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19/05/2022 | LUXEMBOURG | N°76/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 mai 2022, 76/22


N° 76 /2022 du 19.05.2022 Numéro CAS-2021-00056 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

M), demandeur en cassation, comp

arant par Maître Jean-Luc SCHAUS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu...

N° 76 /2022 du 19.05.2022 Numéro CAS-2021-00056 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

M), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Luc SCHAUS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

T), défendeur en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 31/21-II-CIV, rendu le 3 février 2021 sous le numéro CAL-2019-01102 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 mai 2021 par M) à T), déposé le 2 juin 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 6 juillet 2021 par T) à M), déposé le 12 juillet 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait condamné M) à rembourser au codébiteur solidaire T), subrogé en application de l’article 1251, point 3, du Code civil, dans les droits de l’Administration de l’enregistrement et des domaines et de la TVA (ci-après « l’AEDT »), la moitié de l’amende fiscale payée par T). La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 1350 point 2° du Code civil (autorité de la chose jugée) (i) Base légale L’article 1350 du Code Civil dit que est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits : tels sont [entres autres] […] 3° l’autorité que la loi attribue à la chose jugée ».

(ii) Discussion Les faits sont clairs : le jugement en matière pénale, du 8 janvier 2015, par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, N° 4/2015, a décidé que (A) les parties avaient commis un faux en écriture dans l’acte notarié et que :

(B) les deux personnes devaient subir chacune une amende de € 2500.-, Personne n’a fait appel de ce jugement, alors que tout le monde (les parties, mais aussi le ministère public) en avait la possibilité.

Ce jugement s’impose donc, d’une part aux deux parties, mais aussi à l’AED et au ministère public et finalement, mais également aux juridictions civiles.

Les magistrats de la Cour d’appel ont, confirmant les juges de première instance, reconnu le principe de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne les faits traités par le jugement pénal (car, comme les parties, les juges ont bien reconnu qu’il y avait eu une infraction, en se référant audit jugement pénal).

Cependant la Cour n’a pas reconnu l’autorité du dispositif de ce jugement.

Comment voir dans une condamnation pénale à € 2.500.-, la justification d’une amende de € 310.400.

L’article 1350 2° du Code Civil vise pourtant la chose jugée, donc, le dispositif. Il s’agit bel et bien d’une présomption légale qui s’impose au juge.

(iii) Ce en quoi la décision encourt le reproche allégué Ici, la juridiction d’appel, après avoir constaté qu’une juridiction luxembourgeoise siégeant en matière pénale :

(1) avait définitivement établi les faits, à savoir un ensemble d’éléments constitutifs d’une infraction ;

(2) avait décidé d’une sanction pénale, à la fois à l’égard de Monsieur T) et de Monsieur M) et que cette sanction était en fait une amende de € 2500.- pour chacune des deux parties, ladite juridiction d’appel ne pouvait, sans violer l’article 1350 2° du Code Civil, décider que Monsieur M) devait payer en sus, pour les mêmes faits, une de la moitié de € 310.000.- à Monsieur T).

La décision, manquant de base légale, encourt dès lors cassation. ».

Réponse de la Cour Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Défaut de base légale lié à l’attribution d’un effet juridique à la du 2 avril 2014 » (a) Partie critiquée de la décision Les magistrats de la cour d’appel ont affirmé que :

2014 qui précise que l’amende fiscale était à payer pour le 1er juin 2014 au plus tard, la Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a dit que T) n’était pas tenu d’attendre la délivrance d’une contrainte pour s’exécuter. En présence de cette décision contraignante obligeant [Monsieur T)] et [Monsieur M)] solidairement au paiement de l’amende jusqu’au 1er juin 2014, c’est en vain que M) fait valoir que le paiement effectué par T) est volontairement intervenu, étant donné que l’intimé, face à l’inertie de M), avait un intérêt manifeste à payer l’intégralité de la dette en évitant ainsi d’en accroître le quantum par l’application d’intérêts de retard ».

(b) Discussion Est ici discuté ce que les magistrats de la cour d’appel affirment être la décision du 2 avril 2014 », qui est un document juridique émanant d’une administration fiscale luxembourgeoise, à savoir l’actuelle Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA. C’est un document qui simplement énonce l’opinion de ladite administration, à ladite date du 2 avril 2014. Il n’énonce pas à qui il est adressé. Il ne parle pas d’intérêts de retard. Il s’agit en fait d’un document interne de ladite administration (voir la deuxième page : ).

La question juridique était : Quel pouvait être l’effet de ladite du 2 avril 2014 » ? En première instance, et ensuite en seconde instance, il avait été affirmé (par Monsieur M)) que ladite n’avait pas eu le caractère de contrainte en matière fiscale, et que d’ailleurs, une contrainte ne s’en était pas suivi.

(c) Ce en quoi la décision encourt le reproche allégué Les magistrats de la cour d’appel affirment que la 2014 » aurait été , et aurait donc été assortie d’un effet juridique. L’on se demande sur quelle base légale.

L’arrêt encourt cassation, alors qu’il aurait dû constater que face à l’absence de toute disposition légale en ce sens, la n’avait aucun effet juridique, et ne pouvait dès lors, servir de base légale à une demande de Monsieur T) envers Monsieur M).

L’arrêt encourt dès lors cassation. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Le demandeur en cassation ne précise pas la disposition légale qui aurait été violée par les juges d’appel.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe de .

(i) Base légale Le principe du s’impose au magistrat luxembourgeois, car il est repris à l’article 4 du protocole 7 de la convention européenne des droits de l’homme.

Selon cette disposition : Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

(ii) Partie critiquée de l’arrêt d’appel Selon l’arrêt :

de l’appelant en rapport avec l’application de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948, qui a servi de base à la décision administrative du 2 avril 2014, sont vains et il en va a fortiori de même pour ce qui est de l’argumentation de l’appelant relative à une prétendue violation de la procédure administrative non contentieuse, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et du principe non bis in idem, ces moyens tendant, implicitement du moins, à remettre en cause la légalité et la régularité de la décision administrative du 2 avril 2014. » (iii) Discussion L’article 1er dernier alinéa de la loi modifiée du 28 janvier 1948 dit clairement que .

En première instance, et en seconde instance, la partie demanderesse en cassation a démontré qu’il existe un principe, et ensuite une abondante jurisprudence, émanant entres autres de la Cour Européenne des droits de l’Homme, en vertu de laquelle, une se en sanction pénale, si certains éléments sont vérifiés. (voir par exemple, Janosevic / Suède ;

34619/97 ; 23 juillet 2002).

La administrative du 2 avril 2014, qui s’est basée sur l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948 est nécessairement une , comme le dit le texte de loi lui-même, qui a nécessairement un caractère pénal. Ce qui a été affirmé en première instance et en instance d’appel.

veut dire que par rapport à un fait pénal, il ne peut plus avoir plus d’une sanction pénale. L’on peut poser la règle de la façon suivante :

une fois qu’une juridiction a sanctionné pénalement, plus aucune juridiction n’est compétente pour sanctionner une deuxième fois, pour les mêmes faits. Or, le jugement dont appel, finalement, car il condamne Monsieur M) à payer (une partie) de l’amende à Monsieur T).

Qui dit dit bis in idem", par rapport au jugement du 8 janvier 2015. » (iv) Reproches à l’Arrêt L’arrêt encourt la cassation alors que au moment du jugement de première instance et au moment de l’arrêt d’appel, Monsieur M) avait depuis longtemps été condamné par une juridiction pénale, et qu’en condamnant Monsieur M) à payer une amende à Monsieur T) sur base de la , la Cour d’appel a attribué une valeur juridique à la décision du 2 avril 2014, valeur juridique inexistante alors depuis ladite , est intervenu un jugement pénal du 8 janvier 2015 relatif aux mêmes faits, qui a ainsi vidé toute autre pénale relative aux mêmes faits.

L’arrêt encourt donc cassation pour violation du principe du non bis in idem. ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe de la rétroactivité de la loi la plus douce, en présence d’une modification législative (a) Discussion Dans l’acte d’appel, la partie concluante a clairement observé que, la n’a jamais été contestée judiciairement, et que cet élément, qui n’était remis en cause par personne, et donc l’absence d’une décision judiciaire reconnaissant son caractère obligatoire, avec force de chose jugée, avait une autre conséquence.

En effet :

L’article 1er de la loi du 28 janvier 1948 sur laquelle ladite se basait, a été abrogé (dans sa version originaire), bien avant que Monsieur T) n’attaque en justice Monsieur M) et ne s’en prévale. Donc, il fallait se poser la question dans quelle mesure la cour d’appel pouvait encore appliquer l’ancienne loi, plutôt que la nouvelle loi.

(b) Intérêt de la question : Nouvelles règles applicables, qui sont douces ».

La loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017 a été publiée au mémorial A274 de 2016, et est donc antérieure à l’acte introductif d’instance (l’assignation datant du 2 février 2017).

Cette loi, à son article 13, a profondément modifié le dernier alinéa de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948 qui est dorénavant rédigé comme suit :

1948], toute dissimulation dans le prix d’une vente d’immeubles et dans la soulte d’un échange ou d’un partage est punie d’une amende égale à la somme dissimulée et payée solidairement par les parties, sauf à la répartir entre elles par égale part.

Le montant de l’amende ne peut dépasser le quadruple des droits éludés. » Donc, l’on note que dorénavant :

(A) Une amende fiscale est dorénavant possible, uniquement s’il n’y a pas eu de poursuites sur base de l’article 29 de la même loi. Donc, en l’espèce, le législateur a lui-même interdit la double incrimination qui était auparavant inscrite dans la loi, pour la rendre compatible avec les engagements internationaux du Luxembourg. En se donnant le mal d’empêcher le cumul de deux punitions, le législateur reconnaît également le caractère d’une amende fiscale.

(B) L’amende fiscale visée dans la loi est de toute façon plafonnée au quadruple des droits éludés. (Ici les tournent aux alentours de 6 % de € 310.000, donc € 18,600.-) Étant donné que l’amende est plafonnée (et n’es donc pas un montant fixe, automatique), il faut (logiquement) une décision administrative ou judiciaire, qui apprécie au cas par cas la gravité de la fraude, et donc motive la décision (principe de proportionnalité). Ici, la motivation de la décision du 2 avril 2014 est pour le moins légère, pour ne pas dire inexistante.

(c) Reproches à l’arrêt (i) première branche Les magistrats de la Cour d’Appel ont bien noté que encore valoir que l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948, tel que modifié par une loi du 23 décembre 2016, ne prévoit plus, contrairement à sa version antérieure, le cumul des amendes pénale et fiscale, le nouveau texte, dans l’hypothèse d’une dissimulation dans le prix de vente d’immeubles, ne prévoyant le paiement d’une amende fiscale qu’"en l’absence de poursuites sur base de l’article 29".

L’appelant estime dès lors que cette nouvelle version du prédit article 1 er trouve à s’appliquer. » En refusant de tenir compte de l’effet que peut avoir l’abrogation, de l’ancienne version de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948, et son remplacement par la loi du 23 décembre 2016, la Cour a violé l’article 61 al 1er du Nouveau Code de Procédure Civile en vertu duquel .

L’arrêt encourt donc cassation.

(ii) seconde branche En refusant d’appliquer l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948 dans sa version applicable depuis la loi du 23 décembre 2016 aux faits antérieurs à son entrée en vigueur, la Cour d’appel a violé le principe de la rétroactivité de la loi la plus douce.

L’arrêt encourt donc cassation pour violation de l’article 2 alinéa 2 du code pénal luxembourgeois, sinon violation de la loi du 3 juin 1983 (mémorial A41 de 1983), ayant approuvé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York, le 19 décembre 1966, et notamment son article 15 § 1. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies En condamnant le demandeur en cassation à rembourser au défendeur en cassation la moitié de l’amende fiscale au paiement de laquelle le demandeur et le défendeur en cassation étaient solidairement tenus et que le défendeur en cassation avait réglée à l’AEDT, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen, mais se sont basés sur les règles de la subrogation légale prévue par l’article 1251, point 3, du Code civil.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Absence de fondement de droit lié au reproche fait à Monsieur M) de ne pas avoir fait un recours contre la du 2 avril 2014 (a) Partie critiquée de la décision L’arrêt dit que administratif, il lui aurait appartenu de l’attaquer par les voies de droit prévues à cet effet et se pourvoir devant les autorités ou juridictions administratives (sic !), ce qu’il a omis de faire, de sorte qu’il ne saurait la remettre en cause dans le cadre de la présente procédure qui concerne le recours exercé par un débiteur contre un co-

débiteur. » (b) Discussion Il y a plusieurs bonnes raisons, pour laquelle Monsieur M) n’a pas attaqué la décision à caractère administratif » par les .

L’une est qu’il n’y avait pas de . Cela est dû à la nature même du droit d’enregistrement, décrite dans la loi du 22 Frimaire an VII sur l'enregistrement.

En effet :

restituer les droits payés par lui ou indûment perçus ou pour répondre à une contrainte décernée contre lui par l’administration » (A. SCHICKS, Dictionnaire des droits d’enregistrement, de succession, de timbre, de transcription, d’hypothèque et de greffe, Ed. Bruylant T. 3 v° Instances N° 48 p. 389).

saisir les tribunaux de contestations sur la perception que par voie d’action en restitution. Cependant ce principe n’est pas tellement rigoureux qu’on ne puisse s’en écarter, alors qu’à défaut de paiement le préposé est tenu de faire signifier une contrainte pour parvenir au recouvrement du droit qu’il a liquidé, et que les parties ont la faculté d’arrêter l’exécution de cette contrainte par voie d’opposition avec assignation devant le tribunal compétent qui se trouve ainsi saisi de la contestation » (B. RESTEAU, Traité des droits de succession et de mutation par décès N° 438 p. 271).

En d’autres mots : Si Monsieur M) avait suivi le des magistrats de la Cour d’Appel, en attaquant la sans attendre la contrainte, ce recours aurait été irrecevable, tel que cela relève d’ailleurs de la jurisprudence (Cour, 7 février 2019, N° 19/19 ; N°44049 du rôle).

Aussi, la juridiction ainsi saisie aurait par ailleurs rejeté sur base d’une logique d’intérêt à agir.

Il est un fait avéré que l’AED n’a pas poursuivi Monsieur M). Donc Monsieur M) ne peut pas et n’a pas pu attaquer la décision de l’AED. Si l’on analyse objectivement le comportement des parties et pouvoirs intéressées (L’AED, le législateur, le parquet, Monsieur T)….) l’on constate que Monsieur M) ne peut rien reprocher à l’AED (car celle-ci n’a pas tenté de réclamer une deuxième amende…) et encore mois au législateur (car celui-ci a, ex post, corrigé la loi), ni au parquet.

La seule personne qui selon la jurisprudence prédominante, était titulaire d’une action en contestation de la deuxième amende c’était Monsieur T), car ce dernier l’avait payée.

(c) Reproches à l’arrêt (i) Reproche à l’arrêt, première branche :

Sans aucune base légale les magistrats de la Cour d’appel, ont donc décidé que Monsieur M) n’avait, en quelque sorte, qu’à s’en prendre à lui-même pour ne pas avoir , nonobstant le fait que ces n’existaient pas dans le chef de Monsieur M) (mais par contre dans le chef de Monsieur T)), puisque ce dernier ne pouvait en fait rien reprocher à l’administration.

Il n’y a pas de base légale, obligeant un justiciable (Monsieur M)), d’, une .

L’arrêt encourt donc cassation.

(ii) Reproche à l’arrêt, seconde branche :

En reprochant à Monsieur Messe de ne pas s’être défendu contre une décision administrative, les magistrats de la Cour d’appel ont in fine violé le principe de la présomption d’innocence, selon lequel toute personne qui se voit reprocher une infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement démontrée.

L’arrêt encourt donc cassation pour violation de l’article 6 CEDH.

(iii) Reproche à l’arrêt, troisième branche :

En affirmant que Monsieur M) aurait dû explorer la légalité et l’effet obligatoire de la décision du 2 avril 2014 devant un autre forum, (alors même que cet autre forum n’existait pas, selon la jurisprudence constante), les magistrats de la Cour d’appel ont violé le droit de Monsieur M) à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

L’arrêt encourt donc cassation pour violation de l’article 6 CEDH. ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches du moyen réunies En retenant « Si M) n’était pas d’accord avec la prédite décision à caractère administratif, il lui aurait appartenu de l’attaquer par les voies de droit prévues à cet effet et se pourvoir devant les autorités ou juridictions administratives, ce qu’il a omis de faire, de sorte qu’il ne saurait la remettre en cause dans le cadre de la présente procédure qui concerne le recours exercé par un débiteur contre un co-

débiteur », les juges d’appel ont dit exactement que le demandeur en cassation ne pouvait pas remettre en cause la décision administrative du 2 avril 2014 dans le cadre du recours subrogatoire exercé par le défendeur en cassation à son encontre.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 (alinéa 1er) combiné avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile pour défaut de motifs, plus particulièrement de l’absence de réponse à conclusions (a) première branche : Absence de réponse aux critiques relatives à la en elle même (i) Partie critiquée de l’arrêt L’arrêt affirme que :

appartenait pas d’analyser le bien-fondé, ni la régularité de la décision administrative du 2 avril 2014 ».

(ii) Critique de l’arrêt Monsieur T), (l’adversaire) a tout au long des procédures de première instance et de seconde instance, affirmé que le fondement de sa demande était le remboursement d’une partie de l’amende qu’il avait payé sur base de la .

Monsieur T) a in fine dit 2 avril 2014 m’y obligeait ».

Donc, il fondait sa demande sur le caractère obligatoire de la administrative du 2 avril 2014 » Nous avons affirmé que la n’est en fait pas une décision administrative. En première instance et ensuite en instance d’appel, nous avons affirmé que l’éventuelle force obligatoire de la était viciée pour beaucoup de raisons (en plus du constat qu’à la cette décision s’était substitué la décision judiciaire de 2015).

Avec une nonchalance choquante, la juridiction d’appel a décidé que cela lui était égal.

(iii) Reproche à l’arrêt En refusant de se prononcer sur la valeur et la nature juridique de la , la cour d’appel a violé l’article 89 de la Constitution, combiné à l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’arrêt encourt donc cassation.

(b) seconde branche : Absence de réponse à l’argumentation que l’article 1 de loi du 28 janvier 1948 (dans la version originaire) n’était de toute façon plus applicable à cause du principe de la rétroactivité de la loi la plus douce (i) Reproche à l’arrêt Il n’y a pas un mot ! c’est choquant.

(ii) En quoi l’arrêt encourt cassation En refusant de se prononcer sur la valeur et la nature juridique de la , par rapport à la loi du 23 décembre 2016, la cour d’appel a violé l’article 89 de la Constitution, combiné à l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’arrêt encourt dès lors, la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme de défaut de motifs, qui est un vice de forme. Une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « Il s’ensuit que le tribunal a retenu à bon droit que l’ensemble des moyens de l’appelant en rapport avec l’application de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948, qui a servi de base à la décision administrative du 2 avril 2014, sont vains et il en va a fortiori de même pour ce qui est de l’argumentation de l’appelant relative à une prétendue violation de la procédure administrative non contentieuse, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et du principe non bis in idem, ces moyens tendant implicitement du moins, à remettre en cause la légalité et la régularité de la décision administrative du 2 avril 2014. En présence des termes clairs de la décision administrative du 2 avril 2014 qui précise que l’amende fiscale était à payer pour le 1er juin 2014 au plus tard, la Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a dit que T) n’était pas tenu d’attendre la délivrance d’une contrainte pour s’exécuter. En présence de cette décision contraignante obligeant l’intimé et l’appelant solidairement au paiement de l’amende jusqu’au 1er juin 2014, c’est en vain que M) fait valoir que le paiement effectué par T) est volontairement intervenu, étant donné que l’intimé, face à l’inertie de M), avait un intérêt manifeste à payer l’intégralité de la dette en évitant ainsi d’en accroître le quantum par l’application d’intérêts de retard, de sorte que le moyen de l’appelant tenant au défaut de minimisation par T) du dommage tombe à faux », les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation « La cour d’appel a violé la loi en ouvrant à Monsieur T), une action en recouvrement d’une amende par lui payée (a) première branche : Violation de l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 (i) Présentation de la disposition légale Voir l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 (1ère phrase) qui dit ce qui suit :

l’Enregistrement dans les trois ans qui suivront l’affirmation jugée frauduleuse. ».

Cet article 8 de ladite loi n’exclut pas l’article 1er de son champ d’application. Cet article n’envisage pas des poursuites à l’initiative d’une partie privée.

(ii) Discussion Ne soyons pas dupe : il s’agit de la matière fiscale. Donc une matière d’ordre public. Ici, il est vérifié que l’AED ne s’est plus jamais manifesté après le jugement pénal du 8 janvier 2015, n’a pas fait appel. Donc l’AED (et également de Ministère Public) a renoncé à tout autre voie de droit.

C’est bien ce que veut dire : la loi souligne ainsi que la puissance publique (et elle seule), représentée par une administration, a l’initiative des poursuites, et qu’elle a une certaine marge d’appréciation. (Pour mémoire, ici, ladite administration n’a pas ).

(iii) Critique de l’arrêt d’appel Puisque l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948, ici applicable, ne prévoit pas d’action privée en paiement ou en recouvrement d’une amende fiscale, c’est en violation de ladite disposition, que l’arrêt condamne Monsieur M) à payer une partie d’une amende Monsieur T).

L’arrêt encourt donc cassation.

(b) seconde branche : Violation de la loi, alors que les poursuites ont été portées devant une juridiction civile (i) Violation de la loi :

Voir l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 (2nde phrase) qui dit ce qui suit :

la résidence de l’un ou de l’autre auteur du délit, soit du lieu où le délit a été commis. ».

(iii) Discussion Ici, les n’ont pas été portées devant le tribunal correctionnel, mais en revanche devant le tribunal civil.

Il n’y a pas eu de poursuites devant le tribunal correctionnel, sauf bien sûr ce qui a abouti en le jugement de Diekirch (condamnant à € 2.500.-).

Cette règle, touchant l’organisation judiciaire, est évidemment d’ordre public.

(iii) Critique de l’arrêt d’appel C’est donc en violation de l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 les juges de première instance, ensuite les juges de la Cour d’appel, chambre civile se sont déclarés compétents pour apprécier l’exigibilité d’une demande de recouvrement d’une amende en matière fiscale.

L’arrêt encourt donc cassation.

(c) troisième branche : Violation du principe du monopole du recouvrement de créances étatiques dévolu aux agents et institutions étatiques (i) Textes de loi applicables Selon l’article 41 (3) de la du 8 juin 1999 sur le budget, la comptabilité et la trésorerie de l’Etat, le recouvrement des créances fiscales est confié aux receveurs des administrations fiscales compétentes. Il en est de même pour les recettes non fiscales (article 45 de la même loi).

Selon l’article 197 § 2 du code de procédure pénale, poursuites pour le recouvrement des amendes et confiscations seront faites au nom du procureur général d'Etat, par le directeur de l'administration de l'enregistrement et des domaines ».

(ii) Discussion Ce qui (de nouveau…) est assez surréaliste c’est que la [administrative] du 2 avril 2014 » respecte en fait la loi du 8 juin 1999, contrairement à l’arrêt d’appel. En effet, cette décision dit (sur la deuxième page) :

.

Donc, les fonctionnaires de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ne se sont pas détrompés sur la nature même de ladite . Contrairement aux magistrats de première instance et ensuite aux magistrats de la seconde instance.

L’article 41 (3) de la loi budgétaire dit (nécessairement) que c’est aussi le receveur de l’administration fiscale compétente qui, dans le détail décide contre qui recouvrer. L’article 197 du code de procédure pénale dit exactement la même chose.

Il s’agit d’un principe général du droit.

Ici, il n’est pas contesté que le receveur des domaines de Diekirch a eu une interaction en ce sens avec Monsieur T).

Ensuite Monsieur T) demande à Monsieur M) de rembourser (en partie), sans en discuter avec le receveur des domaines de Diekirch. L’on peut parler d’une sorte de délégation d’un service public, ou d’une privatisation du recouvrement fiscal. En y faisant droit, la Cour d’Appel cautionne un réflexe qui aurait peut-être été toléré à l’époque féodale, mais qui est inacceptable en temps modernes.

(iii) Critique de l’arrêt d’appel La décision de la Cour d’appel encourt cassation, alors qu’en violation de l’article 41 (3) de la loi du 8 juin 1999, voire de l’article 197 §2 du code de procédure pénale, elle a ouvert, à Monsieur T), un moyen privé de recouvrement d’une . ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches du moyen réunies Les juges d’appel n’ont pas « ouvert, à Monsieur T), un moyen privé de recouvrement d’une », réservé au receveur du bureau des recettes, mais ont, dans le cadre d’une action récursoire qui relevait de leur compétence, condamné le demandeur en cassation à rembourser la moitié d’une amende fiscale solidairement due et n’ont partant pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « Excès de pouvoir : violation du principe de la séparation des pouvoirs, prévu e.a. par l’article 36 de la constitution (i) Discussion :

En fait, la réalité est que la juridiction de première instance, ensuite les magistrats d’appel, se sont, in fine, substitués à une décision administrative, en la modifiant.

En effet :

(1) la décision administrative du 2 avril 2914 dit que payable (…) entre les mains du receveur. Passé ce délai (…). » (2) Monsieur T) a, en première instance et en instance d’appel, eu l’honnêteté d’avouer qu’il avait tout payé suite à un accord que lui-même avait conclu avec l’administration.

(ii) Principe de la séparation des pouvoirs Le principe général du droit de la séparation des pouvoirs exclut que le pouvoir judiciaire modifie une décision administrative préexistante, ou en change la géométrie ou la portée, respectivement, que le pouvoir judiciaire interfère avec l’activité d’une administration. Au contraire, l’article 36 de la Constitution prévoit que .

Si une administration publique prend une décision, elle peut éventuellement la modifier dans le cadre d’une interaction avec la personne visée. Mais il n’appartient pas à une juridiction de la changer à l’insu de l’administration.

Devant les magistrats d’appel, la partie concluante avait argumenté qu’il aurait fallu, au minimum, que Monsieur T) mette en intervention l’AED, dans la mesure où il a été demandé à la juridiction de changer l’effet et donc de dénaturer une prise par l’AED.

Ici, la dit ce qui est dû à l’administration et à personne d’autre. La décision ne dit pas qu’une personne privée peut demander une partie de l’amende à une autre personne privée.

Ici, en l’espèce, le paiement par Monsieur T) de l’amende a été la conclusion d’une interaction entre Monsieur T) et l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA. Monsieur T) n’a pas divulgué tous les détails de cette interaction. Il est vrai que si l’on lit le procès-verbal de police, l’on se doute pourquoi ; Monsieur T) a été l’instigateur de cette fraude et il a payé avec son .

(iii) Critique de l’arrêt d’appel Un organe judiciaire ne saurait, au regard du principe de la séparation des pouvoirs, être analysé comme étant un organe exécutif investi de la mission d’appliquer et modifier les lois et les décisions administratives.

C’est à tort donc, et en violation du principe de la séparation des pouvoirs que l’arrêt a constaté qu’une , qui affirme qu’un montant est dû au receveur (et à personne d’autre), peut être modifiée par une juridiction pour en fait dire que ce montant est dorénavant partiellement dû à Monsieur T).

En dénaturant cette décision administrative, les magistrats d’appel on violé le principe de la séparation des pouvoirs.

L’arrêt encourt cassation. ».

Réponse de la Cour En condamnant le demandeur en cassation à rembourser au défendeur en cassation, subrogé dans les droits du créancier initial, la moitié de l’amende fiscale, les juges d’appel n’ont pas violé le principe de la séparation des pouvoirs.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation l’article 183 du Nouveau Code de Procédure Civile (i) Discussion La partie concluante avait argumenté en instance d’application que juges de première instance n’ont pas communiqué le dossier au procureur, alors que, par définition, la matière concerne l’ordre public (article 183 du Nouveau Code de Procédure Civile) » (ii) Critique de l’arrêt d’appel C’est encore à tort que, dans à une matière qui par définition relève de l’ordre public, et au vu de la critique que les juges de première instance n’ont pas communiqué le dossier au procureur, que les magistrats de seconde instance ont rejeté le moyen tiré de l’article 183 du Nouveau Code de Procédure Civile, en vertu duquel, il aurait fallu communiquer le dossier au ministère public.

L’arrêt encourt cassation. ».

Réponse de la Cour Le grief tiré de ce que les juges d’appel n’ont pas communiqué la cause au ministère public, ne donne pas ouverture à cassation, mais aux termes de l’article 617, point 8, du Nouveau Code de procédure civile, à requête civile.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « La loi ne prévoit pas d’action récursoire pour le paiement partiel d’une par une personne physique en faveur d’une autre personne physique, du simple fait que cette personne physique a payé ladite .

(i) Discussion L’article 1er dernier alinéa de la loi du 28 janvier 1948 est, que l’on veuille ou non, une disposition visant à punir un certain comportement. Il y a une sanction sous forme d’une amende.

Pour punir, il faut évidemment identifier, donc individualiser le . Le fait que la loi prévoie, pour le paiement de l’amende une solidarité des deux , n’implique pas, en l’absence d’une précision du texte, que l’un des puisse demander quelque chose à l’autre.

Cette interprétation est tout à fait logique et correspond à la ratio legis de la matière fiscale (et de la matière pénale) qui sont par définition des matières de droit public, impliquant une interaction entre la personne et la puissance publique.

A l’inverse, la procédure fiscale, tout comme la procédure pénale d’ailleurs, sont des procédures inquisitoires, secrètes. Il est logique, (que selon les cas), seuls une administration fiscale, ou le parquet, aient le monopole de la poursuite de quelqu’un pour une infraction à la loi. Eux seuls ont les moyens d’enquête. Ces institutions ont un mandat défini par la loi, elles exécutent une mission de service public. Ici, du fait que Monsieur M) n’a pas participé à la procédure administrative T) / Etat, Monsieur M) est nécessairement dans une situation désavantagée par rapport à Monsieur T) ou à l’Etat : Monsieur T) connaissait (et pour cause…) l’intégralité de son dossier fiscal, et sur cette base a payé l’amende de € 310.000.-

après avoir pour les mêmes faits payé une amende pénale de € 2.500.-. En toute logique, Monsieur M), qui n’a accès ni au dossier fiscal ni au dossier pénal de Monsieur T), n’a pas les mêmes moyens pour se défendre contre une demande de Monsieur T).

Or, chaque fois qu’il faut interpréter une loi, il faut, in fine faire cette interprétation, conformément aux principes d’un État de droit.

L’article 1er de la loi du 28 janvier 1948 utilise le terme de « solidarité » entre les co-.

(ii) Critique de l’arrêt (A) première branche :

La loi fiscale et la loi pénale sont d’ordre public. Elles sont actionnées par des administrations fiscales, respectivement le parquet.

C’est à tort, et sans aucune base légale que l’arrêt a constaté que le terme utilisé par l’article 1er de la loi du 28 janvier 1948, implique, pour une personne physique, la possibilité de recouvrer une partie d’une amende par elle payée contre une autre personne physique.

L’arrêt encourt donc cassation.

(B) seconde branche :

En ouvrant à Monsieur T) une action en recouvrement d’une créance fiscale, la Cour d’appel a in fine violé le principe de l’égalité des armes, puisque pour se défendre de façon adéquate, Monsieur M) aurait dû étudier les faits et rétroactes du paiement, effectué par Monsieur T), de l’amende, ce dont il était empêché à cause du principe du secret de l’instruction (fiscale et pénale).

Monsieur T) connaît dans le détail les raisons pour laquelle lui-même a payé , mais pas Monsieur M).

La Cour d’appel a ainsi violé, fait une fausse application sinon un refus de l’application du principe du droit à un procès équitable et plus précisément du principe d’égalité des armes qui découle de la lecture et de l’application jurisprudentielle constante du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme.

L’arrêt encourt donc cassation. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le moyen tiré de la violation de l’article 1 de la loi modifiée du 28 janvier 1948 tendant à assurer la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales vise des dispositions étrangères au litige relatif à l’action introduite par le demandeur en cassation contre le défendeur en cassation, basée sur la subrogation légale.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, est irrecevable.

Sur le onzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 1216 du Code Civil (a) Disposition applicable Selon l’article 1216 du Code Civil :

concernait que l’un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-

à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions. ».

(b) Partie critiquée de la décision La cour d’appel affirme que Civil invoqué par M) pour voir admettre que la dette fiscale ne concerne que l’intimé à l’exclusion de l’appelant, la Cour ne peut que constater que cette affirmation se trouve contredite par les termes mêmes de la décision administrative en cause desquels il résulte que T) et M) sont tenus, au même titre, au paiement de l’amende fiscale ».

(c) Discussion Devant la Cour d’appel, Monsieur M) a expliqué qu’à cause de la logique même de l’enregistrement (l’enregistrement, avec l’indication du prix de vente étant une démarche faite par l’acheteur, ou plus exactement par le notaire sur instruction de l’acheteur, le vendeur étant totalement tiers à la procédure d’enregistrement), l’ n’avait concerné que Monsieur T).

En instance d’appel, il avait notamment été observé que :

- Dans la mesure où dans une vente il y a toujours au moins deux parties, la loi se limite à (a) frapper l’acte en tant que tel et (b) dire qui en est le débiteur. Pour une vente, il s’agit de l’acheteur (donc de Monsieur T), en l’espèce). Monsieur M) n’a jamais été le débiteur de la taxe. Il n’a donc pas non plus éludé un impôt. Voir l’article 31 de la loi sur l’enregistrement du 22 Frimaire An VII ;

- L’enregistrement est nécessairement postérieur à l’acte (d’abord on signe l’acte, ensuite on enregistre l’acte). Monsieur M) n’avait aucune influence sur le processus d’enregistrement.

- Il ne faut pas se détromper sur la signification du terme « les parties » visées par l’article 1er de la loi de 1948 : il peut très bien y avoir plusieurs acheteurs, donc plusieurs parties débitrices de la taxe.

Ici, clairement, la est une amende. La dette sous-

jacente (à l’amende) étant un impôt (droit d’enregistrement) dont seulement Monsieur T) était le débiteur. Dès lors, Monsieur M) n’a jamais été autre chose qu’une caution au bénéfice du trésor public.

(d) Critique de l’arrêt d’appel Alors qu’il résulte de la nature même de l’enregistrement que Monsieur M) n’a jamais été débiteur de la taxe éludée, la Cour d’appel a méconnu l’article 1216 du Code Civil en décidant que Monsieur M) dépassait le rôle d’une simple caution à l’égard du créancier (à savoir le trésor public) et devait donc être tenu au paiement de l’ au même titre que Monsieur T).

L’arrêt encourt cassation. ».

Réponse de la Cour En retenant « Pour ce qui est de l’article 1216 du Code civil invoqué par M) pour faire admettre que la dette fiscale ne concerne que l’intimé à l’exclusion de l’appelant, la Cour ne peut que constater que l’affirmation se trouve contredite par les termes mêmes de la décision administrative en cause desquels il résulte que T) et M), sont tenus, au même titre, au paiement de l’amende fiscale », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le douzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 1251 3° du Code Civil (a) Disposition applicable L’article 1251 3° du Code Civil dit que droit : (…) 3° au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ; ».

(b) Discussion / partie de l’arrêt critiquée La Cour d’appel, et d’ailleurs les magistrats de première instance ont correctement noté que cette disposition, donc la subrogation légale est le principal mécanisme juridique invoqué par Monsieur T).

La Cour d’appel a affirmé que jugement entrepris et approuve les juges de première instance d’avoir dit que les conditions d’application de ce texte étant données en l’espèce, la subrogation légale joue au profit de T). » Les juges de première instance, quant à eux, ont par contre observé que pour que le mécanisme de la subrogation légale puisse fonctionner, il faut que la dette sous-jacente (donc, ici la dette de Monsieur T) envers l’Etat) ait été une dette certaine, liquide et exigible.

Or, en instance d’appel, la partie concluante a affirmé, que la créance, ab initio, de l’AED envers de Monsieur T) n’a jamais eu le caractère de créance certaine, liquide et exigible.

(c) Conclusion / en quoi l’arrêt encourt la cassation (Première branche) En refusant de se prononcer sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance sous-jacente, la Cour d’appel a violé l’article 1251 3° du Code Civil.

L’arrêt encourt cassation.

(d) Conclusion / en quoi l’arrêt encourt la cassation (Seconde branche) En l’absence d’un caractère certain, liquide et exigible au niveau de la dette sousjacente (donc la dette de Monsieur T) envers l’Etat), la Cour d’appel a violé l’article 1251 3° du Code Civil, en accueillant le recours subrogatoire de Monsieur T) contre Monsieur M).

L’arrêt encourt cassation. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, d’une part, la violation de l’article 1251, point 3, du Code civil et, d’autre part, le défaut de base légale en relation avec la même disposition légale, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est irrecevable.

Sur la seconde branche du moyen L’article 1251, point 3, du Code civil disposant que « La subrogation a lieu de plein droit : (…) au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter », les juges d’appel, en déclarant fondé le recours récursoire de T), qui avait eu intérêt d’acquitter la dette, contre le codébiteur solidaire M), ont légalement justifié leur décision.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

Sur le treizième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 2031§2 du Code Civil, (a) Dispositions applicables Dans son acte d’appel, la partie concluante a affirmé que c’est à tort que les juges de première instance ont refusé d’appliquer l’article 2031 §2 du Code Civil (pas de recours pour paiement par la caution, sans être poursuivie, et sans avertir le débiteur principal) ». Voir l’acte d’appel, page 5 en bas.

(b) Discussion En première instance, ensuite en instance d’appel, la partie concluante a affirmé que Monsieur T) avait simplement payé.

En matière d’enregistrement, il a été expliqué que des « poursuites » par la partie étatique commencent toujours, par définition, par une « contrainte ». En première instance, ensuite en instance d’appel, il avait été observé, et Monsieur T) n’avait pas contredit l’affirmation qu’il n’y a jamais eu de contrainte de la part de l’Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA. Cette administration ne s’est jamais manifestée.

Donc Monsieur T) n’a jamais été poursuivi, et n’a jamais averti Monsieur M).

(c) Conclusion/ en quoi l’arrêt encourt la cassation Alors qu’il n’a pas été établi, ni affirmé que (cumulativement) 1° Monsieur T) était poursuivi pour le paiement de l’amende de € 310.000.- et 2° que Monsieur T) avait averti Monsieur M) qu’il allait payer au créancier principal, la cour d’appel a violé l’article 2031§2 du Code Civil.

L’arrêt encourt cassation. ».

Réponse de la Cour En retenant « C’est à tort que M) tente de voir admettre qu’il est à considérer comme caution et à voir appliquer les articles 2031, alinéa 2, et 2037 du code civil qui ont trait au cautionnement », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation, avec distraction au profit de la société en commandite simple KLEYR GRASSO, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation M) contre T) Le pourvoi en cassation, introduit par M) par un mémoire en cassation signifié le 14 mai 2021 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 2 juin 2021, est dirigé contre un arrêt n° 31/21 rendu par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 3 février 2021 (n° CAL-2019-01102 du rôle). Cet arrêt a été signifié au demandeur en cassation en date du 29 avril 2021.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le défendeur en cassation a signifié un mémoire en réponse le 6 juillet 2021 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 12 juillet 2021.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Sur les faits et antécédents :

M) a vendu une maison d’habitation à T) au prix de 498.600,00 euros déclaré dans l’acte notarié.

Le prédit montant ne correspondait pas à l’intégralité du prix convenu entre parties, le prix réel s’étant chiffré au montant de 780.000,00 euros. M) et T) ont fait l’objet d’une décision administrative du 2 avril 2014, par laquelle le directeur de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines (ci-après « l’AED ») a prononcé contre eux une amende d’un montant de 310.400,00 euros en précisant qu’ils sont tenus solidairement au paiement de ladite somme au plus tard pour le 1er juin 2014. La décision précise que, passé ce délai, une contrainte sera décernée par le receveur en cas de non-paiement.

La décision du 2 avril 2014 a été prise sur la base de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948 sur la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession (ci-après « la loi modifiée du 28 janvier 1948 »), article qui dispose que « sans préjudice des dispositions de l’article 29 ci-après, toute dissimulation dans le prix d’une vente d’immeubles… est punie d’une amende égale à la somme dissimulée et payée solidairement par les parties, sauf à la répartir entre elles par égale part ».

Le 8 avril 2014, l’AED a notifié à T) et à M) un avis de paiement du montant de 310.400,00 euros. Seul T) s’est acquitté, d’abord, en 2014, de la moitié de l’amende, et, ensuite, il a réglé le solde par des paiements échelonnés dont le dernier a eu lieu le 17 août 2017.

T) et M) ont, en outre, été condamnés tous les deux à une amende correctionnelle de 2.500 € par jugement rendu le 8 janvier 2015 par une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Diekirch du chef de faux, d’usage de faux et d’infraction à l’article 29 de la loi modifiée du 28 janvier 1948. Ce jugement est coulé en force de chose jugée, aucun recours n’ayant été exercé.

En date du 2 février 2018, T) a assigné M) pour le voir condamner sur la base de l’article 1251, point 3, du code civil (subrogation légale), sinon sur la base des articles 1372 à 1375 du Code civil (gestion d’affaires), sinon sur la base de l’action de in rem verso (enrichissement sans cause) à lui rembourser la moitié de l’amende fiscale payée, à savoir le montant de 155.200,00 euros, outre les intérêts et une indemnité de procédure. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par jugement du 19 juin 2019, a condamné M), sur la base de la subrogation légale, à payer à T) le montant de 155.200,00 euros, outre les intérêts, ainsi qu’une indemnité de procédure de 2.000,00 euros et a débouté M) de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure.

Par exploit d’huissier du 13 août 2019, M) a interjeté appel contre ce jugement.

En date du 3 février 2021, la Cour d’appel a rendu un arrêt dont le dispositif se lit comme suit :

« vu l’article 2 de la loi du 19 décembre 2020, reçoit l’appel an la forme, le dit non fondé, confirme le jugement entrepris, déboute M) de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, condamne M) à payer à T) une indemnité de procédure de 2.000,00 euros pour l’instance d’appel, condamne M) aux frais et dépens de l’instance d’appel. » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen de cassation est tiré d’une violation de l’article 1350 3° du Code civil1 qui dispose :

1 Dans l’intitulé du moyen, le demandeur en cassation se réfère à l’article 1350 2°, ce qui constitue certainement une erreur matérielle, étant donné que c’est l’autorité de la chose jugée (article 1350 3°) qui est visée « La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits : tels sont :

1°(….) 2°(…) 3°l’autorité que la loi attribue à la chose jugée ;

4°(…) ».

Le demandeur en cassation invoque le jugement rendu par la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Diekirch en date du 8 janvier 2015, contre lequel aucune des parties n’a exercé un recours et qui est devenu définitif.

Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris de ne pas avoir reconnu l’autorité du dispositif de ce jugement. Une condamnation pénale à une amende de 2.500 € ne saurait servir de justification pour une amende de 310.400 €. Ce serait à tort que la Cour d’appel aurait décidé que le demandeur en cassation devait payer en sus, pour les mêmes faits, une « amende » de la moitié de 310.000 € au défendeur en cassation. In fine le moyen soulève encore que la décision manquerait de base légale.

Principalement :

En soulevant une violation de l’article 1350 3° du Code civil et un défaut de base légale, le moyen soulève deux cas d’ouverture distincts et est irrecevable sur base de l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il est encore irrecevable en ce qu’il n’indique pas la partie critiquée de la décision et ne contient pas de conclusions dont l’adjudication serait demandée.

Il procède encore d’une lecture erronée de l’arrêt lorsqu’il demande « Comment voir dans une condamnation pénale à 2.500.-, la justification d’une amende de € 310.400.» La condamnation à payer au défendeur en cassation le montant de 155.200.- € ne repose nullement sur la condamnation pénale prononcée par le jugement correctionnel du 8 janvier 2015, mais est basée sur la subrogation légale prévue à l’article 1251 3° du Code civil et sur le constat que le défendeur en cassation a payé seul la dette à laquelle ils étaient solidairement tenus vis-à-vis de l’AED en vertu de la décision du Directeur de l’AED du 2 avril 2014.

Le moyen manque en fait.

S’y ajoute qu’il ne résulte ni d’un acte de procédure ni d’une autre pièce que la Cour d’appel avait été saisie de ce moyen. Celui-ci est partant nouveau. Il est mélangé de fait et de droit, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Subsidiairement :

Si les décisions pénales ont au civil autorité de la chose jugée, cela signifie qu’il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été nécessairement et certainement jugé par le juge pénal.

2 En condamnant le demandeur en cassation sur la base de la subrogation légale à payer au défendeur en cassation un montant correspondant à la moitié de l’amende fiscale à laquelle ils ont été solidairement condamnés par décision de l’AED du 2 avril 2014, l’arrêt dont pourvoi n’a rien décidé qui serait en contradiction avec le jugement rendu par la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Diekirch en date du 8 janvier 2015.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation:

Le deuxième moyen est tiré du défaut de base légale lié à l’attribution d’un effet juridique à la décision du 2 avril 2014.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu :

« En présence des termes clairs de la décision administrative du 2 avril 2014 qui précise que l’amende fiscale était à payer pour le 1er juin 2014 au plus tard, la Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a dit que T) n’était pas tenu d’attendre la délivrance d’une contrainte pour s’exécuter. En présence de cette décision contraignante obligeant l’intimé et l’appelant solidairement au paiement de l’amende jusqu’au 1er juin 2014, c’est en vain que M) fait valoir que le paiement effectué par T) est volontairement intervenu, étant donné que l’intimé, face à l‘inertie de M), avait un intérêt manifeste à payer l’intégralité de la dette en évitant ainsi d’en accroître le quantum par l’application d’intérêts de retard».

Principalement :

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 18 février 1885, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser le cas d’ouverture invoqué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit3.

Le moyen ne précise pas la disposition légale qui aurait été violée par la Cour d’appel.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

2 p.ex. Cass. 6 juillet 1972, Pas. 22, p.157 ; Cass. 2 février 1978, Pas. 24, p.67 ; Cass. 22 avril 1999, Pas. 31, p.47 3 Cass. 10 juin 2021, n°98/2021, n° CAS-2020-00100 du registre S’y ajoute qu’il ne résulte ni d’un acte de procédure ni d’une autre pièce que la Cour d’appel avait été saisie de moyen. Celui-ci est partant nouveau.

Dans la mesure où le moyen soulève la question des destinataires de la décision de l’AED du 2 avril 2014, il est mélangé de fait et de droit, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Subsidiairement :

L’arrêt dont pourvoi indique :

« La décision du 2 avril 2014 a été prise sur base de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948 sur la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession (ci-après « la loi modifiée du 28 janvier 1948 »), article qui dispose que « sans préjudice des dispositions de l’article 29 ci-après, toute dissimulation dans le prix d’une vente d’immeubles… est punie d’une amende égale à la somme dissimulée et payée solidairement par les parties, sauf à la répartir entre elles par égale part ».4 La décision entreprise a partant indiqué la disposition légale sur la base de laquelle la décision de l’AED a été prise.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation du principe « non bis in idem » garanti par l’article 4 du protocole 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Toutefois il ne s’applique qu’aux sanctions pénales.

Le demandeur en cassation ne fournit aucune explication concernant la prétendue applicabilité du principe « non bis in idem », respectivement l’étendue de cette applicabilité.

La Cour européenne des droits de l’Homme accepte parfois de considérer d’autres sanctions, notamment disciplinaires ou fiscales, comme relevant du domaine pénal en appliquant les critères de sa jurisprudence Engel. Les conditions d’une pareille requalification en matière fiscale ont été précisées dans l’arrêt Janosevic c/ Suède du 23 juillet 2002. Le demandeur en cassation invoque cet arrêt en faisant valoir qu’une amende fiscale peut se « colorer » en sanction pénale « si certains éléments sont vérifiés ». Il ne fournit toutefois aucune précision en ce qui concerne les éléments en question.

Pour déterminer le caractère «pénal» d'une infraction, la Cour européenne des droits de l’Homme applique trois critères: la classification juridique de l'infraction en droit interne, la nature de l'infraction, ainsi que la nature et le degré de gravité de la sanction éventuelle.

4 Arrêt du 3 février 2021, page 2, 2ème alinéa La Cour européenne rappelle que ces critères sont alternatifs et non cumulatifs.

En matière fiscale, la Cour européenne prend en considération les critères suivants :

1) La loi en question s’applique à tous les citoyens en tant que contribuables ;

2) La majoration ne correspond pas à une réparation pécuniaire, mais a un but répressif et dissuasif ;

3) L’importance de la majoration.

Aucune indication n’est fournie par le demandeur en cassation sur l’écart existant (le cas échéant) entre le montant de l’amende et le montant qui aurait été dû en cas de déclaration du prix de vente réel dans l’acte notarié.

Avant de pouvoir retenir que la décision de l’AED du 2 avril 2014 tombe dans le domaine pénal, votre Cour devrait examiner des faits qui n’ont pas été constatés par les juges du fond.

Le moyen est nouveau et il est mélangé de fait et de droit. Il s’agit d’un moyen d’ordre public qui n’est recevable en cassation que lorsqu’il est de pur droit et s’il était apparent en cause d’appel. Tel n’est pas le cas, de sorte que le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

L’article 4 du protocole 7 de la Convention dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ».

« La garantie consacrée à l’article 4 du Protocole no 7 entre en jeu lorsque de nouvelles poursuites sont engagées et que la décision antérieure d’acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose jugée (…).(…) l’article 4 du Protocole no 7 énonce une garantie contre de nouvelles poursuites ou le risque de nouvelles poursuites, et non l’interdiction d’une seconde condamnation ou d’un second acquittement.»5 Même à supposer que l’amende prononcée par le Directeur de l’Administration de l’Enregistrement doive être qualifiée de sanction pénale à laquelle le principe « non bis in idem » s’applique, il faut constater que la décision de l’AED du 2 avril 2014 était antérieure à la condamnation par la chambre correctionnelle de Diekirch prononcée en date du 8 janvier 2015. Cette dernière ne pouvait dès lors pas faire obstacle au prononcé d’une amende qui avait déjà été prononcée par une décision administrative antérieure et qui n’a pas fait l’objet d’un recours.

Le moyen n’est pas fondé.

5 Arrêt CEDH Sergeï Zolotoukhine c. Russie, du 10 février 2009, n°14939/03 Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen invoque une violation du principe de la rétroactivité de la loi plus douce et est articulé en deux branches qui énoncent le même grief.

Le moyen est tiré d’une violation de l’article 61 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile qui dispose que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » (première branche) et d’une violation de l’article 2, alinéa 2, du Code pénal6, sinon de la loi du 3 juin 1983 ayant approuvé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 19 décembre 1966, et notamment son article 15 §1 7(deuxième branche).

Le demandeur en cassation invoque l’article 1er de la loi 28 janvier 1948 sur la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession, tel que modifié par l’article 13 de la loi du 23 décembre 2016, qui dispose désormais :

« En l’absence de poursuites sur base de l’article 29, toute dissimulation dans le prix d’une vente d’immeubles et dans la soulte d’un échange ou d’un partage est punie d’une amende égale à la somme dissimulée et payée solidairement par les parties, sauf à la répartir entre elles par égale part. Le montant de l’amende ne peut dépasser le quadruple des droits éludés. » L’article 25, alinéa 1er, de la loi 23 décembre 2016 a précisé l’entrée en vigueur des différentes dispositions :

« Les dispositions de la présente loi sont applicables à partir de l’année d’imposition 2017, à l’exception de celles des articles 1er, 5°, 2, 1° et 23 qui sont applicables à partir de l’année d’imposition 2016, de celles des articles 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22 et 24, 2°, 3° et 4° qui sont applicables à partir du 1er janvier 2017 et de celles des articles 1er, 1°, 2°, 31°, 32° et 33°, 6 et 7, 1° qui sont applicables à partir de l’année d’imposition 2018, à l’exception de la suppression des termes «ne vivant pas en fait séparés» prévue à l’article 1er, 32° et 33°. » Pour l’article 13 ayant modifié l’article 1er de la loi du 28 janvier 1948, l’entrée en vigueur était partant prévue pour le 1er janvier 2017.

La décision du Directeur de l’AED du 2 avril 2014 était définitive avant l’entrée en vigueur de la modification législative de l’article 1er de la loi du 28 janvier1948 et c’est à juste titre que l’article 1er a été appliqué dans sa version en vigueur au moment où la décision a été prise.

6 Article 2, alinéa 2, du Code pénal : « Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui est portée au temps de l’infraction, la peine la moins forte sera appliquée.» 7 Article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :

« 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. » Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’avoir appliqué l’ancienne version de l’article 1er de la loi du 28 janvier 1948 au lieu de tenir compte de la modification législative intervenue.

Or, ce moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt. Pour condamner le demandeur en cassation à rembourser au défendeur en cassation la moitié de l’amende réglée par celui-ci et au paiement de laquelle ils étaient solidairement tenus, la Cour d’appel s’est basée sur les règles de la subrogation légale prévue à l’article 1251 3° du Code civil.

La Cour d’appel n’a pas appliqué et ne devait pas appliquer l’article 1er de la loi du 28 janvier 1948, de sorte qu’aucun problème de rétroactivité in mitius ne se posait devant elle.

Les dispositions visées au moyen sont partant étrangères à la décision attaquée.

Le moyen est irrecevable dans ses deux branches, sinon non fondé.

Sur le cinquième moyen :

Le cinquième moyen est tiré de l’«absence de fondement de droit lié au reproche fait à Monsieur M) de ne pas avoir fait un recours contre la « décision à caractère administratif » du 2 avril 2014 ».

Le moyen s’articule en trois branches qui sont incompréhensibles. «Sans aucune base légale », les magistrats de la Cour d’appel auraient décidé que le demandeur en cassation aurait dû exercer les « voies de droit » contre la décision de l’AED du 2 avril 2014 (première branche), ils auraient ainsi violé la présomption d’innocence garantie par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (deuxième branche), et ils auraient violé le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (troisième branche).

L’exposé du moyen ne contient pas de conclusions dont l’adjudication serait demandée et il n’est pas exposé en quoi les griefs allégués auraient une quelconque incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué.

Le libellé du moyen est totalement obscur et incompréhensible, de sorte qu’il doit être déclaré irrecevable en ses trois branches.

Subsidiairement :

Le moyen critique les seuls motifs de l’arrêt entrepris sans exposer en quoi ces motifs auraient eu une quelconque incidence sur le dispositif de l’arrêt. 8 Le demandeur en cassation ne démontre pas que les erreurs soulevées ont été causales et ont exercé une influence déterminante sur le dispositif critiqué.9 Le moyen est inopérant en ses trois branches et ne saurait être accueilli.

8 Jacques et Luis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 5e éd. 2015/2016, n° 83.16, page 507 9 ibidem, n° 83.30, page 508 Sur le sixième moyen :

Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile pour absence de réponse à conclusions.

Le moyen est articulé en deux branches qui énoncent le même grief et reprochent à l’arrêt dont pourvoi d’avoir refusé de se prononcer sur la valeur et la nature juridique de la « décision administrative du 2 avril 2014 ».

Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte un motif, expresse ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré.10 La Cour d’appel a répondu aux critiques dirigées contre la décision de l’AED du 2 avril 2014 par les motifs suivants :

« Il s’ensuit que le tribunal a retenu à bon droit que l’ensemble des moyens de l’appelant en rapport avec l’application de l’article 1er de la loi modifiée du 28 janvier 1948, qui a servi de base à la décision administrative du 2 avril 2014, sont vains et il en va a fortiori de même pour ce qui est de l’argumentation de l’appelant relative à une prétendue violation de la procédure administrative non contentieuse, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et du principe non bis in idem, ces moyens tendant, implicitement du moins, à remettre en cause la légalité et la régularité de la décision administrative du 2 avril 2014.

En présence des termes clairs de la décision administrative du 2 avril 2014 qui précise que l’amende fiscale était à payer pour le 1er juin 2014 au plus tard, la Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a dit que T) n’était pas tenu d’attendre la délivrance d’une contrainte pour s’exécuter. En présence de cette décision contraignante obligeant l’intimé et l’appelant solidairement au paiement de l’amende jusqu’au 1er juin 2014, c’est en vain que M) fait valoir que le paiement effectué par T) est volontairement intervenu, étant donné que l’intimé, face à l‘inertie de M), avait un intérêt manifeste à payer l’intégralité de la dette en évitant ainsi d’en accroître le quantum par l’application d’intérêts de retard, de sorte que le moyen de l’appelant tenant au défaut de minimisation par T) du dommage tombe à faux. » La décision entreprise comporte partant une réponse aux critiques dirigées contre la décision du 2 avril 2014.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen :

10 ibidem, n° 77.31, page 404 Le septième moyen de cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir « violé la loi en ouvrant à Monsieur T) une action en recouvrement d’une amende par lui payée ».

Le moyen est divisé en trois branches, dont les deux premières sont tirées d’une violation de l’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 sur la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession, tandis que la troisième est tirée d’une violation du principe du monopole du recouvrement de créances étatiques dévolu aux agents et institutions étatiques prévu à l’article 41 (3) de la loi du 8 juin 1999 sur le budget, la comptabilité et la trésorerie de l’Etat, sinon à l’article 196 § 2 du Code de procédure civile.

Les trois branches reprochent aux juges d’appel d’avoir permis au défendeur en cassation d’exercer en tant que particulier une action en recouvrement d’une amende devant une juridiction civile.

Sur les deux premières branches:

L’article 8 de la loi du 28 janvier 1948 visé aux deux premières branches a exclusivement trait aux poursuites pénales exercées en cas de déclaration frauduleuse :

« Les poursuites seront engagées à la requête de l’Administration de l’Enregistrement dans les trois ans qui suivront l’affirmation jugée frauduleuse. Elles seront portées devant le tribunal correctionnel, soit de la résidence de l’un ou de l’autre auteur du délit, soit du lieu où le délit a été commis. » Ces dispositions ne concernent pas l’action en recouvrement de l’AED pour obtenir paiement de sa créance fiscale et ne s’appliquent pas non plus à l’action subrogatoire du co-débiteur qui a entièrement réglé le montant dû à l’AED. Ces dispositions ne sont pas applicables à l’action civile exercée par le défendeur en cassation et elles sont étrangères au grief.

Les deux premières branches sont irrecevables.

Subsidiairement :

« La subrogation a un effet translatif. On considère que la créance initiale est transmise au tiers subrogé et avec elle, ses “droits, actions, privilèges et hypothèques”. L'effet translatif a deux conséquences : la créance n'est pas éteinte, elle subsiste entre le débiteur et le subrogé ;

la créance change de patrimoine ; elle quitte celui du créancier originaire (subrogeant) au profit de celui du tiers payeur (subrogé). Les droits et actions appartenant au créancier originaire sont transmis au subrogé en même temps que la créance. Le subrogé ne peut pas acquérir plus de droits que n'en avait le subrogeant et il ne peut agir que contre les personnes que le créancier originaire pouvait poursuivre (Cass. 1re civ., 25 janv. 2005, n° 01-

21.145 : JurisData n° 2005-026636 ; Bull. civ. I, n° 50 ; JCP G 2005, IV, 1464) ». 11 En payant à l’AED l’intégralité de l’amende au paiement de laquelle lui-même et le demandeur en cassation étaient solidairement tenus, le défendeur en cassation s’est trouvé subrogé dans les droits de l’AED. Comme l’AED elle-même, il peut poursuivre le recouvrement de sa créance devant les juridictions civiles.

11 JurisClasseur Art.2327 Fasc.30: Privilèges.Privilèges du Trésor public, n°239 à 247 Dans la troisième branche du moyen, le demandeur en cassation invoque une violation de l’article 41 (3) de la loi du 8 juin 1999 sur le budget, la comptabilité et la trésorerie de l’Etat, ainsi qu’une violation de l’article 197 § 2 du Code de procédure civile.

Cette dernière disposition, qui avait trait aux amendes pénales, a été abrogée par une loi du 20 juillet 2018, entrée en vigueur le 15 septembre 2018.12 Cette branche est irrecevable en ce qu’elle invoque deux cas d’ouverture différents, l’un ayant trait à la violation d’une disposition relative aux créances fiscales et l’autre ayant trait à la violation d’une disposition (abrogée) relative aux amendes pénales.

Subsidiairement, en ce qui concerne l’article 41 (3) de la loi du 8 juin 1999 :

L’article 41 (3) de la loi du 8 juin 1999 dispose que « le recouvrement des créances fiscales est confié aux receveurs des administrations fiscales compétentes ». Cette disposition ne fait toutefois pas obstacle au mécanisme de la subrogation légale prévue à l’article 1251 3° du Code civil et n’interdit pas au subrogé qui a intégralement réglé la dette fiscale d’exercer une action en recouvrement contre son codébiteur.

« Du fait de l'effet translatif qu'opère la subrogation, le subrogé a les mêmes droits que le Trésor public ».13 La troisième branche n’est pas fondée.

Sur le huitième moyen :

Le huitième moyen de cassation est tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs prévu à l’article 36 de la Constitution.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir modifié in fine la décision du Directeur de l’AED du 2 avril 2014.

Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir décidé qu’un montant initialement dû au receveur serait dorénavant partiellement dû au défendeur en cassation.

Ce moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt qui a retenu que le défendeur en cassation a été partiellement subrogé dans les droits du créancier initial vis-à-vis de l’autre débiteur, ceci par l’effet de la subrogation légale prévue à l’article 1251 3° du Code civil.

Le moyen manque en fait.

12 Mém. A627 du 28 juillet 2018, article 1er, 3) 13 JurisClasseur Art.2327 Fasc.30: Privilèges.Privilèges du Trésor public, n°245 Sur le neuvième moyen :

Le neuvième moyen est tiré de la violation de l’article 183 du Nouveau code de procédure civile. Il est fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir communiqué le dossier au procureur alors que « la matière concerne l’ordre public ».

L’article 183 du Nouveau Code de Procédure civile prévoit que :

« Seront communiquées au procureur d'Etat les causes suivantes:

1) celles qui concernent l'ordre public;

(…) .» Le grief tiré de ce que les juges d’appel auraient omis de communiquer la cause au ministère public ne donne pas ouverture à cassation, mais, aux termes de l’article 617, point 8°, du Nouveau Code de procédure civile, à requête civile.14 Le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

Le demandeur en cassation n’expose pas en quoi une action en recouvrement d’une créance relèverait de l’ordre public.

Le moyen est irrecevable, sinon non fondé.

Sur le dixième moyen :

Le dixième moyen fait valoir que « la loi ne prévoit pas d’action récursoire pour le paiement partiel d’une « amende » par une personne physique en faveur d’une autre personne physique, du simple fait que cette personne physique a payé ladite « amende ». » Ce moyen est articulé en deux branches :

La première branche reproche à l’arrêt entrepris d’avoir décidé « sans aucune base légale » que le terme « solidarité » utilisé par l’article 1er de la loi du 28 janvier 1948 impliquerait, pour une personne physique, la possibilité de recouvrer une partie d’une amende par elle payée contre une autre personne physique.

Cette branche procède d’une lecture erronée de l’arrêt. La confirmation de la décision des premiers juges, qui avait fait droit à la demande du défendeur en cassation, est basée sur les motifs suivants :

« Etant donné qu’il résulte à suffisance de droit de la décision administrative du 2 avril 2014 que M) et T) sont des codébiteurs solidairement tenus à l’égard de l’AED au titre de l’amende prononcée à leur encontre, c’est à tort que M) tente de voir admettre qu’il est à 14 Cass. n°155/2021 du 16.12.2021, n° CAS-2020-00148 du registre, 4e moyen considérer comme caution et à voir appliquer les articles 2031, alinéa 2, et 2037 du code civil qui ont trait au cautionnement.

Pour ce qui est de l’article 1216 du code civil invoqué par M) pour voir admettre que la dette fiscale ne concerne que l’intimé à l’exclusion de l’appelant, la Cour ne peut que constater que cette affirmation se trouve contredite par les termes mêmes de la décision administrative en cause desquels il résulte que T) et M) sont tenus, au même titre, au paiement de l’amende fiscale. La Cour se rallie pour le surplus à la motivation des juges de première instance qui ont retenu à juste titre que les conditions d’application de l’article 2016 du code civil n’étant pas données, il ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce.

Pour ce qui concerne les conditions d’application de l’article 1251, point 3, du code civil, sur lequel l’intimé base sa demande en paiement, la Cour renvoie à la motivation du jugement entrepris et approuve les juges de première instance d’avoir dit que les conditions d’application de ce texte étant données en l’espèce, la subrogation légale joue au profit de T).

T) ayant procédé au paiement de l’intégralité de l’amende fiscale, y compris la part incombant à M), il s’ensuit qu’il dispose à l’égard de ce dernier d’une créance certaine, liquide et exigible dont il est en droit de solliciter le remboursement, la Cour notant que l’argumentation de l’appelant en rapport avec une violation par les juges de première instance du droit budgétaire est dénuée de fondement.

C’est, partant, à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande de l’intimé. » Il ressort de ces motifs que la décision de la Cour d’appel est basée sur le mécanisme de la subrogation légale régie par l’article 1251 3° du Code civil dont elle a fait une correcte application.

La première branche manque en fait, sinon n’est pas fondée.

La deuxième branche du moyen reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir violé le principe de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Le demandeur en cassation fait valoir que seul le défendeur en cassation connaîtrait les raisons pour lesquelles il aurait payé l’amende, tandis que lui-même n’aurait pas pu se défendre de manière adéquate.

Le demandeur en cassation s’est vu notifier la décision du Directeur de l’AED du 2 avril 2014, tout comme le défendeur en cassation.

Il ne précise pas quels renseignements il aurait souhaité obtenir de l’AED et qui lui auraient été refusés. Cette branche est libellée de manière tellement vague et imprécise qu’il est impossible de saisir en quoi les droits du demandeur en cassation auraient pu être lésés.

Il s’agit également d’un moyen nouveau qui n’a pas été soumis aux juges du fond. Il est mélangé de fait et de droit et doit dès lors être déclaré irrecevable.

Sur le onzième moyen de cassation :

Le onzième moyen est tiré de la violation de l’article 1216 du Code civil qui dispose :

«Si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l’un des coobligées solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébituers, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions ».

Le moyen fait grief à la décision entreprise d’avoir violé l’article 1216 du Code civil par refus d’application. Le demandeur en cassation estime qu’il résulte de la nature même de l’enregistrement que son rôle ne dépassait pas celui d’une simple caution à l’égard du trésor public.

La Cour d’appel a retenu l’inapplicabilité de l’article 1216 du Code civil pour les motifs suivants:

« Pour ce qui est de l’article 1216 du code civil invoqué par M) pour voir admettre que la dette fiscale ne concerne que l’intimé à l’exclusion de l’appelant, la Cour ne peut que constater que cette affirmation se trouve contredite par les termes mêmes de la décision administrative en cause desquels il résulte que T) et M) sont tenus, au même titre, au paiement de l’amende fiscale. La Cour se rallie pour le surplus à la motivation des juges de première instance qui ont retenu à juste titre que les conditions d’application de l’article 2016 du code civil n’étant pas données, il ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce. » La motivation du jugement de première instance rendu en date du 19 juin 2019, à laquelle la Cour d’appel s’est ralliée, est la suivante :

« T) estime qu’en ayant payé l’intégralité d’une dette due solidairement par lui et par M), il est fondé, sur base du mécanisme de la subrogation légale de demander paiement à M) de la moitié de la somme payée, soit 155.200 EUR.

M) soulève qu’il a qualité tout au plus de caution ou de codébiteur solidaire adjoint de sorte que la demande contre lui en ce qu’elle est basée sur la solidarité n’est pas fondée. Il explique que la dette solidaire en l’espèce est une amende et que la dette sous-jacente est un impôt dont seul T) était le débiteur. Il en déduit que T) était le débiteur principal et définitif de l’amende fiscale et qu’en tant que tel, il a désintéressé l’Administration. Il poursuit en disant qu’il a tout au plus cautionné ou garanti la dette vis-à-vis de l’Administration. Ainsi, T) ne serait donc pas en droit de lui demander remboursement de la moitié. Il base ce raisonnement sur l’article 1216 du Code civil.

L’article 1216 du Code civil dispose que « si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l’un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions ».

Il arrive qu'un codébiteur soit considéré comme tel dans ses rapports avec le créancier, mais soit en réalité un garant personnel proche d'une caution dans ses rapports avec les autres codébiteurs. Ce codébiteur est tenu à l'égard du créancier de payer l'intégralité de la dette comme tel, mais n'étant nullement intéressé dans la dette commune, il ne doit contribuer aucunement à celle-ci, contrairement à un codébiteur ordinaire qui supporte nécessairement une part de contribution Si le débiteur non intéressé est un débiteur principal aux yeux du créancier, il est aux termes de l’article 1216 du Code civil, traité comme une caution dans ses rapports avec le débiteur intéressé et dispose d’un droit de recours pour le tout contre le codébiteur intéressé.

Pour que l’article 1216 du Code civil puisse s’appliquer, il appartient au codébiteur «non-

concerné » d’établir que la dette contractée n’a servi que les intérêts du codébiteur principal. Celui qui invoque cet article doit donc établir sa qualité de codébiteur non intéressé.

Le sens de cet article est de protéger le codébiteur qui pour un motif quelconque s’est engagé en tant que codébiteur solidaire au paiement d’une dette mais qui n’en tire aucun profit personnel. En vertu de l’article 1216 du Code civil, ce codébiteur peut ainsi voir son rôle limité à celui de garant vis-à-vis du créancier, tandis qu’il peut s’opposer au paiement d’une part de la dette au débiteur dans l’intérêt exclusif duquel la dette a été contractée.

M) soutient que la « dette contractée » au sens de cet article est en l’espèce l’amende fiscale prononcée par l’Administration. L’application de l’article 1216 du Code civil au cas de l’espèce doit donc être analysée sous cet aspect.

Le tribunal retient que l’amende fiscale n’est pas une dette que les parties T) et/ou M) auraient contracté pour servir les intérêts de l’une d’entre elles. Il s’agit d’une amende fiscale qui leur est infligée en vertu d’une disposition légale à savoir l’article 1er de la loi de 1948 qui prévoit par ailleurs la solidarité des parties en ce qui concerne le paiement de l’amende.

En l’absence d’une dette contractée solidairement au profit exclusif d’un seul des codébiteurs solidaires, l’article 1216 du Code civil n’a pas vocation à s’appliquer à la situation soumise au tribunal et ce moyen est à écarter. » Les juges du fond se sont partant tenus aux termes clairs de la décision de l’AED du 2 avril 2014 desquels il résulte que T) et M) sont tenus, au même titre, au paiement de l’amende fiscale.

Ils ont encore examiné si la dette vis-à-vis de l’AED constituait une dette contractée solidairement au profit exclusif d’un seul des codébiteurs solidaires et ils ont conclu que tel n’était pas le cas.

Sous le couvert de la violation de l’article 1216 du Code civil, le moyen tend à remettre en cause les conclusions des juges du fond sur les bénéficiaires de la dette. Or, il s’agit d’une question factuelle relevant de l’appréciation souveraine par les juges du fond Le moyen ne saurait être accueilli, sinon n’est pas fondé.

Sur le douzième moyen :

Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 1251 3° du Code civil, qui dispose :

« La subrogation a lieu de plein droit (…) 3° au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter. » Le moyen est articulé en deux branches.

La première branche fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de se prononcer sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance sous-jacente.

Cette branche est libellée de manière incompréhensible, et le demandeur en cassation semble invoquer plutôt un défaut de base légale ou un défaut de réponse à conclusions. Ainsi le demandeur en cassation fait valoir qu’« en instance d’appel, la partie concluante a affirmé que la créance, ab initio, de l’AED envers de Monsieur T) n’a jamais eu le caractère de créance certaine, liquide et exigible. » Aux termes de l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, un moyen doit, sous peine d’irrecevabilité préciser le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et les conclusions dont l’adjudication est demandée. Or, le grief formulé ne correspond pas au cas d’ouverture invoqué.

Le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

En retenant que la décision du 2 avril 2014 s’imposait dans le cadre de l’instance pendante devant elle, la Cour d’appel s’est implicitement mais nécessairement prononcée sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance de l’AED envers le défendeur en cassation :

« Il est rappelé que le litige a trait à la demande en paiement dirigée par T) contre M) en vue du remboursement du montant de 155.200,00 euros correspondant à la moitié de l’amende fiscale de 310.400,00 euros, intégralement réglée par T), amende qui a été prononcée par une décision du directeur de l’AED du 2 avril 2014 à l’encontre des deux parties au litige solidairement tenues à l’égard de l’AED, étant constant en cause que cette décision dont l’appelant et l’intimé sont tous les deux les destinataires n’a fait l’objet d’aucun recours introduit par ces derniers auprès des juridictions compétentes à ce titre.

Si M) n’était pas d’accord avec la prédite décision à caractère administratif, il lui aurait appartenu de l’attaquer par les voies de droit prévues à cet effet et se pourvoir devant les autorités ou juridictions administratives, ce qu’il a omis de faire, de sorte qu’il ne saurait la remettre en cause dans le cadre de la présente procédure qui concerne le recours exercé par un débiteur contre un co-débiteur.

Le tribunal est, partant, à approuver en ce qu’il a dit qu’il ne lui appartenait pas d’analyser le bien-fondé, ni la régularité de la décision administrative du 2 avril 2014, ni de se prononcer sur les chances de succès hypothétiques dans le cadre d’un éventuel recours administratif contre la prédite décision. » La branche manque en fait, sinon n’est pas fondée.

La deuxième branche fait valoir qu’«en l’absence d’un caractère certain, liquide et exigible au niveau de la dette sous-jacente (donc de la dette de Monsieur T) envers l’Etat), la Cour d’appel a violé 1251 3° du Code civil en accueillant le recours subrogatoire de Monsieur T) contre Monsieur M)».

Cette branche n’est pas autrement précisée et ne répond pas aux critères de recevabilité de l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation. La branche n’indique pas la partie critiquée de la décision et ne comporte pas de conclusions dont l’adjudication est demandée.

S’y ajoute que la branche manque en fait, étant donné que la Cour d’appel a constaté le caractère certain, liquide et exigible de la créance en question, tel qu’exposé dans le cadre de la première branche de ce moyen.

Le moyen est irrecevable, sinon manque en fait.

Sur le treizième moyen :

Le treizième moyen de cassation est tiré d’une violation de l’article 2031 §2 du Code civil par refus d’application.

L’article 2031, paragraphe 2, du Code civil dispose :

« Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte; sauf son action en répétition contre le créancier. » Etant donné que le défendeur en cassation n’a pas payé en tant que caution, mais en tant que codébiteur solidaire, la Cour d’appel ne s’est pas fondée et ne devait pas se fonder sur la disposition visée au moyen.

La deuxième branche est irrecevable.

Subsidiairement :

La Cour d’appel a clairement constaté que le défendeur en cassation n’a pas payé volontairement:

« En présence des termes clairs de la décision administrative du 2 avril 2014 qui précise que l’amende fiscale était à payer pour le 1er juin 2014 au plus tard, la Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a dit que T) n’était pas tenu d’attendre la délivrance d’une contrainte pour s’exécuter. En présence de cette décision contraignante obligeant l’intimé et l’appelant solidairement au paiement de l’amende jusqu’au 1er juin 2014, c’est en vain que M) fait valoir que le paiement effectué par T) est volontairement intervenu, étant donné que l’intimé, face à l‘inertie de M), avait un intérêt manifeste à payer l’intégralité de la dette en évitant ainsi d’en accroître le quantum par l’application d’intérêts de retard».

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 43


Synthèse
Numéro d'arrêt : 76/22
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-05-19;76.22 ?

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