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03/05/2022 | LUXEMBOURG | N°46893C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 03 mai 2022, 46893C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46893C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46893 Inscrit le 12 janvier 2022

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Audience publique du 3 mai 2022 Appel formé par Monsieur (P), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 décembre 2021 (n° 44810 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière d’agrément

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ªte d’appel, inscrite sous le numéro 46893C du rôle, déposée au greffe de la Cour admi...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46893C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46893 Inscrit le 12 janvier 2022

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Audience publique du 3 mai 2022 Appel formé par Monsieur (P), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 décembre 2021 (n° 44810 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière d’agrément

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 46893C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 2022 par Maître Maria MUZS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (P), demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 10 décembre 2021 (n° 44810 du rôle) l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) du 13 mai 2020 portant retrait de son agrément en tant que dirigeant d’un fonds d’investissement spécialisé ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilles HOFFMANN, demeurant à Luxembourg, du 25 janvier 2022, portant signification de ladite requête à la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représentée par son comité de direction en fonction, inscrit au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 février 2022 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Virginie VERDANET, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Commission de Surveillance du Secteur Financier :

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 21 mars 2022 par Maître Maria MUZS au nom de Monsieur (P) ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 avril 2022 par Maître Albert RODESCH, assisté de Maître Virginie VERDANET, au nom de la Commission de Surveillance du Secteur Financier :

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

1 Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 avril 2022.

Par décision du 13 mai 2020, la Commission de Surveillance du Secteur Financier, ci-après désignée par « CSSF », informa Monsieur (P) qu’il ne remplissait plus les conditions d’honorabilité des dirigeants de fonds d’investissement spécialisés pour une durée de 4 ans, conformément à l’article 42, paragraphe (3), de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissements spécialisés.

Contre cette décision, Monsieur (P) fit introduire le 6 août 2020, sous le numéro 44810 du rôle, un recours en réformation sinon en annulation devant le tribunal administratif. La requête introductive de première instance fut signifiée, par exploit d’huissier, à la CSSF en date du 24 septembre 2020.

Le 7 octobre 2020, il fit encore déposer devant le tribunal administratif une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai lui imparti pour procéder à la signification de son recours contentieux du 6 août 2020 à la CSSF, sinon au relevé de forclusion du délai de recours de trois mois contre ladite décision du 13 mai 2020.

Par jugement du 30 octobre 2020 (n° 45069 du rôle), le tribunal se déclara matériellement incompétent pour connaître de la demande en relevé de déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour la signification à la CSSF du recours en réformation, sinon en annulation de la décision du 13 mai 2020 à cette dernière, à partir du dépôt au greffe du tribunal administratif dudit recours, et déclara la demande en relevé de forclusion du délai de recours de trois mois contre ladite décision irrecevable au motif qu’un recours contentieux avait été déposé dans les délais légaux.

Par jugement du 10 décembre 2021, le tribunal administratif déclara caduc le recours introduit sous le numéro 44810 du rôle.

Le tribunal retint, en application des dispositions de l’article 4, paragraphe (2), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », prévoyant que la partie demanderesse doit faire signifier la requête introductive d’instance à la partie défenderesse dans le délai d’un mois sous peine de caducité, que le recours avait été signifié en dehors du délai légal d’un mois et que les problèmes de santé et personnels du litismandataire du demandeur n’étaient pas de nature à invalider le constat de caducité.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 2022, Monsieur (P) a régulièrement entrepris ce jugement du 10 décembre 2021 dont il demande la réformation dans le sens de voir déclarer son recours initial recevable et fondé en vue de voir réformer, sinon annuler la décision litigieuse de la CSSF du 13 mai 2020.

A l’appui de son appel, il fait état des problèmes personnels et de santé de son litismandataire qui auraient empêché ce dernier à signifier la requête introductive de première instance dans le délai légal imparti à la CSSF, tout en soutenant que l’incapacité de travail due 2à la maladie de son avocat, exerçant de surcroît à titre individuel, constituerait un cas de force majeure qui devrait permettre de suspendre le délai de signification du recours pendant son congé de maladie du 8 août 2020 jusqu’au 23 septembre 2020, en se prévalant notamment de dispositions du Code civil français et de la jurisprudence française.

Dans son mémoire en réponse, la CSSF sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris, estimant que les premiers juges ont déclaré le recours à juste titre caduc.

En termes de réplique, l’appelant conteste toute omission de signification de la requête introductive de première instance de la part de son mandataire, en insistant sur l’incapacité de travail de ce dernier et donc sur son incapacité à agir. Il soutient que la maladie de son mandataire dûment justifiée devrait être prise en compte pour déclarer le recours recevable et lui permettre ainsi un droit d’accès à la justice et un droit à un procès équitable, consacrés par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, ci-après « CEDH », ainsi qu’un droit à un recours effectif, consacré par l’article 13 de la même Convention et par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après « Charte » et par l’article 19 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Dans son mémoire en duplique, la CSSF insiste sur le caractère automatique de la sanction de la caducité et sur le fait que le recours aurait été introduit dans le délai légal, de sorte que l’on ne serait pas en présence d’une impossibilité mais d’une omission d’agir dans le chef du litismandataire qui aurait pu faire signifier le recours concomitamment au dépôt du recours introductif d’instance en date du 6 août 2020. Et même à supposer qu’une incapacité de travail du litismandataire puisse constituer un fait de nature à empêcher l’écoulement du délai pour signifier le recours, ce serait à juste titre que les premiers juges ont retenu que seul un certificat médical du 2 septembre 2020 aurait été versé en cause et qui renseignerait un arrêt de travail du 2 au 23 septembre 2020, de sorte qu’aucun obstacle aurait empêché le litismandataire à faire signifier le recours dans le délai légal. Elle conclut encore au rejet de l’argumentation fondée sur les articles 6 § 1 et 13 de la CEDH et 47 de la Charte, en soutenant que ces dispositions seraient respectées en l’espèce.

Aux termes de l’article 4 de la loi du 21 juin 1999 :

« (1) Sous réserve du paragraphe 2, le requérant fait signifier la requête à la partie défenderesse et aux tiers intéressés, à personne ou à domicile, par exploit d’huissier, dont l’original ou la copie certifiée conforme est déposé sans délai au greffe du tribunal. L’affaire n’est portée au rôle qu’après ce dépôt.

(2) Faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc. ».

Les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que la caducité est une sanction automatique impliquant qu’aucune cause de justification ne peut être invoquée par le demandeur à son manquement. Ainsi, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation pour mettre en œuvre la caducité qui devient la conséquence nécessaire de la carence des parties. Le juge ne peut qu’apprécier l’existence des conditions de mise en œuvre de la caducité, comme le défaut de signification dans les délais, et il doit alors constater la caducité.

3En l’espèce, il est constant que le recours déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2020 n’a été signifié à la CSSF qu’en date du 24 septembre 2020, soit postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois prévu à l’article 4 précité de la loi du 21 juin 1999.

C’est partant à bon droit que les premiers juges ont constaté la caducité du recours initial à défaut de signification à la CSSF de la requête introductive de première instance dans le délai d’un mois à partir du dépôt du recours au greffe du tribunal administratif.

C’est encore à juste titre que les premiers juges n’ont pas accueilli l’argumentation de l’appelant actuel fondée sur un prétendu cas de force majeure lié à l’état de maladie de son litismandataire ayant empêché ce dernier à procéder à la signification de la requête introductive d’instance dans le délai légal, dès lors que, comme cela a été rappelé ci-dessus, la sanction de la caducité est automatique et qu’elle ne saurait être évitée pour quelle que cause que ce soit.

L’argumentation de l’appelant soulevée en instance d’appel en ce que les principes du respect du droit d’accès au juge, du droit à un recours effectif et du droit à un procès équitable seraient méconnus à travers la caducité de son recours, telle que retenue par les premiers juges, ne saurait pas non plus valoir, étant donné que l’appelant disposait en l’espèce d’une voie de recours effectif, telle que prévue par la loi précitée du 13 février 2007. Si la disposition de l’article 4 de la loi du 21 juin 1999, en ce qu’elle prévoit un délai particulier pour la signification de la requête introductive d’instance à la partie défenderesse, vient certes limiter le droit d’accès à un tribunal, elle est toutefois justifiée par les nécessités de préserver la sécurité juridique et n’affecte pas la substance du droit au recours.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours caduc.

L’appel laissant partant d’être fondé, il est à rejeter et le jugement entrepris est à confirmer.

En ce qui concerne la demande formulée par l’appelant au dispositif de sa requête d’appel de voir ordonner l’effet suspensif du recours de première instance pendant le délai et l’instance d’appel sur la base de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, elle est à rejeter, étant donné qu’elle ne trouve pas application devant la Cour administrative.

Au vu de l’issue du litige, la demande de Monsieur (P) tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …,- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

Concernant la demande de la CSSF tendant à se faire allouer une indemnité de procédure de …,- euros, cette demande est également à rejeter, les conditions légales pour l’octroi d’une telle indemnité n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare l’appel recevable ;

4au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

confirme le jugement entrepris du 10 décembre 2021 ;

rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure de Monsieur (P) et de la CSSF ;

rejette la demande de l’appelant fondée sur l’article 35 de la loi du 21 juin 1999 ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

… CAMPILL 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46893C
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-05-03;46893c ?

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