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15/12/2022 | LUXEMBOURG | N°154/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 décembre 2022, 154/22


N° 154 / 2022 pénal du 15.12.2022 Not. 2874/18/CD Numéro CAS-2022-00036 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze décembre deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

PREVENU1.), né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à L-ADRESSE1.), placé sous tutelle auprès de l’association sans but lucratif ORGANISATION1.), établie à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrê

t qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 mars 2022 sous le numéro 14/22 Ch. Crim....

N° 154 / 2022 pénal du 15.12.2022 Not. 2874/18/CD Numéro CAS-2022-00036 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze décembre deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

PREVENU1.), né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à L-ADRESSE1.), placé sous tutelle auprès de l’association sans but lucratif ORGANISATION1.), établie à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 mars 2022 sous le numéro 14/22 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, au nom de PREVENU1.), suivant déclaration du 8 avril 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 10 mai 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général MAGISTRAT1.).

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, après avoir retenu que PREVENU1.) ne pouvait bénéficier de l’article 71-1 du Code pénal, l’avait condamné du chef de vols qualifiés à une peine de réclusion et aux peines accessoires prévues aux articles 10, 11 et 12 du Code pénal.

La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l'article 71-1 du Code pénal qui dispose que :

ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine. » Alors que les Juges d'appel et de première instance n'ont pas retenu l'application de l'article 71-1 du Code pénal ;

Qu'il y a lieu de souligner que Monsieur l'Avocat général MAGISTRAT1.) a sollicité l'application de l'article 71-1 du Code pénal aux vu des innombrables pièces versées par le mandataire de PREVENU1.) ;

Qu'il convient de se référer à la motivation de l'arrêt attaqué qui mentionne :

de certificats médicaux, desquels il résulte que PREVENU1.) souffre d'un certain nombre de pathologies, de dépression, d'éthylisme, qu'il consomme des stupéfiants et qu'il s'est vu accorder le statut de travailleur gravement handicapé le 25 juin 2009.

Le jugement a quo retient qu'il a été placé sous curatelle par un jugement du 22 mai 2019, soit plus d'un an après les faits. Le prévenu se trouve actuellement sous tutelle.

Toutefois, il ne résulte pas de ces divers éléments qu'au moment des faits, le prévenu ait présenté des troubles mentaux de nature à altérer son discernement.

L'état alcoolisé du prévenu au moment des faits ne saurait valoir cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale. » Que de cette motivation, il résulte clairement que les juges d'appel se contredisent en deux paragraphes en retenant les différentes pathologies de Monsieur PREVENU1.) et notamment l'éthylisme en tant qu'une des maladies et pathologies affectant le requérant sans en tirer les conséquences qui s'imposent mais surtout en motivant leur décision par le simple fait qu'il ne résulterait pas des divers éléments qu'au moment des faits, le prévenu ait présenté des troubles mentaux de 2 nature à altérer son discernement et que l'état alcoolisé du prévenu au moment des faits ne saurait valoir cause d'irresponsabilité ou atténuation de la responsabilité pénale.

Qu'il est constant en cause que l'éthylisme a été reconnu comme pathologie à côté de toutes les autres pathologies existantes et affectant le comportement du requérant.

Les faits remontent à la date du 25 janvier 2018.

Il résulte sans équivoque du certificat médical du médecin psychiatre PERSONNE1.) (pièce 13) du 30 mai 2018 que le requérant souffre de :

- Ethylisme chronique - ADHA prononcé - Polytoxicomanie (sous traitement de substitution à la date du 30.05.2018) - Epilepsie - Troubles de personnalité Il est tout aussi constant que le certificat du Dr PERSONNE1.) reprend les mêmes pathologies que le Dr PERSONNE2.) au mois de février 2013.

Qu'il est donc constant en cause que le requérant souffrait au moment des faits des différentes pathologies reconnues depuis 2013 et existantes au moment des faits et s'extériorisant par le comportement spécifique du requérant.

Que la coprévenue PREVENU2.) a décrit et relevé à suffisance de droit le comportement totalement inhabituel et déplacé du requérant dû à ses pathologies.

Que dans ces conditions, les juges auraient dû faire application de l'article 71-1 du Code pénal.

Que partant les éléments constitutifs de l'altération résultant du comportement inhabituel et inapproprié en relation directe avec les pathologies du requérant ;

Qu'il est donc constant que les juges n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations ;

Que l'article 71-1 du Code pénal a été violé ;

Que la cassation est encourue de ce chef. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits et éléments de preuve, desquels ils ont déduit dans la motivation reproduite au moyen, que le demandeur en cassation ne présentait pas, au moment des faits, des troubles mentaux susceptibles d’altérer son discernement et qu’il ne pouvaitprétendre à une atténuation de la peine sur base de l’article 71-1 du Code pénal, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 8,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quinze décembre deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

MAGISTRAT2.), président de la Cour, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT6.), conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour GREFFIER1.).

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président MAGISTRAT2.) en présence du procureur général d’Etat adjoint MAGISTRAT7.) et du greffier GREFFIER1.).

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PREVENU1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2022-00036 du registre Par déclaration faite le 08 avril 2022 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, a formé pour et au nom de PREVENU1.) un recours en cassation contre l’arrêt n°14/22 Ch. Crim. rendu le 9 mars 2022 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 10 mai 2022 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi est ainsi recevable pour avoir été introduit dans la forme et le délai de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, étant entendu que le 08 mai 2022 était un dimanche de sorte que le délai d’un mois a été prorogé, compte tenu du jour férié du lundi 09 mai 20221, au mardi 10 mai 2022, premier jour ouvrable suivant le dimanche 08 mai 20222.

Faits et rétroactes Par jugement numéro 14/22 rendu en date du 25 février 2021 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, statuant contradictoirement à l’encontre du demandeur en cassation ainsi que de deux inculpés, et par défaut à l’égard d’un quatrième inculpé, le mandataire du demandeur en cassation et ceux de deux autres inculpés ainsi que le représentant du Ministère Public entendus en leurs conclusions, le demandeur en cassation a été condamné entre autres à une peine de réclusion de six ans du chef d’un vol commis à l’aide de violences et de menaces, dans une maison habitée avec effraction et à l’aide de fausses clés, la nuit par plusieurs personnes, d’une tentative d’extorsion par menaces dans une maison habitée avec effraction et à l’aide de fausses clés la nuit par plusieurs personnes et d’une violation de domicile au moyen d’effraction.

1 Jour de l’Europe 2 Article 5 de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972 approuvée par la Loi du 30 mai 1984 (Mém. A n°57 du 16 juin 1984, pages 923 ss)Le même jugement a dit qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 71-1 du Code pénal au demandeur en cassation.

En date du 02 avril 2021 le demandeur en cassation, à l’instar d’un autre inculpé3, a fait interjeter appel au greffe du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Cet appel a été suivi, en date du 06 avril 2021, par un appel du Ministère public limité au demandeur en cassation4 contre le même jugement.

Suite à ces appels, la Cour d’appel, chambre criminelle, statuant contradictoirement, les mandataires des appelants entendus en leurs explications et moyens de défense ainsi que le représentant du ministère public en son réquisitoire, a, par arrêt numéro 14/22 Ch. Crim. rendu en date du 09 mars 2022, reçu les appels en la forme, les a dit non fondés et a confirmé le jugement entrepris.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant à l’unique moyen de cassation :

tiré de « la violation de l’article 71-1 du Code pénal qui dispose que :

« La personne qui était atteinte au moment des faits de troubles mentaux ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine. » ».

Le moyen reproche ainsi à l’arrêt entrepris de :

- s’être contredit dans la motivation5 - d’avoir mal apprécié les éléments constitutifs de l’altération du comportement a) Quant à la prétendue contradiction de motifs Pour autant que la contradiction de motifs est visée le moyen est inopérant alors que la contrariété de motifs, valant défaut de motifs, relève des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale mais non pas de l’article 71-1 du Code pénal.

Par ailleurs la contrariété de motifs invoquée par le demandeur en cassation n’est pas donnée.

3 Celui-ci ayant interjeté appel le 08 mars 2021 4 Un appel limité contre l’autre appelant a été formulé par le Ministère public en date du 10 mars 2021 5 Page 2 dernier alinéa du mémoire en cassation En effet, selon le demandeur en cassation le paragraphe :

« En l'occurrence, le mandataire de PREVENU1.) verse un certain nombre de certificats médicaux, desquels il résulte que PREVENU1.) souffre d'un certain nombre de pathologies, de dépression, d'éthylisme, qu'il consomme des stupéfiants et qu'il s'est vu accorder le statut de travailleur gravement handicapé le 25 juin 2009. Le jugement a quo retient qu'il a été placé sous curatelle par un jugement du 22 mai 2019, soit plus d'un an après les faits. Le prévenu se trouve actuellement sous tutelle. » serait en contradiction avec le paragraphe :

« Toutefois, il ne résulte pas de ces divers éléments qu'au moment des faits, le prévenu ait présenté des troubles mentaux de nature à altérer son discernement.

L'état alcoolisé du prévenu au moment des faits ne saurait valoir cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale. ».

Or, 1) Il n’y a aucune contradiction entre retenir qu’une personne souffre d’un certain nombre de pathologies, dont éthylisme défini comme un ensemble de troubles résultant de la consommation d’alcool, et la constation qu’au moment des faits il n’y avait pas de trouble mental de nature à altérer son discernement, alors que l’existence d’un éthylisme n’entraîne pas ipso facto une application automatique de l’article 71-1 (infra sub b), 2) Il ne résulte par ailleurs pas de l’arrêt entrepris que la Cour aurait retenu que les pathologies dont elle relève l’existence à travers de certificats médicaux versés par l’actuel demandeur en cassation aient existé à la date des faits ; exception faite du statut de travailleur gravement handicapé dont elle relève qu’il date du 25 juin 2009.

b) Quant à l’appréciation des éléments constitutifs de l’altération du comportement Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt entrepris de ne pas avoir retenu à son profit l’article 71-1 alors que les pathologies existantes auraient dû amener à cette conclusion.

Ce reproche ne saurait être admis alors que :

1) d’une part l’appréciation de l’existence ou non d’une altération du discernement relève de l’appréciation souveraine du juge du fond6, et, 2) d’autre part aucun élément du dossier ne permet d’affirmer qu’il existait une altération du discernement à la date des faits ; la tutelle n’ayant d’ailleurs été prononcée que 16 mois après ces faits.

La seule pathologie dont on pourrait conclure que si elle existe – ce qui résulte de la pièce 13 du demandeur en cassation mais dont il ne ressort pas du dossier auquel Votre Cour peut avoir égard qu’elle ait été produite en instance d’appel – elle se manifeste plus ou moins continuellement – est l’éthylisme chronique.

Il résulte cependant du certificat versé qu’en l’espèce celui-ci entraine un trouble de concentration et d’attention et non pas une altération des facultés mentales ayant une relevance pour la commission des infractions – instantanées – dont le demandeur en cassation a été déclarée coupable.

Par ailleurs la jurisprudence des juridictions de fond7 n’applique l’article 71 du Code pénal, dont l’article 71-1 n’est qu’une déclinaison, à l’ivresse que si elle entraîne une démence – totale pour l’article 71 ou partielle pour l’article 71-1 - de l’actuel demandeur en cassation8 ce qui n’est pas établi pour le moment des faits.

Par voie de conséquence le moyen est à rejeter.

Conclusion Le pourvoi est recevable.

L’unique moyen de cassation est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, MAGISTRAT1.) 6 En ce sens: Cass. Fr., 14 avril 2021, pourvoi n°20-80.135, point 28 et Merle et Vitu, Traité de droit criminel, t. 1 n°572 cité in D et A SPIELMANN, Droit pénal général luxembourgeois ;

Bruylant, 2002, page 367 7 La Cour de cassation française semble suivre une approche similaire, voir à cet égard Cour de cassation française, Chambre criminelle, 29 janvier 1921, JURITEXT000007053419 8 Voir à cet égard D et A SPIELMANN, Droit pénal général luxembourgeois ; Bruylant, 2002, pages 363ss et notamment les pages 366 , 367, 368 et 369 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 154/22
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-12-15;154.22 ?

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