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30/06/2022 | LUXEMBOURG | N°96/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2022, 96/22


N° 96 /2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00101 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

D), demanderesse en cassation, comparant par M

aître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

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N° 96 /2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00101 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

D), demanderesse en cassation, comparant par Maître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

1) C), 2) Maître Bertrand COHEN-SABBAN, défendeurs en cassation.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 155/21 - I - DIV (aff. fam.), rendu le 30 juin 2021 sous le numéro CAL-2021-00472 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge aux affaires familiales ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 3 septembre 2021 par D) à C) et à Maître Bertrand COHEN-SABBAN, déposé le 9 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le juge aux affaires familiales de Luxembourg avait déclaré fondée la demande de D) tendant au rachat de ses droits de pension pour une certaine période et ordonné à la Caisse nationale de pension de procéder au calcul du montant de référence. La Cour d’appel a déclaré l’appel interjeté par D) caduc.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’articles 264, alinéa 2 du Nouveau code de procédure civile ;

En ce que la Cour d’appel a déclaré l’appel introduit par D) par requête déposée le 22 avril 2021 caduc ;

Alors qu’aux termes de l’article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile dispose qu’aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse », De sorte que la Cour d’appel aurait dû recevoir l’appel en la forme et prendre une décision quant au fond dans la présente affaire. ».

Réponse de la Cour Vu l’article 264, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile.

Aux termes de l’article 1007-43, paragraphe 4, du Nouveau Code de procédure civile, l’appelant fait signifier la requête d’appel à l’intimé par huissier de justice avec, à peine de nullité de la signification, la mention que l’intimé est tenu de constituer avocat dans un délai de quinzaine, augmenté le cas échéant des délais de distance.

L’acte de signification de la requête d’appel du 26 avril 2021 ne contient pas cette mention.

L’omission dans l’acte de signification de la mention que l’intimé est tenu de constituer avocat constitue une nullité de forme qui ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de cette formalité aura eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de l’intimé.

Il résulte des éléments du dossier que le défendeur en cassation avait constitué avocat à la Cour et qu’il était représenté à l’audience par cet avocat.

En prononçant la nullité de l’acte de signification de la requête d’appel et, partant la caducité de l’appel, sans constater que l’intimé avait subi un préjudice, les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

casse et annule l’arrêt attaqué, numéro 155/21 - I - DIV (aff. fam.), rendu le 30 juin 2021 sous le numéro CAL-2021-00472 du rôle par la Cour d’appel du Grand-

Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge aux affaires familiales ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;

condamne C) aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Deidre DU BOIS, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation D) contre C) et Maître Bertrand COHEN-SABBAN Le pourvoi en cassation introduit par D), signifié le 3 septembre 2021 à C) et Maître Bertrand COHEN-SABBAN, parties défenderesses en cassation, et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 9 septembre 2021, est dirigé contre l’arrêt n° 155/21 – I – DIV (aff. fam.) rendu le 30 juin 2021 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, inscrit sous le n° CAL-2021-

00472 du rôle.

Il n’appert pas du dossier que l’arrêt dont pourvoi a fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois en cassation et la procédure en cassation.

L’unique moyen de cassation:

L’unique moyen est tiré de la violation de l’articles 264, alinéa 2 du NCPC « en ce que la Cour d’appel a déclaré l’appel introduit par D) par requête déposée le 22 avril 2021 caduc, alors qu’aux termes de l’article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile dispose « qu’aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse », La motivation de la Cour d’appel est la suivante :

«C) soulève in limine litis l’irrecevabilité de l’appel, les mentions prévues à peine de nullité par l’article 1007-43 du Nouveau Code de procédure civile, et notamment le mode de comparution, n’ayant pas été indiquées dans l’acte de signification de la requête d’appel. Il se réfère à une décision de la Cour de cassation du 28 avril 2005 (Cass. n° 27/05 du 28 avril 2005) qui a retenu que les dispositions relatives au mode de comparution étaient d’ordre public. L’acte de signification étant nul, la requête d’appel n’aurait pas été valablement signifiée et l’instance n’aurait partant pas été introduite.

L’appelante réplique que, l’intention du législateur ayant été de faciliter la procédure, l’omission d’indiquer cette mention ne saurait être constitutive d’une nullité de fond. La signification de la requête d’appel n’aurait pour but que d’informer l’intimé du dépôt de cette requête.

- Quant à la recevabilité de l’appel Selon l’article 1007-43 (1) et (2) du Nouveau Code de procédure civile, l’appel est porté devant la Cour d’appel siégeant en matière civile et est formé par requête à signer par un avocat à la Cour et à déposer au greffe de la Cour.

En outre, aux termes du point 4 de l’article précité « l’appelant fait signifier la requête à l’intimé par huissier de justice avec, à peine de nullité de la signification, la mention que l’intimé est tenu de constituer avocat dans un délai de quinzaine, augmenté le cas échéant des délais de distance, ainsi que les mentions prescrites aux articles 80 et 153. La signification de la requête doit être opérée dans le mois du dépôt au greffe sous peine de caducité de l’appel.» Force est de constater que l’acte de signification du 26 avril 2021 ne contient pas la mention que l’intimé est tenu de constituer avocat dans un délai de quinzaine, augmenté le cas échéant des délais de distance.

Or, les dispositions relatives au mode de comparution, comme en l’espèce, par voie de constitution d’avocat dans le délai de quinzaine, relèvent de l’organisation judiciaire et sont de ce fait d’ordre public. Leur violation constitue une nullité de fond, étrangère aux dispositions de l’article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile et a pour sanction l’irrecevabilité de l’appel (Cass. n° 27/05 du 28 avril 2005).1 S’il résulte de l’article 1007-43 précité qu’en matière de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales des conjoints, c’est le dépôt au greffe de la requête d’appel qui saisit la Cour de la voie de recours, il incombe cependant à l’appelant de signifier sa requête dans le mois du dépôt au greffe sous peine de caducité de l’appel.

Si l’élaboration de la procédure applicable aux juges aux affaires familiales a été guidée par le souci d’une simplification des procédures, le législateur a cependant veillé également au respect des droits de chacune des parties (voir Doc. Parl. n° 6996, Exposé des motifs p.51) en disposant notamment, tant à l’article 1007-43 précité qu’à l’article 1007-9 (3), que l’intimé doit être informé, sous peine de nullité, du fait qu’il est tenu de constituer avocat dans un délai de quinzaine.

L’acte de signification du 26 avril 2021 doit partant être déclaré nul en absence de cette indication. » La nullité de l’acte de signification du 26 avril 2021 ayant pour conséquence l’absence de signification de la requête endéans le mois du dépôt de la requête, il y a lieu de dire que l’appel relevé par requête déposée le 22 avril 2021 est devenu caduc. »2 Le moyen est irrecevable.

1 mis en exergue par la soussignée ;

2 cf. p. 9 de l’arrêt dont pourvoi ;

Conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire doit contenir les conclusions dont l’adjudication sera demandée, et le moyen doit préciser le reproche allégué.

Aux termes du libellé du moyen sous examen, la demanderesse en cassation omet de dire en quoi le raisonnement des juges d’appel, en ce qu’ils ont déduit le caractère de nullité de fond de la considération que les dispositions relatives au mode de comparution sont d’ordre public pour relever de l’organisation judiciaire, est constitutif d’une violation de l’article 264 alinéa 2 du NCPC, disposition réservée aux seules nullités affectant la rédaction matérielle de l’acte3 et non applicable aux nullités de fond.

La discussion subséquente n’est pas non plus de nature à parer à cette omission. On en puise que le demandeur en cassation critique les magistrats d’appel pour « ne pas avoir justifié que l’inobservation de la formalité avait pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse en appréciant in concreto les circonstances de l’affaire », correspondant au libellé même de l’article 264 alinéa 2 du NCPC. Il rajoute qu’en l’occurrence il n’y aurait pas eu aucune atteinte aux intérêts de la partie adverse, alors que le mandataire de l’intimée s’est constitué avocat, a déclaré avoir mandat pour occuper dans l’affaire et a plaidé l’affaire, sans avoir fait état d’aucune atteinte, concrète ou abstraite, aux intérêts de Monsieur C).

Le reproche ainsi formulé se lit dans le sens d’un reproche d’absence de motivation.

Or, aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Dans la mesure où le moyen, en ce qu’il met en œuvre deux cas d’ouverture différents, soit la violation de la loi d’une part, et le défaut de motifs, vice de forme, d’autre part, il est encore irrecevable à ce titre.

Pour le surplus, le moyen limité à la seule violation de l’article 265 alinéa 2 du NCPC, se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt dont pourvoi en ce que les juges d’appel, en qualifiant la violation des exigences prescrites à l’article 1007-43 du NCPC, voire du mode de comparution, de nullité de fond, n’ont pas appliqué la disposition visée au moyen.

La qualification de nullité de fond entraîne l’annulation de l’acte.

C’est seulement la qualification de nullité de forme, à savoir celles qui tiennent à la rédaction matérielle de l’acte, qui entraîne l’application de l’article 264 du NCPC, exigeant à son alinéa 1er que la nullité soit proposée avant toute défense ou exception autre que les exceptions d’incompétence, et, à son 2e alinéa, que l’inobservation en question ait porté atteinte aux intérêts de la partie adverse, autrement dit, lui ait causé un grief.

3 dont les formalités accessoires et substantielles ; pour la catégorisation des nullités cf. Th HOSCHEIT Le droit judiciaire privé au Luxembourg, 2e édition, n° 908 et s. ;

L’application de cet article et l’examen des exigences y prescrites n’incombaient pas aux magistrats d’appel en ce qu’ils ont retenu la nullité de fond, échappant à cet examen supplémentaire.

Dès lors, en ce que la Cour d’appel n’a pas appliqué l’article 264 alinéa 2 du NCPC, la violation de la disposition visée au moyen est étrangère à l’arrêt entrepris. Il s’ensuit que c’est encore à ce titre que le moyen encourt l’irrecevabilité.

Par ailleurs et finalement, les juges d’appel ayant qualifié l’irrégularité en cause, soit l’omission totale d’indication du mode de comparution dans l’exploit de signification de la requête d’appel, de nullité de fond, leur constat additionnel que la nullité de fond est étrangère à l’article 264 alinéa 2 du NCPC n’est pas nécessaire au soutien du dispositif.

Comme, en vertu de ce qui précède, les juges d’appel n’ont pas et n’avaient pas à examiner les exigences prescrites à l’article 264 alinéa 2 du NCPC, la seule mention du caractère étranger de la violation d’une nullité de fond à l’article 264 est surabondant.

Ceci dit et considérant qu’il ne ressort pas des pièces au dossier auxquelles Votre Cour pourrait avoir égard que la partie demanderesse en cassation, qui s’est limité à dire que la signification de la requête d’appel n’a pour seul but que l’information de son destinataire du dépôt de la requête d’appel, ait invoqué l’article 264 alinéa 2 du NCPC, il faut se poser la question si le moyen ne devait pas être qualifié de nouveau étant donné qu’il propose une argumentation juridique non présentée antérieurement par la demanderesse au pourvoi en instance d’appel. Le cas échéant, l’irrecevabilité du moyen devrait en découler.

Comme l’unique moyen de cassation ne résiste pas aux irrecevabilités ci-avant mentionnés, il n’y a pas lieu de conclure autrement quant au fond du moyen, sauf que le raisonnement des magistrats d’appel dans le sens que la violation du mode de comparution imposé par l’article 1007-43 du NCPC entraîne une nullité de fond tenant à l’organisation judiciaire et relevant dès lors de l’ordre public, est exempt de vice.

La finalité de l’exigence de signification avec la mention, sous peine de nullité, de comparaître par ministère d’avocat dans le délai de quinzaine, est nécessairement celle d’instruire son destinataire comment et où il doit comparaître pour se défendre. Cette information est d’une importance capitale et, en tant que telle, relève de l’organisation judiciaire. En ayant laissé le destinataire sans aucune information quant au mode comparaître, cette carence, en ce qu’elle dérobe l’acte de sa finalité, affecte l’existence de l’acte en lui-même et constitue une nullité de fond. En se déterminant tel qu’ils l’ont fait, les magistrats d’appel n’encourent pas le grief allégué au moyen.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais à rejeter pour le surplus.

Pour le Procureur Général d’Etat, l’avocat général, Monique SCHMITZ 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 96/22
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-06-30;96.22 ?

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