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08/06/2023 | LUXEMBOURG | N°68/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 juin 2023, 68/23


N° 68 / 2023 pénal du 08.06.2023 Not. 20069/19/CD Numéro CAS-2022-00085 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), avocat à la Cour, demeurant à L-ADRESSE1.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de PERSONNE2.), magistrat, demeurant professionnellement à L-ADRESSE2.), demandeur au civil, défendeur en cassat

ion, comparant par Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, en l...

N° 68 / 2023 pénal du 08.06.2023 Not. 20069/19/CD Numéro CAS-2022-00085 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), avocat à la Cour, demeurant à L-ADRESSE1.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de PERSONNE2.), magistrat, demeurant professionnellement à L-ADRESSE2.), demandeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 6 juillet 2022 sous le numéro 195/22 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil, formé par Maître Laura MAY, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 5 août 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 1er septembre 2022 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 2 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 22 septembre 2022 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), déposé le 29 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait acquitté le demandeur en cassation de l’infraction d’avoir commis des actes d’intimidation à l’égard du défendeur en cassation et l’avait condamné à une amende du chef de deux outrages à magistrat. Au civil, le tribunal avait dédommagé la partie civile par l’allocation d’un euro symbolique. La Cour d’appel a, par réformation, acquitté le demandeur en cassation de l’une des préventions d’outrage à magistrat, réduit la peine d’amende, alloué à la partie civile une indemnité de procédure et confirmé, pour le surplus, le jugement au pénal et au civil.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) sur base de l’article 275 du Code pénal en interprétant la notion d’outrage dans un sens large, aux motifs que la notion d’outrage est à interpréter dans un sens large et comprend toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique », que par conséquent, Maître PERSONNE1.) se serait rendu coupable d’un outrage en raison d’insinuations contenues dans son email du 29 mai 2019 envoyé à 16h24 à deux ministres et au procureur général d’État, alors que, les articles 2 du Code pénal et 14 de la Constitution affirment le principe de légalité criminelle duquel découle le principe d’interprétation stricte de la loi pénale par les juridictions, que ce principe fondamental du droit pénal impose au juge d’interpréter strictement une loi d’incrimination et lui interdit toute extension du champ 2 d’application de la répression et toute interprétation extensive des termes employés par le législateur, que malgré cette interdiction à valeur constitutionnelle, la Cour d’appel a expressément affirmé interpréter le terme participant à la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction , qu’ainsi, ce faisant, la Cour d’appel a violé les articles 275 et 2 du Code pénal et l’article 14 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour Les termes d’outrage à magistrat dans leur acception courante étant clairs, ils ne manquent ni de précision ni de prévisibilité, de sorte que l’infraction d’outrage à magistrat ne requiert pas d’interprétation.

En retenant que l’outrage à magistrat comprend « toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique », les juges d’appel ont fait l’exacte application des dispositions visées au moyen.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) pour outrage par une fausse interprétation de la loi, à savoir de l’élément moral de l’infraction, aux motifs que requiert le dol ordinaire, l’intention c'est-à-dire la volonté consciente d’outrager.

Le prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager », alors que, le délit d’outrage prévu à l’article 275 du Code pénal, à l’inverse de la simple injure, requiert que l’auteur ait eu en outre la volonté d’attenter à la dignité ou au respect dus à la fonction en général dont la personne physique visée se trouve investie, qu’ainsi, ce faisant, la Cour d’appel a violé l’article 275 du Code pénal par fausse interprétation de son élément moral. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert de la violation de l’article 275 du Code pénal, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir caractérisé l’élément moral du délit retenu dans son chef.

En relevant, sur base des faits souverainement par eux constatés, 3 « Les passages cités plus haut, ensemble avec le courriel transmis à 15.18 heures attaché, insinuent que le juge d'instruction manque gravement de professionnalisme et ne répond pas au courriel et aux appels téléphoniques par entêtement et rancune personnelle.

PERSONNE1.) décrit d’ailleurs la situation à l’audience du 23 novembre devant le tribunal correctionnel : « Hien huet aus Verbruedheet mir net geäntwert » (cf. plumitif du 23 novembre 2021, p. 3).

Ces remarques et insinuations médisantes n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice.

Il est blessant et offensant d’insinuer qu’un magistrat et notamment un juge d'instruction ne prend, à dessein, par entêtement et rancune, pas une décision de surcroît, dans des circonstances dans lesquelles il sait que tout retard injustifié serait de nature à provoquer un préjudice considérable au mandant de l’avocat.

Cela constitue un procès d’intention.

PERSONNE1.) n’a d’ailleurs pas pris en considération que le défaut de réponse du juge d'instruction dans la « demi-heure » pouvait avoir une cause liée à sa permanence de service qui le rendait indisponible en raison d’un interrogatoire ou à son souhait légitime de vérifier personnellement auprès de l’expert si les scellés pouvaient être levés.

Il savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction, personne visée par le courriel en question, pour, sinon dépêcher la levée des scellés, mais au moins pour que ces autorités exigent une . » et « En l’occurrence il n’y pas de critique précise sur la valeur professionnelle, mais outrage à magistrat par insinuation auprès des autorités supérieures quant au professionnalisme du juge d'instruction et sa façon de gérer ses dossiers. Il y a eu insinuation que le juge omettrait à dessein, de façon arbitraire, par entêtement et rancune, d’adopter une décision en faveur de la mandante de Maître PERSONNE1.), sachant encore que tout retard injustifié causerait un préjudice considérable à sa mandante. », les juges d’appel ont constaté la volonté consciente du prévenu d’outrager le défendeur en cassation en sa qualité de magistrat, dès lors en sa qualité de représentant de l’autorité publique et dans l’exercice de ses fonctions.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

4 Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) pour outrage en caractérisant l’élément moral par un motif abstrait et général, aux motifs que d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager », alors que, l’office du juge pénal l’oblige à procéder à toutes les constatations concrètes qui s’imposent pour caractériser une infraction, lequel le juge ne peut se réfugier derrière des considérations générales, que le délit d’outrage prévu à l’article 275 du Code pénal requiert de prouver une intention méchante, un animus injuriandi, qu’ainsi, ce faisant, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale par insuffisance de motifs, violant l’article 275 du Code pénal. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En statuant par les motifs repris à la réponse au deuxième moyen pour retenir « L’outrage exige le but d’injurier, de blesser, de railler et requiert le dol ordinaire, l’intention c'est-à-dire la volonté consciente d’outrager.

Le prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager. », les juges d’appel ont caractérisé à suffisance le dol spécial dans le chef du demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.), du chef d’outrage, pour avoir envoyé l’email du 29 mai 2019 à 16h24 à deux ministres ainsi qu’au procureur général d’État, aux motifs que outrages, contestée aux audiences de la Cour, il y a lieu de rappeler que la 5 communication à la personne concernée n’est pas nécessaire pour constituer l’outrage, étant donné qu’il suffit que l’auteur des outrages les ait faits dans des circonstances telles qu’ils devaient être rapportés à la personne outragée.

Par courriel du 29 mai 2019, PERSONNE1.) a informé les ministres de l’économie et de la justice ainsi que le procureur général d’Etat, qu’il avait envoyé un courriel le même jour à 15.18 heures au juge d’instruction PERSONNE2.), en charge du dossier, pour le mettre en garde contre un risque de préjudice considérable qu’engendrait un retard prolongé du maintien des scellés lui ayant été rapporté par sa mandante, la société Arcelor Mittal. Il a informé ses destinataires que son courriel de l’après-midi est resté sans réponse et qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de joindre le juge d’instruction au téléphone.

L’intervention de PERSONNE1.) visait à conduire à la levée des scellés, décision que seul le juge d’instruction pouvait ordonner.

Devant le juge d’instruction, PERSONNE1.) admet lui-même que "mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne" (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03).

Dans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, il écrit lui-

même "J’ai la faiblesse de croire que cette intervention tardive est en relation avec mes interventions de la journée du 29 juin (i.e mai)".

Il savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d’instruction, personne visée par le courriel en question, pour, sinon dépêcher la levée des scellés, mais au moins pour que ces autorités exigent une "prise de position".

Il appert des pièces soumises à la Cour que le procureur général d’Etat adressa effectivement le jour de l’Ascension le 30 mai 2019, suite au courrier de Maître PERSONNE1.), une demande au juge d’instruction en y attachant le courriel que celui-ci avait adressé aux deux ministres, de la renseigner sur les réponses données à l’avocat.

La condition et la connaissance de l’outrage par la personne outragée est remplie », alors que, première branche, les propos poursuivis sous la qualification d'outrage, lorsqu'ils ne sont pas directement adressés à la personne qui en est l'objet, doivent, pour constituer un outrage, être prononcés en présence d'un tiers dont l'auteur doit vouloir et savoir qu'il les rapportera nécessairement à la victime ;

qu'aucun rapport hiérarchique, fonctionnel, organique ou autre n'existe entre le procureur général d’État et le juge d'instruction en vertu duquel le procureur général d’État serait le rapporteur nécessaire des propos du prévenu ; qu’en jugeant néanmoins que Maître PERSONNE1.) , la Cour d’appel a violé l’article 275, alinéa 1, du Code pénal, 6 alors que, deuxième branche, la constatation de fait que Maître PERSONNE1.) a affirmé devant le juge d’instruction que et qu’il a pu écrire dans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’État que est absolument insuffisante pour en tirer la conclusion qu’, la Cour d’appel a privé sont arrêt de base légale au regard de l’article 275 du Code pénal en omettant de caractériser à suffisance les , en vertu desquelles le procureur général d’État était devenu le rapporteur nécessaire au juge d’instruction de l’email du 29 mai 2019 (16h24). ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Ayant fait valoir qu’il avait adressé le courriel du 29 mai 2019 aux fins de dénoncer, sur base de l’article 73 de la loi du 7 mars 1980, un dysfonctionnement de la justice, le demandeur en cassation devait avoir conscience que sa démarche serait portée à la connaissance du défendeur en cassation.

Sous le couvert de la violation de l’article 275 du Code pénal, le moyen tend à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause qui les ont amenés à retenir que la condition relative à la publicité de l’outrage était remplie, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, ne saurait être accueilli.

Sur la seconde branche du moyen Le moyen de cassation est tiré d’une insuffisance de motifs constitutive d’un défaut de base légale en rapport avec l’article 275 du Code pénal.

Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En acquittant le demandeur en cassation de la prévention d’intimidation aux motifs « il n’y a pas lieu de considérer le courriel du 29 mai 2019 comme un acte d’intimidation ou de menaces, mais comme la dénonciation au Gouvernement et au procureur général d’Etat d’un risque de dysfonctionnement ou d’un dysfonctionnement du service, (…,) conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire » et en retenant, pour le surplus, 7 « En ce qui concerne plus particulièrement la publicité des outrages, contestée aux audiences de la Cour, il y a lieu de rappeler que la communication à la personne concernée n’est pas nécessaire pour constituer l’outrage, étant donné qu’il suffit que l’auteur des outrages les ait faits dans des circonstances telles qu’ils devaient être rapportés à la personne outragée.

Par courriel du 29 mai 2019, PERSONNE1.) a informé les ministres de l’économie et de la justice ainsi que le procureur général d’Etat, qu’il avait envoyé un courriel le même jour à 15.18 heures au juge d'instruction PERSONNE2.), en charge du dossier, pour le mettre en garde contre un risque de préjudice considérable qu’engendrait un retard prolongé du maintien des scellés lui ayant été rapporté par sa mandante, la société Arcelor Mittal. Il a informé ses destinataires que son courriel de l’après-midi est resté sans réponse et qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de joindre le juge d'instruction au téléphone.

L’intervention de PERSONNE1.) visait à conduire à la levée des scellés, décision que seul le juge d'instruction pouvait ordonner.

Devant le juge d'instruction, PERSONNE1.) admet lui-même que « mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne » (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03).

Dans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, il écrit lui-

même .

Il savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction, personne visée par le courriel en question, pour, sinon dépêcher la levée des scellés, mais au moins pour que ces autorités exigent une .

Il appert des pièces soumises à la Cour que le procureur général d’Etat adressa effectivement le jour de l’Ascension le 30 mai 2019, suite au courrier de Maître PERSONNE1.), une demande au juge d'instruction en y attachant le courriel que celui-ci avait adressé aux deux ministres, de la renseigner sur les réponses données à l’avocat.

La condition de la connaissance de l’outrage par la personne outragée est remplie. », les juges d’appel ont, par une motivation exempte d’insuffisance, caractérisé les faits qui les ont amenés à retenir que le prévenu avait commis l’outrage « avec la connaissance et la volonté que ces accusations (…) soient rapportées [au défendeur en cassation] et que [l’auteur] en a effectivement eu connaissance », sans qu’ils n’avaient à caractériser une relation de rapporteur nécessaire entre un des destinataires des courriels et le demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

8 Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné sous la prévention d’outrage Maître PERSONNE1.) pour avoir critiqué et dénoncé le comportement professionnel d’un magistrat, tout en constatant qu’il avait agi en conformité avec l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire et l’acquittant du chef d’intimidation, en violation de l’article 70 du Code pénal, aux motifs que l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire prévoit un pouvoir d’intervention du Gouvernement, à travers le procureur général d’État, placé sous l’autorité du ministre de la Justice, lorsque le bon fonctionnement du service de la Justice est compromis ou même s’il existe un risque de dysfonctionnement dudit service, et qu’ d’instruction omette de lever, nonobstant son annonce, la levée (sic) des scellés, il n’y a pas lieu de considérer le courriel du 29 mai 2019 comme un acte d’intimidation ou de menaces, mais comme la dénonciation au Gouvernement et au procureur général d’État d’un risque de dysfonctionnement ou d’un dysfonctionnement du service, résultat de l’omission de la levée des scellés, entraînant un préjudice considérable, conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire », que par conséquent, ayant légitimement et légalement usé d’un droit qui lui était offert par la loi sur l’organisation judiciaire, Maître PERSONNE1.) était à acquitter de cette prévention, mais que, dans le cadre de cette dénonciation légale et légitime, en dépit du fait que , Maître PERSONNE1.) avait employé des subtiles formulations, une manière d’écrire, un style, pour dénigrer le juge d’instruction et partant pour l’outrager, le condamnant de ce chef, alors que, l’article 70 du Code pénal prévoit qu’il n’y a pas d’infraction lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l’autorité légitime, cet article consacrant la théorie des causes objectives de justification pénale, lesquelles font disparaître le caractère infractionnel du fait pour lequel la juridiction répressive est saisie, que les causes objectives de justification pénale opèrent in rem, au regard des faits poursuivis et non pas des qualifications pénales envisagées, l’effet exonératoire de la responsabilité pénale étant absolu et erga omnes, que la Cour d’appel était saisie du fait prétendument infractionnel, reproché à Maître PERSONNE1.), consistant dans l’envoi 9 général d’État, (d’)un courriel libellé de la manière suivante », contenant notamment les phrases « ce n’est pas la première fois que j’ai un incident avec lui », , , que ce fait, à savoir envoyer un message électronique ainsi rédigé, était poursuivi à la fois sous la prévention d’intimidation et sous la prévention d’outrage, que la défense avait notamment soutenu, à l’égard du fait reproché, que Maître PERSONNE1.) avait agi conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire en informant le ministre de la Justice et le procureur général d’État du comportement problématique d’un magistrat et partant d’un dysfonctionnement du service public de la Justice, et que l’exercice d’un droit, en conformité avec la loi nationale, ne pouvait conjointement être constitutif d’une infraction, que la Cour d’appel, a expressément reconnu que l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire offrait une voie légale dans la dénonciation des dysfonctionnements ou risque de dysfonctionnement de la Justice et que, par son email du 29 mai 2019 de 16h24 ainsi rédigé, adressé aux deux ministres et au procureur général d’État, Maître PERSONNE1.) avait légitimement et légalement exercé un droit qui lui était offert, mais que, en dépit de l’acquittement de Maître PERSONNE1.) de la prévention d’intimidation, à l’égard de la dénonciation réalisée par l’email du 29 mai 2019 dans les termes expressément reproduits par la Cour d’appel, au motif qu’il avait agi conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire, la Cour d’appel l’a néanmoins condamné du chef d’outrage pour les contenues dans ledit courriel, qu’ainsi, en limitant le fait justificatif d’avoir légalement et légitimement exercé le droit de dénoncer un dysfonctionnement, opérant in rem, à l’unique qualification d’intimidation, tout en condamnant l’accusé pour ce même fait du chef d’outrage, la Cour d’appel a violé l’article 70 du Code pénal. ».

Réponse de la Cour Il résulte de la décision attaquée que la dénonciation faite par le demandeur en cassation sur base de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire n’a pas été retenue au titre d’une cause de justification au sens de l’article 70 du Code pénal pour motiver une décision d’acquittement du chef de la prévention d’intimidation, mais que cet acquittement a été prononcé en raison du défaut de réunion de tous les éléments constitutifs de l’infraction d’intimidation.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

10 Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré Maître PERSONNE1.) coupable d’outrage à magistrat, en violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, aux motifs que dénonciation ne sont pas remis en cause sous cette prévention (d’outrage), ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitimité de l’ingérence de l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat.

Il n’est pas non plus remis en cause le fait de dénoncer légalement et légitimement un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat.

Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’État, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d’instruction, partant dans le but de l’outrager.

il est reproché au prévenu, la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique.

La question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non.

La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrage. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui » alors que, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit à la liberté d’expression, ce droit comprenant la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière, et qu’aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, si le droit à la liberté d’expression n’est pas absolu, l’article 10 n’est préservé que si les ingérences dans l’exercice de ce droit , 11 qu’il est constant que la poursuite pénale d’un avocat et, a fortiori, sa condamnation pénale, pour s’être exprimé sur le comportement problématique d’un magistrat, constitue une ingérence dans l’exercice de sa liberté d’expression et qu’une telle ingérence n’est conforme à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que si elle est légale, légitime, et nécessaire dans une société démocratique, étant précisé que la liberté d’expression de l’avocat doit bénéficier d’une protection renforcée, en raison de la position éminente de l’avocat dans un État de droit, qu’il ressort notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que la condamnation pénale d’un avocat pour des critiques formulées à l’égard d’un magistrat est par principe inacceptable, toute ingérence dans sa liberté d’expression n’étant conforme à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que s’il s’agit (Morice c. France, 23 avril 2015, § 131 ), que la Cour d’appel a retenu que les critiques formulées par Maître PERSONNE1.) à l’égard du magistrat d’instruction étaient de simples ou des , tout en constatant que Maître PERSONNE1.) avait légalement et légitimement eu recours à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire pour dénoncer un dysfonctionnement de la Justice qu’il imputait audit magistrat, que, dans ces conditions, la Cour d’appel ne pouvait que constater qu’il ne s’agissait en rien de graves attaques préjudiciables et qu’elles n’étaient pas dénuées de fondement et que par conséquent, la limitation de la liberté d’expression de l’avocat n’était en rien nécessaire ou proportionnée, et qu’ainsi, en refusant de ne serait-ce que vérifier si le droit à la liberté d’expression de Maître PERSONNE1.) pouvait être violé dans sa poursuite du chef d’outrage à magistrat et, a fortiori, en condamnant Maître PERSONNE1.) pour outrage, la Cour d’appel a violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »), alors que les poursuite et condamnation pénales intervenues sur base de l’article 275 du Code pénal constitueraient une ingérence illégitime de l’autorité publique dans l’exercice de la liberté d’expression de l’avocat.

Il reproche à la Cour d’appel, après avoir constaté que ses critiques constitueraient de « simples subtiles insinuations » » et qu’il avait légalement et légitimement eu recours à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire pour dénoncer un dysfonctionnement de la justice, de ne pas en avoir déduit qu’une limitation de la liberté d’expression de l’avocat n’était en rien nécessaire ou proportionnée.

12 L’article 10, paragraphe 1, de la Convention garantit à toute personne la liberté d’expression, c’est-à-dire le droit de dire et d’écrire ce qu’elle pense. La liberté d’expression n’est cependant pas un droit absolu. L’article 10, paragraphe 2, de la Convention dispose que des restrictions peuvent être nécessaires pour garantir, entre autres, l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Il appartenait dès lors aux juges d’appel de vérifier si les poursuite et condamnation pénales, en ce qu’elles visaient à garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire, étaient proportionnées au but légitime poursuivi.

Il résulte de la motivation de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont, par un examen minutieux des circonstances de la cause et du contenu des courriels envoyés par le demandeur en cassation à deux ministres et au procureur général d’Etat, distingué entre, d’une part, la dénonciation d’un risque de dysfonctionnement de la justice, non visée par la prévention d’outrage à magistrat et, d’autre part, la manière et le style des critiques formulées par le demandeur en cassation.

En retenant, en ce qui concerne le caractère blessant et préjudiciable des propos formulés par le demandeur en cassation à l’égard du défendeur en cassation, pour en caractériser la gravité au regard de la nécessaire sauvegarde de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire, « La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui. (…).

Parmi les informations objectives suffisantes pour informer les autorités d’un risque de dysfonctionnement et de la possibilité de survenance d’un préjudice considérable, l’avocat a ajouté afin de souligner et d’illustrer ses propos, des observations personnelles de nature à discréditer le professionnalisme du juge d’instruction et sa gestion de plusieurs dossiers.

Les passages cités plus haut, ensemble avec le courriel transmis à 15.18 heures attaché, insinuent que le juge d’instruction manque gravement de professionnalisme et ne répond pas au courriel et aux appels téléphoniques par entêtement et rancune personnelle. (…).

Ces remarques et insinuations médisantes n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice.

Il est blessant et offensant d’insinuer qu’un magistrat et notamment un juge d'instruction ne prend, à dessein, par entêtement et rancune, pas une décision de surcroît, dans des circonstances dans lesquelles il sait que tout retard injustifié serait de nature à provoquer un préjudice considérable au mandant de l’avocat.

Cela constitue un procès d’intention. (…).

13 En l’occurrence il n’y a pas de critique précise sur la valeur professionnelle, mais outrage à magistrat par insinuation auprès des autorités supérieures quant au professionnalisme du juge d'instruction et sa façon de gérer ses dossiers. Il y a eu insinuation que le juge omettrait à dessein, de façon arbitraire, par entêtement et rancune, d’adopter une décision en faveur de la mandante de Maître PERSONNE1.), sachant encore que tout retard injustifié causerait un préjudice considérable à sa mandante. » et, en ce qui concerne la peine à prononcer, « Il y a lieu de mettre en balance le droit de la libre expression de l’avocat d’un côté et la nécessité de garantir le respect envers l’autorité du pouvoir judiciaire.

La peine à prononcer vise ainsi que l’ont relevé les premiers juges non pas le fait que PERSONNE1.) en sa qualité d’avocat s’est exprimé publiquement sur le fonctionnement de la justice, droit qui est garanti par la Convention, mais en l’occurrence qu’il l’a fait en visant la personne du juge d'instruction PERSONNE2.), en insinuant son inertie, son manque de professionnalisme, sa présumée rancune personnelle, sa méthode de travail et son incapacité de mener à bien ses dossiers, notamment en se référant à des antécédents et sa rancune personnelle dépassant ainsi les limites de l’acceptable. », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) pour outrage, en écartant l’acquittement fondé sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme par une motivation insuffisante, aux motifs que la question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non.

La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui », alors que, première branche, les articles 195 du Code de procédure pénale et 89 de la Constitution imposent au juge de répondre aux moyens du prévenu de manière suffisante au risque de valoir absence de motifs, 14 que l’article 6 de la Convention euyropéenne des droits de l’homme, garantissant le droit à un procès équitable, requiert qu’une réponse précise et explicite soit donnée aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause, que Maître PERSONNE1.) s’est prévalu, dans le cadre de sa défense, de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme pour demander son acquittement, en ce que toute condamnation pour les faits reprochés serait une atteinte disproportionnée à sa liberté d’expression, que malgré cette obligation à valeur constitutionnelle, la Cour d’appel s’est contentée de deux phrases insuffisamment motivées pour écarter le moyen du prévenu pourtant essentiel car invoqué à l’appui de sa demande d’acquittement, qu’ainsi, ce faisant, la Cour d’appel a vicié son arrêt pour insuffisance de motifs valant défaut de motifs et a partant violé l’article 195 du Code de procédure pénale, l’article 89 de la Constitution et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors que, deuxième branche, Maître PERSONNE1.) s’est prévalu, dans le cadre de sa défense, de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme pour demander son acquittement, en ce que toute condamnation pour les faits reprochés serait une atteinte disproportionnée à sa liberté d’expression, que la Cour d’appel s’est contentée de courtes formules lapidaires pour écarter la vérification du respect de la liberté d’expression du prévenu, moyen pourtant essentiel car invoqué à l’appui de sa demande d’acquittement, qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel, en ne motivant pas suffisamment sa décision, ce qui constitue un défaut de base légale au regard de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs qui est un vice de forme. Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite sur le point considéré.

En retenant « Les principes de la légalité et de la légitimité de la dénonciation ne sont pas remis en cause sous cette prévention, ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitimité de l’ingérence de l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat.

Il n’est pas non plus remis en cause que le fait de dénoncer légalement et légitiment un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat.

15 Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'ins0truction, partant dans le but de l’outrager.

Il est reproché au prévenu la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique.

La question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non.

La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen Le moyen de cassation est tiré d’une insuffisance de motifs constitutive d’un défaut de base légale en rapport avec l’article 10 de la Convention.

Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En distinguant, d’une part, le caractère légitime et légal de la dénonciation d’un risque de dysfonctionnement du service résultant de l’omission de la levée des scellés et, d’autre part, la forme critiquable dans laquelle la dénonciation avait eu lieu, les juges d’appel ont, par une motivation exempte d’insuffisance, caractérisé les faits qui les ont amenés à retenir qu’il n’y avait pas eu atteinte à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) du chef d’outrage, en violation de l’article 1, alinéa 1, et de l’article 33 (1) de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, consacrant l’indépendance de l’avocat, 16 aux motifs que, insinuations ne vise pas non plus à limiter l’indépendance de l’avocat », alors que, l’indépendance de l’avocat, telle que consacrée à l’article 1, alinéa 1, et de l’article 33 (1) de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ainsi qu’aux articles 1.2. et 8.1 du Règlement intérieur de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, est un des fondements de la profession d’avocat et une des garanties de l’équité procédurale, telle que protégée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, que la liberté de l’avocat dans le choix des moyens pour défendre au mieux les intérêts de son mandant, notamment dans le cadre d’une instruction pénale, est une condition de l’indépendance de l’avocat, que poursuivre et a fortiori condamner un avocat, pour avoir critiqué les défaillances professionnelles et rapporté le comportement problématique d’un magistrat auprès des autorités compétentes, dans l’unique but de défendre les intérêts de son mandant face à un grave risque de dysfonctionnement de la Justice, porte gravement atteinte à l’indépendance de l’avocat, qu’ainsi, en condamnant Maître PERSONNE1.) pour un outrage réalisé dans le cadre de cette dénonciation, la Cour d’appel a violé la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat. ».

Réponse de la Cour En constatant le caractère légitime et légal de la dénonciation opérée par le demandeur en cassation et en le condamnant pour ses « remarques et insinuations médisantes [qui] n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice », les juges d’appel ont constaté le caractère détachable de la forme des critiques par rapport aux motifs de la dénonciation et n’ont pas porté atteinte à l’indépendance de l’avocat.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Maître PERSONNE1.) pour outrage sans avoir suffisamment répondu à l’un de ses moyens portant sur l’atteinte à l’indépendance de l’avocat, aux motifs que insinuations, ne vise pas non plus à limiter l’indépendance de l’avocat », alors que les articles 195 du Code de procédure pénale et 89 de la Constitution imposent au juge de répondre aux moyens du prévenu de manière suffisante au risque de valoir absence de motifs, 17 que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant le droit à un procès équitable, requiert qu’une réponse précise et explicite soit donnée aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause, que malgré cette obligation à valeur constitutionnelle, la Cour d’appel s’est contenté d’une phrase insuffisamment motivée pour écarter le moyen du prévenu pourtant primordial car invoqué à l’appui de sa demande d’acquittement, qu’ainsi, ce faisant, la Cour d’appel a vicié son arrêt pour insuffisance de motifs valant défaut de motifs et a partant violé les articles 195 du Code de procédure pénale, l’article 89 de la Constitution, et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En ayant constaté, d’une part, le caractère légitime et légal de la dénonciation par le demandeur en cassation sur base de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire et, d’autre part, que la condamnation pour outrage à magistrat sanctionne des « remarques et insinuations médisantes [qui] n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice », faits qui sont détachables de cette démarche, pour conclure que la « poursuite pénale pour outrage en raison des insinuations, ne vise pas à limiter l’indépendance de l’avocat », les juges d’appel ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.

18 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

le condamne aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 11,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, huit juin deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

19 Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation de PERSONNE1.), en présence de la partie civile PERSONNE2.) et du Ministère public (Affaire numéro CAS-2022-00085 du registre) Sur la recevabilité du pourvoi Par déclaration faite le 5 août 2022 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Laura MAY, avocat à la Cour, remplacement de Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un pourvoi en cassation au pénal et au civil contre l’arrêt n° 194/22 X de la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, du 6 juillet 2022.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 2 septembre 2022 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Maximilien LEHNEN, précité, signifié antérieurement à son dépôt à la partie civile PERSONNE2.).

Le pourvoi est dirigé par le prévenu contre un arrêt définitif rendu en matière correctionnelle, de sorte qu’il est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi au regard des articles 216, 407 et 416 du Code de procédure pénale.

Il respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1.

Il en suit qu’il est recevable.

1 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi, le 5 août 2022, contre un arrêt contradictoire, prononcé le 6 juillet 2022, ayant eu lieu moins d’un mois après la date du prononcé de l’arrêt attaqué. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43, alinéa 1, de la même loi a de même été respecté, le mémoire ayant été déposé le 2 septembre 2022, donc dans le mois de la date de la déclaration de pourvoi (du 5 août 2022). Le mémoire de la partie condamnée et défenderesse au civil a été signifié, conformément à l’article 43, alinéa 2, de la loi précitée, à la partie civile antérieurement à son dépôt. Le mémoire a été, conformément à l’article 43, alinéa 1, précité, signé par un avocat à la Cour, il précise les dispositions attaquées et contient les moyens de cassation.

20 Sur les faits Il résulte de l’arrêt attaqué que, statuant sur la poursuite pénale dirigée, à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile du juge d’instruction PERSONNE2.), contre l’avocat Maître PERSONNE1.) pour délit d’actes d’intimidation commis contre une personne exerçant une fonction publique, incriminé par l’article 251 du Code pénal, et outrage à magistrat, incriminé par l’article 275 du même Code, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, acquittait le prévenu pour les délits d’actes d’intimidation, tout en le retenant dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat, et le condamnait à une amende de 2.000.- euros, au paiement au civil d’un euro symbolique et d’une indemnité de procédure de 750.- euros en faveur de la partie civile. Sur appels du prévenu, du Ministère public et de la partie civile, la Cour d’appel acquitta le prévenu pour l’un des deux outrages à magistrat retenus à sa charge par les juges de première instance, réduisit l’amende à 1.000.- euros, augmenta l’indemnité de procédure à 1.500.- euros et confirma le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation des articles 2 et 275 du Code pénal et 14 de la Constitution, en ce que la Cour d’appel, pour retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat, a constaté que : « La notion d’outrage est à interpréter dans un sens large et comprend toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique »2, alors que le principe de légalité criminelle implique le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, partant s’oppose à toute interprétation large des termes de la loi pénale défavorable au prévenu, à laquelle la Cour d’appel a procédé en l’espèce.

Dans son premier moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir procédé à une interprétation extensive de la notion d’outrage, en retenant que celle-ci « est à interpréter dans un sens large et comprend toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique »3. Le principe d’interprétation stricte des dispositions de droit pénal défavorables au prévenu s’opposerait à une telle lecture.

Le demandeur a raison de souligner que le droit pénal défavorable au prévenu est à interpréter de façon stricte. Il y a toutefois lieu de bien comprendre la portée de ce principe. En effet, ainsi qu’il résulte des travaux préparatoires du Code pénal belge, repris par le Code pénal luxembourgeois, « [l]e juge, qui est tenu d’interpréter les termes de la loi dans le sens que le législateur a voulu y attacher, doit les comprendre dans leur acception la plus étendue, même lorsqu’il s’agit d’une loi pénale, si telle est l’intention du législateur »4. En particulier, « [l]es dispositions dont les termes sont généraux répugnent à une interprétation stricte ou même restrictive »5.

2 Arrêt attaqué, page 37, troisième alinéa.

3 Idem et loc.cit.

4 Rapport relatif au titre VIII du livre II du Code pénal fait au nom de la Commission du gouvernement par J.J.

HAUS, Législation criminelle de la Belgique, Tome III, Bruxelles, Bruylant, page 242, n° 108, cité par : Franklin KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, Tome I, 3e édition, Bruxelles, Larcier, 2018, n° 335 et note de bas de page n° 1251, page 219.

5 KUTY, op.cit., loc.cit., note de bas de page n° 1250, citant : Cour de cassation de Belgique, 20 avril 1950, Pas.

belge, I, page 560, avec les conclusions conformes du Procureur général L. CORNIL.

21 Cette conclusion vaut tout particulièrement pour le terme « outrage » employé par l’article 275 du Code pénal. Le Code pénal belge, repris par le Code pénal luxembourgeois, a de ce point de vue étendu la portée de l’incrimination en abandonnant la restriction, initialement apportée par le Code pénal français de 1810 et abandonnée en France dès 1822, que l’outrage devait avoir pour objet de tendre « à inculper leur honneur ou leur délicatesse [donc l’honneur ou la délicatesse de la personne outragée] », motif pris de ce qu’il « ne faut pas […] qu’un texte trop étroit permette à celui qui a cherché à amoindrir l’autorité, d’échapper à une juste peine »6.

Le terme « outrage » constitue l’exemple type d’un terme générique dont l’« insertion dans la législation s’explique […] précisément par [son] imprécision qui permet au législateur de ne pas enfermer le juge dans une définition qui serait, par hypothèse, incomplète »7. Il s’agit de termes qui « nécessitent […] dès lors d’être interprétés selon le langage courant »8.

Dans cette logique, la Cour de cassation française a dès la fin du XIXe siècle retenu « que le délit d’outrage peut exister même en l’absence de toute invective, expression grossière ou méprisante, si les paroles ou les écrits adressés aux magistrats ou aux jurés tendent néanmoins à inculper leur honneur ou leur délicatesse »9. Ainsi donc, « [l]e mot « outrage » est une expression générique visant toute atteinte à la dignité d’une personne »10 « et comprend l’injure proprement dite, la diffamation, la calomnie, la dérision etc. »11. « En d’autres mots encore, l’outrage s’applique pour « toute expression de mépris de nature à diminuer le respect des citoyens pour l’autorité de la personne et pour le caractère dont elle est revêtue » »12.

L’outrage étant un terme générique de portée étendue, le juge, loin de méconnaître le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, « est tenu [de l’]interpréter […] dans le sens [générique et large] que le législateur a voulu y attacher »13.

Il en suit que le premier moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 275 du Code pénal, en ce que la Cour d’appel, pour retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat, a constaté au titre de l’élément moral du délit que : « L’outrage exige le but d’injurier, de blesser, de railler et requiert le dol ordinaire, l’intention c'est-à-dire la volonté consciente d’outrager. Le prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager. »14, alors que le délit d’outrage, à l’inverse de l’injure, requiert que l’auteur ait eu la volonté d’attenter, outre à la personne de la victime, considérée indépendamment de sa fonction, également à la dignité ou 6 J.S.G. NYPELS, Code pénal belge interprété, Bruxelles, Bruylant, 1867, Tome I, Article 275, Commentaire, n° 2, page 715, citant le député E. PIRMEZ.

7 KUTY, précité, n° 353, page 235.

8 Idem et loc.cit.

9 Cour de cassation française, chambre criminelle, 8 mai 1891, Dalloz périodique, 1892, I, page 105.

10 Répertoire pratique du droit belge, Tome IX, Bruxelles, Bruylant, 1951, V° Outrage, pages 302 et suivantes, voit n° 3, page 304.

11 François JONGEN et Alain STROWEL, Droit des médias et de la communication, 1ère édition, Bruxelles, Larcier, 2017, n° 679, page 468.

12 Idem et loc.cit., citant A. DE NAUW et F. KUTY, Manuel de droit pénal spécial.

13 Rapport précité, KUTY, précité, n° 335 et note de bas de page n° 1251, page 219.

14 Arrêt attaqué, page 39, cinquième et sixième alinéa.

22 au respect dus à la fonction dont la victime est investie, mais que la Cour d’appel a omis de mentionner et, à plus forte raison, de constater l’existence de cet aspect de l’élément moral du délit.

Dans son deuxième moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir insuffisamment caractérisé l’élément moral du délit d’outrage à magistrat, à savoir d’avoir omis de caractériser en quoi, en l’espèce, l’auteur aurait, par l’écrit incriminé, voulu viser outre la personne du juge d’instruction également la fonction de ce dernier. Au soutien de cette critique il invoque un motif par lequel cette omission se serait manifestée, à savoir un motif dans lequel la Cour d’appel constata que « [l]e prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager »15.

Les éléments constitutifs du délit d’outrage à magistrat sont énoncés par la Cour d’appel par adoption des motifs des juges de première instance :

« Les juges de première instance ont correctement énoncé les éléments du délit d’outrage à magistrat et il y a lieu de s’y référer »16.

Ces derniers avaient à ce sujet notamment précisé que :

« Pour qu’il y ait outrage à magistrat ou contre un corps constitué au sens de l’article 275 du code pénal, il faut qu’il soit proféré à l’égard d’une des personnes publiques visées par cet article et qu’il soit proféré dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

L’outrage en général est une injure grave. Elle consiste dans toute atteinte à l’honneur ou la considération d’une personne sans que cette atteinte comporte l’imputation d’un fait précis (cf. Goedseels, Commentaire du droit pénal belge, n°1707 et 2668).

Plus particulièrement l’outrage envers les personnes énumérées par le code, vise non seulement la personne du fonctionnaire qui est atteinte par les outrages, mais aussi la fonction elle-même. C’est l’atteinte portée à la considération et à la dignité des dépositaires de l’autorité que la loi prévoit (cf. G. Schuind, Traité pratique de Droit criminel, TI, p.297).

Ainsi il n’est pas nécessaire que les paroles soient caractérisées par un mot grossier, un terme de mépris ou une invective, dès lors qu’en réalité les expressions utilisées, comportant en raison des circonstances un sens injurieux, sont susceptibles de diminuer la considération des citoyens pour les personnes qui représentent l’autorité ou indiquent à leur égard un manque de respect (cf. C.A. 5 février 1979, P. 24, p. 230). »17.

La Cour d’appel compléta ce renvoi aux motifs des juges de première instance par les motifs propres suivants :

« La notion d’outrage est ainsi à interpréter dans un sens large et comprend toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique.

15 Idem, même page, sixième alinéa.

16 Idem, page 37, deuxième alinéa.

17 Idem, page 11, quatrième au septième alinéa (reproduisant le jugement de première instance) (c’est nous qui soulignons).

23 Il n’est pas nécessaire que les paroles ou écrits soient caractérisés par un mot grossier, un terme de mépris ou une invective, dès lors qu’en réalité les expressions utilisées comportent en raison des circonstances un sens injurieux, sont susceptibles de diminuer la considération des citoyens pour les personnes qui représentant l’autorité, ou indiquent à leur égard un manque de respect. La notion d’outrage est à interpréter dans un sens large et comprend toute atteinte à la dignité de la personne représentant l’autorité publique. L’outrage visé à l’article 275 du Code pénal exige l’expression d’une pensée de mépris, s’attaquant à la personne du magistrat. »18.

Elle précisa donc à suffisance que le délit d’outrage à magistrat implique une atteinte à la fonction publique exercée par la victime, donc attaque celle-ci non pas comme personne privée, mais en tant que représentant de l’autorité publique et dans l’exercice de ses fonctions.

Elle appliqua ensuite ces principes au cas d’espèce :

« Parmi les informations objectives suffisantes pour informer les autorités d’un risque de dysfonctionnement et de la possibilité de survenance d’un préjudice considérable, l’avocat a ajouté afin de souligner et d’illustrer ses propos, des observations personnelles de nature à discréditer le professionnalisme du juge d'instruction et sa gestion de plusieurs dossiers.

Les passages cités plus haut, ensemble avec le courriel transmis à 15.18 heures attaché, insinuent que le juge d'instruction manque gravement de professionnalisme et ne répond pas au courriel et aux appels téléphoniques par entêtement et rancune personnelle.

PERSONNE1.) décrit d’ailleurs la situation à l’audience du 23 novembre devant le tribunal correctionnel : « Hien huet aus Verbruedheet mir net geäntwert » (cf. plumitif du 23 novembre 2021, p. 3).

Ces remarques et insinuations médisantes n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice.

Il est blessant et offensant d’insinuer qu’un magistrat et notamment un juge d'instruction ne prend, à dessein, par entêtement et rancune, pas une décision de surcroît, dans des circonstances dans lesquelles il sait que tout retard injustifié serait de nature à provoquer un préjudice considérable au mandant de l’avocat. Cela constitue un procès d’intention.

PERSONNE1.) n’a d’ailleurs pas pris en considération que le défaut de réponse du juge d'instruction dans la « demi-heure » pouvait avoir une cause liée à sa permanence de service qui le rendait indisponible en raison d’un interrogatoire ou à son souhait légitime de vérifier personnellement auprès de l’expert si les scellés pouvaient être levés.

[…] 18 Idem, page 37, troisième et quatrième alinéa (c’est nous qui soulignons).

24 La défense a encore réitéré en instance d’appel son argument que la critique sur la valeur professionnelle d’une personne serait exclue du champ d’application de la répression pénale vu que ces informations ne constituent pas une atteinte à l’honneur de la personne en question et ne l’exposent pas au mépris public.

A l’audience de la Cour, les mandataires de PERSONNE1.) ont remis dans cet ordre d’idée, une farde de pièces documentant les « incidents » que leur mandant avait eus antérieurement aux présents faits avec le juge d'instruction Contrairement aux délits de diffamation et de calomnie, qui supposent l’imputation d’un fait précis portant atteinte à l’honneur d’une personne ou à l’exposant au mépris public, l’outrage envers un agent public ne comporte pas un fait précis, mais tous faits, paroles, gestes, menaces, écrits ou dessins qui d’une manière quelconque peuvent blesser ou offenser.

En l’occurrence il n’y pas de critique précise sur la valeur professionnelle, mais outrage à magistrat par insinuation auprès des autorités supérieures quant au professionnalisme du juge d'instruction et sa façon de gérer ses dossiers. Il y a eu insinuation que le juge omettrait à dessein, de façon arbitraire, par entêtement et rancune, d’adopter une décision en faveur de la mandante de Maître PERSONNE1.), sachant encore que tout retard injustifié causerait un préjudice considérable à sa mandante Contrairement aux délits de diffamation et de calomnie, l’outrage n’exige par définition pas l’imputation d’un fait précis, mais un fait outrageant, ce qui exclut la preuve de la véracité de l’allégation outrageante.

La documentation remise par les mandataires de PERSONNE1.) quant aux «incidents» précédents n’est dès lors pas pertinente.

L’outrage exige le but d’injurier, de blesser, de railler et requiert le dol ordinaire, l’intention c'est-à-dire la volonté consciente d’outrager.

Le prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu l’élément moral. »19.

En caractérisant les faits retenus à titre d’outrage à magistrat, la Cour d’appel précisa donc que l’outrage avait pour objet de mettre en cause, par insinuations, le professionnalisme du juge d’instruction, donc visait ce dernier non pas comme personne privée, mais dans sa qualité de représentant de l’autorité publique, donc dans l’exercice de ses fonctions.

Il en suit que si la Cour d’appel constate au sujet de l’élément moral du délit que « [l]e prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager »20, elle vise l’acceptation de blesser et d’injurier la victime considérée non pas 19 Idem, page 37, cinquième au dernier alinéa, page 38, avant-dernier et dernier alinéa, et page 39, premier au septième alinéa (c’est nous qui soulignons).

20 Idem, page 39, sixième alinéa.

25 comme personne privée, mais dans sa qualité de « juge d'instruction », donc dans sa qualité de représentant de l’autorité publique et dans l’exercice de ses fonctions.

Le moyen n’est, partant, pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, par défaut de base légale, de l’article 275 du Code pénal, en ce que la Cour d’appel, pour retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat, a constaté au titre de l’élément moral du délit que :

« L’outrage exige le but d’injurier, de blesser, de railler et requiert le dol ordinaire, l’intention c'est-à-dire la volonté consciente d’outrager. Le prévenu a accepté de blesser et d’injurier le juge d'instruction et a donc agi avec la volonté consciente d’outrager. »21, alors que cette motivation est abstraite et générale, partant, insuffisante pour caractériser de façon concrète, donc eu égard aux circonstances de l’espèce, l’élément moral du délit.

Dans son troisième moyen, le demandeur en cassation réitère son deuxième moyen, sauf à le tirer d’un défaut de base légale, donc d’une insuffisance des motifs de fait.

Or, au regard des motifs cités ci-avant dans le cadre de la discussion du deuxième moyen, la Cour d’appel a, sans insuffisance, précisé que la victime avait été outragée en l’espèce par une mise en cause, par insinuations, de son professionnalisme, donc dans sa qualité de représentant de l’autorité publique et dans l’exercice de ses fonctions et que l’auteur avait accepté de blesser et d’injurier la victime dans et en raison de cette qualité de « juge d'instruction »22.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 275 du Code pénal, en ce que la Cour d’appel, pour retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat, a constaté que l’outrage, bien que formulé dans un écrit adressé à des tiers, avait été nécessairement porté à la connaissance de la victime aux motifs que : « En ce qui concerne plus particulièrement la publicité des outrages, contestée aux audiences de la Cour, il y a lieu de rappeler que la communication à la personne concernée n’est pas nécessaire pour constituer l’outrage, étant donné qu’il suffit que l’auteur des outrages les ait faits dans des circonstances telles qu’ils devaient être rapportés à la personne outragée. Par courriel du 29 mai 2019, PERSONNE1.) a informé les ministres de l’économie et de la justice ainsi que le procureur général d’Etat, qu’il avait envoyé un courriel le même jour à 15.18 heures au juge d'instruction PERSONNE2.), en charge du dossier, pour le mettre en garde contre un risque de préjudice considérable qu’engendrait un retard prolongé du maintien des scellés lui ayant été rapporté par sa mandante, la société Arcelor Mittal. Il a informé ses destinataires que son courriel de l’après-midi est resté sans réponse et qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de joindre le juge d'instruction au téléphone. L’intervention de PERSONNE1.) visait à conduire à la levée des scellés, décision que seul le juge d'instruction pouvait ordonner.

21 Idem, même page, cinquième et sixième alinéa.

22 Idem, même page, sixième alinéa.

26 Devant le juge d'instruction, PERSONNE1.) admet lui-même que « mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne » (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03).

Dans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, il écrit lui-même « J'ai la faiblesse de croire que cette intervention tardive est en relation avec mes interventions de la journée du 29 juin (i.e mai) ». Il savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction, personne visée par le courriel en question, pour, sinon dépêcher la levée des scellés, mais au moins pour que ces autorités exigent une « prise de position ». Il appert des pièces soumises à la Cour que le procureur général d’Etat adressa effectivement le jour de l’Ascension le 30 mai 2019, suite au courrier de Maître PERSONNE1.), une demande au juge d'instruction en y attachant le courriel que celui-ci avait adressé aux deux ministres, de la renseigner sur les réponses données à l’avocat. La condition de la connaissance de l’outrage par la personne outragée est remplie. »23, alors que, première branche, en cas d’outrage non porté immédiatement à la connaissance de la victime par l’auteur, la qualification d’outrage suppose que les propos poursuivis soient portés à la connaissance d’un tiers dont l’auteur doit vouloir et savoir qu’il les rapportera nécessairement à la victime, que cette condition n’est pas respectée en l’espèce, les propos ayant été portés à la connaissance de la Procureur général d’Etat, qui n’a aucun rapport hiérarchique, fonctionnel, organique ou autre avec la victime, de sorte que c’est à tort que la Cour d’appel a conclu que l’auteur « savait […] que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction »24 et que, seconde branche, les constatations de fait tirées de ce que l’auteur « admet lui-même que « mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne » (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03) »25 et que « [d]ans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, il écrit lui-même « J'ai la faiblesse de croire que cette intervention tardive est en relation avec mes interventions de la journée du 29 juin (i.e mai) » »26 sont manifestement insuffisantes pour en déduire, comme le fit la Cour d’appel, que l’auteur « savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction »27, de sorte que l’arrêt caractérise, par un défaut de base légale, de façon insuffisante les circonstances en vertu desquelles le Procureur général d’Etat était devenu le rapporteur nécessaire du juge d’instruction de l’écrit lui transmis.

Dans son quatrième moyen, le demandeur en cassation critique les motifs de la Cour d’appel relatifs à la condition de publicité de l’outrage.

« L’article 275 du Code pénal ne requiert pas que la personne outragée voie l’outrage dirigé contre elle en sa présence »28. Dans ce cas il faut, en revanche, que l’auteur a commis l’outrage « avec la connaissance et la volonté que ces accusations […] soient rapportées [à la victime] et que [l’auteur] en a effectivement eu connaissance »29.

Pour conclure que cet élément constitutif du délit était établi, la Cour d’appel se fondit sur les éléments de fait suivants :

23 Idem, page 38, premier au septième alinéa.

24 Idem, même page, sixième alinéa.

25 Idem, même page, quatrième alinéa.

26 Idem, même page, cinquième alinéa.

27 Idem, même page, sixième alinéa.

28 Cour de cassation de Belgique, 24 janvier 2007, Pas. belge, n° 45, page 167.

29 Idem.

27 « En ce qui concerne plus particulièrement la publicité des outrages, contestée aux audiences de la Cour, il y a lieu de rappeler que la communication à la personne concernée n’est pas nécessaire pour constituer l’outrage, étant donné qu’il suffit que l’auteur des outrages les ait faits dans des circonstances telles qu’ils devaient être rapportés à la personne outragée.

Par courriel du 29 mai 2019, PERSONNE1.) a informé les ministres de l’économie et de la justice ainsi que le procureur général d’Etat, qu’il avait envoyé un courriel le même jour à 15.18 heures au juge d'instruction PERSONNE2.), en charge du dossier, pour le mettre en garde contre un risque de préjudice considérable qu’engendrait un retard prolongé du maintien des scellés lui ayant été rapporté par sa mandante, la société Arcelor Mittal. Il a informé ses destinataires que son courriel de l’après-midi est resté sans réponse et qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de joindre le juge d'instruction au téléphone.

L’intervention de PERSONNE1.) visait à conduire à la levée des scellés, décision que seul le juge d'instruction pouvait ordonner.

Devant le juge d'instruction, PERSONNE1.) admet lui-même que « mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne » (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03).

Dans son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, il écrit lui-même « J'ai la faiblesse de croire que cette intervention tardive est en relation avec mes interventions de la journée du 29 juin (i.e mai) ».

Il savait donc que son courriel du 29 mai 2019 adressé aux ministres et au procureur général d’Etat, sera nécessairement transmis au juge d'instruction, personne visée par le courriel en question, pour, sinon dépêcher la levée des scellés, mais au moins pour que ces autorités exigent une « prise de position ».

Il appert des pièces soumises à la Cour que le procureur général d’Etat adressa effectivement le jour de l’Ascension le 30 mai 2019, suite au courrier de Maître PERSONNE1.), une demande au juge d'instruction en y attachant le courriel que celui-

ci avait adressé aux deux ministres, de la renseigner sur les réponses données à l’avocat.

La condition de la connaissance de l’outrage par la personne outragée est remplie. »30.

Dans la première branche du moyen, le demandeur en cassation discute du bien-fondé de ce raisonnement tandis qu’il critique, dans la seconde branche, le caractère suffisant des motifs de fait invoqués, donc un défaut de base légale.

Sur la première branche du moyen Dans la première branche du moyen, le demandeur en cassation critique que, en l’espèce, il n’était, contrairement à ce qui a été retenu par la Cour d’appel, pas établi en fait qu’il voulait et qu’il savait que le contenu de son courriel serait nécessairement rapporté à la victime.

30 Arrêt attaqué, page 38, premier au septième alinéa.

28 Sous le couvert de la violation de l’article 275 du Code pénal, le moyen se limite ainsi à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, de l’existence des éléments constitutifs de l’infraction31.

Il en suit qu’il ne saurait être accueilli.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que si l’envoi d’un courriel au Procureur général d’Etat aux fins de se plaindre de la carence alléguée d’un juge d’instruction n’implique pas nécessairement la transmission de ces critiques au juge d’instruction, il existait cependant en l’espèce, au regard des constatations souveraines des juges du fond, des circonstances qui permirent de conclure à cette transmission, à savoir :

- le « risque de préjudice considérable qu’engendrait un retard prolongé du maintien des scellés »32, soit le risque qu’une usine sidérurgique aurait dû faire l’objet d’« un arrêt complet […] avec comme conséquence une perte financière considérable consistant en l’absence de production de 4500 tonnes d’acier par jour, vendu au prix de 650 euros/tonne, soit une perte journalière de 2.925.000 euros, augmenté de la nécessité de mettre 200 ouvriers au chômage technique »33, - « l’extrême urgence »34, vu, d’une part, la perspective d’un arrêt complet de l’usine en cas de défaut de décision avant le lendemain et, d’autre part, « l’absence de réaction du juge d’instruction, qui ne répondait ni aux appels téléphoniques ni au courriel et à la veille du jour férié du jeudi de l’Ascension, avec le risque que certains intervenants puissent faire le « pont » »35, - « la possibilité que le juge d’instruction omette de lever, nonobstant son annonce, la levée des scellés »36, donc l’existence « d’un risque de dysfonctionnement ou d’un dysfonctionnement du service, résultant de l’omission de la levée des scellés, entraînant un préjudice considérable »37, - le caractère haut placé des trois destinataires du courriel, à savoir « les ministres de l’économie et de la justice ainsi que le procureur général d’Etat »38, - la volonté déclarée du demandeur en cassation d’amener ces destinataires à intervenir, puisqu’il « admet lui-même que « mon intention était celle d’informer le Ministre pour qu’il intervienne » (interrogatoire du 4 février 2020, cote A03) »39, - la croyance exprimée du demandeur en cassation d’avoir réussi à provoquer une telle intervention, puisque dans « son courriel du 3 juin 2019 au procureur général d’Etat, 31 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 19 décembre 2013, n° 67/2013 pénal, numéro 3264 du registre (réponse au cinquième moyen).

32 Arrêt attaqué, page 38, deuxième alinéa.

33 Idem, page 31, dernier alinéa.

34 Idem, page 32, sixième alinéa.

35 Idem, même page cinquième alinéa.

36 Idem, même page sixième alinéa.

37 Idem et loc.cit.

38 Idem, page 38, deuxième alinéa.

39 Idem, même page, quatrième alinéa.

29 il écrit lui-même « J'ai la faiblesse de croire que cette intervention tardive est en relation avec mes interventions de la journée du 29 juin (i.e mai) » »40 et - la finalité même de cette intervention qui « visait à conduire à la levée des scellés, décision que seul le juge d’instruction pouvait ordonner »41.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen Dans la seconde branche du moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir insuffisamment motivé en fait les raisons pour lesquelles il était établi qu’il voulait et qu’il savait que le contenu de son courriel serait rapporté à la victime.

Par les motifs reproduits ci-avant, dans le cadre de la discussion de la première branche du moyen, la Cour d’appel a, sans insuffisance, caractérisé que l’auteur a commis les outrages « avec la connaissance et la volonté que [celles-ci] […] soient rapportées [à la victime] et que [l’auteur] en a effectivement eu connaissance »42.

Conclusion Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 70 du Code pénal, en ce que la Cour d’appel a retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat tout en constatant que l’écrit par lequel cet outrage est caractérisé constitue une dénonciation légitime d’un dysfonctionnement ou risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire au titre de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire aux motifs que : « En l’espèce au vu de l’extrême urgence, ensemble la possibilité que le juge d'instruction omette de lever, nonobstant son annonce, la levée des scellés, il n’y a pas lieu de considérer le courriel du 29 mai 2019 comme un acte d’intimidation ou de menaces, mais comme la dénonciation au Gouvernement et au procureur général d’Etat d’un risque de dysfonctionnement ou d’un dysfonctionnement du service, résultant de l’omission de la levée des scellés, entraînant un préjudice considérable, conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judicaire »43, acquittant pour ce motif le demandeur en cassation du délit d’actes d’intimidation au sens de l’article 251 du Code pénal, alors que le fait ordonné par la loi ou commandé par l’autorité légitime ne constitue pas d’infraction quelle que soit la qualification de celle-ci, de sorte que la justification de l’envoi d’un écrit au titre de dénonciation légitime d’un dysfonctionnement ou d’un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire au sens de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire n’est pas seulement, comme retenu en l’espèce, de nature à empêcher 40 Idem, même page, cinquième alinéa.

41 Idem, même page, troisième alinéa.

42 Arrêt précité de la Cour de cassation de Belgique du 24 janvier 2007.

43 Arrêt attaqué, page 32, sixième alinéa.

30 de qualifier ce fait d’acte d’intimidation au sens de l’article 251 du Code pénal, mais également, comme il a été à tort omis d’être retenu en l’espèce, d’outrage à magistrat.

Dans son cinquième moyen, le demandeur en cassation fait valoir que, du fait que l’envoi du courriel critiqué est à comprendre, au regard des constatations de la Cour d’appel, comme la dénonciation d’un risque de dysfonctionnement du service public de la Justice au sens de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, il ne saurait constituer un outrage à magistrat.

Le moyen repose sur la prémisse que le demandeur en cassation a été acquitté du délit d’intimidation prévu par l’article 251 du Code pénal sur base d’un fait justificatif au titre de l’article 70 du Code pénal. Ce dernier dispose que « [i]l n’y a pas d’infraction, lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l’autorité légitime ». Le caractère non répréhensible de la dénonciation au regard de son principe et de son objet n’est toutefois ni la conséquence d’un ordre de la loi ou d’un commandement par l’autorité légitime. Il n’est pas non plus la conséquence de circonstances similaires assimilées par la jurisprudence à ces deux cas de figure, tels un état de nécessité44, une contrainte physique ou morale45, une légitime défense46, une erreur ou une ignorance47.

Si la Cour d’appel a, en l’espèce, dénié à la dénonciation la qualification d’acte d’intimidation au sens de l’article 251 du Code pénal, la raison en est que :

« L’exercice légitime d’une voie de recours légale, certes susceptible de faire impression sur l’agent qui va voir scruter sa décision par autrui, en principe hiérarchiquement supérieur, ne saurait être considéré comme une menace ou un acte d’intimidation au sens de l’article 251 du Code pénal. L’annonce d’un recours légal ou l’exercice d’un recours légal, exercé légitimement, prévu et garanti par la loi, n’a en lui-même rien d’effrayant ou d’inquiétant susceptible d’affecter la liberté de décision du magistrat. »48.

Le défaut de punissabilité de la dénonciation ne résulte donc pas d’une cause de justification au sens de l’article 70 du Code pénal, qui suppose que le fait soit punissable, mais que cette punissabilité soit mise en échec par cette cause. Il résulte, au contraire, de ce que, suivant les constatations souveraines de la Cour d’appel, le fait, parce qu’il ne réunit pas les éléments constitutifs du délit, n’est pas punissable.

Il en suit que le moyen manque en fait.

44 « L’état de nécessité est l’alternative raisonnée dans laquelle se trouve l’auteur soit de délibérément enfreindre la loi pénale soit de subir ou de causer à autrui un préjudice moins grave, voire aussi grave, que celui occasionné par la commission de l’infraction pénale » (KUTY, précité, Tome II, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, n° 1430, page 526).

45 « La volonté peut être libre sans être intelligente. Elle peut encore être intelligente sans être libre. Dans l’hypothèse de la contrainte, l’auteur jouit de ses facultés intellectuelles. Toutefois, celles-ci sont paralysées au point que son action ou son omission, en bref son comportement, se trouvent dictées soit par une force matérielle qui lui est étrangère, soit par la crainte d’un mal, qui, l’une comme l’autre, annihilent son libre arbitre. » (idem, n° 1350, page 468).

46 Idem, n° 1390, page 493, et article 416 du Code pénal.

47 Idem, n° 1504, page 570.

48 Arrêt attaqué, page 31, quatrième alinéa.

31 Dans un ordre subsidiaire il est observé que la Cour d’appel s’est exprimée sur la distinction à opérer entre la dénonciation, licite et parfaitement légitime, d’un risque de dysfonctionnement du service public de la Justice, d’une part, et l’outrage à magistrat commis à l’occasion de celle-

ci, d’autre part, comme suit :

« Il n’est pas non plus remis en cause que le fait de dénoncer légalement et légitiment un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat.

Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'instruction, partant dans le but de l’outrager.

Il est reproché au prévenu la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique. »49.

L’outrage n’est donc constitué ni par le fait de dénoncer un risque de dysfonctionnement, donc d’utiliser la voie de droit prévue à cette fin par l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, ni par l’objet de cette dénonciation, mais par « la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels [le demandeur en cassation] a formulé sa critique »50, donc par la forme de la dénonciation. Or, la circonstance qu’une dénonciation ne saurait constituer un acte d’intimidation au titre de l’article 251 du Code pénal pour relever au regard de son principe et de son objet des prévisions de l’article 73 de la loi précitée, ne préjuge pas du point de savoir si cette dénonciation, conforme quant à son principe et à son objet à l’article 73, n’est pas, au regard de sa forme, donc de « la manière, [du] style et [des] insinuations malsaines avec lesquels [y est] formulé [une] critique. »51, constitutive d’un outrage à magistrat. La circonstance qu’une dénonciation peut être légitimement introduite ne justifie pas que sa forme ne soit soumise à aucune restriction, donc puisse impunément blesser et outrager.

Le caractère non répréhensible de la dénonciation au regard de son principe et de son objet ne saurait dès lors s’étendre aux outrages exprimés à l’occasion de celle-ci.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Le sixième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat tout en déniant que cette condamnation constitue une violation de la disposition visée aux motifs que :

« Les principes de la légalité et de la légitimité de la dénonciation ne sont pas remis en cause sous cette prévention, ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitimité de l’ingérence de l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat. Il n’est pas non plus remis en cause que le fait de dénoncer légalement et légitiment 49 Idem, page 36, quatrième au sixième alinéa.

50 Idem, même page, sixième alinéa.

51 Idem, même page, sixième alinéa.

32 un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat. Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'instruction, partant dans le but de l’outrager. Il est reproché au prévenu la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique. La question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non. La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui. »52, alors que la condamnation pénale d’un avocat, pour s’être exprimé sur le comportement problématique d’un magistrat, constitue une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression qui n’est susceptible d’être justifiée que si elle sanctionne des « attaques gravement préjudiciables dénuées de fondement sérieux »53 et que ce critère n’est pas respecté lorsque, comme en l’espèce, la condamnation a, « dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime »54, pour objet de sanctionner l’emploi dans des courriels de réclamation « de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'instruction, partant dans le but de l’outrager »55, donc « la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique »56.

Dans son sixième moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir méconnu son droit à l’exercice de sa liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Cour d’appel a pris soin de bien distinguer :

- « le fait de dénoncer légalement et légitimement un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance »57, « le courriel du 29 mai 2019 [étant de ce point de vue à considérer] comme la dénonciation au Gouvernement et au procureur général d’Etat d’un risque de dysfonctionnement ou d’un dysfonctionnement du service, résultant de l’omission de la levée des scellés, entraînant un préjudice considérable, conformément à l’article 73 de la loi sur l’organisation judiciaire »58 et - « d’avoir, dans le cadre [de cette] dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d’instruction, partant dans le but de l’outrager »59, le reproche portant, non sur le fait même d’avoir procédé à cette dénonciation ni sur l’objet de celle-ci, donc d’avoir dénoncé le risque de dysfonctionnement invoqué, mais sur « la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels [le demandeur en cassation] a formulé sa critique [en soi légale et légitime] »60.

52 Arrêt attaqué, page 36, troisième au huitième alinéa.

53 Cour européenne des droits de l’homme, Grande chambre, 23 avril 2015, Morice c. France, n° 29369/10, § 131.

54 Arrêt attaqué, page 36, cinquième alinéa.

55 Idem et loc.cit.

56 Idem, même page, sixième alinéa.

57 Idem, page 36, quatrième alinéa.

58 Idem, page 32, sixième alinéa.

59 Idem, page 36, cinquième alinéa.

60 Idem, même page, sixième alinéa.

33 En effet, comme le rappelle à juste titre la Cour d’appel, « [l]a liberté d’expression de l’avocat […] ne lui permet […] pas, sous le couvert de [la] liberté [d’expression], d’injurier ou d’outrager »61. La Cour européenne des droits de l’homme juge à cet égard « que les avocats ne peuvent […] proférer des injures »62. « [T]out en reconnaissant à [la] profession [d’avocat] le bénéfice des garanties de l’article 10, la Cour a souligné à plusieurs reprises que le statut spécifique des avocats les place dans une situation centrale dans l’administration de la justice, comme intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux, ce qui explique les normes de conduite imposées en général aux membres du barreau. Eu égard au rôle clé des avocats dans ce domaine, on peut attendre d’eux qu’ils contribuent au bon fonctionnement de la justice et, ainsi, à la confiance du public en celle-ci »63. Il peut à ce titre être attendu que l’avocat « témoigne de la mesure et de la dignité requises des représentants de cette profession »64.

L’exercice de la liberté d’expression ne saurait justifier qu’un avocat puisse procéder au « dénigrement »65 d’un magistrat en livrant à des « remarques et insinuations médisantes [qui] n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice »66.

Il en est ainsi à plus forte raison lorsque de telles « attaques gravement préjudiciables [à l’égard de magistrats] [sont] dénuées de fondement sérieux »67. De ce point de vue la Cour d’appel constate en l’espèce que le demandeur en cassation a, dans le courriel incriminé, insinué que le juge d’instruction « ne prend, à dessein, par entêtement et rancune, pas une décision de surcroît dans des circonstances dans lesquelles il sait que tout retard injustifié serait de nature à provoquer un préjudice considérable au mandant de l’avocat »68, ce qui « constitue un procès d’intention »69. Or, ces insinuations ont été faites par le demandeur en cassation sans que ce dernier n’ait « pris en considération que le défaut de réponse du juge d’instruction dans la « demi-heure » pouvait avoir une cause liée à sa permanence de service qui le rendait indisponible en raison d’un interrogatoire ou à son souhait légitime de vérifier personnellement auprès de l’expert si les scellés pouvaient être levés »70. Il s’agit donc d’insinuations, qui étaient non seulement inutiles, mais qui étaient de surcroît « dénuées de fondement sérieux »71.

Il s’ajoute qu’une plus grande vigilance est imposée à l’avocat lorsqu’il s’exprime, comme en l’espèce, « en dehors du prétoire »72.

« [C]onsidérant le caractère injurieux […] des [insinuations] [du demandeur en cassation] et le fait qu’elles ont été diffusées [à deux Ministres et au Procureur général d’Etat], [il y a lieu d’estimer] que l’infliction d’une sanction pénale à l’intéressé[…] était légitime, d’autant que […] le montant [de 1.000.- euros] ne saurait être considéré comme excessif »73.

61 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

62 Cour européenne des droits de l’homme, arrêt précité Morice c. France, § 139.

63 Idem, 24 janvier 2008, Coutant c. France (déc.), n° 17155/03, page 10, avant-dernier alinéa.

64 Idem et loc.cit.

65 Arrêt attaqué, page 36, premier alinéa.

66 Idem, page 37, antépénultième alinéa.

67 Cour européenne des droits de l’homme, arrêt précité Morice c. France, § 128.

68 Arrêt attaqué, page 37, avant-dernier alinéa.

69 Idem et loc.cit.

70 Idem, même page, dernier alinéa.

71 Cour européenne des droits de l’homme, arrêt précité Morice c. France, § 128.

72 Idem, § 138.

73 Cour européenne des droits de l’homme, Coutant c. France (déc.), précité, page 11, deuxième alinéa.

34 Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Le septième moyen de cassation est tiré la violation des articles 195 du Code de procédure pénale, 89 de la Constitution et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat tout en déniant que cette condamnation constitue une violation de la disposition visée aux motifs que : « Les principes de la légalité et de la légitimité de la dénonciation ne sont pas remis en cause sous cette prévention, ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitimité de l’ingérence de l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat. Il n’est pas non plus remis en cause que le fait de dénoncer légalement et légitiment un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat. Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'instruction, partant dans le but de l’outrager. Il est reproché au prévenu la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique. La question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non. La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui. »74, alors que le demandeur en cassation avait soulevé un moyen de défense tiré de ce que toute condamnation constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, de sorte que, en répondant à ce moyen par les motifs cités, première branche, elle a répondu d’une façon à ce point insuffisante que l’arrêt est entaché d’un défaut de réponse à conclusions, partant, méconnaît les articles 195 du Code de procédure pénale et 89 de la Constitution et que, seconde branche, elle a statué sur ce moyen par des motifs à ce point lapidaires, donc insuffisants, que l’arrêt est entaché d’un défaut de base légale, partant, méconnaît l’article 10 de la Convention de sauvegarde.

Dans son septième moyen, le demandeur en cassation critique un défaut de réponse à conclusions. Il avait soutenu que toute condamnation porterait une atteinte disproportionnée à son droit à l’exercice de sa liberté d’expression. Il considère que la réponse donnée par la Cour d’appel à ce moyen serait si lapidaire et insuffisante qu’elle constituerait un défaut de réponse à conclusions sinon un défaut de base légale.

Sur la première branche du moyen Le défaut de réponse à conclusions, qui constitue une variante du défaut de motifs, est un vice de forme. Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré75.

74 Arrêt attaqué, page 36, troisième au huitième alinéa.

75 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 9 juin 2022, n° 82/2022, numéro CAS-2021-00091 du registre (réponse à l’unique moyen de cassation).

35 En retenant « Les principes de la légalité et de la légitimité de la dénonciation ne sont pas remis en cause sous cette prévention, ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitimité de l’ingérence de l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat.

Il n’est pas non plus remis en cause que le fait de dénoncer légalement et légitiment un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitue pas un outrage à magistrat.

Ce qui est reproché à Maître PERSONNE1.) est d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d'instruction, partant dans le but de l’outrager.

Il est reproché au prévenu la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels il a formulé sa critique.

La question ne se pose dès lors pas si, en cas de condamnation de Maître PERSONNE1.), l’article 10 de la Convention sera violé ni si l’ingérence étatique est disproportionnée ou non.

La liberté d’expression de l’avocat qui n’est pas en discussion ne lui permet toutefois pas, sous le couvert de cette liberté, d’injurier ou d’outrager. La liberté d’expression de l’avocat trouve sa limite dans les libertés et droits fondamentaux d’autrui. »76, les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la seconde branche du moyen La Cour d’appel précisa :

- qu’il n’est pas reproché au demandeur en cassation d’avoir dénoncé, conformément à l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, un risque de dysfonctionnement du service de public de la Justice, ayant consisté dans la « possibilité que le juge d’instruction omette de lever, nonobstant son annonce, la levée de[…] scellés »77 d’une usine sidérurgique, de nature à provoquer « un arrêt complet de l’usine »78, avec comme conséquence « une perte journalière de 2.925.000 euros, augmenté de la nécessité de mettre 200 ouvrier au chômage technique »79, « [l]es principes de la légalité et de la légitimité de la dénonciation n[‘étant] pas remis en cause sous [la] prévention [retenue d’outrage à magistrat], ni le principe de la liberté d’expression de l’avocat et son corollaire quant à la légitime de l’ingérence de 76 Arrêt attaqué, page 36, troisième au huitième alinéa.

77 Idem, page 32, sixième alinéa.

78 Idem, page 31, dernier alinéa.

79 Idem et loc.cit.

36 l’autorité publique dans le droit d’expression de l’avocat »80, « le fait de dénoncer légalement et légitimement un dysfonctionnement ou un risque de dysfonctionnement de l’administration judiciaire aux autorités de surveillance ne constitu[ant] pas un outrage à magistrat »81, - que le reproche d’outrage à magistrat concerne le fait différent « d’avoir, dans le cadre d’une dénonciation légale et légitime, employé dans les courriels adressés aux deux ministres et au procureur général d’Etat, de subtiles formulations pour dénigrer le juge d’instruction, partant dans le but de l’outrager »82, donc ne concerne pas la dénonciation en tant que telle, mais « la manière, le style et les insinuations malsaines avec lesquels [le demandeur en cassation] a formulé sa critique »83, consistant dans « des observations personnelles de nature à discréditer le professionnalisme du juge d’instruction et sa gestion de plusieurs dossiers »84, insinuant que le juge d’instruction « ne prend, à dessein, par entêtement et rancune, pas une décision de surcroît, dans des circonstances dans lesquelles il sait que tout retard injustifié serait de nature à provoquer un préjudice considérable au mandant de l’avocat »85, - que « [c]es remarques et insinuations médisantes n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice »86, - que ces « insinuations médisantes »87, qui étaient « blessant[es] et offensant[es] »88 et « constitu[aient] un procès d’intention »89, étaient « dénuées de fondement sérieux »90, parce que le demandeur en cassation « n’a[avait] […] pas pris en considération que le défaut de réponse du juge d’instruction dans la « demi-heure » pouvait avoir une cause liée à sa permanence de service qui le rendait indisponible en raison d’un interrogatoire ou à son souhait légitime de vérifier personnellement auprès de l’expert si les scellés pouvaient être levés »91 et - qu’elle a tenu compte de cette distinction à opérer entre la dénonciation légitime et la forme critiquable de celle-ci en retenant au sujet de la peine que celle-ci « vise ainsi que l’ont relevé les premiers juges non pas le fait que PERSONNE1.) en sa qualité d’avocat s’est exprimé publiquement sur le fonctionnement de la justice, droit qui est garanti par la Convention, mais en l’occurrence qu’il l’a fait en visant la personne du juge d'instruction PERSONNE2.), en insinuant son inertie, son manque de professionnalisme, sa présumée rancune personnelle, sa méthode de travail et son incapacité de mener à bien ses dossiers, notamment en se référant à des antécédents et sa rancune personnelle dépassant ainsi les limites de l’acceptable »92 et, vu que la 80 Idem, page 36, troisième alinéa.

81 Idem, même page, quatrième alinéa.

82 Idem, même page, cinquième alinéa.

83 Idem, même page, sixième alinéa.

84 Idem, page 37, cinquième alinéa.

85 Idem, même page avant-dernier alinéa.

86 Idem, même page, antépénultième alinéa.

87 Idem et loc.cit.

88 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

89 Idem et loc.cit.

90 Cour européenne des droits de l’homme, arrêt précité Morice c. France, § 128.

91 Arrêt attaqué, page 37, dernier alinéa.

92 Idem, page 42, sous « Quant à la peine », troisième alinéa.

37 sanction pénale ne visait pas le fait de la dénonciation en elle-même, de sorte qu’il y avait lieu de prononcer un acquittement pour le délit d’intimidation au titre de l’article 251 du Code pénal s’y rapportant, mais la forme critiquable de celle-ci, constitutive d’un outrage à magistrat commis à l’occasion d’une dénonciation en elle-même légitime, en décidant que « [a]u vu de l’acquittement à intervenir, [décidé que] il y a[avait] lieu de réduire, par réformation, l’amende [de 2.000] à 1.000 euros »93.

Par ces motifs, la Cour d’appel a, sans insuffisance, justifié sa décision de condamnation au regard de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il en suit que la seconde branche du moyen n’est pas fondée.

Conclusion Le moyen n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation Le huitième moyen de cassation est tiré la violation des articles 1, alinéa 1, et 33, paragraphe 1, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, en ce que la Cour d’appel a retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat en répondant au moyen de défense tiré de ce qu’une condamnation porte atteinte à l’indépendance de l’avocat garanti par les dispositions visées aux motifs que « [l]a poursuite pénale pour outrage en raison des insinuations, ne vise pas non plus à limiter l’indépendance de l’avocat »94, alors que l’indépendance de l’avocat implique sa liberté dans le choix des moyens pour défendre au mieux les intérêts de son mandant, de sorte que poursuivre et, à plus forte raison, condamner un avocat, pour avoir critiqué les défaillances professionnelles et rapporté le comportement problématique d’un magistrat auprès des autorités compétentes, dans l’unique but de défendre les intérêts de son mandant en présence d’un grave risque de dysfonctionnement de la Justice, porte gravement atteinte à l’indépendance de l’avocat.

Dans son huitième moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir méconnu, en le condamnant pour outrage à magistrat, son indépendance d’avocat, qui implique sa liberté dans le choix des moyens pour défendre les intérêts de son mandant, en l’occurrence par la dénonciation d’un risque de dysfonctionnement de la Justice.

La Cour d’appel a constaté le caractère légitime et légal de la dénonciation opérée par le demandeur en cassation, donc n’a pas remis en cause le choix de ce dernier de s’adresser, sur base de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, à différentes autorités pour opérer cette dénonciation. La condamnation pour outrage à magistrat sanctionne le fait différent d’outrager, à l’occasion de cette dénonciation, le juge d’instruction par des « remarques et insinuations médisantes [qui] n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice »95, 93 Idem, même page, sous « Quant à la peine », avant-dernier alinéa.

94 Idem, page 37, premier alinéa.

95 Idem, même page, antépénultième alinéa.

38 donc qui sont détachables de cette démarche et dépourvues de pertinence dans le cadre de celle-

ci.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation Le neuvième moyen de cassation est tiré la violation des articles 195 du Code de procédure pénale, 89 de la Constitution et, au regard de l’obligation de motivation, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’outrage à magistrat en répondant au moyen de défense tiré de ce qu’une condamnation porte atteinte à l’indépendance de l’avocat garanti par les dispositions visées que « [l]a poursuite pénale pour outrage en raison des insinuations, ne vise pas non plus à limiter l’indépendance de l’avocat »96, alors que ce motif est insuffisant au point de devoir être considéré comme constituant un défaut de motif.

Dans son neuvième moyen, le demandeur en cassation réitère la critique formulée dans le huitième moyen, sauf à le tirer d’un défaut de motifs.

Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant dans le cadre de la discussion du septième moyen, le défaut de réponse à conclusions, qui constitue une variante du défaut de motifs, est un vice de forme et une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Ayant constaté, d’une part, le caractère légitime et légal de la dénonciation opérée par le demandeur en cassation sur base de l’article 73 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire et, d’autre part, que la condamnation pour outrage à magistrat sanctionne le fait différent d’outrager, à l’occasion de cette dénonciation, le juge d’instruction par des « remarques et insinuations médisantes [qui] n’étaient nullement nécessaires dans le cadre de sa démarche de dénonciation du risque d’un dysfonctionnement du service de la Justice »97, qui sont donc détachables de cette démarche et dépourvues de pertinence dans le cadre de celle-ci, pour conclure que « [l]a poursuite pénale pour outrage en raison des insinuations, ne vise pas […] à limiter l’indépendance de l’avocat »98, la Cour d’appel a motivé son arrêt sur le point considéré.

Le bien-fondé et le caractère suffisant de cette motivation ne sont pas susceptibles d’être critiqués par le grief tiré d’un défaut de motifs.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

96 Idem, même page, premier alinéa.

97 Idem, même page, antépénultième alinéa.

98 Idem, même page, premier alinéa.

39 Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 40


Synthèse
Numéro d'arrêt : 68/23
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-08;68.23 ?

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