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19/01/2023 | LUXEMBOURG | N°47499C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 janvier 2023, 47499C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47499C ECLI:LU:CADM:2023:47499 Inscrit le 1er juin 2022

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Audience publique du 19 janvier 2023 Appel formé par M. (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 2 mai 2022 (n° 44912 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appe...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47499C ECLI:LU:CADM:2023:47499 Inscrit le 1er juin 2022

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Audience publique du 19 janvier 2023 Appel formé par M. (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 2 mai 2022 (n° 44912 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 47499C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2022 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak), et de son épouse, Madame (B), née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs (C), né le … à … (Iran), et (D), née le … à … (Suède), tous de nationalité iranienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 2 mai 2022 (n° 44912 du rôle), par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 juillet 2020 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juillet 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 septembre 2022.

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Le 31 décembre 2018, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), ci-après les « époux (A-B) », accompagnés de leurs enfants mineurs, (C) et (D), ci-après les « enfants (C-D) », les quatre étant ci-après désignés par les « consorts (ABCD) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, les époux (A-B) furent entendus par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait déposé une demande de protection internationale en Suède le 13 octobre 2015, tandis que son épouse en avait déposé une en Allemagne le 24 novembre 2015 et une en Suède le 28 novembre 2015.

Le 2 janvier 2019, les époux (A-B) furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après le « règlement Dublin III ».

Le 7 janvier 2019, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues suédois deux demandes de reprise en charge des consorts (ABCD), sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, demandes que les autorités suédoises acceptèrent le 16 janvier 2019.

Par décision du 22 janvier 2019, notifiée aux intéressés par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa les consorts (ABCD) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de les transférer dans les meilleurs délais vers la Suède sur base de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III.

Le recours contentieux dirigé par les consorts (ABCD) en date du 6 février 2019 contre la décision de transfert vers la Suède précitée fut rejeté pour ne pas être fondé par jugement du tribunal administratif du 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 42328 du rôle.

Par décision du 18 juillet 2019, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa les consorts (ABCD) que la susdite décision de transfert du 22 janvier 2019 avait été rapportée, au motif que le Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leurs demandes de protection internationale, alors que le transfert n’avait pas pu être exécuté dans le délai prévu par l’article 29, paragraphe (1), du règlement Dublin.

Le 3 décembre 2019, Madame (B) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que l’audition de Monsieur (A) eut lieu le 5 décembre 2019.

Par décision du 23 juillet 2020, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le 24 juillet 2020, le ministre rejeta les demandes de protection internationale des consorts (ABCD) comme étant non fondées sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 31 décembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 »).

Vous êtes accompagnés de vos enfants mineurs (C), né le … à …/Iran et (D), née le … à …/Suède, les deux de nationalité iranienne.

Rappelons avant tout autre développement que le 23 janvier 2019, vous avez été informés par décision ministérielle que vous seriez transférés en Suède, pays responsable du traitement de vos demandes de protection internationale sur base du Règlement du Dublin III. En effet, Monsieur, vous y avez introduit votre demande de protection internationale le 13 octobre 2015 et vous, Madame le 28 novembre 2015, après que vos empreintes ont été enregistrées en Allemagne le 24 novembre 2015. Le 16 janvier 2019, les autorités suédoises ont accepté la demande de votre reprise en charge émise par les autorités luxembourgeoises.

Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif du 4 avril 2019 (Tribunal Administratif rôle 42328), après que vous avez notamment prétendu ne pas avoir eu accès aux soins médicaux en Suède, une information contredite par les autorités suédoises.

Le 15 avril 2019, Monsieur, vous avez été « volontairement hospitalisé » au service psychiatrique du CHL pour risque suicidaire alors que vous avez menacé de vous tuer si jamais vous étiez transféré en Suède.

Le 22 mai 2019, votre mandataire a demandé un sursis à votre éloignement au vu de la « situation catastrophique » de votre famille, alors que vous, Madame, avez en plus dû être opérée pour une fracture suite à une chute.

Le 21 juin 2019, la Direction de l'immigration a été informée que vous avez disparu de votre foyer d'accueil après avoir été informés de votre transfert imminent vers la Suède.

Le 18 juillet 2019, vous avez été informés que la décision de transfert vers la Suède est rapportée, alors que ce transfert n'a pas pu être exécuté dans les délais prévus par la loi.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 31 décembre 2018, les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 3 et 5 décembre [2019], sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes.

Il ressort du rapport de Police Judiciaire, Monsieur, que vous auriez quitté l'Iran en 2013, en passant par l'Irak, la Turquie et la Grèce pour atteindre la Suède, où vos empreintes ont été enregistrées le 4 septembre 2015. Vous auriez voyagé seul et précisez que votre épouse et votre fille cadette auraient emprunté le même chemin. Vous « penseriez » par ailleurs avoir introduit une demande de protection internationale en Allemagne tandis que, selon vous, les empreintes de votre épouse auraient été enregistrées en Suède, contrairement aux vôtres:

« mir nicht weil wir zu diesem Zeitpunkt getrennt waren ». Le 22 décembre 2018, vous seriez arrivés au Luxembourg à bord d'un train en provenance de l'Allemagne. A noter qu'il ressort encore du rapport « Eurodac » que vos empreintes ont de nouveau été enregistrées en Suède le 13 octobre 2015, tandis que celles de votre épouse ont été enregistrées en Allemagne le 24 novembre 2015 et en Suède le 28 novembre 2015.

Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez né en Irak et d'ethnie kurde, mais que vous posséderiez la nationalité iranienne et que vous auriez vécu en Iran dans le village de … (district de …) avec vos parents, votre épouse, vos enfants, votre frère et votre sœur, où vous auriez travaillé comme peintre et agriculteur.

Le 19 juillet 2014, vous auriez été approché par trois Kurdes armés, membre du parti démocrate du Kurdistan d'Iran (PDKI), qui connaîtraient votre famille et qui vous auraient demandé votre aide « pour l'intérieur du pays » en vous incitant à écrire des slogans sur les murs et à distribuer et coller des affiches et des tracts. Après une semaine de réflexion, vous auriez accepté leur proposition, alors que vous auriez été convaincu de leurs paroles et que vous auriez constaté que ce que vous auriez « pensé d'eux était la vérité ». Vous ajoutez dans ce contexte que vous n'auriez eu aucun droit en Iran, que vous n'auriez pas pu parler dans votre langue maternelle et que vous ne pourriez pas porter de vêtements kurdes dans les institutions étatiques. A cela s'ajoute que le régime emprisonnerait et tuerait les gens et enterrerait des vivants, « surtout les prisonniers politiques ».

Vous auriez par la suite « signé et je suis entré dans le parti »; respectivement, après la relecture de votre entretien, vous vous rappelez qu'en fait, vous n'auriez jamais rien signé et que l'accord se serait fait de façon orale. Vous précisez que votre groupe aurait consisté de trois personnes, « un qui guettait les lieux, un qui collait les affiches et l'autre qui les mettait dans les boîtes aux lettres et les mosquées ». Vous précisez encore avoir fait partie de ce groupe pendant quatre mois et demi et avoir participé à trois reprises à des telles activités.

Le soir du 11 décembre 2014, lorsque vous vous seriez trouvé à l'hôpital avec votre fils à …, vos deux collègues auraient de nouveau distribué des affiches mais ils auraient été « repérés ». Vous dites que votre collègue vous aurait appelé par téléphone pour vous avertir qu'il aurait réussi à s'enfuir mais qu'« ils » auraient tiré sur votre troisième collègue et qu'il ne saurait pas s'il est mort. Il vous aurait encore fait comprendre que vous seriez tous « grillés » et que vous ne pourriez plus rentrer à la maison. Vous auriez alors expliqué à votre épouse que vous devriez immédiatement quitter … pour gagner …. Vous auriez par la suite préparé vos affaires et vous seriez partis chez l'oncle de votre épouse. Le lendemain, vous auriez quitté son domicile pour rejoindre celui de votre oncle près de la frontière. Vous lui auriez alors demandé d'appeler votre mère, qui aurait répondu en pleurs en expliquant que les « agents de l'ettela'at » seraient passés, qu'ils auraient cassé la porte de la maison et « aussi l'intérieur » où ils auraient trouvé « mon sac » avant de repartir. Vous auriez ensuite demandé à votre oncle de vous emmener en voiture au Kurdistan irakien où vous vous seriez installés chez vos beaux-parents qui y vivraient comme réfugiés sans papiers.

Vous précisez par la suite dans ce contexte que vos parents vivraient dans la région du Kurdistan irakien appelée partie verte (« Sabz »), en opposition à la partie jaune (« Zard ») qui serait contrôlée par le Parti démocrate du Kurdistan d'Irak. Etant donné que les forces iraniennes, à savoir l'armée du Qods, seraient également présentes dans la région et qu'elles seraient opposées au Parti démocrate du Kurdistan, la situation y serait pareillement dangereuse qu'en Iran, raison pour laquelle vous vous seriez sentis poussés à quitter l'Irak.

Vous ajoutez qu'actuellement, votre frère serait emprisonné à cause de vous et que vous auriez décidé de vous suicider au Luxembourg parce qu'ils auraient « tellement » frappé votre père.

Ensuite, vous précisez qu'une semaine après votre départ, les agents seraient venus se renseigner sur vous auprès de votre père qui leur aurait signalé qu'il n'aurait aucune idée où vous vous trouveriez. Les agents seraient par la suite plusieurs fois repassés chez vos parents et deux mois après votre départ votre père aurait été roué de coups, tandis que votre frère aurait été arrêté parce qu'il aurait « perdu le contrôle » en voyant la scène et attaqué les agents. En cas d'un retour en Iran, vous seriez d'avis d'être exécuté ou condamné à une peine de prison à perpétuité pendant laquelle vous seriez empoisonné.

Vous précisez encore être venu au Luxembourg, parce qu'après la réponse négative des autorités suédoises à votre demande de protection internationale, vous auriez perdu « toutes les aides », votre travail et votre logement. Vous confirmez dans ce contexte que votre demande de protection internationale introduite en Suède aurait reposé sur les mêmes motifs de fuite, mais que l'interprète présent à votre entretien n'aurait pas bien fait son travail, raison pour laquelle votre demande aurait été refusée.

Madame, vous signalez être comme votre époux originaire de … en Irak et être d'ethnie kurde. Vous n'auriez jamais possédé de nationalité, alors que votre père aurait jadis été actif dans la politique en Iran, raison pour laquelle les autorités iraniennes ne lui auraient jamais remis de documents d'identité. Votre famille aurait par le passé dû quitter l'Iran pour l'Irak, où vous auriez grandi dans le camp « … ». Suite à votre mariage en 2006, vous auriez clandestinement déménagé en Iran, en précisant que votre fils aurait hérité de la nationalité iranienne de son père, contrairement à votre fille qui serait née lors de votre séjour en Suède.

Contrairement à votre fils, vous n'auriez pas pu profiter de la nationalité iranienne de votre époux pour régulariser votre situation en Iran.

Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu'en tant que Kurde, vous n'auriez eu aucun droit en Iran, vous n'auriez pas pu aller à l'école, vous n'auriez pas pu parler votre langue maternelle, vous n'auriez pas pu consulter de médecin et vos vêtements traditionnels y seraient interdits. Vous ajoutez n'être aucunement au courant des prétendus activités politiques de votre époux, que vous auriez toutefois « tous les soirs » vu sortir de la maison avec ce fameux « sac » rempli d'affiches qui aurait finalement été retrouvé lors de la perquisition, mais dans lequel vous n'auriez jamais posé le moindre regard.

Monsieur, vous ne présentez pas de documents d'identité, alors que vos carte d'identité et livret de famille se trouveraient auprès des autorités suédoises et que vous n'auriez jamais possédé de passeport. A noter que la carte d'identité qui a été envoyée à la Direction de l'immigration par les autorités suédoises, a été établie le 6 octobre 2014 et a été tamponnée par un « général Hussen ».

Madame, vous versez une copie d'un « refugee certificate » qui aurait été émis par l'UNHCR le 12 avril 2010 et qui concernerait votre supposé père le dénommé « (E) » né le … et ses membres de famille; il s'agirait du seul document d'identité que vous posséderiez.

Monsieur, pour soutenir vos dires vous avez encore versé un permis de conduire iranien qui s'est avéré être un faux et une copie d'une prétendue attestation du « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » qui aurait été établie le 31 août 2017 à Paris certifiant que vous, Monsieur, seriez sympathisant du parti et que vous auriez été contraint de quitter l'Iran à cause d'une « oppression » étatique; copie que vous aviez envoyée par mail à votre mandataire.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Madame, Monsieur, soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doivent être mises en doute.

Ce constat doit en premier lieu être dressé au vu de vos déclarations incohérentes, contradictoires et non plausibles.

Ainsi, il faut en premier lieu soulever qu'il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté l'Iran en 2013, tandis que vous signalez à l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous auriez quitté l'Iran en décembre 2014, c'est-à-dire seulement quelques semaines après que vous, Monsieur, vous êtes encore fait remettre une carte d'identité tamponnée par un « général Hussen ». Il convient dès lors de constater que votre premier mensonge ostentatoire concerne la date de départ de votre pays d'origine.

Deuxièmement, il s'agit de constater que vous expliquez initialement que vos parents vivraient toujours en Iran puisqu'ils y auraient reçu la visite desdits « agents » qui seraient à votre recherche. Ensuite, il ressort toutefois de vos dires, Monsieur, qu'après votre départ d'Iran, vous auriez notamment été auprès de « mes parents » qui habiteraient du coup au Kurdistan irakien (p. 7 de votre rapport d'entretien). Or il s'agit en l'occurrence d'un élément clé de votre vécu sur lequel vous ne pouvez pas vous méprendre. Les éléments de votre récit ayant trait à votre prétendue fuite sont dès lors à considérer comme étant inventés.

Troisièmement, il faut se demander pourquoi bien votre prétendu collègue aurait immédiatement compris que vous seriez tous les trois « grillés » par le seul fait qu'il aurait vu qu'on aurait tiré sur votre troisième collègue. En effet, ne sachant même pas si ce dernier a survécu à ses blessures, comment aurait-il bien pu comprendre que vous seriez « grillés »; de même, même si votre collègue blessé avait survécu, votre deuxième collègue n'aurait eu aucune idée quant à la gravité de ses blessures et par conséquent de sa capacité d'être interrogé par les agents, explication que vous avancez pour démontrer pourquoi vous auriez immédiatement été « grillé ».

Ajoutons pour être complet, qu'il n'est aucunement établi qui aurait tiré sur votre ami et pourquoi, alors que ces faits se seraient produits en votre absence, pendant la nuit et pendant que votre ami aurait pris la fuite. Vous ne semblez d'ailleurs pas non plus vous être intéressé du sort de votre collègue depuis ce prétendu incident.

De même, soulignons qu'il ne fait aucun sens que vous ayez à ce moment-là pris la décision de quitter le pays après que votre collègue vous aurait signalé que vous ne pourriez plus rentrer chez vous, mais que pour justement préparer ce départ et vos « affaires », vous auriez tout de même jugé opportun ou nécessaire de retourner chez vous, après que vous vous seriez trouvé à … Vous n'auriez donc manifestement pas pris au sérieux le conseil de votre collègue de ne plus jamais rentrer chez vous pour être « grillé », tout en considérant tout de même nécessaire de quitter le pays au même moment.

A cela s'ajoute que vous signalez d'abord à la Direction de l'immigration que votre frère se trouverait désormais en prison « à cause de moi », laissant par-là sous-tendre que les autorités l'auraient arrêté à cause de vos prétendus problèmes, respectivement parce qu'ils n'auraient pas pu vous arrêter. Or, vous précisez par la suite qu'en fait, votre frère aurait été placé en détention après avoir agressé des représentants de l'ordre. Or il s'agit une nouvelle fois d'informations diamétralement opposées qui permettent de conforter l'idée que vous avez inventé votre récit respectivement avez tenté de le rendre plus « dense » après avoir essuyé un premier refus en Suède.

Quatrièmement, il est faux que, comme vous le prétendez, Monsieur, vous ayez menacé de vous suicider au Luxembourg après que votre père aurait été « tellement frappé » par les forces de l'ordre, alors qu'il ressort de façon claire de votre dossier administratif, rapport médical à l'appui, que vous avez menacé de vous suicider après que vous avez été informé de votre éloignement imminent vers la Suède sur base du règlement Dublin III.

De plus il convient de souligner que vous avez remis aux autorités un permis de conduire iranien déclaré comme étant un faux document. Or une personne réellement à la recherche d'une protection collabore avec les autorités et ne verse pas de faux documents. Par la même occasion vous versez une prétendue attestation du « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » qui aurait été établie le 31 août 2017 à Paris. Or il est impossible d'établir l'authenticité de cette prétendue attestation.

Il n'est en effet nullement établi que vous ayez de quelque sorte qui soit été impliqué dans un parti kurde interdit, respectivement, que vous soyez à considérer comme un opposant politique au régime iranien.

Ce constat doit d'abord être dressé que l'histoire concernant le contexte de votre prétendue adhésion audit parti kurde n'est aucunement convaincante et se définit surtout par des considérations totalement vagues respectivement superficielles.

Ainsi, vous prétendez d'abord avoir rejoint le « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » en signant un document après une semaine de réflexion qui vous aurait été accordée par des membres prétendus du parti pour toutefois vous rappeler dans le cadre de la relecture de votre entretien qu'en fait, vous n'auriez jamais rien signé et que vous seriez devenu membre du parti en précisant que « c'était verbal ».

A cela s'ajoute que vous versez vous-même une pièce qui stipulerait que vous seriez uniquement sympathisant dudit parti, alors que vous voulez faire croire à la Direction de l'immigration que vous en seriez membre, étant donné que vous seriez « entré » dans ce parti (p. 6 du rapport d'entretien) après avoir signé un document, voire, après un accord oral. Or, notons qu'il est établi que ce parti différencie clairement entre les deux statuts, en ajoutant encore la troisième catégorie d'« ami » du parti, de sorte que le document versé est donc en contradiction évidente avec vos propres dires.

Notons au sujet de ce parti que: « (…) A Danish Refugee Council and Danish Immigration Service factfinding mission in 2013 citing several sources, reported: 'Regarding recruitment of new members to KDPI, Mohemed Sahebi (KDPI) informed the delegation that the minimum age for becoming a KDPI member is 18, and if a person is under below 18, he or she can become member of Lawan (Youth Organisation of KDPI). According to Mohemed Sahebi, if a person in Iran wishes to become member of KDPI, he may contact the local party cell and ask for it.' Concerning the organization of members of KDPI in Iran, KDPI's representative in Paris informed the delegation that there are three categories of persons affiliated with KDPI: members, sympathizers and 'friends'. As regards how members are organized KDPI's representative in Paris explained that they are organized in cells. Each cell consists of one or more members.' Apart from members and sympathizers, KDPI's representative in Paris described a third category of people connected to the party as "friends". KDPI's friends are characterized as ones who participate in different activities that are encouraged by the party, such as participating in demonstrations, closing their shops during announced strikes, or writing articles about the situation of the Kurds in Iran in newspapers. (…) » Force est de constater qu'il ne ressort à aucun moment de vos dires que vous ayez à un quelconque moment entrepris des quelconques démarches actives de votre part pour devenir membre de ce parti, tel que cela serait prévu au vu des informations en nos mains. En effet, vous n'auriez jamais eu le moindre contact avec un seul membre présumé de ce parti, alors que vous auriez uniquement communiqué avec le dénommé « Esmail », qui aurait été un « intermédiaire » entre vous et les membres du parti.

Votre adhésion au parti est d'autant plus réfutée au vu de vos déclarations totalement superficielles ou vagues qui vous auraient amené à prendre ce choix, alors que vous expliquez avoir rejoint ce parti après une semaine de réflexion au cours de laquelle vous auriez fini par comprendre que ce que vous auriez « pensé d'eux était la vérité », en parlant des membres armés du parti qui vous auraient approché. A cela s'ajoute votre explication très superficielle concernant les buts de votre parti qui voudrait la « liberté », l'« égalité », la « justice » et la « démocratie ».

Ajoutons à cela que votre prétendue activité « politique », Monsieur, aurait consisté dans le fait que vous auriez, sur une période de quatre mois, à trois reprises distribué des flyers dudit parti, tandis que vous, Madame, auriez par contre étonnement observé comment votre époux serait sorti « tous les soirs » avec ledit sac qui aurait prétendument été rempli d'affiches. Madame vous indiquez par ailleurs dans ce contexte tout ignorer de la prétendue activité politique de votre mari. Or cela est parfaitement impossible alors que votre départ de votre pays d'origine serait prétendument la conséquence de votre activisme politique Monsieur.

En parlant de ce « sac » remplis d'affiches d'un parti interdit, il paraît par ailleurs évident que la première réaction d'une personne qui se serait vraiment retrouvée dans votre cas, aurait été de détruire soi-même ou demander à quelqu'un de son entourage d'immédiatement détruire lesdites affiches, respectivement, de les faire disparaître, après avoir été prévenu qu'elle serait « grillée », tout en ayant eu le temps de rentrer chez elle pour préparer ses affaires.

Il paraît dans ce contexte pareillement évident qu'une personne qui se serait vraiment retrouvée dans votre cas, n'aurait évidemment pas pris le risque de laisser le fameux « sac » à la maison en ne disant rien à ses parents, ni à son frère ou à sa soeur et acceptant tout simplement par là le risque évident que tous ses membres de famille auraient pu être tenus comme étant membres de ce parti kurde interdit. Il n'est manifestement pas plausible dans ce contexte que vous prétendez qu'après la perquisition de votre maison, les agents seraient repartis avec ledit sac en ayant tout de suite compris et conclu que le reste de votre famille n'aurait tout simplement aucun lien avec ledit parti. Il faudrait en effet se demander qu'est-ce qui aurait bien pu amener les autorités iraniennes à conclure qu'il s'agirait forcément et uniquement de votre sac alors que toute votre famille aurait habité dans le même endroit, mais qu'aucun membre de votre famille n'aurait été inquiété pour des liens présumés avec un parti kurde interdit.

Au vu de tout ce qui précède, votre adhésion au « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » est formellement réfutée et doit être définie comme une histoire inventée de toutes pièces dans le but d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

Ce constat vaut d'autant plus que la copie versée aurait prétendument été établie à Paris en 2017, à savoir plus ou moins quatre ans après votre prétendu départ d'Iran et plus ou moins deux ans après l'introduction de vos demandes de protection internationale en Suède. Il paraît dans ce contexte évident qu'après avoir été informés du refus de vos demandes de protection internationale en Suède, vous avez cherché un nouveau motif de fuite, respectivement, un nouvel élément qui augmenterait les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale en Europe.

On peut en effet attendre d'un demandeur de protection internationale réellement en danger dans son pays d'origine, respectivement, qui serait réellement membre, voire, sympathisant, d'un parti kurde iranien interdit, qu'il entreprenne tout ce qui est en son pouvoir pour corroborer ses dires. Il n'est dans ce contexte pas logique que vous n'ayez pendant deux ans en Europe pas songé à vous faire remettre un tel document, mais que cette idée ne vous est étonnement venue à l'esprit qu'en 2017, après une première tentative infructueuse de vous faire remettre des titres de séjour en Suède.

La copie versée ne saurait donc nullement permettre de contrebalancer tous les constats susmentionnés et de retenir pour votre chef, Monsieur, une quelconque adhésion à un parti kurde interdit.

Pour être complet, on peut encore ajouter, Madame, qu'il ne fait pas non plus de sens que vous vous plaigniez du fait que vous n'auriez pas pu aller à l'école en Iran. En effet, il ressort de vos propres déclarations, à les supposer avérées, que vous auriez vécu en Irak jusqu'en 2006, c'est-à-dire jusqu'à vos vingt-et-un ans, après y avoir uniquement fréquenté l'école primaire durant votre enfance. Au vu de votre prétendu vécu, vous devriez donc tout au plus vous plaindre de ne pas avoir fréquenté d'école secondaire en Irak et non pas en Iran, où, rappelons-le, les étudiantes sont désormais majoritaires au sein des universités et œuvrent pour l'amélioration de la situation de la femme en Iran.

Il est clair, que là encore, vous avez choisi d'ajouter, à toutes fins utiles, un élément susceptible de rentrer de nouveau dans le champ d'application de la Convention de Genève, concernant cette fois-ci le sort ou le statut de la femme en Iran, pour de nouveau rendre votre vécu encore plus dramatique et ainsi augmenter encore un peu plus les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

L'image qui se dégage de vos déclarations, Madame, Monsieur, est en tout cas celle de demandeurs de protection internationale qui ne jouent manifestement pas franc jeu avec les autorités desquelles ils souhaitent obtenir une protection internationale et qui tentent de maximiser leurs chances de se voir octroyer un titre de séjour en Europe, quelque chose qui n'a pas fonctionné lors de votre première tentative en Suède, en faisant état d'un récit touchant le plus possible de critères prévus par le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Il n'est dans ce contexte même pas possible de pouvoir se fier aux informations les plus élémentaires que vous avez partagées, même pas sur votre prétendue nationalité ou pays d'origine, alors que vous, Monsieur, seriez né au Kurdistan irakien, où vous, Madame, auriez vécu jusqu'en 2006. Vous confirmez en outre que vos familles y habiteraient toujours, bien que vous signalez aussi, Monsieur, que votre famille habiterait en Iran.

Ajoutons à toutes fins utiles dans ce contexte que même si vous étiez réellement de nationalité iranienne, Monsieur, et que vous, Madame, habiteriez en Iran depuis 2006 en étant mariée à un citoyen iranien, il vous serait possible d'à nouveau retourner y vivre et ce de façon légale. En effet, il est inimaginable que les autorités suédoises auraient refusé vos demandes de protection internationale et vous auraient à tous les deux expliqué que vous devriez retourner vivre en Iran, si vous n'aviez pas le droit d'y résider légalement. Ainsi, Madame, même si vos explications concernant votre vie étaient à considérer comme étant honnêtes, ce qui n'est pas le cas, notons que l'épouse originaire d'un autre pays, si jamais c'était votre cas, peut bénéficier de la nationalité de son époux iranien.

Au vu de tout ce qui précède, il est en tout cas établi que vous faites état d'un récit incohérent et contradictoire qui ne saurait être retenu comme étant avéré. Aucune suite positive à vos demandes de protection internationale ne saurait par conséquent être envisagée.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, au vu de tout ce qui précède, il est retenu que vous faites part d'un récit inventé et que des motifs économiques, matériels ou de pure convenance personnelle sous-tendent par conséquent vos demandes de protection internationale.

Ce constat vaut d'autant plus alors que vous faites part de grands soucis financiers auxquels serait confrontée votre famille, Monsieur, étant donné que votre père serait handicapé et que votre frère devrait subvenir aux besoins de toute la famille. A cela s'ajoute que votre famille, Madame, serait pareillement confrontée à une situation économique et matérielle compliquée dans le « camp » dans lequel elle vivrait en Irak.

Notons par ailleurs qu'après votre départ d'Iran, vous auriez vécu auprès de membres de famille au Kurdistan irakien, où jamais rien ne vous serait arrivé. Néanmoins, vous avez décidé de quitter votre région d'origine, respectivement vos terres natales en précisant qu'« Actuellement tous les réfugiés sortent des camps et travaillent par obligation. Ils s'installent dans leur propre logement, mais ne perçoivent aucune aide des autorités » (p. 8 de votre rapport d'entretien, Madame), signalant par-là que ce seraient donc bien des considérations économiques qui vous ont poussés à quitter le Kurdistan, pour tenter votre chance en Suède, et après leur refus, de nouveau « tenter notre chance ici » (p. 8 du rapport d'entretien de Madame).

Il est d'autant plus établi que des considérations économiques guident votre parcours depuis cinq ans au vu du comportement que vous avez adopté en Europe. En effet, alors qu'on peut attendre de personnes réellement persécutées qu'elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez donc d'abord choisi de voyager à travers une grande partie de l'Union européenne en passant au moins par la Grèce, l'Autriche, l'Allemagne et la Suède (ainsi que les pays de l'Union traversés pour atteindre ces pays), avant de vous décider à y rechercher une protection internationale.

De même, après votre départ illégal de la Suède, vous avez de nouveau passé plusieurs pays de l'Union européenne avant vous sentir poussés à rechercher une protection internationale au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapport aux autres pays visités. Vous avez par la suite eu recours à du « chantage émotionnel » au Luxembourg en menaçant de vous suicider, Monsieur, suivi d'un placement volontaire en psychiatrie ainsi que des disparitions de votre foyer d'accueil, pour rendre impossible le transfert tel que prévu par le règlement Dublin III.

En effet, vous avez mis tout en œuvre pour faire échouer le transfert en tentant par tous moyens de laisser passer les délais légaux de votre transfert en Suède.

Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays d'origine à la recherche d'une protection internationale, mais votre façon de procéder traduit un exemple-type de forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon ce que vous pensez, satisfera au mieux vos attentes.

Des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient cependant pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutés, que vous auriez pu craindre d'être persécutés respectivement que vous risquez d'être persécutés en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, au vu du manque général de crédibilité retenu plus haut et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent vos demandes de protection internationale, aucun risque futur d'être victimes d'une « atteinte grave » ne saurait être retenu dans votre cas d'espèce. Ce constat vaut d'autant plus que les autorités suédoises auraient donc également refusé vos demandes de protection internationale qui auraient été basées sur les mêmes motifs en vous faisant comprendre que vous ne risquez rien en Iran et que devriez retourner y vivre.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2020, les consorts (ABCD) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 23 juillet 2020 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Dans son jugement du 2 mai 2022, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme et le déclara non justifié en ses deux volets pour en débouter les demandeurs, tout en les condamnant aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2022, les consorts (ABCD) ont fait régulièrement relever appel de ce jugement du 2 mai 2022.

Tout en reprenant, en substance, l’exposé des faits tel que mis en avant lors de leurs auditions auprès de la direction de l’Immigration en date des 3 et 5 décembre 2019, les appelants insistent sur l’engagement politique de Monsieur (A) pour le parti kurde « Parti démocratique de Kurdistan d’Iran » (PDK) afin de lutter contre l’oppression des Kurdes par le régime iranien et sur le fait qu’il aurait été recherché en raison de cet engagement par les autorités étatiques, de sorte que la fuite serait apparue comme le seul échappatoire pour éviter une arrestation illégitime et une violation de ses droits fondamentaux.

En droit, ils critiquent le tribunal pour avoir refusé de réformer la décision de rejet ministérielle en insistant sur ce que des persécutions au sens de l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 qui ont d’ores et déjà été subies emporteraient, d’après l’article 37, paragraphe (4), de ladite loi, une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine.

Quant à la crédibilité de leur récit, les appelants considèrent que leur bonne foi ne pourrait pas être contestée et que des lacunes dans les preuves documentaires soumises par eux ne sauraient leur être reprochées au vu du principe que le bénéfice du doute devrait être accordé au vu de leur situation vulnérable, ledit principe impliquant d’après eux une prise en compte de différents facteurs d’influence individuels en vertu des particularités du dossier.

Ils insistent sur la situation particulière de Madame (B) qui serait née dans un camp de réfugiés en Irak d’un père bénéficiaire du statut de réfugié accordé par l’UNHCR et qui n’aurait jamais été scolarisée. Ainsi, même si ses parents seraient d’origine iranienne, elle n’aurait pas bénéficié de la nationalité iranienne et elle ne pourrait pas non plus bénéficier du statut d’épouse d’un citoyen iranien, vu qu’à défaut d’un mariage civil, elle ne figurerait pas sur l’état civil familial de son époux. Se référant à la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et au Guide pour les parlementaires n° 22 sur la nationalité et l’apatridie de l’UNHCR, ils font valoir que Madame (B) ne tomberait dans aucune hypothèse d’exclusion du statut d’apatride en raison d’une absence de besoin d’une protection internationale ou d’actes antérieurement commis, mais qu’elle n’aurait de droits en tant que citoyenne ni en Iran, ni en Irak. Il faudrait partant analyser la question de son apatridie au vu de sa situation de précarité et par rapport à son pays de résidence qui serait l’Irak, au motif qu’elle aurait entretenu avec ce pays les liens personnels et familiaux les plus étroits au cours de son existence.

Relativement à la situation des Kurdes en Iran et dans le Kurdistan irakien, les appelants font état, en sus d’autres documents déjà soumis en première instance, d’un rapport d’Amnesty International de mars 2022 (Iran, des hommes kurdes torturés risquent d’être exécutés), faisant état d’une vague d’arrestations de membres de la minorité kurde sunnite d’Iran et du risque de leur exécution, pour étayer que l’ethnie kurde demeurerait la cible du gouvernement iranien et que ses membres seraient systématiquement considérés comme des opposants politiques. Ils concluent que le fait d’être adhérent au parti PDK d’Iran serait considéré en lui-même comme un acte politique et d’opposition au pouvoir en place en Iran et que Monsieur (A) aurait en plus participé à des actions concrètes en vue de la défense des idéologies de ce parti, mais aurait échappé par hasard à une arrestation arbitraire et violente, contrairement à deux de ses amis, pour ne pas s’être trouvé sur les lieux à ce moment. Ils considèrent que Monsieur (A) devrait également bénéficier du doute pour ne pas avoir pu se procurer des documents attestant de son opposition politique auprès des autorités qui seraient à sa recherche ou de représentants d’un parti interdit.

Les appelants mettent encore en avant qu’en raison de leur appartenance ethnique et de l’engagement de Monsieur (A) pour le parti PDK d’Iran, ils risqueraient de subir des traitements inhumains et dégradants prohibés par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », et qu’au vu du fonctionnement des organes étatiques iraniens, documenté par un rapport de l’Organisme suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), ils ne pourraient pas bénéficier de la protection d’un système judiciaire effectif et impartial, ce qui constituerait une violation des articles 6 et 13 de la CEDH, ainsi que de l’article 42, paragraphe (1), point b), de la loi du 18 décembre 2015.

Les appelants invoquent également dans le chef de Madame (B) l’existence d’une crainte raisonnable d’être persécutée du fait de son appartenance au genre féminin et de sa qualité de membre de la famille d’un opposant politique. Se référant aux articles 2.1 et 60 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violation à l’égard des femmes et la violence domestique, les appelants considèrent qu’au vu de leur exposé des faits, les spécificités de genre devraient être prises en compte dans le traitement de leur demande de protection internationale. Or, la condition actuelle des femmes en Irak ne leur permettrait pas de vivre dans le respect de leur dignité, ce qui serait démontré par le cas particulier de Madame (B) qui, en tant que femme non instruite, aurait été mariée à son cousin sans que son opinion ne soit demandée.

Par rapport au statut de la protection subsidiaire, les appelants mettent en avant que les notions de torture et de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, reprises à l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, devraient être interprétées de la même manière que dans le cadre de l’application de l’article 3 de la CEDH. Ils contestent l’analyse du tribunal suivant laquelle des éléments suffisants pour établir le caractère réel et avéré de leurs craintes feraient défaut et soutiennent que selon l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, il ne serait pas nécessaire que des actes aient déjà été commis, mais que de simples menaces directes constitueraient un indice sérieux de la crainte de subir des atteintes graves. Ainsi, si Monsieur (A) n’avait pas recherché une protection au Luxembourg, il aurait fait l’objet d’une arrestation au même titre que les autres opposants avec lesquels il aurait opéré.

Les appelants se prévalent encore de l’article 3 de la Convention des Nations Unies du 20 novembre 1988 relative aux droits de l’enfant qui imposerait la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants dont la situation est visée par une décision administrative ou judiciaire.

Ils en déduisent que le tribunal aurait dû tenir davantage compte du risque réel pour les deux enfants mineurs de subir le même sort que leur père en cas de retour dans leur pays d’origine et de la « situation de stress permanent où leur développement psychologique se verrait être particulièrement altéré par les menaces constantes dans leur chef et celui de leur famille ».

Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal dans ledit jugement.

Il se dégage de la combinaison des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l'octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l'appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu'au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l'article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d'origine.

L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 ».

Les premiers juges ont encore souligné à juste titre que dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

A l’instar du tribunal, la Cour considère qu’en présence de l’argumentation des appelants suivant laquelle Madame (B) serait sans nationalité et que sa situation serait partant à examiner par rapport à sa qualité d’apatride, cette question doit être analysée en premier lieu.

En effet, comme le tribunal l’a relevé à juste titre, alors même que ni l’article 1er de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après la « Convention de Genève », ni les dispositions de la loi du 18 décembre 2015, et plus particulièrement son article 2, ne précisent expressément que les actes de persécution, respectivement les atteintes graves dont se prévaut un demandeur d’asile doivent avoir lieu dans le pays dont il a la nationalité, cette exigence découle néanmoins de l’esprit même des textes en question et de la définition de la notion de réfugié inscrite à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir celui qui fait état de la crainte décrite audit article 2 sub f) et qui « se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », et de celle de la personne pouvant prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire inscrite à l’article 2 sub g) de la même loi, qui fait référence au risque encouru si le demandeur « était [renvoyé] dans son pays d’origine ». En effet, tant que l’intéressé n’éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il est possible d’attendre de lui qu’il se prévale de la protection de ce pays. Dans ce cas, il n’a pas besoin d’une protection internationale et par conséquent il n’est pas à considérer comme réfugié, respectivement comme personne devant bénéficier de la protection subsidiaire. Le tribunal a pertinemment ajouté que cette analyse est encore confortée par la définition donnée par l’article 2 sub p) de la loi du 18 décembre 2015 de la notion de pays d’origine, qui est celui « dont le demandeur a la nationalité » et non pas celui où le demandeur réside en dernier lieu.

Par rapport au cas particulier de Madame (B), les premiers juges ont pertinemment relevé à partir du contenu du dossier administratif qu’elle a déclaré avoir la nationalité iranienne au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale, comme en témoigne l’attestation afférente signée par elle le 31 décembre 2018, et lors de son entretien du 2 janvier 2019. De même, dans le cadre du recours en annulation déposé au greffe du tribunal administratif par le précédent litismandataire des appelants en date du 6 février 2019 et dirigé contre la décision de transfert, précitée, du 22 janvier 2019, il a été indiqué que Madame (B) est de nationalité iranienne. Ce n’est par contre qu’à partir de son entretien du 3 décembre 2019 auprès de l’agent compétent du ministère que Madame (B) a soudainement prétendu n’avoir aucune nationalité.

Il est vrai que les appelants ont soumis en instance d’appel en tant que pièce supplémentaire l’acte de naissance de leur enfant (C) et argué que l’absence d’indication quant à l’acte d’état civil de la mère établirait le fait que Madame (B) ne serait pas enregistrée en Iran et qu’elle n’aurait pas la nationalité iranienne. L’Etat fait cependant valoir à juste titre qu’il incombe à celui qui se prévaut de n’avoir aucune nationalité d’établir qu’il a perdu la nationalité qui était la sienne par naissance ou qu’il ne peut pas prétendre à la nationalité des Etats pertinents pour lui, à savoir principalement le pays dans lequel il est né, où les membres de sa famille résident, où il a séjourné ou dans lequel il a eu sa résidence (cf. Cour adm.

14 janvier 2021, n° 45047C), mais que la pièce nouvellement versée en cause ne présente pas un caractère authentique suffisant par rapport à la question de la nationalité de Madame (B) pour établir à suffisance de droit et de fait le défaut de nationalité dans son chef.

La Cour rejoint ainsi les premiers juges dans leur conclusion qu’à défaut de preuve contraire, Madame (B) est à considérer comme ayant la nationalité iranienne, tel qu’elle l’a déclaré dès son arrivée au Luxembourg.

Il y a lieu d’ajouter que même dans l’hypothèse où il fallait reconnaître l’absence de nationalité dans le chef de Madame (B), c’est quand même à tort que les appelants estiment que sa situation serait à examiner par rapport à l’Irak. En effet, au vu de l’origine iranienne de ses parents et de son union avec Monsieur (A) depuis 2006 dont deux enfants sont issus, c’est l’Iran, en tant que dernier pays de résidence familial qui doit être considéré comme l’Etat avec lequel elle a entretenu les liens personnels et familiaux les plus étroits au cours de son existence. Les développements des appelants quant à la situation des femmes en Irak sont dès lors à écarter pour être dénués de pertinence.

C’est partant à bon escient que les premiers juges ont retenu que l’examen de la demande de protection internationale de Madame (B) est à effectuer en tenant compte des seuls faits invoqués par rapport à l’Iran.

Quant au fond de la demande de protection internationale des appelants, la Cour constate que le ministre avait relevé un certain nombre d’incohérences dans leur récit et estimé que ce dernier serait incohérent et contradictoire, de sorte à ne pas pouvoir être retenu comme étant avéré, et que leur demande serait en réalité motivée par des motifs d’ordre économique.

Dans son jugement entrepris, le tribunal n’a pas examiné plus loin la question de la crédibilité du récit des appelants, mais a fondé le rejet de leur recours essentiellement sur l’absence d’un incident concret vécu personnellement avec les autorités étatiques en raison de l’adhésion de Monsieur (A) au « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran » et sur la situation de la minorité ethnique kurde en Iran dont les membres constitueraient certes un groupe à risque, mais dont la situation ne serait pas telle qu’ils puissent se prévaloir de raisons de craindre d’être persécutés ou de subir des atteintes graves du seul fait de leur appartenance ethnique. En instance d’appel, le délégué du gouvernement a cependant réitéré la motivation relative au caractère non crédible du récit des appelants déjà avancée par le ministre et ajouté que les nouveaux documents invoqués par eux s’analyseraient en des publications générales qui n’apporteraient pas le moindre élément concret à leur récit personnel en vue d’étayer sa crédibilité.

Or, la Cour constate que le ministre a soulevé dans sa décision déférée une pluralité d’incohérences dans le récit des appelants, dont plus particulièrement :

- La contradiction quant à la date de leur départ d’Iran qu’ils ont situé dans leur audition devant le Service de Police Judiciaire en l’année 2013, tandis qu’ils ont indiqué à l'agent du ministère avoir quitté l'Iran en décembre 2014 ;

- La contradiction des déclarations de Monsieur (A) quant au lieu de séjour de ses parents, vu qu’il aurait expliqué initialement que ces derniers vivraient toujours en Iran, tandis qu’il aurait indiqué plus tard avoir été auprès de ses parents au Kurdistan irakien après son départ d'Iran ;

- La contradiction entre l’affirmation de Monsieur (A) qu’il aurait estimé devoir quitter immédiatement l’Iran après l’avertissement de son collègue ayant participé aux actions de distributions de flyers qu’il serait « grillé » avec ses deux collègues et ne devrait plus retourner chez lui et le fait qu’il aurait tout de même jugé opportun ou nécessaire de retourner chez lui après s’être trouvé à … ;

- L’incohérence dans le comportement de Monsieur (A) qui, suite à l’avertissement de son collègue, a laissé le sac avec des affiches à la maison en acceptant le risque évident que tous ses membres de famille auraient pu être tenus comme étant membres de ce parti kurde interdit, alors qu'une personne qui se serait vraiment retrouvée dans son cas aurait pris soin de détruire ou de faire disparaître ces affiches ;

- La contradiction entre la déclaration de Monsieur (A) d’avoir participé, sur une période de quatre mois, à trois reprises à des distributions de flyers, tandis que Madame (B) aurait déclaré avoir observé que son époux serait sorti « tous les soirs » avec le sac rempli d'affiches, mais indiqué qu’elle ignorerait tout de la prétendue activité politique de son mari ;

- Le fait que Monsieur (A) aurait fait des déclarations contradictoires quant à sa prétendue adhésion au « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » en prétendant, d’un côté, avoir signé un document après une semaine de réflexion qui lui aurait été accordée par des membres prétendus du parti mais, d’un autre côté, dans le cadre de la relecture du rapport de son entretien qu'en fait, il n'aurait jamais rien signé ; en outre, Monsieur (A) aurait fait croire à la Direction de l'immigration qu’il serait devenu membre de ce parti pour y être « entré », mais a versé une pièce suivant laquelle il aurait été uniquement sympathisant dudit parti ; finalement, il n’aurait fourni qu’une explication très superficielle concernant les buts de ce parti ;

- Le fait que les appelants se sont fait délivrer une copie de la carte d’adhésion de Monsieur (A) seulement à Paris en 2017, soit plus ou moins quatre ans après son prétendu départ d'Iran et après avoir été informé du refus de la demande de protection internationale en Suède, alors même que l’on pourrait attendre d'un demandeur de protection internationale réellement en danger dans son pays d'origine, respectivement, qui serait réellement membre, voire, sympathisant, d'un parti kurde iranien interdit, qu'il entreprenne tout ce qui est en son pouvoir pour corroborer ses dires.

Le ministre a en outre insisté sur le fait que Monsieur (A) a remis au ministère un permis de conduire iranien déclaré comme étant un faux document et considéré à cet égard qu’une personne réellement à la recherche d'une protection collabore avec les autorités et ne verse pas de faux documents.

Au vu de l’ensemble de ces éléments d’incohérences et de contradictions, la Cour rejoint le ministre dans sa conclusion que le récit des appelants relatif à la prétendue adhésion de Monsieur (A) au « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » et à son activité politique pour ce parti ne peut pas être admis comme correspondant à la réalité, le ministre ayant même qualifié ce volet comme « une histoire inventée de toutes pièces dans le but d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale » au Luxembourg après le rejet de la demande de protection internationale des appelants par les autorités suédoises.

Dans ces circonstances, au vu encore de ce que ces volets du récit des appelants constituent la motivation essentielle à la base de leur demande, la Cour se doit de conclure que face à ces incohérences et contradictions invalidantes qui affectent le récit des appelants, la crédibilité de leur récit est ébranlée et que c’est partant à bon droit que le ministre a mis en doute la véracité des faits invoqués.

Eu égard à cette conclusion, ledit récit ne saurait utilement être invoqué à l'appui de la demande de protection internationale des appelants prise sous ses deux volets, du statut de réfugié et de celui de la protection subsidiaire, de manière que les appelants sont restés en défaut d'établir qu'ils auraient fait l'objet de persécutions ou qu'ils puissent encore à l'heure actuelle faire état d'une crainte fondée de persécution, tout comme les risques invoqués par eux de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine ne sont pas non plus suffisamment crédibles pour justifier l'octroi du statut de la protection subsidiaire.

Dans un souci d’exhaustivité, la Cour confirme l’analyse des premiers juges, sur base des motifs contenus dans le jugement entrepris auxquels la Cour renvoie pour le surplus, relative à la situation générale de la minorité ethnique kurde en Iran. Ils ont en effet considéré à bon escient, sur base des éléments en cause, que si les membres de cette minorité constituent certes un groupe à risque et qu’ils sont souvent la cible de discriminations, cette situation ne permet pas de retenir que les Kurdes courent tous un risque réel de subir des actes suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves.

Au vu de cette conclusion, le moyen des appelants relatif à la prétendue violation de l’article 3, paragraphe (1), de la Convention du 20 novembre 1988 relative aux droits de l’enfant est à rejeter, étant donné qu’à défaut d’un quelconque incident concret, la crainte des appelants que leurs enfants fassent l’objet d’actes de torture pour être Kurdes et être les enfants d’un adhérent au parti politique kurde « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », est trop hypothétique pour justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

Il se dégage des considérations qui précèdent que c'est à bon droit, mais pour d’autres motifs, que les premiers juges ont rejeté le recours tendant à l'octroi de la protection internationale.

Les appelants sollicitent encore la réformation du jugement entrepris en ce qu’il confirme la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire. Cependant, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu'il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale des appelants et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l'ordre de quitter le territoire, l'appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris mais partiellement pour d’autres motifs.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 1er juin 2022 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants, partant, confirme le jugement entrepris du 2 mai 2022, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 19 janvier 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 janvier 2023 Le greffier de la Cour administrative 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47499C
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-01-19;47499c ?

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