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02/06/2022 | LUXEMBOURG | N°47268C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juin 2022, 47268C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 47268C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:47268 Inscrit le 5 avril 2022 Audience publique du 2 juin 2022 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2022 (n° 45125 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 47268C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 5 avril 2022 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Iran), de

nationalité iranienne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement ren...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 47268C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:47268 Inscrit le 5 avril 2022 Audience publique du 2 juin 2022 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2022 (n° 45125 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 47268C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 5 avril 2022 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 22 mars 2022 (n° 45125 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 septembre 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mai 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries à l’audience publique du 17 mai 2022.

Le 28 mai 2019, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée-police des étrangers, du même jour.

En date du 31 octobre 2019, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par une décision du 28 septembre 2020, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 28 mai 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 28 mai 2019 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 31 octobre 2019, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il en ressort que vous seriez originaire de …, mais qu’après votre divorce en 2018, vous auriez vécu seule à Téhéran, où vous auriez dernièrement travaillé comme salariée dans une société privée dans laquelle vous étiez chargée de l’emballage des produits.

Vous signalez avoir été mariée contre votre gré à votre cousin à l’âge de vingt ans et avoir vécu comme une prisonnière pendant toute la durée de votre mariage en n’ayant même pas eu le droit de sortir dans le parc. Vous dites que votre ex-époux serait un toxicomane qui vous aurait souvent frappée et insultée. Vous n’auriez jamais rien entrepris pour vous défendre, alors qu’il serait mal vu pour une femme de se plaindre. « Un jour », votre époux aurait tenté de vous étrangler et vous auriez alors décidé de quitter la maison familiale et de vous installer chez votre mère, où vous auriez retrouvé un peu de « sérénité ». Vous auriez par la suite entamé les démarches pour divorcer, mais, après que votre belle-famille l’aurait appris, un gendre habitant en Angleterre vous aurait deux fois appelée en menaçant de vous jeter de l’acide dans le visage si vous vous sépariez de votre époux. Vous auriez alors décidé de vous installer dans un appartement loué à Téhéran, où une partie de votre famille habiterait et de commencer à travailler pour devenir financièrement indépendante. Entretemps, les menaces de votre époux seraient devenues plus virulentes, mais, vue votre absence, il se serait contenté de menacer votre mère. Pendant ce temps, 2votre divorce aurait été prononcé, mais vous auriez dû renoncer à votre dote en précisant que « si vous abandonnez tout ce que vous avez comme droits en tant que femme vous obtenez assez facilement le divorce. Donc je lui ai tout laissé et avec l’aide d’un avocat j’ai pu obtenir mon divorce ».

Vous auriez ensuite été employée par cette société privée, où vous auriez noué une amitié avec une collègue de travail dont la famille aurait également été sympathisante des Moudjahidines. Cette femme vous aurait ensuite « entraîné dedans », en parlant d’étiquettes avec des slogans anti-régime que vous auriez toutes les deux écrites et collées derrière les sièges de métro, de bus ou sur les voitures. En plus, sur votre chemin pour aller au travail, vous seriez toutes les deux tombées sur deux ou trois manifestations, « surtout à cause de la situation économique », que vous auriez alors spontanément rejointes en précisant toutefois que « l’objet des manifestations ne m’intéressait pas. Dès que j’en apercevais une, je me lançais dedans ».

Lors de la dernière manifestation à laquelle vous auriez participé, une manifestation estudiantine contre les frais d’inscription avant le « nouvel an (iranien). 1397 » [avant le 20 ou 21 mars 2018], vous auriez vu une fille « attrapés (sic) par les agents » et vous auriez alors décidé de la libérer en sautant sur les agents en criant et en leur demandant s’ils n’avaient pas honte.

Avec l’aide d’autres manifestants, vous auriez finalement réussi à la faire libérer, mais « malheureusement, ils m’ont arrêtée » ensemble avec cinq autres personnes. Vous prétendez par la suite qu’en fait, il n’y aurait eu qu’un seul agent qui aurait attrapé et frappé ladite fille et que « Je suis allée prendre sa main pour la faire libérer » ce que vous auriez finalement réussi à faire avec l’aide des autres manifestants. Finalement, cet agent aurait attrapé votre bras et vous aurait arrêtée. Vous ne précisez plus comment il aurait fait pour également arrêter les cinq autres personnes qui auraient été arrêtées avec vous.

Comme les autres détenus, vous auriez ensuite été « frappée avec les matraques » et transférée au Tribunal de Téhéran, avant d’être placée en cellule. Puis, vous auriez été interrogée pendant trois jours par différentes personnes qui auraient voulu savoir à quel groupe vous appartiendriez. Vous auriez répondu que vous ne seriez liée à aucun mouvement et que vous auriez simplement participé à une manifestation. Vous seriez d’avis que les agents vous auraient cru et qu’ils auraient fait des recherches de leur côté, étant donné que vous auriez été libérée après avoir signé un engagement que vous ne participeriez plus à de telles manifestations.

Le lendemain, vous auriez appris que votre collègue de travail aurait également été arrêtée lors de ladite manifestation et vous auriez alors immédiatement senti un « danger pour moi ».

Ainsi, vous auriez demandé un congé, vous auriez rassemblé « tous » vos documents et vous seriez partie vivre chez votre cousine à Téhéran. Vous auriez ensuite ressenti le besoin d’appeler le gérant de votre immeuble pour lui demander ce qu’il en est des réparations liées à une fuite d’eau, mais ce dernier vous aurait expliqué que deux personnes auraient été à votre recherche et qu’elles lui auraient signalé que vous devriez vous présenter au Tribunal de la révolution « le Samedi ».

Vous auriez alors su que votre collègue « a sûrement parlé lors des interrogatoires » en expliquant qu’elle aurait collaboré avec vous.

Vous vous seriez finalement installée dans une ville frontière avec la Turquie, où votre cousine vous aurait trouvé un passeur pour vous amener en Turquie le 21 avril 2019, avant de 3venir en Europe. Le 26 mai 2019, vous seriez arrivée au Luxembourg en précisant que vos frère et oncle y habiteraient déjà depuis des années en tant que réfugiés. Ils seraient sympathisants des Moudjahidines du Peuple en Iran et votre oncle et son épouse seraient « responsables des Moudjahidines au Luxembourg ».

En cas d’un retour en Iran vous auriez peur de mourir, alors que ceux qui se font « coller l’étiquette de Mohareb (celui/celle qui rentre en guerre avec Dieu) » risquerait l’exécution, une étiquette qui serait collée à chaque personne qui participerait en Iran à des manifestations.

A noter que vous avez initialement expliqué à la Police Judiciaire avoir fui l’Iran parce que vous y auriez écrit et publié des articles contre le régime (« ich habe Artikel gegen die Regierung geschrieben und veröffentlicht »).

Vous présentez une carte d’identité iranienne.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Signalons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent aussi la gravité de votre situation dans votre pays d’origine sont mises en doute au vu du caractère incohérent et non plausible de vos déclarations et du fait que vous n’êtes pas en mesure de corroborer vos dires par la moindre pièce qui permettrait de prouver ne serait-ce qu’une partie de vos allégations.

En effet, force est de constater que vous restez en défaut d’appuyer vos allégations par la moindre preuve. Ainsi il saute d’abord aux yeux que, bien que vous ayez avant votre départ, jugé utile ou important de d’abord rassembler « tous mes documents » chez vous à la maison avant de vous installer chez votre cousine puis près de la frontière turque, vous n’avez par la suite, pour une raison inconnue, plus jugé utile de les ramener avec vous, respectivement de les verser à l’appui de votre demande de protection internationale. Il faut évidemment se demander quelle sorte de documents aurait pu être si importante à vos yeux pour sentir le besoin de les rassembler avant votre fuite, mais de tout de même les laisser en Iran par la suite.

Pire, pendant votre séjour d’un an et demi sur le sol luxembourgeois, vous ne semblez pas non plus avoir eu le réflexe ou l’envie de vous procurer des quelconques preuves à l’appui de vos dires respectivement de vous faire envoyer ces documents par votre cousine. Or, notons qu’on peut attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté, qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas de sorte que l’ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.

En effet depuis votre arrivée au Luxembourg, vous êtes restée totalement inactive dans ce domaine, en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires, concernant notamment votre mariage, votre vie familiale et quotidienne, les prétendues violences 4domestiques subies, vos démarches entreprises pour divorcer, le jugement prononçant votre divorce, le contrat prouvant la location d’un appartement et votre vie à Téhéran, vos emplois à Téhéran, votre collègue de travail qui vous aurait « entraînée dedans » et dont vous ne citez d’ailleurs même pas le nom, toute pièce en rapport avec votre prétendu activisme, votre participation à des manifestations, vos problèmes avec la police, respectivement votre détention, votre engagement signé, vos blessures subies ou votre convocation à un tribunal.

Soulevons finalement dans ce contexte qu’au vu du maintien de votre famille (vos deux filles, votre mère, votre frère et votre sœur, ainsi que des cousines ou de la famille plus éloignée chez laquelle vous vous seriez installée avant votre départ) sur le sol iranien, il vous aurait été facile de vous faire parvenir des preuves de vos dires ce que vous n’avez manifestement même pas tenté d’obtenir, alors qu’il vous appartient pourtant d’établir la véracité de vos allégations.

Notons ensuite qu’il ne paraît pas crédible non plus qu’une mère de famille qui n’aurait jamais été politiquement active dans sa vie, décide spontanément, en abordant la cinquantaine, de se rebeller contre le régime iranien à la façon de jeunes ou d’adolescents, en collant des slogans manuscrits anti-régime derrière les sièges de bus, respectivement en rejoignant par pur hasard et sans raison apparente des manifestations estudiantines contre les frais d’inscription aux universités.

Rappelons d’ailleurs dans ce contexte que vous avez initialement voulu faire croire aux autorités luxembourgeoises que vous auriez besoin d’une protection internationale parce que vous seriez une sorte de journaliste qui aurait « écrit et publié des articles » dirigés contre le régime iranien. Vous avez par la suite, pour une raison inconnue, décidé d’abandonner cette version, en faisant donc état d’une toute autre histoire en rapport avec votre crainte de vous faire arrêter pour avoir collé des slogans derrière les sièges de bus ou de métro, respectivement pour avoir « collaboré » avec votre collègue de travail dans le cadre de cette activité.

Or, lorsqu’une personne décide de se rebeller contre un régime politique dans son pays d’origine, elle le fait pour des raisons bien définies et par conviction profonde, conviction profonde qu’elle serait bien évidemment en mesure d’exprimer et d’expliquer. Or, en l’espèce on est confronté à un récit incohérent qui oscille entre prétendu journalisme, prétendu activisme politique et l’idée de spontanément se joindre à des manifestations en cours. Ceci est tout simplement impossible et impensable dans un pays tel que l’Iran. Entamer une démarche politique dans ce climat mérite une réflexion poussée, une conviction profonde et un engagement sans faille ni concession ce qui n’est manifestement pas votre cas.

Le manque de document respectivement de preuve ensemble avec votre manque de cohérence concernant vos motivations permettent de conclure que vous n’êtes nullement la personne que vous dépeignez.

Dans ce même contexte, il faudrait d’ailleurs aussi se demander qu’est-ce que cette collègue de travail aurait bien pu « divulguer » sur vous alors que les autorités auraient décidé de vous libérer après avoir prétendument fait une enquête sur vous, respectivement, après avoir fait leurs propres « recherches » démontrant que vous auriez un « dossier vide ». De même, soulevons qu’après vous avoir toutes les deux interrogées pendant trois jours, les autorités auraient décidé 5de vous libérer, contrairement à votre collègue de travail. Or, si les policiers n’avaient eu ne serait-ce que le moindre doute sur vos engagements ils ne vous auraient sûrement pas relâchée sans aucune autre poursuite.

Votre situation n’est en tout cas nullement comparable à celle de votre collègue et il ne fait dans ce contexte aucun sens, respectivement il n’est manifestement pas plausible ou crédible, qu’après avoir été libérée et avoir appris un jour plus tard que votre collègue de travail serait toujours détenue, vous auriez « immédiatement senti un grand danger pour moi ». En effet, vue votre libération mais pas celle de votre collègue de travail, vous auriez justement dû vous sentir soulagée de ne pas avoir subi les mêmes conséquences qu’elle et d’avoir réussi à convaincre les agents que vous seriez innocente, après qu’ils auraient donc fait leurs propres recherches.

Vous précisez d’ailleurs vous-même n’avoir aucune idée ce que votre collègue de travail aurait bien pu raconter sur vous et vous n’avez pareillement aucune idée de la raison de votre prétendue convocation orale à un tribunal qui vous serait parvenue totalement par hasard au moment où vous auriez cherché à connaître l’avancement des travaux entrepris dans votre logement après une fuite d’eau. Or, le simple fait que vous ayez cherché à obtenir ces informations démontre votre volonté de retourner à votre domicile. En effet une personne réellement persécutée qui serait en train de chercher par tous moyens une solution pour quitter un pays où elle serait en danger de mort n’aurait pas de temps à perdre à chercher des informations sur une fuite d’eau à son domicile.

Il n’est par ailleurs pas crédible qu’en Iran, les gens soient convoqués oralement au tribunal, tel que vous le confirmez, respectivement que les agents qui seraient venus vous convoquer se seraient contentés à signaler au concierge de votre immeuble que vous devriez vous présenter à un Tribunal « le Samedi ».

L’ensemble de ces éléments viennent conforter la position que votre récit est inventé de toutes pièces. Si jamais néanmoins votre voisin avait eu connaissance d’une prétendue convocation il ne saurait être question dans votre chef de l’existence d’une quelconque persécution car vous ignorez totalement les raisons de cette convocation, les autorités ayant peut-être voulu vous entendre en tant que simple témoin dans l’affaire de votre prétendue collègue.

Rappelons encore que vous vous contredisez encore de manière flagrante sur le déroulement des faits lors de votre prétendue participation à une manifestation estudiantine avant le Norouz de 2019, suite à laquelle vous auriez été arrêtée.

Ainsi, vous prétendez d’abord que vous auriez été arrêtée avec cinq autres manifestants par un groupe d’agents sur lesquels vous auriez sauté en hurlant dans le but de faire libérer une fille sur le point d’être arrêtée. A part le fait qu’il faut évidemment douter du fait qu’une femme abordant la cinquantaine décide de sauter sur un groupe de policiers armés pour défendre une parfaite inconnue pour se rebeller contre eux dans le cadre d’une manifestation estudiantine contre les frais d’inscription, il faut surtout soulever que ces agents se transforment dans votre deuxième version des faits en un seul agent qui vous aurait tenue par le bras pour vous arrêter, après que vous auriez pris la main de ladite fille qu’il aurait été en train d’arrêter.

6Hormis le fait, que vous ne sautez donc cette fois-ci plus sur un groupe de policiers armés, il faudrait encore ajouter qu’il est incompréhensible comment ce policier unique aurait fait pour arrêter en même temps six manifestants qui auraient juste avant tenté et réussi de faire libérer une fille qu’il aurait été en train d’arrêter.

Enfin, il s’agit d’aborder le sujet de votre comportement adopté depuis votre départ d’Iran qui n’est manifestement pas compatible avec celui d’une personne réellement persécutée respectivement à risque de subir des atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale.

En effet, alors qu’on peut attendre d’une telle personne, qu’elle introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous auriez donc d’abord séjourné pendant quelque temps en Turquie, avant de quitter ce pays pour une raison inconnue, pour ensuite voyager pendant un mois à travers l’Europe en voiture, tel que vous l’avez précisé à la Police Judiciaire, sans jamais avoir l’idée ou le réflexe de rechercher une protection dans les (nombreux) pays passés. Cette idée ne vous est pour une raison inconnue venue qu’une fois arrivée au Luxembourg.

Un tel comportement ne correspond toutefois clairement pas à celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter l’Iran à la recherche d’une protection internationale et qui aurait été reconnaissante de pouvoir s’installer en Turquie, comme d’innombrables autres Iraniens, et dans les pays européens visités avant votre arrivée au Luxembourg. Votre façon de procéder traduit un exemple-type de forum shopping en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, selon ce que vous pensez, satisfera au mieux vos attentes et qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement, des prestations sociales et vous offrir des garanties sociales plus avantageuses, en apparence, par rapport aux pays visités avant votre arrivée au Luxembourg.

Au vu de tout ce qui précède, il est évident que votre version des faits ne tient pas la route et que vous faites état d’une histoire sans queue ni tête dont la véracité doit être réfutée. Ainsi, la sincérité de vos propos est formellement réfutée et l’image qui se dégage de votre façon de procéder dans le cadre de votre demande de protection internationale est en tout cas celle d’un demandeur qui ne joue pas franc jeu et qui n’est pas cohérent ; un comportement incompatible avec celui d’une personne vraiment persécutée et réellement à la recherche d’une protection internationale.

Eu égard au fait que votre version des faits est donc formellement réfutée, les motifs de fuite énoncés doivent être définis comme fictifs et mentionnés dans le but d’augmenter vos chances de vous faire octroyer une protection internationale, respectivement un titre de séjour en Europe, en vous servant d’une histoire, respectivement d’une problématique réellement existante en Iran et en inventant une implication personnelle dans celle-ci. En effet, en 2013 et 2019, l’Iran a été secoué par une vague de manifestations qui n’a plus été vue depuis la « révolution verte » de 2009, trouvant son origine dans la crise économique qui touche le pays depuis quelques années et qui a conduit à une forte perte du pouvoir d’achat de la part des ménages iraniens.

7  Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, au vu de ce qui a été exposé ci-avant, votre récit quant à vos prétendus problèmes découlant de votre prétendu activisme anti-régime n’ayant pas été retenu comme crédible, il en est déduit que seuls des motifs économiques, matériels, voire de pure convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale.

Ce constat vaut d’autant plus que, comme susmentionné, l’Iran se trouve depuis quelques années confronté à une crise économique majeure et à une dévalorisation massive de sa monnaie ayant surtout appauvri les familles de la classe moyenne dont faisait partie la vôtre et ayant conduit à une hausse de l’émigration des Iraniens notamment vers la Turquie ou l’Europe.

Il ressort d’ailleurs de vos propres dires qu’après votre prétendu divorce en 2018, vous auriez tenté de trouver un travail à Téhéran pour pouvoir devenir financièrement indépendante et pouvoir vous louer un appartement. Il est dans ce contexte permis de conclure qu’en tant que femme de ménage, puis salariée dans une société s’occupant de l’emballage de produits, votre salaire aurait été plutôt modeste et la vie en tant que femme célibataire à Téhéran devant s’y louer un appartement, plutôt chère, de sorte à ce que vous ayez pensé à une solution alternative vous permettant une vie plus aisée, matériellement ou économiquement parlant.

Des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient cependant pas justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

8Enfin, soulevons que les problèmes en rapport avec votre ex-époux, respectivement les violences domestiques dont vous auriez par le passé souffert, ne sauraient pas être pris en compte dans le cadre de votre demande de protection internationale.

En effet, il s’agit tout d’abord de constater que ces faits n’ont nullement conditionné votre envie de quitter l’Iran ou de rechercher une protection, alors qu’après votre divorce en 2018, votre but aurait été d’aller vivre à Téhéran pour y devenir financièrement indépendante. Vous confirmez d’ailleurs que votre demande de protection internationale serait uniquement liée à votre prétendue peur de vous faire arrêter, voire, tuer, par les autorités iraniennes à cause de votre prétendu activisme.

A cela s’ajoute que les problèmes avec votre ex-époux font clairement partie du passé, alors qu’en 2018, vous auriez d’abord décidé de quitter votre époux et la maison familiale pour vous installer chez votre mère, avant de divorcer et de vous installer à Téhéran, où il ne vous aurait plus jamais inquiétée.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d’être persécutée respectivement que vous risquez d’être persécutée en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, au regard du manque de crédibilité générale retenu et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent votre demande de protection internationale, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément crédible de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un 9risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2020, Madame (A) fit déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 28 septembre 2020.

Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif reçut le recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 5 avril 2022, Madame (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 22 mars 2022.

Au titre des faits à la base de sa demande de protection internationale, l’appelante réitère en substance l’exposé de son vécu tel qu’il se dégage de sa requête introductive de première instance et elle soutient remplir les conditions exigées par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître une mesure de protection internationale.

Ainsi, elle réexpose être de nationalité iranienne, appartenir à l’ethnie turque azérie et qu’après son divorce avec son mari elle se serait installée à Téhéran où elle se serait liée d’amitié avec une collègue de travail, issue d’une famille de sympathisants des Moudjahidines. L’appelante précise qu’elle aurait été offusquée par la pauvreté régnant dans son pays et plus particulièrement par les conditions de vie déplorables réservées aux femmes iraniennes. Ainsi, elle aurait participé à des manifestations contre le régime en place et essayé de sensibiliser les femmes en public en relation avec leurs droits. Lors d’une manifestation estudiantine, elle aurait défendu une jeune fille et elle aurait de ce fait été arrêtée et frappée avec des matraques. Par la suite, elle aurait subi des interrogatoires pendant trois jours et aurait été libérée après avoir signé un « engagement écrit ».

Au lendemain de sa libération, elle serait retournée à son lieu de travail et elle aurait dû constater l’absence de son amie de laquelle elle n’aurait plus de nouvelles depuis lors. Ayant par la suite été convoquée oralement devant un « tribunal révolutionnaire », elle aurait préféré ne pas répondre à cette convocation et aurait quitté son pays d’origine pour rejoindre une partie de sa famille résidant au Luxembourg.

Sur ce, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir partagé les doutes de l'autorité ministérielle quant à la véracité de son récit, estimant que le bénéfice du doute doit lui bénéficier quant à la crédibilité de ses déclarations, par application de l'article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015 et partant que soient retenues comme suffisantes ses déclarations et explications.

Dans ce contexte, elle conclut encore à une violation de l’article 10, paragraphes (3) et (4), de la loi du 18 décembre 2015 au motif que la décision ministérielle prise à son encontre n’aurait pas fait l’objet d’un examen approprié à défaut de prise en considération des informations actualisées du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Madame (A) estime ensuite qu’elle risque de subir des traitements inhumains et dégradants du fait de l’engagement politique de l’ensemble de sa famille qui serait bien connue des autorités iraniennes. Ainsi, d’après l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, le simple fait d’avoir été en 10contact avec des membres de l’organisation des Moudjahidines serait suffisant pour se faire arrêter en Iran et être considéré comme un opposant au régime en place et d’être condamné à une peine disproportionnée. A fortiori, ce risque serait réel dans son chef au motif qu’elle aurait été activement engagée auprès des Moudjahidines avant son départ de son pays d’origine et aurait continué à s’engager après son arrivée au Luxembourg pour la démocratie et les droits de l’Homme en Iran.

L’appelante insiste encore sur la situation réservée en général aux femmes actuellement en Iran, tout en invoquant la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011, et approuvée par une loi du 20 juillet 2018. Elle relève dans ce contexte que l’exercice de la pluralité des « droits essentiels » serait respectivement interdit ou limité aux femmes en Iran « selon le bon vouloir d’un homme ».

Elle critique de même les premiers juges ayant estimé qu’elle aurait pu présenter une demande de protection internationale en Turquie, relevant dans ce contexte qu’elle aurait préféré se rendre au Luxembourg pour y rejoindre une partie de sa famille. Elle précise qu’elle aurait également risqué des persécutions en Turquie du fait de la présence des services secrets iraniens sur le territoire turc et qui s’adonneraient à des pratiques contraires au droit international.

En résumé, elle estime courir le risque d’être soumise, en cas de retour en Iran, à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), de même qu’elle estime être privée d’un procès équitable et d’un recours effectif au regard des articles 6 et 13 de la CEDH.

Or, la véracité de son récit une fois admise, il conviendrait de lui reconnaître une protection internationale en raison de la nature et de la gravité des faits subis par elle.

Le jugement a quo serait partant à réformer et le statut de réfugié, sinon une protection subsidiaire, devrait lui être accordé et l'ordre de quitter le territoire luxembourgeois devrait à son tour être rapporté.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Le moyen d’annulation préalable de la décision ministérielle entreprise pour violation de l’article 10, paragraphes (3) et (4), de la loi du 18 décembre 2015 laisse d’être fondé.

En effet, si lesdites dispositions exigent que les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié sur base d’informations précises et actualisées, rien n’interdit que le ministre, et par la suite les juridictions saisies, retiennent que le récit présenté par un demandeur de protection internationale n’est pas crédible dans son ensemble et que la demande de protection internationale est à rejeter pour défaut de crédibilité, le ministre étant dans ce contexte bien évidemment également appelé à se prononcer sur la réalité et la sincérité des déclarations du demandeur d’une mesure de protection internationale.

11Partant, la procédure d’instruction de la demande de protection internationale sous rubrique n’encourt pas de reproche justifiant son annulation, l’examen de la crédibilité des déclarations de l’appelante relevant du fond du litige examiné ci-après.

Ceci étant dit, au fond, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en 12effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Ceci étant dit, la Cour confirme en premier lieu les premiers juges en leur conclusion que les problèmes dont a fait état l’appelante en relation avec son ex-époux, respectivement les violences domestiques qu’elle aurait subies à l’époque de la part de celui-ci, ne sauraient être pris en considération dans le cadre de sa demande de protection internationale alors qu’ils n’ont pas conditionné son départ de son pays d’origine.

Il en est de même des développements de Madame (A) par rapport à la situation réservée en général aux femmes actuellement en Iran et ses craintes d’être persécutée du fait de son appartenance au genre féminin, celle-ci n’ayant même pas allégué avoir été personnellement la victime de discriminations à la suite de sa séparation avec son ex-époux.

Pour le surplus, la Cour rejoint et se fait sienne l’analyse détaillée et pertinente des premiers juges qui les a amenés à retenir que la crédibilité générale du récit de Madame (A), en relation avec sa crainte d’être emprisonnée et de faire l’objet de représailles de la part des autorités iraniennes à cause de son activisme politique contre le régime en place, est fondamentalement affectée par un certain nombre d’incohérences et de contradictions patentes.

La Cour ne saurait par ailleurs point suivre l’appelante en ce qu’elle estime que ses explications données en instance d’appel renversent ce constat.

Dans ce contexte, il convient de relever en premier lieu que Madame (A) n’a à ce jour produit aucune pièce en relation avec son prétendu activisme politique en Iran malgré le fait qu’elle a déclaré à l’agent ministériel en charge de son entretien qu’elle avait rassemblé tous ses documents avant de s’installer chez une cousine à Téhéran, suite à l’arrestation de sa collègue de travail. En effet, l’appelante, en instance d’appel, reste toujours en défaut de produire des documents susceptibles d’appuyer la véracité de ses dires respectivement de fournir des explications pourquoi il lui serait impossible de se procurer à l’heure actuelle des pièces documentant son activisme politique. Ce constat n’est pas ébranlé par le fait que l’appelante a versé différents documents relatifs à une vente aux enchères d’un appartement appartenant à son oncle, étant donné qu’aucun lien entre ladite vente aux enchères et le prétendu activisme politique de Madame (A) n’est décelable à la lecture de ces documents. Bien au contraire, il se dégage du document intitulé « pouvoir judiciaire » (pièce 1 de la farde de pièces déposée le 4 mai 2022), que ladite vente immobilière fait suite à une demande de saisie du « 02/12/2017 », c’est-à-dire antérieurement à la manifestation estudiantine s’étant déroulée au printemps 2018 à la base de l’arrestation de l’appelante et sa prétendue libération sous caution effectuée par son oncle.

Pour le surplus, les déclarations de Madame (A) sont encore contradictoires quant aux raisons pour lesquelles elle aurait dû quitter l’Iran. En effet, tel que relevé par les premiers juges, celle-ci a déclaré dans un premier temps devant l’agent de police qu’elle aurait rédigé et publié des articles contre le gouvernement iranien, tandis que lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration elle a affirmé ne pas pouvoir retourner en Iran à cause de ses actes de collaboration commis avec sa collègue de travail et sa participation à des manifestations « de tout genre ». C’est dès lors à bon escient que le tribunal est arrivé à la conclusion que le fait d’abandonner 13complètement et sans autre explication circonstanciée un motif essentiel expliquant sa fuite de son pays d’origine et de faire par la suite état de faits sensiblement différents est de nature à jeter un discrédit général sur la réalité du récit de l’appelante.

De même, la Cour partage encore l’appréciation des premiers juges que l’appelante n’a pas fait état de problèmes particuliers qu’elle aurait rencontrés avec les autorités iraniennes en raison de ses prétendues activités et permettant de retenir que celles-ci pourraient soupçonner qu’elle appartiendrait à un groupement opposé au pouvoir en place, mise à part le fait isolé de son arrestation à la suite d’une manifestation estudiantine. Ainsi, si Madame (A), d’après ses dires, a été arrêté par la police lors de cette manifestation après avoir attaqué des agents de police, force est de constater qu’elle a été libérée après trois jours, sans qu’aucune poursuite judiciaire ne s’en est suivie, l’appelante ayant même affirmé lors de son entretien que les autorités policières auraient été convaincues de son innocence après avoir fait leurs propres recherches et donc après avoir su qu’elle n’aurait aucun passé politique ni d’antécédents judiciaires. La Cour arrive dès lors à la conclusion que ledit évènement, à le supposer établi, n’est pas suffisamment grave au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 pour pouvoir être qualifié d’acte de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

La Cour partage finalement les doutes de la partie étatique au sujet de la prétendue convocation orale de Madame (A) devant un « tribunal révolutionnaire », adressée en son absence au gardien de l’immeuble où elle habitait, à défaut de tout autre élément de preuve produit dans ce contexte.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le récit du vécu de l’appelante n’a pas été considéré comme étant crédible et, de la sorte, qu’il ne saurait suffire pour justifier l’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelante et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 5 avril 2022 en la forme ;

14au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;

partant, confirme le jugement entrepris du 22 mars 2022 ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2022 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47268C
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-06-02;47268c ?

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