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02/06/2023 | LUXEMBOURG | N°59/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juin 2023, 59/23


N° 59 / 2023 pénal du 01.06.2023 Not. 3581/20/CD Numéro CAS-2022-00106 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, premier juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.), sous la forme d’une SICAV - FIS, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES, inscrite à la liste V du tableau d

e l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquel...

N° 59 / 2023 pénal du 01.06.2023 Not. 3581/20/CD Numéro CAS-2022-00106 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, premier juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.), sous la forme d’une SICAV - FIS, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 11 octobre 2022 sous le numéro 1020/22 Ch.c.C.

par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Christophe LASSEE, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme SOCIETE1.), sous la forme d’une SICAV - FIS (ci-après « la société SOCIETE1.) »), suivant déclaration du 14 octobre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 3 novembre 2022 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 8 novembre 2022 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 1er décembre 2022 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 2 décembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’était déclarée incompétente pour ordonner la réouverture de l’instruction aux fins d’exécution par le juge d’instruction de divers devoirs sollicités par la société SOCIETE1.) et avait prononcé un non-lieu à poursuivre la société SOCIETE2.) et PERSONNE1.) du chef de faits instruits suite à la plainte avec constitution de partie civile de la demanderesse en cassation. La chambre du Conseil de la Cour d’appel a confirmé cette décision sans ordonner la réouverture de l’instruction.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens, le premier, « Tiré de l’excès de pouvoir conféré à la Chambre du conseil de la Cour d’appel par les articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale :

(1) Si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent n crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre.

Article 134 (2) Elle peut, dans tous les cas, à la demande du procureur général d’Etat, d’une des parties ou même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile » 2 En ce que pour rejeter la demande de la partie civile à voir ordonner la réouverture de l’instruction et des devoirs supplémentaires, la Chambre du conseil de la Cour d’appel s’est prêtée à une analyse du fond du dossier pour déterminer l’utilité de l’institution d’une instruction complémentaire, et a décidé que :

Les éléments fournis en cause ne font en effet apparaître aucun argument déterminant justifiant l’institution d’une telle mesure, étant donné que les devoirs sollicités ne sont pas susceptibles d’apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifierait l’ouverture d’un complément d’enquête. » Alors que, La compétence réservée à la chambre du conseil de la Cour d’appel par les dispositions des articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale se limite à déterminer s’il existe des charges contrôlées et si sérieuses que, dès à présent, leur condamnation apparaisse comme vraisemblable, les charges devant être entendues comme l’ensemble des éléments recueillis au terme de l’instruction, et à ordonner si elle l’estime utile un complément d’instruction.

qu’en se prêtant à une analyse du fond du dossier pour déterminer l’utilité de l’institution d’une instruction complémentaire, la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg a excédé ses pouvoirs conférés par les articles 128 (1) et 134 (4) du Code de procédure pénale. » et le deuxième, « Tiré de l’excès de pouvoir conféré à la Chambre du conseil de la Cour d’appel par les articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale :

En ce que pour rejeter la demande de renvoi de PERSONNE1.), respectivement de la société SOCIETE2.) S.à r.l. devant une juridiction de jugement, la chambre du conseil de la Cour d’appel a procédé à une analyse du fond du dossier et a décidé que :

degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.

En effet, le dossier soumis à la chambre du conseil de la Cour d’appel, ne contient pas d’indices permettant de conclure qu’il y a eu une vente publique le 2 mars 2018, jour de la visite de l’appartement, la signature du compromis de vente ayant eu lieu le 5 mars 2018, suivi d’un acte notarié du 25 avril 2018, ni d’éléments objectifs permettant de croire que la société SOCIETE2.) S.à r.l. et PERSONNE1.) auraient commis les infractions qualifiées d’usurpation de fonction et d’infraction à l’article 2 de la loi modifié du 9 décembre 1862 portant révision de l’ordonnance royale grand-ducale du 30 juin 1857 sur le notariat », 3 Alors que, La compétence réservée à la chambre du conseil de la Cour d’appel par les dispositions des articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale se limite à déterminer s’il existe des charges contrôlées et si sérieuses que, dès à présent, leur condamnation apparaisse comme vraisemblable, les charges devant être entendues comme l’ensemble des éléments recueillis au terme de l’instruction, et à ordonner si elle l’estime utile un complément d’instruction.

qu’en se prêtant à une analyse du fond du dossier pour rejeter la demande de renvoi de PERSONNE1.), respectivement de la société SOCIETE2.) S.à r.l. devant une juridiction de jugement, la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-

Duché de Luxembourg a excédé ses pouvoirs conférés par les articles 128 (1) et 134 (4) du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation, par la chambre du conseil de la Cour d’appel, de l’existence de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes morale et physique visées par la plainte avec constitution de partie civile, ainsi que de l’utilité de procéder à un complément d’instruction et d’ordonner les actes d’information sollicités par la demanderesse en cassation, appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile, En ce que l’arrêt attaqué, pour déclarer l’appel , a retenu que :

C’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.

En effet, le dossier soumis à la chambre du conseil de la Cour d’appel, ne contient pas d’indices permettant de conclure qu’il y a eu une vente publique le 2 4 mars 2018, jour de la visite de l’appartement, la signature du compromis de vente ayant eu lieu le 5 mars 2018, suivi d’un acte notarié du 25 avril 2018, ni d’éléments objectifs permettant de croire que la société SOCIETE2.) S.à r.l. et PERSONNE1.) auraient commis les infractions qualifiées d’usurpation de fonction et d’infraction à l’article 2 de la loi modifié du 9 décembre 1862 portant révision de l’ordonnance royale grand-ducale du 30 juin 1857 sur le notariat », que cette appréciation ne repose sur aucun motif, ni aucune base légale justifiant la décision, de sorte qu’elle fait défaut. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation des articles visés au moyen, celui-ci vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite sur le point considéré.

Par le passage de l’arrêt reproduit au moyen, les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du principal général du droit consistant en l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits et documents clairs de la cause, En ce que les juges d’appel ont dénaturé les mentions claires et précises de l’appel du 6 mai 2022, initié par la société SOCIETE1.) et porté devant la chambre du conseil de la Cour d’appel, en relevant que Les éléments fournis en cause ne font en effet apparaître aucun argument déterminant justifiant l’institution d’une telle mesure, étant donné que les devoirs sollicités ne sont pas susceptibles d’apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifieraient l’ouverture d’un complément d’enquête. », Alors que les éléments détaillés dans sa motivation de l’appel du 6 mai 2022 attestent à suffisance des arguments déterminant justifiant le renvoi de l’affaire devant les juridictions répressives, sinon la réouverture de l’instruction afin d’interroger d’autres agents indépendants franchisés .

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation sinon de la dénaturation d’un écrit clair, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par la chambre du conseil de la Cour d’appel, des arguments présentés par la demanderesse en cassation à l’appui de sa demande tendant à voir procéder à un complément d’instruction,appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-après ), pour mauvaise interprétation, sinon mauvaise application.

En ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel a refusé d’appliquer, sinon a mal appliqué l’article précité 6§1 de la CEDH, en décidant que :

C’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale. » Alors que l’article 6§1 de la CEDH garantie au justiciable un droit d’accès concret et effectif devant les tribunaux. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par la chambre du conseil de la Cour d’appel, de l’existence de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes morale et physique visées par la plainte avec constitution de partie civile, ainsi que de l’utilité de procéder à un complément d’instruction et d’ordonner les actes d’information sollicités par la demanderesse en cassation, appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

6 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros, la condamne aux frais de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Maximilien LEHNEN, sur ses affirmations de droit, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, premier juin deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation SOCIETE1.) SA, SICAV-FIS contre PERSONNE1.) en présence du Ministère public (CAS-2022-00106) Par déclaration au greffe de la Cour supérieure de justice en date du 14 octobre 2022, la société SOCIETE1.) SA, SICAV-FIS, (ci-après la société SOCIETE1.)) a formé un recours en cassation contre un arrêt numéro 1020/22 (not. 3581/20/CD) rendu le 11 octobre 2022 par la chambre du conseil de la Cour d’appel de Luxembourg, statuant contradictoirement.

La déclaration de recours a été faite auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, dans les formes prévues à l’article 417 du Code de procédure pénale. Le pourvoi a été introduit dans le délai d’un mois prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Cette déclaration a été suivie du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation en date du 8 novembre 2022. Ce mémoire a préalablement été signifié au défendeur en cassation PERSONNE1.) le même jour.

Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité prévues aux articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le mémoire en réponse du défendeur en cassation PERSONNE1.), signifié le 1er décembre 2022 et déposé le 2 décembre 2022, peut être pris en considération pour être conforme à l’article 44 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, telle que modifiée.

Sur les faits Par ordonnance n°888/22 rendue en date du 4 mai 2022, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a ordonné un non-lieu à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile de la société SOCIETE1.).

Sur appel de cette dernière, la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance entreprise.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier et le deuxième moyen de cassation :

Le premier et le deuxième moyen sont tirés d’un excès de pouvoir au regard des articles 128, paragraphe 1, et 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, en ce que la chambre duconseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance de non-lieu rendue en cause en refusant d’ordonner une réouverture de l’instruction et d’ordonner des devoirs supplémentaires, aux motifs que « Les éléments fournis en cause ne font en effet apparaître aucun argument déterminant justifiant l’institution d’une telle mesure, étant donné que les devoirs sollicités ne sont pas susceptibles d‘apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifieraient l’ouverture d’un complément d’enquête »1 (premier moyen de cassation) et que «c’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale. En effet, le dossier soumis à la chambre du conseil de la Cour d’appel, ne contient pas d’indices permettant de conclure qu’il y a eu une vente publique le 2 mars 2018, jour de la visite de l’appartement, la signature du compromis de vente ayant eu lieu le 5 mars 2018, suivi d’un acte notarié du 25 avril 2018, ni d’éléments objectifs permettant de croire que la société SOCIETE2.) et PERSONNE1.) auraient commis les infractions qualifiées d’usurpation de fonction et d’infraction à l’article 2 de la loi modifiée du 9 décembre 1862 portant révision de l’ordonnance royale grand-ducale du 30 juin 1857 sur le notariat2» (deuxième moyen de cassation) alors que «la compétence réservée à la chambre du conseil de la Cour d’appel par les articles 128, paragraphe 1, et 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale se limite à déterminer s’il existe des « charges contrôlées et sérieuses que, dès à présent, leur condamnation apparaisse comme vraisemblable, les charges devant être entendues comme l’ensemble des éléments recueillis au terme de l’instruction et à ordonner si elle l’estime utile un complément d’instruction ;

qu’en se prêtant à une analyse du fond du dossier pour rejeter la demande de renvoi de PERSONNE1.), respectivement de la société SOCIETE2.) S.à r.l. devant une juridiction de jugement, la chambre du conseil de la Cour d’appel a excédé ses pouvoirs conférés par les articles 128 (1) et 134(4) du Code de procédure civile ».

En l’espèce, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu des juges de première instance, la chambre du conseil de la Cour d’appel décida ce qui suit :

«Il y a lieu de suivre les juges de première instance, dont les compétences sont limitativement énumérées par la loi, pour avoir rejeté la demande de la partie civile tendant à prononcer la réouverture de l’instruction, le juge d’instruction en charge du dossier ayant d’ailleurs 1 Arrêt attaqué, page 2, dernier alinéa 2 Arrêt attaqué, page 2, alinéas 5 et 6rejeté la demande d’exécuter les devoirs sollicités par l’appelante dans son courrier du 15 juillet 2021.

C’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.

En effet, le dossier soumis à la chambre du conseil de la Cour d’appel, ne contient pas d’indices permettant de conclure qu’il y a eu une vente publique le 2 mars 2018, jour de la visite de l’appartement, la signature du compromis de vente ayant eu lieu le 5 mars 2018, suivi d’un acte notarié du 25 avril 2018, ni d’éléments objectifs permettant de croire que la société SOCIETE2.) S.àr.l.. et PERSONNE1.) auraient commis les infractions qualifiées d’usurpation de fonction et d’infraction à l’article 2 de la loi modifiée du 9 décembre 1862 portant révision de l’ordonnance royale grand-ducale du 30 juin 1857 sur le notariat.

Il n’y a partant pas lieu de faire droit à la demande de renvoi de PERSONNE1.) devant une juridiction de jugement. Il en va de même pour le responsable de la société SOCIETE2.) S.àr.l., faute d’inculpation de cette dernière par le juge d’instruction.

Si la chambre du conseil de la Cour peut, en vertu des pouvoirs propres lui conférés par les articles 134 et 134-1 du Code de procédure pénale, ordonner tout acte d’information complémentaire ou procéder elle-même à une information complémentaire, et qu’elle peut partant ordonner toute inculpation qu’elle juge utile et même ordonner des enquêtes complémentaires, il n’y a cependant, en l’espèce, pas lieu de procéder à un complément d’information tel que sollicité par la partie appelante.

Les éléments fournis en cause ne font en effet apparaître aucun argument déterminant justifiant l’institution d’une telle mesure, étant donné que les devoirs sollicités ne sont pas susceptibles d‘apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifieraient l’ouverture d’un complément d’enquête.

Il s’ensuit que l’ordonnance déférée est à confirmer sans qu’il n’y ait lieu d’ordonner des mesures d’instruction supplémentaires.» Les juges d’appel ont donc confirmé l’ordonnance de non-lieu et refusé un complément d’information au motif que l’instruction n’a pas permis de révéler l’existence d’indices concrets d’infractions et que le complément d’information demandé n’est pas de nature à établir de tels indices.

Dans ses deux premiers moyens, le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir procédé à une analyse du fond du dossier qui est réservée à la juridiction de fond, la juridiction d’instruction n’ayant que pour mission d’apprécier l’existence de charges suffisantes de culpabilité.

Exactement les mêmes griefs ont été formulés contre un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel dans un pourvoi sur lequel vous avez statué par un arrêt rendu en date du 25février 20213. La soussignée se permet de citer et reprendre à son compte les conclusions de Monsieur le Procureur général adjoint John PETRY dans cette affaire:

« Cette critique procède d’une mauvaise lecture de l’arrêt attaqué.

L’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale dispose que « Si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes de culpabilité contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre ».

Il distingue trois cas de motifs de non-lieu, cette énumération n’étant cependant pas limitative4. Le demandeur en cassation fonde sa critique sur un principe retenu dans le cadre du troisième cas de figure, de l’appréciation du point de savoir s’il existe à l’encontre des inculpés des charges suffisantes de culpabilité. Dans le cadre de cette appréciation il n’appartient pas aux juridictions d’instruction de trancher des questions de fond qui relèvent exclusivement de la compétence des juridictions de fond5, notamment celle de savoir si des charges de culpabilité suffisantes pour justifier le renvoi devant ces juridictions sont également suffisantes pour constater de façon définitive la culpabilité de l’inculpé.

L’appréciation des juridictions d’instruction s’effectue prima facie tandis qu’il appartient aux juridictions de fond de décider si les charges suffisantes de culpabilité ayant justifié le renvoi constituent des preuves irréfutables de culpabilité. » Or, l’arrêt entrepris ne s’est pas prononcé sur l’existence de charges suffisantes de culpabilité d’un inculpé. Il a prononcé un non-lieu sur la base du premier motif, tiré de l’absence d’indices permettant de croire que le défendeur en cassation aurait commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale. Pour décider si elle « estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention », la chambre du conseil est tenue d’analyser si le dossier comporte des indices suffisants de ce que les faits dénoncés constituent une infraction pénale. C’est cette analyse, que la loi lui commande, que le demandeur en cassation lui reproche d’avoir effectuée.

Les deux moyens, qui reprochent à la Cour d’appel d’avoir mal appliqué ses pouvoirs d’appréciation des charges suffisantes de culpabilité découlant du troisième cas de figure prévu par l’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, alors qu’elle ne s’est pas prononcée sur de telles charges, mais, conformément au premier cas de figure de cet article, sur l’existence d’indices d’infractions, manquent en fait.

Subsidiairement :

Sous le couvert des griefs invoqués, les deux moyens ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par la chambre du conseil de la Cour d’appel du point de savoir s’il existe des 3 Cass. n°34/2021 pénal du 25 février 2021, not. 29490/17/CD, n° CAS-2020-00064 du registre (premier et deuxième moyen) 4 FRANCHIMONT, précité, page 604, dernier alinéa. Le non-lieu peut se justifier par tout obstacle légal à la poursuite, telles des fins de non-recevoir de l’action publique, comme le décès, la prescription, la chose jugée, l’incompétence territoriale, etc.).

5idem, page 610, troisième alinéa.indices suffisants que les faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile constituent une infraction pénale. Cette appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, de sorte que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, du Nouveau code de procédure civile.

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué une absence de motivation et de précision de la base légale sur laquelle la chambre du conseil fonde sa décision de déclarer l’appel non fondé.

Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, n’invoquer qu’un seul cas d’ouverture.

Or, en alléguant un défaut de base légale, qui constitue un vice du fond, et un défaut de motivation, qui constitue un vice de forme, le moyen invoque deux cas d’ouverture distincts.

Le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

En ce qui concerne le défaut de base légale, les dispositions légales visées sont étrangères au grief invoqué.

Le moyen est irrecevable en ce qu’il concerne ce grief.

Plus subsidiairement :

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré l’appel non fondé en retenant :

«C’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.

En effet, le dossier soumis à la chambre du conseil de la Cour d’appel, ne contient pas d’indices permettant de conclure qu’il y a eu une vente publique le 2 mars 2018, jour de la visite de l’appartement, la signature du compromis de vente ayant eu lieu le 5 mars 2018, suivi d’un acte notarié du 25 avril 2018, ni d’éléments objectifs permettant de croire que la société SOCIETE2.) et PERSONNE1.) auraient commis les infractions qualifiées d’usurpation de fonction et d’infraction à l’article 2 de la loi modifiée du 9 décembre 1862 portant révision de l’ordonnance royale grand-ducale du 30 juin 1857 sur le notariat6 ».

6 Arrêt attaqué, page 2, alinéas 5 et 6 Cette appréciation ne reposerait «sur aucun motif, ni aucune base légale justifiant la décision, de sorte qu’elle fait défaut ».

A supposer que le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme :

La partie demanderesse en cassation ne précise pas sur quel point l’arrêt attaqué ne serait pas motivé, et doit dès lors être déclaré irrecevable pour défaut de précision.

Encore plus subsidiairement, une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Il découle de la motivation citée dans l’exposé du moyen, que la décision entreprise est motivée, de sorte que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe général du droit consistant dans l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits et documents clairs de la cause.

La violation d’un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale.

Le demandeur en cassation n’invoque pas de texte de loi qui exprimerait le principe énoncé au moyen ni une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe.7 Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

Le moyen reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir confirmé l’ordonnance entreprise en relevant :

« Les éléments fournis en cause ne font en effet apparaître aucun argument déterminant justifiant l’institution d’une telle mesure, étant donné que les devoirs sollicités ne sont pas susceptibles d‘apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifieraient l’ouverture d’un complément d’enquête. » Sous le couvert de la violation de la règle de l’écrit clair, sinon de la dénaturation, les moyens ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par la chambre du conseil de la Cour d’appel que les mesures d’instruction sollicitées n’étaient pas susceptibles d’apporter des éléments de preuve pertinents, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Le moyen ne saurait être accueilli.

7 p.ex. Cass. n° 05 / 2021 pénal du 14.01.202, not. 2178/17/CD, n°CAS-2020-00009 du registre; Cass. n° 22 / 2020 du 06.02.2020, n°CAS-2019-00041 du registre ; Cass. n° 14 / 2022 du 03.02.2022, n°CAS-2021-00008 du registre Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme pour mauvaise interprétation, sinon mauvaise application.

Le moyen reproche à la chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir confirmé l’ordonnance de non-lieu en refusant d’ordonner une réouverture de l’instruction et d’ordonner des devoirs supplémentaires, aux motifs que «c’est également à juste titre que la juridiction d’instruction du premier degré, après analyse du dossier répressif, a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 janvier 2020 et permettant de croire qu’elles ont commis les faits qui lui sont reprochés dans des circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.

La partie demanderesse en cassation fait valoir que le refus par les juges d’appel de faire usage de la faculté prévue à l’article 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, d’ordonner des mesures d’instruction complémentaires l’aurait privé de son droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sous le couvert de la violation de cet article le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la chambre du conseil de la Cour d’appel du caractère utile au regard des circonstances de l’espèce des devoirs sollicités, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Subsidiairement :

Par les motifs énoncés dans le cadre du premier et du deuxième moyen, les juges d’appel ont, sans insuffisance de motivation, précisé les raisons de fait qui les ont amenés à conclure que les devoirs additionnels sollicités n’étaient pas utiles pour rassembler des indices que les faits dénoncés constituent des infractions pénales. Ces motifs permettent à votre Cour de contrôler si les juges du fond ont appliqué sans insuffisance leur pouvoir souverain d’appréciation.

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 59/23
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-06-02;59.23 ?

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