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08/06/2023 | LUXEMBOURG | N°70/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 juin 2023, 70/23


N° 70 / 2023 du 08.06.2023 Numéro CAS-2022-00117 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. l’association sans but lucratif SOCIETE1.), établie et ayant s

on siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscr...

N° 70 / 2023 du 08.06.2023 Numéro CAS-2022-00117 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. l’association sans but lucratif SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), 2. la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), demanderesses en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Erwin SOTIRI, avocat à la Cour, et la société anonyme SOCIETE3.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Lionel SPET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 133/22 IV-COM, rendu le 12 juillet 2022 sous le numéro CAL-2022-00439 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant dans le cadre de l’article 8 de la loi modifiée du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative (ci-après « la loi du 23 décembre 2016 ») ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 8 novembre 2022 par l’association sans but lucratif SOCIETE1.) et la société anonyme SOCIETE2.) à la société anonyme SOCIETE3.), déposé le 11 novembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 14 décembre 2022 par la société SOCIETE3.) à la société SOCIETE2.) et à l’association SOCIETE1.), déposé le 21 décembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un magistrat, présidant une chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière commerciale, avait rejeté la demande tendant à voir ordonner à la défenderesse en cassation la cessation d’actes contraires à la loi du 23 décembre 2016 et à lui voir interdire de diffuser des publicités trompeuses. La Cour d’appel a confirmé cette ordonnance.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, 249 alinéa 1er et 587 du Nouveau Code de procédure civile, Qui dispose que :

Article 89 de la Constitution :

en audience publique », Article 249 du Nouveau Code de procédure civile :

jugements contiendra les noms des juges, du procureur d’Etat, s’il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l’exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements. », Article 587 du Nouveau Code de procédure civile :

établies pour les tribunaux inférieurs sont observées en instance d’appel. ».

en ce que l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM contient des motifs contradictoires, valant absence de motifs, à l’égard des publicités de la partie défenderesse en cassation annonçant la gratuité de la garantie et du service dépannage inclus dans l’assurance Auto, en considérant, d’une part, que celles-ci ne sont pas per se trompeuses et que les informations contenues dans ces publicités ne sont pas fausses ; et, d’autre part, qu’il est évident qu’une société commerciale chargée par la partie défenderesse en cassation de prester les services de dépannage ne travaille pas gratuitement, qu’une assurance offerte par une société commerciale ainsi que les services y liés ne sont pas gratuits, et que l’annonce de la gratuité des services visés par la garantie pourrait être trompeuse per se lorsque les nouveaux clients sont soumis à la nouvelle tarification après l’ajout du service dépannage, alors que en ayant d’abord constaté SOCIETE3.) de prester les services de dépannage ne travaille pas gratuitement », et , et encore que , la motivation de l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM aurait dû constater que les publicités de la partie défenderesse en cassation annonçant la gratuité desdits services de dépannage et de ladite sont fausses et trompeuses et ne pouvait pas, sans se contredire dans ses motifs, dire que l’annonce de gratuité de ces publicités n’est ni fausse ni , en violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile. ».

Réponse de la Cour Le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

En retenant, d’une part, que les publicités n’étaient pas trompeuses sur le point de la gratuité du service d’assistance en cas de panne associé à un produit d’assurance commercialisé par la défenderesse en cassation, et, d’autre part, « qu’une société commerciale chargée par SOCIETE3.) de prester les services de dépannage ne travaille pas gratuitement », motif ayant trait à la rémunération du prestataire fournissant le service de dépannage, et « qu’une assurance offerte par une société commerciale et les services y liés ne sont pas gratuits » ainsi que « l’annonce de la gratuité des services visés par la garantie Top Assistance pourrait tout au plus être trompeuse per se », motifs ayant trait à la couverture proposée par le produit d’assurance pris dans toutes ses composantes, les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 5, par. (2), de la Loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, telle que modifiée, Qui dispose que :

Article 5, par. (2), de la Loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, telle que modifiée :

1. les caractéristiques des biens ou services, telles que leur disponibilité, leur nature, leur exécution, leur composition, le mode et la date de fabrication ou de prestation, leur caractère approprié, leurs utilisations, leur quantité, leurs spécifications, leur origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentiels des tests ou contrôles effectués sur les biens ou les services ;

2. le prix ou son mode d’établissement et les conditions de fourniture des biens ou des prestations de services ;

3. la nature, les qualités et les droits de l’annonceur, tels que son identité et son patrimoine, ses qualifications et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle ou les prix qu’il a reçus ou ses distinctions ».

en ce que la motivation de l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM a considéré que les informations contenues dans les communications publicitaires de la partie défenderesse en cassation ne sont pas fausses mais tout au plus trop généralisées et, donc, que l’annonce sur la gratuité de la garantie et du service de dépannage n’est pas trompeuse, tout en s’abstenant de tenir compte de plusieurs éléments relatifs à ces communications qui permettraient de déterminer davantage leur caractère trompeur, en violation des exigences de l’article 5, par.

(2), susvisées - notamment en ce qui concerne les disparités entre les informations communiquées aux différents types de public, et les primes annuelles payées pour le service annoncé comme faisant partie de la , alors que Conformément aux exigences de l’Article 5, par. (2), de la Loi modifiée du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, il est tenu compte de les éléments d’une publicité pour déterminer si cette publicité est trompeuse, y compris des éléments déterminant la simple susceptibilité de la publicité à induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou touche, ce que l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM aurait dû faire en tenant compte des éléments susvisés mais a cependant omis de faire, en violation des exigences de l’Article 5, par. (2), précité. ».

Réponse de la Cour En examinant les seuls éléments pertinents au cas d’espèce parmi ceux visés par l’article 5, paragraphe 2, de la loi du 23 décembre 2016 pour retenir que les publicités en cause ne pouvaient être qualifiées de trompeuses, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 5, par. (1), de la Loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, telle que modifiée, Qui dispose que :

Article 5, par. (1), de la Loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, telle que modifiée : .

en ce que La motivation de l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM a violé les dispositions de l’article 5, par. (1), susvisées en considérant que des publicités annonçant la gratuité d’un service dépannage fourni par la partie défenderesse en cassation, constaté comme n’étant par la Cour d’appel, ne seraient trompeuses que , et en se prêtant indument à évaluer (sans aucun élément de fait à l’appui) les prétendues et du public visé quant à la non-gratuité dudit service, et en considérant que des informations publicitaires généralisées ne seraient pas trompeuses ;

alors que Une publicité est trompeuse lorsqu’elle induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur toute personne auxquelles elle s’adresse ou touche, et que pour déterminer une publicité trompeuse, l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM n’aurait pas dû ajouter des conditions non prévues par l’article 5, par. (1), de la Loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative, telle que modifiée, telles que (1) la condition d’un pour déterminer le caractère trompeur d’une publicité qui annonce la gratuité d’un service qui n’est , (2) la condition relative aux et à la prétendue du public quant à la non-gratuité dudit service ; et (3) l’exclusion de publicités contenant des informations comme susceptibles d’induire en erreur le public visé. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments qui les ont amenés à retenir que les publicités n’induisaient pas en erreur et n’étaient pas susceptibles d’induire en erreur les personnes auxquelles elles s’adressaient, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

L’article 3 de la Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée, qui dispose que « Pour déterminer si une publicité est trompeuse, il est tenu compte de tous ses éléments et notamment de ses indications concernant… », est-il à interpréter en ce sens qu’une publicité trompeuse est déterminée uniquement sur base des éléments et indications qu’elle mentionne expressément, ou l’est-elle également sur base de tous les éléments et indications qu’elle ne mentionne pas, par omission ou généralisation ? Est-ce que le fait qu’un service de dépannage, intégré dans un contrat d’assurance onéreux, soit présenté comme étant gratuit, rentre dans les pratiques commerciales qualifiées de trompeuses en toutes circonstances aux termes du Point 20 de l’Annexe I de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, telle que modifiée ? Au vu de la réponse donnée au moyen, il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles proposées.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, 249 alinéa 1er et 587 du Nouveau Code de procédure civile, Qui dispose que :

Article 89 de la Constitution :

en audience publique. », Article 249 du Nouveau Code de procédure civile :

jugements contiendra les noms des juges, du procureur d’Etat, s’il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l’exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements. », Article 587 du Nouveau Code de procédure civile :

établies pour les tribunaux inférieurs sont observées en instance d’appel. », en ce que en violant les dispositions précitées, la motivation de l’Arrêt attaqué N° 133/22 IV-COM a dit que les informations contenues dans l’annonce de la gratuité de la garantie et du service de dépannage y inclus ne sont pas fausses mais tout au plus trop généralisées, sans ainsi se prononcer sur plusieurs motifs et moyens relatifs aux demandes des parties demanderesses en cassation, en particulier sur le fait de que la limitation du service de dépannage à deux interventions par année n’est pas communiquée dans les publicités adressées au grand public en général, que le service du véhicule de remplacement est mélangé à l’annonce de gratuité alors que les documents contractuels prouvent qu’il est soumis à une prime supplémentaire annuelle de 42,84.- EUR, qu’aucune publicité (adressé au grand public ou aux assurés) ne communique l’augmentation des primes d’assurance suite à l’ajout du service de dépannage, et que des emails envoyés à SOCIETE1.) A.s.b.l. établissent un lien direct entre les demandes de radiation que d’anciens membres ont envoyé à la SOCIETE1.) A.s.b.l. et l’annonce de du service de dépannage dans les publicités de la partie défenderesse en cassation, alors que l’Arrêt attaqué aurait dû se prononcer sur les différents motifs et moyens relevés par les parties demanderesses en cassation et énoncés ci-avant, et, en ne se prononçant pas sur ces derniers, la Cour d’appel a entaché l’Arrêt attaqué d’un défaut de réponse à conclusions et, ce faisant, a violé les dispositions de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile. ».

Réponse de la Cour Le moyen est basé sur un défaut de réponse à conclusions, qui constitue un défaut de motifs.

Les juges d’appel ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Ils ont implicitement répondu aux points relevés au moyen en retenant, d’une part, « Si d’autres communications envoyées aux assurés sont libellées en termes plus généraux (…), il reste que les informations y contenues ne sont pas fausses mais tout au plus trop généralisées.

L’annonce de la gratuité de la garantie et du service de dépannage y inclus n’est donc pas per se trompeuse. » et, d’autre part, « Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les publicités n’induisent pas en erreur les personnes à qui elles s’adressent, de telle manière qu’elles ne sauraient être qualifiées de publicités trompeuses. Il est partant superflu d’analyser s’il y a affection, réelle ou potentielle, du comportement des personnes visées par les publicités (…). ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Les demanderesses en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande des demanderesses en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demanderesses en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

les condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Lionel SPET, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation association sans but lucratif SOCIETE1.) et la société anonyme SOCIETE2.) contre la société anonyme d’assurances SOCIETE3.) Le pourvoi en cassation, introduit par l’association sans but lucratif SOCIETE1.) et la société anonyme SOCIETE2.) par un mémoire en cassation signifié le 8 novembre 2022 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 11 novembre 2022, est dirigé contre un arrêt n°133/22 rendu par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant dans le cadre de l’article 8 de la loi du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur le trottoir et la publicité trompeuse et comparative, statuant contradictoirement, en date du 12 juillet 2022 (n° CAL-2022-00439 du rôle). Cet arrêt a été signifié au conseil des demandeurs en cassation en date du 15 septembre 2022.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Les parties défenderesses ont signifié un mémoire en réponse le 14 décembre 2022 et elles l’ont déposé au greffe de la Cour le 21 décembre 2022.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Sur les faits et antécédents :

L’association sans but lucratif SOCIETE1.) (ci-après « SOCIETE1.) ») est une association qui offre une assistance à ses membres au niveau de la mobilité et de l’habitation, dont une assistance routière 24h/24 et 7j/7 au Luxembourg et en Europe, comprenant un « Service de dépannage et de remorquage ».

SOCIETE1.) est actionnaire unique de la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « SOCIETE2.) »), qui a pour objet d’effectuer, au Luxembourg et à l’étranger, toutes opérations commerciales et financières en relation avec la mobilité et l’assistance aux automobilistes et voyageurs, notamment le dépannage et le remorquage.

Le 28 décembre 2001, SOCIETE2.) et la société anonyme d’assurances SOCIETE3.) (ci-après « SOCIETE3.) ») ont conclu une convention d’assistance, ayant pour objet la fourniture d’une assistance aux assurés de SOCIETE3.) en cas d’accident avec un véhicule automobile (ci-après la « Convention SOCIETE3.) »).

Les parties étaient en outre en négociations, depuis 2020, en vue d’inclure une assistance en cas de panne dans les polices d’assurances de SOCIETE3.), service qui aurait été assuré par SOCIETE2.).

Par lettre recommandée du 28 septembre 2021, SOCIETE3.) a toutefois résilié la Convention SOCIETE3.) avec effet au 31 décembre 2021.

Depuis le 1er janvier 2022, les particuliers assurés auprès de SOCIETE3.) bénéficient, dans le cadre de la garantie « Top Assistance » des contrats « easy-PROTECT Auto » d’un « service de dépannage et de remorquage (7j/7 et 24h/24) en cas de panne ou d’accident immobilisant votre véhicule au Luxembourg, y compris à domicile, et à l’étranger ».

Par acte d’huissier de justice du 3 février 2022, SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont fait donner assignation à SOCIETE3.) à comparaître devant le président de la chambre du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale selon la procédure applicable en matière de référé aux fins de -voir constater que les faits et demandes contenues dans l’assignation constituent des atteintes graves à l’article 5 de la loi modifiée du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative (ci-après « la Loi de 2016 »), -en conséquence voir ordonner la cessation de ces actes et interdire notamment à SOCIETE3.) de diffuser les publicités trompeuses litigieuses désignant l’assistance dépannage comme étant gratuite, qui induisent en erreur ou sont susceptibles d’induire en erreur les personnes auxquelles elles s’adressent ou qu’elles touchent et qui, en raison de leur caractère trompeur, sont susceptibles d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, portent préjudice à ses concurrents SOCIETE1.) et SOCIETE2.), dans les 24 heures de la signification de la décision à intervenir sous peine d’une astreinte de 10.000 euros pour la continuation de la diffusion des publicités litigieuses après ladite signification, -voir ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux, -voir condamner SOCIETE3.) à payer à SOCIETE1.) et SOCIETE2.) une indemnité de procédure, -voir condamner SOCIETE3.) à tous les frais et dépens de l’instance avec distraction, -voir ordonner l’exécution provisoire sans caution de la décision à intervenir.

Les parties demanderesses ont fait valoir que depuis fin 2021, SOCIETE3.) annonçait à ses assurés qu’ils bénéficieraient gratuitement et automatiquement d’une assistance en cas de panne à partir du 1er janvier 2022 dans le cadre de leur contrat easy-PROTECT Auto, notamment via son site internet, sa brochure commerciale et des courriers électroniques et postaux. Or, simultanément à l’annonce de la gratuité du nouveau service inclus dans les polices d’assurance véhicule, SOCIETE3.) aurait également procédé à une augmentation de ses tarifs.

SOCIETE3.) se serait partant adonnée à une publicité trompeuse au sens de la Loi de 2016, alors que contrairement aux publications effectuées par elle, le service «dépannage panne» ne serait pas gratuit mais rémunéré par l’augmentation corrélative des primes d’assurance.

Par ordonnance du 1er avril 2022, Madame le 1er Vice-président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, présidant la chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale et comme en matière de référé, a déclaré la demande recevable en la forme, l’a dit non fondée, a débouté les parties demanderesses de leur demande sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, a condamné SOCIETE1.) et SOCIETE2.) à payer à SOCIETE3.) une indemnité de procédure de 1.250 euros et a condamné les demanderesses à tous les frais et dépens de l’instance.

Par acte d’huissier de justice du 28 avril 2022, SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont relevé appel de cette ordonnance.

Par arrêt rendu en date du 12 juillet 2022, la Cour d’appel a reçu les appel principal et incident, les a déclarés non fondés et a confirmé l’ordonnance entreprise. Elle a débouté la SOCIETE1.) et SOCIETE2.) de leur demande en obtention d’une indemnité de procédure, les a condamnés à payer à SOCIETE3.) une indemnité de procédure de 1.500 euros pour l’instance d’appel, a dit qu’il n’y avait pas lieu à exécution provisoire de l’arrêt et a condamné la SOCIETE1.) et SOCIETE2.) aux frais et dépens.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, alinéa 249 alinéa 1er et 587 du Nouveau code de procédure civile pour contradiction de motifs valant absence de motifs.

La contradiction des motifs n’est censurée par la Cour de cassation que si elle saute aux yeux à la lecture de l’arrêt et le demandeur au pourvoi qui invoque un tel grief doit souligner très clairement les deux termes de la contradiction. Le moyen est déclaré irrecevable lorsqu’il ne précise pas les termes de l’arrêt qui seraient en contradiction.1 Le premier moyen cite pêle-mêle plusieurs bouts de phrase de l’arrêt attaqué en résumant l’arrêt en ses propres termes, de sorte que les motifs visés ne sont pas clairement identifiés.

Le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

La contradiction de motifs ne vicie l’arrêt que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire que s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité.

1 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 5e éd. 2015/2016, n°77.93 L’un des motifs visés par le moyen vise les relations entre SOCIETE3.) et l’intermédiaire de droit belge : « Il est évident qu’une société commerciale chargée par SOCIETE3.) de prester les services de dépannage ne travaille pas gratuitement. »2 Un autre motif concerne le contrat d’assurance en général : «Il y a effectivement lieu d’admettre que le public visé est conscient du fait qu’une assurance offerte par une société commerciale et les services y liés ne sont pas gratuits. » Un autre motif, qui semble être visé, concerne la garantie Top Assistance et le service dépannage : « L’annonce de la gratuité de la garantie « Top Assistance » et du service de dépannage y inclus n’est donc pas per se trompeuse. Elle ne l’est que si le service étendu donne lieu à un paiement supplémentaire corrélatif auquel cas il ne serait pas gratuit mais rémunéré.» Le premier motif cité ci-dessus concerne les relations entre SOCIETE3.) et un tiers, et il ne concerne partant pas les relations entre SOCIETE3.) et ses assurés ou de potentiels nouveaux clients.

Le deuxième motif et le troisième motif concernent les relations entre SOCIETE3.) et ses clients, mais le deuxième motif a trait au contrat d’assurance en général, tandis que le troisième vise un service précis.

Il ne saurait partant y avoir d’incompatibilité totale entre ces motifs.

Le moyen n’est pas fondé.

Plus subsidiairement :

Sous le couvert de la contradiction de motifs, le moyen ne tente qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et éléments de preuve leur soumis.

Cette appréciation échappe au contrôle de votre Cour.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 2, de la loi modifiée du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative.

La disposition visée dispose :

« Pour déterminer si une publicité est trompeuse, il est tenu compte de tous ses éléments notamment de ses indications concernant:

1. les caractéristiques des biens ou services, telles que leur disponibilité, leur nature, leur exécution, leur composition, le mode et la date de fabrication ou de prestation, leur 2 En bas de la page 14 de l’arrêt du 12 juillet 2022 caractère approprié, leurs utilisations, leur quantité, leurs spécifications, leur origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentiels des tests ou contrôles effectués sur les biens ou les services;

2. le prix ou son mode d’établissement et les conditions de fourniture des biens ou des prestations de services;

3. la nature, les qualités et les droits de l’annonceur, tels que son identité et son patrimoine, ses qualifications et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle ou les prix qu’il a reçus ou ses distinctions. » Le moyen reproche à l’arrêt entrepris de ne pas avoir pris en considération plusieurs éléments relatifs aux communications publicitaires de la partie défenderesse en cassation et d’avoir conclu à tort que les informations contenues dans les communications publicitaires de la partie défenderesse en cassation ne sont pas fausses mais tout au plus trop généralisées, et que l’annonce sur la gratuité de la garantie «Top Assistance » et du service de dépannage n’est pas trompeuse.

Sous le couvert de la violation de la disposition visée, le moyen ne tente qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et éléments de preuve leur soumis.

Cette appréciation échappe au contrôle de votre Cour.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la loi modifiée du 23 décembre 2016 sur les ventes en soldes et sur trottoir et la publicité trompeuse et comparative.

L’article 5, paragraphe 1 dispose :

« Est interdite toute publicité trompeuse. Aux fins de la présente loi, on entend par «publicité trompeuse»: toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent. » Le moyen invoque plusieurs griefs distincts. Tout d’abord il invoque qu’il suffit que la publicité litigieuse soit « susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche ». Ensuite, il reproche à l’arrêt attaqué d’avoir ajouté une condition non prévue par la disposition visée, à savoir que l’annonce de la gratuité ne serait trompeuse que « si le service donne lieu à un paiement supplémentaire corrélatif ». Le moyen poursuit que l’arrêt attaqué se serait à tort référé aux pensées ou à la conscience du public visé, pour finalement reprocher à l’arrêt entrepris de ne pas avoir pris en considération que la limitation du service de dépannage à « deux interventions par véhicule et par année » a seulement été communiquée aux assurés existants, et non pas au grand public.

L’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation exige, sous peine d’irrecevabilité, que chaque moyen ou chaque branche ne comporte qu’un seul cas d’ouverture. Chaque moyen doit également préciser la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué.

Or, non seulement le moyen invoque plusieurs griefs distincts, mais il cite aussi pêle-mêle des bouts de phrase tirés de différentes parties de l’arrêt dont pourvoi, en-dehors de tout contexte, et sans formuler de conclusions dont l’adjudication serait demandée.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

Sous le couvert de la violation de la disposition visée, le moyen ne tente qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et éléments de preuve leur soumis.

Cette appréciation échappe au contrôle de votre Cour.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Plus subsidiairement :

Par rapport aux termes de l’article 5 (1) de la loi du 23 décembre 2016, l’arrêt entrepris comporte la motivation suivante :

« Sur base de ces termes il a été correctement déduit qu’une publicité peut être trompeuse de deux manières, 1) soit elle induit en erreur (ou est susceptible d’induire en erreur) les personnes auxquelles elle s’adresse et est susceptible d’affecter leur comportement économique, 2) soit elle induit en erreur (ou est susceptible d’induire en erreur) les personnes auxquelles elle s’adresse et, pour ces raisons, elle porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent. Dans le premier cas de figure l’existence de relations concurrentielles entre parties n’est pas requise.

Dans le cadre de cette appréciation, il est tenu compte de tous ses éléments notamment de ses indications concernant: 1. les caractéristiques des biens ou services, telles que leur disponibilité, leur nature, leur exécution, leur composition, le mode et la date de fabrication ou de prestation, leur caractère approprié, leurs utilisations, leur quantité, leurs spécifications, leur origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentiels des tests ou contrôles effectués sur les biens ou les services; 2. le prix ou son mode d’établissement et les conditions de fourniture des biens ou des prestations de services; 3. la nature, les qualités et les droits de l’annonceur, tels que son identité et son patrimoine, ses qualifications et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle ou les prix qu’il a reçus ou ses distinctions (article 5 point 2) de la Loi de 2016) Les appelantes critiquent l’ordonnance en ce qu’il a été exposé que l’appréciation du caractère trompeur d’une publicité doit notamment se faire par rapport au « consommateur » concerné par la publicité litigieuse.

Si cette critique est justifiée dans la mesure où la Loi de 2016 est étrangère au Code de la consommation et que le caractère trompeur d’une publicité doit être analysé par rapport aux « personnes auxquelles elle s’adresse », qui peuvent être des professionnels ou des personnes morales, il reste qu’en l’espèce, l’impact concret de cette différenciation est minime. En effet, il résulte des pièces versées que le service de dépannage n’est offert que dans le cadre des contrats easy-PROTECT Auto des particuliers (cf. voir notamment pièce n°13 des appelantes, p. 12). Il en découle que seuls des particuliers sont visés par les publicités litigieuses et peuvent en être affectés. Le caractère trompeur des publicités s’analyse partant par rapport à ces personnes.

Il convient de déterminer en premier lieu si la publicité induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche.

Les actuelles appelantes reprochent à SOCIETE3.) de vanter la gratuité du nouveau service étant automatiquement ajouté aux garanties existantes dans le cadre de la garantie « Top Assistance », alors qu’en réalité ce service ne serait pas gratuit car introduit dans un contrat payant, pour lequel les primes auraient par ailleurs été augmentées suite à l’introduction du nouveau service.

Les appelantes critiquent la conclusion du magistrat saisi selon laquelle la simple précision qu’un service sera dorénavant offert gratuitement dans le cadre de la garantie « Top Assistance » pour les souscripteurs d’une assurance easy-PROTECT Auto n’est pas à elle seule trompeuse.

Elles reprochent notamment au magistrat saisi d’avoir passé sous silence le fait que le service dépannage n’est pas directement presté par SOCIETE3.) mais par un intermédiaire de droit belge, la société SOCIETE4.) qui n’offre pas ses services gratuitement.

Il est bien sûr évident qu’une société commerciale chargée par SOCIETE3.) de prester les services de dépannage ne travaille pas gratuitement. Or, les modalités de rémunération de cette société sont étrangères au présent litige, sauf à établir que le coût de ces interventions sont directement reportés sur les assurés dans le cadre de l’augmentation des primes. Le moyen de l’augmentation des primes d’assurance sera analysé ci-dessous.

La Cour partage pour le reste la conclusion du magistrat selon laquelle le public visé, qu’il soit déjà assuré auprès de SOCIETE3.) ou qu’il soit assuré potentiel, ne sera pas amené à penser que le service annoncé comme gratuit dans le cadre d’une annonce publicitaire relative à un contrat d’assurance pourrait être détaché de l’ensemble des garanties incluses dans le contrat d’assurance pour être utilisé isolément et gratuitement en dehors d’un tel contrat. Il y a effectivement lieu d’admettre que le public visé est conscient du fait qu’une assurance offerte par une société commerciale et les services y liés ne sont pas gratuits.

A cela s’ajoute qu’il résulte des pièces versées que les contrats d’assurance conclus avant l’inclusion du service de dépannage dans la garantie « Top Assistance » renseignaient déjà que cette garantie était gratuite (cf. pièces n° 5 et n°6 de Me Spet).

Les appelantes exposent encore que l’annonce de la gratuité serait trompeuse étant donné que la mise à disposition d’un véhicule de remplacement donnerait lieu à une prime supplémentaire et que les interventions de dépannage gratuites seraient limitées à deux par an.

Les publicités litigieuses mentionnent « Top Assistance gratuite » et indiquent notamment « Service de dépannage et de remorquage (7j/7 et 24h/24) en cas de panne ou d’accident immobilisant votre véhicule au Luxembourg, y compris domicile, et à l’étranger, Assistance et rapatriement du véhicule et des occupants » (cf. pièce n° 10 des appelantes) sans donner des précisions quant aux conditions concrètes de ce dépannage. Etant donné qu’il est constant en cause que deux interventions par véhicule et par année sont effectivement incluses dans cette garantie, l’information y véhiculée n’est donc pas fausse en tant que telle. Dans le cadre des publicités envoyées à ses assurés existants, SOCIETE3.) a même précisé que ces interventions sont limitées à deux par an (cf. pièces n°12 et n°19 des appelantes). Il n’est pas non plus indiqué qu’un véhicule de remplacement serait mis à disposition des assurés sans limitation de durée.

Au contraire, les dépliants versés en tant que pièces n°10 et n°11 ainsi que les communications envoyées directement aux assurés existants (cf. pièce n° 12) renseignent les durées en question.

A remarquer aussi que ces informations sont données non sous l’entête « Top Assistance gratuite » mais sous une entête distincte.

Si d’autres communications envoyées aux assurés sont libellées en termes plus généraux (cf.

pièce n° 19 des appelantes), il reste que les informations y contenues ne sont pas fausses mais tout au plus trop généralisées.

L’annonce de la gratuité de la garantie « Top Assistance » et du service de dépannage y inclus n’est donc pas per se trompeuse.

Elle ne l’est que si le service étendu donne lieu à un paiement supplémentaire corrélatif auquel cas il ne serait pas gratuit mais rémunéré.

Les appelantes font valoir qu’elles ont rapporté la preuve de cette corrélation de deux manières. L’annonce de l’augmentation des tarifs prend effet à partir du quittancement de janvier 2022, soit au même moment où la garantie « Top Assistance » a été étendue. De plus l’augmentation des tarifs ne serait pas généralisée pour toutes les assurances mais s’appliquerait spécialement aux assurances easy -Protect Auto.

Par ailleurs, elles se réfèrent au document intitulé « Majoration des primes AUTO à partir du quittancement de janvier 2022 » qui indique que « Argument principal ! Nouvelle garantie « Panne » offerte à tous les clients SOCIETE3.) easy-PROTECT du particulier ». SOCIETE3.) aurait dès lors elle-même admis le lien entre l’extension de la garantie et l’augmentation des primes.

A l’instar du magistrat siégeant en première instance, il peut être constaté que l’augmentation des tarifs, applicable pour les clients existants au moment de l’échéance annuelle de leur contrat, était assortie d’une possibilité de résiliation du contrat.

Quant au lien entre l’extension de la garantie et l’augmentation des tarifs, il a été à juste titre retenu que le document interne, auquel se réfèrent les appelantes et qui explique aux agents la démarche à suivre dans le contexte de l’explication de la nouvelle tarification aux clients, met à disposition des agents des arguments à employer à l’égard des clients pour justifier ces augmentations dues au contexte économique du secteur. Ce document interne met notamment encore en exergue des raisons autres que l’extension de la garantie « Top Assistance », telles que le fait que les primes n’avaient pas été augmentées depuis cinq ans, que les compagnies concurrentes ont également procédé à des augmentations tarifaires et que les coûts de réparation ont continué à augmenter.

La Cour partage la conclusion que le magistrat siégeant en première instance en a tirée, à savoir que cet argument interne est à considérer comme un argument tendant à rassurer les clients existants et ne constitue pas une preuve de la corrélation directe entre l’extension de garantie et la majoration des primes. Il s’agit tout au plus d’un « argument de vente » faisant plus facilement passer l’augmentation des primes.

A cela s’ajoute qu’il résulte des pièces versées que les primes des assurances liées à l’habitation ont également fait l’objet d’une adaptation en 2022 (cf. pièce n° 15 de SOCIETE3.)).

Pour les nouveaux clients, qui sont soumis à la tarification en vigueur en 2022 et qui n’ont pas été confrontés à une augmentation des tarifs, l’annonce de la gratuité des services visés par la garantie « Top Assistance » pourrait tout au plus être trompeuse per se, ce qui, au vu des développements précédents, a cependant été exclu.

Pour le reste, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 8 alinéa 5 de la Loi de 2016 qui donne la possibilité au magistrat d’exiger « que l’annonceur apporte des preuves concernant l’exactitude des données de fait contenues dans la publicité si, compte tenu des intérêts légitimes de l’annonceur et de toute autre partie à la procédure, une telle exigence paraît appropriée au vu des circonstances du cas d’espèce ». Il a en effet été retenu ci-dessus que la notion de gratuité du service « Top Assistance » ne peut s’analyser de façon abstraite et détachée du contexte contractuel dans lequel elle s’insère. Elle ne saurait dès lors être considérée comme une donnée de fait.

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les publicités n’induisent pas en erreur les personnes à qui elles s’adressent, de telle manière qu’elles ne sauraient être qualifiées de publicités trompeuses. Il est partant superflu d’analyser s’il y a affection, réelle ou potentielle, du comportement des personnes visées par les publicités, respectivement préjudice, réel ou potentiel, porté à un concurrent.

La Cour ne peut que souscrire à la constatation du magistrat saisi en première instance suivant laquelle c’est le fait que SOCIETE3.) inclut désormais le dépannage dans ses contrats easy-

PROTECT Auto qui est susceptible d’influer sur le comportement des assurés, et non le fait que cette extension de garantie soit annoncée comme gratuite.

Or, à défaut d’adopter un comportement déloyal, notamment par la diffusion de publicités trompeuses, il ne saurait être reproché à SOCIETE3.) d’étendre ses services et de capter une clientèle nouvelle, respectivement de fidéliser une clientèle existante au détriment des parties appelantes. Comme il a été à juste titre relevé par l’ordonnance entreprise, il s’agit simplement du jeu normal de la concurrence.

L’appel de SOCIETE1.) et de SOCIETE2.) est partant à déclarer non fondé et l’ordonnance est à confirmer. » La Cour d’appel a partant, par une motivation exhaustive et exempte de contradictions, examiné les conditions de l’article 5 (1) de la loi du 23 décembre 2016 et a conclu que la publicité litigieuse n’était pas trompeuse au sens de la disposition visée au moyen.

Le moyen n’est pas fondé.

Quant à la demande de renvoi préjudiciel formulée à titre subsidiaire :

Les parties demanderesses en cassation demandent à votre Cour de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) des questions préjudicielles suivantes :

- « L’article 3 de la Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée, qui dispose que « Pour déterminer si une publicité est trompeuse, il est tenu compte de tous ses éléments et notamment de ses indications concernant… », est-il à interpréter en ce sens qu’une publicité trompeuse est déterminée uniquement sur base des éléments et indications qu’elle mentionne expressément, ou l’est-elle également sur base de tous les éléments et indications qu’elle ne mentionne pas, par omission ou généralisation ? » - Est-ce que le fait qu’un service de dépannage, intégré dans un contrat d’assurance onéreux, soit présenté comme étant gratuit, rentre dans les pratiques commerciales qualifiées de trompeuses en toutes circonstances aux termes du Point 20 de l’Annexe I de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, telle que modifiée ? » La demande de renvoi préjudiciel est présentée à titre subsidiaire dans le cadre du troisième moyen, qui invoque toutefois une disposition légale autre que les deux directives visées dans les questions préjudicielles. Aucun lien entre ces différentes dispositions légales n’est exposé.

La demande de renvoi préjudiciel doit être déclarée irrecevable.

Subsidiairement :

Devant les juges du fond, les demandeurs en cassation n’avaient pas demandé à ce que la CJUE soit saisie de ces questions préjudicielles. Ce moyen est partant nouveau.

Les demandeurs en cassation ne fournissent aucune indication sur la pertinence de ces questions préjudicielles pour la solution du litige.

En l’absence d’effet horizontal reconnu aux directives, les dispositions de celles-ci ne sauraient être invoquées directement dans un litige entre particuliers, sauf lorsqu’un principe général du droit de l’Union est en jeu3.

Dans un arrêt Faccini Dori (C-91/92) du 14 juillet 1994, la Cour de Justice de l’Union européenne a décidé :

3 Concernant l’effet horizontal lorsqu’un droit fondamental de l’Union est en jeu: arrêt Kücükdeveci, C-555/07, du 19 janvier 2019 (GCH) et arrêt Cresco Investigation GmbH, C-193/17 du 22 janvier 2019 (GCH) « Comme la Cour l'a relevé dans une jurisprudence constante depuis l'arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48), une directive ne peut pas par elle-même créer d'obligations dans le chef d'un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre.4 [21] La juridiction nationale a relevé que la limitation des effets des directives inconditionnelles et suffisamment précises, mais non transposées, aux rapports entre entités étatiques et particuliers aboutirait à ce qu'un acte normatif n'ait cette nature que dans les rapports entre certains sujets juridiques alors que, dans l'ordre juridique italien comme dans l'ordre juridique de tout pays moderne fondé sur le principe de légalité, l'État est un sujet de droit semblable à n'importe quel autre. Si la directive ne pouvait être invoquée qu'à l'égard de l'État, cela équivaudrait à une sanction pour défaut d'adoption de mesures législatives de transposition comme s'il s'agissait d'un rapport de nature purement privée.

[22] A cet égard, il suffit de relever qu'ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 26 février 1986, Marshall, précité (points 48 et 49), la jurisprudence sur l'invocabilité des directives à l'encontre des entités étatiques est fondée sur le caractère contraignant que l'article 189 reconnaît à la directive, caractère contraignant qui n'existe qu'à l'égard de «tout État membre destinataire ». Cette jurisprudence vise à éviter qu'«un État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit communautaire ».

Il s’agit d’une jurisprudence constante de la CJUE, qui a encore été réitérée dans l’arrêt du 7 août 2018, Smith (C-122/17) :

« Le droit de l’Union, en particulier l’article 288 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, qui se trouve dans l’impossibilité d’interpréter les dispositions de son droit national contraires à une disposition d’une directive remplissant toutes les conditions requises pour produire un effet direct, dans un sens conforme à cette dernière disposition, n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquées ces dispositions nationales ainsi qu’une clause figurant, conformément à celles-ci, dans un contrat d’assurance. Dans une situation telle que celle en cause au principal, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union ou la personne subrogée dans les droits de cette partie pourrait néanmoins se prévaloir de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, EU:C:1991:428), pour obtenir de l’État membre, le cas échéant, réparation du dommage subi.

La Cour a jugé expressément qu’une directive ne peut pas être invoquée dans un litige entre particuliers afin d’écarter la réglementation d’un État membre contraire à cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, OSA, C-351/12, EU:C:2014:110, point 48).5 En effet, la juridiction nationale n’est tenue d’écarter la disposition nationale contraire à une directive que lorsque celle-ci est invoquée à l’encontre d’un État membre, des organes de son administration, y compris des autorités décentralisées, ou des organismes et entités qui sont soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou qui se sont vu confier par un État membre l’accomplissement d’une mission d’intérêt public et qui, à cette fin, détiennent des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, EU:C:2012:33, points 40 et 41 ; du 25 juin 2015, Indėlių ir investicijų draudimas et 4 Nous soulignons 5 Nous soulignons Nemaniūnas, C-671/13, EU:C:2015:418, points 59 et 60, ainsi que du 10 octobre 2017, Farrell, C-413/15, EU:C:2017:745, points 32 à 42). »6 Conformément à la jurisprudence Cilfit (arrêt CJUE du 6 octobre 1982, 283/81), une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins que :

i) la question n’est pas pertinente pour la solution du litige ;

ii) la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ;

iii) l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

Etant donné que le litige qui se meut entre les parties demanderesses en cassation et SOCIETE3.) constitue un litige entre particuliers, aucune des parties ne saurait invoquer directement vis-à-vis de l’autre les dispositions d’une directive, en raison du principe de l’absence d’effet horizontal des directives entre particuliers.

Il en découle que les questions préjudicielles dont les demandeurs en cassation souhaiteraient voir saisir la CJUE ne sont pas pertinentes pour la solution du litige.

La demande de renvoi préjudiciel n’est pas fondée.

Sur le quatrième moyen de cassation:

Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, alinéa 249 alinéa 1er et 587 du Nouveau code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir répondu à plusieurs « motifs et moyens », « en particulier sur le fait de que la limitation du service de dépannage à deux interventions par année n’est pas communiquée dans les publicités adressées au grand public en général, que le service du véhicule de remplacement est mélangé à l’annonce de la gratuité alors que les documents contractuels prouvent qu’il est soumis à une prime supplémentaire annuelle de 42,84.- EUR, qu’aucune publicité (adressée au grand public ou aux assurés) ne communique l’augmentation des primes d’assurance suite à l’ajout du service de dépannage, et que des emails envoyés à SOCIETE1.) A.s.b.l. et l’annonce de « gratuité » du service de dépannage dans les publicités de la partie défenderesse en cassation. » 6 Dans le même sens :

-Arrêt Cresco Investigation GmbH, C-193/17 du 22 janvier 2019 (GCH) : « S’agissant de la mise en œuvre, dans l’affaire au principal, de l’interdiction de discrimination en raison de la religion découlant du droit de l’Union, la Cour a confirmé que la directive 2000/78 ne peut pas être invoquée dans un litige entre particuliers afin d’écarter la réglementation d’un État membre lorsque, comme en l’espèce, celle-ci n’est pas susceptible d’être interprétée en conformité avec cette directive. » -Arrêt du 26 septembre 1996, Arcaro (C-168/95) (cf. points 41-43) Seuls les véritables moyens exigent une réponse.

« Sur le fait qu’elle invoque, la partie doit articuler un raisonnement juridique permettant de connaître la portée qu’elle entend lui attribuer. L’énonciation d’un fait qui n’est suivie d’aucune déduction juridique ou la formulation de réserves dont aucune conséquence juridique n’est déduite ne constitue pas un véritable moyen appelant réponse, mais un simple argument.

Or, aux termes d’une jurisprudence constante, les juges du fond « ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. » 7 « Pour qu’un moyen exige réponse, il ne suffit pas qu’il comporte un élément de fait et une déduction juridique, il faut encore que cette déduction juridique soit de nature à influer sur la solution du procès. Le juge du fond n’a pas à répondre à des conclusions manifestement dépourvues de toute portée. »8 Les conclusions auxquelles l’arrêt dont pourvoi aurait manqué de répondre, selon les parties demanderesses en cassation, ne constituent qu’une énumération de faits et d’arguments qui ne comportent aucune déduction juridique et dont l’incidence sur la solution du procès n’est même pas évoquée.

Le moyen est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 7 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 5e éd. 2015/2016, n°77.204 8 idem, n° 77.205 22


Synthèse
Numéro d'arrêt : 70/23
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-08;70.23 ?

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