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17/05/2022 | LUXEMBOURG | N°46854C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 mai 2022, 46854C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46854C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46854 Inscrit le 3 janvier 2022 Audience publique du 17 mai 2022 Appel formé par Madame (E), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2021 (n° 41299 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 46854C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 3 janvier 2022 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46854C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46854 Inscrit le 3 janvier 2022 Audience publique du 17 mai 2022 Appel formé par Madame (E), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2021 (n° 41299 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 46854C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 3 janvier 2022 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (E), demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 23 novembre 2021 (n° 41299 du rôle) ayant déclaré non fondé son recours en réformation, sinon en annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 15 mars 2018 refusant de prendre en compte l'entièreté du temps de service qu’elle a accompli dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché et lui refusant l'application du régime des fonctionnaires de l'Etat et l'adaptation de son traitement en conséquence à partir du 1er septembre 2017 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2022 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 25 février 2022 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelante ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2022.

1Aux termes d’un contrat de louage de service à durée indéterminée du 8 août 1998 signé avec l’Archevêché de Luxembourg, ci-après désigné par « l’Archevêché », Madame (E) fut engagée avec effet au 15 septembre 1998 en tant qu’enseignante de religion.

En date du 26 janvier 2015, une convention fut signée entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et l’Eglise catholique du Luxembourg concernant l’organisation du cours commun « éducation aux valeurs », portant sur la résiliation d’un commun accord de la convention du 31 octobre 1997 concernant l’organisation de l’enseignement religieux dans l’enseignement primaire et prévoyant une offre de reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion actuels, ci-après désignées respectivement par « la convention du 26 janvier 2015 » et « la convention du 31 octobre 1997 ».

Suite à la résiliation d’un commun accord de son contrat de travail d’enseignant de religion avec l’Archevêché en date du 13 septembre 2017, Madame (E) signa, en date du 14 septembre 2017, un contrat de travail de chargé de cours à durée indéterminée avec le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse pour intégrer, en tant qu’employé de l’Etat, la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental avec effet au 15 septembre 2017.

Par courrier du 21 février 2018, Madame (E) s’adressa au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative pour que ce dernier, sur base de l’article 24, paragraphes (1) et (2), de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, ci-après « la loi du 2 août 2017 », ainsi que des articles 7 et 8 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat, ci-après « la loi du 25 mars 2015 », d’une part, lui confirme « (…) la prise en compte de l'entièreté du temps de service dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché et l'application du régime de pensions des fonctionnaires de l'Etat (…) », et, d’autre part, adapte son salaire « (…) à partir du 1er septembre 2017 en fonction de la valeur du point indiciaire applicable en tenant compte de [s]on ancienneté reconnue par l'article 24 paragraphe 2 de la loi du 2 août 2017 (…) ».

Le ministre rejeta les demandes de Madame (E) par une décision du 15 mars 2018 libellée dans les termes suivants :

« (…) J'ai l'honneur d'accuser bonne réception de votre courrier émargé du 21 février 2018. Vous m'y demandez :

a) de confirmer que vous bénéficiez des articles 7 et 8 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat ;

b) de prendre en compte l'intégralité du temps de service que vous avez passé dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché pour l'application du régime de pensions des fonctionnaires de l'Etat ;

c) d'adapter votre salaire à partir du 1er septembre 2017 en fonction de la valeur du point indiciaire applicable en tenant compte de votre ancienneté reconnue par l'article 24, paragraphe 2 de la loi du 2 août 2017.

Pour justifier vos prétentions, vous invoquez l'application de l'article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours 2de religion ainsi que l'application des conventions conclues entre l'Etat et l'Archevêché et dans ce contexte plus particulièrement celle du principe pacta sunt servanda.

Votre argumentation suscite toutefois les observations suivantes :

1) Pour ce qui est de l'accord trouvé entre l'Archevêché et l'Etat, se matérialisant en l'article 18 de la convention du 26 janvier 2015 entre l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg et les communautés religieuses établies au Luxembourg, l'Etat s'est engagé :

a) à respecter le principe général du droit pacta sunt servanda; d'après les travaux parlementaires, ceci signifie que le Gouvernement s'est engagé à l'égard de ses partenaires culturels à respecter le régime des traitements et pensions des collaborateurs des cultes touchés par les conventions initialement en place. Les traitements des personnes qui occupent les postes définis par la convention du 31 octobre 1997 et approuvés par la loi du 10 juillet 1998 continueront à être calculés selon les règles fixées par ces textes.

b) à créer une offre de reprise qui i.

garantit la rémunération et la carrière des enseignants et chargés de cours de religion au moment de la conclusion de la convention;

ii. crée des perspectives professionnelles grâce aux procédures de validation des acquis de l'expérience et grâce à une offre de formation continue;

iii. permet d'aboutir à un emploi dans le domaine de l'Education nationale.

En application du principe Pacta sunt servanda, la situation des enseignants et chargés de cours de religion ne doit pas être négativement affectée par l'offre de reprise.

Cela implique que dans leur nouvelle fonction d'employé de l'Etat, ils ont la garantie de bénéficier d'une situation identique à celle qu'ils avaient auprès de l'Archevêché.

Conformément à ce principe, les enseignants et chargés de cours de religion concernés qui étaient liés à l'Archevêché par un contrat de travail de droit privé, se sont vus proposer un contrat de travail d'employé de l'Etat qui, du point de vue de la rémunération, garantit en principe le maintien de leur situation initiale.

2) Le mécanisme de reprise et les règles de calcul afférentes de la rémunération sont explicités à l'article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, qui dispose en son point (3) que l'agent concerné « est repris au niveau de l'échelon barémique atteint dans sa carrière auprès de l'Archevêché conformément aux dispositions prévues à la loi modifiée du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d'une part, et l'Archevêché, d'autre part, concernant l'organisation de l'enseignement religieux dans l'enseignement primaire et au règlement grand-ducal pris en son exécution ou, à défaut à la valeur de l'échelon barémique immédiatement supérieur dans le grade E2. » Les travaux parlementaires précisent, à titre d'explication, qu'« il était nécessaire de prévoir une mesure garantissant que l'agent repris conserve au moins son traitement perçu auprès 3de l'Archevêché avant sa reprise. Il est dès lors prévu qu'à défaut de correspondance du niveau de l'échelon barémique du grade E2, l'agent bénéficie de la valeur de l'échelon barémique immédiatement supérieur ».

Cet article détermine de manière claire et non équivoque les règles selon lesquelles la rémunération des enseignants de religion et des chargés de cours de religion repris dans la réserve de suppléants et la réserve des auxiliaires éducatifs de l'enseignement fondamental est déterminée.

A défaut de disposition spéciale prévoyant au bénéfice des personnes concernées une véritable reconstitution de carrière ab initio, je suis d'avis que les articles 7, 8 et 9 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat, ne sont pas applicables en l'espèce tel que vous le suggérez.

Si telle avait été l'intention du législateur, il aurait prévu une disposition spécifique pour les enseignants de religion et des chargés de cours de religion à l'article 9 de la loi précitée du 25 mars 2015.

A défaut, seuls les points a) à f) prévus à cet article peuvent être pris en compte pour l'application des délais prévus aux articles 7 et 8 de la loi précitée du 25 mars 2015.

Au vu des développements qui précèdent, je regrette de vous informer qu'il ne me sera possible ni de vous accorder le bénéfice des articles 7 et 8 de la loi précitée du 25 mars 2015, ni de prendre en compte l'intégralité du temps de service que vous avez passé sous statut de droit privé dans l'enseignement public pour l'application du régime de pensions des fonctionnaires de l'Etat. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2018, Madame (E) introduisit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 15 mars 2018 refusant de prendre en compte l'entièreté du temps de service accompli dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché et lui refusant l'application du régime des fonctionnaires de l'Etat et d'adapter son traitement en conséquence à partir du 1er septembre 2017.

Dans un jugement du 23 novembre 2021, le tribunal reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond, le dit non justifié et en débouta Madame (E), dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, débouta la demanderesse de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et la condamna aux frais de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal nota en premier lieu, par rapport à l’argumentation de Madame (E) en relation avec une mauvaise transposition de l’article 1er de la Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, ci-après « la directive 2001/23/CE », que le législateur avait correctement transposé en droit national ledit article 1er à travers les articles L. 127-1 et L.127-2 du Code du travail, dans la mesure où les termes des trois articles, en ce qui concerne les 4dispositions pertinentes pour le présent litige, sont quasi identiques pour englober, dans leur champ d’application, aux mêmes conditions, les mêmes opérations.

Quant aux dispositions légales ayant transposé ladite directive en droit national luxembourgeois, le tribunal rappela qu’aux termes de l’article L.127-1 du Code du travail, un transfert d’entreprise n’était envisageable, peu importe le caractère public, respectivement privé des entreprises concernées, qu’à la condition que l’activité en question revêt un caractère économique, constat encore corroboré par l’article L.127-2 du Code du travail excluant explicitement la notion de transfert d’entreprise en ce qui concerne « (…) une réorganisation administrative interne d’autorités administratives publiques ou le transfert interne de fonctions administratives entre autorités administratives publiques (…) », ainsi que par les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) C-343/98 du 18 janvier 2000 et C-425/02 du 11 novembre 2004 consacrant tous les deux le principe de l’exclusion d’activités non économiques de la législation relative aux transferts d’entreprise.

Sur ce, il constata que l’activité en question concernait le service public de l’enseignement au sein des écoles primaires luxembourgeoises, excluant expressément tout qualificatif d’activité économique, et que la demanderesse, en raison de sa reprise par l’Etat suite à son activité d’enseignante de religion employée par l’Archevêché, ne tombait pas dans le champ d’application des articles L.127-1 et suivants du Code du travail et ne pouvait dès lors pas prétendre, sur la base de ces articles, à la reconnaissance de son ancienneté auprès de l’Archevêché pour bénéficier des avantages prévus aux articles 7, 8 et 9 de la loi du 25 mars 2015 prévoyant l’application aux employés de l’Etat du régime disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat, respectivement du régime des pensions de ces dernières après l’acquisition d’une certaine ancienneté, sans que la reconnaissance de son ancienneté en vue de la fixation de son traitement ne puisse énerver ce constat vu qu’elle s’inscrivait dans le cadre spécifique de l’article 24 de la loi du 2 août 2017, traitant exclusivement de la rémunération des enseignants repris.

Quant à l’argumentation de Madame (E) basée sur la « théorie des associations parapubliques » issue de la jurisprudence française consistant à sanctionner l’Etat lorsque celui-ci créerait des associations pour leur déléguer une mission de service public et que ses années de service en tant qu’enseignante de religion auprès de l’Archevêché devraient être considérées comme des années de service passées au service de l'Etat à travers des associations transparentes et qu’en conséquence sa date d'entrée en service pour l'application des dispositions de l'article 8, paragraphe (1), point a) de la loi du 25 mars 2015 devrait être le 15 septembre 1989, le tribunal releva en premier lieu que ladite théorie ne se basait sur aucune disposition juridique contraignante applicable au Luxembourg et qu’il n’était pas établi par la demanderesse que celle-ci aurait déjà trouvé application au Luxembourg. Il releva, pour le surplus, d’une part, qu’il ne pouvait être retenu que l’Archevêché, en relation avec l’enseignement des cours de religion au sein des écoles primaires luxembourgeoises, aurait été une association créée par l’Etat afin de contourner l’application des règles de droit public, et plus particulièrement des règles de la fonction publique et, d’autre part, que l’organisation des cours d’instruction religieuse, tant en ce qui concerne le choix des titulaires que la fixation des jours et heures desdits cours, relevait, de manière non contestée, avant la suppression des cours d’instruction religieuse de l’enseignement primaire luxembourgeois, tant de l’Archevêché que des communes, le ministre de l’Education nationale n’intervenant qu’en cas de 5discordance, et qu’il ne pouvait pas être question de l’existence d'une influence des représentants de la personne publique au sein de l’Archevêché, sous cet aspect.

Concernant finalement le prétendu statut d’employé public de Madame (E) avant le 15 septembre 2017, le tribunal constata en premier lieu que l’engagement de la demanderesse par l’Archevêché, formalisé par le contrat de travail signé entre parties le 8 août 1998, s’inscrivait dans le cadre de la convention du 31 octobre 1997 précisant dans son article 3 que l’enseignant de religion était engagé par l’Archevêché d’après la législation sur le contrat de travail des employés privés et que l’Etat garantissait, en tant que tiers-payant, la rémunération sous forme de subvention-salaire payable directement à l’enseignant de religion. Pour le surplus, les premiers juges relevèrent que les articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement d'une part, et l'Archevêché, d'autre part, concernant l’organisation de l’enseignement religieux dans l’enseignement primaire, ci-après « la loi du 10 juillet 1998 », ainsi que le règlement grand-ducal du 7 août 1998 portant fixation des subventions-salaires des enseignants et chargés de cours de religion fixent le régime et les modalités des subventions-salaires et rémunérations des enseignants de religion, ci-après « le règlement grand-ducal du 7 août 1998 », prévoyaient que l’Etat intervient en tant que tiers-payant, sans que cela ne puisse, pour le surplus, avoir une quelconque incidence sur la qualification juridique du contrat de travail de la demanderesse avec l’Archevêché, lequel, tout en se référant expressément auxdits loi et règlement grand-ducal, précisait être régi par la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

Le tribunal arriva dès lors à la conclusion que le recours de Madame (E) était à rejeter dans son intégralité et que c’était à bon droit que le ministre a refusé de prendre en compte l'entièreté du temps de service accompli par celle-ci dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché et lui a refusé l'application du régime des fonctionnaires de l'Etat, ainsi que l'adaptation de son traitement.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 janvier 2022, Madame (E) a relevé appel du jugement du 23 novembre 2021.

La partie étatique conclut à l’irrecevabilité de la requête d’appel dans la mesure où, en vertu de l’article 10 de la loi du 25 mars 2015, la juridiction saisie aurait une compétence de pleine juridiction en la présente matière et que la partie appelante ne préciserait pas dans quel sens la Cour serait invitée à réformer la décision ministérielle entreprise, ce d’autant plus que Madame (E) ne demanderait pas non plus le renvoi de l’affaire devant le ministre.

La partie appelante n’a pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité ainsi soulevé.

S’il est exact qu’au dispositif de sa requête d’appel, Madame (E) sollicite uniquement la réformation, sinon l’annulation de la décision ministérielle du 15 mars 2018, sans pour autant préciser dans quel sens ladite décision serait à réformer, il convient cependant de rappeler que par essence l'appel remet la chose jugée en question devant les juridictions d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. Le contrôle exercé par les juridictions d'appel est a priori le même que celui exercé par les premiers juges, sauf à l'être par une juridiction d'un degré supérieur.

En principe, la juridiction d'appel statue à nouveau en fait et en droit à l'instar des juges de première 6instance (cf. Cour adm. 24 mai 2007, n° 22639C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 1142 et autres références y citées).

Or, il convient de constater en l’espèce, d’une part, que Madame (E), au dispositif de sa requête de première instance, a sollicité de la part de la juridiction saisie de dire qu’elle a droit à voir « prendre en compte l'entièreté du temps de service dans l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché et l'application du régime de pensions des fonctionnaires de l'Etat » et « adapter son salaire à partir du 1er septembre 2017 en fonction de la valeur du point indiciaire applicable en tenant compte de son ancienneté reconnue par l’article 24 paragraphe 2 de la loi du 2 août 2007 » et, d’autre part, que tous ses développements en instance d’appel tendent à la même fin, de sorte que la partie étatique n’a pas pu se méprendre sur le contenu de la demande de réformation de l’appelante et le moyen afférent est partant à rejeter.

Quant au fond du litige, Madame (E) expose en premier lieu que le tribunal administratif aurait considéré à tort que respectivement la directive 2001/23/CE et l’article L.127-1 du Code du travail ne seraient applicables qu’à la condition que l’activité en question revête un caractère économique.

D’après l’appelante, la directive 2001/23/CE serait applicable à tout type d'entreprises, qu'elles soient publiques ou privées et qu'elles poursuivent un but de lucre ou non, les bénéficiaires de ladite réglementation étant des personnes lesquelles, dans l'Etat membre concerné, seraient protégées en tant que travailleurs au titre de la législation nationale en matière de droit du travail, conformément à la jurisprudence de la CJUE, ce qui serait son cas. Ainsi, la CJUE aurait déjà retenu que la reprise par une autorité publique d'un Etat membre du personnel employé par une autre autorité publique constituerait un transfert d'entreprise relevant de la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, entretemps abrogée par la directive 2001/23/CE, lorsque ledit personnel est constitué d’un ensemble structuré d’employés qui sont protégés en tant que travailleurs en vertu du droit interne de cet Etat membre, notion juridique qui pourrait également s’appliquer en cas de reprise de travailleurs d’une entité de droit privé par une entité de droit public.

Partant, le cessionnaire serait tenu de prendre en compte l’ensemble des années effectuées par le personnel transféré tant à son service qu’à celui du cédant dans la mesure où cette obligation résulterait de la relation de travail liant ce personnel au cédant et conformément aux modalités convenues dans le cadre de cette relation.

Dans ce contexte, l’appelante formule à nouveau, en ordre subsidiaire, trois questions préjudicielles à l’attention de la CJUE et libellées comme suit :

« La reprise de l'ensemble des enseignants de religion et chargés de cours de religion par l'Etat luxembourgeois, relève-t-elle du champ d'application de l'article 1er de la directive 2001/23/CE ou de toute autre réglementation de l'Union européenne applicable, dans la mesure où ce transfert est confié à un organisme de droit public et résulte d'une loi qui détermine les conditions de reprise ? ». En cas de réponse affirmative à la première question, « Le Chapitre II « Maintien des droits des travailleurs » de la directive 2001/23/CE impose-t-il de tenir pour obligatoire la poursuite de la relation de travail avec le cessionnaire, assortie du maintien consécutif de l'ancienneté du travailleur depuis le jour de son embauche au service du cédant ? », et, en cas de réponse affirmative à la deuxième question « Les dispositions du 7Chapitre II « Maintien des droits des travailleurs » de la directive 2001/23/CE doivent-elles en tout cas être interprétées en ce sens que les travailleurs transférés bénéficient de la législation applicable aux travailleurs du cessionnaire en termes de rémunération et de régime de pensions ? ».

Madame (E) réitère ensuite son moyen de première instance basé sur la « théorie des associations parapubliques ». Dans ce contexte, elle expose que l’Etat pourrait être tenté de se cacher derrière des entités de droit privé pour exercer des activités commerciales ou de service public et s’exonérer de sorte des règles plus contraignantes de droit public. Or, dans pareille situation, la jurisprudence administrative française aurait décidé de requalifier les contrats de droit privé en contrats de droit public. Partant, il conviendrait de retenir que l’Archevêché ne serait au final qu’une entité transparente et que les années d’enseignement effectuées par les enseignants de religion, avant leur reprise par l’Etat, seraient en réalité à considérer comme des « périodes passées au service de l’Etat ».

Elle renvoie dans ce contexte à la jurisprudence française, qualifiée d’abondante, consistant à sanctionner l’Etat lorsque celui-ci créerait des associations pour leur déléguer une mission de service public, tout en demeurant, en fait, le véritable gestionnaire, dans le seul but de contourner les règles de droit public, telles que le droit de la fonction publique, le droit des marchés publics, voire les règles budgétaires. Face à des associations de ce genre, le Conseil d’Etat français, à travers les arrêts « Département de la Dordogne » du 5 décembre 2005 et « Commune de Boulogne-Billancourt » du 21 mars 2007, aurait mis en exergue quatre critères permettant de (re)qualifier une association d'« association parapublique », respectivement d’« association transparente », à savoir (i) les conditions de création de l'association à l'initiative de personnes publiques, (ii) l'objet de l'association recouvrant un service public ou une activité d'intérêt général, (iii) l'influence des représentants de la personne publique au sein de l'association et (iv) le financement de l'association qui proviendrait essentiellement de subventions publiques. Une des conséquences de cette qualification par le juge administratif serait la requalification du statut des agents concernés, lesquels seraient requalifiés de salariés d’une association en agents de droit public. D’après Madame (E), cette théorie des associations transparentes serait transposable à l'Archevêché qui dispenserait notamment un service public en participant à l’enseignement scolaire, tout en dépendant intégralement de l'Etat en termes de fonctionnement et de financement.

L’appelante en conclut que ses années de service, en tant qu’enseignante de religion auprès de l’Archevêché, devraient être considérées comme des années de service passées au service de l'Etat.

Partant, il y aurait lieu d’admettre que son statut d’employé public avant le 15 septembre 2017 ne ferait guère de doute, ce qui serait encore démontré par un faisceau d’indices, à savoir, en premier lieu ses fiches de rémunération établissant qu’avant cette date, l’agent payeur de l’appelante était le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative – Administration du personnel de l’Etat, rémunération qui aurait encore été faite selon les points indiciaires, régime qui serait propre aux agents statutaires de droit public, en deuxième lieu les fiches de remboursement de soins médicaux émanant de la Caisse de maladie des fonctionnaires et employés publics et, en troisième lieu par le constat que suite au vote de la loi du 30 avril 1981 conférant la personnalité juridique à l’évêché de Luxembourg, ci-après « la loi du 30 avril 1981 », l’Archevêché serait à considérer comme une personne morale de droit public, à savoir un établissement public. Elle relève encore qu’en dehors de son contrat d’engagement, aucun lien n’aurait existé entre elle et l’Archevêché au cours des 28 années d’engagement avant le 15 septembre 2017.

8 Partant, elle aurait été liée pendant toutes ces années par un contrat d'employé de l'Etat et sa date d'entrée en service pour l'application des dispositions de l'article 8, paragraphe (1), point a), de la loi du 25 mars 2015 devrait être le 15 septembre 1998, date de prise d’effet du contrat de louage de service signé avec l’Archevêché le 8 août 1998.

Finalement, Madame (E) soulève encore un moyen nouveau en soutenant que la décision du ministre du 15 mars 2018 violerait le principe de non-discrimination « en raison de la religion », principe prévu respectivement à l’article 1bis du statut des fonctionnaires de l’Etat et l’article L.251-5 du Code du travail, sinon le principe d’égalité tel que consacré par l’article 10bis de la Constitution. Elle argumente dans ce contexte qu’il appartiendrait à la juridiction saisie de vérifier si la convention du 26 janvier 2015, sinon l’article 24 de la loi du 2 août 2017, en tant qu’ils excluent l’applicabilité des articles 7, 8 et 9 de la loi du 25 mars 2015, sont conformes au principe interdisant les discriminations en raison de la religion.

En ordre subsidiaire, elle sollicite encore, dans ce cadre, qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour constitutionnelle dans les termes suivants :

« L’article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, en tant qu’il exclut de faire bénéficier les enseignants de religion repris par l’Etat d’une véritable reconstitution de carrière ab initio, en excluant l’applicabilité des articles 7, 8 et 9 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat aux enseignants de religion, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? » L’Etat, de son côté, demande la confirmation du jugement entrepris quant au fond.

Concernant le contexte général à l’origine de la situation des anciens catéchètes, la partie étatique signale que la convention initiale du 31 octobre 1997 avec l’Archevêché prévoyait que celui-ci pouvait confier l’enseignement religieux soit à des enseignants de religion, soit à des ministres du culte. Elle relève que depuis la loi du 30 avril 1981 les enseignants de religion étaient engagés conformément aux dispositions de la législation sur le contrat de travail des « employés/salariés privés » et que l’Etat ne faisait que garantir, en tant que tiers-payant, leur rémunération sous forme de subvention-salaire payable directement à l’enseignant de religion. Suite à l’accord trouvé par la convention du 26 janvier 2015, la convention du 31 octobre 1997 a été résiliée d’un commun accord et l’Etat s’était engagé dès le mois d’août 2016 à respecter le principe général de droit « pacta sunt servanda », c’est-à-dire à respecter le régime des traitements et pensions des collaborateurs des cultes touchés par les conventions initialement en place et à calculer les traitements des personnes concernées selon les règles fixées par la convention du 31 octobre 1997 et la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d'une part, et l'Archevêché, d'autre part, portant refixation des cadres du culte catholique et réglant certaines matières connexes.

L’Etat signale de même qu’il s’était encore engagé à créer une offre de reprise garantissant la rémunération et la carrière des enseignants et chargés de cours de religion, créant des perspectives professionnelles grâce aux procédures de validation des acquis de l’expérience et grâce à une 9formation continue et permettant d’aboutir à un emploi dans le domaine de l’éducation nationale, offre que les catéchètes étaient libres d’accepter, ce qui aurait été le cas de l’appelante.

La Cour relève de prime abord que Madame (E) a déclaré le 29 juin 2017, sur un document intitulé « fiche réponse », souhaiter être reprise dans ladite réserve de suppléants et a en conséquence été engagée en qualité d’employée de l’Etat, suivant contrat de travail du 14 septembre 2017, pour une durée indéterminée en tant que chargée de cours de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental et, au regard de son classement, en conformité avec les dispositions de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat, de l’article 23 de la loi du 6 février 2009 concernant le personnel de l’enseignement fondamental, ci-après « la loi du 6 février 2009 », et de l’article 24 de la loi du 2 août 2017, engagement qui fut précédé par la signature entre l’Etat et l’Archevêché de la convention du 26 janvier 2015.

Ainsi, l’article 23 de la loi du 6 février 2009 énonce que « les membres de la réserve engagés sous le statut de l’employé de l’Etat sont classés au grade E2, tel que déterminé [par la loi du 22 juin 1963], à condition d’être détenteurs d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires techniques ou d’un diplôme reconnu équivalent par le ministre ».

De même, d’après l’article 24, paragraphe (1), de la loi du 2 août 2017, « l’agent repris dans la réserve de suppléants prévue à la section 2 du chapitre 2 est classé au grade E2 de la carrière du chargé de cours de la réserve de suppléants dans l’enseignement fondamental conformément aux dispositions [de la loi du 15 mars 2015 concernant les employés de l’Etat] ».

Il s’ensuit que c’est a priori à bon droit que la partie étatique argumente que l’engagement de l’appelante s’est fait en conformité avec les dispositions légales applicables et de l’accord de l’appelante, Madame (E) ayant accepté, d’après les clauses de son contrat de travail, de faire partie de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental.

Il convient encore de relever que le contrat de travail signé le 14 septembre 2017 par l’appelante avec le ministre fait suite à une offre de reprise pour tous les enseignants et chargés de cours de religion visés par la convention du 26 janvier 2015, offre de reprise présentant un certain nombre respectivement de faveurs et d’avantages, tels que la garantie de la rémunération et de la carrière actuelle, des perspectives professionnelles grâce aux procédures de validation des acquis de l’expérience et une offre de formation continue, ainsi que l’obtention « automatique » d’un emploi dans le domaine de l’éducation nationale, et ceci sans avoir besoin de postuler pour un poste vacant d’employé de l’Etat dans la carrière de l’enseignement.

Pour le surplus, la Cour tient à relever que le contrat de travail du 14 septembre 2017 définit en son article 6, alinéa 1er, la description de la tâche de Madame (E) de la manière suivante :

« La tâche, ainsi que son contenu, sont fixés conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi modifiée du 6 février 2009 concernant le personnel de l’enseignement fondamental, de l’article 15 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion et du règlement grand-ducal du 23 mars 2009 fixant le détail 10de la tâche des chargés de cours, membres de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental ».

A ce stade, il convient de relever que l’appelante ne conteste pas en soi son classement au grade E2 de la carrière du chargé de cours de la réserve de suppléants dans l’enseignement fondamental, mais son argumentation consiste à soutenir qu’elle bénéficierait du statut d’employé public avec une ancienneté de service tenant compte de l'entièreté du temps passé dans l'enseignement public, également sous l'autorité de l'Archevêché.

Concernant en premier lieu le moyen de Madame (E) basé sur la prétendue violation de la directive 2001/23/CE, la Cour, à l’instar des premiers juges, retient en premier lieu que les dispositions pertinentes pour la solution du litige ont été correctement transposées en droit national à travers les articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail, de sorte qu’en tout état de cause, le renvoi de l’affaire devant la CJUE avec les trois questions préjudicielles suggérées par l’appelante ne s’impose pas.

D’après l’article L.127-1, paragraphe (1), du Code du travail :

« (1) Le présent chapitre [maintien des droits des salariés en cas de transfert d’entreprise] s’applique à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement résultant notamment d’une cession conventionnelle, d’une fusion, d’une succession, d’une scission, d’une transformation de fonds ou d’une mise en société.

Il est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif. (…) », L’article L. 127-2 du Code du travail quant à lui définit énonce :

« Aux fins du présent chapitre, on entend par :

« transfert » : celui d’une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnel et matériels, permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire. Une réorganisation administrative interne d’autorités administratives publiques ou le transfert interne de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens du présent chapitre (…) ».

Il convient de relever en premier lieu, tel que pertinemment relevé par la partie étatique, que suite à la signature de la convention du 26 janvier 2015, les enseignants de religion n’ont pas été transférés « en bloc » de l’Archevêché vers la réserve des suppléants de l’enseignement fondamental mais se sont vu proposer un contrat de travail à durée indéterminée avec le ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse pour intégrer ladite réserve, proposition qu’ils pouvaient librement accepter ou non, ce à quoi l’appelante a consenti.

Pour le surplus, à l’instar des premiers juges, la Cour retient que l’offre de reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion actuels à travers la convention du 26 janvier 2015 et l’acceptation de cette offre de reprise par ces derniers, dont Madame (E), par la signature d’un 11contrat de travail subséquent de chargé de cours à durée indéterminée avec le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse vise l’activité d’enseignement au sein des écoles primaires luxembourgeoises et non pas l’exercice d’une activité économique au sens de l’article L.127-1, paragraphe (1), du Code du travail respectivement le transfert d’une entité économique avec maintien de son identité économique et constituant un ensemble organisé de moyens personnels et matériels permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire au sens de l’article L.127-2 du Code du travail.

C’est partant à bon droit que le tribunal est arrivé à la conclusion que Madame (E) ne saurait prétendre, sur la base des articles en question du Code du travail, à la reconnaissance de son ancienneté auprès de l’Archevêché pour bénéficier des avantages prévus aux articles 7, 8 et 9 de la loi du 25 mars 2015 prévoyant l’application aux employés de l’Etat du régime disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat, respectivement du régime des pensions de ces derniers après l’acquisition d’une certaine ancienneté suivant des conditions que l’appelante ne remplit pas, sans que la reconnaissance de son ancienneté en vue de la fixation de son traitement ne puisse énerver ce constat, vu qu’elle s’inscrit dans le cadre spécifique de l’article 24 de la loi du 2 août 2017 traitant exclusivement de la rémunération des enseignants repris.

Concernant ensuite le moyen de Madame (E) basé sur la « théorie des associations parapubliques », la Cour relève de nouveau que l’appelante ne critique pas son classement actuel au grade E2 de la carrière du chargé de cours de la réserve de suppléants dans l’enseignement fondamental, mais soutient en substance qu’elle aurait dispensé jusqu’au 13 septembre 2017 au profit de l’Archevêché un service public en participant à l’enseignement scolaire, que son statut devrait être rétroactivement requalifié en agent de droit public et que ses années de service effectuées au profit de l’Archevêché devraient être considérées comme des années passées au service de l’Etat, de sorte que sa date d’entrée en service pour l’application du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat serait le 15 septembre 1998.

C’est tout d’abord à bon escient que les premiers juges ont relevé sur ce point que l’engagement de Madame (E) par l’Archevêché, d’après le contrat de travail signé entre parties le 8 août 1998, s’inscrivait dans le cadre de la convention du 31 octobre 1997 précisant en son article 3 que « l’archevêque peut confier l’enseignement religieux soit à un enseignant de religion, soit à un ministre du culte. L’enseignant de religion est engagé par l’archevêché conformément aux dispositions de la législation sur le contrat de travail des employés privés. L’Etat garantit, en tant que tiers-payant, la rémunération sous forme de subvention-salaire payable directement à l’enseignant de religion ».

Pour le surplus, c’est encore à bon droit que le tribunal a retenu que les articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1998, ainsi que le règlement grand-ducal du 7 août 1998 ont uniquement fixé le régime et les modalités des subventions-salaires et rémunérations des enseignants de religion, dans la mesure où l’Etat intervient en tant que tiers-payant, sans que cela ne puisse, pour le surplus, avoir une quelconque incidence sur la qualification juridique du contrat de travail des enseignants avec l’Archevêché, le contrat de travail de l’appelante, tout en se référant expressément auxdits loi et règlement grand-ducal, précisant être régi par la loi précitée du 24 mai 1989.

12Cette conclusion n’est pas énervée par le constat que Madame (E) s’était vu remettre, déjà avant le 15 septembre 2017, des fiches de rémunération établissant que l’agent payeur de l’appelante était le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative – Administration du personnel de l’Etat, que sa rémunération avait été calculée selon les points indiciaires et que ses fiches de remboursement de soins médicaux émanaient de la Caisse de maladie des fonctionnaires et employés publics, étant donné que ces indices mis en avant par l’appelante sont la conséquence du régime de rémunération mis en place en vertu de l’article 3 de la convention du 31 octobre 1997 prévoyant que l’Etat garantit, en tant que tiers-payant, la rémunération sous forme de subvention-

salaire payable directement à l’enseignant de religion, article prévoyant cependant également que « l’enseignant de religion est engagé par l’archevêché conformément à la législation sur le contrat de travail des employés privés ».

Concernant ensuite la jurisprudence française invoquée par l’appelante consacrant « la théorie des associations parapubliques », la Cour partage la conclusion des premiers juges, au vu de l’historique de la consécration des organes officiels du culte catholique au Luxembourg, tel que repris au jugement entrepris, que l’Archevêché ne constitue nullement une émanation de l’Etat qui s’est vu déléguer une mission de service public dans le but de contourner l’application de règles de droit public dans le contexte de l’enseignement des cours de religion au sein des écoles primaires au Luxembourg. A cela s’ajoute que l’organisation des cours d’instruction religieuse, tant en ce qui concerne le choix des titulaires que la fixation des jours et heures desdits cours, relevait, de manière non contestée, avant la suppression des cours d’instruction religieuse de l’enseignement primaire luxembourgeois, tant de l’Archevêché que des communes, le ministre de l’Education nationale n’intervenant qu’en cas de discordance, tel que cela se dégage de la convention du 31 octobre 1997, de sorte qu’il ne saurait être question de l’existence d'une influence des représentants de l’Etat au sein de l’Archevêché dans ce contexte.

Finalement, il convient encore de noter que le contrat de travail dont Madame (E) entend déduire à l’heure actuelle son ancienneté en tant qu’employé de l’Etat, signé en date du 8 août 1998, a de toute façon été résilié d’un commun accord avec l’Archevêché en date du 13 septembre 2017, et ceci avec effet au 15 septembre 2017, de sorte que l’appelante ne saurait plus se prévaloir de ce contrat pour justifier ses prétentions actuelles.

Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait être considérée comme ayant eu la qualité d’employé de l’Etat avant le 15 septembre 2017.

Quant au moyen nouveau soulevé par Madame (E) en instance d’appel et basé tant sur une violation du principe de non-discrimination « en raison de la religion », que du principe d’égalité tel que consacré par l’article 10bis de la Constitution, par la signature de la convention du 26 janvier 2015 et invitant la Cour à vérifier si respectivement ladite convention et l’article 24 de la loi du 2 août 2017 sont conformes au principe interdisant les discriminations notamment en raison de la religion, la Cour tient à rappeler que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité devant la loi suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent au départ dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée.

Madame (E) semble plus particulièrement argumenter que la décision ministérielle du 15 mars 2018 lui refusant de prendre en compte l’entièreté du temps de service accompli dans 13l’enseignement public sous l’autorité de l’Archevêché et l’ancienneté lui reconnue en conséquence en vertu de l’article 24, paragraphe (2), de la loi du 2 août 2017 serait discriminatoire par rapport au régime général des fonctionnaires de l’Etat.

Or, la Cour arrive cependant à la conclusion que la question relative à une prétendue rupture de l’égalité devant la loi est manifestement dénuée de fondement, en ce qu’elle table sur la prémisse erronée que les deux situations seraient comparables, ce qui n’est pas le cas.

En effet, tel que retenu ci-avant, l’appelante, d’une part, a librement consenti en date du 13 septembre 2017 à la résiliation d’un commun accord de son contrat de travail signé en date du 8 août 1998, et, d’autre part, a signé un nouveau contrat de travail en date du 14 septembre 2017 en qualité d’employé de l’Etat dans la réserve des suppléants conformément aux dispositions de la loi du 25 mars 2015, de l’article 22 de la loi du 6 février 2009 et de l’article 24 de la loi du 2 août 2017, de sorte que sa situation « de reprise » est à la base fondamentalement différente avec celle des fonctionnaires et employés de l’Etat « classiques » engagés dès le début de leur carrière par l’Etat employeur.

En application de l’article 6, point b), de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, la Cour n’est dès lors pas non plus amenée à soumettre la question suggérée par l’appelante à la Cour Constitutionnelle et le moyen afférent est à abjuger.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé sous tous ses aspects et que le jugement dont appel est à confirmer.

En instance d’appel, l’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de ….- € pour la première instance et de ….- € pour l’instance d’appel.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de débouter Madame (E) de ses demandes en allocation d’une indemnité de procédure pour les deux instances.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 3 janvier 2022 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;

partant, confirme le jugement entrepris du 23 novembre 2021 ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante pour la première instance et l’instance d’appel ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

14 Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour … s. … s. SCHROEDER 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46854C
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-05-17;46854c ?

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