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06/06/2023 | LUXEMBOURG | N°48562C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 juin 2023, 48562C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48562C ECLI:LU:CADM:2023:48562 Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 6 juin 2023 Appel formé par Madame (K), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 janvier 2023 (n° 44669 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions du ministre de la Santé en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 48562C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48562C ECLI:LU:CADM:2023:48562 Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 6 juin 2023 Appel formé par Madame (K), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 janvier 2023 (n° 44669 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions du ministre de la Santé en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 48562C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (K), demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 12 janvier 2023 (n° 44669 du rôle) ayant déclaré non fondé son recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de deux décisions du ministre de la Santé des 14 avril et 19 juin 2020 refusant de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 mars 2023 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 avril 2023 par Maître Steve HELMINGER au nom de Madame (K) ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 mai 2023 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Adrien KARIGER, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 mai 2023.

1Le 22 septembre 2017, Madame (K) introduisit auprès du ministère de la Santé une demande tendant à l’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Par courrier du 12 décembre 2017, le ministre de la Santé, ci-après « le ministre », informa Madame (K) de la transmission de sa demande au Collège médical et au Conseil scientifique de psychothérapie, ci-après « le Conseil scientifique », pour examen et avis.

Le 17 janvier 2018, le Collège médical avisa « favorablement la demande d’autorisation de Mme (K) d’exercer comme psychothérapeute et le port du titre y relatif ».

Le 12 août 2019, le Conseil scientifique rendit un avis défavorable par rapport à la demande de Madame (K) au motif que l’intéressée ne remplirait pas les conditions posées par l’article 20 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute, ci-après « la loi du 14 juillet 2015 », en ce qu’elle ne pourrait pas se prévaloir d’une formation en psychothérapie qualifiante, ledit avis contenant encore les précisions suivantes :

« (…) Conformément au paragraphe 2 de l’article 20, Madame (K) ne fait pas d’état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie.

Les principales méthodes psychothérapeutiques sont les approches psychodynamiques, cognitivo comportementales, systémiques et humanistes. Dans le cadre de ces quatre orientations fondamentales, le Conseil reconnaît comme techniques l’hypnothérapie, la rétroaction biologique et la désensibilisation par mouvements oculaires. Ces techniques complémentaires, utilisées en dehors d’un contexte psychothérapeutique d’une des quatre méthodes reconnues, ne peuvent d’être considérées comme méthode psychothérapeutique. Des formations plus particulières peuvent venir se greffer comme spécialisation sur ces formations de base comme par exemple les approches thérapeutiques pour les dépendances, l’autisme, la gestion du stress, la traumathérapie, pour ne citer que celles-ci. En revanche il est important de noter qu’aucune de ces approches peut être considérée à elle seule comme une formation complète.

La formation au « Travail psychothérapeutique Parents-Bébé » et les séances de supervisions ne peuvent pas être considérées comme formation qualifiante en psychothérapie. (…) ».

Par décision du 14 avril 2020, le ministre refusa de faire droit à la demande de Madame (K), cette décision étant libellée comme suit :

« (…) En référence à votre demande, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Etant donné que vous avez introduit votre demande en date du 22 septembre 2017, il y a lieu de se référer à l’article 20 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute. L’article 20 de la loi précitée dispose :

2Par dérogation aux points b) et c) du paragraphe 1er de l’article 2, et dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre, sur avis du conseil, au requérant à condition qu’il :

1) soit détenteur d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation de médecin avec formation médicale de base dont question à l’article 1er , paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire; ou d’un autre titre, certificat ou diplôme reconnu équivalent par le ministre sur avis du Collège médical;

2) puisse soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical.

En effet, je me rallie à l’avis que vient d’émettre le Conseil scientifique de psychothérapie qui retient que vous ne disposez pas d’une formation en psychothérapie qualifiante. La formation Travail psychothérapeutique Parents-Bébé ne peut pas être considérée comme formation qualifiante en psychothérapie selon les dispositions du paragraphe 2) de l’article précité.

Au vu de ce qui précède, je vous prie de trouver en annexe l’avis négatif du Conseil scientifique de psychothérapie qui fait partie intégrante de la présente. (…) ».

Par courrier recommandé avec avis de réception de son mandataire du 19 mai 2020, réceptionné le 22 mai 2020, Madame (K) introduisit auprès du ministre un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 14 avril 2020, en soutenant que sa mandante remplirait parfaitement les conditions de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ce que, d’une part, elle serait détentrice d’un master en psychologie, mention psychologie clinique et psychopathologique, et, d’autre part, remplirait la condition alternative inscrite à l’article 20, point 2, de ladite loi de 2015, à savoir, celle de justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical.

Par décision du 19 juin 2020, le ministre confirma sa décision de refus du 14 avril 2020, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Par courrier daté au 19 mai 2020, vous m’avez fait part d’un recours gracieux adressé au nom de votre mandante Madame (K) à l’encontre de ma décision datée au 14 avril 2020 portant refus de sa demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Ayant pris bonne note des arguments que vous avez développé[s] dans votre missive, je me permets de vous fournir des explications supplémentaires concernant ma décision.

3À titre liminaire, je me dois de constater que même si le Collège médical avise favorablement le dossier de votre mandante, force est de constater qu’en combinaison avec l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie, il n’est pas possible de reconnaître une pratique sans avoir accompli une quelconque formation spécifique et continue en psychothérapie. De surcroît, il ne ressort pas clairement de l’avis du Collège médical qu’il reconnaît la pratique de psychothérapie d’au moins cinq années telle que prévue à l’article 20, paragraphe 2 de la loi précitée.

En effet, « l’attestation de supervision clinique de (K) », établie par […], mentionne que « D’autre part, depuis février 2016 à raison d’une fois par semaine, pour une supervision individuelle dans le cadre de sa pratique professionnelle en tant que psychologue travaillant en milieu hospitalier à la clinique (X) à Luxembourg ainsi qu’en tant que psychologue clinicienne en cabinet (X). ». Par ailleurs, il ressort également du dossier introduit par Madame (K) pour demander l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute qu’elle exerce depuis 2009 en tant que psychologue à la clinique (X) et depuis janvier 2010 en tant que psychologue libéral dans un cabinet privé. Par conséquent, votre mandante a exercé en tant que psychologue et ne pouvait donc pas faire preuve d’une pratique en psychothérapie.

À titre subsidiaire, je tiens à soulever que l’article 8 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapie dispose « Les personnes exerçant la profession de psychothérapeute et les étudiants en formation sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées à l’article 458 du code pénal. » Puis, l’article 7 du Code de déontologie de la profession de psychothérapeute, édicté par le Collège médical en date du 31 octobre 2018 indique : (…) Le psychothérapeute doit veiller à la protection contre toute indiscrétion des données personnelles qu’il détient concernant les patients.

Lorsqu’il se sert de ses observations à des fins de publication d’ordre scientifique, il doit faire en sorte que l’identification des personnes soit impossible, à moins qu’il n’ait été autorisé, préalablement et par écrit, par le patient à faire état de son identité. » Or, il ressort de la comptabilité du suivi psychothérapeutique de votre mandante dont « les noms ont évidemment été anonymisés » que telle n’est pas le cas. Sur le relevé de juin 2010 et plus précisément, à la date du 2 juin 2010 figure un nom non anonymisé ce qui revient à une grave violation du secret professionnel.

Pour les motifs invoqués, je me dois dès lors de vous informer que je ne suis pas en mesure de reconsidérer ma décision de refus du 14 avril 2020. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2020, Madame (K) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 14 avril 2020 portant refus de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et de la décision confirmative du 19 juin 2020.

Par jugement du 12 janvier 2023, le tribunal reçut en la forme le recours en réformation, au fond, le déclara non justifié, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, tout en condamnant la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

4 Pour ce faire, le tribunal releva que les conditions d’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et la procédure à suivre en vue de la délivrance de l’autorisation en question étaient prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, y compris les dispositions transitoires prévues par l’article 20 de ladite loi.

Il nota ensuite qu’il n’était pas contesté que la demanderesse, qui est titulaire d’un diplôme de « master sciences humaines et sociales, à finalité professionnelle, mention psychologue, spécialité psychologie clinique et psychopathologique », inscrit au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, entretemps abrogée, en vertu d’un arrêté du Secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche du 10 mars 2009, remplissait la condition de diplôme prévue à l’article 20, point 1), de la loi du 14 juillet 2015.

Quant à l’article 20, point 2), de la loi du 14 juillet 2015, le tribunal constata que cette disposition légale instaure des conditions alternatives prévoyant que le demandeur doit soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical et qu’il n’était pas contesté que la demanderesse ne remplissait pas la première de ces conditions alternatives, tenant à une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures.

Quant à la seconde de ces conditions, à savoir celle selon laquelle le demandeur doit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical, le tribunal constata qu’il ne se dégageait ni de l’article 2, paragraphe (5), de la loi du 14 juillet 2015, ni de l’article 4, paragraphe (1), du règlement grand-ducal modifié du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, ci-après « le règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 » que l’avis du Collège médical serait contraignant pour le ministre, l’article 6 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 précisant, d’ailleurs, que « le ministre accorde l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, l’avis du Collège médical ayant été demandé », de sorte que le ministre gardait son pouvoir d’appréciation.

Sur ce, les premiers juges estimèrent, au vu des pièces produites en cause, qu’il ne se dégageait pas du dossier que Madame (K) avait exercé l’activité de psychothérapeute pendant la durée légalement requise, les attestations produites par l’intéressée ne couvrant ensemble que la période du 20 février au 26 juin 2009 et celle de septembre 2013 à juin 2016, soit une durée totale approximative de [4 mois + 34 mois =] 38 mois, et arrivèrent à la conclusion que celle-ci ne justifiait dès lors pas d’une pratique professionnelle de psychothérapie d’au moins cinq années, telle qu’exigée par l’article 20, point 2), de la loi du 14 juillet 2015.

Par requête déposée le 20 février 2023 au greffe de la Cour administrative, Madame (K) a régulièrement relevé appel du jugement du 12 janvier 2023.

La Cour tient tout d’abord à rappeler que la question en litige est régie par la loi du 14 juillet 2015 qui a créé un cadre légal pour la profession de psychothérapeute dans un secteur de la santé qui s’est fortement développé au cours des dernières années. L’objectif de cette loi est la régulation de la psychothérapie, notamment par une réglementation des procédures en vue de l’obtention 5de l’autorisation d’exercer la psychothérapie sur base d’une formation structurée et réglementée (cf. documents parlementaires n° 6578, exposé des motifs, p.10).

Aux termes de l’article 2, paragraphe (1), de la loi du 14 juillet 2015, dans sa version applicable au cas d’espèce :

« (1) L’exercice de la profession de psychothérapeute est subordonné à une autorisation du ministre ayant la Santé dans ses attributions, ci-après « le ministre ». La demande pour l’obtention de l’autorisation doit être adressée au ministre qui la délivre aux conditions suivantes:

(…) b) le demandeur doit être en possession soit d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre des titres de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation médicale de base dont question à l’article 1er, paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-

dentiste et de médecin-vétérinaire;

c) le demandeur doit être titulaire soit d’un diplôme, certificat ou autre titre de formation luxembourgeois relatif à la profession de psychothérapeute, soit d’un diplôme, certificat ou autre titre étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, selon les dispositions de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ; (…) ».

Il est constant en cause que la demande de Madame (K) est basée sur la disposition transitoire inscrite à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 qui précise, quant à lui, selon quelles modalités, par dérogation à l’article 2 précité, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre sur avis du Conseil scientifique, article de la teneur suivante au jour de l’introduction de la demande de l’appelante en date du 22 septembre 2017 et de la prise des deux décisions ministérielles des 14 avril et 19 juin 2020 :

« Par dérogation aux points b) et c) du paragraphe 1er de l’article 2, et dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre, sur avis du conseil, au requérant à condition qu’il :

1) soit détenteur d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation de médecin avec formation médicale de base dont question à l’article 1er, paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire; ou d’un autre titre, certificat ou diplôme reconnu équivalent par le ministre sur avis du Collège médical ;

6 2) puisse soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical ».

L’appelante précise que son appel vise uniquement le jugement entrepris en ce que les premiers juges « ont refusé d’entériner, dans son chef, l’existence d’une pratique de la psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical ». Elle rappelle ensuite que le 17 janvier 2018, le Collège médical a avisé favorablement son dossier mais que le Conseil scientifique, le 12 août 2019, a émis, de son côté, un avis défavorable.

Madame (K) conteste ensuite la conclusion des premiers juges ayant considéré que la reconnaissance par le Collège médical de la pratique de psychothérapie pendant cinq années ne serait qu’un avis parmi d’autres ne liant pas le ministre. En effet, l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 disposerait expressément que la délivrance de l’autorisation et la reconnaissance du diplôme incombent au ministre sur avis du Conseil scientifique et du Collège médical, mais que l’autorité en charge de reconnaître la pratique de la psychothérapie serait le seul Collège médical. L’interprétation des premiers juges constituerait une application contra legem du prescrit légal en ce que la loi instaurerait expressément la compétence de reconnaître la pratique psychothérapeutique d’une personne dans le chef du Collège médical, organe le plus qualifié, et non du ministre, et qu’une fois la pratique reconnue par le Collège médical, le ministre ne devrait donc plus qu’entériner ce choix et délivrer l’autorisation sollicitée, à condition que le requérant dispose d’un diplôme reconnu, ou refuser l’entérinement sur base d’une argumentation suffisamment motivée justifiant de ne pas suivre la reconnaissance formulée par le Collège médical, argumentation qui ferait défaut en l’espèce.

A titre subsidiaire, l’appelante soutient que les pièces versées en cause prouveraient l’existence d’une pratique psychothérapeutique de plus de cinq années dans son chef et que le ministre aurait dû lui délivrer l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute. Elle renvoie sur ce point à des attestations du Dr. (D) certifiant avoir supervisé les suivis psychothérapeutiques effectués pendant les périodes du 20 février au 26 juin 2009 et du 2 décembre 2013 au 28 mai 2014, ainsi qu’à des attestations de supervision clinique établies par le Dr. (F) couvrant la période de septembre 2013 à juin 2016. Pour le surplus, il se dégagerait des attestations susmentionnées qu’elle aurait commencé à travailler dans le domaine de la psychothérapie en 2009 et qu’elle justifierait dès lors d’une pratique de plus de cinq ans avant même l’entrée en vigueur de la loi du 14 juillet 2015, ce qui se dégagerait encore de sa comptabilité démontrant un véritable suivi psychothérapeutique de ses patients dès son établissement en tant qu’indépendant en janvier 2010.

Madame (K) précise encore qu’elle se serait trouvée en congé de maternité et parental d’avril 2011 à mars 2012 et de mai 2014 à mai 2015, périodes qui ne pourraient pas être considérées comme une cessation de son activité de psychothérapeute. Finalement, il conviendrait encore de prendre en considération son activité au sein de la Clinique (X) où elle aurait été chargée de « la prise en charge des patients et des couples par des entretiens individuels de couple et également par des « thérapies de soutien » lorsque les hospitalisations sont plus longues », thérapies qui seraient à classer parmi les psychothérapies d’orientation psychanalytique et non pas à considérer comme de la psychologie classique.

7Finalement, à titre plus subsidiaire, l’appelante estime, à supposer que la reconnaissance du Collège médical du 17 janvier 2018 devrait être considérée comme un simple avis, que la décision ministérielle est à annuler pour « vice substantiel » en ce que l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 imposerait que le Collège médical reconnaisse ou non la pratique en psychothérapie et non pas qu’il avise uniquement la demande formulée.

La partie étatique demande la confirmation du jugement entrepris.

Le délégué du gouvernement relève plus particulièrement qu’il se dégagerait de l’article 6 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 que l’avis du Collège médical ne serait pas contraignant et que le ministre disposerait en la matière d’un pouvoir décisionnel discrétionnaire. Pour le surplus, il ressortirait du dossier que l’appelante exercerait depuis 2009 en tant que psychologue à la Clinique (X) et depuis 2010 en tant que psychologue libérale dans un cabinet privé et qu’elle n’aurait partant produit aucune preuve documentant qu’elle aurait effectué un travail psychothérapeutique de cinq années.

L’appelante, de son côté, réplique que le présent litige concernerait l’application de l’article 20, point 2), de la loi du 14 juillet 2015 et non pas la procédure de droit commun prévue à l’article 2, avec son paragraphe (4), servant de base habilitante pour le règlement grand-ducal du 31 juillet 2015. Partant, en invoquant l’article 6 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, la partie étatique appliquerait une mauvaise base légale en ce que les règles et principes de la procédure transitoire n’auraient pas été respectés, l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 prévoyant une compétence de reconnaissance dans le chef du Collège médical en relation avec la pratique psychothérapeutique de la personne sollicitant l’autorisation d’exercer.

C’est tout d’abord à bon escient que les premiers juges ont relevé que dans la mesure où la demande de l’appelante a été introduite le 22 septembre 2017, soit avant l’expiration, en date du 25 juillet 2018, du délai de trois ans prévu à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, le bien-fondé de ladite demande est à apprécier sous l’angle du régime transitoire prévu audit article 20.

Dans ce contexte, il convient de relever que Madame (K) est titulaire d’un master en « sciences humaines et sociales, à finalité professionnelle, mention psychologue, spécialité psychologie clinique et psychopathologique » reconnu, de sorte à remplir la première condition requise sous l’article 20, point 1), de la loi du 14 juillet 2015.

Les premiers juges ont encore retenu à juste titre que l’article 20, point 2), de la loi du 14 juillet 2015 instaure des conditions alternatives, dans la mesure où il y est prévu que le demandeur doit soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical, et qu’il n’est pas contesté que l’appelante ne remplit pas la première de ces conditions alternatives, tenant à une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures.

La Cour constate en premier lieu que le ministre, dans sa décision initiale du 14 avril 2020, a justifié son refus sur base du seul avis défavorable du Conseil scientifique, avis intervenu presque 23 mois après l’introduction de la demande de Madame (K), et ceci au seul motif que celle-ci ne 8pourrait pas faire valoir une formation qualifiante en psychothérapie, tout en ne se prononçant pas sur la deuxième condition alternative, à savoir la pratique de la psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical.

Il se dégage ensuite du contenu du recours gracieux du mandataire de Madame (K) du 19 mai 2020 que celui-ci a précisément fait valoir dans le chef de sa mandante une pratique de psychothérapeute d’au moins cinq années, précisant dans ce contexte que l’actuelle appelante « a commencé à travailler dans le domaine psychothérapeutique en 2009 ».

La Cour se doit de constater par ailleurs que dans sa décision confirmative du 19 juin 2020, le ministre estime qu’il n’est pas possible de reconnaître une pratique sans avoir accompli une quelconque formation spécifique et continue en psychothérapie, approche qui se heurte toutefois aux termes clairs de l’article 20, point 2), de la loi du 14 juillet 2015 qui énumère expressément, tel que retenu ci-avant, deux conditions alternatives et non pas cumulatives en prévoyant, à titre d’alternative à la condition de la formation, celle de la pratique sur le terrain pour des psychothérapeutes dotés d’une expérience pratique solide de la profession.

En outre, il y a lieu de relever que si, dans le cadre du régime transitoire mis en place par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, il appartient certes au Conseil scientifique d’émettre un avis, il appartient cependant exclusivement au Collège médical de se prononcer sur la deuxième condition alternative en reconnaissant ou non une pratique de la psychothérapie d’au moins cinq années dans le chef du candidat.

C’est dès lors à bon droit que l’appelante soutient que si la délivrance de l’autorisation et la reconnaissance du diplôme incombaient au ministre sur avis du Conseil scientifique et du Collège médical, la seule autorité en charge de reconnaître la pratique de la psychothérapie dans son chef était le Collège médical.

Dans ce contexte, c’est à mauvais escient que la partie étatique se prévaut des dispositions inscrites au règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, dont notamment l’article 6, étant donné que la base légale habilitante dudit règlement est l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, à savoir le régime normal mis en place par la nouvelle législation, et non pas l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 visant exclusivement le régime transitoire de trois années à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi du 14 juillet 2015.

La Cour constate encore qu’il ressort de la décision confirmative du 19 juin 2020 que l’autorité ministérielle a relevé qu’« il ne ressort pas clairement de l’avis du Collège médical qu’il reconnaît la pratique de psychothérapie d’au moins cinq années telle que prévue à l’article 20, paragraphe 2 de la loi précitée [du 14 juillet 2015] ».

Or, la décision du ministre, en retenant qu’il ne serait pas possible de reconnaître une pratique psychothérapeutique sans l’accomplissement d’une quelconque formation spécifique et continue en psychothérapie, tout en passant outre la reconnaissance du Collège médical certifiant que « la candidate satisfait aux critères exigés par la Loi et du Règlement » et avisant favorablement la demande d’autorisation de l’appelante d’exercer comme psychothérapeute et le port de titre y relatif, d’une part, viole les termes clairs et précis de l’article 20, point 2), de la loi du 914 juillet 2015 et, d’autre part, est constitutive d’une erreur d’appréciation, étant donné qu’il aurait pour le moins appartenu audit ministre de solliciter des clarifications complémentaires de la part du Collège médical dans le contexte de la pratique de psychothérapie pendant cinq années dans le chef de Madame (K), notamment eu égard aux doutes exprimés dans sa décision confirmative du 19 juin 2020.

En effet, comme il appartenait au Collège médical, organe a priori le mieux qualifié, de reconnaître, dans le cadre du régime transitoire, la pratique psychothérapeutique dans le chef d’un candidat et d’évaluer en conséquence ses capacités professionnelles et son expérience pratique, le ministre ne pouvait ignorer pareille reconnaissance sans fournir la moindre justification allant à l’encontre de l’avis du Collège médical et sans solliciter des éclaircissements complémentaires, de sorte qu’il aurait appartenu au ministre, à défaut d’invocation de tout autre motif se heurtant à la délivrance d’une autorisation, de constater, à l’instar du Collège médical, que la condition tenant à une pratique de psychothérapie pendant cinq années se trouve remplie et de délivrer l’autorisation sollicitée en passant outre le simple avis du Conseil scientifique ayant simplement retenu que l’intéressée « ne fait pas état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie », non pertinent dans le cadre de l’examen de la condition visant la pratique sur le terrain dont l’appelante se prévaut précisément.

Au vu de ce qui précède, il convient, par réformation des décisions ministérielles des 14 avril et 19 juin 2020, d’accorder à Madame (K) l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, l’examen des autres moyens invoqués par celle-ci devenant surabondant.

Madame (K) sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de ……- €.

Ladite demande est cependant à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 20 février 2013 en la forme ;

par réformation du jugement entrepris du 12 janvier 2023 ;

réforme les décisions du ministre de la Santé des 14 avril 2020 et 19 juin 2020 et accorde à Madame (K) l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute ;

renvoie le dossier devant le ministre de la Santé pour exécution ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Madame (K) ;

condamne l’Etat aux dépens des deux instances.

10 Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ……… s. ….

s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2023 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48562C
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-06;48562c ?

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