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02/06/2023 | LUXEMBOURG | N°61/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juin 2023, 61/23


N° 61 / 2023 du 01.06.2023 Numéro CAS-2022-00073 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), r

eprésentée par son « Insolvenzverwalter, Dr. PERSONNE1.) », nommé par jugement du 31 octobr...

N° 61 / 2023 du 01.06.2023 Numéro CAS-2022-00073 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1. la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par son « Insolvenzverwalter, Dr. PERSONNE1.) », nommé par jugement du 31 octobre 2019 de l’« Amtsgericht » de Düsseldorf, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), 2.

Dr.

PERSONNE1.), « Rechtsanwalt », pris en sa qualité de « Insolvenzverwalter » de la société anonyme SOCIETE1.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), nommé par jugement du 31 octobre 2019 de l’« Amtsgericht » de Düsseldorf, ayant son domicile professionnel à D-ADRESSE2.), demandeurs en cassation, comparant par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, et 1. la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), 2. la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), défenderesses en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pascal SASSEL, avocat à la Cour, 3. Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, pris en sa qualité de séquestre, désigné par ordonnance présidentielle du 26 novembre 2019, rétractée par une ordonnance 2020TALREFO/00217 du 5 juin 2020, rétraction confirmée par arrêt de la Cour d’appel numéro 114/20-VII-REF du 22 juillet 2020, demeurant professionnellement à L-ADRESSE4.), défendeur en cassation, 4. la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) établie et ayant son siège social à L-ADRESSE5.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO4.), 5. la société de droit anglais SOCIETE6.), établie et ayant son siège social à ADRESSE6.), inscrite au registre de commerce et des sociétés du Royaume-Uni (Companies House) sous le numéro NUMERO5.), représentée par le représentant légal et/ou statutaire, agissant au nom et pour le compte de son compartiment « Aviva Investors Higher Income Plus Fund », 6. la société SOCIETE7.) (L) SICAV, établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE7.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO6.), représentée par le conseil d'administration, agissant au nom et pour le compte de ses compartiments « SOCIETE7.) (L) European High Yield », « SOCIETE7.) (L) Global High Yield », et « SOCIETE7.) (L) US High Yield », 7. la société de droit allemand SOCIETE8.) GmbH, établie et ayant son siège social à D-ADRESSE8.), inscrite au registre de commerce et des sociétés allemand auprès de l’« Amtsgericht München » sous le numéro NUMERO7.), représentée par le représentant légal et/ou statutaire et agissant en sa qualité de gestionnaire du « Sondervermögen » de droit allemand « LI-SOCIETE8.) -Absolute Return », 8. la société anonyme de droit français SOCIETE9.), établie et ayant son siège social à F-ADRESSE9.), inscrite au registre de commerce de Paris sous le numéroNUMERO8.), représentée par le représentant légal et/ou statutaire, 2 défenderesses en cassation.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéroNUMERO9.)/22, rendu le 4 mai 2022 sous le numéro CAL-2021-00511 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 juillet 2022 par la société anonyme SOCIETE1.) et le Dr. PERSONNE1.) à la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), à la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), à Maître Alain RUKAVINA, à la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) (SOCIETE5.), à la société SOCIETE6.), à la société SOCIETE7.)) SICAV, à la société SOCIETE8.) GmbH et à la société anonyme SOCIETE9.), déposé le 15 juillet 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 12 septembre 2022 par la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.) au Dr. PERSONNE1.), à la société SOCIETE1.), à Maître Alain RUKAVINA, à la société SOCIETE4.) (SOCIETE5.), à la société SOCIETE6.), à la société SOCIETE7.)) SICAV, à la société SOCIETE8.) GmbH et à la société SOCIETE9.), déposé le 14 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la société SOCIETE1.) avait consenti à certains de ses créanciers dans le cadre d’une émission d’obligations un gage sur les parts sociales de la société SOCIETE2.) qu’elle détenait en intégralité. Suite à la réalisation du gage par les créanciers gagistes, la société SOCIETE3.) avait acquis ces parts sociales dans le cadre d’une vente de gré à gré.

Par ordonnance du 26 novembre 2019, un vice-président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi d’une requête sur base de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile par le Dr PERSONNE1.) et la société SOCIETE1.), avait nommé un séquestre chargé de recevoir, conserver et administrer la totalité des parts émises par la société SOCIETE2.), chargé celui-ci de prendre possession et de conserver le registre des parts sociales, d’exercer les droits de vote rattachés aux actions et de préserver les droits de la société SOCIETE1.). Il avait, en outre, ordonné la suspension de toute assemblée générale visant à décider de la dissolution de la société SOCIETE2.). Le Dr PERSONNE1.) et la société SOCIETE1.) avaient, par acte d’huissier de justice du 24 décembre 2019, assigné les sociétés SOCIETE2.) et SOCIETE3.) devant le tribunal d’arrondissement de 3Luxembourg, siégeant en matière commerciale, aux fins de voir prononcer l’annulation de la réalisation du gage.

Par ordonnance du 5 juin 2020, le magistrat siégeant en matière de référé en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi par les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE2.), avait rétracté l’ordonnance du 26 novembre 2019. La Cour d’appel avait, par réformation, déclaré recevables et fondées les interventions volontaires des sociétés SOCIETE4.) (SOCIETE5.), SOCIETE6.), NN (L) SICAV, SOCIETE8.) et SOCIETE9.) et confirmé l’ordonnance pour le surplus.

Par arrêt du 16 décembre 2021, la Cour de cassation avait cassé et annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel, autrement composée, qui a dit l’appel non fondé et confirmé l’ordonnance du 5 juin 2020.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile En ce que l’Arrêt d’Appel attaqué, statuant après l’arrêt n°157/2021 de la Cour de cassation du 16 décembre 2021, a confirmé l’Ordonnance de Rétractation, et partant, la rétractation des mesures de :

(i) séquestre ordonnée le 26 novembre 2019 sur l’intégralité des actions de SOCIETE2.), détenues par SOCIETE3.), ainsi que la mission de l’avocat-

séquestre à qui les actions avait été confiées ; et de (ii) la suspension de toute assemblée générale de SOCIETE2.) visant à décider de sa dissolution.

Aux motifs que référés doit consister à examiner les faits contemporains à la réalisation du gage pour toiser la question de savoir s’ils sont constitutifs d’une fraude ou d’un abus dans l’élément déclencheur de la résiliation du gage, seul ce constat ouvrant la possibilité de prononcer une mesure conservatoire visant à préserver les droits du constituant du gage.

Il en résulte que tous les faits postérieurs à la réalisation du gage sont dénués de pertinence pour caractériser le fait matériel de la fraude ou de l’abus allégué.

Par voie de conséquence, la Cour écarte des débats toutes discussions entre parties sur les événements qui entourent le transfert du centre des intérêts principaux de la société SOCIETE1.) vers le Royaume-Uni, puis vers l’Allemagne, sur les conditions dans lesquelles le gage a été réalisé et notamment les questions tenant aux conditions différentes dont auraient bénéficié différents acquéreurs potentiels et au caractère économiquement juste du prix réalisé, sur le projet de liquidation de la société 4SOCIETE2.) et sur la restructuration du groupe au mois de juin 2021 » (Arrêt d’Appel, pages 20 et 21) .

Alors que :

La Cour d’appel, en statuant ainsi, a refusé de tenir compte d’éléments postérieurs à la réalisation du gage pouvant venir confirmer ou étayer les éléments de preuve établissant l’existence d’un cas de fraude dans l’élément déclencheur dudit gage, constituant le motif légitime de la requête ayant donné lieu à l’ordonnance présidentielle du 26 novembre 2019.

Or, le juge de la rétractation, statuant en matière d’appel de référé, se doit d’apprécier la situation juridique qui lui est présenté au jour où il statue, en tenant compte des éléments postérieurs à la requête.

Ainsi, la Cour d’appel aurait donc dû également constater que les événements postérieurs survenus après la réalisation du gage permettaient de confirmer le caractère frauduleux entourant la réalisation du gage.

Que l’Arrêt d’Appel attaqué a ainsi violé l’article 66 du NCPC par refus d’application de la loi, sinon par une fausse application ou une fausse interprétation ; » et le deuxième, « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 6-1 du Code civil En ce que l’Arrêt d’Appel attaqué, statuant après l’arrêt n°157/2021 de la Cour de cassation du 16 décembre 2021, a dit l’appel non fondé, a ainsi confirmé l’Ordonnance de Rétractation, et partant, a confirmé la rétractation :

(i) des mesures de séquestre ordonnée le 26 novembre 2019 sur l’intégralité des actions de SOCIETE2.), détenues par SOCIETE3.), ainsi que la mission de l’avocat-séquestre à qui les actions avait été confiées ; et (ii) de la suspension de toute assemblée générale de SOCIETE2.) visant à décider de sa dissolution, Aux motifs que référés doit consister à examiner les faits contemporains à la réalisation du gage pour toiser la question de savoir s’ils sont constitutifs d’une fraude ou d’un abus dans l’élément déclencheur de la résiliation du gage, seul ce constat ouvrant la possibilité de prononcer une mesure conservatoire visant à préserver les droits du constituant du gage.

Il en résulte que tous les faits postérieurs à la réalisation du gage sont dénués de pertinence pour caractériser le fait matériel de la fraude ou de l’abus allégué.

Par voie de conséquence, la Cour écarte des débats toutes discussions entre parties 5sur les événements qui entourent le transfert du centre des intérêts principaux de la société SOCIETE1.) vers le Royaume-Uni, puis vers l’Allemagne, sur les conditions dans lesquelles le gage a été réalisé et notamment les questions tenant aux conditions différentes dont auraient bénéficié différents acquéreurs potentiels et au caractère économiquement juste du prix réalisé, sur le projet de liquidation de la société SOCIETE2.) et sur la restructuration du groupe au mois de juin 2021 » (Arrêt d’Appel, pages 20 et 21) .

Alors que :

La juridiction amenée à toiser la question de l’existence d’un abus (ou d’une fraude) dans l’élément déclencheur de la réalisation du gage se doit de prendre en considération tous les éléments pouvant établir cet abus (ou cette fraude), qu’ils soient certes contemporains à la réalisation du gage, mais qu’ils soient également postérieurs à la réalisation du gage dès que ces éléments postérieurs établiraient ou contribueraient à établir le fait matériel de l’abus (ou de la fraude) dans l’évènement déclencheur de la réalisation du gage.».

Réponse de la Cour En retenant, par les motifs reproduits aux moyens, qu’aucun fait postérieur à la réalisation du gage n’était de nature à caractériser le fait matériel de la fraude ou de l’abus dans le déclenchement de ladite réalisation, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions y visées.

Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.

Sur le quatrième moyen de cassation qui est préalable au troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 288 du Nouveau Code de procédure civile, et, par renvoi, des articles 284 et 285 du Nouveau Code de procédure civile En ce que l’Arrêt d’Appel attaqué, statuant après l’arrêt n°157/2021 de la Cour de cassation du 16 décembre 2021, a rejeté la demande en communication de pièces formulée lors de l’audience de plaidoiries :

Aux motifs que :

portant sur les démarches à entreprendre après le 31 décembre 2019 ("Post 31/12/19 Steps") et décrit la 12e démarche ("Step 12"). Ce document est issu de la société SOCIETE10.) et ne peut partant être attribué à aucun des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage. La demande n’est partant pas pertinente. La pièce n° 54 a été retirée par les parties PERSONNE2.), en vue manifestement de rendre la demande sans objet. Il n’en reste pas moins que 6les parties PERSONNE3.) entendent voir produire cette pièce en son intégralité afin d’en tirer avantage à leur profit, de sorte que la demande conserve son objet. La Cour constate cependant qu’il s’agit là encore d’une page unique d’un document plus vaste portant sur les démarches à entreprendre après le 31 décembre 2019 ("Post 31/12/19 Steps") et décrit la 7e démarche ("Step").

Ce document est issu de la SOCIETE10.) et ne peut partant être attribué à aucun des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage. La demande n’est partant pas pertinente ».

Alors que :

La Cour d’appel, en statuant ainsi, à savoir en ajoutant une condition au régime entourant la demande de communication de pièce entre parties à un litige, a violé, ou sinon en a fait une fausse interprétation, l’article 288 du NCPC et, par renvoi, les articles 284 et 285 du NCPC ; ».

Réponse de la Cour Vu l’article 288 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose « Les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 284 et 285. ».

Il résulte de l’arrêt attaqué que la communication des pièces en question avait été demandée par les demandeurs en cassation au motif que « la date d’établissement de ces documents serait importante afin de démontrer l’intention frauduleuse qui aurait existé à la base du déclenchement de la procédure de réalisation du gage ».

En rejetant la demande en communication des pièces au motif qu’elles émanaient de la société SOCIETE10.) qui n’était pas l’un des « protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage », alors qu’il ressort des constatations de l’arrêt que les défenderesses en cassation SOCIETE2.) et SOCIETE3.) détenaient lesdites pièces, les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur le troisième moyen de cassation Au vu de la réponse donnée au quatrième moyen, le troisième moyen devient sans objet.

Sur la saisine de la juridiction de renvoi La saisine porte sur l’intégralité du litige, sauf sur les deux moyens de cassation rejetés.

7Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des demandeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

Les défenderesses en cassation SOCIETE2.) et SOCIETE3.) étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué, numéroNUMERO10.) - VII - REF, rendu le 4 mai 2022 sous le numéro CAL-2021-00511 du rôle par la Cour d’appel du Grand-

Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire, et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé, dans les limites précisées dans la motivation du présent arrêt, et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;

rejette la demande des défenderesses en cassation SOCIETE2.) et SOCIETE3.) en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les défenderesses en cassation SOCIETE2.) et SOCIETE3.) à payer aux demandeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

les condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

Monsieur le Président Roger LINDEN, qui a participé au délibéré, étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.

8La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

9 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Dr PERSONNE1.) en sa qualité d’Insolvenzverwalter de la société SOCIETE1.) S.A. et la société anonyme SOCIETE1.) S.A.

contre la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) s.à r.l., la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) s.à r.l., et Maître Alain RUKAVINA en sa qualité de séquestre désigné par ordonnance du 26 novembre 2019 (rétractée par la suite) en présence de :

la société à responsabilité limitée SOCIETE4.) (SOCIETE5.) s.à r.l., la société de droit anglais SOCIETE6.) SOCIETE11.), la société d’investissement à capital variable NN (L) SICAV, la société de droit allemand SOCIETE8.) GmbH, et la société de droit français SOCIETE9.) S.A.

Le pourvoi en cassation, introduit par Dr PERSONNE1.) et la société anonyme SOCIETE1.) S.A. par un mémoire en cassation signifié le 14 juillet 2022 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 15 juillet 2022, est dirigé contre un arrêt n°87/22 rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé, statuant contradictoirement, en date du 4 mai 2022 (n° CAL-2021-00511 du rôle). Cet arrêt a été signifié au conseil des demandeurs en cassation en date du 18 mai 2022.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Les parties défenderesses ont signifié un mémoire en réponse le 12 septembre 2022 et elles l’ont déposé au greffe de la Cour le 14 septembre 2022.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

10 Sur les faits et antécédents :

Suite à la réalisation d’un gage portant sur les actions de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l., la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) s.à r.l. a acquis dans le cadre d’une vente de gré à gré 100 % des actions de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l., auparavant détenues par la société anonyme SOCIETE1.) S.A. et ayant fait l’objet du gage.

Par requête unilatérale déposée au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 22 novembre 2019, Dr PERSONNE1.), en sa qualité d’Insolvenzverwalter de la société anonyme SOCIETE1.) S.A., et la société anonyme SOCIETE1.) S.A. ont demandé sur base de l’article 66 du Nouveau code de procédure civile la nomination d’un séquestre pour y placer 100 % des actions émises par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l., ainsi que la suspension de la tenue de toute assemblée générale décidant de la dissolution avec ou sans liquidation de la société SOCIETE1.) s.à r.l. jusqu’à l’intervention d’une décision définitive dans la procédure en annulation de gage à introduire par les requérants dans le mois de l’ordonnance à intervenir.

Par ordonnance rendue en date du 26 novembre 2019, le magistrat siégeant en remplacement du président du tribunal d’arrondissement a fait droit à la requête et a nommé séquestre Maître Alain RUKAVINA avec la mission de recevoir, conserver et administrer 100 % des actions de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l., de prendre possession du registre des parts sociales et de le conserver, ainsi que d’exercer les droits de vote rattachés aux actions et de préserver les droits de la société anonyme SOCIETE1.) S.A. De même, la suspension de toute assemblée générale de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l. visant à décider de sa dissolution, a été ordonnée.

En date du 24 décembre 2019, Dr PERSONNE1.) et la société anonyme SOCIETE1.) S.A. ont fait signifier une assignation au fond devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière commerciale visant à voir déclarer nulle la réalisation du gage portant sur les actions de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l.

en raison d’une fraude, sinon d’un abus de droit dans l’élément déclencheur de la réalisation du gage. Ils ont demandé la restitution des actions gagées.

Par assignation en rétractation du 13 février 2020, la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) s.à r.l. et la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l. ont demandé la rétractation de la mesure de séquestre ordonnée par ordonnance du 26 novembre 2019.

En date du 5 juin 2020, une ordonnance rendue par un magistrat siégeant en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en la forme des référés, a ordonné la rétractation de l’ordonnance présidentielle du 26 11novembre 2019 et a déchargé Maître Alain RUKAVINA de la mission de séquestre lui confiée.1 Les parties demanderesses en cassation ont relevé appel de cette ordonnance par exploit d’huissier du 26 juin 2020, après avoir été autorisées à assigner en référé extraordinaire pour l’audience du 7 juillet 2020.

En date du 22 juillet 2020, la Cour d’appel a rendu un arrêt déclarant l’appel principal non fondé.2 Sur pourvoi en cassation de Dr PERSONNE1.) et de la société anonyme SOCIETE1.) S.A., votre Cour a rendu un arrêt n°157/2021 en date du 16 décembre 2021, qui a retenu que l’article 20, paragraphe 4, de la loi modifiée du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière ne s’oppose pas à ce qu’en cas d’allégation de fraude ou d’abus de droit dans l’élément déclencheur de la réalisation de la sûreté, le président du tribunal d’arrondissement, saisi par requête unilatérale ou siégeant en matière de référé, prononce une mesure conservatoire visant à préserver les droits du constituant du gage.

L’arrêt rendu en date du 22 juillet 2020 a été cassé et annulé et l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel autrement composée.

Par arrêt n°87/22 rendu en date du 4 mai 2022, la Cour d’appel, statuant à la suite de l’arrêt n°157/2021 de la Cour de cassation du 16 décembre 2021, a dit l’appel non fondé, partant en déboute et confirme l’ordonnance n° 2020TALREFO/00217 du 5 juin 2020.

L’arrêt déboute PERSONNE1.) et la société anonyme SOCIETE1.) de leur demande basée sur l’article 240 du Nouveau code de procédure civile et les condamne aux frais et dépens de l’instance.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 66 du Nouveau code de procédure civile.

Ledit article 66 dispose que, «lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief.» Le premier moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de prendre en considération les éléments postérieurs survenus après la réalisation du gage pour apprécier l’existence 1 Cette ordonnance a encore déclaré irrecevables plusieurs interventions volontaires et a statué sur les frais et les indemnités de procédure demandées.

2 L’appel incident des intervenants volontaires a été déclaré recevable et fondé, de sorte que leur intervention volontaire a été déclarée recevable. L’ordonnance entreprise a été confirmée pour le surplus.

12d’une fraude ou d’un abus dans l’élément déclencheur de la réalisation du gage. Le juge de la rétractation devrait apprécier la situation juridique qui se présente le jour où il statue, en tenant compte des éléments postérieurs à la requête. La fraude aurait dû pouvoir être étayée par des éléments de preuve invoqués ou produits ultérieurement devant la Cour d’appel.

Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris.

La Cour d’appel n’a pas refusé de tenir compte de certains éléments de preuve lui soumis au motif qu’ils seraient postérieurs à la requête, mais elle a retenu que « l’analyse de la Cour doit consister à examiner les faits contemporains à la réalisation du gage pour toiser s’ils sont constitutifs d’une fraude ou d’un abus dans l’élément déclencheur de la réalisation du gage » et a partant écarté des débats tous les faits postérieurs à la réalisation du gage qui « sont dénués de pertinence pour caractériser le fait matériel de la fraude ou de l’abus allégué. » Ce qui a déterminé le choix des juges d’appel à écarter des débats certains faits, c’est le critère de la contemporanéité à la réalisation du gage, indépendamment du moment où ce fait a été invoqué.

L’arrêt dont pourvoi n’a pas refusé de prendre en considération certains éléments au motif qu’ils n’auraient été invoqués ou produits que devant la Cour d’appel.

Le moyen manque en fait.

Subsidiairement :

Sous le couvert de la violation de la disposition visée au moyen, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation du caractère pertinent des éléments de preuve, par laquelle les juges du fond, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, ont estimé que seuls les faits contemporains à la réalisation du gage devaient être examinés pour toiser s’ils sont constitutifs d’une fraude ou d’un abus dans l’élément déclencheur de la réalisation du gage, et que les faits postérieurs à la réalisation du gage sont dénués de pertinence pour caractériser le fait matériel de la fraude ou de l’abus allégué.

Constituent des faits et relèvent de l’appréciation souveraine du juge du fond, l’évaluation de la force probante des éléments fournis.3 Le moyen ne saurait être accueilli.

3 D. Mougenot, Droit des obligations, La preuve, n° 16 13Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 6-1 du Code civil, qui dispose :

« Tout acte ou tout fait qui excède manifestement, par l'intention de son auteur, par son objet ou par les circonstances dans lesquelles il est intervenu, l'exercice normal d'un droit, n'est pas protégé par la loi, engage la responsabilité de son auteur et peut donner lieu à une action en cessation pour empêcher la persistance dans l'abus. » Le moyen reproche à l’arrêt entrepris de n’avoir pris en considération que les faits contemporains à la réalisation du gage en écartant les éléments postérieurs qui établiraient ou contribueraient à établir le fait matériel de l’abus ou de la fraude dans l’événement déclencheur de la réalisation du gage.

Sous le couvert de la violation de la disposition visée au moyen, le moyen ne tend qu’à remettre en cause les constatations et appréciations par lesquelles les juges du fond ont estimé, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, qu’il n’était établi, ni que le principe du cas de défaillance aurait été artificiellement créé par le Lock-up agreement du 6 juin 2019, ni que le cas de défaillance aurait été artificiellement créé par le refus des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) de remonter des liquidités à la société SOCIETE1.) respectivement à la société SOCIETE1.).

Le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’article 65 du Nouveau code de procédure civile.

Le moyen fait grief à la décision entreprise d’avoir violé le principe du contradictoire garanti par les dispositions visées au moyen en soulevant de son propre chef et sans le soumettre au débat contradictoire le moyen tiré de l’absence d’obligation des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) de faire remonter les liquidités à la société SOCIETE1.) respectivement à la société SOCIETE1.), ainsi que la moyen tiré de l’absence de toute action desdites sociétés envers les entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) afin qu’elles se conforment à leur engagement, alors que ces points n’auraient pas été contestés par les parties au litige et n’auraient pas été débattus lors des audiences de plaidoiries.

Le rejet de la demande basée sur cette allégation de fraude, est motivé comme suit :

14« L’allégation de fraude pour autant qu’elle tend à soutenir que la survenance du cas de défaillance aurait été artificiellement créé par le refus des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) de remonter des liquidités à la société SOCIETE1.) respectivement à la société SOCIETE1.) pour leur permettre d’honorer le paiement du coupon du 15 juin 2019 repose sur l’allégation d’un lien causal direct entre la mise en œuvre de la procédure de réalisation du gage et le refus des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) de remonter des liquidités. Dans ce cadre, il est donc reproché un comportement contraire aux normes non pas dans le chef des parties PERSONNE2.), mais dans le chef des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.).

Les parties PERSONNE3.) soutiennent encore dans ce cadre d’une part que les entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) auraient été contractuellement obligées en vertu des contrats de prêts inter-sociétés de faire remonter des liquidités à la société SOCIETE1.) respectivement à la société SOCIETE1.) et d’autre part qu’elles auraient disposé des liquidités nécessaires pour procéder à ces paiements et de troisième part qu’aucune règle de droit allemand applicable aux activités de ces deux entités n’aurait empêché les dirigeants des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) de faire procéder à ces flux financiers.

La demande en tant qu’elle prend appui sur une allégation d’abus ou de fraude dans ce cadre doit être rejetée.

D’une part, les parties PERSONNE3.) n’allèguent pas que l’acte abusif ou frauduleux émanerait des personnes qui en auraient tiré profit selon leurs dires, à savoir le groupe X), ni des personnes qui sont leurs adversaires dans le cadre de la présente instance, à savoir la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.), mais de tiers, à savoir les entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.), sans pour autant alléguer qu’il y aurait eu collusion frauduleuse entre les uns et les autres et sans attraire à la procédure les entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) pour leur permettre le cas échéant de prendre position contre l’allégation d’un comportement abusif ou frauduleux dans leur chef.

D’autre part, si les parties PERSONNE3.) allèguent qu’il aurait existé une obligation juridique à charge des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) pour faire remonter des fonds liquides vers la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE1.), elles restent en défaut de démontrer la base juridique de pareille obligation.

Finalement, à admettre qu’il y ait eu une obligation à charge des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) pour faire remonter des liquidités vers la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE1.), la Cour est amenée à constater d’un côté que les parties PERSONNE3.) restent en défaut de justifier des raisons pour lesquelles la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE1.) n’ont pas agi à l’encontre des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) afin de voir exécuter cette obligation dont elles prétendent qu’elle aurait été juridiquement contraignante et de l’autre côté que les parties s’opposent sur la question de savoir si certaines contraintes issues du droit allemand se seraient opposées à ce que les dirigeants des entités SOCIETE12.) et 15SOCIETE13.) procèdent à de tels paiements. Or, l’interprétation du droit allemand sur ce point dépasse manifestement les compétences du juge des référés. » Le moyen ne s’attaque qu’à deux motifs qui ont amené les juges du fond à rejeter la demande basée sur cette allégation, à savoir l’absence d’obligation dans le chef des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) et l’absence de toute action dirigée contre lesdites entités.

Ne sont pas attaqués les motifs suivants :

-« les parties PERSONNE3.) n’allèguent pas que l’acte abusif ou frauduleux émanerait des personnes qui en auraient tiré profit selon leurs dires, à savoir le groupe X), ni des personnes qui sont leurs adversaires dans le cadre de la présente instance, à savoir la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.), mais de tiers, à savoir les entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.), sans pour autant alléguer qu’il y aurait eu collusion frauduleuse entre les uns et les autres » -« si les parties PERSONNE3.) allèguent qu’il aurait existé une obligation juridique à charge des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) pour faire remonter des fonds liquides vers la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE1.), elles restent en défaut de démontrer la base juridique de pareille obligation » -« les parties s’opposent sur la question de savoir si certaines contraintes issues du droit allemand se seraient opposées à ce que les dirigeants des entités SOCIETE12.) et SOCIETE13.) procèdent à de tels paiements. Or, l’interprétation du droit allemand sur ce point dépasse manifestement les compétences du juge des référés ».

Ces motifs seuls sont suffisants pour justifier le rejet de la demande basée sur l’allégation en question.

Les motifs attaqués sont surabondants, de sorte que le moyen est inopérant.

Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 288 du Nouveau code de procédure civile, et, par renvoi, des articles 284 et 285 du Nouveau code de procédure civile.

L’article 288 du Nouveau code de procédure civile dispose que:

« Les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 284 et 285. » Aux termes de l’article 284 du même code, 16 « si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce. » L’article 285 du même code prévoit que :

« La demande est faite sans forme.

Le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte. » Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir refusé d’ordonner la communication demandée par les parties demanderesses en cassation en ajoutant une condition additionnelle, à savoir que les pièces dont la production est demandée devraient être attribuées à l’un des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation de l’acte litigieux.

Ce moyen procède d’une lecture erronée e l’arrêt entrepris.

La Cour d’appel a rejeté les demandes en communication forcée de pièces par les motifs suivants :

«Il convient finalement de toiser les demandes en communication forcée de pièces présentées en cours de plaidoiries par les parties PERSONNE3.).

Celles-ci demandent à ce qu’il soit enjoint aux parties PERSONNE2.) de communiquer aux débats leurs pièces n° 18, 25 et 54 en leur intégralité, en soutenant que la date d’établissement de ces documents serait importante afin de démontrer l’intention frauduleuse qui aurait existé à la base du déclenchement de la procédure de réalisation du gage.

La Cour note que la pièce n° 18, qui est un courrier adressé par la société SOCIETE14.) à la société SOCIETE15.) en date du 8 octobre 2019, est versée aux débats en son intégralité. La demande est partant sans objet. La pièce n° 25 constitue une page unique d’un document plus vaste portant sur les démarches à entreprendre après le 31 décembre 2019 (« Post 31/12/19 Steps ») et décrit la 12e démarche (« Step 12 »). Ce document est issu de la société SOCIETE10.) et ne peut partant être attribué à aucun des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage. La demande n’est partant pas pertinente. La pièce n° 54 a été retirée par les parties PERSONNE2.), en vue manifestement de rendre la demande sans objet. Il n’en reste pas moins que les parties PERSONNE3.) entendent voir produire cette pièce en son intégralité afin d’en tirer 17avantage à leur profit, de sorte que la demande conserve son objet. La Cour constate cependant qu’il s’agit là encore d’une page unique d’un document plus vaste portant sur les démarches à entreprendre après le 31 décembre 2019 (« Post 31/12/19 Steps ») et décrit la 7e démarche (« Step 7 »). Ce document est issu de la SOCIETE10.) et ne peut partant être attribué à aucun des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage. La demande n’est partant pas pertinente. » Il découle de cette motivation que les juges d’appel ont estimé qu’étant donné que les pièces n°25 et la pièce n° 54 sont issues de la SOCIETE10.), elles ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit d’établir une fraude ou un abus dans le chef de l’un des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage.

Sous le couvert de la violation des dispositions visées au moyen, le moyen ne tend qu’à remettre en cause les constatations et appréciations par lesquelles les juges du fond ont estimé, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, que les pièces dont la communication était demandée, n’étaient pas pertinentes pour établir l’existence d’une fraude ou d’un abus dans le chef de l’un des protagonistes impliqués directement et personnellement dans la réalisation du gage.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 61/23
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-02;61.23 ?

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