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13/06/2023 | LUXEMBOURG | N°48322C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 juin 2023, 48322C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48322C ECLI:LU:CADM:2023:48322 Inscrit le 27 décembre 2022 Audience publique du 13 juin 2023 Appel formé par Monsieur (F), …, contre un jugement du tribunal administratif du 14 novembre 2022 (n° 45571 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions du conseil communal de la commune de Kehlen et deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général et de plan d’aménagement particulier Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48322C du rôle et déposée

au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2022 par la société anonym...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48322C ECLI:LU:CADM:2023:48322 Inscrit le 27 décembre 2022 Audience publique du 13 juin 2023 Appel formé par Monsieur (F), …, contre un jugement du tribunal administratif du 14 novembre 2022 (n° 45571 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions du conseil communal de la commune de Kehlen et deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général et de plan d’aménagement particulier Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48322C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240.929, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (F), demeurant à L-… Kehlen, …, …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 14 novembre 2022 (n° 45571 du rôle) ayant déclaré recevable mais non justifié son recours en annulation de la délibération du conseil communal de Kehlen du 22 novembre 2019 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Kehlen et de la délibération du même conseil communal du même jour portant adoption du projet d’aménagement particulier (quartier existant) (PAP QE), de la même commune, ainsi que des décisions d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 27 octobre 2020, tout en rejetant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant aux frais et dépens de l’instance ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés près du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 3 janvier 2023, portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Kehlen, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-8280 Kehlen, 15, rue de Mamer ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2023 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro B 186.371, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Kehlen ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er mars 2023 par Maître Georges KRIEGER au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 mars 2023 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Kehlen ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 3 avril 2023 par Maître Christian POINT au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Adrien KARIGER, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, et Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 avril 2023.

Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de Kehlen, ci-après « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Kehlen qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

En date du même jour, le collège échevinal décida également « de soumettre le projet d’aménagement particulier « quartier existant » à la procédure d’adoption prévue aux articles 30 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ».

Toujours le 8 mars 2019, le collège échevinal constata la conformité du plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Kehlen (« PAP QE ») au projet d’aménagement général.

2Par courrier adressé au collège échevinal le 11 avril 2019, Monsieur (F), propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Kehlen, section A de Kehlen, au lieu-dit « rue de Keispelt », sous le numéro 1951/5354, d’une contenance de 10 ares et 95 centiares, accueillant une maison d’habitation, soumit ses observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général.

Conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 2004, la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur émit son avis le 21 août 2019 quant à la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de ladite loi.

Lors de sa séance publique du 22 novembre 2019, le conseil communal décida ce qui suit :

« (…) Après en avoir délibéré conformément à la loi, unanimement Approuve les propositions faites par le collège échevinal conformément au rapport avec synthèse des 101 réclamations formulées pendant l’enquête publique du PAG, daté de novembre 2019, dressé par le bureau d’ingénieurs-conseils (K) de (….), comportant 208 pages, et faisant partie intégrante de la présente décision ;

Approuve les propositions faites par le collège échevinal conformément au rapport d’analyse de l’avis de la commission d’aménagement auprès du Ministère de l’Intérieur et de l’avis de la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement Durable sur le projet d’aménagement général de la commune de Kehlen, daté d’octobre 2019, dressé par le bureau d’ingénieurs-conseils (K) de (….), comportant 73 pages, et faisant partie intégrante de la présente décision ;

Adopte le projet d’aménagement général de la commune de Kehlen, comprenant parties écrite et graphique, étude préparatoire, rapport et fiches de présentation s’y rapportant et le cadastre des biotopes, tel qu’il a été modifié/adapté suite aux réclamations et avis officiels reçus, et Charge le collège échevinal de continuer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement générale de la commune de Kehlen.

(…) ».

Lors de cette même séance publique, le conseil communal décida encore :

« (…) Après en avoir délibéré conformément à la loi, avec huit voix pour et trois voix contre Adopte les propositions faites par le collège échevinal conformément au rapport avec synthèse des réclamations formulées pendant l’enquête publique du PAG et du PAP ‘quartier existant’, daté d’octobre 2019, dressé par le bureau d’ingénieurs-conseils (K) de (….), comportant 208 pages, et faisant partie intégrante de la présente décision;

3Adopte les propositions faites par le collège échevinal conformément au rapport d’analyse de l’avis et de l’avis complémentaire de la cellule d’évaluation auprès du Ministère de l’Intérieur, daté de novembre 2019, dressé par le bureau d’ingénieurs-conseils (K) de (….), comportant 52 pages, et faisant partie intégrante de la présente décision;

Adopte le projet d’aménagement particulier ‘quartier existant’ de la commune de Kehlen, comprenant les parties écrite et graphique, tel qu’il a été modifié/adapté suite aux réclamations et avis officiels reçus, et Charge le collège échevinal de l’exécution de la présente décision telle que prévue au Titre 4 – Chapitre 3 ‘Procédure d’adoption du plan d’aménagement particulier’ de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. (…)».

Par courrier du 27 novembre 2019, le collège échevinal informa le mandataire de Monsieur (F) de l’approbation par le conseil communal du projet d’aménagement général.

Par courrier recommandé de son mandataire du 9 décembre 2019, Monsieur (F) fit introduire auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la décision du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption du projet d’aménagement général.

Par courrier du 8 janvier 2020, le collège échevinal s’adressa de nouveau à Monsieur (F) dans les termes suivants :

« (…) Suite à un courrier de Madame la Ministre de l’Intérieur nous transmis en date du 23 décembre 2019 dans le cadre de l’approbation du PAG de la commune de Kehlen et invitant les autorités communales de reprendre la procédure d’information des personnes ayant introduit une réclamation de la décision formelle du vote du conseil communal du 22 novembre 2019, nous nous voyons obligés de reformuler et de compléter notre lettre vous envoyée le 27 novembre 2019.

Ainsi, afin de permettre une meilleure compréhension de la décision du conseil communal portant rejet respectivement acceptation de votre réclamation, nous vous envoyons en annexe un extrait du rapport de synthèse établi par le bureau d’études (K) s.a. indiquant la proposition du collège échevinal quant à votre réclamation et la décision prise par le conseil communal lors du vote du PAG.

Une réclamation contre le vote du conseil communal en matière de projet d’aménagement général (PAG) est à adresser à Madame la Ministre de l’Intérieur, dans les quinze (15) jours à compter de la date de la notification de la présente, sous peine de forclusion.

Le projet d’aménagement général et le dossier y relatif est à votre disposition à la maison communale et, sous forme électronique, sur le site internet www.kehlen.lu. Seules les pièces déposées à la maison communale à Kehlen font foi.

4Veuillez noter que les réclamations adressées à Madame la Ministre de l’Intérieur suite à notre premier courrier du 27 novembre 2019 restent recevables sans qu’il soit nécessaire de les envoyer de nouveau. (…) ».

Par courrier recommandé de son mandataire du 21 janvier 2020, Monsieur (F) fit introduire auprès du ministre une nouvelle réclamation à l’encontre de la décision du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption du projet d’aménagement général.

Dans sa séance du 27 mai 2020, le conseil communal prit position quant aux réclamations adressées au ministre et décida ce qui suit :

« (…) Après en avoir délibéré conformément à la loi, unanimement Émet l’avis repris en annexe dans le document de synthèse regroupant les réclamations formulées contre les modifications apportées au projet d’aménagement général (PAG) de la commune de Kehlen lors du vote du 22 novembre 2019, numéro 1, intervenu dans les conditions de l’article 14, alinéa 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Transmet la présente à l’autorité supérieur aux fins d’approbation. (…) ».

Par décision du 27 octobre 2020, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG ») et déclara recevable, ainsi que partiellement fondée la réclamation de Monsieur (F).

Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la commune de Kehlen, présenté par les autorités communales.

La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 25 septembre 2020.

Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 mai 2020.

Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.

5Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans et documents modifiés, ainsi que le schéma directeur à adapter, suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature.

Il est statué sur les réclamations […] émanant de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de (F) (…).

[…] Ad réclamations (F) (…) Le réclamant s’oppose au classement de la parcelle cadastrale n°1951/5354 à Kehlen, en « secteur protégé de type « environnement construit » [C] » et en « zone orange « vestiges archéologiques » », et conteste la servitude « construction à conserver ». Il estime également que l’article 11.2.1 de la partie écrite du plan d’aménagement général ne permettrait pas de tenir compte des droits acquis, en l’occurrence d’une autorisation de construire un carport de 2004. Le classement de base en « zone mixte villageoise [MIX-v] » n’est pas critiqué.

En ce qui concerne le classement en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » ainsi que la servitude « construction à conserver », il convient de constater que le PAG est cohérent, alors que l’immeuble en question répond notamment aux critères de l’authenticité, de la substance bâtie, de l’exemplarité du type de bâtiment, de son aménagement et du témoignage de l’immeuble pour l’histoire locale, tels qu’énoncés par l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG d’une commune. La réclamation est partant non fondée sur ce point.

Pour ce qui est de la « zone orange « vestiges archéologiques » », il y a tout d’abord lieu de constater que la section 5 de la partie écrite du PAG dans laquelle elle figure n’est qu’indicative et ne devrait dès lors créer aucune servitude. Or, l’article 19 relatif à la zone critiquée est rédigé de manière nominative, ce qui laisse supposer qu’il s’agit d’une disposition engendrant des effets de droit. Par ailleurs, certaines formulations sont trompeuses, alors qu’il est inexact que les parcelles classées comme monuments nationaux sont de plano non aménageables. La réclamation est dès lors partiellement fondée à cet égard et les deux derniers alinéas de l’article précité sont à supprimer.

Finalement, en ce qui concerne les droits acquis, il convient de constater que l’article 12.2.1 n’interdit pas d’office toute construction et ne fait partant pas obstacle aux droits acquis, étant toutefois précisé que l’autorisation de construire invoquée est de toute manière périmée au sens de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. Ce volet de la réclamation est dès lors non fondée. (…) ».

Par décision du même jour, le ministre approuva encore la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAP QE, décision libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption du projet d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Kehlen.

6 Or, conformément à ma décision d’approbation du projet de la refonte du plan d’aménagement général de la commune de Kehlen de ce jour, modifiant les délimitations des plans d’aménagement particulier « quartier existant » sur les parties graphiques afférentes, je vous prie de me faire parvenir ces dernières adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduire une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l’Intérieur.

Cette décision est basée sur l'article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

La présente décision sort ses effets sans préjudice des charges qui grèvent ou pourront grever les fonds en question en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2021, Monsieur (F) fit introduire un recours tendant à l’annulation de 1) de la délibération du conseil communal de Kehlen du 22 novembre 2019 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Kehlen, 2) de la délibération du même conseil communal du même jour portant adoption du projet de PAP QE, et 3) des décisions d’approbation afférentes du ministre du 27 octobre 2020.

Par jugement du 14 novembre 2022, le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta Monsieur (F) tout en rejetant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2022, Monsieur (F) a fait entreprendre le jugement précité du 14 novembre 2022 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir déclarer justifié son recours initial et de voir annuler en conséquence les délibérations du conseil communal du 22 novembre 2019 portant adoption respectivement du projet de refonte du PAG, ainsi que du PAP QE, de même que des décisions d’approbation afférentes du ministre du 27 octobre 2020, de voir accueillir sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de …..- € et de voir mettre l’entièreté des frais à charge des parties publiques.

Les deux parties publiques se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel.

L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

La partie étatique insiste tout d’abord sur le caractère circonscrit de l’appel, à l’instar de ce qui avait été opéré par Monsieur (F) en première instance, en ce que tous les moyens par lui 7proposés concernent uniquement le classement de sa parcelle inscrite au cadastre de la commune de Kehlen, sous le numéro 1951/5354, et le classement de l’immeuble existant érigé sur cette parcelle en tant que « construction à conserver ».

C’est à bon escient que la partie étatique relève que l’ensemble des moyens réitérés en appel portent sur le classement de la parcelle précitée appartenant à l’appelant, de sorte qu’en cas d’annulation prononcée par la Cour, celle-ci se limiterait tout au plus à ladite parelle sans toucher pour le surplus le restant du PAG refondu.

Quant à l’étendue de l’appel, la partie étatique fait également valoir à bon escient que pareillement à ce qui s’est passé en première instance, aucun des moyens d’appel ne touche effectivement ni la délibération communale ayant porté adoption du PAP QE, ni la décision ministérielle d’approbation afférente, de sorte que l’objet de l’appel porte uniquement sur les moyens visant la délibération communale portant adoption du PAG refondu, ainsi que la décision ministérielle d’approbation afférente.

De même, aucun moyen concernant la prétendue violation de l’article 12 de la loi du 19 juillet 2004 n’a été réitéré en instance d’appel.

Contrairement aux conclusions étatiques, la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée devant la Cour inclut à la fois la procédure devant le tribunal et celle devant la Cour.

La question restée litigieuse en appel est celle de savoir, tout comme en première instance, si la maison d’habitation de l’appelant sise 9, rue Keispelt à Kehlen a été à juste titre classée au niveau du PAG en tant que construction à conserver dans le cadre du « secteur protégé de type « environnement construit » [C] ».

L’appelant reprend son moyen de légalité externe tiré de la violation des dispositions de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 en ce que, selon lui, le conseil communal n’aurait pas statué individuellement sur les objections des administrés, en ce qu’il se serait contenté de suivre en bloc les propositions du collège échevinal.

La Cour est amenée à suivre le raisonnement des premiers juges et à écarter ce moyen par confirmation du jugement dont appel.

En effet, pas plus qu’en première instance, l’appelant n’a pu établir que le conseil communal n’aurait pas statué en connaissance de cause par rapport à son objection, étant constant que suite aux propositions faites par le collège échevinal, une réunion de présentation a eu lieu de la part du collège échevinal à l’intention des autres membres du conseil communal, précisément pour expliciter la démarche suivie.

Au titre de la légalité interne du classement opéré, l’appelant réitère son moyen suivant lequel sa maison d’habitation, dans son ensemble, ne serait digne d’une soumission à la protection du patrimoine architectural communal.

8En second lieu, l’appelant estime que le classement intervenu en tant que construction à conserver serait incompatible avec le principe de proportionnalité. L’appelant insiste sur les transformations qui ont été faites depuis les années 1970 et, plus particulièrement, dans les années 1990 et au début du présent millénaire impliquant que comme majeure partie l’immeuble litigieux est constitué d’éléments récemment refaits, tandis que les éléments d’origine se présenteraient comme étant largement minoritaires.

Les parties publiques sollicitent la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a rejeté les différents argumentaires de l’appelant, repris pour l’essentiel en appel.

Il est constant que la maison d’habitation litigieuse, d’une envergure certaine, fait partie du noyau de la structure villageoise de Kehlen et se trouve être voisine du bâtiment comportant le « Kanounentiirmchen », emblème symbolique non seulement de la localité de Kehlen mais de la commune toute entière. Ce dernier bâtiment a effectivement été classé monument national, mais non l’immeuble d’habitation litigieux adjacent. A l’époque de la procédure de classement, sur visite des lieux, le service des Sites et Monuments nationaux (SSMN) de l’époque s’était exprimé en ce sens : « Diese Hofanlage ist schon auf dem 1822 datierten Urkataster verzeichnet. Seither hat das Bauwerk einige Veränderungen erlebt. Bereits in den 1970er Jahren waren die ehemals reich verzierten Gewände des Wohnhauses zerstört worden. Ende der 1990er Jahre wurde das Anwesen umfassend modernisiert und im Innenbereich komplett umstrukturiert, weshalb die Hofanlage insgesamt heute nicht mehr die Kriterien für eine nationale Unterschutzstelllung erfüllt ».

L’appelant sollicite à son tour une nouvelle visite des lieux.

S’il est vrai que la Cour est encline à instituer pareille mesure chaque fois que l’appréhension des éléments de fait in situ est nécessaire pour rendre sa décision, il est un fait qu’en l’occurrence, les éléments du dossier sont richement fournis et étoffés concernant la consistance et l’apparence de la construction litigieuse précisément par rapport à la façade principale sur rue par rapport à laquelle, essentiellement, la mesure de conservation doit être appréciée s’agissant des éléments se présentant à l’habitant voire au spectateur à partir de l’espace public de manière à constituer un cadre architectural en phase, autant que possible, avec sa genèse dans un lieu donné, en l’occurrence un milieu d’origine essentiellement rurale.

Ceci est d’autant plus vrai qu’en instance d’appel, l’appelant a versé comme pièce additionnelle un rapport d’expertise, émanant d’un expert judiciaire assermenté en travaux de construction, certes unilatéral, permettant néanmoins d’appréhender mieux encore qu’en première instance les éléments de construction litigieux documentés plus particulièrement par rapport à ceux qui ont précédé les transformations opérées à partir des années 1970.

Au-delà des discussions de détail menées devant la Cour, il s’agit de ramener la problématique à l’essentiel : Il se dégage de l’ensemble des éléments produits au dossier que, concernant plus particulièrement la façade principale sur rue, visible à partir de l’espace public, certains éléments d’origine s’y retrouvent encore, essentiellement du côté gauche vu à partir de la rue, tandis que majoritairement les éléments actuellement visibles, même si globalement ils ont l’allure de correspondre à des éléments anciens, n’en sont précisément pas. Ainsi, globalement, 9l’on est en présence d’un immeuble ayant l’allure de celui qui l’a précédé dans sa version valable encore dans les années 1960 auquel manquent cependant des éléments essentiels tels ceux relevés dans le document du SSMN précité, tandis que de manière globale, l’essentiel des matériaux actuellement visibles est de facture récente, généralement d’origine non locale, quoique d’une valeur qualitative certaine.

L’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit qu’entre autres, le contenu des parties graphique et écrite du PAG est arrêté par règlement grand-ducal. En application dudit article 9 a été adopté le règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 », disposant dans son article 32 intitulé : « Secteurs protégés d’intérêt communal » que : « (…) Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

(…) Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection. Les secteurs protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C ». (…) ».

Si l’immeuble litigieux se présentait aujourd’hui dans sa substance telle qu’elle a existé dans les années 1960, avant les transformations intervenues depuis lors, il remplirait plusieurs des critères prévus par l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 de nature à sous-tendre utilement un classement en tant que construction à conserver. Il s’agit notamment de l’authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, de même que de la rareté, de l’exemplarité du type de bâtiment, de l’importance architecturale et des témoignages de l’immeuble en question pour l’histoire du moins locale. Ceci est d’autant plus vrai si l’on considérait cet immeuble ensemble avec celui contenant le « Kanounentiirmchen ».

Cependant, il se dégage des éléments constants du dossier que l’authenticité de la substance bâtie ne se trouve plus vérifiée à suffisance pour justifier un classement en tant que construction à conserver. Pareil classement implique plus précisément que la construction en question est en quelque sorte figée dans l’état dans lequel elle se trouve conservée, du moins pour l’essentiel, qualité qui se justifie par rapport à des témoins authentiques du patrimoine architectural mais non par rapport à des constructions dont l’essentiel se trouve être refait de date récente.

Tout comme il a pu être possible en l’absence de servitude urbanistique de procéder aux modifications ayant abouti à l’ensemble de l’immeuble actuellement foncièrement remis à neuf, pareille évolution doit pouvoir continuer, dans l’intérêt de l’immeuble et dans l’esprit déployé, jusque lors par son propriétaire dans le sens de lui conserver l’allure des immeubles ancêtres, sans pour autant, par la force des choses, pouvoir arborer l’authenticité de la substance bâtie en résultant.

10 Compte tenu de l’importance de l’immeuble d’origine, notamment pour l’histoire locale, à considérer ensemble avec l’immeuble « Kanounentiirmchen », il existe un intérêt public à conserver également l’allure des bâtisses de l’appelant, actuellement présentes, quoique non authentiques, pour l’essentiel. Or, pareille conservation ne justifie cependant pas une servitude « construction à conserver », telle celle mise en place à travers les décisions communale et ministérielle litigieuses, mais justifierait, le cas échéant, tout au plus, une servitude du type « gabarit à conserver ».

La Cour n’étant pas saisie d’un recours de pleine juridiction, il n’y a pas lieu de pousser plus loin l’analyse afférente dans le présent cadre.

En conclusion, l’appel est à déclarer justifié et, par réformation du jugement dont appel, la délibération communale du 22 novembre 2019 portant adoption du PAG de même que la décision d’approbation afférente du ministre du 27 octobre 2020 sont à annuler, de manière ponctuelle concernant le classement de l’immeuble litigieux sis 9, rue du Keispelt à Kehlen en tant que « construction à conserver » dans le cadre du secteur protégé du type « environnement construit » [C] ».

Aucun moyen d’appel n’ayant été fourni concernant la délibération communale portant adoption du PAP QE, ainsi que la décision ministérielle d’approbation afférente, le jugement dont appel reste intouché quant à ces aspects.

L’appelant sollicite la condamnation des parties publiques au paiement d’une indemnité de procédure de … € couvrant les deux instances.

Cette demande est à rejeter, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas remplies.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit justifié ;

réformant partiellement, annule la délibération du conseil communal de Kehlen du 22 novembre 2019 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général ainsi que la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 27 octobre 2020 dans la limite du classement en tant que construction à conserver de l’immeuble d’habitation de l’appelant sis à L-8298 Kehlen, 9, rue Keispelt et renvoie le dossier dans cette mesure devant le conseil communal de la commune de Kehlen ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelant ;

11fait masse des dépens des deux instances et les impose pour moitié à la commune de Kehlen et pour l’autre moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 13 juin 2023 à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 juin 2023 Le greffier de la Cour administrative 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48322C
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-13;48322c ?

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