D'marge déclarée ass wäit enner enger Marge usuelle”.

Enfin, l’incidence des marges usuelles retenues dans les redressements mis en compte à travers les bulletins du 10 juin 2020 se dégage encore des tableaux de calcul des redressements qui figurent dans les versions tant initiale du 29 janvier 2020 et complétée du 27 avril 2020 du procès-verbal du contrôle sur place du Service anti-fraude de l’AEDT et en annexe du courrier du bureau d'imposition de l’ACD du 15 janvier 2020. Lesdits tableaux se fondent en effet sur les montants des achats de boissons et de denrées alimentaires au cours des exercices en cause, tels qu’ils se dégagent de la comptabilité de la partie intimée, et y appliquent la « marge retenue » pour chaque catégorie de boissons et les plats pour aboutir à des chiffres d’affaires théoriques pour les mêmes exercices dont la confrontation aux chiffres d’affaires comptabilisés aboutit à la différence de chiffre d’affaires considéré comme fraudé.Eu égard à ce qui précède, la Cour ne saurait suivre la partie étatique dans son affirmation selon laquelle la mention des marges usuelles ne serait qu’une indication malencontreuse qui se serait glissée dans le rapport du bureau d’imposition actant les conclusions du contrôle sur place du 25 septembre 2019.

En effet, il résulte clairement de la correspondance précitée, du rapport du bureau d’imposition de l’ACD du contrôle sur place du 25 septembre 2019 et des tableaux de calcul des redressements y repris que les marges usuelles ont eu une incidence certaine dans le calcul du redressement des marges finales retenues à l’encontre de la société intimée.

Or, eu égard aux redressements retenus sur le fondement des marges dites usuelles, il appartenait au bureau d’imposition de fournir des explications à la société intimée quant à l’origine des « marges retenues » et aux facteurs de comparaison qui auraient permis de considérer que ces marges correspondaient à celles qui étaient usuelles parmi un échantillon d’établissements de restauration comparable à celui exploité par la partie intimée.

En effet, ces informations, en ce qu’elles constituent un des motifs à la base des redressements établis, auraient dû être transmises à la société intimée, dès la phase administrative, afin de lui permettre de prendre position, de manière informée, sur l’origine et l’ampleur des redressements envisagés.

Ces marges usuelles concrètes constituent dès lors un élément factuel fondamental qu’il incombait au bureau d’imposition de communiquer à la société intimée dans le respect du principe du contradictoire ancré au § 205, alinéa (3), AO.

Il ne se dégage néanmoins d’aucun élément en cause qu’une communication aurait été faite, par l’ACD, à la partie intimée en vue de lui fournir des explications concernant l’origine des « marges retenues » et les facteurs de comparaison à la base de ces marges soit dans le cadre de la communication des résultats du contrôle sur place, soit au plus tard avec le courrier du bureau d'imposition de l’ACD du 15 janvier 2020.

Le bureau d’imposition de l’ACD s’est plutôt limité à informer la société intimée du redressement envisagé sans jamais lui permettre de connaître le détail des éléments extérieurs de comparaison à partir desquels il a déterminé les marges retenues à son encontre et plus particulièrement les marges usuelles utilisées comme éléments de comparaison avec des restaurants dits de formats comparables.

Par suite, c’est à juste titre que les premiers juges ont conclu que la décision directoriale a entériné une violation du principe de la consultation préalable par le bureau d’imposition, étant donné qu’en s’abstenant de communiquer des informations concrètes quant aux marges usuelles utilisées pour la fixation des marges redressées de la société intimée, le bureau d’imposition a méconnu le § 205, alinéa (3), AO.

Par conséquent, en méconnaissant les dispositions du § 205, alinéa (3), AO pour les années litigieuses, le bureau d’imposition a violé une formalité substantielle destinée à protéger les intérêts de la société intimée (cf. Cour adm., 14 juillet 2015, n° 35428C, Pas. adm.

2022, V° Impôts, n° 899).

Partant, le non-respect du § 205, alinéa (3), AO, doit entraîner l’annulation des bulletins d’impôt pour les années 2015, 2016 et 2017 (cf. Cour adm., 10 décembre 2002, n° 15261C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 912).Il découle de ces développements que l’appel sous examen laisse d’être justifié et que le jugement entrepris est à confirmer.

Quant à l’indemnité de procédure Sans contester le rejet, par le tribunal, de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance, l’appelant sollicite une indemnité de procédure de 7.500 euros pour l’instance d’appel, pour avoir dû notamment recourir aux services rémunérés d’un avocat afin de faire valoir ses droits.

Cette demande est à accueillir en son principe eu égard à la solution au fond et la Cour évalue l’indemnité à allouer ex aequo et bono au montant de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 7 novembre 2022 en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute l’Etat, partant, confirme le jugement entrepris du 28 septembre 2022, condamne l’Etat à payer à la société anonyme (AB) S.A. une indemnité de procédure de 4.000 euros pour l’instance d’appel, met les dépens de l’instance d’appel à charge de l’Etat.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 15 juin 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 juin 2023 Le greffier de la Cour administrative 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48144C
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-15;48144c ?

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