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10/11/2022 | LUXEMBOURG | N°47256C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 novembre 2022, 47256C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47256C ECLI:LU:CADM:2022:47256 Inscrit le : 30 mars 2022

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Audience publique du 10 novembre 2022 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 21 février 2022 (n° 45271 du rôle) ayant statué sur son recours formé contre une décision du conseil communal de (GH), un arrêté grand-ducal et une décision du ministre de l’Intérieur en m

atière de taxes communales

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 47256C ECLI:LU:CADM:2022:47256 Inscrit le : 30 mars 2022

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Audience publique du 10 novembre 2022 Appel formé par la société anonyme (AB), …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 21 février 2022 (n° 45271 du rôle) ayant statué sur son recours formé contre une décision du conseil communal de (GH), un arrêté grand-ducal et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de taxes communales

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 47256C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 mars 2022 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ S.A., établie et ayant son siège social à L-1610 Luxembourg, 24-26, avenue de la Gare, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 220251, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Jean-Louis SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AB), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 21 février 2022, par lequel ledit tribunal a déclaré irrecevable son recours tendant à l’annulation (i) de la délibération du conseil communal de (GH) du 22 avril 2020 portant modification du règlement-taxe du 12 juin 2006 concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH), (ii) de l’arrêté grand-ducal du 29 juillet 2020 portant approbation de ladite délibération et (iii) de la décision du ministre de l’Intérieur du 21 août 2020 portant approbation de la même délibération;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2022 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de (GH), établie à L-…, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 29 avril 2022;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 mai 2022 au nom de l’appelante;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juin 2022 au nom de l’administration communale de (GH);

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;

Le magistrat rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Louis SCHILTZ et Maître Steve HELMINGER, assisté par Maître Adrien KARIGER, et Monsieur le délégué du gouvernement Paul SCHINTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2022.

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Lors de sa séance publique du 22 avril 2020, le conseil communal de (GH), ci-après le « conseil communal », décida de modifier l’article 3 de son règlement-taxe modifié du 24 mai 2004 concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH), en augmentant le montant de la taxe de 1 à 2 euros par tonne de déchets inertes déposée. Ladite délibération est basée sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Précisant que le plan directeur sectoriel ‘Décharges pour matériaux inertes’ prévoit l’exploitation d’une décharge pour matériaux inertes à cheval sur le territoire des communes de (IJ) et de (GH) aux lieux-dits ‘…’, ‘…’ et ‘…’, laquelle décharge est actuellement en exploitation depuis une demie douzaine d’années ;

Vu la délibération de notre conseil communal du 24 mai 2004 portant adoption d’un règlement-taxe concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH), laquelle délibération a été approuvée par Monsieur le Ministre de l’Intérieur en date du 5 juillet 2004, réf. … ;

Notant que dans le cadre dudit règlement-taxe, le montant de la taxe afférente avait été fixé à 2 € par tonne de déchets inertes ;

Revu la délibération de notre conseil communal du 12 juin 2006 portant adoption d’un règlement-taxe concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH), laquelle délibération a été approuvée par arrêté grand-ducal du 24 juillet 2006 et par décision de Monsieur le Ministre de l’Intérieur du 21 août 2006, réf. … ;

Notant que dans le cadre dudit règlement-taxe, le montant de la taxe afférente avait été fixé à 1 € par tonne de déchets inertes ;

Attendu que notre conseil communal se propose actuellement de relever ladite taxe à 2,00 € et qu’il s’est à cet effet concerté informellement avec les responsables politiques de la commune voisine de (IJ) ;

Revu la délibération de notre conseil communal du 25 mars 2019 portant modification du règlement-taxe concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH) ;

Attendu qu’à l’occasion de ladite délibération du 25 mars 2019, notre collège des bourgmestres et échevins avait renoncé à demander un avis préalable au sujet du projet de règlement-taxe auprès de l’Administration de l’Environnement, alors que notre collège avait jugé que les dispositions de l’article 20 (9) de la loi modifiée du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets ne seraient pas applicables au cas de figure concerné ;

Notant que par la suite et pour des raisons de sécurité juridique, ledit avis préalable a néanmoins été sollicité ;

Notant que dans le cadre de son avis du 22 juillet 2019, le Directeur de l’Administration de l’Environnement indique que « sur base de la loi modifiée du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets, nous n’avons pas de remarques quant à une augmentation du montant de la taxe par tonne de déchets inertes déposées. » ;

Revu la délibération de notre conseil communal du 8 août 2019 portant modification du règlement-taxe concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH) ;

Notant que notre commune devra faire face dans les années prochaines à un certain nombre de projets engendrant des dépenses d’envergure, tels que notamment l’extension de l’école fondamentale et la construction d’un nouvel atelier ;

Attendu qu’il résulte du plan pluriannuel de financement (PPF) dressé début mars 2020 par notre collège des bourgmestres et échevins conformément à l’article 129bis de la loi communale, que notre commune accuse un besoin en financement externe (emprunt) prévisible pour les années 2021 à 2023 de quelques 7.570.000 € ;

Notant que la recette annuelle supplémentaire, résultant d’une augmentation de la redevance pour déchets inertes de 1 à 2 € / tonne, est estimée à quelques … € et que la durée d’exploitation restante de la décharge en question est estimée à quelques 6,4 ans ;

Vu les articles 99, 102 et 107 de la Constitution ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Vu la loi modifiée du 13 juin 1994 relative au régime des peines ;

Vu la loi modifiée du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets et notamment son article 20 ;

Vu le règlement grand-ducal du 9 janvier 2006 déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel « décharges pour déchets inertes » ; (…) ».

Cette délibération fut approuvée, d’une part, par arrêté grand-ducal du 29 juillet 2020 et, d’autre part, par décision du 21 août 2020 du ministre de l’Intérieur, ci-après dénommé le « ministre ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020, la société anonyme (AB), ci-après dénommée la « société (AB) », fit introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal du 22 avril 2020, de l’arrêté grand-ducal du 29 juillet 2020 et de la décision du ministre du 21 août 2020, précités.

Par jugement du 21 février 2022, le tribunal administratif déclara ce recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 30 mars 2022, la société (AB) a interjeté appel contre ce jugement du 21 février 2022.

L’appelante conclut de prime abord à la nullité du jugement entrepris, au motif que les premiers juges auraient statué infra petita, et demande à voir renvoyer l’affaire en première instance pour voir statuer à nouveau sur la recevabilité et le bien-fondé de son recours contentieux.

Elle reproche aux premiers juges d’avoir considéré que le recours dont ils étaient saisis était limité à la seule augmentation de la taxe litigieuse du fait de la délibération du 22 avril 2020, alors qu’à travers son action, elle entendait contester tant le principe même de la taxe litigieuse que son augmentation ainsi que ses règles de perception et visait donc directement cette délibération, mais aussi indirectement et par voie d’exception le règlement-taxe du 12 juin 2006, ainsi que le règlement-taxe adopté le 24 mai 2004 concernant la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune de (GH), ci-après le « règlement du 24 mai 2004 » [il convient de préciser qu’un règlement taxe avait été adopté par le conseil communal de (GH) dès le 24 mai 2004, approuvé par arrêté grand-ducal du 30 juin 2004 et par une décision du ministre du 5 juillet 2004, et que par la délibération prévisée du 12 juin 2006, le même conseil communal avait revu à la baisse la taxe initialement fixée (2,00 €) à 1,00 € par tonne de déchets].

En effet, son intérêt à agir ne devrait pas uniquement être apprécié par rapport à la délibération du 22 avril 2020, mais aussi par rapport au règlement-taxe du 12 juin 2006, voire celui antérieur du 24 mai 2004, et, plus précisément, par rapport aux moyens d'illégalité quant à la taxe litigieuse en son principe.

Ainsi, selon l’appelante, les premiers juges seraient à sanctionner pour avoir limité leur analyse de son intérêt à agir à la seule augmentation de la taxe litigieuse, alors qu’il leur aurait appartenu de la situer dans le contexte des règlements antérieurs dans lequel elle s’inscrit.

Ensuite, la société (AB) insiste avoir intérêt à agir à l’encontre de la règlementation-taxe litigieuse.

Déclarant être la seule à exploiter sur le territoire de la commune de (GH) une décharge pour déchets inertes, elle serait à considérer comme étant le destinataire direct de la délibération du 22 avril 2020.

Ce serait d'ailleurs pour cette raison que la commune l’en aurait informée par courrier du 21 septembre 2020, tout en l’informant des voies de recours ouvertes contre ladite délibération.

Elle aurait également pour la même raison intérêt à agir contre les règlements des 24 mai 2004 et 12 juin 2006.

Elle estime qu’il devrait « être permis de remettre en cause l'argument selon lequel (AB) devrait rapporter la preuve que l'annulation des actes querellés serait susceptible de lui profiter personnellement et directement dans le sens que sa situation de fait ou de droit s'en trouverait améliorée ». En effet, elle viserait des actes à caractère règlementaire susceptibles d'être attaqués par toutes les personnes auxquelles ils s'appliquent, par celles auxquelles ils ont vocation à s'appliquer et par celles qui sans y être à proprement parler soumises en subissent directement les effets.

Elle précise que la délibération du 22 avril 2020 aurait pour effet de porter « pour un tonnage de … tonnes, la taxe perçue par les communes de (GH) et de (IJ) de ….- € à ….- € soit, le double ! ».

Or, comme elle en serait le destinataire et comme les décisions s’appliqueraient à elle, l’appelante entend de ce seul fait se voir reconnaître un intérêt indéniable à agir à l’encontre des actes attaqués visés.

Elle reproche aux premiers juges d’avoir tiré argument de ce que l’opération resterait financièrement neutre pour lui dénier cet intérêt.

En effet, il conviendrait sous ce rapport de prendre aussi en compte les dispositions du règlement-taxe du 12 juin 2006 également critiqué d'illégal au titre du recours soumis aux premiers juges.

Or, selon l’appelante, le règlement du 12 juin 2006 prévoirait que la taxe serait directement perçue auprès d’elle, qu’elle devrait remettre à la fin de chaque trimestre une déclaration à la commune indiquant les quantités exactes des déchets inertes mis en décharge ainsi que le montant de la taxe due, que les sommes non réglées sont productrices d'intérêts de retard et qu’elle serait tenue de donner accès à ses locaux aux agents de surveillance de la commune et de se soumettre aux mesures de contrôle décidées par cette dernière, etc.

Relevant que la jurisprudence admettrait même comme étant suffisant un intérêt seulement virtuel, son intérêt à agir serait en l’espèce partant patent et le jugement entrepris serait à réformer en ce sens avec renvoi du dossier en prosécution de cause en première instance.

En termes de réplique, la partie appelante ajoute que l'augmentation de la taxe serait motivée, du moins en partie, par les nuisances causées par la décharge. Or, de par cette référence aux nuisances, on pourrait déduire qu'en réalité, ce serait l'exploitation de la décharge et les nuisances qui en découlent, qui seraient visées par la taxe en question et, de la sorte, en tant qu'exploitant de la décharge, elle serait visée par ladite taxe et lui dénier un intérêt à agir serait juridiquement inconcevable.

Elle ajoute encore que la mise en balance tardive des besoins financiers pour justifier l’augmentation de la taxe permettrait de dégager que les considérations financières avancées ne seraient qu’un prétexte et que les véritables motifs à la base de la taxe seraient les nuisances causées et son intérêt serait encore vérifié sous ce regard. – L’appelante demande encore dans ce contexte « d'enjoindre à la Commune de communiquer les dossiers communaux relatifs aux délibérations de mars et d’août 2019 » et de surseoir à statuer en attendant.

Elle fait ajouter qu’il ne serait point établi que la taxe actuelle, sans augmentation, ne suffirait pas pour supporter le coût des infrastructures que la commune entend voir financées par l'augmentation de la taxe.

Faute de justification économique et financière de la taxe, l’on ne saurait en tout cas lui dénier l’accès au prétoire pour agir à son encontre.

Dans un autre ordre d’idées, l’appelante fait valoir que la taxe augmentée par la délibération du 22 avril 2020 constituerait la taxe communale la plus élevée à payer en matière de décharges pour déchets inertes, la taxe afférente perçue par les communes de Préizerdaul et de Mompach n’étant que de 1,25 €. Or, outre la distorsion des conditions de concurrence entre exploitants de décharges pour déchets inertes, ces différences au niveau des tarifs pratiqués par les communes se trouveraient au cœur du présent litige, au motif que l’introduction de différenciations là où la loi prévoirait un traitement égalitaire sous forme d'un régime de gestion de déchets inertes applicable à tous serait problématique et illégale. Il y aurait encore de ce fait intérêt à agir dans son chef.

Les parties intimées concluent en substance au rejet de l’appel pour manquer de fondement.

Au titre de la question de l’intérêt à agir, l’administration communale de (GH) insiste que l’appelante omettrait de rapporter la preuve d'une aggravation concrète de sa situation personnelle du fait de la décision administrative entreprise et soutient que la délibération du 22 avril 2020 n'aurait partant aucun effet direct sur elle ou son exploitation.

Ainsi, si l’appelante était certes redevable de la taxe mise en place par le règlement-taxe litigieux, elle ne ferait que continuer à la commune la taxe facturée aux entreprises venant déposer leurs déchets sur la décharge, celles-ci supportant in fine ladite taxe.

L’appelante ne subirait un quelconque préjudice du fait de cette taxe, « c.-à-d. une quelconque diminution de son profit, voire que ladite taxe rendrait à mal sa position concurrentielle, alors qu'elle argue elle même que les entrepreneurs n'auraient pas le choix de la décharge à laquelle ils déposent leurs déchets ». En outre, elle ne démontrerait pas que l'augmentation de la taxe lui ferait subir une quelconque perte de profit, respectivement qu'elle aurait pour conséquence une diminution du volume de déchets déposés.

La commune remarque encore que ses recherches auraient fait apparaître que « les décharges actuellement exploitées au Luxembourg sont celles exploitées directement ou indirectement par les sociétés (AB), (CD) et (EF). Ces trois sociétés ont leur siège social à l'exact même adresse et il semble donc que les bénéficiaires économiques de ces 3 sociétés soient également du moins pour majeure partie les exactes mêmes ».

L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

QUANT A LA DEMANDE EN ANNULATION DU

JUGEMENT

A QUO L’intérêt donnant qualité pour introduire un recours en annulation contre un acte administratif à caractère règlementaire doit s’apprécier fondamentalement par rapport à l’acte directement visé dont l’on sollicite l’annulation.

Ainsi, lorsqu’un demandeur, qui, comme en l’espèce, n’a pas contesté le règlement grand-ducal initial, forme un recours contre un règlement grand-ducal modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le règlement modificatif au règlement initialement adopté.

En effet, au-delà de toutes autres considérations, un moyen d’illégalité du règlement initial soulevé par voie d’exception au niveau du règlement modificatif n’est en tout état de cause pas opérant au niveau de la recevabilité du recours, mais ne relève tout au plus que du fond de l’affaire en ce qu’il tend à établir l’illégalité de l’acte modificatif attaqué moyennant la mise en balance de l’illégalité de l’acte initial sur lequel il prend appui de façon basique.

En l’espèce, les premiers juges ne se sont partant point mépris en limitant leur analyse de la recevabilité en raison de l’intérêt à agir à la seule portée du règlement grand-ducal modificatif attaqué et le moyen de nullité du jugement a quo est partant à écarter pour manquer de fondement.

QUANT A L’INTERET A AGIR DANS LE CHEF DE LA DEMANDERESSE INITIALE Les premiers juges sont de prime abord à confirmer dans leur cadrage légal de la question de l’intérêt à agir dans le chef de la partie demanderesse initiale pour agir contre des actes constituant en l’occurrence des actes administratifs à caractère réglementaire par rapport à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », en vertu duquel :

« (1) Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.

(2) Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain. (…) ».

Les premiers juges ne sont point non plus critiquables en ce qu’ils ont mis en exergue qu’il se dégage de la susdite disposition légale qu’un demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général pour pouvoir introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire, d’une part, et que concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, légalement requis, pour qu’il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère règlementaire, il ne suffit pas qu’un demandeur fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre l’acte querellé et sa situation personnelle, de deuxième part, et que la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, d’un intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à caractère règlementaire soit déclaré recevable, de troisième part.

Ainsi, le recours contentieux contre un acte administratif à caractère règlementaire n’est recevable que si l’annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au demandeur en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s’en trouver améliorée.

C’est par ailleurs le jour de l'introduction du recours qui vaut comme point de référence pour apprécier la recevabilité d’un recours et partant les questions d'intérêt à agir.

En l’espèce, il convient de constater que les redevables de la taxe pour la mise en décharge de déchets inertes sont les personnes physiques ou morales qui déposent des déchets inertes, mais non pas les exploitants des décharges pour déchets inertes, telle la partie appelante.

S’il est vrai que la perception de ladite taxe auprès des exploitants de décharges et les charges administratives qu’elle peut engendrer à leur niveau ont des répercussions sur le coût de l’exploitation des décharges, il n’en reste pas moins que ce n’est pas le règlement en l’occurrence attaqué qui fixe le principe, ainsi que les modalités de perception et de recouvrement, ces derniers ayant été réglés par le règlement-taxe initial du 24 mai 2004, lequel, comme il a été ci-avant relevé, ne fait pas l’objet du recours sous examen.

En effet, la portée de la délibération attaquée du 22 avril 2020 est limitée à une nouvelle fixation du montant de la taxe concernant la mise en décharge de déchets inertes, qui est à nouveau augmenté de 1,00 € à 2,00 €, le tout moyennant la modification ponctuelle afférente au niveau du règlement-taxe modifié du 24 mai 2004.

Or, la taxe en tant que telle reste de prime abord financièrement neutre au niveau des exploitants de décharges, elle ne présente point de coût, ni directement, puisqu’elle est supportée par les déposants, ni indirectement, puisque les charges à supporter par l’exploitant ne s’en ressentent pas.

Concernant la mise en balance du risque de perdre des clients et partant de l’intérêt concurrentiel encore pointé par l’appelante, force est de constater que s’il est vrai que l’augmentation du taux peut avoir des répercussions sur le coût de production des entrepreneurs devant user de la décharge, il n’en reste pas moins que la société (AB) quant à elle, du fait de se trouver dans une situation de monopole, notamment du fait que le principe de proximité, consacré par le règlement grand-ducal du 9 janvier 2006 déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel « décharges pour déchets inertes », entretemps abrogé et remplacé, mais applicable au jour du dépôt de la requête introductive de première instance, commandant un transports des déchets à la décharge la plus proche du chantier générateur, ne justifie pas non plus d’un intérêt direct et certain de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation de la délibération modificative de ce fait.

Concernant le fait que la commune a spécialement informé l’appelante de l’existence de la délibération modificative litigieuse et indiqué les voies de recours ouvertes contre elle n’est pas à lui seul de nature à conférer un intérêt suffisant pour agir à son encontre.

Les arguments encore développés autour de la motivation de l'augmentation de la taxe en raison des seules nuisances engendrées par la décharge, la prétendue fausseté des considérations financières encore mises en avant, voire la prétendue violation du principe de l’égalité devant la loi par des taxes variant d’une commune à l’autre, s’ils sont, le cas échéant, de nature à affecter la légalité de la taxe, leur éventuelle pertinence se limite au fond de l’affaire et les considérations afférentes ne sont pas de nature à inférer sur la recevabilité et, plus particulièrement, sur la question de l’existence d’un intérêt suffisant à agir dans le chef de la demanderesse initiale. Ils sont partant à écarter, ensemble avec la demande en communication du dossier communal relatif aux délibérations de mars et d’août 2019, pour manquer de pertinence sous ce rapport.

Il se dégage des considérations qui précèdent que l’appelante ne justifie pas d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre des actes déférés et c’est partant à bon droit que les premiers juges ont déclaré son recours irrecevable.

Quant à la demande formulée par l’administration communale de (GH) tendant à la condamnation de l’appelante au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- €, elle est à rejeter, étant donné que les conditions légales afférentes ne sont pas remplies.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit l’appel en la forme;

le dit non fondé et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 21 février 2022;

déboute l’administration communale de (GH) de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 novembre 2022 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47256C
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-11-10;47256c ?

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