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30/06/2022 | LUXEMBOURG | N°101/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2022, 101/22


N° 101 /2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00107 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

L), demandeur en cassation, comparant par Maîtr

e Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

O),...

N° 101 /2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00107 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

L), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

O), défenderesse en cassation, comparant par Maître Karine BICARD, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 88/21 - I - DIV (aff.fam.), rendu le 31 mars 2021 sous le numéro CAL-2019-00304 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre une décision du juge aux affaires familiales ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 10 septembre 2021 par L) à O), déposé le 14 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 14 octobre 2021 par O) à L), déposé le 22 octobre 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la Cour d’appel avait, par un premier arrêt, déclaré recevables les demandes de O) en allocation d’un secours alimentaire après divorce et en fixation d’une créance liée aux droits de pension. Elle a, par l’arrêt entrepris, condamné le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation, pour une durée équivalente à celle du mariage, une pension alimentaire à titre personnel d’un certain montant et sursis à statuer sur la demande en reconnaissance d’une créance liée aux droits de pension.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l'article 247 du code civil qui dispose que éléments dont le tribunal tient compte incluent :

1° l'âge et l'état de santé des conjoints ;

2° la durée du mariage , 3° le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants ;

4° leur qualification et leur situation professionnelles au regard du marché du travail ;

5° leur disponibilité pour de nouveaux emplois ;

6° leurs droits existants et prévisibles ;

7° leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ».

En ce que la Cour d'appel a dit la demande de O) en allocation d'une pension alimentaire à titre personnel fondée et justifiée à hauteur de 2.500€ par mois en caractérisant son état de besoin sur les seuls critères de son âge et de son état de santé et en excluant délibérément ses droits futurs en pension retraite par le bénéfice de l'article 252 du code civil et en refusant de tenir compte du patrimoine des parties après la liquidation de leur régime matrimonial ;

Alors que la détermination des besoins et des facultés contributives se fait en tenant compte des sept critères énoncés à l'article 247, aucun de ces critères n'étant exclusifs l'un de l'autre et ne se suffisant à lui seul pour caractériser l'état de besoin d'un créancier d'aliment de sorte que l'arrêt entrepris ne pouvait écarter les droits futurs en pension visés à l'article 252 qui sont des droits existant et prévisibles ainsi que la détermination de leur patrimoine après la liquidation du régime matrimonial sans violer le texte susvisé. ».

Réponse de la Cour En déterminant les besoins et les facultés contributives des époux sur base de certains éléments inclus dans l’énumération figurant à l’article 247 du Code civil, à l’exclusion de ceux non encore déterminables au jour de la décision, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Karine BICARD, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation L) contre O) (CAS-2021-00107) Le pourvoi en cassation, introduit par L) par un mémoire en cassation signifié le 10 septembre 2021 à la défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 14 septembre 2021, est dirigé contre un arrêt n° 88/21 rendu par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 31 mars 2021 (n° CAL-2019-00304 du rôle). Cet arrêt a été signifié au demandeur en cassation en date du 14 juillet 2021.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus à l’article 7 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La partie défenderesse en cassation a signifié un mémoire en réponse le 14 octobre 2021 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 22 octobre 2021.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Sur les faits et antécédents :

Les faits et antécédents ont été exposés dans le cadre des conclusions relatives au pourvoi dirigé contre l’arrêt n° 159/19 du 12 juillet 2019.1 Le présent pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu en date du 31 mars 2021, ayant statué en continuation de l’arrêt du 12 juillet 2019, et qui a condamné le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une pension alimentaire à titre personnel de 2.500.-

euros à partir du 19 juillet 2019 et a décidé que l’attribution de cette pension alimentaire ne pourra pas excéder 377 mois.2 Sur l’unique moyen de cassation :

1 CAS-2021-00106 2 La soussignée n’a pas conclu à la cassation de l’arrêt interlocutoire du 12 juillet 2019, mais si votre Cour devait néanmoins casser l’arrêt en question, il est évident que cette cassation entraînerait l’annulation de l’arrêt visé par le présent pourvoi.

L’unique moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 247 du Code civil qui dispose :

« Dans la détermination des besoins et des facultés contributives, les éléments dont le tribunal tient compte incluent :

1° l’âge et l’état de santé des conjoints ;

2° la durée du mariage ;

3° le temps déjà consacré ou qu’il leur faudra consacrer à l’éducation des enfants ;

4° leur qualification et leur situation professionnelles au regard du marché du travail;

5° leur disponibilité pour de nouveaux emplois ;

6° leurs droits existants et prévisibles ;

7° leur patrimoine, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial. » Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déduit l’état de besoin de la défenderesse en cassation de son âge et de son état de santé au lieu de prendre en compte les 7 critères énumérés à l’article 247.

Plus particulièrement, il est reproché à l’arrêt dont pourvoi de ne pas avoir tenu compte - des droits futurs en pension retraite par le bénéfice de l’article 252 du Code civil et - du patrimoine des parties après la liquidation de leur régime matrimonial.

Selon le demandeur en cassation, si la détermination d’un de ces éléments ne pouvait se faire qu’ultérieurement, il aurait appartenu à la juridiction de surseoir à statuer en attendant la détermination de cet élément.

Avant de déterminer le montant de la pension alimentaire due à la défenderesse en cassation, la Cour d’appel a tout d’abord déterminé le moment auquel elle se place pour apprécier la situation des parties :

« En ce qui concerne la situation de fait à prendre en compte par le juge, il est de principe que c’est le point de départ de la pension réclamée qui détermine le moment auquel le juge doit se placer pour procéder à l'appréciation de la situation des parties, le principe selon lequel le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les besoins et les ressources des créancier et débiteur d'aliments s'appliquant seulement lorsqu'il s'agit de fixer la pension alimentaire pour l'avenir. Pour fixer une pension courant à compter de la demande en justice, le juge doit donc se placer à ce jour pour cette appréciation et si la situation pécuniaire respective des parties s'est trouvée modifiée entre le jour de la demande et celui où le juge statue, il devra en tenir compte et fixer ainsi la pension alimentaire à des montants différents pour le passé et pour l'avenir. L’article 249 du Code civil prévoit les conditions d’une éventuelle modification du secours alimentaire à titre personnel en cas de changement des situations des parties respectives.

En l’occurrence, O) demande l’octroi d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce, de sorte que la décision à intervenir ne prendra effet qu’à partir du 12 juillet 2019, date de la décision définitive au sujet du divorce des parties. Il convient donc d’analyser la situation des parties telle qu’elle se présente entre le 12 juillet 2019 et le jour des plaidoiries à l’audience du 10 mars 2021. » La Cour d’appel a encore confirmé vouloir s’en tenir à la situation actuelle des parties et a motivé sa décision de faire abstraction du résultat futur des opérations de liquidation et de la future rente :

« L) relève à juste titre que l’état de besoin de O) est susceptible de varier en fonction du résultat de la liquidation du régime matrimonial et partant aussi de l’appréciation par le juge aux affaires familiales de son moyen tiré du recel communautaire reproché à O), mais c’est à tort qu’il conclut à la surséance à statuer jusqu’au jour du partage au sujet de la demande en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel de l’épouse se trouvant actuellement dans le besoin, étant donné que le divorce est définitif depuis le 12 juillet 2019, que la licitation des immeubles communs a été ordonnée dès cette date, mais que les opérations de liquidation ont actuellement abouti au seul établissement d’un procès-verbal de difficultés le 8 juin 2020 et que les immeubles en indivision ne sont pas vendus.

La Cour se réfèrera donc à la situation actuelle des parties, sans prise en considération du produit de la liquidation dans le chef des deux parties, celui-ci constituant un élément futur incertain.

Il n’y a pas non plus lieu de prendre d’ores et déjà en compte la future rente à percevoir par O), étant donné que le montant de celle-ci est susceptible de varier en fonction du résultat de la demande introduite sur base de l’article 252 du Code civil.3» Il ressort de cette motivation que le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris.

L’arrêt attaqué n’a pas décidé que le résultat de la liquidation du régime matrimonial et la future rente ne seraient pas des éléments à prendre en compte pour apprécier l’état de besoin de la défenderesse en cassation. Par contre, il a constaté que la pension alimentaire était due depuis le 12 juillet 2019, de sorte qu’il fallait prendre en considération la situation des parties telle qu’elle se présente entre le 12 juillet 2019 et le jour des plaidoiries à l’audience du 10 mars 2021.

3 Dans son disositif, l’arrêt dont pourvoi :

«ordonne à la Caisse nationale d’assurance pension établie à L-1724 Luxembourg, 1a, bd Prince Henri (adresse postale L-2096 Luxembourg) de procéder au calcul du montant de référence, surseoit à statuer pour le surplus sur la demande introduite sur base de l’article 252 du Code civil,.. » Dans la motivation, de l’arrêt, la Cour d’appel a d’ailleurs rappelé qu’en cas de changement ultérieur des situations des parties respectives, l’article 249 du Code civil prévoit les conditions d’une éventuelle modification du secours alimentaire à titre personnel.

Elle a encore constaté que les deux éléments précités n’étaient pas encore déterminables au moment où elle statue, et que la défenderesse en cassation se trouvait « actuellement » dans le besoin, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer jusqu’au jour du partage.

Le refus d’accorder un sursis à statuer constitue une décision discrétionnaire contre laquelle aucun pourvoi en cassation n’est recevable. 4 Le moyen est irrecevable en ce qu’il fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de surseoir à statuer.

Subsidiairement, il manque en fait, étant donné que la Cour d’appel n’a pas décidé que le résultat de la liquidation du régime matrimonial et la future rente ne seraient pas des éléments à prendre en compte pour apprécier l’état de besoin de la défenderesse en cassation.

Plus subsidiairement, quant au fond :

En se basant sur tous les éléments connus ou déterminables à la date à laquelle ils statuent, les juges d’appel ont correctement appliqué l’article 247 du Code civil.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 4 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 5e éd. 2015/2016, n° 34.42, p. 115 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 101/22
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-06-30;101.22 ?

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