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12/05/2022 | LUXEMBOURG | N°66/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 mai 2022, 66/22


N° 66 / 2022 pénal du 12.05.2022 Not. 32470/20/CD Numéro CAS-2021-00069 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, douze mai deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

K), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 25 mai 2021 sous le numéro 169/21 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, si

égeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Abo...

N° 66 / 2022 pénal du 12.05.2022 Not. 32470/20/CD Numéro CAS-2021-00069 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, douze mai deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

K), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 25 mai 2021 sous le numéro 169/21 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Abou BA, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, au nom de K), suivant déclaration du 24 juin 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le lundi 26 juillet 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné K) à une peine d’emprisonnement et à 1une amende sur base des articles 163, 198, 199bis, 496, 506-1 et 506-4 du Code pénal pour avoir reçu, détenu, transporté et importé, en vue de leur mise en circulation, des faux billets, pour avoir mis en circulation, en connaissance de cause, de la monnaie contrefaite et falsifiée ainsi que du chef de tentative d’escroquerie, de blanchiment-

détention, et pour avoir fabriqué, contrefait et falsifié une carte d’identité et d’en avoir fait usage ainsi que pour avoir acheté et acquis une fausse carte d’identité. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme En ce que la Cour d’appel a statué sur l’affaire, sans permettre au demandeur en cassation de faire entendre sa cause équitablement et d’exercer ses droits de la défense.

L’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme dispose que :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » Dans l’arrêt Rowe et Davis c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l'égalité des armes entre l'accusation et la défense (CEDH, 16 février 2000, Rowe et Davis c. Royaume-Uni - 28901/95) De surcroît, l'article 6 § 1 exige que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge (CEDH, 16 décembre 1992, Edwards c Royaume-Uni – 13071/87 p. 35, § 36).

Le principe du contradictoire permet de garantir un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 CEDH, celui-ci se définit comme : (CEDH 27 mars 1998, J. J. c/ Pays-Bas, 21351/93).

2Ainsi, la non-communication de pièces présentées par le Ministère public qui, quelle que soit sa qualification ou non de à la procédure, peut influencer la décision à rendre dans un sens éventuellement défavorable à l’intéressé, à raison de l’autorité liée à ses fonctions (CEDH, 2 avril 2013, Ferreira Alves c. Portugal - 5340/11 (no 3), §§ 36-39).

En l’espèce, afin d’ôter tout doute quant à la seconde enveloppe trouvée dans la valise de Monsieur K), un test ADN a été effectué par le Commissaire OPJ HEISBOURG le 23 octobre 2020.

Il est fait référence à une analyse des billets se trouvant dans la seconde enveloppe trouvée dans la valise de Monsieur K) tant dans le jugement de première instance du 11 mars 2021 que dans l’arrêt de la Cour d’appel du 25 mai 2021.

Or, les résultats de ce test ADN, pouvant jouer un rôle central dans la détermination de la culpabilité de Monsieur K) n’ont pas été versés par le Ministère Public à ce jour.

Les preuves n’ayant pas été fournies par le Ministère Public, elles n’ont pas pu être discutées contradictoirement, alors même que l’absence de ces résultats a pu influencer la décision rendue dans un sens défavorable à l’intéressé, en effet ces tests et leurs résultats peuvent permettre de corroborer ou non la version de Monsieur K).

Seules sont légitimes au regard de l’article 6 § 1 les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires (CEDH, 23 avril 1997, Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, § 58 ; Paci c. Belgique, § 85).

En l’espèce aucune mesure absolument nécessaire permet de restreindre les droits de la défense, droits de la défense qui subissent ici une grave atteinte puisqu’un élément de preuve n’a pas été versé au dossier et n’a par conséquent pas pu être discuté. » et le deuxième, « tiré de la Violation de l’article 6 §3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme L’article 6 § 3 b) poursuit en indiquant que tout accusé a droit notamment à disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense ».

Le fait de ne pas communiquer à la défense des preuves matérielles contenant des éléments susceptibles de permettre à l'accusé de se disculper ou de voir sa peine réduite constitue un refus des facultés nécessaires à la préparation de la défense, et donc une violation du droit garanti à l'article 6 § 3 b) (CEDH, 6 mars 2012, Leas c.

Estonie, § 81).

En l’absence des résultats du test ADN, la propriété de cette enveloppe ne peut pas être établie.

3La culpabilité de Monsieur K) a pourtant été retenue en prenant en compte la seconde enveloppe, alors que les résultats du test ADN n’ont jamais été communiqués.

Or, si le test s’avérait négatif, la version des faits selon laquelle Monsieur K) n’aurait jamais vu cette enveloppe serait tout à fait plausible, l’issue du jugement serait différente et ce dernier pourrait donc voir sa peine réduite.

Ce test ADN constituait donc bien une preuve susceptible de permettre à l’accusé de voir sa peine réduite.

En l’espèce, la Cour d’appel en statuant en l’absence des résultats du test ADN n’a pas offert à Monsieur K) les garanties suffisantes tenant à un procès équitable telles que prévues par l’article 6§1 et §3 de la CEDH et ainsi violé ces dispositions. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe du contradictoire et le droit de tout prévenu à disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense, au motif que les résultats d’un test ADN portant sur une enveloppe contenant des billets contrefaits ne lui auraient pas été communiqués.

Il ne résulte pas des pièces auxquelles la Cour de cassation peut avoir égard que les prélèvements d’ADN auxquels il a été procédé sur la personne de K) aient fait l’objet d’une analyse scientifique, ni que le prévenu ait sollicité, dans le cadre de la procédure d’instruction, que pareille analyse soit menée.

Les juges d’appel ont retenu « L’affirmation du prévenu qu’il n’avait jamais vu cette enveloppe est contredite par les éléments du dossier.

Il résulte, en effet, du procès-verbal 2020/84396-1 du 23 septembre 2020 que dans l’enveloppe trouvée dans la valise du prévenu se trouvaient, outre les billets falsifiés, des documents portant le nom du prévenu K).

Suivant le procès-verbal 2020/84846-4 du 2 novembre 2020 tous les trente-

huit billets de 20 euros falsifiés trouvés dans la valise et le sac à mains présentaient par ailleurs les mêmes caractéristiques.

Les enquêteurs ont ainsi noté dans leur rapport:“Die 20 Euro-Banknoten allerdings waren alle gleicher Beschaffenheit und die Fälschungsmerkmale identisch mit den Banknoten welche im vorangegangenen Bericht (2020/84846-1 du 13 octobre 2020 relatif aux billets du sac à mains) ausgewertet wurden“.

A l’instar du tribunal de première instance, la Cour d’appel arrive donc à la conclusion que, contrairement aux affirmations de K), tous les billets saisis appartenaient au prévenu.

4Quant à la question de savoir si le prévenu était au courant de la fausseté des billets, le témoin C) a déclaré aux enquêteurs que K) a fini par avouer qu’il s’agissait de faux billets et qu’il a demandé la restitution des billets de 20 euros non acceptés tout en remettant trois billets de 50 euros au réceptionniste, même si à l’audience de première instance elle a expliqué que sa remarque a été faite un peu en rigolant.

Par ailleurs, le nombre important des billets contrefaits (quarante-trois billets en tout) trouvés en la possession du prévenu et de surcroît trouvés à deux endroits différents (valise et sac à mains) sont des éléments qui sont également de nature à contredire toute possession fortuite dans le chef de K). ».

Sous le couvert des griefs tirés de la violation des dispositions visées aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve contenus au dossier répressif, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 193 du Code pénal En ce que la Cour d’appel n’a pas démontré l’existence d’une intention frauduleuse ou d’un dessein de nuire tel qu’exigée par l’article 193 du Code pénal.

En effet, en ce qui concerne l’élément matériel de l’infraction de faux et usage de faux, non contesté en l’espèce, l’article 198 du même Code prévoit que :

Quiconque aura fabriqué, contrefait, falsifié ou altéré un passeport, une demande de passeport, un certificat de nationalité, une carte d'identité, un livret ou tout autre papier de légitimation, un permis de chasse ou de pêche, un permis de conduire, un port d'arme, une autorisation de commerce, d'embauche ou tout autre permis, autorisation ou agrégation relevant de la compétence d'une autorité publique luxembourgeoise ou étrangère, ou aura fait usage d'une de ces pièces fabriquées, contrefaites, falsifiées ou altérées, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de 251 euros à 12.500 euros ou d'une de ces peines seulement ».

L’article 199bis du même Code énonce que :

Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende de 251 euros à 12.500 euros ou d'une de ces peines seulement, quiconque aura acheté, vendu, acquis ou cédé même gratuitement un passeport, une demande de passeport, un certificat de nationalité, une carte d'identité ou tout autre papier de légitimation, un permis de chasse ou de pêche, un permis de conduire, un port d'arme, une autorisation de commerce, d'embauche ou tout autre permis, autorisation ou agrégation relevant de la compétence d'une autorité 5luxembourgeoise ou étrangère, peu importe que la pièce en question soit authentique ou fausse ».

Mais en ce qui concerne l’élément moral de l’infraction de faux et usage de faux, l’article 193 du Code pénal dispose que :

Le faux commis en écritures ou dans des dépêches télégraphiques, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, sera puni conformément aux articles suivants ».

L’intention frauduleuse exigée à l’article 193 du Code pénal est un élément constitutif de l’infraction de faux et usage de faux punie par les articles 198 et 199bis du Code pénal Cette intention s’analyse dans le dessein de se procurer à soi-même ou de procurer à autrui un profit ou un avantage illicite. (Cour d’appel, 20 octobre 1988, n°271/88 VI du rôle) Pour caractériser cette infraction, il faut de demander en quoi a pu consister l’intention frauduleuse du prévenu (même arrêt précité).

A cet égard, la Cour d’appel a jugé que :

le prévenu ayant été en droit, dès la signature du contrat d'emploi, de réclamer à X, le transfert de son autorisation de commerce et X ayant disposé du droit de demander son salaire à partir du 1er novembre 1985, un tel profit ou avantage ne se conçoit guère. Quant à la question de savoir si Z a agi dans le dessein de nuire et a porté préjudice à X, la Cour doit admettre pour les raisons exposées ci-

dessus que tel n'a pas été le cas en l'espèce, étant donné d'un côté que X n'a jamais travaillé aux services de la société Z et que d'un autre côté, l'autorisation de faire le commerce accordée à cette société a par la suite été annulée ce qui a entraîné le maintien de l'autorisation de faire le commerce de X » (Même arrêt précité).

En l’espèce, le Ministère public reprochait au demandeur d’avoir fait fabriquer une fausse carte d’identité française pour obtenir un travail en Italie.

La charge de la preuve étant inversée, il appartenait au Ministère Public de prouver que le demandeur n’aurait pas pu obtenir cet avantage avec ses papiers sénégalais et donc de démontrer son intention frauduleuse, ce que le Ministère Public n’a pas fait en l’espèce.

Ainsi, en l’absence de preuve de cette intention frauduleuse, l’infraction n’est pas constituée et les infractions prévues aux articles 198 et 199bis du Code pénal ne pouvaient être retenues à la charge du prévenu.

Pourtant, la Cour a faussement déduit l’intention frauduleuse ou le dessein de nuire des seules déclarations du prévenu selon lesquelles et il souhaitait utiliser cette carte pour trouver un travail en Italie sans vérifier si ce dernier n’aurait pas pu obtenir l’avantage en question par un autre moyen.

6En l’occurrence, non seulement le demandeur pouvait en tout état de cause obtenir l’avantage en cause en utilisant ses papiers sénégalais, de sorte que l’intention frauduleuse n’est pas établie.

En statuant comme elle l’a fait, la Cour a violé l’article 193 du Code pénal. ».

Réponse de la Cour En déduisant l’intention frauduleuse du délit de faux commis dans les passeports, requise par les articles 193 et 198 du Code pénal, de l’aveu du demandeur en cassation d’avoir payé un certain montant afin « d’obtenir [une] carte d’identité contrefaite » et en retenant que l’élément moral de l’infraction était établi « dans la mesure où [le prévenu] a commandé et payé la fausse carte d’identité » dans le but de s’en servir pour trouver du travail, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, douze mai deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Nadine WALCH, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

7 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation K) / Ministère Public Affaire n° CAS-2021-00069 du registre Par déclaration faite le 24 juin 2021 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Abou BA, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de K) un recours en cassation au pénal contre un arrêt n°169/21 V rendu le 25 mai 2021 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 26 juillet 2021 du dépôt au greffe de la Cour Supérieure de Justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de K).

Le pourvoi respectant les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il est recevable en la pure forme.

Quant aux faits et rétroactes :

Par jugement n°603/21 rendu contradictoirement le 11 mars 2021 à l’encontre de K), le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a condamné K) pour avoir reçu, détenu, transporté et importé, en vue de leur mise en circulation, des faux billets, pour avoir mis en circulation, en connaissance de cause, de la monnaie contrefaite et falsifiée ainsi que du chef de tentative d’escroquerie, de blanchiment-détention, et pour avoir fabriqué, contrefait et falsifié une carte d’identité et d’en avoir fait usage ainsi que pour avoir acheté et acquis une fausse carte d’identité.

Le Tribunal condamna K) à une peine d’emprisonnement de 20 mois, dont 12 mois ont été assortis du sursis, à une amende de 1.000 euros ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale.

K) releva appel de ce jugement.

Par arrêt n°169/21 V rendu le 25 mai 2021, la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, confirma le jugement de première instance.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

8 Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » en ce que la Cour d’appel a statué sur l’affaire, sans permettre au demandeur en cassation de faire entendre sa cause équitablement et d’exercer ses droits de la défense.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe du procès équitable alors que le résultat d’un test ADN réalisé sur la deuxième enveloppe contenant de faux billets n’aurait pas été communiqué à K).

Le demandeur en cassation affirme qu’un élément de preuve n’a pas été versé au dossier et n’a partant pas pu être discuté contradictoirement ni en première instance, ni en appel.

Il échet de constater d’emblée que K) n’a pas fait état d’une atteinte à son droit à un procès équitable en instance d’appel, de sorte qu’il s’agit d’un moyen nouveau.

Le demandeur en cassation reste par ailleurs en défaut de préciser en quoi la décision de la Cour d’appel devant laquelle il a exposé tous ses moyens de défense aurait concrètement porté atteinte à son droit à un procès équitable.

K) fait état de résultats d’un test ADN qui aurait été effectué le 23 octobre 2020 sur sa personne ainsi que d’une analyse des billets à laquelle le jugement de première instance du 11 mars 2021 et l’arrêt du 25 mai 2021 auraient fait référence et lesquels n’auraient pas été versés au dossier.

Il résulte du dossier répressif qu’aucune expertise génétique n’a été réalisée dans le présent dossier ni sur les faux billets, ni sur les enveloppes contenant les faux billets et qu’aucune expertise génétique n’a été demandée par K) tout au long de la procédure.

L’analyse des faux billets à laquelle le demandeur en cassation fait référence est une analyse matérielle, et non pas génétique, des faux billets réalisée par la Police Grand-

Ducale dans son procès-verbal n°JDA/SPJ-CB/-CG/2020/84846-4/RETO du 2 novembre 2020.

Il ressort du dossier répressif1 que ledit procès-verbal fait partie intégrante du dossier répressif communiqué à Maître MBONYUMUTWA, mandataire de K).

Il est vrai qu’un échantillon d’ADN a été pris sur la personne de K) en date du 23 septembre 2020 par le 1er commissaire Michel HEISBOURG mais aucune expertise 1 c.f. pièce annexée aux présentes conclusions, relevé des documents du dossier répressif communiqués à Maître MBONYUMUTWA 9d’exploitation ou de comparaison de cet échantillon d’ADN n’a été requise par le Parquet, ni ordonnée par le Juge d’instruction, ni même sollicitée par le prévenu.

Le Parquet ne pouvait dès lors pas verser une expertise génétique inexistante et les juges d’appels ne se sont pas basés sur des éléments de preuve non versés au débat pour asseoir leur décision, contrairement aux affirmations du demandeur en cassation.

Le premier moyen de cassation est dès lors non seulement imprécis mais manque également en fait et ne saurait partant être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 6 §3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » en ce que la Cour d’appel a statué en l’absence des résultats du test ADN, les juges d’appel n’ayant ainsi pas offert à K) les garanties suffisantes tenant à un procès équitable telles que prévues par l’article 6 §1 et §3 de la CEDH.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu sa culpabilité en prenant en compte la seconde enveloppe, alors que les résultats du test ADN n’ont jamais été communiqués.

Le demandeur en cassation de dire qu’à défaut de résultat du test ADN, la propriété de cette enveloppe ne peut être établie.

Tel qu’indiqué antérieurement, aucune expertise génétique n’a été réalisée sur la seconde enveloppe dont fait état le demandeur en cassation et aucune expertise génétique n’a jamais été sollicitée par le demandeur en cassation.

Le moyen manque partant en fait pour autant qu’il reproche aux juges d’appel une violation de l’article 6 §3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme alors que le demandeur n’aurait pas pu valablement préparer sa défense en raison de la non-

communication d’un élément de preuve, à savoir le test ADN invoqué par le demandeur en cassation, qui est cependant inexistant et ne pouvait donc pas être communiqué.

A titre subsidiaire, et pour autant que Votre Cour ne retienne pas que le deuxième moyen manque en fait, il y a lieu de constater que la Cour d’appel a retenu quant à cette seconde enveloppe que « Concernant la deuxième enveloppe, contenant vingt-deux billets de 20 euros et cinq billets de 50 euros, trouvée dans la valise de K), son mandataire a invoqué une « irrégularité » de la fouille. Il n’en a cependant tiré aucune conséquence 10juridique et il n’a pas non plus intenté de recours dans le délai prévu par la loi, de sorte que ce moyen est à rejeter.

L’affirmation du prévenu qu’il n’avait jamais vu cette enveloppe est contredite par les éléments du dossier.

Il résulte, en effet, du procès-verbal 2020/84396-1 du 23 septembre 2020 que dans l’enveloppe trouvée dans la valise du prévenu se trouvaient, outre les billets falsifiés, des documents portant le nom du prévenu K).

Suivant le procès-verbal 2020/84846-4 du 2 novembre 2020 tous les trente-huit billets de 20 euros falsifiés trouvés dans la valise et le sac à mains présentaient par ailleurs les mêmes caractéristiques.

Les enquêteurs ont ainsi noté dans leur rapport: « Die 20 Euro-Banknoten allerdings waren alle gleicher Beschaffenheit und die Fälschungsmerkmale identisch mit den Banknoten welche im vorangegangenen Bericht (2020/84846-

1 du 13 octobre 2020 relatif aux billets du sac à mains) ausgewertet wurden ».

A l’instar du tribunal de première instance, la Cour d’appel arrive donc à la conclusion que, contrairement aux affirmations de K), tous les billets saisis appartenaient au prévenu. ».

Les juges d’appel ont partant conclu que cette seconde enveloppe appartenait à K) étant donné que l’enveloppe contenait des documents personnels du prévenu et que les faux billets de cette seconde enveloppe avaient les mêmes caractéristiques que les faux billets saisis dans le sac-à-main du prévenu.

Sous le couvert de la violation de l’article 6 §3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le moyen ne tend en réalité qu’à remettre en cause l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve du dossier répressif ; appréciation qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe partant au contrôle de Votre Cour.

Il en suit que le deuxième moyen de cassation ne saurait être accueilli.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la « violation l’article 193 du Code pénal » en ce que la Cour d’appel n’a pas démontré l’existence d’une intention frauduleuse ou d’un dessein de nuire tel qu’exigé par l’article 193 du Code pénal.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir retenu dans les liens des infractions aux articles 198 et 199 bis du Code pénal alors que l’intention frauduleuse, élément constitutif de ces infractions, n’était pas établie dans son chef.

11Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir faussement déduit l’intention frauduleuse ou le dessein de nuire des seules déclarations du prévenu selon lesquelles il souhaitait utiliser la fausse carte d’identité pour trouver un travail en Italie sans vérifier si ce dernier n’aurait pas pu obtenir l’avantage en question par un autre moyen.

La Cour dans son arrêt du 25 mai 2021 retient que « La juridiction de première instance est encore à confirmer par adoption de ses motifs en ce qu’elle a retenu K) dans les liens des infractions de fabrication, d’usage et d’acquisition de la fausse carte d’identité, infractions prévues par les articles 198 et 199bis du Code pénal.

En effet, la carte d’identité française sur lequel figure une photographie du prévenu est un des documents officiels visés par les articles 198 et 199bis du Code pénal.

Il résulte encore des vérifications effectuées par la Police grand-ducale UPA, section Expertise Documents du 1er octobre 2020 que la carte d’identité française saisie constitue un faux intégral.

Le prévenu est en aveu d’avoir remis à une personne, non autrement identifiée, une copie de son passeport et deux photos d’identité afin d’obtenir cette carte d’identité contrefaite. Il a expliqué qu’il a payé pour ce service deux cents euros.

La Cour d’appel rejoint également l’appréciation des juges de première instance que la fausseté de ce document n’était pas détectable à première vue, même s’il indiquait l’adresse 55, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, qui est l’adresse du Palais de l’Elysée, fait qui peut être ignoré par les personnes qui n’ont pas la nationalité française, respectivement, par les personnes se trouvant au Luxembourg.

L’intention frauduleuse du prévenu est établie dans la mesure où il a commandé et payé la fausse carte d’identité.

Tout comme le ministère public la Cour d’appel conclut des éléments du dossier que la version actuelle du prévenu suivant laquelle il a acquis cette carte pour « frimer » n’est guère crédible alors qu’il aurait pu indiquer cela dès le début et que la vraie raison de son acquisition est à rechercher dans le fait que K) avait l’intention de l’utiliser pour trouver un travail en Italie comme ce dernier l’avait expliqué aux policiers et au juge d’instruction. »2.

La conclusion des juges du fond qu’il est établi que le demandeur en cassation a en l’espèce agi dans une intention frauduleuse procède de leur analyse des éléments du dossier répressif.

2 Cour d’appel, arrêt n°169/21 V du 25 mai 2021, p.23 12 Sous le couvert de la violation de l’article 193 du Code pénal, le troisième moyen de cassation ne tend également qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des faits et éléments de preuve leur soumis, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de Votre Cour.

Le troisième moyen de cassation ne saurait partant être accueilli.

Conclusion :

- Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Elisabeth EWERT 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 66/22
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-05-12;66.22 ?

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