N° 54 / 2023 du 11.05.2023 Numéro CAS-2022-00099 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, onze mai deux mille vingt-trois.
Composition:
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Alex PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) la société anonyme SOCIETE1.), en liquidation judiciaire, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), déclarée en état de liquidation judiciaire en date du 12 décembre 2008, représentée par Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE2.), 2) Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE2.), prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société anonyme SOCIETE1.), en liquidation judiciaire, établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), déclarée en état de liquidation judiciaire en date du 12 décembre 2008, défenderesses en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour.
____________________________________________________________
Vu l’arrêt attaqué, numéro 124/22 - IV - COM, rendu le 28 juin 2022 sous le numéro CAL-2018-00710 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 3 octobre 2022 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), en liquidation judiciaire, et à Maître Yvette HAMILIUS, en sa qualité de liquidateur, déposé le 4 octobre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 30 novembre 2022 par la société SOCIETE1.) et Maître Yvette HAMILIUS à PERSONNE1.), déposé le 2 décembre 2022 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné PERSONNE1.) à payer à la société anonyme SOCIETE1.) une certaine somme au titre du remboursement d’un contrat de prêt. La Cour d’appel, statuant en continuation des arrêts des 24 avril 2019, 25 mars 2020 et 30 novembre 2021, a confirmé le jugement.
Sur la recevabilité du pourvoi Les défenderesses en cassation soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi au motif que par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 27 avril 2022, publié au recueil électronique des sociétés et associations le 6 mai 2022, Maître Laurent FISCH a été nommé co-liquidateur aux côtés de Maître Yvette HAMILIUS pour procéder à la liquidation de la société SOCIETE1.). Le pourvoi aurait, par conséquent, dû être dirigé contre les deux co-liquidateurs et non pas contre l’un d’eux seulement.
Aux termes de l’article 141 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, les sociétés commerciales dissoutes sont réputées subsister tant que leur liquidation n’est pas terminée. Une désignation incomplète ou inexacte de l’identité des liquidateurs ne porte, dès lors, pas à conséquence, puisque le pourvoi n’est pas dirigé contre les liquidateurs en nom personnel.
Le pourvoi est, par conséquent, recevable en ce qu’il est dirigé contre la société en liquidation ; le défaut de mention du second liquidateur ne saurait être sanctionné par l’irrecevabilité du pourvoi.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie :
° l’article 17.1.c du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 et qui dispose comme suit : . » en ce que la 4ième Chambre de la Cour d’appel a :
motivé sa décision du 28 juin 2022 en ce sens que comme ledit Règlement communautaire (c-à-d le n°1215/2012 du 12 décembre 2012) ne contient aucune définition de la notion d’activité dirigée vers l’Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, cette notion doit, suivant une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, en effet être interprétée de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs de ce règlement, en vue d’assurer à celui-ci sa pleine efficacité, la même Cour de Justice de l’Union européenne ayant, dans ce contexte, précisé que le commerçant doit avoir manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec les consommateurs d’un ou de plusieurs autres Etats membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, en ce que le Juge doit rechercher si, avant la conclusion du contrat avec le consommateur, il existait des indices démontrant que le commerçant envisageait de conclure avec des consommateurs domiciliés dans d’autres Etats membres, dont celui sur le territoire duquel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu’il était disposé à conclure un contrat avec ce consommateur, les indices permettant de déterminer si une activité était dirigée vers l’Etat membre en question englobant ainsi toutes les expressions manifestes de la volonté de démarcher les consommateurs de cet Etat membre, alors que la preuve d’une activité dirigée de la société SOCIETE1.) S.A. vers la France ne serait toutefois in specie pas établie, dans la mesure où la dame PERSONNE1.) épouse PERSONNE2.) se prévaudrait en l’espèce exclusivement de l’existence d’une filiale ou d’une succursale de la même société SOCIETE1.) S.A. à ADRESSE3.) , sans cependant préciser en quoi cette entité serait concrètement intervenue dans la conclusion du contrat dit d’ et qui aurait par ailleurs été signé à Luxembourg, d’une part et que la dame PERSONNE1.) épouse PERSONNE2.) n’établirait, d’autre part, pas que cette même entité ait déjà été opérationnelle antérieurement et concomitamment à la conclusion du contrat en date du 7 mars 2007, de sorte que le moyen tiré de l’incompétence territoriale des juridictions luxembourgeoises serait dès lors à rejeter et que par application de l’article 21.2 du même contrat de prêt conclu entre parties, les juridictions luxembourgeoises seules auraient partant compétence pour connaitre du litige, alors qu’en ayant statué ainsi, les Juges du fond se sont adonnés à une lecture incomplète des écritures du soussigné du 14 février 2022, desquelles se dégage en effet que c’était précisément par l’intermédiaire de l’agence (le soussigné ayant textuellement parlé de ) de SOCIETE1.) à ADRESSE3.) que plusieurs autres emprunteurs azuréens c-à-d établis en France avaient pareillement été lésés, l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel auprès du TGI de Paris du 24 septembre 2015, d’ailleurs dûment versée et exposée par le même soussigné devant la Cour d’appel, témoignant en outre du fait que la tout de même bonne centaine de parties civiles victimes des manœuvres d’escroquerie et de tromperie de SOCIETE1.) sont toutes et sans exception établies en France, principalement et à l’instar de l’actuelle partie demanderesse en cassation, dans les départements des Alpes-Maritimes (06) et du Var (83), le même réquisitoire précisant en outre aussi qu’en 2005 la partie adverse sub.) 1. disposait déjà d’un bureau de représentation en France et s’apprêtait à la même époque c-à-d toujours en 2005, d’ouvrir précisément un tel bureau à ADRESSE3.) (cf. ledit réquisitoire, page 19, sub. 4.) ) et par l’intermédiaire duquel les victimes de la même région avaient effectivement, de façon exclusive et par la suite, conclu avec la partie adverse, réalité des choses qui se dégage d’ailleurs expressis verbis des conclusions de SOCIETE1.) S.A. elle-même (!), telles que versées devant le Tribunal judiciaire de Grasse en date du 27 janvier 2022, (cf. page 4, sub. ,1.a.) et aux termes desquelles la même société SOCIETE1.) S.A. avait , sans parler des nombreux arrêts cités par Maître HAMILIUS et dans le cadre desquels les parties assignées au Luxembourg étaient toutes et sans exception domiciliées en France, d’une part et que c’est, d’autre part et sous le même rapport, inexact de dire que la convention litigieuse du 7 mars 2007 aurait été signée par la demanderesse en cassation à Luxembourg, dans la mesure où il s’en dégage en effet uniquement qu’elle était établie à Luxembourg, la signature y afférente des époux GROUPE1.) ayant en effet été apposée à l’époque à ADRESSE4.) c-à-d pareillement en France, comme en témoigne la pièce adverse n°25, telle qu’ayant trait aux conditions générales des relations contractuelles entre parties, étant par ailleurs donné que l’actuelle demanderesse en cassation avait, à nouveau contrairement à l’avis de la Cour d’appel, bien souligné dans ses écritures précitées du 14 février 2022 que c’était précisément et concrètement par l’intermédiaire du seul bureau de SOCIETE1.) à ADRESSE3.) qu’elle avait en l’espèce et de façon exclusive, contracté avec la partie adverse, de sorte qu’on est, dans ce cas et toujours à l’opposé de l’avis de la Cour d’appel, en présence de suffisamment d’éléments de preuve parfaitement objectifs de nature à établir que la société SOCIETE1.) S.A. avait, antérieurement ou concomitamment à la signature du contrat du 7 mars 2007, bien une activité, en l’occurrence d’ordre bancaire et financière, dirigée vers la France c-à-d l’État de résidence de la dame PERSONNE1.), alors que le contrat de prêt en l’espèce litigieux entre précisément dans cette même activité, le tout au sens de l’article 17.1.c du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012, de sorte que c’est, par application de cette même disposition communautaire et qui est d’ailleurs d’ordre public communautaire, car protectrice des droits des consommateurs au sein de l’Union européenne (cf. l’arrêt interlocutoire de la Cour d’appel du 30 novembre 2021, page 6, alinéas 4 et suivants), que la Cour d’appel aurait en l’espèce dû se déclarer incompétente ratione loci et ceci au bénéfice du Tribunal judiciaire de Grasse et dans le ressort duquel l’actuelle demanderesse en cassation a en effet son domicile et il en suit que la Cour d’appel a, en ayant statué ainsi, violé ladite disposition. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 17.1 c) du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 en ayant rejeté le moyen tiré d’une incompétence territoriale des juridictions luxembourgeoises au motif que la preuve d’une activité dirigée vers la France n’était pas établie.
Sous le couvert de la violation de la disposition visée au moyen, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve invoqués par la demanderesse en cassation pour établir que la société SOCIETE1.) exerçait une activité d’ordre bancaire et financier dirigée vers la France, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie :
° l’article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile selon lequel la rédaction des jugements contiendra les noms des juges, du procureur d’Etat, s’il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l’exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements ».
° l’article 89 de la Constitution aux termes duquel tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » en ce que la 4ième chambre de la Cour d’appel n’a :
pas fourni de motivation à la base de la condamnation à l’égard de la dame PERSONNE1.) aux intérêts conventionnels prétendument dus à partir du 1er janvier 2016, étant en effet donné que la convention du 7 mars 2007 est, au niveau de son article 6.1, totalement confuse et imprécise quant au différents taux des mêmes intérêts conventionnels à appliquer in fine et en l’espèce à l’encontre de la demanderesse en cassation et soumet d’ailleurs le taux applicable à l’accord formel de l’emprunteur, accord faisant précisément défaut, alors que la même remarque s’impose, a fortiori et au regard de l’article 6.2 de la même convention, aussi au niveau de la date de départ du calcul des mêmes intérêts conventionnels, absence de motivation qui cause manifestement grief, dans la mesure où elle soumet la partie emprunteuse, sous ce rapport, à l’arbitraire total de la partie adverse, de sorte que c’est à tort que la Cour d’appel n’a ni fourni de précision quant au taux des intérêts exact en l’espèce applicable sur le montant de la condamnation au principal à concurrence de 1.255.304,03 €, ni d’explication concrète quant à la date de départ de calcul desdits intérêts au 1er janvier 2016, la simple mention , étant, à ce sujet, insuffisante ;
que l’arrêt doit partant être cassé sur base de toutes ces considérations. ».
Réponse de la Cour Il résulte des actes auxquels la Cour peut avoir égard que dans son arrêt du 24 avril 2019, en continuation duquel est intervenu l’arrêt attaqué, la Cour d’appel avait retenu, d’une part, par rapport au décompte des intérêts conventionnels :
« L’article 6 du contrat intitulé « Equity Release » prévoit le paiement d’intérêts conventionnels, de sorte que l’appelante ne saurait remettre en cause le principe de la mise en compte de ces intérêts par la société SOCIETE1.). Le taux et la date de la mise en compte des intérêts résultent du décompte versé en pièce 6 par les intimées. En l’absence de contestations précises par l’appelante par rapport aux montants mis en compte, ces intérêts sont dus, sous réserve du moyen de la prescription invoquée en cours d’instance par l’appelante. » et « Sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus concernant les intérêts, les montants réclamés par les intimées résultent à suffisance de droit du décompte versé en pièce 6 par ces parties, par rapport auquel l’appelante n’a pas formulé de critiques précises et circonstanciées, concernant tant le principal que les intérêts », et, d’autre part, par rapport à la prescription des intérêts conventionnels :
« C’est dès lors à bon droit que l’appelante s’est prévalue de la prescription des intérêts pour la période antérieure au 11 février 2011 » et « Il convient d’instituer une expertise pour déterminer le montant qu’il y a lieu de déduire des sommes réclamées par les intimées au titre des intérêts dus pour la période située entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011. » pour, dans son dispositif, nommer un expert avec la mission « de déduire de la somme de 1.486.678,07 euros réclamée par la société anonyme SOCIETE1.) en liquidation judiciaire les montants correspondant aux intérêts mis en compte entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011 ».
Il en résulte que l’élément décisionnel concernant le taux et le décompte des intérêts conventionnels dus est incorporé dans l’arrêt du 24 avril 2019, non entrepris par le pourvoi en cassation.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne la demanderesse en cassation à payer aux défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
les condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme Arendt & Medernach, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) contre 1) SOCIETE1.) s.a.
2) Maître Yvette HAMILIUS, pris en sa qualité de liquidateur de SOCIETE1.) s.a.
(CAS-2022-00099 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour d’appel le 4 octobre 2022, PERSONNE1.), ci-après PERSONNE1.), a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt no 124/22 IV-COM, contradictoirement rendu entre parties le 28 juin 2022, par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale.
Le mémoire déposé par la partie demanderesse en cassation, signé par un avocat à la Cour, a été signifié le 3 octobre 2022 au domicile de la partie adverse, donc antérieurement à son dépôt, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour, représentant la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, pris en sa qualité de mandataire de la société anonyme SOCIETE1.) s.a., a fait signifier le 30 novembre 2022, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour d’appel le 2 décembre 2022.
Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été signifié dans les forme et délai de la loi précitée du 18 février 1885.
Faits et rétroactes 1 PERSONNE1.) résidant en France, le délai de cassation de deux mois est augmenté d’un délai de distance de quinze jours, délais qui courent à partir de la signification de l'arrêt attaqué.
Selon l'article 155 du Nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 9 du Règlement (CE) n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, qui détermine la date de signification en vue de l'exercice des voies de recours, la signification est réputée faite le jour de la remise de la copie de l'acte à la personne du destinataire, à son domicile ou à sa résidence.
Il ressort de l'acte de signification de l'arrêt attaqué, versé au dossier, que la signification à domicile a eu lieu en date du 19 juillet 2022. Le pourvoi en cassation, formé le 4 octobre 2022 est dès lors intervenu dans le délai légal.
En date du 7 mars 2007, PERSONNE2.) et PERSONNE1.), ont souscrit auprès de la société anonyme SOCIETE1.) un contrat de prêt dénommé « Equity Release » pour un montant de 1.850.000 euros. La somme de 463.000 euros a été directement remise aux clients, le surplus devant être investi dans un contrat d’assurance-vie ou dans d’autres produits financiers.
Pour garantir le prêt, les époux GROUPE1.) ont consenti un gage portant sur leurs avoirs inscrits dans les livres de la banque, ainsi qu’une hypothèque sur un bien immobilier leur appartenant, situé en France.
Le 20 septembre 2010, le liquidateur de la société SOCIETE1.) a mis les époux GROUPE1.) en demeure de lui payer la somme de 200.142,26 euros, correspondant aux intérêts échus et non payés sur la somme prêtée, sous peine de l’application de l’article 18.2. du contrat de prêt et de l’exécution des garanties.
Suivant courrier du 23 février 2011, le liquidateur de la société SOCIETE1.) a informé les époux GROUPE1.) qu’il a exercé les droits que la banque détenait sur les avoirs inscrits à leur nom dans les livres de la banque, pour une somme de 1.305.049,81 euros.
Par acte d’huissier de justice du 11 février 2016, le liquidateur de la société SOCIETE1.), Maître Yvette HAMILIUS, et la société SOCIETE1.), en liquidation judiciaire, ont donné assignation aux époux GROUPE1.) à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, selon la procédure civile, pour entendre prononcer leur condamnation solidaire à payer à la société SOCIETE1.) en liquidation le montant de 1.486.678,07 euros, avec les intérêts conventionnels à partir du 1er janvier 2016 jusqu’à solde.
Par jugement contradictoire du 25 avril 2018, le tribunal a déclaré irrecevable la demande dirigée contre PERSONNE2.) au vu du redressement judiciaire prononcé à son encontre. Le tribunal a déclaré recevable et fondée la demande dirigée contre PERSONNE1.), à hauteur de la somme de 1.486.678,07 euros, cette somme avec les intérêts conventionnels à partir du 1er janvier 2016 jusqu’à solde. Il a déclaré non fondées les demandes respectives en octroi d’une indemnité de procédure.
Par acte d’huissier de justice du 6 août 2018, PERSONNE1.), a interjeté appel contre ce jugement.
Par arrêt du 24 avril 2019, la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, a reçu l’appel, l’a dit partiellement fondé et a par réformation dit que les intérêts réclamés pour la période se situant entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011 sont prescrits, et nommé un expert avec la mission de concilier les parties si faire se peut, sinon dans un rapport écrit et motivé de déduire de la somme de 1.486.678,07 euros réclamée par la société anonyme SOCIETE1.) en liquidation judiciaire les montants correspondant aux intérêts mis en compte entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011.
Suite au dépôt du rapport d’expertise et au moyen d’incompétence territoriale des juridictions luxembourgeoises sur base des articles 17. 1.b et 18.2 du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après « Règlement Bruxelles I bis »), soulevé par PERSONNE1.), la Cour d’appel a, par arrêt du 30 novembre 2021, retenu que PERSONNE1.) doit être qualifiée de consommateur au sens de l’article 17 du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et a invité les parties à prendre position quant à la question de savoir si le contrat de prêt conclu entre SOCIETE1.) et PERSONNE1.) tombe dans le champ d’application de l’article 17.1, a, b ou c du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Par arrêt du 28 juin 2022, la Cour rejette le moyen de l’incompétence territoriale des juridictions luxembourgeoises, au motif que l’article 17.1 c du Règlement Bruxelles I bis ne trouve pas application. Elle dit l’appel partiellement fondé et par réformation condamne PERSONNE1.) à payer à la société anonyme SOCIETE1.), la somme de 1.255.304,03 euros avec les intérêts conventionnels à partir du 1er janvier 2016 jusqu’à solde et confirme le jugement n° 2018/TAL/CH15/546 du 25 avril 2018 pour le surplus.
Le pourvoi sous examen est dirigé contre cet arrêt du 28 juin 2022.
Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 17.1 c du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après « Règlement Bruxelles I bis ») qui dispose:
« En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5): (…) c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités » Concernant l’application de l’article 17.1 c du Règlement Bruxelles I bis, la Cour a retenu ce qui suit :
« Comme ledit Règlement ne contient aucune définition de la notion d’activité dirigée vers l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, cette notion doit, suivant une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, être interprétée de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs de ce règlement, en vue d’assurer à celui-ci sa pleine efficacité. La Cour de Justice de l’Union européenne a précisé dans ce contexte que le commerçant doit avoir manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec les consommateurs d’un ou de plusieurs autres États membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile. Le juge doit rechercher si, avant la conclusion du contrat avec le consommateur, il existait des indices démontrant que le commerçant envisageait de conclure avec des consommateurs domiciliés dans d’autres Etats membres, dont celui sur le territoire duquel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu’il était disposé à conclure un contrat avec ce consommateur (C.J.U.E., C-585/08 et C-144/09, Pammer et Hotel Alpenhof).
La Cour a relevé que les indices permettant de déterminer si une activité est dirigée vers l’Etat membre en question englobent toutes les expressions manifestes de la volonté de démarcher les consommateurs de cet Etat membre.
En l’espèce, l’appelante se prévaut exclusivement de l’existence d’une filiale ou d’une succursale de SOCIETE1.) à ADRESSE3.) sans cependant préciser en quoi cette entité serait concrètement intervenue dans la conclusion du contrat d’« equity release » qui a par ailleurs été signé à Luxembourg. A cela s’ajoute que l’appelante n’établit pas que cette entité ait déjà été opérationnelle antérieurement et concomitamment à la conclusion du contrat en mars 2007.
La preuve d’une activité dirigée de SOCIETE1.) vers la France n’est partant pas établie, de telle manière que l’article 17.1 c du Règlement Bruxelles I bis ne trouve pas non plus application. » Il est précisément fait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu que la preuve d’une activité dirigée de SOCIETE1.) vers la France n’était pas établie, de telle manière que les conditions d’application de l’article 17.1 c du Règlement Bruxelles I bis ne se trouvaient pas réunies.
La demanderesse en cassation estime qu’, «à l’opposé de l’avis de la Cour d’appel » la société SOCIETE1.) S.A. avait, antérieurement ou concomitamment à la signature du contrat du 7 mars 2007 entre parties, au vu des éléments de preuve objectifs du dossier, une activité, en l’occurrence d’ordre bancaire et financière, dirigée vers la France de sorte que, par application de l’article 17.1.c du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012, la Cour d’appel aurait en l’espèce dû se déclarer incompétente ratione loci.
Il ressort des développements qui précèdent, que les reproches ne sont pas formulés en rapport avec l’application de la loi à proprement dire, mais en relation avec l’interprétation des éléments de preuve, soumis à l’appréciation de la juridiction d’appel.
Or l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation. La souveraineté du juge du fond pour constater les faits signifie l’incompétence de la Cour de cassation pour apprécier les preuves et réviser les constatations de fait de l’arrêt attaqué. Cette incompétence revêt d’ailleurs un double aspect: la Cour de cassation ne peut pas plus examiner de nouvelles preuves que réexaminer les preuves qui ont été soumises aux juges du fond.2 Sous le couvert de la violation de l’article visé au moyen, la partie demanderesse en cassation ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation les éléments de preuve relatifs à l’exercice d’une activité de SOCIETE1.) vers la France, éléments qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond.
Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.
2 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz 5ème édition, no 64.10 ss Quant au deuxième moyen de cassation Le moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile en ce que l’arrêt attaqué n’a pas fourni de motivation à la base de la condamnation de PERSONNE1.) au paiement d’intérêts conventionnels.
Comme l’ont relevé à juste titre les parties défenderesses en cassation, il ressort de la lecture de l’arrêt attaqué3 que la juridiction d’appel n’était plus saisie de la question du bien –fondé de la demande en condamnation à des intérêts conventionnels de PERSONNE1.), puisque que ce volet du litige avait été tranché dans le cadre de l’arrêt du 24 avril 2019.
Au vu de ce qui précède, le moyen se fonde sur une lecture erronée de la décision entreprise, et manque en fait.
A titre subsidiaire :
Le moyen sous examen encourt la sanction de l’irrecevabilité sous deux aspects :
- Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture et chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué.
S’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir omis de motiver la condamnation de PERSONNE1.) au paiement d’intérêts conventionnels, les moyens avancés pour étayer le grief formulé, qui se lisent comme suit « la convention du 7 mars 2007 est, au niveau de son article 6.1, totalement confuse et imprécise quant aux différents taux des mêmes intérêts conventionnels à appliquer in fine et en l’espèce à l’encontre de la demanderesse en cassation et soumet d’ailleurs le taux applicable à l’accord formel de l’emprunteur, accord faisant précisément défaut, alors que la même remarque s’impose, à fortiori et au regard de l’article 6.2 de la même convention, aussi au niveau de la date de départ du calcul des mêmes intérêts conventionnels, absence de motivation qui cause manifestement grief, dans la mesure où elle soumet la partie emprunteuse, sous ce rapport, à l’arbitraire total de la partie adverse » sont très confus et incompréhensibles au regard de l’arrêt entrepris.
La formulation imprécise et chaotique du moyen le rend dès lors irrecevable au regard des exigences de l’article 10 précité.
- Les articles visés au moyen sanctionnent l’absence de motifs, qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.
L’énoncé du moyen, non suivi d’une discussion, laisse planer une ambiguïté certaine quant à la portée du moyen. En effet la demanderesse en cassation retient « la simple mention « avec les intérêts conventionnels à partir du 1er janvier 2016 jusqu’à solde étant à sujet insuffisante » et 3 Page 4, dernier paragraphe, et page 5, paragraphe premier et deuxième de la décision dont pourvoi;
semble critiquer la motivation sommaire des juges d’appel sur le point de la condamnation au paiement des intérêts conventionnels.
Pour autant que le moyen vise donc une insuffisance de motifs, il est tiré du grief du défaut de base légale. Le défaut de base légale est un vice de fond non concerné par les textes de loi susvisés, d’où il suit que le moyen est irrecevable sous cet aspect.
A titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse où le grief formulé suffirait aux exigences légales de précision et serait à lire comme celui de l’absence de motifs :
Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, si incomplète ou vicieuse soit-elle, sur le point considéré. La pertinence, le caractère suffisant et le bien-fondé de cette motivation sont des questions étrangères à ce cas d’ouverture, de nature purement formelle.
Concernant la problématique des intérêts conventionnels dont le paiement était réclamé, les juges d’appel ont retenu ce qui suit :
« Au fond, il y a lieu de rappeler que par arrêt du 24 avril 2019, la Cour avait déjà toisé un certain nombre de points auxquels il n’y a plus lieu de revenir. Ainsi, a-t-il été retenu sur base des pièces versées que « l’appelante ne saurait nier que la somme de 1.387.000 euros a été mise à sa disposition et à celle de son époux », que, comme les emprunteurs n’avaient pas payé les intérêts qui leur étaient réclamés par le courrier du liquidateur du 20 septembre 2010, « la banque était en droit d’exiger le remboursement immédiat du prêt sur base de l’article 18 du contrat, sans que les emprunteurs ne puissent lui opposer le terme de vingt ans prévu au contrat ».
La Cour a par ailleurs rejeté le moyen tiré de l’article 451 du Code de commerce relatif à la faillite ainsi que celui de la surséance à statuer.
En relation avec le moyen de la signature de la transaction, la Cour a déjà retenu « qu’une transaction comporte, par définition, des concessions réciproques, chaque partie renonçant à une partie de ses droits dans le but de mettre fin au différend l’opposant à l’autre partie.
Aucune déduction ne saurait dès lors en être tirée en termes de reconnaissance par les intimées de l’absence de fondement de leurs prétentions. Pareillement, la signature de la transaction ne saurait valoir contestation des montants par la partie débitrice. La demande en paiement de la somme résultant du décompte versé en pièce 6 par les intimées est partant justifiée, sous réserve des intérêts prescrits ».
Il en découle que la Cour n’est actuellement plus que saisie de la question de la prescription des intérêts. Dans ce contexte, il importe peu que ces décisions n’aient pas été reprises au dispositif de l’arrêt du 24 avril 2019, alors qu’il est inconcevable que la Cour revienne sur sa propre décision dans le cadre d’un même litige. La précision de l’appelante qu’elle maintient l’ensemble de ses moyens développés dans ses conclusions antérieures au motif que la Cour n’aurait pas encore tranché une partie du litige dans son dispositif est partant inopérante. Le moyen de l’appelante selon lequel la remise de la somme de 1.387.000 euros est contestée et celui tiré de la transaction ne feront dès lors plus l’objet d’un examen.
En relation avec la prescription, la Cour a déjà retenu dans la motivation de son arrêt du 24 avril 2019 que l’appelante s’est à bon droit prévalue de la prescription des intérêts pour la période antérieure au 11 février 2011. Au dispositif, il a été « dit que les intérêts réclamés pour la période se situant entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011 sont prescrits » et que l’expert a été chargé de « déduire de la somme de (…) les montants correspondant aux intérêts mis en compte entre le 7 mars 2007 et le 11 février 2011 ».
L’arrêt dont pourvoi étant motivé sur le point en question, le deuxième moyen est à déclarer non fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Sandra KERSCH 14