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15/06/2023 | LUXEMBOURG | N°47813C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 juin 2023, 47813C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47813C ECLI:LU:CADM:2023:47813 Inscrit le 12 août 2022

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Audience publique du 15 juin 2023 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2022 (n° 44517 du rôle) en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47813C du rôl...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47813C ECLI:LU:CADM:2023:47813 Inscrit le 12 août 2022

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Audience publique du 15 juin 2023 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2022 (n° 44517 du rôle) en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47813C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 12 août 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par son gérant commandité en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par son gérant Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme (AB), établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son administrateur unique en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 4 juillet 2022 (n° 44517 du rôle) par lequel le tribunal rejeta la demande tendant à la jonction dudit recours avec celui inscrit sous le numéro 44515 du rôle, reçut en la forme le recours en réformation à l’encontre d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, référencée sous le numéro … et datée du 13 février 2020, au fond le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et débouta la société demanderesse de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en la condamnant aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 novembre 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, représentée par Maître Alain STEICHEN, pour compte de la société anonyme (AB) ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 19 janvier 2023.

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Il est constant que la société à responsabilité limitée (CD), ci-après la « société (CD) », et la société anonyme (AB), ci-après la « société (AB) », font partie d’un groupe de sociétés ayant opté pour le régime de l’intégration fiscale, tel que prévu par l’article 164bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », la société (AB) étant la société intégrante, tandis que la société (CD) est l’une des sociétés intégrées du groupe.

Il est encore constant que la société (CD) a fait l’objet d’un contrôle fiscal qui a donné lieu à un rapport dressé le 25 juillet 2019 par le réviseur du Service révision de l’administration des Contributions directes, couvrant la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014.

A la suite de ce contrôle, le bureau d’imposition Sociétés Esch de l’administration des Contributions directes émit, en date du 14 août 2019, à l’encontre de la société (CD) les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2011, les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012, le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2012, les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2013, ainsi que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014.

Le 25 septembre 2019, le bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de la société (AB) les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2013.

Le 30 octobre 2019, le même bureau d’imposition émit à l’encontre de la société (AB) les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2012, ainsi que les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2014.

Par courrier conjoint de leur mandataire du 14 novembre 2019, réceptionné le même jour, les sociétés (CD) et (AB) introduisirent auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur », des réclamations à l’encontre des bulletins d’imposition énumérés ci-avant.

Le 13 février 2020, le directeur statua sur ces réclamations par deux décisions séparées, l’une prise à l’encontre de la société (CD), référencée sous le numéro …, et l’autre prise à l’encontre de la société (AB), référencée sous le numéro ….

Dans la première de ces décisions, le directeur, d’une part, déclara irrecevables les réclamations dirigées par la société (CD) contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011 et 2012, émis le 14 août 2019, ainsi que celles introduites contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2013 et 2014, également émis le 14 août 2019, et, deuxièmement, rejeta la réclamation dirigée par ladite société à l’encontre du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2012, lui aussi émis le 14 août 2019.

Dans la seconde des deux décisions évoquées ci-avant, le directeur (i) se déclara incompétent pour statuer sur les réclamations dirigées par la société (AB) à l’encontre des bulletins rectificatifs de la ventilation de la base d’assiette globale des années 2012, 2013 et 2014, émis les 25 septembre et 30 octobre 2019, (ii) déclara irrecevables les réclamations dirigées par ladite société contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012, émis le 30 octobre 2019, et (iii) rejeta les réclamations introduites par la même société à l’encontre des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2013 et 2014, émis les 25 septembre et 30 octobre 2019.

Cette dernière décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 14 novembre 2019 par Me Alain Steichen, de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, d’une part, au nom de la société anonyme (AB), avec siège social à …, pour réclamer contre :

- les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2012, tous émis le 30 octobre 2019, - les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2013, tous émis le 25 septembre 2019, - les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités, de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et de la ventilation de la base d’assiette globale de l’année 2014, tous émis le 30 octobre 2019, et, d’autre part, au nom de la société à responsabilité limitée (CD), avec siège social à …, pour réclamer contre :

- les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2011, - les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012, - le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2012, les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2013, - les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014, tous émis en date du 14 août 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le rapport dressé en date du 25 juillet 2019 par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes, couvrant la période s’étirant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant de prime abord, qu’il importe de noter que depuis l’année d’imposition 2012, les réclamantes font partie d’un groupe de sociétés ayant opté pour le régime d’intégration fiscale tel qu’instauré par l’article 164bis de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) ; que pour les années 2012, 2013 et 2014, le groupe de sociétés sus-énoncé comprend en tout 4 sociétés ; que la société mère constitue la société intégrante, en l’occurrence, la société anonyme (AB), alors que la société à responsabilité limitée (CD) constitue, à côté des 2 autres sociétés, la société intégrée ; que les résultats des sociétés intégrées, dont celui de la société à responsabilité limitée (CD), sont à intégrer dans celui de la société intégrante pour une période couvrant au moins 5 exercices d’exploitation ;

Considérant que, bien qu’intégrées fiscalement, les réclamantes sont à considérer comme des sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes ; que les réclamations introduites par la société anonyme (AB) et la société à responsabilité limitée (CD) sont réunies en un seul écrit (« Réclamation conjointe ») ; que néanmoins chaque acte attaqué fera l’objet d’une décision directoriale distincte, la présente décision ne portant que sur les réclamations introduites par la société anonyme (AB), celles introduites par la société à responsabilité limitée (CD) étant disjointes pour être vidées séparément sous le n° … ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir procédé à des majorations de recettes au niveau de la société à responsabilité limitée (CD) suite à un avis de la part du Service de révision, ayant pour conséquence une augmentation de ses résultats imposables pour les années litigieuses ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012 Considérant qu’aux termes du § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé ou conteste son assujettissement à l’impôt ;

Considérant que les montants de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2012 ont été fixés à 0 (zéro) euro et que la société anonyme (AB) (ci-après : la réclamante) ne prétend pas à la fixation de cotes d’impôt positives ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède que les réclamations contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012 doivent être déclarées irrecevables pour défaut d’intérêt ;

En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2013 et 2014 Considérant que la réclamante « a pour objet : - toutes activités commerciales, en accord avec les dispositions de la loi du 9 juillet 2004, modifiant la loi modifiée du 28 décembre 1988 concernant le droit d’établissement et réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. - effectuer toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit, dans toute entreprise, ainsi que l’administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations (…) » ; qu’en l’espèce, elle détient principalement des participations actives dans le domaine de la restauration et de l’immobilier ;

Considérant, tel que cela a été retenu supra, que le groupe de sociétés sus-énoncé comprend en tout 4 sociétés ; qu’aux termes de l’article 164bis L.I.R., les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, dont 95 pour cent au moins du capital est détenu directement ou indirectement par une autre société de capitaux résidente pleinement imposable ou par un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, peuvent, sur demande, être intégrées fiscalement dans la société mère ou dans l’établissement stable indigène, de façon à faire masse de leurs résultats fiscaux respectifs avec celui de la société mère ou de l’établissement stable indigène ; que la demande conjointe du 19 décembre 2012 de la part des sociétés concernées a été approuvée par le bureau d’imposition Sociétés 6 en date du 3 janvier 2013 ;

Considérant que la circulaire L.I.R. n° 164bis/1 du 27 septembre 2004 retient que le régime d’intégration fiscale ne vise pas à instaurer une base légale pour l’imposition du résultat consolidé au sens propre d’un groupe de sociétés, mais se limite à permettre aux sociétés intéressées de regrouper ou de compenser leurs résultats fiscaux pendant la période d’application du régime d’intégration fiscale ; que les résultats fiscaux des sociétés filiales admises au régime d’intégration fiscale sont ajoutés au résultat fiscal de la société intégrante, en l’occurrence de la réclamante ;

Considérant que le bureau d’imposition Sociétés 6, compétent pour l’imposition de la réclamante, a procédé à des impositions rectificatives pour les années 2013 et 2014 sur pied du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO ;

Considérant, à titre explicatif, qu’un bulletin d’impôt ne peut être rectifié en vertu du § 222, alinéa 1er AO que dans la mesure où le bureau d’imposition a pris connaissance de faits ou de moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d’impôt pour autant que l’impôt ne soit pas atteint par la prescription, celle-ci voyant son délai prorogé de 5 à 10 ans, conformément à l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant entre autres le recouvrement des contributions directes dans les cas visés justement par le § 222 AO ;

Considérant que les pertes reportables non prises en compte au niveau de la réclamante résultent des majorations des recettes de la société à responsabilité limitée (CD) à hauteur de … euros (année 2011), … euros (2012), … euros (2013) et … euros (2014), ainsi que d’une distribution cachée de bénéfices à hauteur de (100) euros (année 2012) ; qu’il échoit donc de vérifier les impositions de la société intégrée, en l’occurrence de la société à responsabilité limitée (CD), telles qu’effectuées par le bureau d’imposition Sociétés Esch-sur-Alzette ;

Considérant que, sur pourvoi du préposé du bureau d’imposition Sociétés Esch-sur-Alzette, la comptabilité de la société à responsabilité limitée (CD) des années 2011, 2012, 2013 et 2014 a fait l’objet d’une vérification au sens du § 162 AO par le Service de révision des contributions ;

Considérant que la société à responsabilité limitée (CD) a été soumise aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 197 et 205 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO ; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter par les entreprises afin que leur comptabilité soit tenue de manière régulière ;

Considérant qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit avoir pris en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que s’y juxtapose le § 208, alinéa 1er AO, qui crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;

Considérant que le rapport dressé par le réviseur du Service de révision, en ce qui concerne les principaux griefs détectés, fait état des constatations suivantes :

Rapport du réviseur … sur la vérification des livres et documents comptables de l’entreprise (CD) Société à responsabilité limitée … … Bureau d’imposition : Sociétés Esch No fiscal : … faite sur demande du préposé du bureau d’imposition Sociétés Esch et portant sur les exercices 2011 à 2014 inclusivement (…) A. DONNÉES GÉNÉRALES 1. Motif de la vérification : §§ 162(9), 193 et 206(1) de la loi générale des impôts (ci-après « AO) 2. Date de la clôture des bilans :

le 31 décembre 3. Déclarations et impôts contrôlés :

- déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités 2011-2014 - déclarations pour l’impôt commercial communal 2011-2014 - déclarations pour l’impôt sur la fortune 2011-2014 4. Dernière révision fiscale : néant Exercices contrôlés : / 5. Forme juridique de l’entreprise : Société à responsabilité limitée 6. Associé(s) Associés à la cons[t]itution (3 février 2003) Nombre parts (G) 50 (H) 50 Total 100 Associé après modification (28 avril 2009) Nombre parts (G) 100 Associé après modification (30 avril 2009) Nombre parts (AB) 100 7. Représentant légal :

Nom Fonction (G) Gérant unique La société est valablement engagée pour la restauration et le débit de boissons alcooliques et non alcooliques par la signature individuelle du gérant unique.

8. Objet social :

La société a pour objet l’exploitation d’un débit de boissons alcooliques et non-alcooliques avec établissement de restauration. Elle pourra accomplir tant au Grand-Duché de Luxembourg qu’à l’étranger, tous actes, toutes opérations financières, industrielles, commerciales, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à son objet social et permettant d’en faciliter la réalisation.

9. Personnes ayant fourni des renseignements :

Monsieur (G), gérant unique Monsieur …, Fiduciaire (IJ), tax and accounting Madame …, Fiduciaire (IJ), tax and accounting Madame …, Fiduciaire (IJ), tax an accounting B. Comptatbilité 10. Quant à la forme :

Les articles 9 à 11 du Code de commerce disposent que :

- (Article 9) Toute entreprise doit tenir une comptabilité appropriée à la nature et à l’étendue de ses activités en se conformant aux dispositions légales particulières qui les concernent.

- (Article 10) La comptabilité des personnes morales doit couvrir l’ensemble de leurs opérations, de leurs avoirs et droits de toute nature, de leurs dettes, obligations et engagements de toute nature.

- (Article 11) Toute comptabilité est tenue selon un système de livres et de comptes conformément aux règles usuelles de la comptabilité en partie double. Toutes les opérations sont inscrites sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates, soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux spécialisés. Dans ce dernier cas, toutes les données inscrites dans les journaux spécialisés sont introduites, avec indication des différents comptes mis en mouvement, par voie de centralisation dans un livre centralisateur unique.

Aux termes de l’article 12 du Code de commerce les comptes ouverts sont définis dans un plan comptable approprié à l’activité de l’entreprise. La teneur et la présentation de ce plan comptable, appelé plan comptable normalisé, sont déterminées par règlement grand-ducal du 10 juin 2009 publié au Mémorial A-N°145 du 22 juin 2009.

La loi générale des impôts (AO) impose pareillement la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§§ 160-162 AO) quant à la forme et quant au fond. La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de la continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond. A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le paragraphe 160 de la loi générale des impôts impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.

La société (CD) dispose d’une comptabilité en partie double informatisée et utilise une caisse enregistreuse informatisée du fournisseur (EF).

Pour les années 2011 à 2014 les documents et pièces comptables suivants ont été présentés au réviseur :

- La comptabilité informatisée sous format SAF-T (FAIA) - Les factures des entrées (achats et frais) ;

- Les extraits des comptes bancaires - Les livres des salaires.

11. Quant au fond :

Les déclarations fiscales des exercices révisés ont été remises au bureau d’imposition aux dates suivantes :

Exercice Date remise Date Bulletin 2011 20/08/2012 03/01/2014 2012 05/05/2014 08/04/2016 2013 27/05/2015 NC 2014 26/11/2015 NC Les objections à faire quant au fond sont développées sub C. Constatation spéciales ci-après.

C. Constatations spéciales.

12. Système de caisse enregistreuse « (EF) » L’analyse des pièces comptables a démontré que les tickets de clôture que le gérant avait imprimé en fin de journée sont incomplets. En effet, les annulations y font défaut.

Après demande du réviseur, le contribuable était en mesure de fournir pour certaines journées des impressions des annulations. Or ces données sont incomplètes respectivement font défaut.

Le contribuable a inscrit mensuellement les recettes journalières dans un fichier électronique sous format excel. Le comptable a injecté ce fichier dans sa comptabilité.

Il reste à remarquer qu’un livre de caisse tenu à l’aide d’un tableur (par exemple Excel) n’est pas autorisé, vu que des changements sont possibles à tout moment.

Afin de vérifier l’exactitude des recettes déclarées, le réviseur a demandé à Monsieur (G) de fournir un export électronique des données de la caisse enregistreuse pour les années 2011 à 2014.

Cependant, il s’est avéré que ces données ne sont plus disponibles et qu’aucune copie de sauvegarde n’a été créée. Les données ont été effacées du système de caisse. Les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre de contrôler la validité d’un enregistrement porté dans un compte à l’aide de la pièce récapitulative et vérifier la validité des pièces justificatives de base qui ont été utilisées. A cet effet, le paragraphe 162(8) AO rappelle l’obligation de conservation décennale des pièces comptables édictée par l’article 16 du Code de commerce.

Cette dernière disposition impose plus particulièrement aux commerçants une obligation générale de conservation des documents commerciaux pendant une période de 10 ans à partir de la clôture de l’exercice auquel les documents se rapportent, les documents visés étant ceux énumérés aux articles 11, 12, 14 et 15 du Code de commerce. C’est ainsi que l’obligation de conservation décennale a d’abord trait à la comptabilité du commerçant qui doit retranscrire, comme souligné ci-dessus, les opérations de manière fidèle et complète, par ordre de date soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux auxiliaires spécialisés - tel un livre de caisse - mais couvre également, conformément à l’article 14 du Code de commerce, toutes les pièces justificatives, le libellé de ce texte impliquant que l’obligation de conservation décennale concerne toutes les pièces justificatives quelconques ayant trait à l’exploitation de l’entreprise, tels que les commandes et les factures ou encore les documents qui intéressent la gestion du personnel.

Etant confronté au fait que les données de la caisse pour les années 2011 à 2014 ne sont plus disponibles, le réviseur a proposé d’extraire les données de 2017 afin de disposer de données sur une année comparable.

Cependant, il faut constater qu’à nouveau le système POS de (EF) s’est avéré non conforme aux exigences de la loi générale des impôts, spécialement au paragraphe 162 A.O.

En effet, la base de données sous-jacente à ce système n’est pas protégée ; il est facilement possible de modifier des données. La condition d’inaltérabilité n’est pas remplie.

Une analyse de séquence (analyse si la numérotation interne des opérations inscrite à la base de données précitée est continue et sans lacunes) a également démontrée que - Beaucoup de tickets (opérations) manquent. Le comptable a été en mesure de fournir une explication concluante sur un pourcentage élevé de ces tickets ;

- Les annulations ne sont pas mémorisées.

L’analyse de ces données a pourtant permis de dénicher les plats phares du restaurant et a ainsi pu servir à déterminer de façon plus précise une marge pondérée, se basant sur des marges individuelles par plat en fonction de leur pondération effective dans la constitution du chiffre d’affaires.

13. Marge sur engagé L’analyse de la comptabilité démontre une marge sur engagé incohérente.

Année Marge sur engagé déclarée (en %) 2011 235,88 2012 213,94 2013 256,17 2014 266,09 Cette marge est volatile et semble être largement en dessous d’une marge usuelle dans cette branche.

Interrogé à ce sujet, le gérant a fourni des explications vagues et non concluantes. Sur demande du réviseur, le contribuable a fourni un listing avec le calcul détaillé du prix de revient de certains plats phares de son établissement. Il s’est avéré que les marges y recueillies sont irréalistes (quantités gigantesques, respectivement ingrédients en disbalance). (c.f. Annexe1) Ainsi, le réviseur, accompagné d’un fonctionnaire du bureau d’imposition sociétés Esch, se sont rendus sur place et ont déterminé (cuisiné), ensemble avec le responsable de l’établissement et le comptable, les prix de revient de certains plats afin de pouvoir déterminer de la manière la plus exacte la marge pondérée du restaurant.

En se basant sur la répartition des plats (cf. section 12), tout en tenant compte de portions plus que copieuses (marge de sécurité en faveur du contribuable) et en se basant sur les prix de ventes appliqués, le réviseur a déterminé une marge pondérée entre 380% et 370%. Il est à signaler que cette marge correspond à une marge usuelle dans cette branche (entreprises comparables).

Lors de cette visite, le gérant a affirmé que depuis mi-2018 il a lui-même revu les quantités des plats. De ce fait il a remplacé ses anciennes assiettes et récipients par de nouveaux qui sont formés plus favorablement, permettant ainsi de réduire la quantité des ingrédients constitutifs des plats servis. Désormais il parvient à réaliser une marge sur engagé pondérée supérieure à 370%.

Cependant, il affirme que pendant les années soumises au contrôle, les portions servies étaient nettement plus grandes. A cette fin, il a montré la différence entre les assiettes utilisées auparavant et celles actuellement en usage.

Lors de la préparation sur les assiettes anciennes de certains plats cuisinés, il s’est avéré que les quantités utilisées par les cuisiniers étaient supérieures à ceux que le réviseur avait supposé initialement, mais bien inférieures au calcul du gérant.

A titre d’anecdote il convient de citer la situation suivante qui s’est déroulée lors de la visite précitée. Lors de la préparation de la « Pizza Diavola », le pizzaiolo a d’abord mis des tranches de salami sur sa pizza, quantité déjà très copieuse. Ensuite, il les a retirées pour les peser. Il s’est avéré que la quantité utilisée était nettement inférieure (environ de 60%) que pronostiqué par le gérant dans ses calculs. La réplique ironique du pizzaiolo était qu’il pourrait continuer à en mettre jusqu’à obtenir la quantité voulue. Le réviseur veut bien tenir compte du fait que les assiettes et ainsi les portions furent plus copieuses pendant les années sous contrôle et que ceci a un impact sur la marge sur engagé à retenir pour ces années, tout en refusant néanmoins les calculs extrêmes et peu crédibles proposés par le gérant.

Ainsi, la marge sur engagé pondérée retenue est de 340% pour les années du contrôle.

14. Détermination des recettes fraudées suivant § 217 AO 14.1. Détermination de l’engagé productif La taxation d’office prévue au § 217 AO est essentiellement une appréciation approximative d’après les éléments et circonstances d’exploitation. Ainsi le bénéfice imposable est à fixer d’après le revenu probable, en tenant compte de tous les indices et circonstances de nature à influer sur la détermination du bénéfice. En omettant de dresser et de conserver les pièces comptables prescrites, les responsables ont rendu impossible un contrôle efficace des écritures au sujet des opérations de caisse et de ventes. Comme la marge sur engagé déterminée au point 13 dépasse sensiblement celle résultant des écritures comptables, le réviseur est en droit de conclure à la non-

inscription d’une partie des ventes et de rejeter les chiffres d’affaires résultant de la comptabilité viciée.

Afin de trouver un résultat approprié, l’engagé productif effectivement mis en vente doit être considéré. De l’engagé déclaré est déduite la quote-part des marchandises non vendue :

- Pertes en cuisine, ici l’engagé « Food » est diminué de 7,5%;

- Consommations offertes ;

- Surplus consommation du personnel ;

- Vol (ici voir point 15).

Les pertes en cuisine s’élèvent à Année 2011 2012 2013 2014 Engagé Food Correction 7,5% Détermination de l’engagé déclaré:

Année 2011 2012 2013 2014 Stock début Bières en fût Bières en bouteilles Liqueurs, eau de vie Vins Eaux, limo, jus, etc.

Champagne Café, crème, sucre et thé Restaurant Remises, ristourne, rabais Salaires en nature Stock fin Engagé déclaré Détermination de l’engagé productif :

Année 2011 2012 2013 2014 Engagé déclaré Perte en cuisine Vols (voir point 15) Offerts Consommation personnel (surplus) Engagé productif 14.2. Détermination des recettes fraudées En appliquant la marge pondérée déterminée au point 13 à l’engagé productif il en ressort un chiffre d’affaires global effectivement réalisé pour chaque année. La comparaison avec le chiffre d’affaires déclaré fait ressortir le montant absolu fraudé pour chaque année et le pourcentage des recettes fraudées.

Les recettes fraudées sont arrondies vers le bas au millième :

Année 2011 2012 2013 2014 Engagé productif Chiffre d’affaires selon marges Chiffre d’affaires déclarés Différence Chiffre d’affaires non déclarés arrondis Pourcentage fraudé sur chida déclaré 15. Vol de marchandises Le gérant, Monsieur (G), affirme que l’ancien employé, Monsieur (K) aurait détourné des marchandises. A cette fin il joint en tant que pièce à l’appui des témoignages manuscrits de certains employés de son entreprise. De même il ajoute une photo d’une « reconnaissance de dette » du 30/11/2012 sur un montant de (100)€.

Selon cette reconnaissance de dette, Monsieur (K) doit (100)€ à Monsieur (G).

Cependant, Monsieur (K) a détourné des marchandises appartenant à l’entreprise et non pas à Monsieur (G). La comptabilité ne contient pas d’écriture comptable relative à cette opération.

Le réviseur est d’avis que le fait que Monsieur (G), en forçant Monsieur (K) de lui verser l’équivalent des marchandises détournées, a lui aussi détourné ce montant de l’entreprise. Un tel détournement constitue un manque à gagner pour l’entreprise et représente une distribution cachée de dividende au sens de l’article 164(3) LIR.

Le réviseur accepte de diminuer l’engagé de (100) comme suit :

- (50) pour l’année 2011 et - (50) pour l’année 2012.

Cette opération impacte le calcul des recettes suivant le § 217 AO (voir section 14 de ce rapport).

En conséquence, il y a lieu d’opérer une distribution cachée de bénéfice de (100)€ au profit de Monsieur (G) en ce qui concerne l’année 2012.

(…) D. CONCLUSIONS D’après les constatations reprises aux Nos 10 à 15 du présent rapport, la comptabilité est rejetée quant à la forme et quant au fond. Les recettes / ventes sont déterminées par voie de taxation en vertu du § 217 AO.

Les résultats déclarés sont redressés comme suit :

16. Distributions cachées de bénéfice No rapport Objet 2011 2012 2013 2014 14 Recettes fraudées 15 Manque à gagner Total E. REMARQUE FINALE Pendant toute la durée de la révision, les responsables de la société à responsabilité limitée (CD) ont été tenus au courant du résultat des investigations. A l’occasion des différentes entrevues, ils ont été informés de toutes les constatations et conclusions renseignées dans le présent rapport ; ils disposaient donc toujours des données requises pour faire valoir leurs droits de défense en pleine connaissance de cause (§ 205 AO). Pendant toute la durée du contrôle, les responsables ont été coopératifs.

Suite aux diverses entrevues avec le gérant et avec sa fiduciaire, le réviseur a tenu compte des objections, doléances et arguments avancées dans la mesure où elles étaient concluantes.

En considérant qu’un montant significatif d’impôt - soit en montant absolu - soit en rapport avec l’impôt annuel dû a été éludé, le réviseur est d’avis que le § 396 AO est applicable. Il incombe au préposé du bureau d’imposition Sociétés Esch de déposer plainte auprès du procureur d’Etat à l’encontre du contribuable.

Luxembourg, le 25/07/2019 (…) Considérant que la société à responsabilité limitée (CD) conteste par le biais de la réclamante les constatations du réviseur des contributions ; qu’elle argue notamment que le calcul de la marge bénéficiaire et donc des majorations toutes entières serait erroné, ce qui n’est, d’abord et d’après la vérification effectuée par l’instance contentieuse, pas le cas, étant donné que les sociétés semblent confondre les différentes méthodes de calcul et donc les différentes sortes de marges bénéficiaires qui existent en matière de comptabilité et/ou de fiscalité ; qu’il ressort du rapport du réviseur que ce dernier, « accompagné d’un fonctionnaire du bureau d’imposition sociétés Esch, se sont rendus sur place et ont déterminé (cuisiné), ensemble avec un responsable de l’établissement et le comptable, les prix de revient de certains plats afin de pouvoir déterminer de la manière la plus exacte la marge pondérée du restaurant » ; que dans la branche de la restauration (dans le cas présent une pizzeria) une marge sur engagé pondérée se situe usuellement entre 370 pour cent et 380 pour cent ; que les marges déclarées par la société à responsabilité limitée (CD) au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 se situent toutefois entre 235,88 pour cent et 266,09 pour cent ; qu’il est sans équivoque que les marges déclarées sont largement insuffisantes, de sorte que la marge sur engagé pondérée a dû être revue vers le haut ; que finalement le réviseur a retenu une marge sur engagé pondérée de 340 pour cent afin de déterminer les montants des recettes non déclarées au cours des années 2011, 2012, 2013 et 2014 ;

Considérant qu’il demeure sans le moindre conteste que c’est à bon escient que le réviseur a rejeté quant à la forme et quant au fond les pratiques utilisées par la société à responsabilité limitée (CD) afin de procéder à la détermination des bénéfices commerciaux qu’elle a réalisés à travers son activité de restauration ; que les multiples irrégularités et inconvénients qui se sont ainsi présentés lors du contrôle mènent donc nécessairement à la conclusion que les actes commis par la société à responsabilité limitée (CD) ont visé, non pas par mégarde mais de manière tout à fait intentionnelle, le détournement d’impôt et la fraude fiscale ; que c’est donc à juste titre que le bureau d’imposition Sociétés Esch-sur-Alzette a admis tel quel les majorations de bénéfice telles que déterminées par le réviseur du Service de révision à force du contrôle effectué ;

En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de la ventilation de la base d’assiette globale des années 2012, 2013 et 2014 Considérant qu’en vertu de l’article 7 de la loi modifiée du 1er mars 1952 modifiant certaines dispositions relatives aux impôts directs, le recours contre le bulletin rectificatif de la ventilation de la base d’assiette globale est porté directement devant le Tribunal administratif en matière de ventilation, tel que renseigné d’ailleurs sur les bulletins litigieux ;

Considérant que le directeur des contributions n’est dès lors pas compétent pour statuer sur le présent litige ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS se dit incompétent pour statuer sur les réclamations contre les bulletins rectificatifs de la ventilation de la base d’assiette globale des années 2012, 2013 et 2014, dit les réclamations contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012 irrecevables pour défaut d’intérêt, reçoit les réclamations contre bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2013 et 2014 en la forme, les rejette comme non fondées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2020, inscrite sous le numéro 44517 du rôle, la société (AB) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale, précitée, du 13 février 2020, référencée sous le numéro ….

Par jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif rejeta la demande tendant à la jonction dudit recours avec celui inscrit sous le numéro 44515 du rôle, reçut en la forme le recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale précitée, au fond, le déclara non justifié et en débouta la société demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et débouta la société demanderesse de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure tout en la condamnant aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 12 août 2022, la société (AB) a régulièrement interjeté appel contre le jugement précité.

Quant au bienfondé de la taxation d’office Quant à la régularité formelle de la comptabilité Moyens des parties La société appelante soutient que la comptabilité établie par la société (CD) durant les années litigieuses serait conforme aux exigences posées par le § 162 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », de sorte qu’il conviendrait de reconnaître sa régularité formelle et sa régularité au fond et que ce serait partant à tort que la société (CD) a fait l’objet d’une taxation d’office sur base du § 217 AO pour les années 2011 à 2014 inclus.

Elle expose que le restaurant exploité par la société (CD) aurait utilisé une caisse enregistreuse munie du logiciel de la marque (EF) et que chaque soir après la fermeture du restaurant, le gérant en aurait extrait une fiche récapitulative des enregistrements du jour. En complément de ce récapitulatif journalier, le gérant aurait également joint à ces enregistrements les bandelettes de terminal attestant des paiements par carte bancaire et les factures du jour. Il aurait également procédé à l’inscription manuscrite des recettes et dépenses du jour sur une feuille de caisse qui reprenait également les repas offerts ou les remises accordées aux clients et collaborateurs du restaurant. Les données inscrites dans la feuille de caisse auraient été ensuite reprises dans un tableau du logiciel Excel et auraient été transmises à la fiduciaire du restaurant à la fin de chaque mois accompagnées des pièces justificatives recueillies durant le mois. La fiduciaire aurait ensuite établi les états comptables requis par les lois commerciales et fiscales. La société appelante en conclut que les recettes et ventes du restaurant auraient été enregistrées de manière conforme aux exigences du § 162 AO et que les corrections effectuées dans les écritures comptables permettraient de retracer l’entrée initiale et la modification y apportée dans le respect, là-aussi, du § 162 AO.

Selon la société appelante, les reproches formulés par le réviseur pour contester la régularité formelle de la comptabilité de la société (CD) seraient infondés.

Quant à l’absence de conservation des impressions attestant des annulations opérées via la caisse enregistreuse, elle fait valoir que l’absence de ces impressions ne serait pas de nature à remettre en cause la régularité formelle de la comptabilité et que l’obligation de conservation de pièces justificatives ne s’appliquerait qu’à l’égard des évènements retranscrits comptablement et qui auraient une incidence fiscale. Or, en l’espèce, l’absence de ces impressions correspondrait au fait qu’aucune annulation n’aurait été opérée par le restaurant et qu’il ne pourrait pas être reproché à la société (CD) de ne pas avoir conservé des pages vides correspondant à l’absence d’opérations d’annulation.

En ce qui concerne l’effacement de la base de données de la caisse enregistreuse, la société appelante fait valoir que la société (CD) aurait extrait des copies de cette base de données et que celles-ci bénéficieraient d’une présomption de conformité aux enregistrements électroniques originaux. Dans ces conditions, il appartiendrait dès lors à l’administration de Contributions directes de prouver que les copies de ces enregistrements ne correspondraient pas aux originaux. Selon elle, il n’existerait aucune obligation légale de conserver simultanément les enregistrements électroniques de la caisse enregistreuse et la copie de ces enregistrements, sous format papier, dès lors que la copie serait la reproduction fidèle et durable de l’enregistrement original. La société appelante considère que le rejet de la régularité formelle de la comptabilité de la société (CD), basé sur l’absence de conservation simultanée des enregistrements électroniques et des copies en résultant, serait contraire au Code de commerce et violerait, en outre, le principe de la « Zumutbarkeit » ancré au §171 AO, selon lequel il ne pourrait pas être exigé du contribuable d’apporter une preuve déraisonnable. Or, dans le cas d’espèce, la société appelante serait précisément dans l’impossibilité de présenter les preuves électroniques originales eu égard au fait qu’elles auraient été effacées de la mémoire de la caisse enregistreuse de la société (CD).

La société appelante affirme, en outre, qu’à l’occasion du contrôle sur place, le réviseur aurait inséré une clé USB entraînant l’effondrement de la caisse enregistreuse de la société (CD) comme l’attesterait la facture de réparation de la caisse enregistreuse. La société appelante invite la Cour, en cas de doutes quant à la véracité de cette affirmation, à faire usage de ses pouvoirs inquisitoriaux en vue de convoquer le réviseur pour recueillir son témoignage à ce sujet. Enfin, la société appelante réfute l’argument de la non-conformité alléguée de la caisse enregistreuse et du livre de caisse de la société (CD) en raison de leur caractère altérable.

Selon elle, la condition d’inaltérabilité des enregistrements comptables serait absente du § 162 AO, dont la teneur exigerait seulement la traçabilité des modifications apportées par rapport aux écritures comptables initiales. Elle ajoute que ni l’AO, ni le Code de commerce, ni aucune autre base légale ou réglementaire n’obligeraient un commerçant à disposer d’un système d’enregistrement inaltérable et qu’il appartiendrait donc à l’administration de démontrer en quoi les modifications apportées par la société (CD) seraient irrégulières.

De son côté, la partie étatique souligne que la société appelante n’aurait pas tenu de comptabilité régulière pour les exercices litigieux, au motif que le bureau d’imposition a dû recourir à une taxation d’office à partir du rapport de révision dressé le 25 juillet 2019. Elle conteste aussi bien la régularité formelle que la régularité au fond de la comptabilité présentée par la société (CD) pour les années visées par le contrôle. Plus particulièrement, le délégué du gouvernement souligne que les impressions des tickets d’annulation feraient toujours défaut et que l’argument de la partie adverse selon lequel l’absence de ticket d’annulation correspondrait à des journées sans annulation manquerait de convaincre. Pour contester la régularité de la comptabilité de la société (CD), la partie étatique se réfère également au fait que la base de données de la caisse enregistreuse ferait défaut et conteste que cet état de fait serait imputable au réviseur qui aurait, selon la société appelante, endommagé le système de la caisse enregistreuse en y insérant une clé USB lors du contrôle sur place.

Le délégué du gouvernement souligne que la caisse enregistreuse et le livre de caisse ne seraient pas conformes aux obligations comptables pesant sur la société (CD), au motif que le Service de révision aurait démontré à suffisance que la condition d’inaltérabilité de la comptabilité présentée ne serait pas assurée, que de nombreux tickets de caisse manqueraient et que les annulations ne seraient pas mémorisées par la caisse enregistreuse utilisée par la société (CD) pour les années litigieuses.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la partie étatique conclut que la comptabilité de la société (CD) ne saurait être qualifiée de régulière en la forme au sens du § 162 AO et que la présomption de régularité au fond résultant du § 208 AO ne saurait partant lui être reconnue.

Analyse de la Cour Il est constant en cause que la société (CD), société intégrée fiscalement à la société appelante, a fait l’objet d’un contrôle de sa comptabilité pour les années 2011 à 2014 et que c’est sur le fondement de ce contrôle sur place que le réviseur a constaté des irrégularités comptables justifiant, selon lui, le rejet de la régularité de la comptabilité aussi bien en la forme que quant au fond, de sorte à justifier le redressement de la société appelante du fait de sa qualité de société mère intégrante pour les années fiscales de 2012 à 2014.

Les parties sont en désaccord sur la question de la régularité de la comptabilité présentée par la société (CD), aussi bien en la forme que quant au fond, pour les années 2012 à 2014, de sorte à également s’opposer sur le procédé de la taxation d’office retenu par le bureau d’imposition pour redresser les recettes de la société (CD) pour la période en cause.

La taxation d’office est prévue au § 217 AO qui dispose comme suit :

« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

Conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible » (J. OLINGER, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales nos 81 à 85, page 117, n° 190). Ce procédé comporte nécessairement et par définition une marge d’incertitude et d’inexactitude, tandis que la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération. Il est ainsi vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité. Cependant, le § 217 AO permet au bureau d'imposition de recourir à une estimation des bases d’imposition notamment dans l’hypothèse où il a dû constater le caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité lui présentée par le contribuable.

En matière des impôts directs, les §§ 162 à 165 AO imposent la tenue d’une comptabilité régulière et complète quant à la forme et quant au fond.

Ainsi, la comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Même si aucun texte légal n’impose l’obligation précise de porter sur des pièces comptables les informations quant à la date de leur comptabilisation et aux comptes débités et crédités, il n’en reste cependant pas moins que la nécessité de ces renseignements découle de l’exigence de clarté d’une comptabilité. En effet, les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait sans problèmes, ce qui implique que pour tout enregistrement comptable les références des pièces justificatives qui l’appuient doivent être indiquées. En outre, les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base (Cour adm. 15 janvier 2019, n° 41547C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 923).

Une comptabilité est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que les principes de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non-compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence (Cour adm. 14 août 2019, n° 42249C et 42318C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 923).

Le § 162 AO dispose notamment en son alinéa (2) que: « Die Eintragungen in die Bücher sollen fortlaufend, vollständig und richtig bewirkt werden. Der Steuerpflichtige soll sich einer lebenden Sprache und der Schriftzeichen einer solchen bedienen ». Cette disposition consacre ainsi le principe de la comptabilisation continue qui implique la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui impose l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct.

Le § 208, alinéa (1), AO instaure en faveur d’une comptabilité tenue conformément aux principes énoncés au § 162 AO une présomption de véracité en cas d’absence de raison permettant de contester sa régularité au fond.

La Cour relève que les premiers juges n’ont pas spécifiquement pris position sur la régularité formelle de la comptabilité litigieuse, mais ont plutôt retenu que même à la considérer établie, l’administration restait néanmoins en droit de renverser la présomption établie par le § 208, alinéa (1), AO en présence d’indices lui permettant de douter de la véracité des écritures comptables. La Cour estime néanmoins que pour des raisons manifestes de bonne administration de la justice, elle est appelée à examiner les nombreux moyens développés par les parties en appel quant à la régularité formelle de la comptabilité présentée par la société (CD).

Parmi les irrégularités relevées par le réviseur, trois ont trait à la régularité formelle de la comptabilité et les reproches du réviseur s’articulent autour de :

1. l’effacement de la base de données de la caisse enregistreuse, 2. l’impression partielle des tickets d’annulation et 3. la non-conformité de la caisse enregistreuse et du livre de caisse au § 162 AO.

En ce qui concerne la base de données de la caisse enregistreuse pour les années fiscales vérifiées, la société (CD) n’a pas été en mesure de soumettre au réviseur une extraction électronique des données sauvegardées par la caisse enregistreuse pour les années du contrôle au motif que ces données auraient été effacées.

La société appelante argue cependant que les tickets imprimés extraits journalièrement de la caisse enregistreuse retraceraient de manière fidèle les montants des recettes perçues en liquide au cours des années en cause.

La Cour relève que pour des raisons organisationnelles, sans pour autant exclure la remise de pièces supplémentaires à la demande de la Cour, la société appelante a fait le choix de verser, devant la Cour, des pièces justificatives pour le premier mois de chaque année visée par le contrôle, soit pour les mois de janvier 2011, janvier 2012, janvier 2013 et janvier 2014.

Au sujet plus particulièrement des années de l’intégration fiscale liant la société appelante et la société (CD), soit les années fiscales de 2012 à 2014, la Cour note l’existence d’un ticket journalier dit de type Z, ci-après « le ticket Z », extrait quotidiennement de la caisse enregistreuse en vue de résumer les mouvements de caisse qui se sont produits durant les heures de service du restaurant.

Parmi les extraits de tickets fournis par la société appelante pour une partie de la période du contrôle, la Cour constate que la présentation et le contenu du ticket Z pouvaient varier, de sorte que deux présentations distinctes de ce ticket Z ont été soumises à l’appréciation de la Cour.

A titre d’illustration, pour le mois de janvier 2012, le ticket Z imprimé quotidiennement par le gérant de la société (CD), après la fin du service du restaurant, contient le nom des employés ayant vraisemblablement utilisé la caisse enregistreuse, le montant individuel des ventes encaissées par chacun de ces employés et enfin le montant total des ventes réalisées ce jour-là.

De manière très minoritaire pour ce même mois, un autre format de ticket Z par type de paiements a été versé devant la Cour et contient une synthèse des paiements effectués selon le mode de règlement choisi par les clients. Y figure ainsi la répartition des paiements journaliers selon qu’ils ont été acquittés par espèces, cartes bancaires ou encore s’il s’agit de chèques-repas ou si la vente a porté sur un repas sur roues.

Pour le mois de janvier 2013, c’est exclusivement le ticket Z selon le montant des ventes par employés qui a été soumis à l’appréciation de la Cour.

Pour le mois de janvier 2014, à l’exception d’une journée pour laquelle le ticket Z par type de paiements a été soumis en complément du ticket Z selon le montant des ventes par employés, seuls les tickets Z selon le montant des ventes par employés ont été versés devant la Cour.

Or, les tickets Z présentés par la société (CD) à l’appui de sa comptabilité, selon les deux formats d’extraction retenus par le restaurant, ne permettent pas d’avoir une vue globale des opérations de caisse pertinentes qui se sont déroulées quotidiennement pour la période du contrôle.

En effet, comme le retient à bon droit le réviseur, c’est notamment le cas des annulations opérées dans la caisse enregistreuse qui ne figurent pas sur les tickets Z quotidiens soumis par la société appelante à l’appui de la comptabilité de la société (CD) pour les années litigieuses.

La Cour relève en outre que ce constat a été appuyé par l’examen, sur place, de la caisse enregistreuse par le réviseur lors duquel il lui est apparu que les annulations effectuées à partir de ladite caisse n’étaient pas mémorisées par le système d’encaissement utilisé par la société (CD).

Eu égard à ce qui précède, l’extraction quotidienne du ticket Z ne peut partant raisonnablement être considérée comme donnant une image fidèle de la situation journalière du restaurant au vu du caractère partiel des opérations de caisse figurant au sein dudit ticket, ce dernier se limitant à présenter soit le montant total des ventes par mode de règlement, soit le montant total des ventes par employés du restaurant.

Il est vrai, comme l’affirme à bon droit la société appelante, que le ticket Z est accompagné des tickets dits de bouclement journalier récapitulant les paiements effectués par carte bancaire selon la marque de la carte utilisée par les clients du restaurant (…, …, …, …, etc.).

La Cour note cependant que ce bouclement journalier constitue une preuve partielle, étant donné qu’il ne porte que sur les paiements effectués à l’aide d’une carte bancaire, de sorte à ne pas corroborer le contenu intégral des tickets Z soumis.

Dans ces conditions, la société appelante ne peut raisonnablement soutenir que les bandes enregistreuses, extraites de la caisse tenue par la société (CD), et présentées au réviseur sous format papier, devraient bénéficier d’une présomption de conformité aux pièces originales, étant donné que les enregistrements électroniques originaux ne sont plus accessibles.

Cette insuffisance doit également être retenue quant au reproche portant sur l’indisponibilité de certains tickets d’annulation, la question de ces impressions devant pareillement être analysée à la lumière de l’indisponibilité générale des enregistrements originaux de la caisse enregistreuse, de sorte que le caractère probant de ces copies est nécessairement amoindri.

Il s’ensuit qu’au regard de l’insuffisance des pièces comptables constituées par les tickets Z et des tickets de bouclement journalier en vue de prouver les recettes provenant des paiements en liquide et les différents chefs de ventilation de ces recettes, la partie étatique argue légitimement qu’un accès aux données électroniques sauvegardées par la caisse enregistreuse aurait été nécessaire afin de vérifier les montants exacts de recettes, la société appelante ne se prévalant pas non plus d’autres preuves matérielles justifiant ces recettes. A défaut de ces données, il a en effet été impossible au réviseur de s’assurer que les preuves physiques soumises par la société appelante, notamment les tickets de caisse précités, constituaient des reproductions fidèles et complètes des enregistrements originaux de la caisse enregistreuse.

Par voie de conséquence, indépendamment du contexte à l’origine de l’effacement de ces données, le fait que la société (CD) ne disposait pas, sur un support de stockage soit interne soit externe, d’une sauvegarde des données électroniques de la caisse enregistreuse afin de compléter les preuves matérielles des recettes perçues par elle à travers sa caisse devant être qualifiées d’insuffisantes au vu des constats ci-avant, doit être considéré en l’espèce comme une méconnaissance de l’obligation décennale de conservation des pièces comptables telle qu’elle résulte du § 162, alinéa (8), AO.

Enfin, quant au dernier reproche portant sur le caractère altérable du livre de caisse et plus particulièrement de la caisse enregistreuse utilisée par le restaurant, le réviseur a conclu que le logiciel de caisse utilisé n’était pas conforme aux exigences du § 162 AO, au motif que « la base de données sous-jacente n’[était] pas protégée » et qu’il « [était] facilement possible de modifier des données », menant ainsi le réviseur à conclure que la condition d’inaltérabilité du logiciel d’encaissement n’était pas remplie.

Le § 162 AO prévoit dans ses alinéas (5), disposant que « (…) Der ursprüngliche Inhalt einer Eintragung soll nicht mittels Durchstreichens oder auf andere Weise unleserlich gemacht, es soll nicht radiert, auch sollen solche Veränderungen nicht vorgenommen werden, deren Beschaffenheit es ungewiss läßt, ob sie bei der ursprünglichen Eintragung oder erst später vorgenommen sind», et (6), disposant que « In Bücher soll, wo dies geschäftsüblich ist, mit Tinte eingetragen werden », le principe de sincérité.

Ce dernier interdit l’application d’altérations et de rectifications qui rendraient l’inscription originale illisible ou la supprimeraient sans laisser de traces et qui impose de contrepasser ou d’extourner l'écriture erronée et de comptabiliser ensuite l’écriture correcte.

Cependant, ce même principe reconnaît, au vu du libellé du § 162, alinéa (5), AO, au contribuable soumis à une obligation comptable le droit d’opérer des modifications au sein de sa comptabilité à la condition que l’inscription comptable initiale reste lisible et qu’il soit possible de retracer, avec précision, la modification apportée à l’aide de toute inscription subséquente.

Le § 162, alinéa (5), AO consacre ainsi le principe de traçabilité des écritures comptables modificatives sans toutefois requérir du contribuable l’utilisation de supports d’enregistrement inaltérables. Une telle exigence, telle que mise en avant par la partie étatique, va au-delà du libellé du § 162, alinéa (5), AO qui reconnaît expressément au contribuable le droit d’opérer des modifications dans ses écritures comptables et lui impose des conditions strictes quant à la traçabilité des modifications à opérer.

C’est partant à bon droit que la société appelante fait valoir que l’inaltérabilité des supports d’enregistrement des écritures comptables est étrangère au libellé du § 162 AO.

Cependant, comme la société appelante n’a pas été en mesure de présenter au réviseur les données électroniques primitives enregistrées par la caisse enregistreuse du restaurant exploité par la société (CD) pour les années du contrôle, et plus loin les éventuelles modifications opérées sur certaines de ces inscriptions primitives depuis le logiciel de caisse, il doit être retenu que la comptabilité présentée ne satisfait pas à l’exigence de traçabilité ancrée au § 162, alinéa (5), AO.

Eu égard au faisceau d’indices concordants relevés par le réviseur, il convient de relever que celui-ci était partant fondé à remettre en cause la régularité formelle de la comptabilité de la société (CD) au vu des manquements manifestes aux exigences de clarté et de sincérité des écritures comptables posée par le § 162 AO.

L’ensemble de ces irrégularités permettent de conclure que la comptabilité de la société (CD) est irrégulière en la forme, faute d’avoir été agencée de façon claire et ordonnée, et à défaut de faciliter, au réviseur, toute recherche et tout contrôle au sein de celle-ci.

Par suite, c’est à bon droit que le directeur a confirmé le rejet de la régularité formelle de la comptabilité pour les années fiscales vérifiées, soit de 2012 à 2014 inclus.

Quant à la régularité au fond de la comptabilité Moyens des parties Selon la société appelante, il appartiendrait au réviseur de prouver l’impossibilité du résultat déclaré en ce sens que l’administration devrait disposer de motifs sérieux et concluants que ledit résultat serait impossible, car ne correspondant pas à la réalité. Selon elle, ces motifs devraient résulter d’un contrôle durant lequel le contribuable devrait pouvoir clarifier certains doutes et à partir duquel l’administration devrait prendre en compte les particularités de l’entreprise du contribuable. Ce ne serait que dans l’hypothèse où le contribuable n’aurait pas pu fournir d’explications suffisantes par rapport aux incohérences décelées par le réviseur que le rejet de sa comptabilité deviendrait concevable eu égard à la présomption de véracité consacrée par le § 208 AO.

La société appelante reproche au réviseur de dénier toute valeur aux marges déclarées par la société (CD), y compris aux explications qu’elle aurait fournies à l’appui de sa comptabilité. Selon elle, ce serait à tort que le réviseur a qualifié les marges déclarées par la société (CD) « d’incohérentes, volatiles et largement en dessous d’une marge usuelle dans cette branche ». Elle critique le fait que le réviseur se baserait sur « sa seule appréciation personnelle » et sur des marges qu’il aurait déterminées « arbitrairement » et qui correspondraient, prétendument, à des marges usuelles pour ce type de restaurant. La société appelante soutient que la marge déterminée par le réviseur ne serait nullement basée sur un calcul « objectif, scientifique et vérifiable, mais uniquement sur son appréciation unilatérale de la quantité des ingrédients nécessaires pour la préparation des plats phares du restaurant ». Elle précise que la marge pondérée aurait été déterminée par le réviseur à partir du pourcentage du chiffre d’affaires relatif aux plats phares de l’année 2017, seule année pour laquelle de telles informations de répartition auraient pu être extraites de la caisse enregistreuse. Elle souligne également que le réviseur aurait accepté de revoir à la baisse les marges qu’il aurait initialement calculées à partir d’une prise en compte, sur place, des portions servies et selon la vaisselle utilisée par le restaurant. Elle ajoute que les marges déterminées lors du cooking sur place, en présence du réviseur, seraient proches des marges fournies par le gérant du restaurant préalablement à la survenance du contrôle en cuisine. Les seules différences notables concerneraient, selon elle, les pizzas préparées ce jour-là. Or, sur la quantité des ingrédients utilisés sur les pizzas, la société appelante précise qu’il faudrait tenir compte du fait que le pizzaïolo présent lors du cooking sur place aurait été engagé bien après les années soumises au contrôle et qu’il ignorait partant les quantités d’ingrédients utilisées sur les pizzas vendues entre 2011 et 2014, de sorte que ses déclarations devraient être ignorées pour les besoins du contrôle.

Quant à la détermination des marges, la société appelante souligne que la société (CD) a initialement déclaré des marges entre 213,94 % et 266,09 % dans ses déclarations fiscales, mais que par la suite sa fiduciaire aurait établi un nouveau calcul de marge de 300,91 % à partir du cooking sur place et de la répartition des plats phares du restaurant extraite de la caisse enregistreuse pour l’année 2017. Or, d’après elle, le réviseur n’aurait pas réagi face à l’envoi, par la fiduciaire, de cette nouvelle marge augmentée et aurait par conséquent déterminé une marge unilatérale tout en restant en défaut de fournir des indices permettant de retenir que le résultat déclaré par la société (CD) ne correspondrait pas à la réalité et cela d’autant plus que certaines des marges fournies par le gérant du restaurant auraient été proches de celles constatées lors du cooking sur place. Elle souligne enfin que le prix de revient des plats servis n’aurait nullement été déterminé de manière contradictoire et que le réviseur aurait rejeté toutes les indications fournies par le gérant sur les quantités d’ingrédients utilisées et les diminutions de marges consenties par le réviseur auraient toujours été inférieures à la marge usuelle issue de restaurants dits comparables au restaurant exploité par la société (CD).

D’après la société appelante, le redressement du réviseur reposerait sur le seul fait que des restaurants comparables disposeraient de marges supérieures et ce serait sur cette seule base qu’il aurait procédé à l’ajustement des marges réalisées par le restaurant sans jamais fournir à la société appelante les informations lui permettant d’établir en quoi ces restaurants seraient véritablement comparables au restaurant exploité par la société (CD). La société appelante critique le refus du réviseur de lui communiquer des renseignements sur ces « comparables secrets » lui permettant dès lors de douter du fait que le réviseur se serait véritablement fondé sur des caractéristiques propres au restaurant telles que sa situation géographique ou encore sa politique tarifaire axée sur un bon rapport qualité-prix. La société appelante estime partant que la méthodologie de la taxation d’office appliquée par le bureau d’imposition resterait inconnue et serait arbitraire et qu’il appartiendrait à la Cour, dans ces circonstances, de rejeter une telle taxation prise en méconnaissance de sa capacité contributive et du principe d’égalité devant l’impôt.

De son côté, le délégué du gouvernement considère que ce serait à bon droit que le réviseur a conclu au caractère irréaliste des marges de la société (CD) et qu’il conviendrait de noter que pour établir les marges applicables au restaurant exploité par la société (CD), le réviseur se serait surtout appuyé sur ses propres constatations faites à partir d’éléments communiqués par la société (CD) et à partir de constatations effectuées sur place. Dans la détermination des marges applicables, la partie étatique souligne que le réviseur ne se serait pas limité à comparer abstraitement les marges initialement déclarées par le restaurant aux marges usuelles du secteur. Bien au contraire, ces marges redressées auraient été établies contradictoirement lors du cooking sur place et s’appuieraient sur le prix de vente des plats phares du restaurant, le prix de revient de ces plats et les quantités copieuses servies par le restaurant. Les marges usuelles du secteur de la restauration auraient été relevées par le réviseur, à titre complémentaire, en vue d’appuyer le bien-fondé des marges redressées.

La partie étatique fait valoir que le réviseur serait fondé à retenir le caractère irréaliste des marges fournies par la société (CD) au vu de la différence significative relevée entre ses déclarations initiales, soit une marge de 213,94 % pour l’année 2012, une marge de 256,17 % pour l’année 2013 et une marge de 266,09 % pour l’année 2014 et la marge moyenne de 340 % fixée, par la suite, par le réviseur pour les années soumises au contrôle.

L’Etat conclut au rejet de la demande tendant à la communication des « comparables » utilisés par le réviseur pour les besoins du contrôle réalisé.

Analyse de la Cour Tel que retenu ci-avant par la Cour, dans la mesure où la régularité formelle de la comptabilité a été rejetée à partir des irrégularités relevées par le réviseur et confirmées par le directeur, c’est partant à bon droit que la partie étatique fait valoir que la présomption de régularité au fond de la comptabilité, prévue au § 208, alinéa (1), AO, ne saurait trouver application en l’espèce.

En effet, il échet de relever que le réviseur a mis en évidence des irrégularités formelles permettant de valablement douter de la réalité matérielle des écritures comptables présentées par la société (CD), et plus loin par la société appelante dans le cadre de leur intégration fiscale, de sorte que le réviseur était en droit de procéder à des mesures d’instruction complémentaires aux fins de déterminer les marges dégagées par le restaurant pour les années du contrôle.

En ce qui concerne les marges redressées par le réviseur en application du § 217 AO, soit une marge annuelle de 340 % de 2012 à 2014, la Cour note, en premier lieu, que de l’aveu même de la société appelante, ces marges majorées s’écartent significativement des marges initialement déclarées par la société (CD) dans ses déclarations fiscales, marges oscillant selon les années fiscales entre 213,94 % et 266,09 % et sur lesquelles la société (CD) est ensuite revenue, durant le contrôle sur place, pour admettre une marge annuelle bien supérieure à ses propres déclarations et s’élevant à 300,91%.

Dans ce contexte, la société appelante reconnaît, à partir du contrôle sur place et des nouveaux calculs opérés avec le réviseur, que les marges initialement déclarées par la société (CD) sont inférieures aux marges qu’elle a véritablement réalisées, de sorte à renforcer le bien-fondé des doutes nourris par le réviseur dès le commencement du contrôle de comptabilité dont elle a fait l’objet en vertu du § 162, alinéa (9), AO.

La société appelante considère néanmoins que la marge annuelle de 340 % dégagée par le réviseur aurait été établie de manière unilatérale, arbitraire et en méconnaissance du principe du contradictoire.

Il se dégage du rapport de révision du 25 juillet 2019 que le réviseur a initialement établi un calcul de marges à partir de certains ingrédients et plats phares du restaurant pour les années contrôlées.

Le réviseur est ensuite revenu sur ses propres calculs de marges après avoir confronté les marges qu’il avait initialement établies à la réalité de la préparation des plats après qu’il s’était rendu dans les cuisines du restaurant contrôlé en présence du préposé adjoint du bureau Sociétés Esch.

En effet, lors de ce contrôle, dont le but a consisté à observer la préparation des plats phares proposés par le restaurant et à mesurer les ingrédients y incorporés, le réviseur a réduit certaines marges initialement établies en ajustant la quantité d’ingrédients et la contenance de la vaisselle utilisée par le restaurant lors de la période contrôlée.

En procédant à ces minorations de marges, le réviseur a ainsi rejoint de nombreux calculs de marges fournis par le gérant du restaurant. C’est notamment le cas pour divers plats, dont la bouchée à la reine, le cordon bleu champignon, le filet de poivre vert ou encore les lasagnes et le tri de pâtes, et certains desserts, dont la mousse au chocolat ou encore le tiramisu maison (cf. inventaire des pièces de la société (CD), Comparaison calculs réviseur et gérant du restaurant avant et après cooking sur place, pièce n° 27).

En outre, il résulte également d’un courriel daté du 7 février 2019 de la fiduciaire de la société (CD) à destination du réviseur, que sur les 27 éléments considérés par le réviseur pour l’établissement de la marge pondérée globale (plats, menus, desserts, boissons et remises), la fiduciaire a repris la marge pondérée établie par le réviseur pour 18 de ces articles (cf.

inventaire des pièces de la société (CD), Détermination de la marge pondérée, pièce n° 29).

Enfin, quant aux marges sur lesquelles la société (CD) a indiqué être en désaccord avec le réviseur, il convient de noter qu’elle est restée en défaut de mettre la Cour en mesure de précisément constater en quoi les chiffres retenus par le réviseur seraient excessifs, voire arbitraires à défaut d’éléments concrets soumis en ce sens.

En effet, à défaut d’avoir contredit, chiffres à l’appui, les marges individuelles retenues par le réviseur pour les plats sur lesquels a subsisté un désaccord entre les parties, il convient de confirmer les marges dégagées par le réviseur dans la mesure où ses constatations font foi jusqu’à preuve du contraire.

Eu égard à ce qui précède, la Cour ne peut pas accueillir les reproches d’unilatéralité et de méconnaissance du contradictoire invoqués par la société appelante vu la méthodologie employée par le réviseur, les ajustements subséquents qu’il a opérés après s’être rendu sur place et l’adhésion de la fiduciaire de la société (CD) à la majorité des marges établies par le réviseur.

Par suite, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société appelante n’avait pas apporté la preuve de l’existence d’erreurs concernant la prise en compte des données et éléments factuels se trouvant à la base des redressements opérés par voie de taxation d’office.

Enfin, en ce qui concerne l’utilisation de « comparables secrets », c’est à bon droit que les premiers juges ont conclu que le réviseur ne s’est pas fondé sur les marges usuelles issues de restaurants comparables aux fins d’établir les marges redressées du restaurant.

En effet, tel qu’il résulte des différentes étapes de reconstitution des marges du restaurant par le réviseur, il est établi que lesdites marges ont été déterminées par le réviseur après une analyse individuelle et sur place de la confection des plats phares du restaurant tout en prenant en compte le contexte de leur commercialisation (prix de vente, remises, repas offerts, etc.).

Ce n’est qu’à titre subsidiaire que le réviseur a indiqué que la marge annuelle de 340 % qu’il a concrètement dégagée pour les exercices contrôlés se trouvait, pour le surplus, dans la moyenne des marges usuelles de restaurants comparables le confortant ainsi dans le bien-fondé global de la méthodologie individuelle qu’il a employée pour la détermination des marges finales du restaurant.

La Cour note enfin que les marges finales sur lesquelles a été redressée la société appelante, soit une marge annuelle de 340 % par année du contrôle, sont inférieures aux marges usuelles qui, selon le rapport de révision et la décision directoriale confirmative, se situeraient davantage entre 370 % et 380 % pour une pizzeria.

Partant, à défaut d’avoir été décisive dans la détermination des marges redressées, la communication de renseignements portant sur la détermination des marges usuelles n’est pas pertinente pour le cas d’espèce.

Ce moyen est partant à rejeter et c’est à bon droit que le directeur a confirmé le recours du réviseur à la taxation d’office suivant le § 217 AO et à la fixation des marges par ce procédé pour les années déférées au contrôle de la Cour.

Quant à la distribution cachée de bénéfices Moyens des parties La société appelante expose que le contexte de ce redressement résiderait dans la découverte qu’un des anciens salariés du restaurant exploité par la société (CD) aurait dérobé, de 2011 à 2012, des bouteilles d’alcool d’une valeur d’environ (100) euros qu’il aurait pris l’habitude d’emporter à son domicile après son service et cela à l’insu de son employeur. Ce salarié, dont les agissements auraient été découverts seulement en novembre 2012, aurait été licencié et une reconnaissance de dette aurait été signée entre le gérant de la société (CD) et l’ancien salarié afin d’assurer le recouvrement de la somme de ces vols.

Or, ce serait de manière infondée, à partir de cette reconnaissance de dette, que le bureau d’imposition, confirmé par le directeur, a conclu à l’existence d’une distribution cachée de bénéfices en faveur du gérant de la société (CD), Monsieur (G). S’il n’est pas contesté que seul le nom du gérant a été indiqué dans la reconnaissance de dette, en sa qualité de créancier, cette situation s’expliquerait par la présence de Monsieur (G) lors de la découverte du détournement des marchandises et par sa volonté d’obtenir le remboursement des sommes en souffrance en faisant signer un engagement légalement contraignant à l’employé accusé du vol de marchandises. Il serait clair qu’au regard de la situation, le gérant n’agirait pas pour son propre compte, mais bien en tant que représentant légal de la société (CD) dont il serait « l’incarnation physique » et cette représentation aurait été comprise par toutes les personnes impliquées, puisque le gérant aurait agi en tant que simple « recouvreur de dette » de la société (CD). Dans l’hypothèse où le gérant aurait réussi à récupérer les sommes en souffrance auprès de l’ancien employé, il serait évident qu’il les aurait restituées à la société (CD). L’absence de document unilatéral du gérant s’engageant à remettre lesdites sommes à la société créancière ne saurait, pour autant, empêcher l’existence d’un accord oral prévoyant une telle restitution entre la société (CD) et son gérant.

La société appelante conteste, ensuite, l’existence d’une distribution cachée de bénéfices telle que retenue par les premiers juges dans la mesure où il n’aurait jamais été dans l’intention de la société (CD) d’octroyer un avantage à son gérant unique. Plus particulièrement, la société appelante souligne qu’au moment des vols subis, la société (CD) n’aurait même pas eu conscience de s’appauvrir, de sorte qu’aucune volonté d’enrichir son gérant ne pourrait être constatée en l’espèce. En l’absence de tout avantage octroyé au gérant, il manquerait partant une des conditions essentielles pour retenir l’existence d’une distribution cachée de bénéfices. En outre, ce serait à tort que les premiers juges ont dit pour droit que l’acte de reconnaissance de dettes doit être pris en compte dans l’évaluation de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices, alors qu’aucune distribution de la sorte ne pourrait être constatée au moment de la signature de l’acte précité eu égard, là encore, au fait que la société (CD) n’aurait aucunement eu l’intention d’enrichir son gérant en lui octroyant un quelconque avantage. En outre, la société appelante soutient que retenir l’existence d’une distribution cachée de bénéfices à son encontre serait injuste en ce qu’elle serait « punie doublement », tout d’abord en raison du vol et ensuite du fait de la réintégration du montant de la marchandise volée dans son résultat imposable.

Enfin, dans l’hypothèse où la Cour conclurait à l’existence d’une distribution cachée de bénéfices au moment de la signature de l’acte de reconnaissance de dette, il y aurait lieu de retenir que la société (CD) aurait distribué sa créance envers Monsieur (G) et qu’il conviendrait alors de s’interroger sur la valeur de ladite créance au moment de sa distribution au gérant en vue de déterminer le montant de la retenue à la source à prélever par la société (CD). La question de la valeur de la créance transmise se poserait également eu égard au fait que l’ancien employé serait officiellement sans ressources et que les chances de remboursement des (100) euros tendraient vers zéro. Or, vu l’improbabilité de recouvrir les sommes des marchandises dérobées, la créance n’aurait aucune valeur au moment de sa prétendue distribution au gérant, de sorte que la distribution d’un actif sans valeur ne pourrait pas avoir de conséquence fiscale. La société appelante précise qu’en cas de confirmation, par la Cour, de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices, celle-ci devrait porter sur une créance sans valeur, de sorte qu’il ne devrait y avoir de conséquence fiscale ni à son niveau, ni au niveau de son gérant.

La société appelante conclut qu’il n’existerait aucun avantage octroyé au gérant de la société (CD) au sens de l’article 164, paragraphe (3), LIR et que le bureau d’imposition resterait en défaut de démontrer l’existence d’une distribution cachée de bénéfices au profit de Monsieur (G). Selon elle, les charges que la société (CD) aurait supportées resteraient déductibles de son revenu imposable par application conjointe des articles 167 et 45 LIR, de sorte qu’il appartiendrait à la Cour de réformer dans son intégralité l’analyse des premiers juges.

De son côté, la partie étatique demande la confirmation du jugement entrepris en ce que ce serait à bon droit que les premiers juges ont retenu l’existence d’une distribution cachée de bénéfices de la société (CD) au profit de son gérant unique.

Le délégué du gouvernement considère que, conformément aux critères posés par l’article 164 LIR, une distribution cachée de bénéfices serait vérifiée en l’espèce. En outre, ladite distribution résulterait clairement des pièces fournies et des aveux de la partie appelante devant la Cour. Plus particulièrement, la partie étatique fait valoir que le bureau d’imposition aurait pu valablement mettre en exergue le fait que Monsieur (G) se serait attribué, à titre personnel, une créance qui aurait dû revenir à la société (CD), celle-ci ayant été victime d’un vol de marchandises estimées à la somme de (100) euros. Elle ajoute que ledit gérant se targuerait de la qualité de créancier dans les pièces que la société appelante a versées à l’appui de son appel et qu’il serait surprenant que suite au vol de ces marchandises, aucune plainte n’aurait été déposée au Parquet et qu’aucun signalement n’aurait été fait à l’administration des Contributions directes. La partie étatique souligne que la société (CD) et la société appelante seraient liées et auraient les mêmes actionnaires et bénéficiaires économiques et qu’il conviendrait également de retenir que Monsieur (G) serait à qualifier d’actionnaire indirect de la société (CD), de sorte à retenir à son endroit la qualification d’intéressé en ce qu’il détiendrait une participation dans la société appelante, société mère de la société (CD).

Enfin, le délégué du gouvernement conclut que la reconnaissance de dette sommant le « malfaiteur » de payer la somme des marchandises dérobées sur le compte privé du gérant unique de la société (CD) serait à qualifier de distribution cachée de bénéfices et ce serait partant à bon droit que le directeur a confirmé le redressement afférent opéré par le bureau d'imposition Sociétés Esch. Selon lui, l’attribution de cette créance équivaudrait a priori à un avantage alloué à Monsieur (G) en raison de sa qualité d’intéressé et il serait à retenir qu’un gestionnaire normalement prudent et avisé n’aurait pas accordé un tel avantage à un tiers.

Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour tient à relever que dans son arrêt parallèle de ce jour dans l’affaire n° 47814C du rôle portant sur le recours introduit par la société (CD) notamment à l’encontre du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2012, émis à son égard le 14 août 2019, elle dit pour droit que c’est à tort que les premiers juges ont retenu l’existence d’une distribution cachée de bénéfices à partir de la reconnaissance de dette entre l’ancien salarié de la société (CD) et le gérant de celle-ci et a annulé ledit bulletin.

Or, la même distribution cachée a été admise par le bureau d'imposition Sociétés Esch en tant que redressement dans le cadre des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2012, tous émis le 30 octobre 2019 à l’égard de la société appelante, en raison de l’intégration fiscale la liant à la société (CD). La Cour est partant amenée à réitérer son analyse dans le cadre de l’appel sous examen.

Tout comme dans l’arrêt parallèle de ce jour, la Cour relève que la reconnaissance de dette serait, de l’aveu du gérant unique de la société (CD), sans être utilement contesté par la partie étatique, lié à un vol continu des marchandises du restaurant exploité par la société (CD), de 2011 à 2012, et dont l’auteur suspecté de ces agissements serait l’un de ses anciens salariés.

En ce qui concerne les redressements opérés par le bureau d'imposition et confirmés par le directeur, il convient de noter qu’ils sont fondés sur le régime des distributions cachées de bénéfices tel que prévu par l’article 164, paragraphe (3), LIR qui dispose que « les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ».

Le terme « notamment » utilisé par la seconde phrase de l’article 164, paragraphe (3), LIR indique, tel que confirmé par les travaux parlementaires, que, conformément à un choix délibéré du législateur, cette formulation est générale afin de permettre « à l’administration et aux instances de recours de prendre leur décision dans chaque cas d’espèce » et ce au vu de la difficulté de prévoir une énumération exhaustive (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, ad art. 239, p. 3).

L’essence de la notion de distribution cachée doit être dégagée à partir du principe posé par l’article 164, paragraphe (1), LIR selon lequel les distributions ne peuvent pas réduire le revenu imposable. La loi opère de la sorte une distinction entre la sphère de réalisation des revenus, qui détermine le revenu imposable devant être soumis à imposition, et celle d’utilisation ou de distribution des revenus qui ne doit pas influer sur le revenu imposable.

Ainsi, une distribution cachée de bénéfices s’analyse en une opération ayant l’apparence d’être intervenue dans le cadre de la réalisation de revenus, mais dont l’examen de la substance permet de dégager sa qualification réelle d’opération de distribution trouvant son fondement dans l’allocation d’un avantage direct ou indirect à un associé, actionnaire ou intéressé et ayant entraîné soit une diminution de l’actif (« Vermögensminderung ») soit un défaut d’accroissement de l’actif (« verhinderte Vermögensmehrung »). La notion de distribution cachée de bénéfices ne tend ainsi pas à réintégrer dans les comptes sociaux une opération déterminée et le revenu correspondant, mais tend, d’abord, à requalifier l’opération et, ensuite, à annihiler la réduction indue du revenu imposable causée par cette opération de distribution.

Dans la mesure où l’admission de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices ne tend dès lors pas à rajouter un élément particulier de revenu, mais à éliminer les effets fiscaux d’une opération de distribution de revenus, le montant retenu du chef de la distribution cachée ne peut pas être qualifié de revenu réalisé par le contribuable, mais s’analyse en une opération de correction de bénéfice hors-bilan.

Les distributions cachées de bénéfices visées par l’article 164, paragraphe (3), LIR précité, existent dès lors si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qui s’analysent pour cette dernière en un emploi de revenus sans contrepartie effective et que l’associé, sociétaire ou intéressé n’aurait pas pu obtenir en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers.

La qualification d’une opération comme distribution cachée est ainsi soumise notamment à la condition de l’existence d’une relation d’associé ou de sociétaire (« Gesellschafterverhältnis ») qui est la cause de l’avantage sans contrepartie effective qui a été alloué par la société.

La Cour a également rappelé qu’aux termes de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ».

Il résulte d’une lecture combinée des dispositions dudit article 59 et de l’article 164, paragraphe (3), LIR que la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices repose donc en premier lieu sur le bureau d’imposition. Celui-ci doit en effet procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever des éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions cachées de bénéfices. Ainsi, c’est essentiellement lorsque le bureau d'imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable et qui n’ont pas été éclairées ou documentées par le contribuable qu’il peut remettre en cause la réalité économique des opérations et supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas de diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées.

Le cercle de personnes bénéficiaires d’avantages dont l’article 164, paragraphe (3), LIR autorise la requalification en distributions cachées est ainsi délimité par cette disposition aux associés, sociétaires et intéressés de l’entité sociale visée.

Il est constant en cause que Monsieur (G) revêt à l’égard de la société (CD) la qualité de gérant unique et d’actionnaire indirect, étant donné qu’il détient une participation dans la société appelante, société mère de la société (CD), de sorte à pouvoir être qualifié de sociétaire.

Par suite, Monsieur (G) relève du cercle de personnes susceptibles de bénéficier d’un avantage résultant d’une distribution cachée au sens de l’article 164, paragraphe (3), LIR.

En ce qui concerne l’existence d’un avantage accordé à Monsieur (G), il ne fait aucun doute que la reconnaissance de dette litigieuse d’un montant de (100) euros a été dressée en faveur de celui-ci, étant donné que l’acte par lequel la dette a été reconnue a été conclu entre deux parties, d’une part, l’auteur présumé du vol, Monsieur (K), et, d’autre part, le gérant de la société lésée par ces vols de marchandises, Monsieur (G).

La Cour relève en effet que ladite reconnaissance de dette n’indique que les prénom et nom du gérant de la société (CD) sans jamais indiquer la dénomination sociale de la société précitée pour laquelle il dit avoir agi en sa qualité de gérant. A cela s’ajoute, sans être utilement contesté par la partie appelante, que le numéro de compte bancaire indiqué sur l’acte de reconnaissance de dette est le numéro du compte bancaire personnel du gérant de la société (CD).

Il faut partant conclure à partir de la rédaction de ce document que Monsieur (G) s’est personnellement attribué la créance dont est titulaire la société (CD) à l’égard de l’auteur présumé des vols et qu’une substitution de créanciers s’est produite dès la signature de la reconnaissance de dette, bien qu’elle n’eût pas été formalisée à travers l’existence d’une cession de créance formelle entre la société appelante et son gérant unique.

Au vu de cette façon singulière de procéder du gérant de la société appelante, la reconnaissance de dette, telle qu’elle a été établie par les parties, est a priori indicatrice de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices en faveur du gérant de la société (CD).

Il incombe néanmoins à la Cour de rechercher si, dans ces conditions particulières, une distribution cachée de bénéfices peut effectivement être constatée dans le chef du gérant de la société (CD), Monsieur (G).

Il résulte du libellé de l’article 164, paragraphe (3), LIR qu’une distribution cachée de bénéfices exige l’allocation d’un avantage en faveur d’une personne susceptible d’en bénéficier, c’est-à-dire, en l’espèce, la preuve qu’un avantage a été effectivement accordé par la société (CD) au profit de Monsieur (G).

C’est à bon droit que la partie étatique soutient que la cession de créance en faveur du gérant de la société (CD) « équivaut a priori à un avantage alloué à Monsieur (G) » en raison de la qualité de sociétaire préalablement dégagée par la Cour.

Cependant, ce constat préliminaire ne saurait suffire pour constater une distribution cachée de bénéfices à défaut de preuve de l’allocation effective d’un tel avantage en faveur du gérant de la société (CD).

Il convient en effet de rappeler que l’avantage accordé par la société doit non seulement entraîner soit une diminution de l’actif, soit un défaut d’accroissement de l’actif dans son chef, mais également, tout comme les distributions de revenus dans les formes prévues par le droit des sociétés, avoir la nature d’une recette pouvant être qualifiée de revenu de capitaux mobiliers (cf. BFH 18 décembre 1996, I R 139/94, BStBl. II 1997, 301 ; HERRMANN, HEUER, RAUPACH, KStG-Kommentar, § 8, Anm. 113 ; Cour adm. 27 juillet 2022, n° 46801C). Or, une recette suppose la mise à disposition effective du bien ou de l’avantage à son bénéficiaire.

La partie étatique se contente cependant d’affirmer qu’une distribution cachée de bénéfices serait établie en raison de la reconnaissance de dette litigieuse, des aveux de la partie appelante et des pièces qu’elle a versées devant la Cour. Plus particulièrement, elle s’appuie sur le fait que le gérant de la société (CD) s’est présenté comme unique créancier dans les démarches qu’il a entreprises ultérieurement, devant la justice de paix, pour obtenir le remboursement de la somme de (100) euros.

Ces éléments ne font néanmoins qu’alléguer l’existence d’un avantage alloué à Monsieur (G) sans toutefois en démontrer le caractère vraisemblable, voire certain, de sorte que la partie étatique est restée en défaut de mettre en évidence un faisceau d’indices corroborant la probabilité de l’existence d’un avantage distribué en faveur dudit gérant.

De son côté, la société appelante a pu présenter la copie d’une requête introduite par Monsieur (G) devant le juge de paix de et à Esch-sur-Alzette, datée du 11 novembre 2014, en vue d’obtenir une injonction visant à interroger les organismes sociaux sur la situation de revenu de son ancien salarié aux fins d’exécuter une saisie-arrêt pour le remboursement des (100) euros dérobés.

Par une ordonnance du 13 novembre 2014, le juge de paix a enjoint au Centre commun de la sécurité sociale, ci-après « CCSS », de fournir les informations à sa disposition sur l’affiliation actuelle de l’ancien salarié. Or, les vérifications opérées par le CCSS et matérialisées dans un courrier du 25 novembre 2014, ont confirmé l’absence d’affiliation de l’ancien salarié aussi bien en tant que salarié qu’en tant que bénéficiaire d’une pension.

Le fait que la société appelante affirme que les chances de remboursement de cette somme seraient définitivement compromises et les dires du gérant de la société (CD) soutenant qu’il n’aurait perçu aucun remboursement depuis la signature de la reconnaissance de dette permettent, à défaut de tout autre indice contraire soumis par la partie étatique, d’écarter l’existence d’une distribution cachée de bénéfices par la société (CD) en faveur de son gérant unique.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que les arguments de la société appelante sont de nature à infirmer la validité du faisceau d’indices dégagé par le réviseur, le bureau d'imposition et le directeur à l’égard de l’évènement incriminé, de sorte que c’est à tort que les premiers juges ont retenu l’existence d’une distribution cachée de bénéfices résultant de la reconnaissance de dette entre l’ancien salarié de la société (CD) et le gérant de celle-ci.

Il s’ensuit que l’appel est justifié sur ce point et que le jugement entrepris encourt la réformation en ce sens que le recours de la société appelante est partiellement fondé.

Enfin, quant à la demande de la société appelante de se voir remettre au greffe de la Cour l’intégralité de son dossier fiscal incluant les comparables utilisés par l’administration des Contributions directes, il convient d’écarter ce moyen eu égard à son manque de pertinence par rapport à la solution du litige ci-avant.

Quant à l’indemnité de procédure La société appelante sollicite une indemnité de procédure de 4.000 euros pour la première instance et de 2.000 euros pour l’instance d’appel, pour avoir dû recourir aux services rémunérés d’un avocat afin de faire valoir ses droits.

Cette demande est à rejeter, les conditions légales afférentes n’étant point vérifiées en l’espèce, vu qu’il ne découle point des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de la société appelante les frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 12 août 2022 en la forme, rejette la demande en communication de l’intégralité du dossier de la société (AB) pour la communication des comparables utilisés par l’administration des Contributions directes, au fond, déclare l’appel partiellement justifié, partant, réforme le jugement entrepris du 12 août 2022 uniquement en ce sens que la décision directoriale du 13 février 2020 (n° …) encourt la réformation partielle en ce sens que la reconnaissance de dette entre l’ancien salarié de la société (CD) et le gérant de celle-ci pour un montant total de (100) euros ne peut s’analyser en une distribution cachée de bénéfices au profit de ce gérant pour l’année 2012 imputable à la société (AB), confirme le jugement entrepris pour le surplus, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société (AB) pour les deux instances, fait masse des dépens des deux instances et les met pour moitié à charge de l’Etat et pour moitié à charge de la société (AB).

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 15 juin 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 juin 2023 Le greffier de la Cour administrative 33


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47813C
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-15;47813c ?

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