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08/06/2023 | LUXEMBOURG | N°69/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 juin 2023, 69/23


Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision du 30 décembre 2022 du délégué de la Bâtonnière à l’assistance judiciaire.

N° 69 / 2023 du 08.06.2023 Numéro CAS-2022-00100 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL,

conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1...

Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision du 30 décembre 2022 du délégué de la Bâtonnière à l’assistance judiciaire.

N° 69 / 2023 du 08.06.2023 Numéro CAS-2022-00100 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1.), et son épouse 2) PERSONNE2.), les deux demeurant à L-ADRESSE1.), 3) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE1.), 4) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE1.), 5) PERSONNE5.), et son épouse 6) PERSONNE6.), les deux demeurant à L-ADRESSE1.), demandeurs en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître David GROSS, avocat à la Cour, et l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 41/22 - IX - CIV, rendu le 23 mars 2022 sous le numéro CAL-2020-00801 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 30 septembre 2022 par PERSONNE1.), PERSONNE2.), épouse PERSONNE1.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.) et PERSONNE6.), épouse PERSONNE5.) (ci-après « les consorts GROUPE1.) »), à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 4 octobre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 29 novembre 2022 par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG aux consorts GROUPE1.), déposé le 30 novembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré partiellement fondées les demandes en indemnisation des consorts GROUPE1.) dirigées contre l’Etat, sur base de l’article 1, alinéa 1, de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, en relation avec le fonctionnement défectueux des services de l’Etat lors d’une perquisition à leur domicile. La Cour d’appel a, par réformation, déclaré non fondées les demandes.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Défaut de motivation :

Tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civil, à savoir le défaut de motivation du jugement attaqué - ce sous forme d’une contradiction de motifs ;

A) Partie critiquée de la décision attaquée Attendu que la Cour d’appel, dans son arrêt attaqué du 23 mars 2022, retient dans son arrêt, page 5 :

l'IGP du 18 juillet 2003. Ce rapport, contient une analyse de l'opération générale et un bref passage sur chacune des perquisitions effectuées. Relativement aux faits objet du présent litige, il mentionne le forçage des portes, le traumatisme de PERSONNE6.), épouse PERSONNE5.), le placage et une éventuelle insulte adressée à PERSONNE1.) et la forte impression des enfants. Aux termes de ce rapport cette mission se serait déroulée sans problème hormis l'hospitalisation de PERSONNE6.), épouse PERSONNE5.) (à des fins psychologiques). La Cour doit se rendre à l'évidence qu'il ne ressort de ce descriptif aucun élément établissant un fonctionnement défectueux concret, correspondant à l'opération précise au domicile des consorts GROUPE1.), ni une répercussion d'une éventuelle mauvaise organisation plus générale, sur ces derniers.

Les appelants invoquent également à l'appui de leurs revendications un avis de la CCDH relatif aux perquisitions en question. Outre la question de la possibilité pour la Cour, amenée â trancher un litige sur base de faits, de prendre en compte un avis d'un tiers, en dehors des cas prévus par le Nouveau Code de procédure civile, elle se doit de constater que cet avis contient essentiellement des développements généraux, sans se référer concrètement à la perquisition ayant eu lieu chez les consorts GROUPE1.), ou à des conséquences que les opérations auraient pu avoir sur eux, de sorte à ce qu'aucune conclusion relative à un éventuel fonctionnement défectueux des services de l'ETAT ne saurait en être tiré dans la présente espèce.

Les appelants n'ont donc fourni aucun élément tangible à la Cour permettant de conclure à un fonctionnement défectueux des services de l'ETAT ou de faute les ayant affectés. » que les juges arrivent à la conclusion que le déroulement de la perquisition du 31 mars 2003 n’engendre pas la responsabilité de l’ETAT ;

que les parties ne se trouvent pas face à un cas de fonctionnement défectueux des services de l’ETAT ;

* * * Attendu pourtant que la même chambre de la Cour d’appel - dans son arrêt du 10 décembre 2009 (n° de rôle 32572) accepté par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG et statuant sur les mêmes faits (!) que ceux dans l’arrêt attaqué, avait déjà retenu le fonctionnement défectueux des services de l’Etat, aux pages 5 et 6 de la décision :

[ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG], les intimés se seraient contentés d'alléguer que les forces de l'ordre avaient fait preuve d'une violence inouïe, ces allégations n'étant confortées par un quelconque élément de preuve versé au dossier, et les premiers juges auraient prononcé sa condamnation sur base de suspicions et non pas de faits établis.

Les premiers juges se sont appuyés sur le rapport de l'enquête administrative du 22 juillet 2003 dressé par l'Inspection Générale de la Police pour retenir que les moyens déployés étaient d'une envergure exagérée, qu'il n'a pas été tenu compte de la composition des habitants par âge et par sexe et qu'il aurait fallu prévoir un meilleur encadrement psychologique.

L'Etat entend justifier le modus operandi par la nécessité de la sécurisation des lieux par des unités spéciales compte tenu du degré élevé de dangerosité de l'opération préconisée. Il considère que l'opération était proportionnelle au danger évalué par les enquêteurs.

Dans ce contexte, la Cour renvoie au rapport de l'inspection Générale de la Police, et plus particulièrement aux passages cités dans le jugement entrepris.

Il résulte de ce rapport que le caractère violent de l'opération ne saurait être contesté, puisque, pour garantir l'effet de surprise, il avait été décidé d'enfoncer les portes au moyen d'un bélier et qu'il avait été prévu de menotter les personnes adultes pendant la phase de sécurisation.

Le rapport retient encore qu'après coup on constate que les moyens déployés étaient d'une envergure exagérée par rapport à la situation réelle perceptible sur la plupart des sites.

II s'avère en outre que les perquisitions, malgré te caractère supposé dangereux de l'opération, ont été effectuées par des effectifs insuffisants en nombre et de surcroît inexpérimentés.

Il est encore reconnu que lors de la phase de sécurisation il n'a pas été suffisamment tenu compte du caractère fragile de certaines personnes dont la présence était connue avant le début de l'opération. La prise en charge différenciée des femmes et des enfants a fait défaut.

L'encadrement psychologique a été lacuneux voire inexistant.

Il est encore constant que l'intimée PERSONNE7.) s'est fait arrêter à son retour au domicile et que son époux PERSONNE8.) a été interpellé à son lieu de travail, les deux ayant été relâchés quelques heures plus tard.

L'ensemble de ces éléments impose la conclusion qu'aussi bien lors de la phase préparatoire de l'opération que lors de son exécution, de graves manquements sont à mettre au compte des responsables, ce que les premiers juges ont retenu à juste titre. Le jugement est donc à confirmer en ce qu'il a dit que le fonctionnement défectueux des services de l'Etat est manifestement établi. » B) Ce en quoi la décision encourt le reproche allégué :

Attendu que selon la jurisprudence constante de Votre Cour, les arrêts qui ne contiennent pas de motifs sont nuls et la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ;

qu’il est inadmissible de laisser subsister une décision entachée d’une contradiction flagrante, la Cour de cassation devant s’appliquer à éviter toute dégradation de la fonction judiciaire ;

que la contradiction peut exister entre les motifs de fait seulement ;

que dans un domaine où le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain indiscutable, celui de la constatation des faits, la Cour de cassation peut cependant exercer sa censure, parce que les constatations de l’arrêt sont entachées de contradiction et que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ;

que la Cour de cassation sanctionne ainsi les décisions qui déclarent les faits vraisemblables et non prouvés (Cass.fr. II, 9.2.1961, Bull. civ. II, n° 357) ! Attendu qu’en l’espèce il y a manifestement contradiction de motifs entre l’arrêt rendu le 10 décembre 2009 (n° de rôle 32572) par la 9ème chambre de la Cour d’appel ayant retenu le fonctionnement manifestement défectueux des services de l’Etat et l’arrêt attaqué rendu le 23 mars 2022 par la même chambre de la Cour d’appel ayant retenu qu’il n’est pas prouvé que les mêmes faits (!) constituent un fonctionnement défectueux des services de l’Etat ! que la contradiction de motifs vaut absence de motivation et partant l’arrêt attaqué encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour La contradiction de motifs valant absence de motifs ne saurait exister que dans le corps d’une seule et même décision. Il faut une contradiction entre deux dispositions du même arrêt.

En ce que la contradiction de motifs est déduite de deux décisions différentes concernant des parties et faits différents, elle ne révèle pas de contradiction de motifs entre les dispositions de l’arrêt attaqué.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de la règle de droit :

Tiré de la violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme suivant lequel :

Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » A) Partie critiquée de la décision attaquée Attendu que la Cour d’appel retient, à la page 5 de l’arrêt attaqué :

Il en va de même des développements sur une éventuelle arrestation de PERSONNE1.), au sujet de laquelle la Cour, outre de ne pas disposer d'éléments établissant sa réalité, au-delà d'une immobilisation pendant le temps des opérations de sécurisation de la perquisition, ne s'est vu soumise aucun document indiquant une contestation sur la légalité devant la juridiction compétente prémentionnée. […] Les appelants n'ont donc fourni aucun élément tangible à la Cour permettant de conclure à un fonctionnement défectueux des services de l'ETAT ou de faute les ayant affectés. » B) Ce en quoi la décision encourt le reproche allégué :

Attendu que la Cour d’appel a retenu que le sieur PERSONNE1.) ne dispose pas d’éléments établissant son arrestation et admet néanmoins qu’il avait été immobilisé dans le cadre des opérations de perquisition ;

que le sieur PERSONNE1.) n’était pas libre de ses mouvements, ses mains menottées par des câbles en plastique puis a été emmené pour interrogatoire - faits qui n’avaient jamais été contestés par la partie défenderesse en cassation ;

qu’il est constant en cause que l’ordonnance de perquisition et de saisie numéro 1257/02 ne comprenait pas de mandat d’amener ou d’arrêter, celui-ci se limitant à une simple perquisition et saisie d’objets ;

qu’il ne ressort d’aucune pièce que le sieur représentait un danger lors de la perquisition, que l’immobilisation est de toute évidence non justifiée, et à qualifier d’arrestation ;

qu’aucun flagrant délit n’a été constaté ;

que le sieur PERSONNE1.) a été relâché après l’interrogatoire sans aucune harge contre lui et tous les objets saisis ont été restitués ;

qu’en vertu de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, le sieur PERSONNE1.) et les autres demandeurs en cassation ont, au vu de la violation reconnue de leurs droits par le rapport de l’Inspection Générale de la Police du 18 juillet 2003, l’Avis de la CCDH sur les perquisitions du 31 mars 2003 et l’arrêt du 10 décembre 2009, droit à un recours effectif ;

que l’arrêt attaqué - en retenant qu’il n’existe pas de fonctionnement défectueux du service de l’ETAT - prive les demandeurs en cassation de leur recours juridictionnel effectif tel que prévu à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et les empêche d’obtenir dédommagement pour le préjudice subi ;

que partant, l’arrêt encourt la cassation pour violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. ».

Réponse de la Cour L’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale.

Cette disposition est étrangère au grief fait aux juges d’appel de ne pas avoir retenu un fonctionnement défectueux du service de l’Etat.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation les frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a partant lieu de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne les demandeurs en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

les condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Philippe PENNING, sur ses affirmation de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation 1. PERSONNE1.) 2. PERSONNE2.) 3. PERSONNE3.) 4. PERSONNE4.) 5. PERSONNE5.) 6. PERSONNE6.) contre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg (No CAS-2022-00100 du registre) Le pourvoi en cassation, introduit à la requête des demanderesses en cassation, signifié en date du 30 septembre 2022 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et déposé le 4 octobre 2022 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt n° 41/22-IX-CIV rendu contradictoirement en date du 23 mars 2022 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile (n° CAL-2020-00801 du rôle).

L’arrêt entrepris a été signifié aux parties demanderesses en cassation en date du 5 août 20221.

Le pourvoi introduit est recevable au regard du délai de deux mois prévu à l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1855 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Le mémoire en réponse, signifié le 29 novembre 2022 aux demandeurs en cassation en leur domicile élu et déposé au greffe de la Cour le 30 novembre 2022, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

1 Voir pièce 16 de la farde de pièces des parties demanderesses en cassation Sur les faits et rétroactes :

Par acte d’huissier du 2 janvier 2019 PERSONNE1.), PERSONNE2.), épouse PERSONNE1.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.) et PERSONNE6.), épouse PERSONNE5.), ci-après les consorts GROUPE1.), ont assigné l’ETAT du Grand-Duché de Luxembourg en responsabilité, basant leur demande principalement sur l’article 1er alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, à titre subsidiaire sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et sinon sur l’article 1er alinéa 2 de la loi de 1988 prémentionnée.

Ils firent exposer que le 31 mars 2003, vers 10.45 heures, une perquisition eut lieu à leur domicile au cours de laquelle PERSONNE1.) aurait été réveillé par le vacarme engendré par l’enfoncement de la porte d’entrée et de la porte de garage par les forces de l’ordre. Il aurait été violemment appréhendé et jeté par terre dans le living par quatre policiers cagoulés, le tout sous les yeux ébahis des membres de sa famille.

Ensuite il aurait été menotté au moyen de fils en plastique et immobilisé par un agent mettant un pied sur sa nuque. Les liens auraient été tellement serrés que ses mains auraient viré au bleu. Les enfants du couple PERSONNE1.) – PERSONN2.) auraient été profondément choqués et effrayés et PERSONNE6.) aurait dû être hospitalisée suite au choc psychique subi.

Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant en matière civile, a déclaré partiellement fondées les demandes de PERSONNE1.), PERSONNE6.), PERSONNE2.) et PERSONNE5.) à l’encontre de l’ETAT et condamné ce dernier, sur base de l’article 1er alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques à leur verser les montants respectifs de 2.500.-, 2.000.-, et 2 fois 1.500.- euros ; déclaré non fondées les demandes de PERSONNE3.) et PERSONNE4.), octroyé une indemnité de 5.000.- euros aux demandeurs à titre de remboursement des honoraires d’avocats et rejeté l’ensemble des demandes sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.

De ce jugement, les consorts GROUPE1.) ont régulièrement relevé appel par acte d’huissier du 1er septembre 2020.

Par arrêt en date du 23 mars 2022, la Cour d’appel a reçu les appels principal et incident, a dit l’appel principal non-fondé et en a débouté, a dit l’appel incident fondé, et par réformation, a déchargé l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg de toute condamnation prononcée à son encontre.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est « Tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civil, à savoir le défaut de motivation du jugement attaqué – ce sous forme d’une contradiction de motifs ; » Les parties demanderesses en cassation argumentent que la Cour d’appel aurait violé l’article 89 de la Constitution et l’article 249, alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile en ce qu’elle n’aurait pas motivé sa décision et plus précisément pour avoir fait usage de motifs contradictoires.

Elles avancent qu’il y aurait manifestement contradiction de motifs entre l’arrêt rendu le 10 décembre 2009 par la Cour d’appel ayant retenu le fonctionnement défectueux des services de l’Etat et l’arrêt attaqué du 23 mars 2022 par la Cour d’appel ayant retenu qu’il n’est pas prouvé que les « mêmes faits » constituent un fonctionnement défectueux des services de l’Etat.

Il y a d’abord lieu de constater que les faits à la base de l’arrêt de la Cour d’appel du 10 décembre 2009 diffèrent de ceux à la base de l’arrêt de la Cour d’appel du 23 mars 2022.

Bien qu’il s’agisse de deux cas de perquisitions dans le milieu islamiste luxembourgeois, rien ne permet d’en tirer qu’il s’agirait des mêmes faits.

En date du 31 mars 2003 plusieurs perquisitions différentes ont été effectuées par des membres différents de la Police Grand-Ducale à des domiciles et auprès de familles différents sur base d’ordonnances de perquisition et de saisie différentes du même juge d’instruction en employant des méthodes et une force différentes.

Il est donc faux de prétendre que la Cour d’appel aurait connu des « mêmes faits » en ces arrêts des 10 décembre 2009 et 23 mars 2022.

A titre principal En ce qui concerne ce moyen qui est tiré du défaut de motifs, il y a lieu de constater que l’article 89 de la Constitution2 sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.3 2 L’article 89 de la Constitution est ainsi libellé : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » 3 Boré, La cassation en matière civile, 5ème édition, Dalloz Action 2015, n° 77.60 Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré.4 Les parties demanderesses en cassation reprochent aux juges d’appel le vice de forme de la contradiction de motifs.

La Cour de cassation française retient trois types de contradiction de motifs : la contradiction réelle entre motifs de droit qui affecte le raisonnement du juge, la contradiction entre les motifs et le dispositif et la contradiction entre motifs de fait.5 Selon une formule consacrée de la Cour de cassation française « la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs » dès lors que les motifs contradictoires se détruisent ou s’annihilent réciproquement, aucun d’entre eux ne pouvant alors être retenu comme fondement de la décision. La contradiction de motifs ne vicie la décision entreprise que si elle est réelle et profonde c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité.

Or la contradiction de motifs, valant par conséquent absence de motivation, ne saurait exister que dans le corps d’une et de la même décision.

Le fait que la Cour d’appel a motivé deux arrêts en 2009 et en 2022, qui avaient trait à des faits différents, de manière différente ne saurait valoir absence de motivation.

Il en suit que le premier moyen de cassation n’est pas fondé.

A titre subsidiaire Sous le couvert de la violation des dispositions invoquées, le moyen ne vise qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges d’appel des faits de la cause et de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, échappant au contrôle de la Cour de cassation.

Le premier moyen de cassation ne saurait partant être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est « Tiré de la violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme suivant lequel :

4 Boré, ouvrage cité, n° 77.31 5 Boré, ouvrage précité, n° 77.111 « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » Selon les parties demanderesses en cassation, l’arrêt attaqué – en retenant qu’il n’existe pas de fonctionnement défectueux du service de l’Etat – les aurait privés de leur droit à un recours juridictionnel effectif tel que prévu à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et les auraient empêchés d’obtenir un dédommagement pour le préjudice subi.

En d’autres mots, les parties demanderesses en cassation prétendent que leur droit à un recours effectif aurait été violé par le fait que la Cour d’appel n’a pas fait droit à leurs demandes.

La Cour d’appel a, sur base d’un raisonnement propre, réformé le jugement de première instance en rejetant les demandes des parties demanderesses en cassation.

Tant en première instance qu’en instance d’appel, les parties demanderesses en cassation ont pu valablement présenter leurs demandes et développer les moyens tant de fait que de droit à la base de leurs demandes respectives.

Tant la juridiction de première instance que la juridiction d’appel ont répondu à ces moyens.

Les parties demanderesses en cassation disposaient dès lors manifestement d’un recours effectif devant les instances nationales de manière à ce qu’aucune violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a eu lieu.

Sous le couvert de la violation de la disposition invoquée, le moyen ne vise qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges d’appel des faits de la cause et de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, échappant au contrôle de la Cour de cassation.

Le deuxième moyen de cassation ne saurait partant être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 69/23
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-08;69.23 ?

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